L'arrondissement d'Avallon est une création administrative récente, et arbi- traire ; en partie constitué par des fragments de l'Election de Vézelay, démembrée en 1790, jadis rattachée à la Généralité de Paris, en partie par des fragments des bailliages d'Auxois et Prévôté d'Avallon, rattachés à la Bourgogne d'ancien régime. A échelle plus restreinte, le canton reproduit ces disparités ; le redécoupage de janvier 1790 groupa autour d'un chef-lieu d'environ 4 300 habitants, une population rurale de près de 6 000 habitants groupés sur quinze communes ; une seizième ap- paraîtra en 1870 avec la partition de Luc y et de Thory. Si l'on s'attache à cette part rurale du canton, on constate que la population croit lentement ; 6 728 habitants en 1806, 7 137 en 1826, 7 376 en 1846 ; en 1870 il n'en reste plus que 7 144 et 6 067 en 1900. Dans cette dernière période, la ville d'Avallon passait de 5 540 à 5 809 habitants. Si l'on considère le canton entier à la "belle époque", on le voit passer de 12 783 habitants en 1881 à un sommet de 12 929 en 1886 ; la décrue s'amorce alors: 11 878 en 1896, 11 527 en 1901, et 10 998 en 1911. La pointe de population se situe légèrement en retard sur les cantons voisins de Vézelay ou Quarré, où elle se présente en 1880 ; l'explication est simple : la part urbaine du canton ralentit le mouvement ; Avallon-ville a 6 046 habitants en 1880 et 6 335 en 1886, 5 906 en 1901 et 5 900 en 1911 ; A vallon rural en a 6 737 en 1880, puis bascule en 1886 à 6 594, 5 621 en 1901 et 5 098 en 1911. Cette part passe ainsi de 53 % à 46 % de la population totale du canton. Outre Avallon, deux communes seulement passèrent la barre des 1000 habi- tants au XIXème siècle : c'est Lucy encore grossi de Thory, avec 1 014 en 1846, et Magny avec 1 064 en 1846, santé démographique qui persiste : 1 115 habitants en 1870 et 1 161 en 1900, cas unique de progression en milieu rural. L'autre extrémi- té appartient sans contestation à Annéot qui décrut de 1806 à 1900 de 89 à 60 habitants. Tharot et Menades viennent ensuite. Si nous écartons encore une fois la ville d'Avallon, nos communes s'étagent entre 3 075 et 235 ha. Cette fois encore, c'est Magny et Menades qui occupent les limites. La taille moyenne des communes se situe autour de 900 ha. Bien entendu la densité est particulièrement faible à Annéot et Menades, forte à Domecy, Sermi- zelles, Le Vault et Pontaubert surtout, ainsi qu'à Tharot, Etaules et Lucy ; ces communes sont soit caractérisées par l'exploitation viticole soit par de petites industries, soit enfin par les métiers liés au passage de la route ou du chemin de fer. Les communes plus "morvandelles", Island, Magny, aux vastes étendues boisées sont beaucoup moins peuplées. Sur les 71 communes de l'arrondissement, nos seize communes avallon- naises se placent dans la moyenne après le canton de Vézelay (18 communes) et celui de Guillon (16 communes), et avant ceux de l'Isle et de Quarré (14 et 8 communes). Le canton se place au 7ème rang des cantons de l'Yonne en 1900. Mais il groupe un quart de la population de l'arrondissement grâce à l'apport du chef-lieu. Par contre la part purement rurale, est très comparable aux cantons voisins de Guillon ou de l'Isle. L'écrasement de la population rurale suit le même tracé. La part de la grande propriété reste importante en 1900, du fait des bois et de quelques grosses fermes. Quand on examine les cotes de plus de 100 ha, on constate que vingt-cinq propriétaires fonciers possèdent un quart des surfaces de l'arrondissement. Là encore il faut distinguer les terrains grani- tiques du rebord morvandeau ou les terres à blé des marches de l'Auxois et de Terre-Plaine, favorables aux grosses exploitations, et les coteaux calcaires menant au Vézelien, creusés de profondes vallées, souvent très parcellisés par l'exploitation des vignes. Au total, cette dualité est heureuse : les paysages variés valurent à toute la zone une réputation de "Petite Suisse" en un temps où l'imagination préromantique se satisfaisait de paysages à échelle humaine; d'autre part les productions agricoles diversifiées permirent une certaine autar- cie, d'autant plus nécessaire que la partie sud du canton était mal desservie par les voies de communication. La catastrophe oenologique de la fin du XIXème siècle fut à peine ralen- tie par les mesures officielles comme cet arrêté préfectoral du 2 décembre 1890 autorisant l'usage de replantation en vignes américaines. Une activité annexe comme la tonnellerie s'effondra. La main d'oeuvre libérée répugnait à s'embaucher aux ateliers de ciment et de tannage ; quant à l'apparition des machines agricoles, elle la priva de s'embaucher comme manouvriers. Depuis 