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Rencontres Bretagne/Monde anglophone Brittany and the English-Speaking World

L'entente équivoque : la rivalité Bretagne/ Cornouailles, dans le film Johnny Frenchman comme métaphore des ambiguïtés de l'alliance franco-britannique pendant la guerre Robert KEYS [1]

Traduit de l’anglais par Eva Tanquerel, Adèle Boulo et Véronique Rousseau.

Abstract - Keywords - notes – citaon

Johnny Frenchman est une comédie romantique tournée en 1945, dont l'action se déroule à la fois en Bretagne et dans les Cornouailles anglaises. Le film est empreint d'un message idéologique dirigé vers le monde de l'après-guerre et les relations franco-britanniques. [2] Il a été réalisé par et produit par aux studios à Londres. Le scénario, de T.E.B. Clarke, se focalise sur la rivalité et la possible réconciliation de deux familles ennemies et par extension de leurs villages, l'un en Bretagne, l'autre dans les Cornouailles anglaises, juste avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. [3] Cette représentation de deux communautés ethniques distinctes mais perçues comme intégrées dans leurs identités nationales respectives fournit une perspective unique sur certaines conceptions britanniques à propos de l'identité et des hypothèses quant aux relations franco-anglaises pendant la guerre. [4]

De nombreux aspects de ce conflit de communautés constituent une métaphore cinématographique illustrant des relations encore plus complexes issues des différentes périodes de guerre entre le Royaume-Uni et la . L'attitude du gouvernement britannique envers le gouvernement français d'avant 1940 de même que ses relations ultérieures avec de Gaulle et le gouvernement français putatif en exil étaient rarement limpides. Elles se trouvèrent encore largement compliquées par des questions de légitimité, non seulement du gouvernement de Vichy mais aussi des dirigeants des Forces françaises libres et des mouvements de résistance, qui se développèrent dans la zone libre et dans toutes les zones occupées. [5] Cependant les

1 différences politiques majeures entre les deux pays, entre 1939 et 1945, ainsi que les conflits de personnalités impliquant des hommes politiques connus et influents, tels que Churchill, de Gaulle, Roosevelt et Eisenhower ou encore Reynaud, Pétain, Darlan et Laval, ne sont jamais mentionnés dans le film. [6] L'attitude officielle et officieuse de l'État britannique, dans le cadre d'un film traitant de la France, était un sujet d'autant plus difficile à aborder qu'il était soumis au contrôle du ministère de l'Information (MoI) et limité par le peu de liberté dont disposaient le réalisateur et les studios vis à vis des sujets politiques dits « sensibles ». Le risque que prenait n'importe quel producteur ou réalisateur, en s'emparant de sujets de guerre, est parfaitement illustré par le sort que connurent les deux films de guerre réalisés par en 1944 : et Bon voyage, dont la sortie en salle ne fut pas autorisée. [7] Bien qu'une partie du casting ait été composée d'acteurs français issus du Théâtre Molière de Paul Bonifas, qui entretenait des relations avec l'organisation de libération des Français libres, les films éveillèrent toutefois la suspicion du MoI (Ministère de l'Information) et des proches de de Gaulle. Ces derniers soupçonnaient certains acteurs d'entretenir des relations avec la Direction des opérations spéciales britanniques (SOE), et surtout avec sa section française. Le rôle présumé du Royaume-Uni (c'est à dire celui du SOE) dans l'assassinat de Darlan en 1943 restait sujet à controverses bien qu'il ait eu pour conséquence de fortifier la position de de Gaulle en tant qu'unique dirigeant actif. Le procès express de l'assassin par les autorités britanniques éveilla même les soupçons des États-Unis dont l'hostilité envers de Gaulle ne cessa d'augmenter jusqu'au débarquement. [8] La sortie du film Johnny Frenchman coïncida avec la libération de la France et la défaite du régime Nazi, période propice à l'oubli des rivalités amères du début de la guerre. [9]

Le film s'intéresse aux Cornouailles et à la Bretagne, qu'il considère comme deux communautés distinctes, par bien des aspects, en marge de la vie moderne et des cultures nationales dominantes, aussi bien historiquement que géographiquement. [10] Le film observe les contradictions nées des intérêts conflictuels de ces deux communautés, exacerbés par un patriotisme local excessif issu pour une grande part de préjugés historiques. Ces querelles se résolvent dans le film, tant sur le plan communautaire que personnel, dans l’intérêt de l'identité nationale et implicitement de la coopération internationale nécessaire dans le monde de l'après- guerre. Ce film illustre la thématique volontiers développée par les studios Ealing, à savoir l'idée de « guerres d'individus » plutôt que de guerres de gouvernements ou d'États. L'illustration la plus parlante de cette idée se trouve dans un film plus ancien des studios Ealing, The Foreman Went to France, qui traitait de la réaction de la population à l'invasion, l'occupation, la collaboration et la Résistance pendant la guerre. [11] Johnny Frenchman met l'accent sur les choix moraux et émotionnels auxquels sont confrontés les gens ordinaires dans leur vie quotidienne, et leur impact sur la construction ou la destruction du tissu social. Le casting du film était composé de comédiens venus d'horizons très divers. Certains étaient des acteurs professionnels ou des stars issues des principaux studios britanniques, ou bien des

2 acteurs professionnels français comme Françoise Rosay et Paul Bonifas. D'autres encore n'étaient pas du tout comédiens et avait été recrutés parmi la population locale, les pêcheurs bretons et les membres des Français Libres. [12] La majeure partie du film fut tournée dans les Cornouailles, à Mevagissey, qui servit de décor à la fois pour le port imaginaire de Trevannick (Cornouailles) et celui de Lannec (Bretagne). Le film Johnny Frenchman célèbre la réconciliation de deux communautés antagonistes face à un ennemi commun et se termine sur un plaidoyer en faveur de l'établissement de liens solides et durables entre les alliés de la guerre dans la période de l'après- guerre. Les stars du film sont l'actrice Françoise Rosay (qui avait choisi de s'exiler en Suisse pendant la guerre) dans le rôle de Florrie Lannec et dans le rôle de Nat Pomeroy. [13] Les autres rôles principaux furent attribués notamment à la belle Patricia Roc dans le rôle de Sue Pomeroy, la fille de l'officier de port. Elle donne la réplique à l'acteur franco-canadien Paul Dupuis dans le rôle de Yan Kervarec ; rival d'un des pêcheurs du village, Bob Tremayne, joué par Ralph Michael. Les rôles secondaire²s furent attribués aux stars du cinéma locales : Bill Blewitt dans le rôle de Dick Trewhiddle, le postier de la localité de Mousehole, qui fut découvert à l'occasion du tournage d'un documentaire dans la région [14] et l'acteur français Paul Bonifas, qui avait déjà joué avec Bill Blewitt dans The Foreman Went to France, dans le rôle du préfet de Rouville. [15] Bonifas était également membre de la Résistance française. Lieutenant d'artillerie blessé au début de la guerre, il avait été évacué de Dunkerque. Il prêta souvent sa voix à Radio Londres (Les Français parlent aux Français) et fonda le Théâtre Molière. [16] Bien que l'intrigue du film fût jugée compliquée, le lieu de tournage fut, lui, vivement recommandé pour le réalisme des séquences sur la pêche et la remontée des chaluts et par rapport au souhait de conférer une authenticité historique et ethnographique à la description des deux communautés. [17] Ceci s’inscrit directement dans la lignée des techniques de montage utilisées par les réalisateurs de documentaires qui travaillaient pour le GPO film Unit sous la direction de . [18] Ce film peut être vu comme une illustration de l'évolution des techniques des films documentaires britanniques, en particulier des films historico-documentaires qui utilisaient les talents d'acteurs de « vraies personnes ». Cette technique avait été développée par pour le documentaire The Saving of Bill Blewitt tourné en 1936, pour le GPO Film Unit, dans les Cornouailles. [19] Le savoir-faire du film documentaire dans la mise en scène de la population, ainsi que l'idéologie même du mouvement documentaire furent combinés aux méthodes de tournages de long métrage des studios Ealing pour créer ce que Balcon appelle : « notre technique docu- fiction » (« documentary-cum-fiction technique that we developed »). [20]

De ce point de vue, on peut dire que Johnny Frenchman ainsi que les productions antérieures des studios Ealing,The Foreman went to France (avril 1942) et le film d'instruction The Next of Kin (mai 1942) commandité par le ministère de la Guerre, tous deux également tournés en Cornouailles (ainsi que le film de Cavalcanti Went The Day Well? de 1942), ont un style visuel très différent des films issus des studios d'Hollywood. [21] En ce sens, Johnny

