L'arrondissement d' est une création administrative récente, et arbi- traire ; en partie constitué par des fragments de l'Election de Vézelay, démembrée en 1790, jadis rattachée à la Généralité de Paris, en partie par des fragments des bailliages d'Auxois et Prévôté d'Avallon, rattachés à la Bourgogne d'ancien régime.

A échelle plus restreinte, le canton reproduit ces disparités ; le redécoupage de janvier 1790 groupa autour d'un chef-lieu d'environ 4 300 habitants, une population rurale de près de 6 000 habitants groupés sur quinze communes ; une seizième ap- paraîtra en 1870 avec la partition de Luc y et de Thory. Si l'on s'attache à cette part rurale du canton, on constate que la population croit lentement ; 6 728 habitants en 1806, 7 137 en 1826, 7 376 en 1846 ; en 1870 il n'en reste plus que 7 144 et 6 067 en 1900. Dans cette dernière période, la ville d'Avallon passait de 5 540 à 5 809 habitants.

Si l'on considère le canton entier à la "belle époque", on le voit passer de 12 783 habitants en 1881 à un sommet de 12 929 en 1886 ; la décrue s'amorce alors: 11 878 en 1896, 11 527 en 1901, et 10 998 en 1911. La pointe de population se situe légèrement en retard sur les cantons voisins de Vézelay ou Quarré, où elle se présente en 1880 ; l'explication est simple : la part urbaine du canton ralentit le mouvement ; Avallon-ville a 6 046 habitants en 1880 et 6 335 en 1886, 5 906 en 1901 et 5 900 en 1911 ; A vallon rural en a 6 737 en 1880, puis bascule en 1886 à 6 594, 5 621 en 1901 et 5 098 en 1911. Cette part passe ainsi de 53 % à 46 % de la population totale du canton.

Outre Avallon, deux communes seulement passèrent la barre des 1000 habi- tants au XIXème siècle : c'est Lucy encore grossi de Thory, avec 1 014 en 1846, et Magny avec 1 064 en 1846, santé démographique qui persiste : 1 115 habitants en 1870 et 1 161 en 1900, cas unique de progression en milieu rural. L'autre extrémi- té appartient sans contestation à Annéot qui décrut de 1806 à 1900 de 89 à 60 habitants. et viennent ensuite.

Si nous écartons encore une fois la ville d'Avallon, nos communes s'étagent entre 3 075 et 235 ha. Cette fois encore, c'est Magny et Menades qui occupent les limites. La taille moyenne des communes se situe autour de 900 ha. Bien entendu la densité est particulièrement faible à Annéot et Menades, forte à Domecy, Sermi- zelles, Le Vault et surtout, ainsi qu'à Tharot, Etaules et Lucy ; ces communes sont soit caractérisées par l'exploitation viticole soit par de petites industries, soit enfin par les métiers liés au passage de la route ou du chemin de fer. Les communes plus "morvandelles", Island, Magny, aux vastes étendues boisées sont beaucoup moins peuplées.

Sur les 71 communes de l'arrondissement, nos seize communes avallon- naises se placent dans la moyenne après le canton de Vézelay (18 communes) et celui de Guillon (16 communes), et avant ceux de l'Isle et de Quarré (14 et 8 communes). Le canton se place au 7ème rang des cantons de l' en 1900. Mais il groupe un quart de la population de l'arrondissement grâce à l'apport du chef-lieu. Par contre la part purement rurale, est très comparable aux cantons voisins de Guillon ou de l'Isle. L'écrasement de la population rurale suit le même tracé.

La part de la grande propriété reste importante en 1900, du fait des bois et de quelques grosses fermes. Quand on examine les cotes de plus de 100 ha, on constate que vingt-cinq propriétaires fonciers possèdent un quart des surfaces de l'arrondissement. Là encore il faut distinguer les terrains grani- tiques du rebord morvandeau ou les terres à blé des marches de l'Auxois et de Terre-Plaine, favorables aux grosses exploitations, et les coteaux calcaires menant au Vézelien, creusés de profondes vallées, souvent très parcellisés par l'exploitation des vignes. Au total, cette dualité est heureuse : les paysages variés valurent à toute la zone une réputation de "Petite Suisse" en un temps où l'imagination préromantique se satisfaisait de paysages à échelle humaine; d'autre part les productions agricoles diversifiées permirent une certaine autar- cie, d'autant plus nécessaire que la partie sud du canton était mal desservie par les voies de communication.

