lirm 2e Y bûesitrre Regards sur le M.R.P. (Colloque du 10 décembre 1996)

Présentation du colloque Jicques MAUIET

Maurice BLIN . Jean- Le personnel politique

Dominuque DURAND -

Le M.R.P. et les institutions FI'ançok BAZIN . Pierre AVRIL-Pierre PFUMUN' Le M.R.P. et le gaullisme Jean.Mw4e MATEUR.

La politique européenne et internationale Maurice SCHUMANN -

Francois BAYROU - Le M.R.P. et l'Outre-Mer

Benoît JEANNEAU -

La politique sociale FSéric1URPIN - Bruno BETHOUART Conclusions Jean TERGEN Pierre-Henri Teitgen (1908-1997)

è 41 année Tg N°316 30F

Sommaire N° 316 2" Trimestre 1997

Note liminaire p. 3 REGARDS SUR LE MOUVEMENT REPUBLICAIN POPULAIRE (Colloque du 10 décembre 1996) Présentation du Colloque par Jacques MALLET P. Ouverture du colloque par Maurice BLIN p.

SÉANCE DE LA MATINÉE

Président de séance Jean-Dominique DURAND p. 7

Le personnel politique du M.R.P.

Rapport de François BAZIN P. 9 Interventions dans le débat p. 15

jean-Marc GUISLAIN . Germaine TOUQUET - Jean-Marie DOMENACU-

Jdcques MALLET . André DILIGENT - Pierre FERREOL- Dominique

MAGNANT - Jean-Marie MAYEUR - Jean-Marie DAILLET - Xavier

CORVAL - Charles GAUTIER - Jacques DUBOIS Le M.R.P. et les institutions

Rapport de Pierre AVRIL p. 21 Interventions dans le débat p. 25

Léon LAFARGE -

Le M.R.P. et le gaullisme

Rapport de Jean-Marie MAYRUR p. 28 Interventions dans le débat p. 34 Pierre KERLEVEO Jacques PREVOTAT- Jean-Pierre PREVOST - Léon LAFAkGE- Pierre DHERS - Jean-Marie DOMENACH - Maurice SCHUMANN Jacques MALLET- Pierre PFLIMLIN François BAYROU SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

Président de séance Benoît JEANNEAU p. 47 La politique européenne et internationale du M.R.P.

Rapport de Jacques MALLET p. 48 Interventions dans le débat : P. 55 Franco NOBILI - Louis-Edmond PE'fl'ITI - André CAYEUX - André MONTEIL Pierre PFLIMLIN

Le M.R.P. et l'Outre-Mer (1944-1962)

Rapport de Frédéric TURPIN P. 64 Interventions dans le débat : p. 76 Jacques AUGARDE - André DILIGENT - André DENIS - Jacques MALLET - Frédéric TURPIN - Jacques PARINI

Le M.R.P. et la politique sociale

Rapport de Bruno BETFIOUART p. 87 Interventions dans le débat : p 102 Jacques PARINI - Henri CATHERIN Témoignages: p. 103 Jacques BARROT - Bernard BOSSON

Conclusions du colloque

par René REMOND p. 106

Un grand témoin nous a quittés: Pierre-Henri Teitgen (1908-1997) P. 110 par Henri BOURBON et Jean AUBRY Pierre-Henri Teitgen, mon frère P. 110 par Jean Teitgen

Comité de Direction Henri BOURBON -jean AUBRY 133, bis rue de l'Université . 75007 C.C.P. Paris 14.788-84 N Tél. 01 53 59 20 60 Abonnement annuel :120 F Abonnement de soutien de 150 F à 200 F Un numéro spécial

'Amicale du M.R.P., présidée par notre ami et collaborateur Jacques Mallet, a souhaité une nouvelle fois, à la faveur d'un colloque, donner à des historiens Let politologues la possibilité de dialoguer avec quelques-uns de ceux qui furent témoins ou acteurs de cet épisode peu banal et marquant de l'histoire de la Ive République - voire, même si ce fut dans une moindre mesure, des toutes premières années de la V' l'irruption soudaine, suivie de la stagnation et du déclin, d'une force politique nouvelle, le Mouvement Républicain Populaire (1944-1967). Forum, à sa demande, s'est bien volontiers associé à la préparation et à l'or- ganisation de cette rencontre qui a eu lieu le 10 décembre dernier, au Palais du Luxembourg, sous le patronage de M. René Monory, président du Sénat. Il s'est sur- tout engagé à assurer la publication de l'intégralité des actes de ce colloque. En raison de l'intérêt soulevé par les six rapports présentés et par les débats aux- quels ils ont donné lieu, nous avons voulu, au-delà de ceux, en nombre forcément limité, qui ont eu la possibilité d'assister au colloque, mettre cet ensemble de textes, dans des délais plus brefs qu'il n'était prévu à l'origine, à la disposition d'un plus large public. Tel est l'objet de ce numéro spécial. Il suffit d'en consulter le sommai- re pour s'assurer des compétences de ceux, universitaires, politologues, journalistes, hommes politiques qui ont ouvert le colloque, présidé ses séances, présenté les six rapports, participé aux débats ou développé les conclusions finales. Nul doute que, sur bien des points, le présent numéro aura valeur de document de référence. Mais il n'était plus, dès lors, matériellement possible de faire paraître simultané- ment le numéro de France-Forum du 2e trimestre. Que nos abonnés se rassurent. Ils retrouveront dans le numéro du 3 1 trimestre, plus étoffé - ce sera celui du 40e anni- versaire -' le cours interrompu de nos articles et des rubriques qui leur sont fami- lières. Après avoir porté au 2e trimestre ses «regards» sur une période d'histoire révo- lue, mais que nous avions beaucoup de motifs de chercher à mieux explorer et à mieux comprendre, France-Forum lés dirigera au Y - pour y trouver de nouveaux sti- mulants à sa réflexion continuée sur l'actualité et la prospective - vers les mutations, séismes et bouleversements en tous genres des quarante années (1957-1997) dans lesquelles s'est inscrite sa propre aventure. Peut-être s'apercevra-t-on qu'ils ont «ébranlé le inonde» plus profondément et plus durablement encore que ceux suive- nus au cours de dix journées mémorables d'octobre 1917... au seuil des quarante années précédentes. France-Forum

3 REGARDS SUR LE MOUVEMENT RÉPUBLICAIN POPULAIRE

PRÉSENTATION DU COLLOQUE par Jacques Mallet CL Maurice Blin

Jacques MAIJJET - Mes chers amis, j'ai il a encouragé mon projet. Jean-Marie Mayeur plaisir, en tant que président de l'Amicale du et René Rémond ont fait de même et m'ont MRP, Ù vous accueillir avant l'arrivée de assuré de leurs concours. Maurice Blin, qtu ouvrira nos travaux. L'année 1996 est d'ailleurs elle aussi celle L' idée de ce Colloque m'est venue lorsque d'un anniversaire remarquable en 1946 le non alu i Pierre Letamendia ni' a annoncé que sa M.R.P. est devenu, avec 160 députés, le premier thèse sur le M.R.P. allait paraître bientôt en parti de France, et pour la première fois dans li brai rie (von s savez que, malheureusement, l'histoire de la République, sauf erreur, un Pierre Letamend ia n'est plus des nôtres), c'était catholique, , est devenu chef du à la veille du cinquantième anniversaire de sa Gouvernement. création et le M.R.P. venait d'entrer dans le D'où la décision du présent colloque, organi- temps de I' histoire. sé conjointement par l'Amicale du M.R.P. et par Mais son histoire, finalement peu ou mal France-Forum qui publiera les actes du connue, détormée parfois par la polémique. <(la Colloque dans sa revue. légende tioi re». comme a dit Jean- Marie M ayeur. (tans laquelle on l'avait ensevelie, était Sans prétendre dresser un bilan complet, ni se tout de même intéressante et un i mporlant col- livrer, bien sûr, àje ne sais quelle hagiographie, loque organisé par le Centre d' Histoire du XXe des universitaires et un journaliste auxquels siècle et l'Amicale du M.R.P., alors présidée par j'exprime toute ma gratitude y retraceront avec Rnbert Prigent, s'était tenu en 1991 sur la poli- objectivité divers aspects de la vie et de l'oeuvre tique européenne du M.R.P. les Actes en ont du M.R.P. et confronteront leurs analyses et été publiés sous le titre «Le MRP et la construc- leurs jugements avec quelques grands témoitis lion eumpéenne» aux éditiotis Complexe. et acteurs de son histoire, qui participeront à cette journée. Cependant, beaucoup de choses restaient dans 'ombre, ce qui me paraissait justifier ample- La date choisie par le Sénat coïncide malheu- ment un autre colloque. Le cinquantiètiie anni- reusement avec celle du vote final du budget. ce versaire du M.R.P. ayant été célébré le 25 qui pose des problèmes sérieux à nos amis séna- novembre 1994. n'était-il pas trop tard 7 J'en ai teurs et je remercie d'autant plus mon ami parlé Û lienri Bourbon, fidèle ani i d'Et ien ne Maurice Blin, président du groupe de l'Union Borne, et anituatettr de la revue France-Forum Centriste, d'avoir bien voulu ouvrir nos travaux, mais il aurait souhaité rester parmi nous plus Maurice BLIN - Mes chers ami, je suis par- longtemps. ticulièrement heureux de vous accueillir ce matin au nom du groupe de l'Union centriste. Nous voici clone réunis dans la prestigieuse Particulièrement ému aussi au lendemain de la salle Clemenceau, grâce à l'appui que le prési- disparition du président Poher qui fut l'un des dent Monory a bien voulu apporter à notre pro- meilleurs d'entre nous et a tant fait pour cette jet. II nous accueillera à l'issue de nos travaux. Haute Assemblée qui vous reçoit. ati cours d'une réception, et je le remercie très chaleureusement du soutien amical qu'il a donné à ce Colloque.

De g. à d. J-M. Mayeur, M. Blin, J. Maltei, J-t). Durand, P. Avril, J. Aubry.

J'adresse aussi mes très vifs remerciements à Vous avez été avec lui les témoins d'une trop tous ceux qui ont contribué à l'organisation de brève mais ardente épopée, celle du Mouvement ce colloque qui va. j'en suis sûr, susciter l'inté- Républicain Populaire qui a. en d'autres temps, rêt d'une assistance nombreuse et de haute qua- affronté les problèmes et posé les jalons d'une lité. mais, ce matin, ma première pensée va au problématique politique qui reste au coeur des président Poher (I) qui vient de nous quitter. au débats d'aujourd'hui. terne d'une longue vie tout entière dévouée au Je voudrais en donner quelques exemples service de la République et de l'Europe et je pense qu'avant de donner la parole à Maurice - il a défendu le principe et fixé les modalités Blin, nous pourrions observer une minute de d'une laïché vraie, c'est-à-dire ouverte, respec- silence, tueuse des options de chacun mais attachée aussi au respect de l'ordre républicain (lAssemhlée, debout, observe une minute de silence) - il a compris le premier que la politique n'était pas qu'un métier mais aussi une voca- Je vous remercie.