3 Frenchman n'est pas un film de guerre typique. Il ne contient guère de scènes de combats militaires, bien qu'il soit fait allusion aux opérations secrètes du SOE entre les Cornouailles et la Bretagne. En effet, ces films représentent un rejet de l'approche des studios hollywoodiens et une alternative aux films antérieurs des studios Ealing comme (novembre 1941) et aux élégants mélodrames britanniques produits par les studios Gainsborough. Malgré des craintes partagées sur l'invasion, la trahison et la dissidence, l'aspect documentaire ne fut que très peu repris dans d'autres longs métrages de guerre traitant de sujet tels que la résistance, la collaboration ou l'espionnage, comme par exemple : Pimpernel Smith, 1941 ; Secret Mission, 1942 ; Tomorrow We Live, 1943 (aka At Dawn We Die). [22] Malgré son côté documentaire et le réalisme du lieu de tournage, dans quelle mesure le film s'est-il réellement intéressé aux réalités sociales et économiques des Cornouailles pendant la guerre ? En réalité très peu car le phénomène décrit par un historien comme une période de « paralysie socio-économique » est écarté de son propos qui se concentre sur la communauté imaginaire de pêcheurs de Trevannick. [23] L'industrie de la pêche dans son ensemble était en déclin et les années 1920 et 1930 comptèrent parmi les plus difficiles. [24] Les communautés de pêcheurs sont notoirement difficiles à définir et en se concentrant sur une communauté apparemment autonome, les problèmes de classe et de hiérarchie disparaissent, ainsi que la représentation du phénomène d'embauche saisonnière et l’importance des autres industries locales. Le film oscille malaisément entre une peinture réaliste du travail de pêcheur côtier dans un village pittoresque et une représentation romantique et imagée. Cette hésitation dans la représentation n'est pas nouvelle, puisqu'on la trouve déjà dans le travail des peintres de l'école de Newlyn dans les années 1880. Un héritage que Bernard Deacon attribue, entre autres, à Stanhope Forbes :

Rien n'indique que les peintres de l'école de Newlyn considéraient les Cornouailles comme une terre celtique, bien que leurs représentations de celles-ci aient pu par la suite servir à étayer le discours sur les Celtes. Comme le feront de nombreux migrants par la suite, ils voyaient plutôt les Cornouailles comme une Angleterre originelle, préservée. [25]

C'est là une vision également partagée à bien des égards par les spectateurs de l'entre- deux-guerres et renforcée par les actualités filmées, qui s’intéressent souvent aux événements en Cornouailles. [26]

Johnny Frenchman fut tourné en noir et blanc et pour une durée d'environ 1h40, dans la version ré-éditée en DVD. Cependant, il semble qu’à l’origine le film ait fait l'objet d'un montage et ait été distribué dans les salles dans un format d'1h12 ou 1h15. Les deux communautés fictives de Trevannick dans les Cornouailles et Lannec en Bretagne sont représentées comme des communautés dont l'économie repose entièrement sur la pêche. Aucune autre industrie n'est mentionnée. La majeure partie du film fut tournée sur place, le village de Megavissey et les alentours servant de décor à la fois pour le village dans les Cornouailles et en

4 Bretagne. Au centre de l'intrigue : des droits de pêche traditionnels contestés, des traditions culturelles différentes mais liées et des conflits familiaux avec pour thématique, la cour, le mariage, les devoirs et les choix individuels. Il met en scène les familles Pomeroy dans les Cornouailles anglaises et Kervarec en Bretagne ainsi que le prétendant local, plus exactement le « promis » de Sue Pomeroy, Bob Tremayne. Le film suit un déroulement chronologique linéaire, ponctué par moment par des plans se focalisant sur les dates importantes, sans flash-backs ni voix off pour expliciter le contexte. L'action se concentre principalement entre le 25 mars 1939 (première scène) et la fin de la guerre avec la capitulation de l'Allemagne les 29 et 30 avril 1945.

Si les événements de la guerre étaient encore bien présents dans la mémoire des spectateurs de l’après-guerre, ce n'est plus vraiment le cas plusieurs années plus tard et la perception du film est modifiée par le manque de connaissances précises de la période 1939-1945. De ce fait, les critiques ultérieures de ce film se basent presque exclusivement sur la comédie et la romance, avec une pointe de nostalgie pour ce qui semble désormais être un monde perdu. C'est pour cette raison que je vais tenter d'esquisser le contexte historique de l'époque en m'attardant en particulier sur l’alliance franco-britannique jusqu'à la défaite de la France, puis l’alliance Britanniques-Français Libres et son combat contre l'occupant nazi et la légitimité du régime de Vichy. [27] La majorité de l'action du film se déroule dans la période suivant la capitulation de la France comme contrepoint aux événements de 1939 et de la Drôle de guerre qui s'ensuivit, avant que les Allemands n'attaquent la Belgique, la France et les Pays-Bas en 1940.

La première partie du film, centrée sur 1939, explore les contacts locaux et les conflits qui furent caractéristiques de la période, tout en faisant allusion aux relations historiques et culturelles qui existaient depuis des siècles. Le principal point de contact et de conflit entre les Cornouailles anglaises et la Bretagne durant le XXe siècle concernait l'accès aux zones de pêche, sujet sur lequel les pêcheurs des Cornouailles étaient particulièrement chatouilleux. Le braconnage provoquait généralement des représailles : « Fury agin’ Furriners » (littéralement : fureur contre l'étranger), non seulement à l'égard du continent mais également à l'égard de l’Angleterre à l'est de Brixham et notamment des grands chalutiers venus des ports du nord de l’Angleterre et des navires écossais. [28] Ceci explique la réflexion de Tom Walls lorsqu'il apprend que sa fille a décidé d'épouser un Breton : « Je préférerais encore la voir épouser un gars du Devon ».

Les nouvelles techniques de pêche industrielle des chalutiers à vapeur, avant la Première Guerre mondiale, avaient déjà causé des manifestations et des émeutes en 1896 (Newlyn Sabbath Day Riots) contre les Écossais. Cela explique l'allusion qui est faite dans le film à l'interdiction de pêcher le jour du Sabbat (dimanche, il est question ici du Sabbat chrétien). [29] Les bateaux bretons, plus petits, surnommés « crabiers bretons », quelles que soient leur taille

5 ou leur fonction, n'ont jamais semblé attirer le même niveau d'hostilité, même s’ils pêchaient dans les eaux cornouaillaises depuis au moins 1902, si ce n'est avant. [30] Des poursuites étaient cependant régulièrement engagées par les gardes-pêche lorsque les braconniers étaient pris en flagrant délit dans la limite des trois miles nautiques. Encore une fois, il y est fait allusion dans le film par le biais de Nat Pomeroy. Une explication à cette faible animosité pourrait être à la fois la tradition de « liens coutumiers et de parenté imaginaire » entre Bretons et Cornouaillais et l'importance bien moindre de la pêche bretonne, ce qui faisait qu'en dépit des différences nationales et confessionnelles (Cornouaillais méthodistes fervents et anticonformistes contre Bretons traditionnels et fervents catholiques), certains Bretons travaillaient et vivaient une partie de l'année dans les environs de Newlyn, de St Ives et des îles Scilly. Cette pratique commune – aussi bien de la pêche professionnelle que de certaines formes de commerce de part et d'autre de la Manche – conjuguée à une présence sur place de pêcheurs bretonssemble avoir singulièrement façonné les relations entre les deux communautés, en s'appuyant sur les légendes anciennes d'ancêtres communs et sur la légende arthurienne. Ces relations et associations entre Bretons et Cornouaillais basées sur la pêche sont examinées en détail et abondamment illustrées d'images datant de 1902 et postérieures, dans une excellente étude locale de John Mc Williams : A Century of Friendship: Breton Fishermen in Cornwall and Scilly. [31] Cette relation entre les communautés a également fait l'objet d'une exposition à la Penlee House Gallery and Museum à Penzance : la relation avec la Bretagne est illustrée par une magnifique collection de photographies noir et blanc, de la collection Oliver Hill, prises à Newlyn au début du XXe siècle. [32]

Jeunes pêcheurs Bretons sur le mur du port de Newlyn, entre 1900 et 1910 (avec l'aimable autorisation de Penlee Gallery et du National Maritime Museum, Falmouth)

Les « crabiers » pêchaient généralement des langoustes mais attrapaient également des crabes et des homards dans leurs casiers. Ils venaient de tous les ports bretons, notamment

6 Audierne, Concarneau, Camaret et Douarnenez dans leurs bateaux colorés à proue arrondie et à poupe basse. À la fin du XIXe siècle, les artistes et les écrivains développèrent une attirance profonde pour la Bretagne et les Cornouailles dans leur recherche du pittoresque et du pastoral, mais également dans le but de dépeindre de façon plus réaliste et naturelle, dans l'art et la littérature, la pauvreté et l'arriération des zones de pêche et agricoles. [33] Par d'autres aspects les deux régions étaient très dissemblables. Les populations du centre industriel et minier des Cornouailles s'expatriaient vers les exploitations minières de l'Empire britannique et le monde entier, tandis que les Bretons effectuaient une migration interne, vers et les centres industriels français en expansion. Dans les deux cas cependant, tandis que l'artisanat et l’industrie déclinaient, le tourisme se développait. Les touristes étaient d'une part attirés par les descriptions pittoresques des écrivains et des artistes explorant les paysages et les communautés locales, et d'autre part poussés par la popularité grandissante des cartes postales, les récits de voyage et des actualités filmées.

