Étude originale

Urbanisation en périphérie de Meknès (Maroc) et devenir des terres agricoles : l'exemple de la coopérative agraire Naïji

Élodie Valette1 2 Résumé Jean-Pierre Chery ´ ´ ´ 3,4 L’article presente et analyse les changements de l’usage du sol en peripherie urbaine de Marta Debolini Mekne`s au Maroc, dans un contexte de consommation de terres agricoles pourtant 1 Judicaël Azodjilande re´pute´es fertiles et productives. La question de la pre´servation des terres agricoles situe´es a` 1 Marie Franc¸ois proximite´ du front d’urbanisation, si elle a e´te´ identifie´e par les pouvoirs publics au Maroc, 5 Mohamed El Amrani qu’ils soient nationaux ou locaux, n’est pas une pre´occupation premie`re de l’action 1 Cirad publique, davantage centre´e sur le de´veloppement e´conomique et le logement des plus UMR TETIS de´munis. A` Mekne`s, dans un contexte foncier complexe, la croissance urbaine s’ope`re sur TA-C-91/MTD des terres de haute qualite´ agronomique, au sein d’un marche´ tre`s spe´culatif. En guise F-34398 Montpellier cedex 5 d’illustration, l’article pre´sente le cas particulier de la coope´rative de la re´forme agraire France Naı¨ji et des strate´gies foncie`res de ses agriculteurs. Mots cle´s:agriculture urbaine ; Maroc ; politiques foncie`res ; urbanisation ; usage du sol. The`mes : e´conomie et de´veloppement rural ; territoire, foncier, politique agricole 2 AgroParisTech UMR TETIS et alimentaire. Maison de la Tel ed etection 500 rue Jean-Franc¸ois Breton Abstract F-34000 Montpellier Urbanization of the peripheral areas of Meknès () and the conversion of France agricultural land: Case study of the Naïji agricultural cooperative 3 Inra This paper presents and analyses land use changes in the periurban areas of , UMR 1114 EMMAH INRA – UAPV Morocco, focusing on disappearing fertile and productive farmland. Although identified by Domaine St Paul Site Agroparc the Moroccan public policies, the concern for periurban farmland protection is not the F-84914 Avignon cedex 9 government’s first priority. It remains behind economic development and housing of low- France incomes. In Meknes, where land tenure remains very complex, urban growth is impacting high-quality-soil farmland while the land market is characterised by increasing farmland 4 Istituto di Scienze della Vita values and weak public policy regulation. As an example, this paper focuses on the case Scuola Superiore Sant'Anna study of the Naı¨ji cooperative stemming from the land reform and on the land strategies of Via Santa Cecilia 3 56127 Pise the farmers. Italie Key words: land policy; land use; Morocco; urban agriculture; urbanization. 5 École nationale d'agriculture de Meknès Km 10 Subjects: economy and rural development; territory, land use, agricultural and food Route Haj Kaddour production policy. BP S/40 Meknes Maroc es enjeux de pre´servation des constituent ainsi des re´serves foncie`- terres agricoles sont particulie`- res pour la croissance urbaine (Jouve L rement vifs sur la rive sud de la et Padilla, 2007) et les pe´riphe´ries des Me´diterrane´e, ou` les espaces agricoles grandes villes apparaissent comme les et forestiers les plus productifs sont fronts d’urbanisation les plus dynami- situe´s au sein d’espaces de plaine ques (Cattedra, 2010). favorables a` l’urbanisation (Paillard Le Maroc, au sein du , est le et al., 2010). Ces terres agricoles pays ou` le monde rural et l’agriculture

Pour citer cet article : Valette É, Chéry JP, Debolini M, Azodjilande J, François M, El Amrani M, Tirés à part : É. Valette 2013. Urbanisation en périphérie de Meknès (Maroc) et devenir des terres agricoles : l'exemple de la coopérative agraire Naïji. Cah Agric 22 : 535-43. doi : 10.1684/agr.2013.0656 doi: 10.1684/agr.2013.0656

Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 535 occupent la place la plus importante libe´ration du foncier et d’analyser d’usage du sol et de l’impact de la (Hervieu et al., 2006), avec 33 % de leurs effets en pe´riphe´rie urbaine a` pression urbaine sur les strate´gies des l’emploi en 2006 (FAOSTAT). Ce pays travers l’exemple de Mekne`s. Cette agriculteurs. Ces changements et leur s’efforce de pre´server ce qui est agglome´ration de 599 555 habitants analyse font l’objet de la troisie`me pre´sente´ comme une force en meˆme en 2004 a une population estime´e partie de cette e´tude. temps qu’un ferment de l’identite´ aujourd’hui a` pre`s de 750 000 habi- nationale, dans un contexte marque´ tants. Situe´e au nord-est du pays, par une urbanisation croissante Mekne`s pre´sente un inte´reˆt particulier comme dans nombre de pays du pour l’e´tude : elle est d’abord consi- Consommation Sud. Le rythme de croissance urbaine, de´re´e comme l’un des principaux s’il a connu un infle´chissement au poˆles agricoles du Maroc. Elle a par des terres agricoles cours des dernie`res anne´es, est estime´ ailleurs connu un e´talement urbain a` 2,1 % pour la pe´riode 1994-2004 et marque´ pendant les dernie`res anne´es. à Meknès : la part de la population urbaine a` Pour cela, nous montrons dans une 60 % en 2009. Ainsi, le territoire a e´te´ premie`re partie les re´sultats d’une analyse satellitaire et marque´ par une extension des villes, analyse diachronique de l’usage du et notamment des grandes me´tropoles sol a` Mekne`s, afin de de´gager les dynamiques spatiales comme Casablanca, depuis les anne´es principales formes et dynamiques de 1960. En re´ponse a` une demande l’urbanisation affectant les terres agri- Le constat d’une consommation des croissante de logements, le processus coles. Dans une deuxie`me partie, nous terres agricoles situe´es en pe´riphe´rie de croissance urbaine, qu’il proce`de centrons l’analyse sur le devenir des urbaine se heurte souvent a` une de constructions le´gales ou ille´gales, terres collectives des coope´ratives de incapacite´ a` quantifier et a` qualifier s’est accru et la concurrence entre la re´forme agraire, issues de la redis- la forme de ce changement d’usage du pe´rime`tres urbains et espaces agrico- tribution du patrimoine foncier re´cu- sol. L’e´tude mene´ea` Mekne`s a ainsi les s’est exacerbe´e. Le rythme d’arti- pe´re´ a` l’Inde´pendance (Korachi ne´cessite´ en premier lieu un diagnostic ficialisation des terres est relativement Taleb, 1998). Bien que celles-ci, et quantitatif. e´leve´1, la superficie totale des terres notamment celles qui sont situe´es a` Le travail a consiste´ en la re´alisation agricoles consomme´es par l’urbanisa- proximite´ de la ville aient longtemps d’une cartographie par te´le´de´tection tion e´tant e´value´ea` l’horizon 2025 constitue´ un frein a` l’urbanisation, du de l’occupation et de l’utilisation du a` pre`s de 90 000 hectares, avec un fait de leur statut collectif, celles-ci sol de la zone de Mekne`sa` deux dates rythme moyen d’environ 4 500 hecta- sont depuis 2005 touche´es par de (2001 et 2011), suivie d’une analyse de res par an (INAU, 2005). fortes transformations foncie`res a` la l’e´volution spatiale de l’occupation Ainsi, l’action du gouvernement maro- faveur de l’application de la loi dite de du sol entre ces deux dates. La cain semble s’inscrire dans une diffi- la mainleve´e, permettant aux agricul- te´le´de´tection est une me´thodologie cile contradiction, observable dans teurs be´ne´ficiaires des terres des performante pour l’analyse des dyna- d’autres contextes nationaux, au Nord coope´ratives de devenir proprie´taires miques spatiales de changements comme au Sud (Elloumi et al., 2011). en melk, proprie´te´ prive´e de droit d’usage de sol, qu’il s’agisse de la D’une part, l’agriculture est de´finie musulman. S’inscrivant dans le droit-fil de´tection des dynamiques agricoles comme priorite´ nationale, de longue des pre´conisations des institutions (Martı´nez et Mollicone, 2012)oude date, et le gouvernement s’efforce de internationales et des principaux bail- l’e´valuation spatiale des conversions soutenir et prote´ger l’activite´ agricole, leurs de fonds, reposant sur la convic- des sols agricoles/urbains (Dupuy ce dont te´moigne notamment le Plan tion d’un lien de causalite´ direct entre et al., 2012). En outre, le recours a` Maroc Vert (PMV), nouvelle strate´gie accession a` la proprie´te´ prive´e, inten- des images satellitaires s’est ave´re´ agricole lance´e en 2008 (ministe`re de sification agricole et de´veloppement particulie`rement adapte´ dans ce cas l’Agriculture, 2008 ; Akesbi, 2012). (Chauveau, 2007), ce dispositif a e´te´ d’e´tude ou` les informations spatiali- D’autre part, une autre priorite´ natio- mis en place dans le contexte d’une se´es disponibles sur le terrain sont peu nale, celle du logement, particulie`re- politique e´conomique libe´rale pour nombreuses et non exhaustives. ment mise en avant depuis le de´but favoriser les investissements et l’inten- Le choix des images a releve´ de des anne´es 2000 conduit a` la mise sification agricoles, face au constat plusieurs options me´thodologiques. en place de dispositifs en faveur d’un certain immobilisme des syste`- En premier lieu, le choix de la de´cennie de l’urbanisation des pe´riphe´ries mes de production et des pratiques 2001-2011 permet d’aborder des chan- des villes, au de´triment des terres agricoles dans le contexte des gements re´cents et lie´sa` l’introduction agricoles. coope´ratives. Il a certes favorise´ la de dispositifs re´glementaires ayant un L’objectif de cet article est de s’inter- transformation de certains syste`mes de impact sur les formes et l’ampleur de roger sur l’impact sur les terres production, mais aussi la vente et l’urbanisation, tels la de´rogation ou la agricoles des politiques publiques de l’achat de terres, et contribue aujour- re´forme de la mainleve´e, conside´re´s d’hui au mitage de l’espace rural plus loin. D’autre part, cette pe´riode

1 pe´riphe´rique. L’exemple des transfor- permet de disposer d’images a` haute et Pour une mise en perspective, notons qu’en mations de l’usage du sol dans la tre`s haute re´solutions spatiales, assu- France, la surface d’artificialisation des terres a` usage agricole e´tait, entre 2006 et 2009, de coope´rative de Naı¨ji, commune rurale rant une qualification plus aise´e des 93 000 hectares par an en moyenne (ministe`re de , permet de rendre compte types d’occupation du sol, une ve´rifica- de l’Agriculture, Agreste Primeur, 2010). de ces dynamiques de concurrences tion sur le terrain permettant de valider

536 Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 100 km Tanger

Kénitra Salé Fès

Casablanca MEKNES

Population (2010) 3 350 000

Marrakech 646 000

Occupation du sol (2011) Espace bâti Autres Céréaliculture et sols nus agricoles Arboriculture Maraîchage et fourrage Sols nus Forêt Végétation naturelle N Eau

Communes 0 5 Pas de données disponibles Km Autoroute Routes principales Autres routes Sources : (c) CNES 2010-2011, ANCFCC Réalisation : J. Azodjilande, J.-P. Chéry

Figure 1. Occupation du sol en 2011 dans la commune de Meknès et les communes périphériques.