1830, la maison A. Montandon, au 26 rue de Paris, diffusait ces engins nouveaux; une fabrique dirigée par Boudin et Segault en multiplia le nombre dans ses ateliers du 41 rue de Lyon. Restait à travailler chez les jardiniers de Vault ou aux pépinières Jaux et fils de la route de Paris. Le collège d'Avallon avait pourtant fait l'effort de se doter d'une classe préparatoire à l'école de Châlons; les cours et des conférences publiques agricoles étaient assurés par M. Pasquet. Raudot avait pour sa part attiré l'attention de ses contemporains sur les ravages de l'Oīdium et du phylloxéra dès 1878. La production viticole, même très inférieure à ce qu'elle avait été vers 1850, était écoulée en 1900 auprès de grossistes comme les Chaumard, rue Carnot, ou Eugène Millot, installé route de Lormes. L'élevage resta le pilier de cette économie menacée. M. Degoix, vétéri- naire, trouvait à s'occuper, en plus de ses fonctions politiques et officielles. Le Comice agricole, longtemps présidé par les Cordier de Montjalin, était, comme le concours départemental de juments poulinières, le domaine de M. Lapeyreyre, en 1900. L'abattoir fonctionnait sous la surveillance des Contribu- tions Indirectes représentées par M. Jodelet. L'usine d'équarrissage de Flouron à Magny, évacuait les déchets. Le temps fort des ventes d'animaux, ce sont les foires : autant elles sont variées et diversifiées dans les cantons voisins, autant Avallon exerce dans son canton une position monopolistique. Les fêtes patronales des villages tentèrent parfois de s'affirmer comme foires non avouées, mais les Avallonnais parvinrent à faire supprimer ces marchés rivaux, à Lucy, Sauvigny, Aisy, dès avant 1789. En 1900, l'indicateur des foires ne signale plus que celles de Mag n y, les 18 mars, 24 août et 22 novembre. Le marché hebdomadaire d'Avallon, le samedi, et la foire mensuelle, absorbent le reste des courants commerciaux. Il y eut aussi des marchés moins importants le mardi et le jeudi. De petites industries sur lesquelles nous reviendrons existaient en vallée du Cousin. A la lisière de la ville, car ce sont des établissements classés dange- reux à cause de leurs fours, existaient des tuileries ; route de Sauvigny, l'exten- sion de la tuilerie André en 1879 permit même de trouver quelques armes pré- historiques. Les Perdu reprirent cette exploitation sous le nom de "Tuilerie du Pavillon". Philippe Roy exploitait une autre tuilerie aux Chaumes. La palme du renom industriel avallonnais demeure le lot des cuirs tannés Coulbois, qui figurèrent dans les diverses expositions universelles de la fin de siècle. Il y eut aussi la biscuiterie Régnier présentant ses productions à l'exposition de 1878, puis Félix de Razout qui obtint en 1894 la médaille d'Or de Lyon et fut déclaré Hors Concours à Nice en 1897. Cette maison allait passer aux mains des Masset. La production des fusains reste anecdotique, mais les moutardes fabriquées en Avallon ont laissé dans plus d'une maison des pots au nom de Bruslé, de Jacquenet, installé rue du Bel-Air ou de Hainaut, rue Maison-Dieu. Le cadre administratif où s'exerçaient ces activités est double : municipal mais aussi national dans le cadre de la sous-préfecture ; le poste fut souvent pourvu entre 1870 et 1914, signe d'une certaine instabilité gouvemementale il est vrai, répercutée au niveau préfectoral, et dont se gausse l'Abbé Noirot dans ses études sur le diocèse, en lui opposant la continuité des cadres diocé- sains. Entre 1894 et 1900, se succèdent ainsi à la sous-préfecture MM. Ch. Lefèbvre, Buloz, puis Labarthe-Pradal. Le Maire d'Avallon, Bresson, réélu en 1893, était par contre toujours à l'Hôtel de Ville en 1900. Quant au jeu politique à la Chambre des Députés, il opposa longtemps le radical Gallot à Flandin, avec à chaque fois ballottage et élection à quelques dizaines de voix au second tour. Sept communes sur seize échappaient au percepteur Challan, au profit de son collègue de Vault-de-Lugny, Brenot. M. Chevallier, receveur d'arrondis- sement, les fédérait. Même éclatement des postes entre Avallon, Sermizelles, Lucy, et bientôt Le Vault, tandis que Menades relevait de Vézelay. Telles sont les conditions dans lesquelles les communes du canton d'Avallon arrivèrent à ce butoir du XIXème siècle qu'est le mois d'août 1914, plus encore que le 1er janvier 1900. Les éditeurs de cartes postales ayant opéré en Avallonnais ont laissé des milliers de modèles. Parmi les impressions pionnières et les premières cartes anciennes à verso réservé, figurent des productions de Karl Guillot, alors installé à Migennes et opérant à partir du réseau ferré ; il vint ainsi à Sermizelles.
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