Autour De Quelques Châteaux En Charolais-Brionnais : Les Bourgs De Semur-En-Brionnais Et Charolles
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Autour de quelques châteaux en Charolais-Brionnais : les bourgs de Semur-en-Brionnais et Charolles Franck Chaléat* Résumé Les bourgs castraux et abbatiaux sont souvent étudiés comme de simples conséquences des châteaux et abbayes, créés ex nihilo et en une seule fois. Les études précises des plans de Semur-en-Brionnais et de Charolles montrent au contraire une genèse complexe, avec des traces de plusieurs agrandissements, des quartiers d’implan- tation spontanée et d’autres par lotissement régulier. L’étude du réseau viaire à proximité des bourgs donne une bonne indication de l’emplacement et de l’usage des portes. À Charolles, une étude archéologique du quartier des Halles a en outre pu montrer les relations entre le parcellaire et l’évolution des niveaux de sol. Si les châteaux font souvent, à l’instar des rations qualifiées de « bourgs castraux2 », en maisons fortes, l’objet d’investigations, d’ana- essayant d’appréhender leur mode de consti- lyses ou de fouilles assez poussées, il n’en va tution et d’évolution, il est toujours resté une pas de même pour l’habitat qui les entoure, différence fondamentale d’ordre conceptuel. notamment lorsqu’il s’agit de localités quelque En effet, la vision schématique la plus répandue peu développées. fait du château un pôle d’attraction et fait du Deux aspects séparent le château et le bourg un simple résultat de la force d’attraction bourg. En premier lieu, la surface concernée exercée par le pôle. D’où un certain défaut de et le volume de données à récolter sont très noblesse pour le bourg, qui se perçoit à travers différents. Ils concernent un ou quelques bâti- l’ensemble des publications. ments dans le premier cas (le centre fortifié et une éventuelle basse-cour), mais plusieurs Nous souhaiterions ici nous concentrer pour maisons, voire une commune actuelle entière une fois plutôt sur l’habitat et le bourg que sur dans le second cas (si l’on y inclut les habi- le château, pour en montrer la complexité, et tats satellites, souvent isolés, comme les écarts). pour tenter d’attirer l’attention sur l’évolution Cela influe sur le temps d’étude à engager et spatiale encore trop peu connue de ces agglo- sur les moyens à mobiliser, d’où sans doute un mérations, notamment à travers deux exemples découragement. locaux : Semur-en-Brionnais et Charolles. En second lieu, les deux parties ne sont pas, scientifiquement et historiographiquement, considérées à égalité. Si, il y a quinze ans, les études menées à l’instigation de Michel Bur 2. Voir Bur (Michel) (dir.), Aux origines du second réseau puis celles de Messieurs Affolter, Bouvard et urbain. Les peuplements castraux dans les pays de l’Entre- Voisin, pour ne prendre que les plus connues, Deux : Alsace, Bourgogne, Champagne, Franche-Comté, Lorraine, Luxembourg, Rhénanie-Palatinat, Sarre. Actes ont présenté avec un œil neuf ces agglomé- du colloque de Nancy, 1er - 3 octobre 1992. Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1993. * Doctorat en cours à Lyon 2 sous la direction de Affolter (Éric), Bouvard (André), Voisin (Jean- Messieurs Nicolas Reveyron et Christian Sapin : Claude), Atlas des villes de Franche-Comté, série médié- Genèse et développement des bourgs castraux et monasti- vale, t. 1, Les bourgs castraux de la Haute-Saône. Nancy : ques en Bourgogne méridionale (Charolais et Brionnais). Presses Universitaires de Nancy, 1992. Chastels et maisons fortes III. Chagny : Centre de Castellologie de Bourgogne, 2010 242 Franck Chaléat Un questionnement renouvelé au sujet des fit Lucien Musset pour la Normandie7, ou bien bourgs encore analysant les chartes de franchise qui se répandaient d’une fondation à l’autre et qui La catégorie du « bourg castral » désigne explicitaient l’exercice du pouvoir au sein de un objet aux contours très larges. La littérature ces centres de peuplement8. scientifique y loge tout un continuum qui va Les interrogations spatiales n’avaient pour- de la simple agrégation de quelques maisons tant pas été totalement absentes des analyses les autour du château, jusqu’à la ville incontestée3, plus précoces, grâce notamment à de précieux à l’exemple de Montpellier4 ; ces installations devanciers comme Ferdinand-Louis Ganshof peuvent être fortifiées ou non, proches ou pour les villes entre Loire et Rhin9 : à partir des distantes du château. thèses d’Henri Pirenne, ce chercheur souhai- Le paradigme historique qui a prévalu tait montrer, grâce à une étude de topographie pendant longtemps présentait un château historique du territoire urbain, comment l’ha- installé en terrain vierge et donc en situation bitat marchand (suburbium ou Vorstadt) établi à pionnière, groupant alors autour de lui les proximité du noyau pré-urbain (Altstadt), avait paysans et leur habitat. Dans le bouillonne- dynamisé le développement des villes. Si de ment propre à l’an Mil (l’incastellamento pour semblables approches de topographie histo- l’Italie