Figure 1. Land use in 2011 in Meknes and peripheral municipalities. la dernie`re anne´e. Les variations 260 points de controˆle acquis sur le progresse´ d’un tiers, passant de 3 084 a` phe´nologiques et les changements terrain par releve´s GPS3, validation 4 087 hectares, soit un taux annuel intersaisonniers ont e´te´ pris en compte montrant un niveau e´leve´ de pre´cision moyen de variation de + 2,86 % (envi- par le choix de deux images par anne´e globale (91 %). Cette validation a ron 100 hectares par an). Parmi toutes retenue. Enfin, l’utilisation des deux permis de produire la carte des usages les zones de changement, celles mon- modes d’acquisition des images pour du sol pour 2011 (figure 1). L’analyse trant un passage de l’agricole vers une meˆme date a e´te´ privile´gie´e : mode des changements, a` partir des deux l’urbain ou vers du sol nu ont e´te´ panchromatique, adapte´ a` la descrip- cartes d’usage de sol avec la classifica- isole´es et sont visibles sur la figure 3 :la tion des formes spatiales graˆce a` la fine tion simplifie´e(figure 2), est pre´sente´e plupart des surfaces urbanise´es ou en re´solution disponible, et mode multi- en termes de surfaces par classe phase d’urbanisation sont localise´es spectral, adapte´ a` la description des d’usage des sols dans le tableau 1, autour du centre-ville, et en particulier types et natures des surfaces. D’autres sous la forme d’une matrice de transi- dans la frange ouest de la ville, concer- crite`res ont e´te´ enfin conside´re´spour tion entre 2001 et 2011. nant principalement la partie sud-ouest chaque sce`ne : faible couverture de Dans l’espace retenu pour l’analyse4, de la commune de Mekne`s ainsi que nuage, angle d’acquisition et ge´o- 2,4 % des zones agricoles caracte´rise´es la commune de Majjate, lie´es a` la re´fe´rencement. en 2001 e´taient urbanise´es en 2011, construction d’un centre commercial, Le traitement et la classification des tandis qu’un pourcentage plus e´leve´ et plus re´cemment a` la re´alisation de images ont e´te´ re´alise´s selon la (6,1 %) e´tait passe´ dans la cate´gorie de nouveaux programmes de logements me´thode de la classification oriente´e sols nus, changement qui peut eˆtre sociaux. Dans le meˆme temps, sont objet, me´thode conside´re´e comme la conside´re´ comme la premie`re e´tape identifie´s des axes d’urbanisation prin- plus adapte´e pour l’analyse satellitaire dans le processus d’urbanisation. cipaux, correspondant, d’une part, a` de territoires complexes comme les En une de´cennie, l’espace urbanise´ a la route nationale reliant Mekne`set territoires pe´riurbains (Forster et al., le Sud du Maroc, appele´e « la route 2009). Les informations recueillies ont du de´sert », et, d’autre part, a` la route 2 e´te´ comple´te´es par des donne´es SIG 3 GPS : Global Positioning System. nationale joignant Mekne`setFe`s, les (limites administratives, re´seau routier, 4 L’emprise des images satellitaires, centre´e sur deux principales villes de la re´gion hydrographie) issues de bases open la ville de Mekne`s, ne se superpose pas Mekne`s-Tafilalet. Dans ce dernier cas, source. Enfin, une validation des re´sul- exactement avec les unite´s territoriales utilise´es les constructions sont lie´es surtout a` la tats a e´te´ effectue´e selon une se´rie de dans la suite de l’e´tude. L’occupation du sol a re´alisation du nouveau centre urbain donc e´te´ e´tudie´e seulement dans les dix de , en partie sur des terres communes de l’agglome´ration de Mekne`s, dont 5 deux sont en partie couvertes par cette collectives appartenant a` la tribu guich 2 SIG : syste`me d’information ge´ographique. information. de .

Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 537 Dar Oum Dkhissa Soltan

Ouislane Évolution de l’espace bâti Extension du bâti entre 2001 et 2011 Bâti existant en 2001 Meknès Aït Oualal Autres types artificialisés Sidi Slimane Communes Moul Kifane Pas de données disponibles

Axes principaux d’urbanisation

Majjate N

0 5 Km Boufekrane Sources : (c) CNES 2010-2011, ANCFCC Réalisation : J. Azodjilande, J.-P. Chéry

Figure 2. Évolution de l'espace bâti entre 2001 et 2011 et principaux axes de l'urbanisation.

Figure 2. Artificial surface changes (2001-2011) and the main orientations of urbanization.