(I) Cf. «Atain Poher. cet inconnu» par Raymond t.cgrand-Lane (France-Fonim. fl' 31 5 - janvier.mars 1997. pp. 45 et ss), lion. Elle suppose certes bien des vertus méritent notre estime et notre appui patience, habileté, écoute,... niais elle a besoin La manifestion qui nous rassemble ce matin d'un fondement éthique celui qu'au premier est comme un retour à une source qui ne peut, chef, la famille assure dans une société civile qui ne doit pas se tarir. saine. Il a été à la fois l'artisan et le témoin du formidable réveil démographique de la France Je suis reconnaissant à votre président, Jacques Mallet et à tous ceux d'entre vous qui - il a compris le premier que son destin se oeuvrent à ses côtés, de nous en avoir donné confondait avec celui de l'Europe. Au lende- l'occasion. main dune guerre civile dont elle sortait déchi- rée et prostrée il ti, avec Robert Schuman, tendu la main Ù l'adversaire d'hier, ouvrant la voie à la Jacques MALLET - Je remercie très vive- coopération entre la France et l'Allemagne qui ment Maurice Blin. Je rappelle qu'en raison du reste la clé et la condition de l'unité du vieux continent vote final au budget aujourd'hui, il a de très lourdes obligations et ne pourra pas suivre tous - il a fait sien le principe d'une économie nos travaux, mais il tenait à marquer l'intérêt sociale de marc/id soucieuse de l'homme qui qu'il porte à ce colloque. produit avant de consommer. Il a mené de front le combat pour la création et la répartition des Je vais maintenant ouvrir nos travaux en pas- richesses. Cette voie est plus que jamais la seule sant la parole au président de la séance de ce où, ensemble, la France et l'Europe peuvent se matin, M. Jean-Dominiqtie Durand, profes- reconnaître seur d'histoire contemporaine à l'Université Jean Moulin, de Lyon III, dont vous trouverez - enfin, en un temps où le prestige de l'idéo- un des ouvrages à l'entrée, sur «L'Europe de la logie, c'est-à-dire d'une vue fermée, totalisante, Démocratie chrétienne» (Ed. Complexe). C'est j'allais dire totalitaire, du monde était grand, un ouvrage que je considère comme fondamen- alors qu'autour de lui l'on rêvait de changer la tal, parce qu'il donne une vue d'ensemble de la vie, il a fait le pari du mouvement, de la réfor- démocratie chrétienne européenne depuis ses me, ce privilège des peuples forts. Il savait bien, origines jusqu'à nos jours, c'est un livre impor- avant qu'on ne le découvre aujourd'hui, que tant. toute révolution détruit autant qu'elle construit, qu'elle coûte beaucoup plus qu'elle n'apporte. De plus, il est un ami de France-Forum où il écrit régulièrement et je le remercie d'avoir accepté de présider la séance de ce matin où nous examinerons successivement Ces choix étaient, il y a cinquante ans, autant - le rapport de François Bazin sur le person- de défis. Ils le sont encore. Certes, le nel politique du M.R.P. Mouvement Républicain Populaire n'a pas été - le rapport de Pierre Avril sur le M.R.P. et les seul à les affronter et le temps lui a manqué pour institutions, les relever tous. Mais ils sont toujours les nôtres. Aujourd'hui des ministres issus de nos rangs les - enfin, le rapport de Jean-Marie Mayeur, ont précisément en charge et ce n'est pas par sur le M.R.P. et le gaullisme, ces deux rapports hasard. Comme leurs prédécesseurs hier, ils ayant évidemment des liens étroits entres eux. SÉANCE DE LA MATINÉE (Présidence de Jean-Dominique Durand)

Jean-Dominique DURAND - Je suis très Claude Delbreil, sur le P.D.P. qui traite des ori- honoré et en même temps profondément ému gines du M.R.P. jusqu'à sa fondation d'avoir reçu la mission de présider la première (Centrisme et Démocratie chrétienne en France séance de ce Colloque sur le M.R.P. - Le Parti Démocrate Populaire des origines au M.R.P., 1919-1944), et à celle de François Bazin Etait-il utile de réunir un nouveau colloque sur les députés du MRP élus en 1945 et 1946 sur le M.R.P., alors que vient d'être publiée par (1981) malheureusement inédite, sans oublier Beauchesne la thèse de notre regretté ami Pierre celle, inédite également. de Danièle Zerraffa sur Letamendia, dont il faut souligner encore une la fin du MRP et la naissance du Centre fois la qualité et la justesse des poins de vue? Démocrate. Des biograhics ont été récemment Ce n'est pas la première fois que des histo- publiées comme celle de Robert Schuman par riens et des témoins, anciens responsables et Raymond Poidevin, d'Edmond Michelet par anciens militants du Parti, se rassemblent. Jean Charbonnel. de Robert Buron par Marcel Beaucoup, ici présents, ont participé en 1986 au Launay. de Jules Catoire par Bruno Béthouart, colloque «La démocratie chrétienne, force auteur d'une thèse sur le MRP dans le Nord- internationale» dirigé par Hugues Portelli et Pas-de-Calais, que l'on entendra cet après-midi, Thomas Jansen (Paris X-Nanterre), et à celui de sans compter les biographies. de qualités du 1988, ici même, sur «Les démocrates-chrétiens reste inégales, consacrées à Georges Bidault par et l'économie sociale de marché)) (Ed. Jacques Dalloz en 1993 puis Jean-Claude Economica). Il n'était pas question que du Demory en 1995, sans compter la thèse de l'his- M.R.P., mais ce dernier y occupait évidemment torien allemand Reinhard Schreiner sur sa poli- une place de choix. On se souvient, bien sûr, du tique allemande en 1944-1948. colloque de 1991, dirigé par Jean-Marie Mayeur et Pierre Milza sur «Le M.R.P. et la construction Pensons aussi à de nombreux témoignages de européenne», dont les actes ont été publiés chez plusieurs des plus éminents des protagonistes, Complexe et qui est, en fait, le seul grand col- de Pierre-Henri Teitgen à Pierre Pflimlin, sans loque centré véritablemefl sur ce Parti. oublier Léo Hamon, Robert Bichet, Fernand Bouxom ni le militant de base qu'était Pierre Or le livre de Letamendia, publié très récem- Louchet. ment, en 1995, est la reprise de sa thèse soute- nue il y a vingt ans et, si remarquable que soit ce A cela il convient d'ajouter encore bien des livre, il n'a pu intégrer les avancées, les connais- travaux et des thèses qui n'ont pas encore abou- sances et les problématiques qui se sont déga- ti et aussi des recherches inédites, particulière- gées depuis. Les ouvrages d'Emile François ment sur le plan local, avec des mémoires de Callot (Le MRP, Paris, 1978 et L'action et maîtrise qui étudient le M.R.P. et son implanta- / oeuvre politique du MRP Genève, Champion- tion départementale. Il n'est pas possible d'évo- Slatkine. 1986) se situent également à la fin des quer ici les synthèses sur la Démocratie chré- années 1970 et l'ouvrage de l'italienne Maria tienne comme celles de Jean-Marie Mayeur. Grazia Maiorini, qui est une bonne et classique Ronald Irving ou Maurice Vaussard, ni les nom- étude de Parti, reste inaccessible en français et il breux articles publiés dans diverses revues. a été lui-même publié en 1983 (Milano, L'historiographie est d'ores et déjà fort riche. Giuffré). Le moment est donc venu de profiter de ces Des travaux plus récents ont aidé à renouveler anniversaires auxquels M. Mallet a fait allusion notre approche. Je pense à la thèse de Jean- pour rassembler toutes ces données nouvelles, pour faire le point sur un certain nombre d'as- Je crois savoir, d'autre part, que les ministres pects dont on perçoit l'importance, mais qui res- en exercice, issus de Force Démocrate, notam- tent encore assez mal connus. ment Jacques Barrot et François Bayrou devraient nous rejoindre en fin de matinée et Ce sont donc quelques regards que l'Amicale Anne-Marie Idrac en fin d'après-midi. du M.R.R et Fiance-Forum nous invitent à poser sur le mouvement Républicain Populaire, Enfin, je dois excuser l'absence d'Henri sans avoir l'ambition (le l'exhaustivité. Bourbon, ce qui me donne l'occasion d'évo- quer, au seuil de ce colloque le souvenir Le personnel politique du M.R.R, le rapport d'Etienne Borne qui, jusqu'à sa mort en 1993, de ce Parti aux institutions, la question centrale n'a cessé, à travers livres et articles, notamment du rapport au gaullisme, la politique sociale, la ceux de Terre Humaine et de France-Forum, polit iq ueùl' égard tic l'outre- mer, sont d'approfondir et d'enrichir au contact des réali- quelques- tins tic ces regards que nous porterons tés et des vicissitudes du siècle, de maintenir aujourd'hui, sans oublier, bien sûr, la politique vivante et actuelle, la grande tradition démocra- européenne sur laquelle nous reviendrons. te, humaniste et personnaliste d'inspiration Avant de donner la parole à François Bazin,je chrétienne. Il a notamment, au service de cette voudrais excuser un certain nombre de person- ambition, voulu faire de France-Forum dont il nalités qui n'ont pas pu nous rejoindre aujour- fut l'un des fondateurs, une revue de libre d' hui, notamment Pierre de Chevigné, qui est réflexion et de libre dialogue. Et, simultané- souffrant. Bernard Bosson, qui a été retenu par ment, ce qui nous ramène à notre sujet, il a, en une importante réunion en Savoie, et Emile maintes occasions, sans jamais ménager sa Poulat. qui a souhaité faire part de son intérêt peine, rappelé aux militants du MRP la nécessi- pour ce colloque, mais qui n'a pas pu venir. té et les exigences d'une solide doctrine.

La salle Cleinenceait pendant I'intcrvention dci. Parmi debout. On reconnaît de g. à d.. au I" rang A. Santini. X. Corval Au 2' A. Ditigent au 3' M' I. Buchou, P. Dhers au 4' H. Sportès, debout. C. Decamme Le personnel politique du M.R.P.

Jean-Dominique DURAND - Il me reste donc maintenant à donner la parole à François Bazin, qui est actuellement journaliste à l'hebdomadaire Le Point, après avoir travaillé à La Cmix et au Nouvel Ohservate:ir, et que nous connaissons bien, notamment pour sa belle thèse de 3e cycle sur <(Les dépu- tés M.R.P. élus les 21 octobre 1945 et 10 novembre 1946; itinéraire politique d'une génération poli- tique'> soutenue en 1981 à l'IEP de Paris, dans laquelle il a retracé «l'itinéraire politique d'une géné- ration catholique'>. Il est l'auteur de trois livres. 1991 «Politique circus» (en collaboration avec Hippolyte Romain). éd. Plume ; 1993 «Les politocrates vie, moeurs et coutumes de la classe politique» (en collabora- tion avec Joseph Macé-Scaron), éd. Seuil ; 1995 «Le rendez-vous manqué les fantastiques aven- tures du candidat Delors» (en collaboration avec Joseph Macé-Scaron), éd. Grasset.

Rapport de François BAZIN

Puisqu'il m'appartient de présenter le premier Maurice-René Simonnet. Autrement dit, deux rapport de ce colloque en répondant à la ques- hommes qui, vingt ans plus tôt, à la fin de tion qui étaient-ils 7, je voudrais en quelques l'Occupation, avaient joué un rôle-clé dans le mots et en une formule dire aussi ce que fut le processus de regroupement de la famille démo- destin du MRP. Né à la Libération, mort au crate-chréti en ne. début de la Cinquième République, ce parti a Cette stabilité - au sommet tout au moins - connu une jeunesse heureuse et une mort rapide. justifie le double cadre de cette étude. Par «per- Moins d'un an après sa création, il appartenait sonnel politique>', j'entends les ministres, les déjà au club fermé des «grands» du système députés et les dirigeants nationaux du MRP. politique. Vingt ans plus tard, à peine digérée la Parce que ce parti a été l'oeuvre d'une généra- divine surprise de l'élection présidentielle de tion, nous commencerons par en examiner les 1965, il se sabordait pour donner naissance au principales caractéristiques avant d'observer les Centre démocrate et entrer du même coup dans traces et les causes de sa relative stérilité. l'ère des scissions, de la marginalisation et de la dispersion. Les hommes du MRP sont le produit de cette I - Les caractéristiques de la génération des histoire. Ils ont, pour l'essentiel, vieilli avec le fondateurs parti dont ils étaient les fondateurs. Ils ont eu a) Les ministres des héritiers mais ils n'ont pas fait beaucoup d'enfants. En 1963, le président du Mouvement C'est la vitrine du MRP. Si l'on examine te était André Colin et son secrétaire général, cabinet de Gaulle du 10 septembre 1944, te cahinet de Gaulle du 21 novembre 1945, le cabi- Cette liste des ministres est passionnante parce net Gouin du 28 janvier 1946 et le cabinet qu'elle ne rend que plus éclatant un double l3itlault du 24 juin 1946, on constate que Il décalage entre l'apparence et la réalité du MRP, membres du M RP ont siégé dans les premiers qui explique d'ailleurs beaucoup des difficultés gouvernements (le la Libération. Leurs noms rencontrées ultérieurement par le Mouvement. Georges l3idauit, François de Menthon, Pierre- C'est ce décalage que je voudrais montrer à tra- Henri Teitgen, lEdmond Michelet. Robert vers l'examen attentif du profil des dirigeants Prigent, Francisque Gay, Pierre Schneiter, Jean nationaux du MRP, puis des députés élus à la Letourneau, Pierre PH j ml in, André Colin, Libération.