La catastrophe oenologique de la fin du XIXème siècle fut à peine ralen- tie par les mesures officielles comme cet arrêté préfectoral du 2 décembre 1890 autorisant l'usage de replantation en vignes américaines. Une activité annexe comme la tonnellerie s'effondra. La main d'oeuvre libérée répugnait à s'embaucher aux ateliers de ciment et de tannage ; quant à l'apparition des machines agricoles, elle la priva de s'embaucher comme manouvriers. Depuis 1830, la maison A. Montandon, au 26 rue de Paris, diffusait ces engins nouveaux; une fabrique dirigée par Boudin et Segault en multiplia le nombre dans ses ateliers du 41 rue de Lyon. Restait à travailler chez les jardiniers de Vault ou aux pépinières Jaux et fils de la route de Paris. Le collège d'Avallon avait pourtant fait l'effort de se doter d'une classe préparatoire à l'école de Châlons; les cours et des conférences publiques agricoles étaient assurés par M. Pasquet. Raudot avait pour sa part attiré l'attention de ses contemporains sur les ravages de l'Oīdium et du phylloxéra dès 1878. La production viticole, même très inférieure à ce qu'elle avait été vers 1850, était écoulée en 1900 auprès de grossistes comme les Chaumard, rue Carnot, ou Eugène Millot, installé route de Lormes.

L'élevage resta le pilier de cette économie menacée. M. Degoix, vétéri- naire, trouvait à s'occuper, en plus de ses fonctions politiques et officielles. Le Comice agricole, longtemps présidé par les Cordier de Montjalin, était, comme le concours départemental de juments poulinières, le domaine de M. Lapeyreyre, en 1900. L'abattoir fonctionnait sous la surveillance des Contribu- tions Indirectes représentées par M. Jodelet. L'usine d'équarrissage de Flouron à Magny, évacuait les déchets.

Le temps fort des ventes d'animaux, ce sont les foires : autant elles sont variées et diversifiées dans les cantons voisins, autant Avallon exerce dans son canton une position monopolistique. Les fêtes patronales des villages tentèrent parfois de s'affirmer comme foires non avouées, mais les Avallonnais parvinrent à faire supprimer ces marchés rivaux, à Lucy, Sauvigny, Aisy, dès avant 1789. En 1900, l'indicateur des foires ne signale plus que celles de Mag n y, les 18 mars, 24 août et 22 novembre. Le marché hebdomadaire d'Avallon, le samedi, et la foire mensuelle, absorbent le reste des courants commerciaux. Il y eut aussi des marchés moins importants le mardi et le jeudi.

De petites industries sur lesquelles nous reviendrons existaient en vallée du Cousin. A la lisière de la ville, car ce sont des établissements classés dange- reux à cause de leurs fours, existaient des tuileries ; route de Sauvigny, l'exten- sion de la tuilerie André en 1879 permit même de trouver quelques armes pré- historiques. Les Perdu reprirent cette exploitation sous le nom de "Tuilerie du Pavillon". Philippe Roy exploitait une autre tuilerie aux Chaumes. La palme du renom industriel avallonnais demeure le lot des cuirs tannés Coulbois, qui figurèrent dans les diverses expositions universelles de la fin de siècle. Il y eut aussi la biscuiterie Régnier présentant ses productions à l'exposition de 1878, puis Félix de Razout qui obtint en 1894 la médaille d'Or de Lyon et fut déclaré Hors Concours à Nice en 1897. Cette maison allait passer aux mains des Masset. La production des fusains reste anecdotique, mais les moutardes fabriquées en Avallon ont laissé dans plus d'une maison des pots au nom de Bruslé, de Jacquenet, installé rue du Bel-Air ou de Hainaut, rue Maison-Dieu.