Malgré une tradition britannique bien établie consistant à considérer la France comme un ennemi historique et un empire rival, la tentative de défendre le traité de Versailles et de mettre un terme aux ambitions de l'Italie fasciste de Mussolini et du régime nazi mené par Hitler avait rapproché les deux États au niveau de la politique étrangère pendant les années 1930. Ils n’avaient guère été aussi proches depuis la période précédant la Première Guerre mondiale. Les notions du public sur les réalités politiques internationales dans les années 1930 étaient principalement dues à la couverture médiatique accordée à celles-ci par les agences d'actualités. On oublie souvent qu'après la déclaration officielle de guerre suite à l'invasion de la Pologne et l'échec de l'accord de Munich sur la Tchécoslovaquie et la région des Sudètes, il y eut une période communément nommée Drôle de guerre entre le 1er septembre 1939 et le 1er avril 1940, durant laquelle les hostilités n'avaient pas réellement débuté. Cet événement explique le trou apparent dans la chronologie du film pendant la période se déroulant entre la déclaration de guerre en septembre et la capitulation de la France en juin de l'année suivante. La Drôle de guerre prit fin en mai lorsque les Allemands franchirent la ligne Maginot et débutèrent la Blitzkrieg. Le 10 mai les Allemands avaient envahi la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France. Au Royaume-Uni, Chamberlain avait démissionné et avait été remplacé par Churchill. Début juin, soit les forces françaises et britanniques avaient battu en retraite à Dunkerque soit elles étaient dépassées par les événements et le 17 juin il devint clair que le Maréchal Pétain cherchait à conclure un armistice avec le gouvernement allemand. La France capitula le 24 juin, mais les combats contre les Allemands et les Italiens se poursuivirent jusqu'au 25. Après quoi la France fut divisée en trois parties, le régime de Vichy, l'occupation allemande et l'occupation italienne. De Gaulle ayant fait part à Reynaud, le 15 juin, de son intention de continuer le combat à partir de l'Angleterre, il lui avait été alloué à cet effet un budget de 100.000 Francs tirés d'un fond secret (avant que Pétain n'approche le gouvernement allemand le 17 juin). [34] Ceci se pose comme contexte de la célèbre et grandiose proposition

7 de Churchill, à laquelle il est fait écho dans le film, d'une complète :

« union économique et politique avec la France pour continuer la guerre » « Il n'y aura plus deux nations mais une union franco-britannique ». [35]

Proposition qui, bien qu'approuvée par Reynaud, fut rejetée par le cabinet et devint obsolète une fois l'armistice signé par Pétain. [36] La confusion générale en France et au Royaume-Uni engendrée par la rapide capitulation militaire oublieuse des combats des troupes françaises et britanniques pour défendre Dunkerque et permettre l'évacuation, fit ressurgir les vieilles rancœurs et défiances à propos de la perfide Albion côté français, et envers le manque de fiabilité des Français côté anglais. Cette défiance historique allait bientôt être renforcée par ce que beaucoup considèrent comme l'une des pires décisions stratégiques de Churchill pendant la guerre. Dès le 1er juillet Churchill présentait au cabinet britannique une proposition qui allait définitivement faire basculer l'opinion populaire française en faveur de Vichy et l'éloigner du Royaume-Uni, l'attaque du 3 juillet sur la flotte française à Mers-el Kebir durant laquelle mille trois cents marins français trouvèrent la mort aux mains de leurs anciens alliés. [37] Churchill avait refusé de croire à l'assurance que lui donnait Darlan que la flotte française d'Afrique du Nord ne tomberait pas entre les mains des Allemands. Plus tard, il se défendit pour cette action en des termes qui apportèrent un peu de réconfort :

Bien que les actions que nous ayons menées aient été extrêmement difficiles, cela devrait suffire à prouver que, contrairement aux allégations de la cinquième colonne, nous n'avons pas l'intention d'entamer les négociations. [38]

Pendant que l'évacuation britannique de Dunkerque entrait dans la légende par le biais de l'émission de J.B. Priestley, très célèbre au Royaume-Uni, qui célébra le courage des petits bateaux de l'évacuation, bateaux qui entrèrent aussi dans la mythologie nationale, d'autres petits bateaux venant de Bretagne n'allaient pas tarder à faire l'objet de l'attention des actualités britanniques. À ce stade, alors que le Royaume-Uni était esseulé, les bonnes nouvelles venant de France émanaient des Français Libres et de la preuve que l'Appel du 18 juin lancé par de Gaulle pour poursuivre les combats avait été entendu. Un événement qui cristallisa particulièrement l’attention sur les Français, et notamment sur la Résistance bretonne face à l'occupation, fut la nouvelle que les habitants de l'île de Sein, après avoir entendu l'Appel du 18 juin, avaient décidé que la quasi-totalité de la population masculine de l'île ferait voile vers Newlyn pour rejoindre les Forces françaises libres. Le 24 juin, le premier groupe prit la mer. Il se composait du bateau qui servait à ravitailler le phare, la Velléda, et du sloop crabier de Prosper Couillandre, le Ruanez ar Mor. Le 26 suivit un second groupe de trois crabiers : le Corbeau des mers (Au 1684) de Pierre Coillandre, le Ruanez ar Peoch' de François Fouquet et le Maris Stella (Au 1703). Ce dernier est le crabier qu'utilise Florrie Lannec dans le film en même temps que le

8 sloop SuzanneRenée (Cm 2488) de Camaret qui avait fui la Bretagne le 23 octobre 1943.[39] D'Audierne partirent le Lieutenant Dupont ainsi que quinze soldats du régiment des chasseurs alpins et quelques autres volontaires à bord du navire postal de l'île de Sein l'Ar Zenith (aujourd'hui conservé à Saint-Servant près de Saint-Malo). [40] C'est là le contexte des événements traités dans le film Johnny Frenchman à partir de juin 1940 après la capitulation de la France. L'arrivée à Falmouth, Newlyn et dans d'autres ports encore, de troupes évacuées françaises et britanniques, de Forces françaises libres et de réfugiés fuyant l'invasion attira l'attention sur les liens spécifiques liant les Cornouailles et la Bretagne.

Après le début de la guerre, les liens entre les Cornouailles anglaises et la Bretagne prirent une toute nouvelle dimension. Le film y fait allusion à travers l'engagement de Yan dans la Résistance et sa mission secrète en France. Les îles Scilly ainsi que les rivières Helford et Dartmouth situées en Cornouailles et dans le Sud-Devon devinrent le théâtre d'une série d'opérations clandestines menées par le SOE et la Royal Navy. Des vedettes lance-torpilles, des chalutiers et d'autres bateaux de pêche servaient à transporter des agents français et britanniques entre la France, où ils débarquaient sur la côte nord de la Bretagne, et l'Angleterre. [41] Le rapatriement d'aviateurs capturés et d'évadés, ainsi que d'agents français et britanniques du SOE faisait également partie de ces opérations. Pendant la préparation du Jour J, elles incluaient aussi des missions d'approvisionnement de la Résistance bretonne en armes et en munitions. En bloquant les divisions de réserve allemandes, ce mouvement a joué un rôle majeur dans la percée des Alliés lors du débarquement de Normandie. Ces missions effectuées par la Royal Navy et le SOE, impliquant des agents français, des pêcheurs bretons et des membres de la Résistance stationnés dans la région, expliquent l'attitude fuyante de Yan et ses disparitions temporaires avant et après son mariage avec Sue. Les aspects militaires de cette période sont décrits de façon approfondie par Sir Francis Brooks Richards et Roger Huguen. [42] On trouve à la Cinémathèque de Bretagne, à Brest, des images fascinantes enregistrées par le Lieutenant David Birkin, don de sa fille, l'actrice Jane Birkin. [43] De nombreuses photographies révèlent également la coopération entre la flotte d'opérations clandestines et la Résistance bretonne, que l'on peut trouver sur un site internet dédié au MTB-718 Knockout, le bateau sur lequel officiait David Birkin. [44]

La description du film que je propose ci-dessous est tirée d'une analyse plus poussée, mais pour cet article, j'ai divisé le film en six parties. Elles contiennent toutes un moment où les personnages sont en contradiction ou s’affrontent en partie à cause d'un malentendu. Ces moments mènent en général à des conflits, réels ou possibles, mais néanmoins résolus, entraînant le retour de la confiance et de l'harmonie entre les antagonistes. La première partie du film, soit environ les vingt-cinq premières minutes, nous présente tous les protagonistes et met en place le conflit initial entre les pêcheurs cornouaillais et les « braconniers » bretons, incarnés par la rusée Florrie Lannec et son fils Yan. L'intérêt comique principal du film réside dans les tentatives de Nat Pomeroy (le maître de port) pour damer le pion à la matriarche bretonne, qui

9 se soldent toujours par un échec. Après avoir présenté les relations entre Nat Pomeroy, sa fille Sue et son prétendant Bob Tremayne (ils se connaissent depuis l'enfance, et leurs familles ainsi que toute la communauté pensent qu'ils vont se marier), la séquence d'ouverture montre la première rencontre entre Nat Pomeroy et Florrie Lannec. Le bateau de celle-ci est remorqué vers le port local, où, même si elle ne peut pas être arrêtée pour braconnage, elle devra payer des droits portuaires. Au même moment, d'autres bateaux du village, parmi lesquels celui de Bob Tremayne, sont en mer et attendent les bancs de mulets. Pendant ce temps, le chalutier breton de Yan, le fils de Florrie, est repéré et on le soupçonne de pêcher des crabes ou des langoustes trop près de la côte. En l'absence d'un navire de surveillance, les Cornouaillais abordent illégalement le bateau de Yan et après une bagarre (la première rencontre entre Yan et Bob), le bateau est remorqué vers le port. Lorsque les Bretons sont amenés au village, Sue voit Yan pour la première fois et rencontre également sa mère, qui a reconnu le bateau de Yan. À ce moment, les guetteurs postés sur la falaise préviennent le village de l'arrivée des bancs de mulets et les pêcheurs se préparent à partir avec leur senne.

La transformation de Mevagissey, de Trevannick en Lannec. Photo de plateau de Mevagissey, avec l'aimable autorisation de Studio Canal Stills Library.