De g. à d. F. Bazin, J-M. Mayeur

b) Les dirigeants nationaux Robert Schuman. Cette liste est intéressante car elle est à la fois le reflet de ce que le MRP vou- L'appareil national du MRP a été pris en lait être et de ce que ses partenaires politiques main, dès sa création, à la Libération, par les auraient voul u titi' il soit. Bref u ne synthèse enfants de Charles Fiory. Je ne reviendrai pas presque chimiquement pure entre grands devant vous sur l'histoire de la génération anciens de la démocratie chrétienne, résistants civique, sur le rôle de celui qui lui servit de prestigieux, jeunes cadets forniés dans les mou- mentor, sur les liens d'amitiés et de solidarités vements spécialisés de l'Action catholique, qui s'étaient tissés entre ceux qui avaient animé, techniciens, alsaciens, lorrains,... avant ou pendant la guerre, les différents mou- vements de jeunes de l'Action catholique. Je parle d'image et de synthèse car ces hommes ne dirigeront pas coilectivement le Si ces anciens dirigeants de I'ACJF avaient un MRP. Il y a parmi eux des hommes qui sont père. Charles Flory, ils avaient du même coup avant tout cetix du parti, et d'autres qui incar- un grand frère Georges Bidault. Le MRP est, nent une - et une seule - des facettes du sinon leur idée, du moins leur oeuvre. Pour le Mouvement. Mais je n'insiste pas plus long- vérifier, il suffit d'examiner la composition de la temps car l'essentiei, à mon sens, n'est pas là. Commission exécutive et du Bureau du MRP en

10 1945. Sur ses trente membres, vingt viennent de leur passé et de leur comportement durant la l'ACJF. L'appareil du Mouvement avait une guerre, pouvaient se croire habilités à prendre composition encore plus monolithique puisque en main les destinées d'une démocratie chré- la délégation générale et les services qui en tienne rénovée. L'axe Bidault-Colin les en a dépendaient étaient, à une exception près empéchés. Avec les conséquences concrètes que (Robert Bichet, secrétaire général jusqu'en je viens de décrire. décembre 45), tenus en main par de jeunes mili- Permettez-moi à ce sujet de faire une citation tants, tous anciens responsables de l'ACJF. et d'évoquer un des prolongements de cette opé- Permettez-moi de les citer André Colin ration. (ancien président de l'ACJF, délégué national La citation est de Rémy Montagne: <(les liens du MRP), Albert Gortais (ancien secrétaire entre Bidault et Colin étaient très anciens : les général de la JEC et de l'ACJF-zone libre, délé- deux hommes avaient été très amis avant la gué général adjoint du MRP), René Guyomard guerre. Bidault avait conseillé Colin quand (ancien secrétaire général de la JIC, responsable celui-ci était devenu président de l'ACJF. Une des fédérations du MRP), Paul Bacon (ancien solide amitié était née de cette collaboration. En secrétaire général adjoint de la JOC, fondateur 43, il s'agissait donc plus de retrouvailles que de la LOC et du MPF, responsable des équipes d'une découverte». ouvrières du MRP), Mme Rollin (ancienne res- ponsable de la JOCF et du MPF, responsable Le prolongement que je veux évoquer concer- des équipes féminines), Broussard (ancien diii- ne Paul Bacon. C'est cet ancien dirigeant jocis- geant de la JAC, responsable des équipes te que Colin contacta, début 44, pour organiser rurales), Jean Gilibert (ancien responsable dio- l'engagement politique des jeunes chrétiens césain de la JEC, responsable des équipes venus notamment des milieux ouvriers. Bacon ((jeunes»), Fernand Bouxom (ancien secrétaire accepta, à une seule condition qui était d'orga- général de la JOC : responsable de la propagan- niser le futur MRP sur le modèle de I'ACJF, de du MRP)... c'est-à-dire avec des équipes dites ('. Je pense comme «d'indésirables chevaux de retour». Ce également à celte lettre adressée en octobre 45 à qu'illustre assez bien la position au sein du Maurice Schumann par un des co-fondateurs de MRP d'un Robert Lecourt, d'un Louis Tén:oigna,'e Chrétien et par un des chefs du Beugniez ou d'un Claude Mont. ivaqtmis (le l'Oisans, tous deux militants MRP Lors de la constitution des fédérations MRP, «Nous sommes nonibretix à refuser la projec- et surtout de ses listes électorales, ces anciens tion (le I'ACJF sur le plan politique et nous esti- du PDP purent tirer profit de leur expériepce de tuons que la présence massive de ses hommes à la vie de parti et de ce qui en constitue le point la tête (lu M RP ne doit pas durer si vous ne vou- d'orgue les cotnpétitions électorales. Vis-à-vis iez pas voir le MRI> l'aire figure de mouvement des militants venus de l'Action catholique ou du con lessionnel et réactionnaire». syndicalisme, l'atout était de taille. En effet, c) Les députés mieux ou moins mal qu'eux, les ex-démocrates - populaires savaient organiser une campagne, J'ai insisté longuement sur le profil des diri- prononcer un discours électoral, lancer une geants nationaux du MRP car il tranche avec souscription. Bref ils étaient réputés connaître, celui des députés MRP qui vinrent peupler les plus que tout autre, dans la famille démocrate- Assemblées constituantes et législatives élues chrétienne, le B-A-BA de ce qui fait un bon can- en octobre 45, juin 46 et novembre 46. D'un didat. mot, je dirais que, si l'appareil MRP est ACJF, le groupe parlementaire, lui, est d'origine PDP. Dans le climat de pénurie qui régnait alors dans les fédérations MRP, il y eut donc toujours Cette domination PDP se résume d'un un ancien du PDP pour combler, spontanément chiffre 96, c'est-à-dire près de 50 % des dépu- ou non, les vides apparus sur les listes, à tés MRP t la Libération, venaient des rangs du quelque rang que ce soit. En tête, s'imposèrent PDP, ce petit parti qui, avant guerre, avait voulu, rapidement les plus chevronnés d'entre eux, tan- en vain. assurer la représentation politique du dis que les places subalternes revenaient davan- monde démocrate-chrétien. 96, dont 23 respon- tage aux ex-militants de base. Puis, une fois sables nationaux, 27 cadres fédéraux et 46 adhé- l'élection passée, les effets de cette ambivalence rents (le hase. se conjuguèrent dans un groupe MRP où, C'est beaucoup quand on sait les conditions comme je l'ai dit, un député sur deux venait du contiictuelles dans lesquelles le PDP s'est effa- PDP. cé la Libération devant le MRP. En fait, la Les raisons qui expliquent cette domination création du M RP a été l'occasion d'un renou- démocrate-populaire sont, en partie, celles qui velleinent d'élites au sein de l'ancien PDP. Je ne expliquent l'apport restreint des branches spé- m'appesantirai pas sur cette question. En fait, cialisées de l'Action catholique. 23 députés les députés MRP, anciens militants PDP, avaient issus de la JOC, 12 de la JAC, 17 de la JEC, 4 une fraîcheur due en particulier à leur âge au de la JIC ce n'est pas énorme vu le poids et moment de leur élection 45 ans en moyenne. l'influence des anciens de I'ACJF dans l'appa- Cela permettait à (le hauts responsables démo- reil et le processus de création du MRP. crates-populaires. dont Bidault ou Teitgen étaient les prototypes, d'apparaître comme de En fait, pour toute une génération de jeunes jeunes loups qui, depuis le milieu des années 30, formés par l'Action catholique dans les années tentaient (le red n ner un second souffle au mou- 30, la percée électorale de la démocratie chré- veinent démocrate-chrétien, malgré le manque tienne est intervenue une décennie trop tôt. de vitalité (le ses caciques traditionnels. Seuls les plus âgés d'entre eux avaient, à la Comme, de surcroît, ces militants pouvaient se Libération, les épaules assez larges pour sup-

12 porter la charge d'une candidature à la députa- ments du Mouvement». Dans son second numé- tion. Sans doute est-ce le drame de ces militants ro, début 1945, il offre quelques conseils pour que d'être arrivés à l'âge de la maturité politiqùe constituer les fichiers du MRP ((servez-vous en 1951 ou 1956, à une époque ou le MRP des groupements amis, c'est-à-dire PDP, JR, subissait ses premiers revers, après la vague de CFTC, JOC, scouts, parents d'élèves de l'école

I' immédiat après-guerre. libre, abonnés de L'aube ... >'.

Les atouts des jeunes militants de l'Action II - Vie et mort du MRP : les raisons d'une catholique, lors de la constitution des listes en relative stérilité 1945 ou 46. étaient en fait très limités. Ils n'avaient pas été mêlés aux combats politiques a) Le temps du départ d'avant-guerre. Certes Mais une partie des Voici donc, si j'ose dire, le vivier de départ. anciens PDP apparaissaient aussi comme des Le MRP n'était peut-être pas, à l'origine, un hommes neulls. Ils pouvaient prétendre repré- parti démocrate-chrétien. Mais c'était, à coup senter sur les listes MRP les milieux ouvriers, sûr, un parti de démocrates-chrétiens. Dans sa les milieux agricoles ou les femmes. Certes éga- nature et son type de recrutement, le personnel lement I Mais, concrètement, ils entrèrent en politique républicain populaire n'évoluera concurrence avec des militants CFTC ou syndi- d'ailleurs plus guère jusqu'à la disparition du calistes agricoles dans lesquels l'électorat Mouvement. L'essentiel est donc maintenant de ouvrier ou rural pouvait tout aussi bien se recon- savoir pourquoi la génération des fondateurs a naître et qui, en plus d'un cas.,furent jngés plus été aussi stérile. mûrs, plus influents, plus représentatifs et donc meilleurs candidats. Dans ce contexte, le cas de Un constat tout d'abord sur près de vingt M-R. Simonnet, sorti directement de I'ACJF ans, l'histoire du MRP est celle de la fin d'une pour affronter les électeurs de la Drôme doit être alchimie électorale. Sur le plan interne, départs considéré comme un phénomène très exception- et démissions ont scandé la vie du Mouvement. nel. En ce sens, le MRP n'a pas coulé mais il a fui.

Le réstiltat de cette concurrence - et je termi- La vie de son groupe parlementaire est une nerai là la première partie de mon rapport - est suite ininterrompue de micro-scissions. La pre- enfin la faible représentation. dansle groupe mière démission a eu lieu durant la première MRP. des non-démocrates-chrétiens. Sur les Assemblée constituante. Il s'agit de celle de J.- trois élections de 1945 et 1946. ils ont été à P. Giraudoux, fils de son père, ancien de la France libre et député de l'Allier. Deux autres peine une quarantaine. Les non-démocrates- gaullistes abandonnèrent le groupe sous la chrétiens, non catholiques de surcroît, se comp- deuxième Constituante Vendroux, beau-frère tent sur les doigts d'une main. Je pense à René du général de Gaulle, et Getten. Puis le mouve- Dusseaulx, résistant venu des rangs socialistes, ment s'accéléra durant la première Législative. dont la candidature en Seine-Maritime fut plus En 1951, 14% du groupe élu cinq ans plus tôt un alibi que le signe d'une évolution des menta- avait quitté le MRP. 3 de ces 22 députés (l'abbé lités au sein (tu MRP. Pierre, d'Aragon et Paul Boulet) avaient rejoint Les catholiques, même s'ils n'étaient pas les rangs de la Gauche indépendante. 8 avaient démocrates-chrétiens, furent un peu mieux adhéré au RPF et 11 à de petites formations de accueillis. Dans la Haute-Loire ou dans les droite. Pyrénées-Atlantiques, ils profitèrent de la fai- Il ne faudrait pas que ces démissions poli- blesse des cadres MRP. Mais pas davantage. tiques masquent d'autres retraits qui me semble Pour expliquer cette ouverture ratée, il suffit à tout aussi significatifs en raison de leur nature mon sens de lire ces deux extraits du Pro, feuille existentielle. Déception, ennui, démotivation, d'information des militants de la Seine. Dans sentiment d'inutilité ont motivé le départ de son prenuer numéro, fin 1944, il demande de députés qui, en choisissant de ne pas se repré- «ne jamais mettre ((démocrates-chrétiens>) sur senter, abandonnèrent le Parlement et donc l'éli- les affiches car ils ne forment qu'un des élé- te du MRP.