Le cadre administratif où s'exerçaient ces activités est double : municipal mais aussi national dans le cadre de la sous-préfecture ; le poste fut souvent pourvu entre 1870 et 1914, signe d'une certaine instabilité gouvemementale il est vrai, répercutée au niveau préfectoral, et dont se gausse l'Abbé Noirot dans ses études sur le diocèse, en lui opposant la continuité des cadres diocé- sains. Entre 1894 et 1900, se succèdent ainsi à la sous-préfecture MM. Ch. Lefèbvre, Buloz, puis Labarthe-Pradal. Le Maire d'Avallon, Bresson, réélu en 1893, était par contre toujours à l'Hôtel de Ville en 1900. Quant au jeu politique à la Chambre des Députés, il opposa longtemps le radical Gallot à Flandin, avec à chaque fois ballottage et élection à quelques dizaines de voix au second tour.

Sept communes sur seize échappaient au percepteur Challan, au profit de son collègue de Vault-de-Lugny, Brenot. M. Chevallier, receveur d'arrondis- sement, les fédérait. Même éclatement des postes entre Avallon, , Lucy, et bientôt Le Vault, tandis que Menades relevait de Vézelay. Telles sont les conditions dans lesquelles les communes du canton d'Avallon arrivèrent à ce butoir du XIXème siècle qu'est le mois d'août 1914, plus encore que le 1er janvier 1900.

Les éditeurs de cartes postales ayant opéré en Avallonnais ont laissé des milliers de modèles. Parmi les impressions pionnières et les premières cartes anciennes à verso réservé, figurent des productions de Karl Guillot, alors installé à Migennes et opérant à partir du réseau ferré ; il vint ainsi à Sermizelles. Il y eut aussi les cartes antérieures à 1904, de Desvignes, de Clamecy, ainsi que l'édition de sites pittoresques de la vallée du Cousin, par le Syndicat d'Initia- tive d'Avallon, enfin quelques cartes marquées d'une croix de Lorraine, vers 1904.

A l'âge d'or, des éditeurs lointains prospectèrent en Avallonnais : on trouve des phototypies de Coqueugniot, à Autun, des éditions de J.D. de Sens, parfois relayé par le libraire fargeaulais Machavoine, les éditions au trèfle à quatre feuilles MITL, enfin la marque parisienne à la marguerite BF.

De petites séries existent sous des marques disparates : on trouve des cartes marquées G. Harry. F.D. Auxerre (avec parfois une association à ND), tirages éxécutés à la compagnie d'arts photomécaniques de Strasbourg-Schilti- gheim. D'autres sont au sigle L.B., et quelques cartes sont dues à L. Fourquaux, vers 1905. Le seul éditeur villageois connu est Chevy, également débitant de tabac et de vins à Pontaubert, faisant imprimer en sépia ses cartes publicitaires par Thiriat et Babuteau, de Toulouse. La principale marque française, Neurdein, est présente sous ses divers avata- res : ND, ND phot., mais aussi Neurdein-Crété, avec imprimerie à Corbeil et bureaux à Paris, 52 avenue de Breteuil, ou encore après l'alliance avec les nan- céens, la Levy-Neurdein réunis, sis 44 rue Letellier, avec sigle LL. Ce LL est associé localement à la marque des Magasins Modernes ou au nom de Couron. Les Neurdein travaillèrent aussi pour le libraire Curet-Renaudot, sous les marques Curet-Renaudot-LL ou Curet-Renaudot-Neurdem-Creté ; Curet devait aussi éditer sous sa seule marque CR.

Un autre partenaire de Neurdein en Avallonnais fut la librairie Pothain ; la collection forte de plusieurs milliers de clichés ordonnés en séries, constitue la base de toute recherche en Avallonnais. Les sigles varièrent ; on trouve un Pothain-Neurdein-Crété, d'ailleurs tardif, à dos vert ; mais la plupart du temps, c'est Pothain libraire-éditeur, ou Librairie-papeterie Pothain frères.

La collection devait être en partie rachetée par d'autres libraires avallonnais qui succèdèrent aux Pothain : des rééditions se présentent sous la marque Librai- rie-papeterie Ravier-éditeur, P. Wachter ou Librairie-papet. Wachter, parfois aussi chez Michaud. Ce dernier reprit certains clichés en les colorant.

Si les séries de Pothain sont incomparables pour les sites, les monuments et les types, des scènes autrement plus rares, tirées en cartes-photos à peu d'exemplaires, sont dues au photographe Duvergier qui appréciait le fait-divers et les scènes d'actualité.