Dans l'effervescence qui s’ensuit, les Bretons sont autorisés à partir car les Cornouaillais ne veulent pas perdre le précieux poisson. Le banc s'avère finalement bien trop grand pour que les pêcheurs cornouaillais puissent le capturer, mais les Bretons s'en rendent compte et leur viennent en aide. La séquence se conclut par la création d'une « Entente Cordiale » au pub du village. Un toast de rhum est porté en l'honneur de Florrie Lannec et des Bretons, et lorsque Florrie fait la démonstration d'une prise de lutte et jette au sol Dick Trewhiddle, un personnage local, les deux peuples découvrent qu'ils ont une autre coutume en commun. Il est convenu que

10 les Cornouaillais se rendront à Lannec plus tard dans l'année pour participer à la fête du village en l'honneur d'un de leurs saints (représentation dans le film d'une fête des Saints bretonne ou Pardon). À cette occasion se tiendra une compétition amicale de lutte, avec Bob comme champion cornouaillais et Yan comme meilleur lutteur breton. À la fin de la première partie, Yan déclare pour la première fois son intérêt pour Sue en lançant son chapeau sur une patère (coutume prétendument bretonne), mais Sue le rejette promptement en le lui relançant.

La deuxième partie, qui dure environ treize minutes, montre l'arrivée des bateaux cornouaillais en Bretagne, à Lannec, à temps pour observer les différences entre les religions des deux communautés : les prêtres catholiques bénissent la mer, à la tête d'une procession religieuse avec des bannières et des effigies de saints. Cette scène a demandé la transformation de Mevagissey, qui représentait le village imaginaire de Trevannick, en Lannec, le village breton. La scène de la procession le long de la côte transformée de Mevagissey fournit un aperçu sémiotique captivant des aspects culturels de l'« essence de la Bretagne », et donc, pour un public anglais, des différences culturelles de la France.

Le maire de la commune prononce un discours de bienvenue en insistant sur l'Entente Cordiale entre les deux communautés. Nat Pomeroy y répond de façon hésitante et révèle son ignorance avec une plaisanterie plutôt insultante à propos d'un singe pendu à la place d'un Français. Pendant ce temps, Yan continue de faire la cour à Sue près d'un « étang magique » qui se veut celtique à souhait La compétition de lutte bat son plein et montre la solidarité entre Bretons et Cornouaillais, mais lors du dernier round, une prise traditionnelle cornouaillaise de Tremayne est qualifiée de tricherie dans les règles bretonnes. Bob est néanmoins déclaré vainqueur alors que Yan souffre d'une fracture à la cuisse. L'harmonie précédemment établie se change en hostilité mutuelle entre les deux communautés, mais il est clair que, malgré la victoire de Bob, c'est Yan qui fait maintenant l'objet des sentiments de Sue.

La troisième partie, qui dure environ quinze minutes, se déroule pendant la période entre la déclaration de guerre de septembre 1939 et la fin de la Drôle de guerre en avril 1940. Plus spécifiquement, en termes historiques, entre le 10 mai et le 22 juin 1940, quand les troupes françaises et britanniques, débordées par l'avancée des Allemands, se sont repliées vers Dunkerque, ce qui a abouti à la reddition de la France et à l'armistice. Lorsque la guerre est déclarée, Bob est mobilisé, mais avant de quitter Trevannick il demande Sue en mariage. Cependant, elle hésite déjà à s'engager avec lui. La scène se poursuit ensuite en Bretagne. Malgré la dimension « mythologique » que prit presque immédiatement l'évacuation de Dunkerque dans l'esprit des Britanniques, grâce à la célèbre émission de J.B. Priestley, la situation militaire était en réalité plus complexe en ce qui concerne les combats d'arrière-garde menés par les forces françaises et britanniques. Certains se sont déplacés vers le sud avant d'être évacués à partir de la redoute bretonne, là où de Gaulle avait imploré les Français de résister avant d'être forcé de partir pour la Grande-Bretagne. C'est là le contexte du célèbre

11 enregistrement de de Gaulle demandant aux forces de la « France Libre » de continuer à se battre. La scène montre l'arrivée à Lannec de soldats britanniques blessés et démoralisés. Malgré la déclaration de Pétain proclamant la fin de la guerre pour la France, Yan prend alors la courageuse décision d'aider les soldats à s'échapper et de les ramener en Cornouailles en sécurité. Lorsque Yan arrive à Trevannick et avant que les autorités ne lui fassent un compte rendu, Sue l'aperçoit et ils s'enlacent passionnément. Sue repousse Bob et, malgré l'opposition de leurs deux parents, déclare ses sentiments pour Yan. Cependant, Yan a l'intention de rejoindre les forces de la Résistance qui opèrent à Falmouth, mais il est tenu au secret. Dans le même temps, les Cornouaillais essaient de décider s'ils peuvent laisser les Bretons pêcher maintenant qu'ils ne peuvent plus rentrer en Bretagne.

C'est là que commence la quatrième partie : Florrie Lannec arrive sur son bateau avec d'autres réfugiés qui fuient l'occupation allemande. Le film fait ici allusion aux contacts liés à l'activité décrite par Roger Huguen dans Par les nuits les plus longues, qui inclut le retour d'aviateurs et d'évadés militaires grâce au réseau Shelburne. [45] Dans un premier temps, Florrie est logée chez Nat Pomeroy, et leur cohabitation devient le centre du « choc des cultures » au niveau individuel et, plus largement, des communautés. Florrie envahit la maison de Nat tout comme les Bretons envahissent « notre espace » à Trevannick. Malgré de nombreux conflits au sujet de la nourriture, de la boisson, de la chanson et même des bornes d'amarrage pour « s'asseoir », l'harmonie est finalement trouvée lorsque les deux communautés réalisent qu'elles ont un ennemi et des coutumes en commun. En ce sens, un festival de chant est organisé afin de recueillir des fonds pour permettre aux Bretons d'aller pêcher à la palangre en eaux cornouaillaises. De même, malgré leurs différences, Nat et Florrie sont unanimes dans leur opposition à un mariage entre leurs enfants Sue et Yan : comme le dit Nat, « Je préférerais encore la voir épouser un gars du Devon. »

La chorale cornouaillaise est en pleine répétition, mais avant que le concert puisse débuter, l'harmonie est rompue par l'arrivée de Bob Tremayne, maintenant enrôlé dans la Royal Navy. Une bagarre éclate dans le pub entre lui et Yan au sujet de Sue, qui dégénère en bagarre générale entre Cornouaillais et Bretons, détruisant à nouveau l'harmonie précaire établie. Sue quitte la maison de son père car celui-ci est opposé à sa relation avec Yan ; pendant ce temps, Florrie s'est véritablement installée à sa place. Cette cohabitation entraîne une suite de confrontations et d'incompréhensions comiques qui atteint son paroxysme avec une dispute sur la pêche lors du sabbat du dimanche (source traditionnelle de conflits pour les pêcheurs cornouaillais) au cours de laquelle Florrie se montre encore une fois plus maline que Nat.

La partie suivante présente les doutes de Sue : malgré sa décision d'épouser Yan, qui est maintenant impliqué dans des missions clandestines pour la Résistance et la Royal Navy, elle est déconcertée par son attitude fuyante. Cette situation empire lors d'une rencontre avec Bob, qui tente de la persuader qu'elle « a été abandonnée par ce lâche ». Finalement, Yan écrit à Sue, et

12 malgré ses doutes et seulement après en avoir été persuadée par Florrie, qui a réalisé que le couple était très amoureux en parlant à son fils, elle se rend à Falmouth pour épouser Yan. Florrie, qui s'est installée chez Nat comme « femme au foyer », l'informe de ce qui s'est passé et il se fait progressivement à l'idée, même si Sue n'est toujours pas autorisée à rentrer à la maison. Yan part en mission secrète (il est suggéré que cette mission a un lien avec l'invasion de l'Europe) avec la Résistance en Bretagne, mais il découvre que le bateau qui doit l'y amener est le destroyer sur lequel Bob est en fonction. Bob Tremayne est alors forcé de reconnaître le caractère et les intentions véritables de Yan.

La dernière partie du film se compose de deux scènes en parallèle : une tempête en mer où Nat pilote le bateau de sauvetage qui part aider les pêcheurs bretons et Florrie Lannec qui, à bord de son propre bateau, capture dans son filet une mine désarrimée et la tire en dehors de l'entrée du port de Trevannick pour assurer le retour sans danger du bateau de sauvetage et la sécurité du village. Au début de cette partie, Nat avait finalement décidé, grâce à l'intervention de Florrie, de laisser Sue rentrer au foyer. À la fin de cette partie, une grande fête est organisée et tous les villageois défilent dans la rue avec à leur tête Nat et Florrie, les héros du jour, jusqu'au pub du village, où ils trouvent installés Bob et Yan, réconciliés après leur mission réussie en Bretagne. Cette scène nous amène aux derniers mots du film, prononcés par Françoise Rosay dans le rôle de Florrie Lannec. Ces mots font écho à la déclaration de Churchill de 1940 et à l'esprit de résistance qui s'ensuivit, menant à la « Libération », qui camouflera les conflits les plus terribles qui ont eu lieu entre les Alliés entre 1939 et 1945 :

Je sais maintenant que nous sommes enfin amis. Ne pensez pas pouvoir vous débarrasser de nous ! Nous reviendrons car nous avons trouvé ici un nouveau foyer ! Lannec et Trevannick sont à présent un seul et même village. [46]

Dans les dernières scènes, on voit Lannec Florrie et Nat Pomeroy célébrer leur « Entente ». Avec l'aimable autorisation de Studio Canal Stills Library.