13 22 députés lachèrent pied avant le renouvelle- techniciens du pouvoir. Ils sont très «Cinquième ment de juin 46. 5 suivirent une voie identique RéPublique>?. en novembre46 et 18 en juin SI. II y a là un Tout cela participe d'ailleurs d'une évolution phénomène particulièrement intéressant car il plus profonde et qu'on sent, sur la longue pério- touche un groupe parlementaire dont on ne peut de, dans le recrutement du personnel ministériel pas dire qu'il était vieillissant puisque sa MRP. A ce sujet, et pour ne pas être trop long, je moyenne d'âge, au moment de son élection, me contenterai de deux dates-clés était de 43 ans. L'un de ces députés, Pierre Dumas, seul élu de la Haute-Garonne en 1945, - 1947 Robert Schuman devient président du exposa ses motivations dans un livre qui, à Conseil. Deux ans plus tôt, lors de l'élection à la l'époque, eut un réel écho et dont le titre se première Constituante, cet ancien parlementaire passe de commentaires «Je ne serai plus dépu- de la Troisième République, qui avait voté les té». Bref, au MRP, les députés furent plus nom- pleins pouvoirs à Pétain, le ID juillet 40, n'ap- breux à s'esquiver sur la pointe des pieds qu'à partenait pas encore au MRP. Son arrivée à la partir en claquant la porte. tête du gouvernement est le signe que la mys- tique de la Résistance, si forte au sein du MRP L'appareil central du MRP a été, en revanche, à la Libération, était en train de s'effacer. Il d'une remarquable stabilité. J'ai rappelé plus reviendra d'ailleurs à Schuman d'offrir à son haut qu'en 1963, Colin et Simonnet étaient parti une mystique de substitution : la construc- encore le président et le secrétaire général d'un tion européenne. Mouvement dont ils avaient été les fondateurs. 1963 c'est également la date ou l'un et l'autre - L'autre date est celle de 1958. Pierre laissent leur place à deux quadragénaires Jean Pflimlin devient président du Conseil. Lecanuet et Joseph Fontanet. Catholique rhénan plus que démocrate-chrétien, cousin éloigné du petit groupe des fondateurs du Qui sont-ils 7 Quand il devient président du MRP, sans doute plus féru d'ordre que de mou- MRR Lecanuet a 43 ans. C'est un agrégé. On le vement, le maire de Strasbourg symbolisait, au dit très proche de Colin. Il a commencé sa car- travers de sa promotion, que désormais la fidéli- rière politique dans les cabinets d'Abelin, de té n'était rien si elle n'était pas relayée par une Colin, de Buron et de Letourneau. En SI, il est vraie compétence technique. élu député de Seine-Inférieure. En 55, il est secrétaire d'Etat. Battu en 56, il entre au Conseil b) Le manque de sang neuf (I'Etat et fait partie du cabinet de Pflimlin. En On vient de voir comment, dans le recrute- 59, il est élu sénateur et préside le groupe MRP ment de son personnel de haut niveau, le MRP clans la Haute Assemblée. avait difficilement surmonté la crise d'identité L'itinéraire de Fontanet n'est guère différent. qui l'avait frappé peu de temps après sa nais- Le secrétaire général du MRP a 42 ans au sance. Mais l'histoire du MRP n'est pas seule- umment de sa nom i nat ion. En 1950, il met le ment scandée par des départs. Le Mouvement pied à l'étrier dans le cabinet Catrice. Entre SI s'est progressivement affaibli faute d'avoir, à la et 56, il est secrétaire général adjoint du MRP. tête, été irrigué par un sang neuf. En 56, il est élu député de Haute-Savoie. En 58, Pour comprendre ce phénomène, il faut se il est secrétaire d'Etat et en 61, ministre. pencher sur le groupe parlementaire républicain Bref, au moment où la génération des fonda- populaire car c'est en son sein qu'auraient dû se teurs s'efface, on voit monter au premier plan, produire les renouvellements attendus. dans l'appareil d'un MRP à bout de souffle, des En 56, après les dernières élections législa- jeunes hommes dont le parcours est naturelle- tives de la Quatrième, on ne compte que 18 nou- ment plus diversifié que celui de leurs aînés. Le veaux dans un groupe de 74 unités. En cabinet ministériel est devenu un élément de revanche, 55 de ces députés avaient siégé dans promotion et d'apprentissage. Le passage par la précédente Assemblée, SI dans la première l'Action catholique ne joue plus un rôle aussi Législative, 50 dans la seconde Constituante et décisif qu'autrefois. Ces militants sont aussi des 42 dans la première Constituante.

14 En 1958, le renouvellement fut un peu plus domination des Fédérations, la réalité, c'était la important. Sur 56 députés, 26 sont de nouveaux représentation ou la domination des parlemen- venus et 15 ont d'ailleurs moins de 40 ans. Par taires sur la vie du Mouvement. principe, un parti qui s'affaiblit et perd des Ceci dit, je pense que le M.R.P., progressive- sièges a du mal à s'oxygéner. Au début de la ment, est devenu de plus en plus un parti, j'al- Cinquième République, le changement de mode lais dire, oligarchique, c'est-à-dire dirigé par ses de scrutin a favorisé le dernier petit renouvelle- grands anciens. On retrouve dans tous les débats ment du personnel parlementaire MRP. ce type d'accusation, ce type de reproche, je Mais - et je voudrais également insister sur ce pense que le poids d'hommes comme Bidault, point - les années 1958-59 sont celles de la comme Colin,.., était tout à fait décisif. courte expérience du Rassemblement des forces Donc, il y a une sorte de décantation progres- démocratiques (RFD). Les maîtres d'oeuvre de sive, je pense que les Fédérations jouaient beau- cette opération lancée aux marges du MRP coup moins de rôle que ne le laissaient penser furent Michel Debatisse et Roger Lavialle (ex- les statuts. Le groupe parlementaire avait une jacistes) ainsi que Nestor Rombault (ex-JOC) et domination qui était réelle et, derrière tout cela, son compère de Loire-Atlantique, Bernard je crois que les ministres et l'appareil central du Lambert. M.R.P. jouaient un rôle tout à fait décisif. L'aventure fit long feu. Je ne la détaillerai pas Germaine TOUQUET - J'ai l'honneur ici. Elle souligne toutefois - et j'en terminerai d'avoir été une des premières adhérentes du pas là - le grippage progressif d'un mécanisme M.R.P. puisquej'ai appartenu à la première sec- qui aurait dû assurer l'injection d'un sang nou- tion de France du M.R.P. qui s'est fondée à veau au MRP, c'est-à-dire la promotion des Clichy. enfants des mouvements spécialisés de l'Action catholique. Le parcours de Lambert et L'exposé que nous venons d'entendre s'est Rombault symbolise le décrochage d'une géné- surtout focalisé sur les parlementaires, les ration dont l'oeuvre ne sera pas la seconde jeu- ministres et l'appareil central du Mouvement. nesse de la démocratie chrétienne en France Or, le M.R.P. c'était avant tout des militants et niais le renouveau de la gauche non communis- quand on se souvient de ce qu'était la France à te dans les années 60-70. la Libération, du travail qu'il y avait à faire par- tout, dans tous les départements, on peut suppo- ** ser que les grands dirigeants n'auraient pu à eux seuls mener à bien cette tâche. Les débats qui ont suivi l'exposé de François Bazin ont permis d'apporter quelques préci- Il y avait des militants partout. Il y en a sions et tétnoignages sur les points suivants d'ailleurs qui sont devenus des élus municipaux, car, pour un militant, être élu municipal, c'est Où se situaient réellement, au sein du quand même le premier pas dans la responsabi- MRP, les centres de décision ? lité politique. Jean-Marc GUISLAIN (Maître de Par ailleurs, les députés qui ont pu être élus, et Conférences en histoire contemporaine à c'était une très grande force, l'ont été en grande l'Université de Lille 3) - Je voudrais demander partie, au départ, grâce aux militants, il ne faut à M. Bazin si, progressivement, au sein du pas l'oublier. Ceux-ci ont incontestablement M.R.P. le groupe parlementaire ne l'a pas apporté un «plus» à la vie politique française et emporté sur la direction nationale issue des fait de la IV' République, fort heureusement, Congrès? quelque chose de très différent de la 111e. Ces François BAZIN - Je pense que notamment équipes, qu'elles soient ouvrières, jeunes, agri- les livres de Cahot et de Letamendia répondent coles ou féminines, ont fait un travail bien à cette question. Les statuts du M.R.P. incroyable. Il serait peut-être intéressant de étaient faits d'une façon telle qu'il y avait une consulter les archives, vous verriez qu'un cer- apparence et une réalité. L'apparence, c'était la tain nombre de problèmes ont été ébauchés dans

15 ces équipes et qu'elles ont pu apporter un ensei- D'autre part, il y a une question qui est très gocinent ou des renseignements à ceux qui nous actuelle, c'est celle de la proportion des rtprésentaient dans les Assemblées. femmes. Y en avait-il beaucoup parmi les pre- miers candidats du MRP ? Vous vous rappelez le Vraiment, je pense qu'il faut insister là-des- propos fameux de Georges Bidault à Charles sus, comme il faut insister sur ce que l'on a d'Aragon : <(Les femmes voteront et nous appelé les sections d'études, composées de mili- aurons cent députés au nom du Père, du Fils et flints, de parlementaires et de personnalités ou du Saint-Esprit». d'experts spécialistes des problèmes que l'on exain lait. J'ai pu mesurer par exemple, en ce François BAZIN - Il y en a eu 200 (lui concerne les victimes de guerre, et spéciale- Jean-Marie DOMENACH - Il y en a eu 200, nient les veuves de guerre, l'importance des tra- ce qui prouve qu'il a été mauvais prophète. Les vaux de la section d'études «anciens combat- femmes ont voté, effectivement, mais est-ce tants» (lie présidait Roger Devemy et des suites qu'elles ont été élues ? pratiques qui lui ont été données grâce notam- nient à l'action de Marie-l-lélène Cardot, vice- Jacques MALLET - Je crois que Jean- présidente du Sénat. J'insiste sur la réalité du Dominique Durand dans son livre cite ce travail ainsi accompli en ce domaine comme en chiffre: en 1951, 60 % de l'électorat du MRP bien d'autres et sur l'intérêt de ces rencontres étaient des femmes etje rappelle au passage que organisées entre militants et personnalités non c'est un amendement de Robert Prigent à forcément MRP, mais qui estimaient suffisam- l'Assemblée Consultative d'Alger qui est à tient le Mouvement pour collaborer avec ses l'origine du droit de vote et de l'éligibilité des représe rit mit s. femmes.

Je suis restée une militante et je crois vrai- François BAZIN - Les femmes, oui, il y en nient que le MRP a tiré une grande partie de sa avait dans Le groupe parlementaire ; parmi les lirce d'un réseau de militants actifs et désinté- ministres, assez peu et dans l'appareil central du ressés, que n'obnubilaient pas les préoccupa- MRP, pratiquement pas. Parmi les députés, le tions de carrière. chiffre était, sauf erreur, d'environ 15%, chiffre non exceptionnel pour l'époque, le PC et les François BAZIN - Que le MRP ait été un Socialistes ayant des représentations féminines parti disposant (le nombreux militants et de à peu près comparables. militants actifs, c'est un fait et personne ne le nie, surtout pas moi. Que le MRP avec ses mili- Deux raisons, semble-t-il, l'expliquent. Le tants ait participé à l'oeuvre de reconstruction de type d'organisation du MRP, avec des équipes la France, que son oeuvre soit importante, c'est de milieux notamment, a favorisé cette promo- un fait que je ne nie permettrai pas de nier. Mais tion. De même que le scrutin proportionnel : la 111011 enquête, fragmentaire, n'a porté que sur le représentation des femmes a brutalement chuté personnel politique, ministres, dirigeants natio- en 1958, lorsqu'on est passé au scrutin majori- naux et députés. taire.

Les femmes, les ouvriers, les ruraux, les Quant aux ecclésiastiques il y en a eu 4 ou 5, prêtres l'Abbé Pierre étant le plus célèbre.