Pothain et ses successeurs monopolisèrent le marché après 1920. Dans le début des modernes, vers 1946, on voit disparaître ses productions au profit de cartes glacées de "La cigogne" ou encore des éditions Mélie, de Chauny, dans l'Aisne, sans grand caractère. ANNAY-LA-COTE.

Dans un rapport de 1829, le Dr Gariel décrivait ainsi la vie à Annay : "Les paysans de nos environs se ressemblent presque tous : en général très mal logés, assez mal vêtus, s'imposant des privations continuelles, vendant le peu de vin qu'ils récoltent, ne mangeant presque jamais de viande fraîche...". Cette vision misérabiliste qu'on croirait extraite d'une description du Morvan de 1696 par Vauban, concernait pourtant l'un des plus prestigieux vignobles de l'Avallon- nais.

Cette commune de 1292 ha. qui culmine à 357 m en forêt du Boudet, pos- sède un terroir effilé, orienté du nord-ouest au sud-est ; village et vignoble occupent le tiers sud-est, au-dessus du rû d'Aisy, face à un vaste panorama, étirant les maisons à la cote 260, en croissant. Les bois couvrent 55 % des terres, n'ouvrant de clairières qu'au Champ-du-Feu où Parat décelait des scories qui peuvent être aussi bien antiques que médiévales.

Le village suit une ligne de sources, à la limite du plateau bathonien et des marnes liasiques. L'exploitation de la pierre est traditionnelle aux carrières du Boudet et aux la vières proches de la Croix Pussinière, route de Voutenay. En 1900 travaillent deux carriers, Hugnot et Moricard et un maître-maçon, Courcelle, par ailleurs Sous-Lieutenant de pompiers. Depuis 1844 existe un four à chaux créé par Carré. Les sources ont été captées dans d'agréables lavoirs de la fin du XVIIIème siècle et du premier quart du XIXème, tant dans le village qu'à sa périphérie, avec la fontaine de Rioux. L'adduction d'eau ne sera décidée qu'en 1956.

De ses origines antiques, Annay garde des traces diverses : une remarquable collection de monnaies et médailles réunie à la fin du XIXème siècle par Henri Moricard, l'un des représentants d'une famille florissante ; ensuite dès 1856, des fouilles de pierriers ayant tous les caractères non de simples meurgers agri- coles, mais de tumuli ; ensuite des sondages systématiques en 1878-1879, par F.Moreau et Labalte, de la Société d'Etudes d'Avallon, qui mirent à jour à la Chaume des Fourneaux et à la butte de Montoison des restes humains et des parures de bronze, dans la continuité des vestiges décelés à Girolles, comme en témoigne leur communication du 9 juin 1880.

Comme tout village vigneron, Annay a toujours été largement peuplé ;

alors que la commune comptait 412 habitants en 1806, elle atteignit les 500 en 1826, puis décrut à 465 en 1870 et 372 en 1900. Le Maire est alors un proprié- taire terrien Edme Baudot, assisté de Victor Soufflard. Le 14 juillet était l'oc- casion d'une liesse publique que menaient les pompiers sur la place ; en 1887, un cliché photographique montre l'un d'eux, en Bacchus, chevauchant une feuil- lette.

Les climats les plus réputés dès le Moyen-Age pour les vins étaient Rouvre à la limite de Tharot, et à l'opposé Montéchérin, sur le retour de Vassy et d'Etau- les. En 1486 on distingue le Clos-au-Duc et la Vigne de la Comtesse parmi les grands Bourgognes. En 1900, la production a chuté mais justifie la présence du distillateur Millot, de deux tonneliers Jules Bresson et Lazare Gros et de deux pressureurs, Charles Chambet et Ambroise Georges, par ailleurs aubergiste et charron. Le cycle annuel de la vigne est souligné par les prestations de la Société des Amis de la Treille, dont la fanfare, bannière en tête ornée d'une lyre et de pampres, compta plusieurs dizaines de musiciens en casquette plate, ne dédaignant pas de s'adjoindre des collègues de l'Isle. Les banquets de la St Vincent réunissaient plus d'une centaine de convives. Parmi ses présidents, cette société compta M. Edmond Deroude. Réunions et fêtes étaient accueillies dans les deux auberges de A. Georges et d'Armand Guettard. Cet esprit convivial propre au milieu vigneron, détermina en outre l'implantation à Annay des entre- prises de bals publics de Marie Gratte, Emile Jodelet et Léon Muzard, qui sil- lonnaient le canton. Le sentiment vigneron d'appartenir à une élite rurale pouvait avoir ses revers : une dalle funéraire de l'église St Marcel ne proclame-t'elle pas depuis le 12 octobre 1734 que cette sépulture est l'exclusif apanage de "Pier- re Gueutin, vigneron, et Anne Bérard, sa femme", ajoutant sans le moindre hu- mour : "Les autres Gueutin n'y ont aucun droit".