13 Pour effectuer une analyse plus formelle de ce film, il faudrait analyser en détail la façon dont le metteur en scène a interprété le scénario, porter une plus grande attention à la manière dont les séquences de plans ont été montées et à la place de ce film parmi les sorties des studios Ealing pendant la guerre. Ici, je souhaite cependant me concentrer sur le rôle de la mise en scène narrative, appuyée par le scénario et l'intrigue soi-disant sinueuse. Dans un cours à l'université d'été du BFI () en 1945, juste avant la sortie de Johnny Frenchman, Charles Frend donnait son opinion sur le rôle du metteur en scène :

Le metteur en scène est en fait un interprète. Il traduit les mots écrits par des images, et ce processus ne se résume pas au tournage du film en lui- même dans le studio. La méthode de traduction est déjà présente dans le script, et elle s'opère tout autant lors du montage que lors du tournage. Il s'ensuit que le metteur en scène, celui qui est responsable de l'interprétation, doit être présent à toutes les étapes de la production. [47]

La relation étroite entre le script et son interprétation visuelle par le metteur en scène que décrit Frend aide à expliquer la série de compétitions, incompréhensions et résolutions de conflits qui apparaît dans le film. La narration du film rappelle quelquefois fortement la structure formelle d'un conte traditionnel ou d'un conte de fées, ce que l'on peut exprimer dans des termes proches de ceux utilisés par Vladimir Propp (dans son analyse d'un corpus de contes de fées russes de la collection Afanasyev), et repris plus tard par Meletinskii et Segal. [48] On trouve deux familles et deux communautés, chaque famille étant caractérisée par un « manque » qui entraîne une série de relations triangulaires entre les six personnages principaux et leurs « fonctions » par rapport à un rayon d'action dans l'intrigue. Sans le vouloir, l'affiche du film attire notre attention sur cette relation en plaçant Nat Pomeroy entre sa fille Sue d'un côté et Florrie Lannec de l'autre. Une relation triangulaire similaire pourrait être mise en évidence en plaçant Sue entre ses deux prétendants, Bob et Yan. Il est intéressant de noter (et le film ne l'explique pas) qu'il manque un membre clef dans les deux familles : Nat Pomeroy a une fille mais ne semble pas avoir de femme, Florrie Lannec a un fils mais ne semble pas avoir de mari. Malgré leur opposition, Nat et Florrie perdent tous les deux temporairement leur enfant pendant le film, mais ils gagnent finalement un beau-fils et une belle-fille grâce au mariage de leurs enfants. Par conséquent, la scène, après le départ de Sue et avant même son mariage avec Yan, dans laquelle Florrie Lannec semble s'imposer comme une femme de substitution pour Nat prend une dimension comique et quelque peu étrange. Le mariage lui-même a lieu après une série de conflits entre Bob et Yan ; de la bagarre initiale lors de l'abordage du bateau de Yan et de son arrestation illégale au combat de lutte gagné par Bob grâce à une prise défendue, et enfin à la bagarre finale au pub de Trevannick. Même si Bob sort victorieux de ces conflits (tout du moins des deux premiers), il perd la bataille la plus importante : gagner l'amour de Sue. Là où le film diffère des contes populaires et du mélodrame, c'est dans le personnage assez « figé » de Bob Tremayne, que les critiques de l'époque avaient remarqué et qui a souvent été imputé au jeu

14 d'acteur de Ralph Michael. [49] Même si le rôle de véritable méchant dans la tradition du mélodrame et de la romance populaire aurait donné plus de force à son jeu, cela aurait détruit le rôle de son personnage dans l'intrigue : l'antagoniste honnête mais vaincu, le bon perdant flegmatique qui était nécessaire à l'intrigue. [50] Les conflits individuels entre les protagonistes sont soigneusement mis en correspondance avec toutes les incompréhensions entre communautés : au sujet de la pêche, de la lutte, de la religion et même du thé et du café et des bornes d'amarrage, qui ne cessent de se présenter puis d'être résolus dans le film. Il est également intéressant de noter que ce sont en général les Cornouaillais, et non les Bretons, qui sont dépeints comme pleins de préjugés, sournois et méfiants, jusqu'aux scènes en parallèle à la fin où les deux communautés s'unissent en mettant de côté leurs préoccupations et leurs intérêts personnels pour sauver les pêcheurs et la communauté locale d'un danger qui les menace tous. Il est tout à fait typique des studios Ealing de mettre l'accent sur des gens ordinaires qui doivent quelquefois choisir entre suivre leur devoir moral et leurs désirs personnels ou s'engager émotionnellement pour une juste cause. [51] Dans cette optique, le sujet principal du film, même s'il n'est pas beaucoup évoqué, est la résistance des Bretons, et plus spécifiquement la décision de Yan d'aider les troupes britanniques à s'échapper malgré la déclaration d'armistice de Pétain, défiant ainsi à la fois les occupants allemands et le régime de Vichy. Cette action est ensuite renforcée par la décision de Florrie de transporter des réfugiés et d'autres personnes vers un endroit sûr. Elle place donc le devoir personnel et, à terme, la communauté au sens large et la nation au-dessus de l'égoïsme local et paroissial.

L'autre sujet principal du film est représenté par les personnages de Sue et Yan qui, à cause de leurs décisions personnelles d'engagement sentimental, se trouvent en conflit avec leurs familles, leurs communautés et leurs traditions. Mais ils suivent également quelque chose de plus grand : l'engagement de Yan dans la Résistance, la confiance que Sue lui accorde malgré ses doutes. La performance de Patricia Roc dans le rôle de Sue montre bien son rôle d'incarnation de l'intégrité émotionnelle positive, qui ne se soumet pas aux conventions ou au poids des traditions familiales et communautaires. Ce rôle est proche de celui de Celia, qu'elle avait incarnée dans le film à grand succès Millions like us, qui évoque la tension entre devoir public et désirs personnels. [52] Celia, jeune fille naïve et passionnée mobilisée pour le travail de guerre, s'imagine une vie romantique dans les forces armées et une succession de possibles amants, mais ce film se termine de façon tragique lorsque Fred, qu'elle a épousé, est tué lors d'une mission avec la Royal Air Force. [53] Ce film traite également de la tension entre les désirs personnels et la réalisation des souhaits d'un personnage féminin et la nécessité de reporter l'accomplissement de ceux-ci à l'après-guerre. [54] Par exemple, l'embrassade passionnée sur le quai entre Yan et Sue, réunis après le départ de Yan de la Bretagne occupée, est jugée « choquante » (pour les Cornouaillais, plus puritains !).

Patricia Roc a décrit le tournage de Johnny Frenchman comme habité par « une agréable camaraderie ». [55]

15 Cependant, le tournage du film a connu son lot de problèmes et d'incompréhensions. En visitant le lieu de tournage, Michael Balcon fut surpris puis amusé de constater que le capitaine d'un des chalutiers bretons était un Balcon : c'était le surnom de l'un des acteurs bretons. [56]

Sur le tournage de Johnny Frenchman : le chalutier de l'île de Sein Maris Stella (avec l'aimable autorisation de Kresenn Kernow : The Cornwall Centre, Redruth ; tirée de la collection Ellis, Négatif 9539).

La performance de la talentueuse Françoise Rosay dans le rôle de la matriarche Florrie Lannec, qui impressionna grandement le scénariste Tibby Clarke, ne fut pas aussi bien perçue par les habitants locaux car elle impliquait l'observation et l'imitation des femmes de pêcheurs du village. Tibby Clarke écrit :

Elle arrivait tôt sur le plateau et observait les femmes sur le quai. Quand elle en repérait une qu'elle jugeait intéressante, elle la suivait en notant tous ses mouvements, les moindres détails de sa démarche, puis elle les reproduisait dans son jeu. Je n'ai connu aucun autre artiste (à l'exception d') qui s'applique autant à incarner son personnage. [57]

Malgré l'admiration de Clarke pour le professionnalisme de l'actrice française, les relations de celle-ci avec l'équipage breton n'étaient pas vraiment harmonieuses : ils ne la comprenaient pas, ou faisaient semblant de ne pas la comprendre, et parlaient uniquement en breton en sa présence.

Rosay était dans l'impossibilité de communiquer avec l'équipage du bateau dont elle était le capitaine dans le film, car ils parlaient breton et non français. [58]

Il semblerait qu'ils choisissaient de parler breton et qu'ils comprenaient très bien le français car Paul Bonifas, même s'il tenait un rôle secondaire, ne sembla pas rencontrer ce

16 problème.

De plus, la relation apparemment « figée » à l'écran entre Roc (Sue) et son prétendant rejeté Bob Tremayne masquait le début d'une aventure entre elle et Ralph Michael au cours du tournage. [59] En général, le public britannique a été séduit par la romance et la simplicité de l'intrigue combinées à une touche d'humour (surtout pendant les échanges entre Tom Walls et Françoise Rosay), plutôt que par le message plus idéaliste de la scène finale.

La complexité de la situation politique en Bretagne sous l'occupation n'est pas du tout évoquée dans le film. Il n'évoque pas non plus l'histoire du ressentiment breton à l'égard de l'hégémonie française, ni l'héritage émotionnel important de la Première Guerre mondiale et du service des Bretons à la République française (la bretagne paya un lourd tribut), et aucune référence n'est faite à la « différence » des identités ou aux divisions entre nationalistes bretons quant à la collaboration avec le régime de Vichy et les occupants nazis. [60] L'importance de ces éléments et les tensions internes à la Résistance qui se sont développées après 1944 et ont joué un rôle majeur en Bretagne après le Jour J n'auraient pas été perçues par le public britannique. La Résistance et la collaboration avaient pourtant déjà fait l'objet de films britanniques, mais ces sujets étaient toujours traités de manière très manichéenne. Dans la culture populaire des spectateurs de cinéma britanniques, s'il existait une conscience de la Bretagne comme d'un paysage particulier avec sa culture propre, elle avait été façonnée avant la guerre et ressemblait à l'image des Cornouailles fabriquée pour le public anglais.