Une analyse plus qualitative sur les Dkhissa, au nord, voient peut eˆtre leur agricoles re´pute´es fertiles dans cette formes spatiales des changements a situation d’accessibilite´ plus difficile, en plaine du Saı¨s. Diffe´rents e´le´ments e´te´ e´galement effectue´e. Une analyse contrebas de l’escarpement de Mekne`s, permettent de mettre en perspective radiale a permis d’e´tablir des gradients jouer un roˆle de frein dans l’urbanisa- les donne´es pre´sente´es dans cette d’e´volution de surfaces construites tion (a` part la partie sud-est de Dhkissa, premie`re partie : ils ont trait au selon la distance depuis le centre-ville proche de Ouislane), tandis que contexte re´glementaire relatif a` l’urba- de Mekne`s et des gradients d’e´volution Majjate et Sidi Slimane Moul Kifane, nisme, ainsi qu’a` la structure et a` la de surfaces agricoles. Entre les deux sur la plaine du Saı¨s, n’ont que l’auto- spe´cificite´ du foncier agricole maro- dates, les terres agricoles sont consom- route comme frein a` l’expansion cain et meknassi. me´es pour l’urbanisation de manie`re urbaine. Concernant l’e´volution des En premier lieu, la pre´servation des tre`s contraste´e selon les communes, formes de croissance du baˆti, une terres agricoles vis-a`-vis de l’urbanisa- pour lesquelles la position relative analyse de la typologie texturale du tion n’est pas la pre´occupation au centre de Mekne`s est un facteur baˆti montre que 20 % des nouvelles premie`re des politiques publiques e´videmment tre`s fort : en dix ans, c’est constructions en 2011 peuvent eˆtre marocaines. Ancienne, la crise du la commune de Ouislane qui a eu conside´re´s comme relevant d’une logement se prolonge au de´but du e le transfert des terres agricoles vers densification du tissu urbain existant, XXI sie`cle : le besoin en logements l’urbain le plus e´leve´ (26,1 %), suivie de par « infiltration » dans les interstices est mal couvert, notamment pour les Mekne`s (22 %), Boufekrane (10,4 %) et disponibles. La tre`s grande majorite´ populations a` faibles revenus. L’exode Toulal (7 %). Hormis Boufekrane, qui (80 %) de la progression du baˆti est rural, bien que moins intense que apparaıˆt comme un centre urbain ainsi caracte´rise´e par une extension post-Inde´pendance, est e´value´ a` en relais vers le sud, sur la marge pe´riphe´rique. 106 000 personnes par an entre 1994 de la zone intercommunale, les deux et 2004 (Recensement ge´ne´ral de la communes de Ouislane et Toulal population, 2004). Les projets de supportent une grande partie de la re´sorption des bidonvilles et quartiers pression de l’urbanisation sur l’agricul- Ressorts législatifs clandestins lance´saude´but des ture. Les autres communes, a` superficie anne´es 1980 sont revenus sur le plus grande et plus pe´riphe´riques sont de l'urbanisation devant de la sce`ne a` la faveur des moins touche´es : Dar Oum Soltan et politiques de lutte contre la pauvrete´ des terres agricoles instaure´es depuis 1998 (Le Tellier,

5 2010). La construction de logements Le statut foncier guich correspond a` des terres à Meknès sociaux est devenue l’une des priorite´s appartenant a` l’E´tat ayant e´te´ attribue´es en jouissance perpe´tuelle, par les sultans du Maroc, nationales. La mise a` disposition de a` certaines tribus, en re´compense de services La croissance urbaine de Mekne`s terres agricoles pour l’urbanisation se militaires rendus. s’ope`re ainsi au de´triment de terres justifie ainsi, meˆme si les ope´rations de

538 Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 Tableau 1. Changement d'usage du sol et évolution des surfaces entre les années 2001 et 2011. Table 1. Land use changes and surface evolution (2001-2011).

Usage du sol 2011 (ha)

Usage du sol 2001 (ha) Surfaces agricoles Espaces urbanisés Végétation naturelle Sols nus Non classé Total

Surfaces agricoles 33 263 922 564 2 286 696 37 731 Espaces urbanises 0 2 090 0 376 458 3 084 Veg etation naturelle 597 69 1 475 188 164 2 494 Sols nus 2 155 841 220 1 284 458 4 958 Non classe 271 334 45 119 1 335 1 943

Total 36 285 4 087 2 474 4 253 3 111 50 210

relogement engage´es tendent de fait a` terres agricoles, bien que peu quanti- zones forestie`res lors de la de´termina- masquer la re´cupe´ration de terrains a` fie´es (CRTS, 1998 ; INAU, 2005), est tion par le Sche´ma Directeur d’Ame´- haute valeur foncie`re et certaines pointe´e comme un proble`me re´el et le nagement Urbain (SDAU) des zones pratiques spe´culatives de la part des devenir de terres fertiles dans un nouvelles d’urbanisation ». Pour cela, autorite´s locales (Navez-Bouchanine, contexte de retour en force de la les commissions d’e´laboration des 2003). question de la se´curite´ alimentaire est SDAU ainsi que celles re´alisant ulte´- Dans ce contexte peu favorable, le sujet a` inquie´tude (Abouhani, 1996 ; rieurement les Plans d’Ame´nagement maintien de terres agricoles demeure Abis, 2010). et sie´geant pour l’attribution des permis toutefois une pre´occupation majeure. Un ensemble de lois et re`glements de construire ou de lotir comprennent Le soutien et le de´veloppement lie´sa` l’urbanisme inte`grent ainsi la obligatoirement un repre´sentant du de l’agriculture constituent l’un des pre´servation des terres agricoles. A` ministe`re de l’Agriculture a` travers autres piliers des politiques publiques l’e´chelle nationale, la loi 12/90 relative un agent de la Direction provinciale marocaines (Hervieu et al., 2006). La a` l’urbanisme stipule la ne´cessite´ de de l’agriculture (DPA) ou de l’Office consommation ou l’artificialisation des « pre´servation de terres agricoles et des re´gionaldemiseenvaleuragricole

Coopératives agricoles dont la coopératives de Naïji

Zone urbanisée en 2011

Communes Dar Oum 6 Oued Jdida Soltan Dkhissa Liste des coopératives agricoles 17 1 - Massari 2 - Sakia Hamra 5 3 - Wad Eddahab 4 - Lakbira Ouislane 16 5 - Al Widad 1 6 - Zwawqa 2 15 7 - Naïji 3 8 - Enasr Toulal 14 9 - Chorfa Meknès 13 10 - Saada 11 - Wislane Aït Oualal 12 12 - Izdihar 13 - Ettifak 4 8 14 - Fath 10 15 - Menzeh 7 11 16 - Najah 9 17 - Sidi Chellah 18 - Niya Sidi Slimane 19 - Amal 20 - Aït Chaou Majjate Moul Kifane 20 N 18 19 0 5

Boufekrane Km Sources : (c) CNES 2010-2011, ANCFCC Réalisation : J. Azodjilandem J.-P. Chéry

Figure 3. Localisation des coopératives agricoles et état de l'urbanisation en 2011.