La présence du bois sur plus de la moitié de la commune était une aubaine pour se procurer échalas et perches et en vendre aux voisins moins bien lotis d'Annéot ou Tharot. Elle alimenta des professions diverses : un tourneur, Cham- bet, des sabotiers, B. Jodelet et Maupoix, des charrons, Ambroise Georges et Jules Godeau, des maréchaux, Gueutin et Caveron. Les productions céréalières, jointes à celles des villages riverains, assuraient assez de travail à deux entre- preneurs de battage en 1900 : Ambroise Georges, décidément fort actif, et Charles Chambet, tandis qu'un Moricard tenait une huilerie. Le garde-forestier Maigrot veillait sur les bois domaniaux du Boudet.

Longtemps entouré de murailles, Annay eut à subir le passage des écor- cheurs en novembre 1441 et celui des Ligueurs de Villert de la Bussière et du sieur de Jaulges en 1589-92. Courtépée y vit encore "des murs épais avec trois portes". L'une d'elles pourrait avoir fourni les matériaux du portail de la Mai- rie ; la présence de lions ornementaux laisse entrevoir une volonté d'afficher aisance et indépendance. Le jardin de cette même Mairie était en 1900 trans- formé en petit musée lapidaire recueillant les bribes de l'histoire locale. Les écoles étaient dirigées par M. Breuillard. Les Soeurs de la Providence de Ligny s'étaient installées le 1er décembre 1832 pour tenir école : deux professes et une novice accueillant quarante élèves payants et quatre indigents. Le bureau de tabac et la recette buraliste étaient le lot de Paul Moricard, récompense de ses services comme militaire entre 1872 et 1876, dont un an en Cochinchi- ne ; la conscription donnait chaque année avant 1914 lieu à des défilés de jeunes gens enrubannés.

Signalant le village, l'église le protège aussi de son clocher fortifié aux canonnières battant la place et affichant à l'un des contreforts d'angle un écu fleurdelysé. L'édifice où l'on fête St Marcel le 4 septembre, est disparate, étagé du XIIe au XVIe siècles avec des reprises majeures au XIX ème. Une campagne de travaux alla de 1848 à 1868 ; en particulier l'Abbé Frénial fit abaisser en 1857 le sol du cimetière attenant à l'église au nord, consolida l'extérieur et ouvrit une, troisième nef en élargissant l'accès aux chapelles privées qui garnis- saient le flanc nord ; il y consacra plus de 3000 F. Par la même occasion, il fit relever les sépultures de ses prédécesseurs et ramener leurs restes dans la nef ; puis il compléta le mobilier, déjà fort d'une bonne statue de pierre de la Vierge à l'Enfant et d'une toile représentant St Hubert.

Comme dans beaucoup de villages vignerons, l'esprit religieux était vif à Annay, ce dont témoignent les croix abondantes ; certaines remontent au XVIIème siècle comme celle du Mairtrait - ancien cimetière ? - ou au début du XIXème siècle dans une vague de rechristianisation ; elles sont le don des familles Moricard, Mynard, Jodelet, Muzard, Rousseau, et portent des noms pittoresques : croix de la Molaise, de Rioux, allusion aux sources, du Gélicot. Une mission en planta une en 1866 devant l'église. Celle de Sa jour, ou Sept-Jours, rappellerait le siège du village à la fin du XVIème siècle et le martyre de ses défenseurs. La Croix Pussinnière, au nord du village, garde le souvenir d'une tradition populaire fatale aux naïfs, sur un thème proche de la chasse au dahu, car on y cognait le crâne de l'écervelé qui se penchait pour entendre les oisillons pépier sous le socle , taillé par Louis Jodelet.