Les principaux types d'images visuelles auxquelles les scénaristes étaient habitués venaient d'artistes et d'écrivains du XIXe siècle, de publicités touristiques du début du XXe siècle et du travail de photographes pour la production commerciale de cartes postales représentant le paysage et les communautés locales. On comptait également les « actualités » de quelques films tournés par les principales entreprises de films d'actualités dans les années d'entre-deux-guerres. [61] C'étaient là les seules images en mouvement de paysages et d'événements. Dans le cas des Cornouailles, on y trouvait souvent des images de la côte, en particulier des naufrages et des sauvetages, des carnets de voyage, des images pittoresques et des coutumes celtiques. Les Cornouaillais y sont présentés comme proches de la nature, vaquant sans relâche à leurs activités au crépuscule du folklore celtique.

Cependant, en août 1945, lorsque le film fut prêt à être diffusé, la guerre était terminée. La capitulation de l'Allemagne le 30 avril avait été officiellement confirmée le 7 mai à Reims et le 8 mai à Berlin. Les gouvernements nationaux faisaient alors face à de nouvelles priorités et la réalité changeante des positions politiques populaires devait bientôt se refléter dans les urnes. L'alliance constituée pendant la guerre contre les forces de l'Axe était déjà en péril : le Président Roosevelt était mort le 12 avril et avait été remplacé par Truman, et le 11 juillet, pendant la conférence de Potsdam, parvint la « nouvelle choquante » de la défaite de Winston Churchill et des conservateurs contre les travaillistes menés par Clement Atlee dans la première élection

17 nationale britannique d'après-guerre. Les attentes européennes d'un prolongement de l'implication positive de la Grande-Bretagne dans l'Europe d'après-guerre, plutôt que simplement dans le règlement de la question allemande, n'allaient être satisfaites ni par le gouvernement travailliste, ni par le gouvernement conservateur suivant :

Les paneuropéens pensaient qu'une fois la guerre terminée, Churchill suivrait une politique d'expansion dans la ligne directe de son offre théâtrale à la France en 1940... une union franco-britannique. Ce discours n'était pas seulement rhétorique. Il y avait derrière lui tous les efforts mis en œuvre pendant les premiers mois de la guerre pour dresser un plan détaillé en vue d'une coopération économique et militaire... Jean Monnet faisait partie de ces discussions. [62]

Dans le même temps, le Général de Gaulle, reconnu comme le meneur de la Résistance en 1943 dans la ville libérée d'Alger, était revenu en France à la tête du gouvernement provisoire et avait assisté à la libération de Paris par les troupes françaises le 6 août 1944. En France, la coopération entre différents éléments constituant la Résistance et les forces de la France Libre fut importante pour parvenir à une stabilité nationale immédiatement après la guerre, mais lorsque la première élection nationale eut lieu en octobre 1945, il était clair que la nouvelle Assemblée Constituante serait dominée par des socialistes et des communistes (toujours politiquement alliés à cette époque). [63] Pour de Gaulle, Premier ministre soumis à un fort pouvoir exécutif, la perspective d'une nouvelle Constitution qui limiterait la majeure partie de ses pouvoirs était décourageante, et le 26 janvier 1946 il se retira également de la politique, laissant Staline comme seul survivant politique de l'Alliance de guerre. Le film occupe donc une période d'entre-deux entre les certitudes et les incertitudes de l'Alliance de guerre, entre les conflits et les solidarités créés dans une Europe déchirée par la guerre et un monde d'après- guerre émergent qui n'avait pas encore été clairement divisé par la Guerre Froide et le Rideau de Fer.

La sortie du film au Royaume-Uni eut lieu en août 1945. Il attira modérément l’attention de la critique et fit des recettes acceptables. Plus tard, entre 1947 et 1948, le film fut distribué en France et critiqué dans les hebdomadaires de cinéma les plus populaires. [64] Il faudrait, pour connaître les réactions du public et des critiques français, mener d'autres recherches qui dépassent le cadre de cet article. Au moment de sa sortie au Royaume-Uni, Johnny Frenchman donna une impression de propagande fondée sur l'expérience de la guerre et les directives du ministère de l'Information associée à une aspiration générale à un monde d'après-guerre meilleur, qui prendrait en compte la dimension européenne. Le lieu de tournage, le port de pêche et la côte, gardent le « réalisme » de « la fiction documentaire inventée avant la guerre par Watt et Cavalcanti avec The Saving of Bill Blewitt, et qu'ils continuèrent d'exploiter dans leurs films produits par les studios Ealing en temps de guerre. Cependant, la mise en scène de Frend reflète clairement l'influence de Balcon : son idée d'un cinéma national différent des productions

18 hollywoodiennes comme Mrs Miniver joua un rôle crucial et peut être observée dans les célèbres comédies d'après-guerre des studios Ealing. [65] La production du film eut lieu dans un contexte où il était nécessaire d'informer, mais surtout d'amuser la population britannique qui n'était pas encore « démobilisée » et à une époque où les femmes formaient une part importante des spectateurs de cinéma. Pendant la guerre, un nombre important de femmes célibataires et mariées avaient été mobilisées pour le travail de guerre et gagnaient donc, pour elles et pour leurs familles, un salaire qui leur permettait d'aller plus souvent au cinéma. Par conséquent, il n'est sans doute pas étonnant que l'intrigue du film soit liée à une romance entre la séduisante Patricia Roc et le beau Paul Dupuis dans le premier rôle masculin, qui, s'il n'était ni français ni breton, était québécois, donc le meilleur choix par défaut. Le film connut cependant moins de succès auprès du public féminin d'après-guerre que les mélodrames rythmés produits par les studios Gainsborough, comme : Love Story, 1944, qui se passe également en Cornouailles, et le très populaire Wicked Lady, 1945, avec dans ces deux films Patricia Roc et Margaret Lockwood. [66] L'aspect « documentaire » de Johnny Frenchman ne se base clairement pas sur des choix de mise en scène respectant scrupuleusement les aspects ethnographiques et historiques dans la représentation des deux communautés fictives des Cornouailles et de Bretagne, ni sur une connaissance détaillée des relations entre les deux régions juste avant et pendant la guerre. Cependant, il dépeint un moment de collaboration authentique des deux côtés de la Manche entre le Royaume-Uni et la France, et en particulier entre les communautés de pêcheurs de Bretagne et de Cornouailles, unies dans la résistance de plus en plus forte au fascisme et à l'occupation allemande, ce qui se reflète dans le transport des agents et des évadés Alliés entre la côte bretonne et les Cornouailles :

Peu de gens ont rencontré les Bretons (de la Résistance) à l'époque, mais c'étaient des gens merveilleux et ils nous ont sauvé la vie. Je ne sais pas ce qui se serait passé sans leur aide. [67]

Le message du film met l'accent sur la réconciliation entre Cornouaillais et Bretons, et implique par là le besoin de continuer la coopération franco-britannique après la guerre afin de reconstruire l'Europe, ce qui n'a pas été le cas dans les faits. Néanmoins, la technique « documentaire-fiction » utilisée réussit à évoquer certains sujets qui révèlent les histoires distinctives de ces deux communautés ainsi qu'un certain nombre d'événements réels qui ont lié les deux régions pendant la guerre. Les villages de Trevannick et Lannec restent des « communautés imaginaires » qui ont une fonction « métaphorique » dans la présentation des identités nationales imaginées en temps de guerre, car le national ne peut être pensé qu'à travers la diversité et l'aspect concret du local et des détails. Dans le film, les différences ethniques et religieuses sont présentées de manière limitée : l'identité britannique n'est pas nécessairement anglaise et l'identité française inclut en elle une identité bretonne. Le patriotisme local, l'attachement aux racines et à la différence culturelle, sont parfaitement compatibles avec une idéologie libérale ou très conservatrice de la nation et même de la monarchie, mais ils portent

19 toujours en eux la possibilité d'être influencés par des discours plus radicaux et contradictoires sur la séparation et l'identité.