Figure 3. Location of agricultural cooperatives and status of urbanization in 2011.

Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 539 (ORMVA). Dans le cadre d’une ces- ment de promouvoir l’investissement Sur les terres en coope´ratives agricoles sion ou d’une location de terre en acce´le´rant les proce´dures relatives localise´es dans les dix communes agricole, la commission est tenue de a` l’attribution de permis de cons- de la zone d’e´tude (repre´sentant en « veiller a` la pre´servation des terrains truire. Elle vise plus clairement a` 2008 environ 8 772 hectares), l’analyse a` hautes potentialite´sagricoles(...) de´bloquer les dossiers « en souf- des changements d’occupation du sol contre toute autre utilisation non france », le plus souvent, a` cause de concerne 6 691 hectares : en dix ans agricole ». La de´termination de ces l’incompatibilite´ avec les dispositions (2001-2011), les surfaces agricoles et terres a` « haute potentialite´ », pas des documents d’urbanisme. Elle per- les sols nus associe´s sont passe´es de 99 seulement motive´e par la proble´ma- met ainsi la construction de logements a` 98,2 % de la superficie totale de ces tique de l’urbanisation, fait l’objet en pe´riphe´rie urbaine dans des coope´ratives, tandis que les espaces d’une e´tude mene´e depuis 1988 par contextes re`glementaires pourtant urbanise´s passaient de 29 a` 85 hecta- l’Inra marocain et visant a` cartogra- initialement de´favorables. Nombre res. La coope´rative de Sidi Slimane phier la valeur agricole des terres, et d’acteurs locaux, implique´sdansles Moul Kifane, au sud-est du terrain ce, sur l’ensemble du Maroc (Osghiri de´cisions d’urbanisme et membres militaire de Mekne`s, repre´sente le et al.,2005). Elle n’est pas encore des commissions de de´rogation, font tiers de ces changements ; elle rejoint e´labore´e pour la ville de Mekne`s. partie du jeu de spe´culation foncie`re. ainsi la coope´rative agricole de Naı¨ji A` Mekne`s, la question de la pre´serva- A` Mekne`s, comme ailleurs au Maroc, comme coope´rative a` l’emprise urba- tion des terres agricoles est bien l’usage de la de´rogation, loin d’eˆtre nise´e notable. pre´sente dans l’e´laboration et le suivi exceptionnel, est devenue la re`gle, De´rogation et mainleve´e ont permis la des documents de planification et « moyen re´gulateur des infractions libe´ration acce´le´re´edeterresagrico- d’urbanisme. Le SDAU de 1992, valide´ urbanistiques »(Agence urbaine les pour l’urbanisation. Ces dispositifs en 2001, inte`gre ainsi une zone dite Mekne`s, 2005). Si la de´rogation a ont e´te´ saisis principalement par « d’agriculture intensive », qui corres- permis de de´bloquer des projets les acteurs de la promotion urbaine, pond a` une vaste ceinture verte au sud d’investissement, ses effets ne´gatifs dans une dynamique de construction de la ville. Il planifie l’extension sont nombreux. D’une part, chaque de´passant les besoins en logement urbaine dans des limites pre´cises et projet de de´rogation e´tant e´tudie´ de identifie´s pour Mekne`s(Observatoire oriente l’urbanisation vers les zones manie`re isole´e, on constate une forme re´gionaldel’habitat,2008). La pres- agricoles les moins productives. L’urba- de mitage de l’espace rural pe´riphe´- sion sur les terres agricoles situe´es en nisation pe´riphe´rique observe´ese rique. D’autre part, le nombre impor- pe´riphe´rie urbaine de´coulant de cette de´veloppe notamment dans 12 zones tant de projets de´roge´s tend a` affaiblir libe´ration du foncier, et le prix e´leve´ d’urbanisation nouvelles (ZUN) ouver- la le´gitimite´ des documents d’urba- du foncier a` baˆtir ont occasionne´ tes a` l’urbanisation sur 1 303 hectares nisme re´duits a` de simples documents de nombreuses transformations de de terrains publics ou collectifs en vue consultatifs. Malgre´ la circulaire de l’activite´ agricole en pe´riphe´rie de de la construction de programmes de 2010 visant a` privile´gier les projets de Mekne`s : vente certes, mais e´gale- logements sociaux. Dans la pratique logement social, la dynamique de ment transformation des syste`mes cependant, la construction de loge- de´rogation reste forte a` Mekne`s de production dans une perspective ments sur des terrains non aedificandi ou` 103 projets ont e´te´ soumis pour d’attente, ou encore modification des est courante. Cette urbanisation n’est examen en 2011. Le logement social pratiques afin de mieux re´sister aux d’ailleurs pas seulement le fait de semble constituer aujourd’hui une e´volutions. Selon nos observations, constructions non re´glementaires, ce opportunite´ et une justification pour fonde´es sur les prix de´clare´sparles que nous de´taillons plus loin. les promoteurs prive´s afin de cons- agriculteurs, le prix pratique´ lors de Dans le meˆme temps, la relative rarete´ truire des logements autres que cessions de terres de la re´forme du foncier disponible pour l’urbanisa- sociauxetunemanie`re de le´gitimer agraire situe´es dans l’imme´diate pe´ri- tion, en raison de l’importance des leurs projets immobiliers. phe´rie de Mekne`s varie entre 150 et statuts fonciers collectifs (35,4 %), En second lieu, la volonte´ du gouver- 300 dirhams (DH ; 100 DH = 8.9429 accroıˆt la pression sur les terres melk nement marocain de stimuler l’inves- euros) le me`tre carre´.Dansdes et tend a` renforcer un processus de tissement agricole s’est traduite par coope´rativespluse´loigne´es, comme spe´culation bien connu en pe´riphe´rie une libe´ration du foncier agricole des Sakia Hamra, les prix varient entre 40 urbaine (Elloumi et Jouve, 2003). La coope´ratives de la re´forme agraire. et 60 DH. Mais la distance au centre recherche de terres pour l’urbanisa- Mise en place pour favoriser l’intensi- n’est pas le seul crite`re : pour Niya, tion s’est ainsi ope´re´e dans un fication agricole face au constat d’un e´loigne´educentreurbainmaissitue´e contexte de forte contrainte foncie`re, certain immobilisme de ces coope´ra- a` proximite´ de la route principale, contexte libe´re´ a` la faveur de deux tives, cette loi de la mainleve´e a eu un d’activite´s industrielles et du centre lois : la de´rogation (1999) et la impact notable pour la ville de Mekne`s de Boufekrane, les prix varient entre mainleve´e (2005). et sa pe´riphe´rie, ou` 32 coope´ratives 250 et 300 DH. Pour mieux rendre Voulant dynamiser le marche´ foncier couvrent une superficie totale de pre`s compte des strate´gies diffe´rencie´es pour re´aliser les objectifs de de´velop- de 14 979 hectares et une surface d’acteurs agricoles face au change- pement e´conomique et de construc- agricole utile (SAU) potentielle de ment impose´ par l’urbain, nous nous tion de logements sociaux, la loi de la 14 010 hectares (figure 3). Ce dispo- inte´ressons a` une coope´rative agraire de´rogation aux lois 12-90 et 25-90 qui sitif a produit des effets non souhaite´s, situe´ea` l’imme´diate pe´riphe´rie sud- re´gissent l’occupation des sols au en favorisant notamment la vente et ouest de Mekne`s, dans la commune Maroc traduit la volonte´ du gouverne- l’achat massif de terrains. rurale de Majjate.