,Jean-Marie I)OMENACH - Dans votre très Jean-Dominique DURAND - Sur la présen- intéressant exposé, M. Bazin,j'ai été surpris que ce des prêtres, il faut souligner l'action de vous n'ayez pas esquissé la répartition de ce l'Abbé Gau qui a été extrêmement importante, personnel politique, en particulier parlementai- notamment concemant la lutte contre la peine re : selon les âges, vous en avez parlé, mais de mort. Il y a eu évidemment l'Abbé Pierre, selon les professions, vous n'en avez pas parlé. mais dont le passage a été plus marginal et plus Je serais très intéressé, sans que vous alliez trop fugace, puisqu'il a quitté le MRP rapidement. loin dans l'analyse, de savoir, par exemple, s'il François BAZIN - En 1951. Sur la représen- y avait des prêtres parmi les députés à ce tation socio-professionnelle du groupe MRP, je moment-la, et combien ?

16 pourrais vous donner le détail tout à l'heure, s'étaient déconsidérés dans la collaboration ou c'est une représentation tout à fait équilibrée, dans l'inertie. On ne les avait pas vus dans la comparable avec celle du groupe SF10, avec guerre. Moi, personnellement, au maquis, je ne moins de fonctionnaires et plus d'ouvriers et les avais pas vus. d'agriculteurs. Là aussi, je pense que, comme Que voyait-on 7 On voyait les communistes pour la proportion de femmes, cela tient au type qui, avec leur expérience, leur habileté politique d'organisation du MRP et au mode de scrutin. et leurs soutiens, se sont présentés à la Quant aux milieux populaires, je crois avoir Libération comme les champions de la dit dans mon exposé que, grâce à I'ACJF, le Résistance et en ont capté les mérites. MRP bénéficiait d'une représentation de Le Parti Socialiste ne s'est pas mal débrouillé milieux aussi diversifiés : ouvriers, ruraux,... non plus en ce sens. André DILIGENT - On n'insistera jamais Ceux qui ne voulaient pas être communistes assez sur l'importance des équipes populaires ou socialistes, et j'en étais, se demandaient: que au sein du MRP, le rôle des Bacon, Bouxom, faire, maintenant que la bataille contre l'occu- Prigent, Catoire, Beugnet, Menu,... pour main- pant était terminée, et quelle base politique tenir le contact avec les milieux populaires et choisir pour mener l'autre bataille, celle de la nourrir la vigueur militante du Mouvement. reconstruction 7 Nous étions un certain nombre très embarrassés et Marc Sangnier, au moment La Jeune République des assemblées constitutives, en décembre 1944, janvier 1945, auxquelles j'ai participé en Pierre FEREOL (Charente, ancien de la uniforme, m'incitait à venir au MRP. Mais par Jeune République) - A l'époque, les instances de honnêteté je n'ai pas cru devoir le faire, parce la Jeune République s'étaient réunies pour déci- que je n'étais pas catholique. Un autre de nos der si la Jeune République devait se fondre ou amis, Claudius-Petit, a eu la même attitude. non avec le MRP. Une forte proportion dans la Malgré toute sa sympathie pour les idées du salle hésitait à y aller, non par hostilité au MRP, MRP, il estimait que la politique ne devait pas mais par crainte, dans une certaine mesure, de être mêlée à la religion. perdre un peu de ce que j'appellerai sa pureté Au moment du vote, cette crainte a été la plus Je pense que la motivation la plus large pour forte, mais je dois rappeler que cette décision l'adhésion au MRP a été à l'époque l'impossi- par laquelle la Jeune République a refusé d'ad- bilité d'aller dans les autres partis. C'est une hérer, en tant que tellè, au nouveau Mouvement, attitude négative, je m'en excuse auprès des n'a été acquise qu'à une voix de majorité. anciens du MRP que j'ai toujours fréquentés avec beaucoup d'amitié, dont Pierre-Henri Quelques militants, ultérieurement, ont, à des Teitgen qui, lui, s'est jeté dans le maquis à corps époques différentes, décidé d'adhérer indivi- perdu et a été l'un des fondateurs du MRP. duellement au MRP. Si un jour, entre autres tra- vaux sur le mouvement démocrate-chrétien, on essaie de revoir cette partie de l'histoire, je P.D.P. et A.CJ.E en conflit? serais heureux, pour ma part, d'apporter mon Jacques MALLET - Je voudrais insister sur témoignage. la diversité d'origine des dirigeants du MRP. Robert Schuman n'appartenait pas à l'équipe Le Sillon, les catholiques qui a formé le Mouvement. Pierre-Henri Teitgen n'était pas de l'ACJF, ni Pierre Pflimlin qui est Dominique MAGNANT - Plus ancien dans entré au MRP en 1945. la carrière que les précédents intervenants, j'étais un ami intime de Marc Sangnier, et mal- L'ACJF, à travers l'exposé de François Bazin, heureusement je dois dire que son entrée dans le apparaît comme une sorte de franc-maçonnerie MRP a été surtout déterniinée par des motiva- pour exercer le pouvoir et disposant du grand tions négatives. Les partis du centre et de droite avantage d'être une courroie de transmission

17 avec le peuple. sait. L'osmose s'est donc tout naturellement faite, et il est excessif de prétendre qu'il y avait Grâce à elle, le MRP avait constitué des deux clans. Des anciens, certes, ont eu quelque éqti I pes en re I at ion avec ton s les milieux mal à s'effacer ou à se mettre en retrait, ce qui sociaux et je crois qu'on ne dira jamais assez est humain. Mais il n'y eut jamais de draine et que ce Mouvement, à la Libération en tout cas, ces problèmes de personnes se sont assez vite a permis à des hommes issus vraiment de résolus. L'amitié, une amitié profonde, a permis: milieux populaires d'accéder à la vie politique. d'effacer un certain nombre de difficultés qui, si Mon prédécesseur à la présidence de elle n'avait pas existé, n'auraient peut-être pas l'Amicale, Rohert Prigent, était fils d'un mate- été surmontées, comme on l'a vu dans d'autres lot et d'une lemme de ménage et il a été propul- partis. Elle a permis de réussir ce qui ne pouvait sé dans la politique grace à la forniation reçue être espéré le PDP n'avait jamais dépassé 13, par la JOC. La JAC a formé toute une génération voire 19 élus, alors qu'en deux ans le MRP est de dirigeants, au-delà d'ailleurs du MRP, mais parvenu à compter 179 députés. proches du MRI -je pense notamment à Michel François BAZIN - Que les anciens respon- Debatisse. Je crois que cela n'a pas été assez sables nationaux du PDP aient fini par s'intégrer souligné. au MRP, cela me paraît historiquement incon- Il y avait aussi la Jeune République avec testable. Cependant, lorsqu'on relit la corres- Maurice Schumann. Marc Sangnier du Sillon a pondance ou les archives de Raymond-Laurent,

été Président d'l-lonneur du MRP. Il y a eu aussi Paul Simon, Pezet, Champetier de Ribes .... on Gaston Tessier (lui dirigea la CFFC. découvre qu'à la Libération leur résistance a été tout de même beaucoup plus forte qu'on ne l'a Reste qu'en France, dans la sphère non com- dit. Les comptes rendus des dernières réunions mtiniste, à cause de la Charte d'Amiens en gran- des Commissions exécutives du PDP, fin 1944 de partie, des lieus étroits ne pouvaient s'établir et début 1945, font état d'une extrême réticence entre mouvements politiques et syndicats. Un à l'égard du MRP, considéré comme le mouve- homme comme Gaston Tessier était au MRP, nient de l'Action catholique. Pour les dirigeants mais disait «Ah non, le syndicalisme doit gar- du PDP, les trois forces que constituent le PDP, der son autonomme par rapport aux partis poli- la Jeune République et le MRP qui est le mou- tiques». La situation était différente en ltalie ou vement de l'Action catholique, doivent créer un dans é' autres pays. nouveau parti. Pour Colin et Bidault au contrai- André DILIGENT - L'histoire des rapports, re, le MRP doit être le lieu de rassemblement de à la Lihétation. entre le PDP et les jeunes issus tous les démocrates-chrétiens. Leur thèse l'em- de I'ACJF a toujours donné lieu à confusions et portera in fine mais il est indéniable qu'à ce ma le n tend u s. moment-là il a existé un vrai désaccord poli- On t'ait une grave erreur en croyant que le tique entre les anciens du PDP et les jeunes du PDR dans son ensemble, avait fait preuve de MRP. Bien sûr, par la suite, les choses se sont mauvaise humeur. Certes il y avait eu des pro- arrangées, les succès électoraux du MRP ayant blèmes, et notamment des problèmes de per- aplani la plupart des difficultés. 11 n'empêche sonnes, mais les anciens du PDP ont toujours que ce conflit a eu lieu et je pourrais vous citer tenti letr place. Des amis de Champetier de des documents d'archives qui montrent bien à R ibes, comme Pezet, Raymond-Laurent ont l'époque comment des personnalités du PDP siégé au Parlement jusqu'en 1958. Il n'y a pas qui n'avaient pas démérité, qui avaient participé et' de vrai clivage ACJF-PDP. Bidault, Teitgen. à la Résistance et à toutes les réunions prépara- Lecourt. de Mènthon, entre autres, avaient toires de lancement du MRP ont eu à la appartenu aux jetines du PDP. Pendant la guerre Libération le sentiment que les choses leur le PDP avait des réunions clandestines autour de échappaient. Bidault, cependant que les anciens de I'ACJF, et Que des anciens et des jeunes du PDP aient notamment le groupe de Lyon, entretenaient figuré parmi les dirigeants du MRP, cela me avec l3idault et ses amis les relations que l'on paraît aussi un fait d'histoire. Mais la sorte de

18 renouvellement de l'élite qui s'est produite à ce de Robert Schuman qui .m'avait conseillé de moment-là parmi les anciens du PDP n'a pas faire de la politique. Je lui avais alors demandé toujours été bien vécue par les plus âgés d'entre «Comment ?», et il m'avait répondu «Il faut eux. entrer dans un Parti - Mais lequel ? - Eh bien jeune homme, vous ferez comme moi, vous Quant à la question de savoir si l'ACJF choisirez celui qui vous déplaira le moins !». constituait ou non une franc-maçonnerie, je l'erai observer que les gens de cette génération avaient pris l'habitude de travailler ensemble et François BAZIN - La nature de l'organisa- de s'entraider. Ils se connaissaient et s'appré- tion du MRP, je pense qu'on l'a déjà évoquée, le ciaient. Ma thèse analyse le processus de créa- gaullisme, Jean-Marie Mayeur en parlera. Mais tion du MRP et les négociations très difficiles je voudrais évoquer un point qui me paraît qu'ils ont menées avec les anciens du PDP. Le important, le très jeune âge - pour des respon- fait pour ceux de I'ACJF de travailler en petites sables politiques - des dirigeants du MRP à la équipes très soudées, d'avoir un projet commun, Libération. Les principaux responsables étaient a été un facteur du succès de cette nouvelle tous nés entre 1899 et 1913 environ, et avaient génération. Il reste que le PDP a finalement donc une petite quarantaine à l'époque de la accepté de s'intégrer au MRP, contrairement à la Libération. Jeune République dont le Congrès de 1945 a - En Italie, comme je l'ai noté dans ma thèse, de justesse - fait le choix opposé. les contemporains d'André Colin, dont j'ai sou- ,Jean-Marie MAYEUR - •Je voudrais à ce ligné le rôle clé dans la création du MRP, n'ar- propos signaler que la thèse de M. Dazet-Brun rivent aux postes de responsabilité que dans les sur Champetier de Ribes, fondée sur les années 1952-53, soit presque dix ans plus tard. archives de celui-ci, montre bien comment les Je pense que ces dix ans d'ayance pTis en choses se sont passées et confirme le témoigna- France par les gens de sa génération ont été une ge que vient de donner François Bazin. des clés de leur succès. Ils expliquent aussi les Je saisis aussi cette occasion de déplorer - difficultés qu'ils ont rencontrées en abordant le René Rémond a sans doute le même sentiment pouvoir, ce n'est pas une critique à leur égard, que moi - qu'après tant d'années la thèse de mais la tâche était extrêmement lourde à la François Bazin n'ait toujours pas été publiée. Il Libération. C'est un fait important pour expli- a été victime, comme, très longtemps, Pierre quer les difficultés qu'a rencontrées IgMRP. Letahoendia, d'une excessive discrétion des édi- J'ajoute que ces gens qui. d'une certaine teurs français pour qui les travaux sur le MRP façon, étaient l'élite du MRP sont resfés en ne suscitent pas, semble-t-il, un intérêt extraor- place pendant vingt ans, au terme desquels ils dinairement vif. Je souhaite donc très vivement étaient encore assez jeunes, 43 ans en moyenne que soit donnée un jour au public la 'possibilité pour les députés. Du fait de cette stabilité, s'est (le prendre connaissance d'une oeuvre utile et produit, au niveau des élites du MRP. un phéno- nécessaire. mène «d'embouteillage» ne facilitant pas la per- cée des générations suivantes de militants for- Les causes du déclin et de la disparition du més. M RP Ainsi, malgré des structures de formation Le rôle du gaullisme est évoqué, tuais il sera assez performantes, le MRP n'est pas parvenu à examiné dans une autre partie du colloque. leur offrir les postes d'élus qu'elles auraient mérités. Ce qui, peu à peu, a pu affaiblir le Jean-Marie DAILLET - Lorsque je suis Mouvement. entré au MRP en 1953, le jeune adhérent que j'étais a perçu à ce moment une certaine distan- Xavier .CORVAL - M. le Président, je suis ce entre les militants et la direction du actuellement en thèse de science politique sur Mouvement. Les grands anciens me semblaient «La pensée démocrate-chrétienne» et je salue quelque peu intimidants. A l'exception toutefois avec affection tous ceux qui, dans cette salle.