Johnny Frenchman (1945)

Produit par

Réalisateur : Charles Frend Producteur : Michael Balcon Scénario : T E B Clarke Producteur associé : S C. Balcon Photographie : Roy Kellino, Jack Parker, Hugh Wilson Son : Mary Habberfield, Len Page, Eric Direction artistique : Duncan Sutherland Williams Musique : Clifton Parker Chef d'orchestre : Montage : Michael Truman Assistant monteur : Barbara Bennett

Distribution

Les villageois des Cornouailles anglaises : Les Bretons et les membres de la Résistance :

Tom Walls : Nat Pomeroy (maître de port) Françoise Rosay : Lannec Florrie Patricia Roc : Sue Pomeroy (la fille de Nat) Paul Dupuis : Yan Kerverac (le fils de Florrie) Ralph Michael : Bob Tremayne (prétendant de Paul Bonifas : Jerome Sue) Henri Bollinger : Alain Bill Blewitt : Dick Trewhiddle Jean-Marie Balcon : Maio Frederick Piper : Zacky Penrose Louis Gournay : Yves Arthur Hambling : Steven Matthews Charles Jezequel : Bob Richard George : Charlie West Jean-Marie Nacry : Grandpere James Harcourt : Joe Pender Joseph Menou : Mattieu Richard Harrison : Tim Bassett Stanley Paskin : Sam Olds James Knight : Tom Hocking Les Anglais : Leslie Harcourt : Jack Nicholas John Stone : Sam Harvey Carol O’ Connor : Mr Harper George Hirst : Dave Pascoe Franklyn Bennett : Sergeant Herbert Thomas : Spargoe Alfie Bass : Corporal Denver Hall : Billy Pomeroy Brendan Fishwick : Exciseman Vincent Holman : Truscott Arthur Denton : Mr Mason Grace Arnold : Mrs Matthews Charles Rolfe : marin anglais Beatrice Varley : Mrs Tremayne Judith Furse : June Matthews Drusilla Bills : Miss Bennett

20 Abstract The film Johnny Frenchman, made and released by Ealing Studios in the final year of the war, constructs a film narrative around the rivalry and cooperation between two “ imagined” traditional fishing communities in Brittany and Cornwall. The very real conflicts and misunderstandings which had characterized the Anglo-French war-time alliance are thus displaced onto the distinctive ‘warring’ traditions of the two subaltern communities, whose film representation serves as a metaphor for this national historic rivalry. The article seeks to analyse the immediate historical context of a number of crucial events between 1939 and 1945 that underlies the film’s narrative but are nevertheless absent/forgotten in the scenario; a scenario shaped in part by the propaganda requirements for a war-time feature film and in part by the need for box office success with a predominantly female audience. In particular the ‘forgotten’ proposal early in the war for a Union of Britain and France to defend Europe against a common enemy, alluded to in the final speech of Lannec Florrie but now effectively submerged due to the subordinate roles of both Britain and France, the ‘old powers’ in a world dominated by the new; the USA and the Soviet Union. Finally the role of Balcon and Ealing Studios in the emergence of the notion of a ‘people’s war’ and the representation of the significance of local patriotism in the ‘national character’ are considered in the light of the film’s reception by cinema audiences. Keywords Entente; Anglo-French Union or military alliance; “imagined community”; subaltern community; local patriotism and national identities; plot, film narrative and the metaphoric; folklore motifs and documentary realism; Ealing Studios and the “people’s war”. Notes [1] University College Plymouth : St Mark & St John. [2] Charles BARR, Ealing Studios, Newton Abbot, UK, 1977, p. 31-40 à propos de l'équipe des studios Ealing, p. 62-63 à propos du film, Michael Balcon, « The British Film during the War », Penguin Film Review, n°7, Londres, 1946, p. 66-73. Jeffrey Richards, « National Identity in British Wartime Films », dans P. M. Taylor (ed.), Britain and the Cinema in the Second World War, Londres : Macmillan, 1988, p. 42-61. [3] George PERRY, Forever Ealing, Pavillion, UK, 2e édition, 1985, p. 82. Pour plus de détails sur la période concernée, voir : Anthony Aldgate & Jeffrey Richards (ed.), Britain Can Take It: British Cinema in the Second World War, Edinburgh University Press, 2e édition, 1994 ; Francis Rousselet et le Cinéma britannique entre en guerre, éditions Cerf-Cerlet, Paris, 1reédition, 2009 ; Robert Murphy British Cinema and the Second World War, 1re édition, Londres : Continuum, 2000. [4] Barr op. cit., p. 63 ; voir aussi Michael Balcon, The Film Director, British Film Institute Summer School, BFI , 1945, p. 1-14. [5] Richard Davis, Anglo-French Relations before the Second World War: Appeasement and Crisis, 1re édition, Londres : Palgrave, 2001, p. 7-8 ; Glyn Stone, « From Entente to Alliance: Anglo-French relations, 1935-1939 », dans A. Sharp & G. Stone (eds), Anglo-French Relations in the Twentieth Century: Rivalry and Co-operation, 1reédition, Londres : Routledge, 2000, p. 244-262. [6] Philip Bell, « Entente broken and renewed: Britain and France, 1940-1945 », p. 223-241 et Sean Greenwood, « The most important of the Western Nations: France’s place in Britain’s post-war foreign policy, 1945-1949 », p. 244-262, dans A. Sharp & G. Stone, op. cit., 2000. [7] Philip Kemp, « Review of Bon Voyage and Aventure Malgache », Sight and Sound, Vol 3, N1, novembre 1993, p. 57 ; Alain Kerzonuf, « Hitchcock’s Aventure Malgache, or the true story of DZ91 », Senses of Cinema, n°41, 5 novembre 2006, p.1 et les dossiers du ministère de l'Information aux archives nationales britanniques, Kew, Londres ; voir INF6/2470 (pour 1944 AM ci-dessus) ; pour les dossiers sur Paul Clarus/ Paul Bonifas voir HS91326 ; Nicholas Pronay & Jeremy Croft, « British Film Censorship and Propaganda Policy during the Second World War », dans J. Curran & V. Porter (eds), British Cinema History, Londres, 1983, p. 144-163, concernant le gouvernement britannique et la propagande entre les deux guerres voir : Propaganda, Politics and Film, 1918-1945, N. Pronay & D. W. Spring (eds), Londres : Macmillan, 1982, pour le rôle du cinéma et de la détente anglo-américaine voir : K. R. M. Short, « Cinematic Support for the Anglo-American Détente », dans Taylor ed., p. 121-143. [8] R. Davis op. cit., p. 187-199. [9] James Joll Europe Since 1870: An International History, 4e édition, Londres : Penguin, 1988, p. 378-386 ; Robert O Paxton Old Guard and New Order, 1reédition, Cambridge, 1972, p. 43 ; H. R. Kedward Resistance in Vichy France, 1979, p. 12-28.

21 [10] Neville Kirk, « History, language, ideas and post-modernism: a materialist view », Social History, 19, 1994, p. 221-240 ; Richard Price, « Post-modernism as theory and history », dans J. Belchem & N. Kirk (ed.), Languages of Labour, Aldershot, 1re édition, 1997, p. 25-29. [11] Barr op. cit., p. 62. [12] Perry op. cit., p. 82-83. [13] Charles Barr All Our Yesterdays: Ninety Years of British Cinema, British Film Institute, 1re édition, Londres, 1986. Il n'existe pas de filmographie complète de l'acteur Tom Walls (on sait cependant qu'il avait, à cette époque, déjà joué aux côtés de Patricia Roc, avec Stewart Granger et Margaret Lockwood dans la comédie dramatique Love Story en 1944 dont l'action se déroulait également dans les Cornouailles et aux côtés de Françoise Rosay dans (1944)) ; pour plus de détails sur l'actrice Patricia Roc, voir Michael Hodgson Patricia Roc: The Goddess of the Odeons, Londres, 1 reédition, 2011 ; pour plus de détails sur la représentation des femmes et des genres dans les films britanniques de cette période voir : Sue Harper, « The Representation of Women in British Feature Films », dans P. M. Taylor ed., op. cit., p. 168-200, et Picturing the Past: The Rise and Fall of British Costume Film, BFI, Londres, 1reédition, 1994, p. 129-131 ; pour plus de détails sur Françoise Rosay voir Didier Griselain Françoise Rosay : une grande dame ducinéma francais, Paris, 1reédition, 2007, Françoise Rosay. La Traversée d’une vie, souvenirs recueillis par Colette Mars, Éditions Robert Laffont, Vécu, Paris, 1974. [14] A Re-take Please: to Western Approaches, Liverpool University Press and Royal Naval Museum Publications, 1re édition, 1999, p. 41 ; Harry Watt Don’t Look at the Camera, Paul Elek, Londres 1re édition, 1974, p. 100-110 ; Paul Swann The British Documentary Film Movement, 1926-1946, Cambridge University Press, 2e édition, 1989, p. 128. [15] Kerzonuf op. cit., p. 1-4, concernant Bonifas, Clarus et les soupçons portés sur le Théâtre Molière ainsi que sur les émissions radio de la BBC à Londres destinés aux « Français en lutte » pendant la guerre. [16] Ibid., p. 1-4. [17] Watt op. cit., p. 101-103, et , « Realist Review » dans Sight and Sound, 10/38, 1941, p. 20. [18] Watt op. cit., p. 103-107 et Jackson op. cit., p. 41-43. [19] Watt op. cit., p. 108-109. [20] Michael Balcon op. cit., p. 66-73 ; Twenty Years of British Film, 1925-1945, Londres : Falcon Press, 1ère édition, 1946 ; et « The Feature carries on the Documentary Tradition », Quarterly of Film, Radio and Television, V6, N4, 1952, p. 351-353. [21] Richards dans Taylor ed., op. cit., p. 48, et Barr op. cit., p. 60-61, sur l'identité nationale et la « véritable » histoire de Melbourne Johns relatée par J.B. Priestley sous forme de récit qui servit de base pour le scénario du film The Foreman Went to France, qui fut intégralement tourné en Cornouailles. [22] Peter Stead, « The People as Stars » dans Taylor, op. cit., p. 75, et Richards ibid., p. 44; réflexions d'un réalisateur de documentaires sur la représentation de la vie régionale et des communautés au Royaume-uni voir , « The Regional Life of Britain as seen through British Films », dans R. Manvell ed., The Year’s Work in Film, 1950, édition 1951, Londres, p. 44-49. [23] John K. Walton, « Fishing Communities, 1850-1950 », dans D.J. Starkey, C. Reed & N. Ashcroft (eds), England’s Sea Fisheries: The commercial sea fisheries of England and Wales since 1300, Londres : Chatham Publishing, 1reédition, 2000, p. 127-137; Tony Pawlyn, « Fisheries of the Westcountry and Wales » dans ibid p. 197-201 ; Bernard DEACON & P. « Imagining the Fishing: Artists and fishermen in late nineteenth century Cornwall, Rural History », V 12, 2001, p. 159-178 ; B. Deacon A Concise History of Cornwall, University of Wales Press, 1reédition, 2007, p. 195-196. [24] Deacon op. cit., 2001, p. 164-169. [25] Ibid., p. 171-174. [26] Robert Keys, « Projecting Cornwall: British Pathe Newsreels and the representation of Cornwall between the wars », article non publié, archives audio-visuelles de Cornouailles (CAVA) et l'institut pour les études cornouaillaises (ICS), février 2007, p. 4-6 pour les actualités sur les Cornouailles. [27] Stone, op. cit., p. 258-262 and Bell,op. cit., p. 224-230 ;concernant le contexte politique du Royaume-Unis voir Paul Addison, The Road to 1945: British Politics and the Second World War, Londres 1reédition, 1977 ; Angus Calder, The People’s War, 1reédition, 1971. [28] John Corin Fishermen’s Conflict: The Story of Newlyn,Newton Abbot, 1reédition, 1988, p. 9-10 ; Dave Smart The Cornish Fishing Industry: A Brief History, Penryn, 1reédition, 1992 ; Pawlyn op. cit., p. 130. [29] Corin op. cit., p. 57-82. [30] Pawlyn op. cit., p. 198-201. [31] John Mc Williams A Century of Friendship: Breton Fishermen in Cornwall and Scilly, St Ives Trust, 1reédition, 2007, p. 5-9 ; Tony Pawlyn, « A Century of Friendship by John Mc Williams », Review in South West Soundings, n° 77, Jan. 2010, p. 7. [32] Oliver Hill Collection, Penlee House Gallery and Museum, Penzance et l'exposition récente au National Maritime Museum, Cournouailles, Cornwall ; http://www.nmmc.co.uk/thebretonconnection (en).