540 Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 Mainlevée et leurs terres suite a` leur melkisation.Sila cas de cette coope´rative, inexistantes. vente peut eˆtre motive´e par le profit La question se pose ainsi de la stratégies foncières (agriculteurs pauvres, activite´ a` faible durabilite´ de cette agriculture. Agri- rendement ; agriculteurs aˆge´s, he´ritiers culture urbaine ? Il apparaıˆt qu’il s’agit des agriculteurs dans nombreux ou non motive´s par l’agri- davantage d’une agriculture proche culture ; agriculteurs se´duits par la de l’urbain, prise dans les jeux de la coopérative de rente e´leve´e possible), et eˆtre syno- spe´culation foncie`re et de concur- nyme de sortie de l’agriculture, elle rence d’usages usuels. La consomma- Naïji, commune rurale peut e´galement s’inscrire dans une tion des terres agricoles pe´riurbaines volonte´ d’investissement dans l’agri- est perc¸ue comme logique, bien que de Majjate culture, sur place ou ailleurs (rachat regrettable par les agriculteurs, tandis de terres meilleures, d’une plus vaste que les acteurs de la gestion urbaine, La coope´rative Naı¨ji (figure 3) permet superficie, plus loin, associant un utilisant les dispositifs re´glementaires d’e´voquer les strate´gies foncie`res des investissement dans le mate´riel et a` leur disposition, mettent en avant les agriculteurs. La coope´rative regroupe l’irrigation). Le maintien, concernant besoins (re´els ou fictifs) de foncier 39 attributaires, dans deux zones : la ici cinq agriculteurs seulement, pour la construction de logements, zone principale et le sous-centre, qui regroupe lui-meˆme deux types de comme cela a pu eˆtre observe´ ailleurs correspond a` la zone industrielle de la strate´gies : volonte´ de conserver l’acti- (Jouve et Vianey, 2012). commune de Majjate. Sur la partie vite´ agricole, se limitant ici a` un seul principale de la coope´rative, sur 31 attributaire, ou strate´gie spe´culative lots d’une superficie moyenne de 10 d’attente, ou` l’activite´ agricole se hectares, 7 ne sont pas encore vendus, concentre sur des cultures maraıˆche`res Conclusion et 5 sont vacants. Cinq agriculteurs ou ce´re´alie`res. Ce type de strate´gie peut maintiennent une activite´ agricole meˆme se de´cliner en un fractionne- La consommation des terres agricoles alors que deux sont en arreˆt d’exploi- ment de la vente en deux phases afin de en pe´riphe´rie de Mekne`s est notable. tation dans l’attente d’une cession des maximiser le profit, permettant ainsi, Au-dela` de la disparition de terres terres. Chaque attributaire a ne´gocie´ pour le cas du lot 7 de cette coope´ra- fertiles, l’urbanisation reconfigure les individuellement avec le ou les pro- tive, de voir le prix de vente a` l’hectare strate´gies des agriculteurs, dans le moteurs, sans que la coope´rative ne passer de 1,6 a` 3 millions de dirhams. cadre d’un marche´ foncier ou` le prix serve d’interlocuteur collectif dans les Les strate´gies observe´es dans le cas des terrains a` baˆtir incite les agriculteurs discussions pre´alables a` la vente. Les de cette coope´rative ne nous ont pas a` une cession des terres, source d’une strate´gies des agriculteurs te´moignent permis de rencontrer des cas de vente rente e´leve´e, d’autant plus bienvenue d’une prise en compte du marche´ partielle, associe´ea` des investisse- qu’elle vient supplanter des revenus foncier en pe´riphe´rie urbaine (Laraki, ments (achat de mate´riel agricole) issus de l’agriculture souvent faibles. La 2012) et d’un positionnement vis-a`-vis et des innovations techniques (irriga- durabilite´ de l’agriculture urbaine est de ce marche´. La croissance urbaine tion par goutte a` goutte) permettant compromise par ces pratiques, igno- est perc¸ue comme une menace directe d’ame´liorer rendements et revenus rant leur impact ne´gatif e´ventuel sur porte´e sur l’activite´ agricole, en meˆme sur les terres restantes. Dans ces cas, l’activite´ agricole et le territoire en son temps qu’une opportunite´ re´elle le maintien en agriculture, qu’il soit ensemble. Pour autant, c’est bien d’accroıˆtre le revenu, faible pour la partiel ou total, s’inscrit dans une l’absence de re´gulation foncie`re plupart des agriculteurs, par le biais de strate´gie d’intensification de la pro- publique qui est motrice des change- la vente des terres plutoˆt que par le duction sur la partie restante des terres ments observe´s(Jacobs, 2008). changement des pratiques agricoles. et va de pair avec un changement de L’artificialisation des terres s’ope`re via Une analyse des strate´gies des 31 production agricole, en lien avec les des dispositifs re´glementaires natio- attributaires montre toutefois la diver- aides accorde´es par le PMV. naux de´tourne´s de leur objectif initial : site´ des motivations a` la vente ou au Les adaptations des syste`mes de pro- de´rogation et mainleve´e, marque´es maintien (figure 4). Une large majorite´ duction au changement introduit par d’une orientation politique libe´rale et des attributaires a opte´ pour la vente de l’avance´e du front urbain sont, dans le utilisant la ressource foncie`re pour