ou l’encellulement pour la France), les rique ont été brillamment menées en France bourgs étaient vus comme des formations sur l’habitat rural d’Auvergne10, sur les villes spontanées, à la morphologie souvent qualifiée de Franche-Comté11 ou sur les castelnaux de d’ « organique » ; ils étaient le creuset et le lieu Gascogne12, les interrogations spatiales, deve- d’expression de la seigneurie (monastique ou laïque), « institution » censée avoir initié, enca- 7. Musset (Lucien), Peuplement en bourgade et bourgs dré et accompagné le regroupement général ruraux en Normandie du xe au xiiie siècle, in : Cahiers e e de population (congregatio populi, amasamen- de civilisation médiévale X -XIII siècles, t. IX : 1966, p. 177 à 208. tum hominum). Dès lors, il n’est pas étonnant 8. Fournier (Gabriel), Chartes de franchises et fortifica- que les premières études de ces bourgs aient tions villageoises en Basse Auvergne au xiiie siècle, in : massivement privilégié les aspects juridiques et Les libertés urbaines et rurales du XIe au XIVe siècle. Actes politiques, tentant de distinguer les différen- du colloque de Spa, 1966. s.l. 198, p. 223 à 244. Perrin (Charles-Edmond), Les chartes de franchise de la tes catégories de bourgs (bourgs satellites ou France. État des recherches : le Dauphiné et la Savoie, ruraux, castraux ou monastiques), ainsi que le in : Revue Historique, t. 121 : 194, p. 27 à 4. 9. Ganshof (Ferdinand-Louis), Étude sur le développement des villes entre Loire et Rhin au Moyen Âge. Paris : PUF/ 3. Voir notamment Fournier (Gabriel), Châteaux et Bruxelles : éditions de la Librairie Encyclopédique, peuplements au Moyen Âge : essai de synthèse, in : 1943. e Châteaux et peuplements en Europe occidentale du X au 10. Fournier (Gabriel), Le peuplement rural en Basse e XVIII siècle. Actes des 1ères journées internationales Auvergne durant le Haut Moyen Âge. Paris : PUF, d’histoire, abbaye de Flaran, 20-22 septembre 1979. 192. Malgré l’époque choisie (le haut Moyen Âge), Auch : comité départemental de tourisme du Gers, l’auteur traite des relations spatiales entre l’habitat et 1980, notamment p. 142. les châteaux autour du xe siècle (p.30 à 398). 4. Toujours considérée comme bourg castral dans 11. Affolter (Éric), Bouvard (André), Voisin (Jean- Durand-Dastès (François), Favory (François), Claude), Atlas des villes de Franche-Comté, série médié- Fiches (Jean-Luc), et alii, Des oppida aux métropoles : vale, t. 1, Les bourgs castraux de la Haute-Saône. Nancy, archéologues et géographes en vallée du Rhône. Paris : Presses Universitaires de Nancy, 1992, 214 p. Anthropos/Economica, 1998, p. 13, 218 et encadré 12. Cursente (Benoît), Les castelnaux de la Gascogne p. 233 notamment. médiévale. Bordeaux : Fédération historique du sud- . Ce terme, consacré par la thèse de Pierre Toubert, ouest, 1980. Malgré l’avis divergent d’autres historiens désigne le perchement autoritaire de populations qui distinguent les castelnaux des bourgs castraux, les autour d’un point fortifié. premiers sont, pour Benoît Cursente, une modalité . Ce mot, forgé par Robert Fossier à la suite du premier, du phénomène général de constitution des bourgs et qui se veut plus large, englobe le regroupement au castraux. Les castelnaux sont seulement caractéristi- sein tant de la paroisse que de la seigneurie. ques par la chronologie de leur apparition, puisqu’ils Chastels et maisons fortes III : actes des journées de castellologie de Bourgogne, 2008-2009, p. 241-266. Autour de quelques châteaux en Charolais-Brionnais : les bourgs de Semur-en-Brionnais et Charolles 243 nues de plus en plus pressantes et diverses, ont entre disciplines et entre sources1, notamment trouvé de nouvelles voies grâce aux études de des classifications de ces dernières, ont suscité morphologie urbaine et à l’archéologie urbaine, en France la naissance d’un courant qui ques- lorsque cette dernière pouvait concerner des tionne et critique les modes d’acquisition de peuplements castraux. Les analyses morpho- la connaissance jusque là adoptés1. L’étude des logiques sont restées peu développées en bourgs médiévaux suit les nouvelles proposi- France, et les précurseurs nationaux qu’étaient tions faites dans le cadre de l’histoire urbaine, Pierre Lavedan et Jeanne Hugueney dans ce en terme de méthodologies17, de concepts, domaine13, n’ont eu que peu de disciples. Ils voire de perspective historique18. Ensuite, il ont pourtant été les premiers à évoquer la « loi faut prendre en compte la remise en question, de persistance du plan », ouvrant la voie à une cette fois-ci non plus des méthodes, mais des discipline qui visait à repérer et à étudier pour paradigmes établis il y a trois ou quatre décen- elles-même les formes d’organisation générales nies : nous retiendrons entre autres les travaux et particulières d’une trame parcellaire, et ce à récents nuançant grandement le modèle de partir des documents planimétriques (notam- l’incastellamento en Italie19, ou les phénomènes ment les cadastres). C’est au travers d’études d’encellulement et de mutation de l’An Mil20.