22 [33] Deacon op. cit., 2001, p. 173-7-176 ; voir aussi « Newlyn : Un Concarneau anglais », catalogue d'exposition, « Gens des Cornouailles. Regards d'artistes britanniques et français (1880-1930) », Musée départemental breton : Quimper, juin/septembre 2012. [34] Joll op. cit., p. 380-384, pour un bref résumé voir aussi Richard DoodyBrittany from the Great War to the Liberation sur http://worldatwar.net/article/brittany (en). [35] D. W. Urwin Western Europe since 1945, Londres : Longman, 3e édition, 1989, p. 9-11 et Jollop. cit., p. 385. [36] Winston S. Churchill, Speech in the House of Commons, 4 June 1940, Hansard, 5e séries, CCCLX1, p. 745-746 (pour le célèbre discours « we shall fight on the beaches » ) et le « Broadcast Appeal to France, on the BBC, 18th June 1940 » (L'Appel du 18 juin) de Charles de Gaulle, dans War Memoirs Volume 1, The Call to Honour, 1940-42. Documents (version anglaise), London, 1re édition, 1955, p. 12. [37] Paxton op. cit., p. 43 ; David BrownThe Road to Oran : Anglo-French Naval Relations, September 1939 to July 1940, Frank Cass/ Taylor & Francis, London,1reédition, 2004, p. 198 ; Philippe Masson La Marine française et la guerre, 1939-1945, p. 164, pour des détails sur l'abandon de la stratégie potentiellement dangereuse de couler à vue tout navire approchant par l'Ouest en juillet 1942 et la mise en place d'opérations clandestines menées conjointement avec les Bretons voir Mc Williams op. cit., p. 85-86. [38] Winston S. Churchill History of the Second World War, Volume 2, BCA, 5e édition, 1985, p. 210. [39] Mc Williams op. cit., p. 82-83 à propos des navires utilisés dans le film Johnny Frenchman. [40] Mc Williams op. cit., p. 78-79 à propos du rôle de l'Ar Zenith, et p. 91-95, à propos de l'ensemble des navires utilisés dans les opérations clandestines entre 1940 et 1945. [41] Francis Brooks Richards Secret Flotillas: Clandestine Sea Operations to Brittany 1940-1944, Frank Cass/Whitehall History Publishing, London, 2e édition, 2004, voir p. 258-270, p. 318-320 et Appendices A et B ; Roger Huguen Par les nuits plus longues, Coop Breizh, 1993, France, édition 2001, ch. 9 et 10, voir carte p. 320 pour l'emplacement des maisons du réseau d'évasion. [42] Roger Huguen et Rolland Savidan Passeurs de l’ombre : La Résistance en Bretagne avec le réseau d’évasion « Shelburne », DVD : Cinémathèque de Bretagne, Coop Breizh, 2010 (images des opérations clandestines et témoignages oraux des participants, à partir de leurs souvenirs). [43] Cecil A. Hampshire The Secret Navies, W. Kimber & Co, 1978, 1e édition, p. 55-56, p. 70-85 et p. 87-88. Sur le rôle du MTB 718 dans les opérations clandestines, voir David Birkin Saga of L’Aber Vrach (MGB 318) ; témoignage inédit et Frank Jones, « Slipping between Enemy Fingers », sur http:// www.trasksdad.com/FrankJones/SecretWar2 . [44] Voir http://mtb718.co.uk/knockout.aspx pour des informations sur l'Opération Knockout et http:// www.conscript-heroes.com/Art44-Brittany-Shelburne.html pour des informations sur le réseau Shelburne en Bretagne. [45] Huguen op. cit., voir les interviews sur le DVD. [46] Urwin op. cit.p. 9-11. [47] Charles Frend The Role of the Director: Lecture, BFI Summer School, 1945 ; Barr op. cit., p. 80-107. [48] Vladimir Propp Morphologie du Conte, University of Texas Press : Austin, 1968, p. 79-91 et p. 113-116 ; Eleazar Meletinskii, « L’étude structurale et typologique du conte », dans V. Propp, Morphologie du Conte, Paris, Seuil, 1970, édition Appendices. [49] Barr op. cit., p. 55-59 pour une analyse de l'explication de Ralph Michael au sujet du protagoniste romantique masculin « flegmatique » qu'il a incarné dans de nombreux films des studios Ealing. [50] Andrew Higson Waving the Flag: Constructing a National Cinema in Britain, Clarendon Press, Oxford, 1997, p. 231-238, sur la collecte d'informations sur la communauté en temps de guerre et le rôle de Celia jouée par Patricia Roc, également Harper op. cit. dans Taylor ed. p. 168-200 et Sue Aspinall, « Women, Realism and Reality in British Films, 1945-1953 », dans J. Curran et V. Porter (eds), British Cinema History, London, 1983, 1e édition, p. 272-293. [51] Stead op. cit., p. 74-76. [52] Higson op. Cit. p. 233-234. [53] Ibid., p. 242-244. [54] Henry Jaremko, « Interview with Patricia Roc », sur sa carrière et ses principaux rôles sur http:// www.wickedlady.com . [55] Higson op. cit., p. 231 sur le rôle de Celia incarnée par Patricia Roc dans Millions Like Us, 1943, and Harper op. Cit. dans Taylor ed., p. 182 et p. 186. [56] Perry op. cit., p. 82-83. [57] T. E. B. Clarke dans Perry op. cit., p. 82. [58] Ibid., p. 82. [59] Harperin Taylor ed., op. cit., p. 182-183 pour la représentation des femmes dans les films de la période de guerre en général et les rôles féminins constrastés de Roc : la nonne novice et naïve dans 2000 Women, 1944 et la figure plus froide et réprimée de Caroline face à Margaret Lockwood dans The Wicked Lady, 1945. [60] Doody op. cit., p 1.

23 [61] Keys op. cit., p. 4. [62] Urwin op. cit., p. 9-10. [63] Joll op. cit., p. 446-448. [64] Film et Famille, Paris, N 45, 1947 et Film Complet, Paris, N 171, 22 août 1949. [65] Balcon, op. cit., 1946, p. 69 and 1952, p. 351-355 ; voir aussi Basil Wright, « Realist Review » dans Sight and Sound, 10/38, 1941, p. 20-21 et « Documentary Today » dans Penguin Film Review, N2, 1947, p. 37-44 pour le rôle de la tradition de la fiction documentaire ; pour une évaluation voir Andrew Higson, « Britain’s Outstanding Contribution to the Film; The Documentary Realist Tradition », dans C. Barr ed., All Our Yesterdays: 90 Years of British Cinema, London, 1986, 1e édition, p. 72-97 ; Robert Murphy, « The British Film Industry: Audiences and Producers » dans Taylor ed., op. cit., p. 38. [66] Harper op. cit., 1994, p. 119-135 et 1988, p. 168-202. [67] Frank Jones op. cit., p. 4.

Pour citer cet article

Robert Keys, « L'entente équivoque - la rivalité Bretagne-Cornouailles, dans le film Johnny Frenchman comme métaphore des ambiguïtés de l'alliance franco-britannique pendant la guerre », Rencontres Bretagne/Monde anglophone [en ligne] 2014, mis en ligne le 28 mai 2014. URL : http://www.univ-brest.fr/BMA/ Style APA : Keys, R. (2014). L'entente équivoque - la rivalité Bretagne-Cornouailles, dans le film Johnny Frenchman comme métaphore des ambiguïtés de l'alliance franco-britannique pendant la guerre. Rencontres Bretagne/Monde anglophone. URL : http://www.univ-brest.fr/BMA/

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