Changement d’activité (commerce ; immobilier) (4) Arrêt de l’activité agricole Retraite (5) Vente (19) Reprise activité agricole sur des terres plus éloignées (6) Types de stratégies foncières Pluriactivité : activité urbaine et activité agricole sur de nouvelles terres (4) Arrêt de l’activité agricole (2) Non-vente (7) Investissement technique sur l’exploitation (1) Maintien de l’activité agricole (5) Cultures d’attente : céréales, maraichage (4)

Figure 4. Stratégies foncières des attributaires de la coopérative de Naïji.

Figure 4. Land strategies of farmers of the Naïji cooperative.

Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 541 stimuler l’investissement, concourent mier lieu, du roˆle potentiel de dans les grandes villes du Maghreb. Eléments de synthèse) 19 : 58-72. http://emam.revues. a` un mitage de l’espace pe´riphe´rique l’agriculture au sein de l’espace urbain org/99 au me´pris de documents d’urbanisme a ainsi mene´ a` une re´flexion sur ´ ´ ´ Chauveau JP, 2007. Sociétés agraires, urbanisa- elabores localement tels le SDAU. Ce l’amenagement possible de l’une des tion et question foncière. Une exception africaine ? dernier, dont on ne peut que constater valle´es intra-urbaines en re´fe´rence aux Cahiers Agricultures 16 : 374-8. doi: 10.1684/ la faible efficience des mesures de mode`les de trame verte promus en agr.2007.0138 protection des terres agricoles qu’il Europe et particulie`rement en France, CRTS, 1998. Évaluation de l'impact de l'urbanisa- proposait, est quant a` lui fonde´ sur et s’inspirant par ailleurs des mode`les tion sur les terres agricoles. Rapport final. Rabat : une « ide´e duale de pre´servation de de parcs multifonctionnels incluant CRTS. l’agriculture seulement la` ou` elle peut l’agriculture (Duvernoy et al., 2005). Dupuy S, Barbe E, Balestrat M, 2012. An object- eˆtre productive, et de son effacement Ce changement de regard porte´ sur based image analysis method for monitoring land progressif ailleurs au profit d’autres l’agriculture urbaine et pe´riurbaine, conversion by artificial sprawl use of rapideye and irs data. Remote Sensing 4 : 404-23. doi: 10.3390/ usages »(Vianey et al., 2006), ici pre´alable ne´cessaire a` un changement rs4020404 re´sidentiels et industriels. des pratiques, n’en est cependant Duvernoy I, Jarrige F, Moustier P, Serrano J, 2005. Une gouvernance foncie`re locale, qu’au stade d’e´bauche : le rapport Une agriculture multifonctionnelle dans le projet inte´grant l’agriculture dans les plans diagnostic pre´alable a` l’e´laboration du urbain: quelle reconnaissance, quelle gouver- d’ame´nagement urbain et s’assurant nouveau SDAU de Mekne`sre´alise´ en nance. Les Cahiers de la Multifonctionnalité 8: de l’efficacite´ des mesures et zonages 2012 ne mentionne ainsi ni l’agricul- 87-104. pre´conise´s, fait de´faut a` Mekne`s. Ce ture urbaine ni ce projet paysager Elloumi M, Jouve AM, Napoleone C, Paoli JC, éds, constat renvoie au difficile dialogue prometteur porte´ un temps par 2011. Régulation foncière et protection des terres & agricoles en Méditerranée. Options Méditerranéen- entre instances urbaines et agricoles, l’Agence urbaine. nes sér B Etudes et Recherches (66) : 172 p. om. mais e´galement au succe`s mitige´ de la ciheam.org/om/pdf/b66/b66.pdf mise en place de la de´centralisation au Elloumi M, Jouve AM, 2003. Bouleversements Maroc (Planel, 2009). Remerciements fonciers en Méditerranée: Des agricultures sous le Ainsi, si l’on peut observer, en Europe choc de l'urbanisation et des privatisations. Paris : Cette recherche a e´te´ finance´e par l’Agence Karthala éditions. mais aussi dans des pays du Sud, nationale de la recherche (ANR) via le l’e´mergence d’initiatives formelles ou projet DAUME n˚ ANR-2010-STRA-007-01. Forster D, Buehler Y, Kellenberger TW, 2009. informelles qui concourent a` inte´grer Mapping urban and peri-urban agriculture using Les donne´es sont issues d’entretiens re´a- high spatial resolution