li,] ont connu irion grand-père, Pierre, soit pendant retentissement. Mais nous avons été extrême- la Résistance, soit Ù L'aube. ment déçus de son très rapide départ et de quelques autres, tel celui de Nestor Rombault, M. Bazin, avez-vous des éléments d'informa- non sur [évolution des structures de formation député de St-Nazaire. A votre avis quelles ont du personnel politique ? Vous avez beaucoup pu en être les raisons ? parlé de IACJF, des JAC, JOC, JEC,... François BAZIN - En réalité, ces personnali- La formation fréquemment reçue dans ces tés avaient un problème avec la notion de démo- lieux par les militants et les responsables poli- cratie chrétienne, et avec la nature de ce que tiques du MRP, complétée en amont par une devait être un parti démocrate-chrétien, qu'au éducation où l'instruction civique et religieuse fond ils refusaient. avait souvent sa pari, était relayée en aval par Ces événements ont été à mon sens très signi- une formation dispensée par les partis politiques ficatifs de la perte d'identité d'une génération eux-mêmes ainsi que par les syndicats biblio- issue de l'Action catholique qui, progressive- thèques à la disposition des militants, débats ment, a vu disparaître ses cadres et ses repères. internes importants entre militants, échanges Les liens d'amitié ou de solidarité entre toutes avec les responsables au cours desquels l'appro- ces générations s'étaient un peu distendus à fondissement et la critique horizontale étaient l'épreuve du pouvoir, qui avait déçu pas mal de de mise. monde dans ces milieux. Le départ de Lambert, Le travail de formation ainsi accompli, l'éner- de ce point de vue, est très significatif du mou- gie ainsi déployée, force est de le constater, ont vement de dispersion qui intervient sous la eu des effets une génération militante et poli- Cinquième République. En fait, Lambert et ses tique imprégnée d'une conscience de l'intérêt semblables ont, dans les années 1960-70, plus général et d'un esprit de service partagés, des participé au renouveau de la gauche non com- amitiés politique capables de faire prévaloir muniste que contribué à donner une seconde l'efficacité et les convictions, une incontestable jeunesse au MRP ou à la démocratie chrétienne modestie politique et une vitalité se moquant en France. bien des années... Je pense que le MRP est mort un peu de cela Ces générations de militants qui nous ont pré- aussi. cédés dans la longue histoire de notre famille de pensée ont inscrit leur engagement dans un Jacques DUBOIS - Je suis élu de Boulogne- contexte fort différent de celui du nôtre la Billancourt et ancien adhérent du MRP depuis guerre et la Résistance, la reconstruction ont 1953. M. Bazin nous a rappelé que les premiers déliai leur cadre politique, sans même évoquer dirigeants du MRP venaient de l'Action catho- un cadre de mentalités et de valeurs propre. Ces lique et je me demande si l'absence de renou- générations sont les premières à dire qu'elles ne vellement et même sa perte d'influence n'ont détiennent ni la «vérité» ni la lumière. pas été dues en partie à l'attitude de l'Eglise qui Faut-il pourtant envisager de mettre en paral- n'a pas encouragé, c'est le mois qu'on puisse lèle l'affaiblissement, voire la disparition des dire, l'engagement des militants d'Action éléments de formation évoqués, avec les dérives catholique ou du scoutisme dans le MRP. que connaît la vie politique depuis plusieurs François BAZIN - A la Libération, ce ne fut années et les déceptions qu'elle provoque ? En pas le cas, semble-t-il. La hiérarchie catholique quoi et comment ces structures de formation à l'époque était tout à fait favorable à leur enga- politique ont-elles évolué du début à la fin du gement. Que, par la suite, elle ait pris un peu MRP 1 plus de distance, cela me paraît aussi un fait Charles GAUTIER - Je viens de Loire- avéré. Ces jeunes gens étaient, il est vrai, assez Atlantique et j'ai participé naguère à la cam- remuants, ils prenaient parfois des positions ne pagne qui a fait élire Bernard Lambert en 1958, correspondant pas toujours à celles de I'Eglise, sous l'étiquette MRP, ce qui eut alors un certain qui s'en est naturellement distanciée.

20 Le M.R.P. et les institutions

Jean-Dominique DURAND - Je vous propose maintenant d'entendre le Professeur Pierre Avril, professeur de Droit public à l'Université Paris Il et à l'Institut d'études politiques de Paris, membre du Conseil national des Universités, qui a été rédacteur en chef des Cahiers de la République et qui est l'auteur de nombreux ouvrages sur la Quatrième et la Cinquième Républiques, notamment «Le Régime politique de la V' République» (4' éd. 1979); «Le Gouvernement de la France» (1970); «Les Français et leur Parlement» (1972) ; «Essais sur les partis» (1986, nouvelle éd. 1990) ; «La Ve République. Histoire politique et constitutionnelle» (1987); «La IV' République. Histoire et société» (en colI. 1988). Il va nous parler du M.R.P. et des institutions.

Rapport de Pierre AVRIL

Les organisateurs ont été bien inspirés de pla- souci de parvenir à un accord avec la SF10 et la cer ce rapport entre celui qui est consacré au volonté de celle-ci de ne pas se séparer du PCF personnel politique et celui qui traite des rela- aboutirent au médiocre compromis de 1946, tions du MRP avec le général de Gaulle, parce dont le MRP était si conscient qu'il fit de la qu'il commence où s'achève le premier et se ter- réforme des institutions sa préoccupation minera au moment où commence celui de Jean- constante tout au long de la IV' République, Marie Mayeur. Ce qui rend compte, en effet, de mais sans succès ; les propositions qu'il avait l'importance que le MRP a attachée aux ques- vainement tenté de faire adopter n'aboutirent tions institutionnelles résulte de la présence en qu'en 1958, lors de l'élaboration de la nouvelle son sein d'un grand nombre de juristes, et de Constitution. Il n'accepta pas en revanche la juristes de qualité. Ils contribuèrent à renouveler conception que le général de Gaulle imposa ta problématique constitutionnelle ; ils apportè- dans l'application de celle-ci et il se rangea rent aux débats une perspective doctrinale et une bientôt parmi les adversaires de la pratique pré- compétence qui ne se retrouvaient à ce degré sidentielle, dans laquelle il ne reconnaissait pas dans aucun autre parti à la Libération pour des le régime que ses dirigeants avaient contribué à motifs idéologiques, les socialistes et les com- mettre en place. munistes étaient prisonniers de schémas dogma- L'élaboration de la Constitution du 27 tiques, tandis que les radicaux et la droite res- octobre 1946 taient fidèles au modèle suranné de la III' République. Toutefois, si son intervention fut Dès la réunion de l'Assemblée élue le 21 décisive pour écarter le régime d'assemblée pro- octobre 1945, les représentants du MRP prirent posé par la première Constituante, elle fut moins une place importante dans le travail constituant convaincante dans l'établissement de la nouvel- François de Menthon fut élu rapporteur général le République, et, si le bilan est finalement miti- de la Commission de la Constitution, et Paul gé, la raison n'en est pas sans rapport avec les Coste-Floret rapporteur particulier des textes relations du MRP avec le général de Gaulle et relatifs au travail législatif et au cabinet ; mais avec les partis qu'il avait choisi de rejoindre. Le les désaccords ne tardèrent pas à se manifester.

q A la suite du vote d'une motion par laquelle le - un contrôle de la constitutionnalité des lois groupe. «considérant que l'état actuel de la dis- devait être établi cussion de la Commission de la Constitution ne -- enfin le préambule devait affirmer les droits ltu permet plus (le prendre devant l'Assemblée et libertés de l'homme et du -citoyen «consacrés constituante et devant le pays la responsabilité par les déclarations antérieures et par les lois de du rapport général de la Constitution, demande la République», formule qui annonce les dispo- tt M. François (le Menthon d'abandonner les sitions que l'on connaît. 'onctions (le rapporteur général de la Constitution», ce dernier démissionna le 3 avril Le nouveau projet adopté par la commission 1946, ainsi que Paul Coste-Floret, en deman- ne donnait pas satisfaction au MRP, et, comme dant à ses collègues «comment il pourrait les divergences demeuraient fortes entre les défendre en séance publique des textes d'inspi- groupes, le président de l'Assemblée, Vincent rat ion socialo-communiste ?» (I). Auriol, intervint pour proposer son arbitrage sur les points de désaccord, qui concernaient le L'opposition du MRP au projet adopté par Conseil de la République, le Président de la l'Assemblée fut déterminante dans le rejet de République, et la dissolution (ainsi que le celui-ci par le référendum du 5 niai 1946(53% Conseil supérieur de la magistrature et l'Union (le 11011), cl il devint le premier parti de France, française). L'entreprise se révélant laborieuse, avcc 28,2 % des suffi'age exprimés, à l'élection Robert Lecourt demanda le 21 septembre une de la scconde Constituante le 2juin 1946. seconde délibération du projet, dont Paul Coste- La préoccupation de donner rapidement une Floret précisa dans L'Aube du 24 qu'elle ne Constitution à la France dissuada la nouvelle concernait pas seulement la forme, car le texte commission de tuer toutes les conséquences du adopté par l'Assemblée garde encore certaines refus dti peuple français pour s'en tenir à un traces du projet repoussé par le référendum, et le repltrage elle se contenta de reprendre le pro- MRP ne le votera que si ces traces disparais- jet repoussé le 5 mai comme base de discussion sent il reste «des séquelles du gouvernement en se proposant seulement de corriger les dispo- d'assemblée et ce sont elles que nous voulons sitions les plus contestées, de manière à le éliminer» (2). rendre cette l'ois acceptable. La logique des par- Les points litigieux portaient sur la participa- t is conduisait donc à rechercher un compromis tion du Conseil de la République à l'élection du qtli pt'éscrvût l'alliance des trois grandes forma- Président de la République, qui est pour le MRP tions, la SF10, le MRP et le PCF. «une affaire essentielle», ainsi que sur le scrutin Elti rapporteur général le 26juin, Paul Coste- secret pour cette élection (les communistes vou- Florct exposa la thèse du MRP en faveur d'un laient un scrutin public). L'amendement ayant gouvernement parlementaire, qui impliquait été repoussé, les membres du MRP quittèrent la - le bicamérisme, mais un bicamérisme limi- réunion. Ils y revinrent le 26, après que les pré- té il ne s'agissait pas de revenir à la conception sidents de groupes furent convenus des ultimes compromis, notamment sur l'élection du dti Sénat de la 111e République, condamnée par le téfi5i'endum du 21 octobre 1945 comme l'as- Conseil de la République. Bref, comme devait le constater plus tard le Président Pflimlin, «le semblée unique l'avait été par celui du 5 mai 1946, tuais d'instituer un Conseil de la MRP ne pouvait guère faire autrement que de soutenir le projet» (3). Répttblique ft la compétence exclusivement législative et aux pouvoirs limités