Annay eut aussi son grand homme en la personne du frère Scubilion, né le 21 mars 1797, sous le patronyme de J.-B. Rousseau. Il fut certes élevé à Tharoiseau, mais garda le souvenir de son bourg natal et aurait participé à la plantation d'une croix de mission. Il mourut lors de ses missions exotiques, en odeur de sainteté, le 12 avril 1867. Les habitants d'Annay étaient fiers d'avoir couché sur leur registre de naissances et de baptèmes un futur saint. Leur pasteur dans les années 1900 eut à défendre ce souvenir ; l'Abbé Mathieu prit la cure en 1895 et vécut le temps des inventaires. ANNEOT.

Ce territoire losangé de 3,5 sur 2 km, couvre 612 ha. du rebord viticole entre Tharot et Annay, jusqu'à la plaine aux portes d'Avallon. Le rû de Bouchin scinde la commune d'est en ouest ; il nait des eaux du rû d'Aisy jointes à celles venues d'Etaules et à celles du rû des Regains ou de la Bécasse. Le village occupe ses bords, au centre d'une légère cuvette dans les calcaires sinémuriens et liasi- ques riches en fossiles littoraux. En 1878, on exposa des phosphates de chaux produits à Annéot. Le four à chaux de Guillier avait été installé en 1844.

La voie romaine, localement connue sous le nom médiéval de "chemin des bretons" constitua selon un processus courant la limite sud de la paroisse puis de la commune. Trop proche d'Avallon, Annéot ne fut jamais très peuplé d'autant que les caprices du ruisseau furent fatals dès le XIIème siècle aux rares écarts, dont le hameau de Bouchat. Un moulin aurait aussi disparu vers 1713. En 1624 le village ne comportait que quatre maisons et n'avait au recense- ment de Bouchu en 1666 que neuf habitants ; 1806 fut une date exaltante : on atteignait 89 habitants ; mais en 1900 il n'en reste plus que 60. L'absence totale de commerces, ne fût-ce qu'un simple café, faisait fuir la jeunesse. Le maire et son adjoint, Auguste Durey et Perrault puis Jean Fillon, relayés en 1901 par l'équipe Doré et Laboureau, ne pouvaient que constater cette situation.

La seule ferme importante dépendant du château est précisément celle de Doré. Le finage est propice aux productions de froment et d'avoine, aux pâtures ouvertes, et sur le coteau, au nord de la voie ferrée, à des vignes répu- tées pour leurs crus bourgeois rouges, comme Rouvre. L'absence quasi totale de bois, à l'exception du parc du château, obligeait à importer les paisseaux.

Le château, à l'écart du village, date dans son état actuel du XVIème siècle et fut très remanié en 1729, du temps des Champion qui le dotèrent d'un parc et de rocailles, et intérieurement de tapisseries. Bertier de Sauvigny convoi- ta la seigneurie. En 1900, la bâtisse appartient à Mme Tirion de Noville. Son fils est conseiller municipal.

Leur parc renferme la fontaine miraculeuse qui allait faire la réputation d'Annéot : le culte de St Gengoult y est attaché, originalité dans l'Yonne ; le saint patronne, si l'on peut dire, les infortunes conjugales dans le Morvan Autunois et, en Côte d'Or comme dans l'Ain, les sources qui cotoient ses sanctu- aires passent pour curatives des pires affections. Ce culte des sources pourrait être protohistorique. Les résurgences ne sont point rares à flanc de coteau entre Tharot et Annay. St Gengoult aurait servi à christianiser un culte millénaire. Il passe pour avoir été le châtelain d'Annéot du temps de Pépin-le-Bref. Soup- çonnant d'infidélité sa femme, Ganéa, il acquit la conviction de son malheur par un jugement de Dieu consistant à lui faire tremper le bras dans une source qu'il aurait fait jaillir miraculeusement. Certains hagiographes supposent qu'il répudia alors l'épouse coupable et se retira à Annéot après avoir distribué ses biens aux pauvres. D'autres plongent dans le tragique.

C'est toute la légende pieuse d'un assassinat perpétré au château d'Annéot par le diacre Jehan et sa complice, le 11 mai 760. Certains ajoutent que Jehan fut ensuite horriblement brûlé par l'épouse infidèle devenue de feu. Le saint est bien honoré le 11 mai. Le thème de la fontaine révélatrice de vérité, retenant le bras du menteur comme la Bocca della Verita romaine, est porteur de légendes. l'imaginaire médiéval et populaire s'empara du personnage de Gengoult, mêlant allégrement les siècles, en faisant un cousin de Geoffroy le Brun, sieur de Prey, partant en croisade pour dix ans, bafoué et pardonnant à son retour, mais poignar- dé pour prix de son indulgence excessive.