satellite data. Journal of l’agriculture au de´veloppement urbain lise´s en 2011 et 2012 aupre`s des services de Applied Remote Sensing 3 : 033523. doi: 10.1117/ (Soulard et al., 2011)eta` mettre en la DPA de Mekne`s, de l’agence urbaine de 1.3122364 avant la multifonctionnalite´ de l’acti- Mekne`s, et d’agents du Centre de travaux Hervieu B, Capone R, Abis S, 2006. Mutations et vite´ agricole, ce n’est pas le cas a` agricoles, e´manation locale du ministe`re défis pour l'agriculture au Maghreb. Montpellier : Mekne`s. L’e´mergence d’une agricul- de l’Agriculture, de Majjate, ainsi qu’aupre`s Ciheam. ture inse´re´e dans l’urbain, adaptant de 30 agriculteurs attributaires de la INAU, 2005. Évaluation de l'utilisation des terres production et commercialisation a` un coope´rative Naı¨ji. agricoles à des fins non agricoles. Rabat : ministère marche´ spe´cifique, ou reconnue dans de l'Agriculture, du Développement rural et des ses fonctions non productives, est peu Pêches maritimes. perceptible. La demande elle-meˆme Jacobs HM, 2008. L'engrenage de la croissance ´ urbaine: la place de la propriété dans la planification pour le developpement d’une telle urbaine. Études Foncières (133) : 12-6. agriculture urbaine est ambigue¨. Les Références services agricoles ne reconnaissent Jouve AM, Padilla M, 2007. Les agricultures Abis S, 2010. Convoitises sur les terres agricoles : périurbaines méditerranéennes à l'épreuve de la pas de spe´cificite´ aux agricultures les pays arabes au coeur du débat. Montpellier : multifonctionnalité : comment fournir aux villes une urbaines et pe´riurbaines et se posi- Ciheam. http://www.ciheam.org/index.php/fr/observa- nourriture et des paysages de qualité ? Cahiers tionnent meˆme en rejet de l’agriculture toire/etudes-et-veille/notes-danalyse Agricultures 16 : 311-7. doi: 10.1684/agr.2007. 0109 intra-urbaine se de´veloppant dans Abouhani A, 1996. L'impact de la politique l’une des trois valle´es qui sillonnent d'urbanisation poursuivie au Maroc sur l'espace Jouve AM, Vianey G, 2012. Le foncier, une la ville, agriculture diversifie´e (maraıˆ- agricole. In : Ben Ali D, Di Giulio A, Lasram M, ressource territoriale difficile à construire en péri- Lavergne M, éds. Urbanisation et agriculture en urbain. 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542 Cah Agric, vol. 22, n8 6, novembre-de´ cembre 2013 travers les bidonvilles. Espaces et Sociétés (112) : Philifert P, 2011. La construction d'une politique de Norois. Environnement, Aménagement, Société 59-83. développement urbain durable au Maroc : princi- (221) : 7-10. doi: 10.4000/norois.3816 pes, traductions et contradictions. In: Barthel PA, Observatoire régional de l'habitat, 2008. Mono- Zaki L, éds. La ville durable au sud de la Le Tellier J, 2010. Regards croisés sur les politiques graphie régionale sur le secteur de l'habitat et de Méditerranée. Paris : éditions de l'Aube. l'urbanisme. Meknes-Tafilalet. Meknes : Observa- d'habitat social au Maghreb : Algérie, Maroc, Tunisie. Lien Social et Politiques (63) : 55-65. toir régional de l'habitat. Planel S, 2009. Transformations de l'État et doi: 10.7202/044149ar Osghiri A, Ambri A, El Oumri M, Tikdirine A, politiques territoriales dans le Maroc contemporain. Moaatamid Z, Moussadek R, et al., 2005. Atlas des L'Espace Politique. Revue en ligne de géographie cartes de vocation agricole. Rabat : Inra (Maroc). politique et de géopolitique (7). doi: 10.4000/ Vianey G, Bacconnier-Baylet S, Duvernoy I, 2006. espacepolitique.1234 L'aménagement communal périurbain : maintenir Paillard S, Treyer S, Dorin B, 2010. Agrimonde : l'agriculture pour préserver quelle ruralité ? Revue Scénarios et défis pour nourrir le monde en 2050. Soulard CT, Margetic C, Valette E, 2011. Introduc- d'Économie Régionale & Urbaine 3 : 355-72. doi: Versailles : éditions Quae. tion : Innovations et agricultures urbaines durables. 10.3917/reru.063.0355

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