- la désignation du président du Conseil par le (I) Assemblée nationale constituante élue le 21 octobre 1945, séances de la commission de la constitution, comptes rendus ana- Pt'ésident de la République, au lieu de son élec- lytiques imprimés en exécution de la résolution volée par tioti par l'Assemblée nationale comme dans le l'Assemblée le 25 avril 1946, p- 642. premier projet, le cabitiet devant être investi par (2)Asscmbléc nationale constituante élue le 2juio 1946, Séances de ta commission dc la Constitution, comptes rendus analytiques celle-ci imprimés en exécution dc la résolution votée par l'Assemblée le 2 octobre 1946, p- 698. - la dissolution devait pouvoir être effective (3) Pierre PFLIMLIN, Mémoires d'un Européen de la IV à la V' République, Fayard 1991, p, 24. -

22 C'est le résultat de ces laborieuses négocia- restait insuffisante et le MRP joua un rôle parti- tions qui fut adopté par le référendum du 13 culièrement actif pour maintenir la réforme de octobre 1946 par 53,5 % des suffrages expri- l'Etat sur l'agenda politique. N'ayant pas obte- més, mais seulement 36 % des électeurs inscrits, nu de Guy Mollet, alors président du Conseil, 31 % s'abstenant. qu'il prenne les initiatives souhaitées, Pierre Pflimlin invita le congrès de Biai-ritz à décider L'impossible réforme que le Mouvement ne participerait à aucun gou- ((Le MRP croyait-il avoir fondé un régime vernement qui ne sengagerait pas sur ce point stable, a-t-il sacrifié ses victoires du 5 mai et du (le gouvernement Guy Mollet venait de tomber 2juin 1946 sur l'autel du tripartisme ou voulait- le 21 mai 1957). Il refusa pour cette raison de il sortir, à quelque prix que ce soit, du provisoi- participer au gouvernement suivant (Bourgès- re 7» se demandait Pierre Letamendia (4). Il est Maunoury), avant que Robert Lecourt ne probable que tous ces ingrédients entrèrent dans devienne garde des Sceaux dans le gouverne- la position adoptée, mais au-delà des compro- ment Félix Gaillard qui fit voter son projet par mis plus ou moins satisfaisants, le dispositif l'Assemblée en mars 1958. analysé par le rapport de Paul Coste-Floret (5) Ce texte comportait une pièce maîtresse reposait sur l'hypothèse politique que l'accord qu'avait inspirée l'expérience des questions de des trois grands partis qui lavaient voté permet- confiance les projets sur lesquels le président trait de le faire fonctionner. On sait ce qui advint du Conseil engageait la responsabilité du du tripartisme en avril 1947, et comment le nou- Gouvernement seraient adoptés sans vote si une veau régime en revint irrésistiblement au parle- motion de censure ne leur était pas opposée et mentarisme inorganisé de la Troisième (6), de votée à la majorité absolue. Cet ingénieux dis- sorte qu'il est permis de suggérer que la IVe positif, destiné à discipliner la majorité qui avait République, qui était originellement conçue investi le Gouvernement et à neutraliser l'effet comme un «régime de partis». a peut-être fina- pervers des abstentions, avait été imaginé par lement échoué de ne l'avoir point été. Edouard Moisan en 1953 et développé par Paul Attaché malgré tout à [enfant disgracié qu'il Coste-Floret dans la proposition déposée au avait porté sur les fonts baptismaux, le MRP nom du groupe le 17janvier 1957, avant que la s'efforça d'en corriger les défauts, et, de 1950 à Constitution de 1958 ne le récupérât (8). Mais, 1958, on trouve ses représentants derrière tous comme le note Pierre Pflimlin (9). il manquait les projets de révision. La première révkion fut au projet du gouvernement Gaillard deux autres engagée à l'initiative de Paul Coste-Floret, Le 29 éléments qui figuraient dans la proposition du novembre 1950, sur le rapport de Mme groupe. Celle-ci, d'une part, prévoyait un Germaine Peyroles, et elle aboutit à la loi contrat de majorité aux termes duquel constitutionnelle du 7décembre 1954 qui modi- l'Assemblée pouvait habiliter le Gouvernement fiait onze articles concernant le régime des ses- à prendre les mesures législatives nécessaires à sions (rétablissement du décret de clôture), le l'exécution de son programme, et cela pour la rôle du Conseil de la République, l'investiture durée de la législature (l'article 38 de La du Gouvernement et le maintien du Cabinet en Constitution de 1958 a repris cette disposition, cas de dissolution. La seconde, qui débuta le 13 mai 1955 sur le rapport de M. Defos du Rau, concernait la procédure de révision elle-même, (4) rierre LETAMENDIA, Le MRP, Université de Bordeaux 1975, p. 348. mais elle s'enrichit en cours de route et donna (5) Assemblée nationale constituante élue le 2juin 1946. annexé lieu à un rapport de Paul Coste-Floret le 26 mars au procès-verbal de la séance du 9 août 1946. 1957, avant que le projet du gouvernement (6) P. AVRIL et J. GIcQuEL, Le ft entre deox Républiques. Gaillard ne la relance le 16 janvier 1958 (adop- Pouvoirs. 1996. n' 76, p. 27. té par l'Assemblée le 21 mars). Un ultime pro- (7) sur la procédure Jean LYON, Nout'eota suppléments au Troué de droit politique, électoral e: porlementain' d'Eugène Pierre, jet fut déposé par le gouvernement Pflimlin et tome 2. La Documenlalion française 1990. P. 19. adopté par l'Assemblée le 27 mai 1958 (7). (8) Roberl LEcOURT. L'origine mouvementée de t'anicle 49-3. n' 258-259. janvier-mars 1990. 25. A l'évidence, la modeste révision de 1954 Fmnce-f'onon. p. (9) Op. cit. p. lOt.

23 mais en lui retirant l'élément contractuel et en maintenir la solidarité et l'entente avec les par- n'imposant pas la ratification des décrets-lois). tis qui y adhéraient. Cette priorité a, dès 1946, D'autre part, la proposition Coste-Floret s'ins- paralysé les efforts du MRP en l'incitant à pirait de la motion de «censure constructive» prendre ses distances avec les perspectives de qui figure à l'article 67 de la Loi fondamentale rupture plus radicale incarnées par le général de de la RFA et qui oblige les signataires de la Gaulle. Le pari, il est vrai, eût été risqué, et le motion à désigner le successeur du chef de gou- compagnonnage aurait pu être inconfortable. vernement censuré. Le projet élaboré par Robert Lecourt, garde des Sceaux du gouvernement Pflimlin, reprenait ces dispositions que, devenu ministre d'Etat du général de Gaulle, Pierre Pflimlin fit inscrire en partie dans la nouvelle Constitution. J'ajouterai, à propos de ce passage, que c'est parce que la procédure de révision avait été engagée en 1955 sur la base du rapport Defos du Rau que l'ac- nielle Constitution a pu être adoptée dans un relatif respect des formes et des apparences...

De la IV' à la V' République On le voit, une part essentielle du «parlemen- tarisme rationalisé» de la V' République est directement issue des propositions du MRP, qui visaient à corriger les déficiences révélées par le fonctionnement de la Quatrième et à faire évo- luer le régime dans le sens d'une nécessaire modernisation. Mais elles ne remettaient pas en cause le postulat de la souveraineté parlemen- taire qui avait précisément fait échouer toutes Intervention de P. Pflimlin. les tentatives, dès lors qu'elles tendaient à A sa droite au 1er rang L. Jung, président de la ronda- conférer au Gouvernement une autorité propre tion R. Schuman, M C. BouLinA. Posset, A. Diligent en le libérant de sa subordination à l'égard de Au 2' A. Monteil - Au 3' rang au fond, R. Rémond I 'Assemblée. Comme la règlementation com- plémentaire imaginée à l'époque par Michel Debré, ces réformes techniques supposaient qu'il suffirait d'inscrire dans la Constitution des Le paradoxe a voulu que la discipline d'une procédures et des prérogatives favorables au majorité directement issue du verdict électoral Gouvernement pour transformer l'équilibre ait finalement engendré une organisation du tra- politique de manière déèisive or l'expérience vail parlementaire répondant, et au-delà, aux de l'investiture personnelle du président du velléités des lendemains de la Libération ; mais Conseil de 1946, immédiatement neutralisée par ce résultat met aussi en évidence la faille d'une la pratique des interpellations sur la composi- conception politique qui, pour favoriser l'inser- tion du cabinet, avait révélé la fragilité de bar- tion du Mouvement dans le système de partis rières de papier élevées en face d'une français, s'attachait inconditionnellement au Assemblée qui représentait absolument et principe de la représentation proportionnelle. exclusivement la nation. C'est sans doute que le souci de ne pas se séparer de cette tradition de souveraineté parlementaire, identifiée à la tradi- (10) En témoigneront plus lard les réserves à l'égard du régime présidentiel, auquel te ralliement de Paul CO5TE-FLORET demeu- tion républicaine (10), était le prix à payer pour rait très minoritaire y. le Colloque organisé à saint-Germain-en- Laye par Fronce-Forum, les 17e! 18 janvier 1962,

24 Jean-Dominique DURAND - Merci, M. le dangereux pour le pays de prolonger une situa- professeur Avril, pour votre exposé extrême- tion provisoire. Une première Constituante avait ment nuancé qui a montré l'intérêt que le M.R.P. échoué on en a élu une deuxième ; fallait-il en a tout au long de son existence porté aux ques- élire une troisième et avec quelle perspective ? tions institutionnelles. Vous avez bien montré le C'est sans enthousiasme que nous nous paradoxe que représente ce parti que l'on iden- sommes ralliés au deuxième projet de tifie toujours aux faiblesses de la Quatrième Constitution et, dans mon département, le Bas- République et qui n'a cessé pourtant de com- Rhin, je dois dire quej'ai fait campagne, et c'est battre ces faiblesses et d'y porter remède. peut-être une des raisons pour lesquelles c'est le J'ouvre immédiatement le débat sur ce riche seul département de l'Est de la France où il y eut exposé. une majorité, d'ailleurs faible, de «oui».

** Et, ensuite, nous avons fait l'expérience de cette Constitution. Vous me permettrez de don- Le débat va permettre de préciser et de com- ner ce témoignage que j'ai été pour ma part pro- pléter les indicaions contenues dans le rapport fondément impressionné par les défauts de la de Pierre Avril sur: Quatrième République. J'ai appartenu à un Le rôle du MRP dans l'élaboration des grand nombre de Gouvernements, 14 peut-être, Constitutions de ta IV' République (en 1945- parce que la durée moyenne des Gouvernements 46) et de la V' République (en 1958) était de six mois. Il y avait parfois une certaine stabilité pour les ministres ; j'ai été pendant Léon LAFARGE - Militant du MRP depuis trois ans ministre de l'Agriculture et, pendant 1946, j'ai appartenu deux ans à la rue de ces trois ans, j'ai appartenu à six Poissy (11), je me demande après coup com- Gouvernements, cela fait bien la moyenne. ment, après l'exemple de la Troisième Notre ami Jean-Marie Louvel avait, je crois, le République qui avait illustré la malfaisance du record il a été pendant quatre ans ministre de régime d'Assemblée, nous n'avons pas eu le l'industrie et il ajoué un rôle considérable dans réflexe de rejeter à tout prix le rétablissement le relèvement économique de la France sous la d'un régime d'Assemblée, pire que celui de la Quatrième République qui, sur ce point là, peut Troisième République, puisque, par le jeu du se prévaloir, je le dis en passant, d'un bilan net- système de l'investiture, on donnait un droit de tement positif. regard à l'Assemblée sur la composition du Gouvernement. Je me souviens qu'ayant assisté Mais j'ai été très frappé par les inconvénients au demier vote devant l'Assemblée, j'entends de l'instabilité gouvernementale qui a incontes- encore le président Lecoûrt, alors président du tablement abouti à un discrédit du régime et groupe parlementaire, dire textuellement même à un discrédit de la politique, qui n'est «Cette Constitution n'est pas satisfaisante, mais, pas sans ressemblance avec celui que nous pou- cette fois, elle est perfectible», et j'avoue qu'à vons observer aujourd'hui. Ma préoccupation ce moment-là j'ai eu un sentiment de malaise, dominante dès lors a été la réforme de l'Etat. parce que je sentais qu'on entrait dans une voie Pierre Avril l'a rappelé, il y a eu, en effet, la pratiquement irréversible. résolution que nous avons tous signée - le pre- Pierre PFLIMLIN - Chers amis, j'ai écouté, mier des signataires étant Paul Coste-Fioret - bien sûr, avec te plus grand intérêt le rapport que qui réclamait une réforme de l'Etat. Au Congrès nous venons d'entendre et je n'ai pas grand- de Biarritz, nous avions décidé que le M.R.P. ne chose à ajouter à ce qu'il a dit au sujet de la participerait plus à aucun Gouvernement qui position du M.R.P. dans les deux premières n'inscrirait pas en tête de son programme la Constituantes. réforme de l'Etat, et c'est pourquoi nous n'avons pas participé au Gouvernement Si nous nous sommes prononcés pour le «oui» Bourgès-Maunoury (juin-novembre 1957), alors au deuxième référendum, c'était, dans une large que, dans le Gouvernement Félix Gaillard mesure, parce que nous estimions qu'il eût été (Il) Siège du M.R.P. à Paris.