Si St Gengoult guérissait en Morvan à peu près tous les maux des hommes, voire des bêtes, comme au Beuvray, il avait à Annéot une fonction mieux cernée, réservant ses faveurs aux "femmes brehaignes" ; les filles à marier trempaient leur jarretière dans la fontaine et arrachaient un crin de la queue du cheval statufié avec le saint. Curieux retournement d'un culte évoquant d'ab o r d le malheur conjugal. Il soignait aussi la stérilité des femmes mariées, variante des pratiques précédentes, sur lesquelles l'église fermait les yeux. Accessoire- ment, il soulageait diverses infirmités dont les maux oculaires.

L'église du village possède, outre un fort beau et original portail roman consacré au Couronnement de la Vierge et mutilé en 1790, des traces de culte de Gengoult : le vocable se substitue a celui de Notre-Dame vers 1528. La nef fut alors reconstruite ; des contreforts l'épaulèrent au XIXème siècle ; un clocher- mur à double arcature, exceptionnel en nos régions, supporte la cloche ; elle remonte à 1540 et est dédiée à "Se Gengulphe"; en 1917, Porée qui l'étudia, estima que c'est une des plus anciennes de l'Yonne.

L'absence de paroissiens ne prédisposait pas à un entretien régulier de l'édifice ; pourtant on l'aménagea en 1894, relevant les tombes du dallage ; l'une se révéla être la sépulture d'un sieur d'Etaules. Depuis 1757, un retable garnissait le sanctuaire avec des toiles consacrées à St Eloi, St Vincent et St Gengoult ; cette dernière fut conservée en 1903 à la destruction du cadre ; elle montre le saint agenouillé devant sa fontaine, recevant d'un ange la palme du martyre. L'autel fut rétabli en 1905 avec des colonnes prismatiques à chapi- teaux ornés de feuilles d'eau, portant à l'antique la table consacrée.

Les travaux de 1903, menés sous la direction de l'Abbé Giraud, curé d'Etau- les, aboutirent à la découverte d'une cachette dans le bas-côté nord : une pièce remarquable y figurait, aussitôt classée, le 30 décembre 1904, après intervention de l'Abbé Poulaine, Membre du Comité des Travaux Historiques. Il s'agit d'un reliquaire en pierre, en forme de maison, aux faces ornées de cinq et six arcades, avec une croix au pignon.

Les curés de la paroisse étaient alors M. Roy, puis M. Robot en 1901. Mais c'est l'Abbé Patriat, amateur d'antiquités pieuses, qui rédigea vers 1910 un poème célébrant la petite église : "Elle est basse et s'enfonce en terre Pour y protéger de plus près Les morts qui dans le cimetière A son ombre dorment en paix, Et qu'elle a vus dans son enceinte Prier comme on priait jadis Vieux Chrétiens qui partaient sans crainte D'ici-bas pour le Paradis..."

Les dernières pièces de mobilier sont une Ste Catherine et surtout la statue équestre de Gengoult, d'une quarantaine de centimètres, reste d'un bâton de procession. Une tentative de restauration du pélerinage fut d'ailleurs tentée le 11 mai 1958 mais les Français avaient alors d'autres soucis que les maris trompés... Nombre d'images de St Gengoult le présentent en chevalier de basse latinité ; ici nous avons un type plus rare, en statue équestre comme les St Martin et St Georges, mais d'art populaire du XVIème siècle, présentant un personnage à la mode du temps, polychrome, sur un cheval pommelé.

La seule croix du village date du milieu du XIXesiècle et marque le car- refour proche du château : une croix de fer ouvragée s'étire au-dessus d'une base simple et d'une colonne galbée servant de fût.

La proximité d'Avallon et la présence de larges étendues ouvertes et exemptes de haies, allait permettre en bordure de la route d'Avallon à Annéot, à un avion Le CIDAC exprime toute sa gratitude à : Messieurs Bourey Godeau Haasé Iehly Stempfel qui ont bien voulu lui prêter les cartes postales illustrant cet ouvrage.

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