Rk (novembre 1957-mai 1958), Robert Lecourt, tout fait. Il s'est contenté d'un très bref exposé Garde des Sceaux, a commencé à faire voter une introductif. Les discussions se déroulaient très rélorine de la Constitution dans le sens notam- librement, chacun pouvant s'exprimer comme il ment du renlorcement dc la stabilité gouverne- l'entendait. mentale. Nous avons été au moins deux, Guy Mollet et Et puis, sont survenus les événements de 1958 moi, à veiller à ce que la nouvelle Constitution et j'ai été amené à proposer dans cet éphémère maintienne un régime parlementaire. Je ne sais Gouvernement une réforme de I' Etat. pas si j'ai mal compris le professeur Avril ; il a laissé entendre que la souveraineté nationale Si on voulait relire nia déclaration gouverne- s'exprimant par l'élection était peut-être une mentale. on verrait - cela a été occulté, et je le idée un peu obsolète, mais nous avons eu la fai- comprends, par les événements d'Algérie - que blesse de nous y attacher. l'objectif de ce Gouvernement n'était pas, comme on l'a cru, d'infléchir radicalement la Michel Debré, qui avait fait le travail prépara- politique algérienne, mais de réformer I' Etat. Je toire et qui a présenté des avant-projets, avait suis allé jusqu'à déclarer que ce Gouvernement proposé entre autres que le pouvoir législatif fût s'assignait une période de six mois au bout de exercé par l'Assemblée Nationale lorsqu'elle laquelle il se retirerait dans les deux hypo- serait en session, mais que, dans l'intervalle des thèses 011 bien, il aurait réussi la réforme de sessions, le Gouvernement pourrait par décret I' litat et. tout naturellement, un nouveau régime modifier même les lois qui venaient d'être serait nus en place et un nouveau votées par l'Assemblée Nationale. Gouvernement, ou il aurait échoué. Mais les Nous nous sommes opposés à cette disposi- événeuients ont tourné autrement. tion et, malgré tout le respect que j'ai pour J 'ai été amené, comme ministre d' Etat, à faire Michel Debré, qui était un homme de conviction partie du Comité interministériel que le général et un grand patriote, je dois dire que cette pro- de Gaulle présidait, et il a présidé toutes les position était absurde. Le général de Gaulle l'a séances sans aucune exception. Nous y étions écartée comme nous le proposions. quatre ministres cl' Etat - Guy Mollet, Louis Nous avons alors proposé ce qui est devenu Jacquinot, Houpliotit-Boigny et moi - ainsi que l'article 20 de la Constitution qui déclare «le Michel Debré en sa qualité de Garde des Gouvernement définit et conduit la politique de Sceaux. Je ne veux pas faire le récit détaillé de la Nation. Il est responsable devant l'Assemblée ces débats, dont malheureusement il n'existe Nationale», ce qui est, me semble-t-il, la défini- pas (le procès-verbal, ce qui est extrêmement tion même du régime parlementaire. lûcheux. De gros volumes ont été publiés sous les auspices de M. Maus il y est question, J'ai été amené à entrer en controverse avec beaucoup, et à juste titre, des travaux prépara- d'éminents professeurs de droit constitutionnel, toires dirigés par Michel Debré, mais non des tel Olivier Duhamel qui, dans un certain col- délibérations du Comité interministériel où a été loque, au Sénat, ici même, avait affirmé que la élaborée la nouvelle Constitution, sauf en cequi Constitution de 1958 avait été faite pour donner concerne la toute première séance. J'en ai appris la plénitude du pouvoir au Président de la la raison beaucoup plus tard, lors d'un colloque République. J'étais à ce moment-là, avec à lUniversité d'Aix-en-Provence : il paraît que d'autres, dans une espèce de stalle sur laquelle il Guy Mollet avait fut des observations sur le y avait Finscription «témoins». Vous participiez procès-verbal de la première séance et cela a tel- peut-être à ce colloque, M. Avril. Vous vous rap- leinent agacé le général de Gaulle qu'il a décla- pelez que l'on m'a très peu laissé la parole. ré (lu' I n'y aurait plus de procès-verbal Alors, Lorsque je l'ai demandée une deuxième fois, M. je suis un (les seuls témoins qui pourrait racon- Olivier Duhamel m'a dit «Oui», et il a ajouté ter ce (lui s'est dit dans ces séances, qui étaient sèchement «Mais soyez bref», car ce que les extrêmement intéressantes. Contrairement à ce professeurs de droit constitutionnel nous ont que je prévoyais, le gétiéral de Gaulle ne nous a expliqué à nous, les «témoins'>, c'est que nous pas proposé, ou moins encore imposé, un texte n'avions rien compris à cette Constitution à

26 l'élaboration de laquelle nous avions participé Mais la solution retenue fut un pis-aller, nous n'avions pas compris qu'elle était faite caractérisé non seulement par l'instabilité pour donner la plénitude du pouvoir au général ministérielle, mais par le harcèlement incessant de Gaulle et à ses successeurs. du Gouvernement, débats et interpellations sans fin à l'Assemblée Nationale se poursuivant, Je crois que l'article 20 a son importance comme l'a noté , jusqu'à l'épuise- c'est lui, d'ailleurs, qui sert de base à ce qu'on a ment physique du président du Conseil. appelé par la suite la cohabitation. Quoi qu'on puisse penser des conditions dans lesquelles la Dès lors le régime institué par la Quatrième cohabitation a fonctionné jusqu'à présent, République a été incapable de faire face à des notamment avec François Mitterrand, il faut événemènts graves, guerre d'indochine ou guer- tout de même reconnaître qu'en effet le re d'Algérie. Gouvernement gouverne. Gouverne-t-il bien ou Pierre AVRIL - Je voudrais apporter juste mal ? C'est une autre question que je me garde- une précision. Je me suis exprimé trop rapide- rai d'aborder. ment et sans doute maladroitement à propos de J'avais fait l'expérience pénible de l'instabili- la souveraineté parlementaire. Je voulais sim- té de la Quatrième République. Je pourrais vous plement dire que, selon la tradition républicaine, en parler longuement il m'est arrivé d'être les élections avaient pour seul objet de désigner ministre de la France d'Outre-Mer, d'entre- des représentants et qu'elles n'entraînaient prendre certaines réformes et de voir tout tom- aucune conséquence sur le gouvernement. Le ber à l'eau au bout de moins d'un an, parce que peuple n'y était jamais l'arbitre qui décidait qui mon successeur n'a pas cru devoir reprendre ces gouvernerait et pour quelle politique. Cette rai- efforts. Ma préoccupation était donc d'assurer son est probablement à l'origine de la paralysie une plus gtande stabilité gouvernementale. de la IVe République comme de la 111e. A C'est là que j'ai commis ce que certains consi- chaque crise, tout se passait entre les partis qui dèrent comme un de mes péchés -j' en ai com- négociaient entre eux, sans que jamais les élec- mis beaucoup d'autres -. J'ai réussi à introduire teurs fussent appelés à décider. Dès la rupture dans la Constitution l'article 49-3. Si certains du tripartisme en avril 1947, le pli a été pris, et d'entre vous maudissent cet article, leur malé- Vincent Auriol observait dans son Journal du diction me frappe et elle est peut-être justifiée. septennat qu'une nouvelle majorité s'était déga- Mais nous avions, en effet, cette hantise de gée, avec une nouvelle orientation, qui n'étaient mettre entre les mains du Gouvernement, quel plus celles sur lesquelles les électeurs s'étaient qu'il fût d'ailleurs, les moyens d'assurer sa sur- prononcés au mois d'octobre précédent, alors vie pour ne pas retomber dans ce jeu de mas- qu'il eût été logique de retourner devant eux. sacre qu'a été la Quatrième République. C'était ce que je visais en parlant de souverai- Léon LAFARGE - Comme l'a très bien rap- neté parlementaire, reprenant d'ailleurs l'analy- pelé le président Pflimlin a prévalu en 1946 le se que le maître de Strasbourg, Carré de souci de ne pas entrer dans une troisième Malberg, avait développée en qualifiant le régi- Assemblée constituante et de sortir du provisoi- me de la 111e République de «parlementarisme re. absolu».

27 Le M.R.P. et le gaullisme

Jean-Dominique DURAND - Nous allons entendre maintenant le professeur Jean-Marie Mayeur, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Paris IV-Sorbonne, vice-président du Conseil d'administration de la Fondation nationale des sciences politiques, membre du Conseil de direction de l'institut d'études politiques de Paris et du Conseil d'administration de la Société d'histoire reli- gieuse de la France. Il est bien connu ici pour ses travaux pionniers sur la Démocratie chrétienne. Je me contente de rappeler son article fondamental paru en 1972 dans les Annales, intitulé «Catholicisme intransigeant, Catholicisme social, Démocratie chrétienne» et sôn livre bien connu «Des partis catholiques à la démocratie chrétienne XIXcXX' siècles» (1980). Toutes les recherches ultérieures sur le courant politique, démocratique d'inspiration chrétienne lui doivent beaucoup.

Rapport de Jean-Marie MAYEUR

Les relations entre le Mouvement républicain Lorsque de Gaulle quitte le pouvoir en janvier populaire et le gaullisme sont au coeur de l'his- 1946, le MRP reste au gouvernement, ne sou- toire de la formation d'inspiration démocrate- haitant pas laisser socialistes et communistes en chrétienne, au temps du gouvernement provisoi- tête-à-tête et faire ce qu'il estime la politique du re, sous la IV' comme sous la V' République. pire. Mais le fossé entre lui et le général de C'est une histoire complexe, douloureuse pour Gaulle va véritablement se creuser quand ce ses protagonistes, faite tour à tour de conver- dernier, après l'échec du premier projet consti- gences et d'affrontements que celle-ci. Elle a été tutionnel, auquel le MRP avait marqué son hos- abordée dans d'excellents ouvrages (I), aussi se tilité, précise sa conception des institutions lors bornera-t-on ici à en suivre la trame, en insistant du discours de Bayeux, et engage la lutte contre de façon privilégiée sur les deux crises majeures le compromis qui mène à l'élaboration de la dc 1946-1947 et de 1962. Constitution de la IV' République. La prise de position du général de Gaulle le 27 août 1946 Lors de sa création le MRP semble la forma- suscite, au témoignage de son beau-frère, dépu- tion politique la plus proche du général de té MRP du Pas-de-Calais, Jacques Gaulle. lI fait campagne pour le double oui lors Vendroux (3), le «désarroi» des députés <(de du référendum du 21 octobre 1945 son affiche second rang, élus en se recommandant de lui»... surmontée de la Croix de Lorraine porte «avec le MRP, votez oui». Le même jour, lors des élec- (I) Qu'il suffise de renvoyer à la thèse enfin publiée de Pierre LETA- tions législatives, le MRP s'impose d'emblée MENDIA Le mouvement républicain populaire. Histoire d'an grand comme le second parti de France, avec près parti français, Beauehesne, 1995, et à Jean cHARLoT: Le gaullisme d'opposition, 1946-1958. Beauchesne, 1983. On se reportera aussi à deux d'un quart des suffrages exprimés. Cette percée synlhèses dues à des politisles. R.E.M. IRVIN ch,-iseian Democracy in était sensible depuis un mois dans les sondages, Fronce. Londres, George Allen & U,swin. 1973. et Maria GRAZIA MAIORINI li mouvement républicain populaire, Parsito delta 1V l'électorat marquant son intention de voter pour Republica, Rome, Giufi'rè, 1983, qui s utilisé les archives du MRP. le parti le plus proche du chef du gouvernement (2) François GOGIJEL chmniques électorales r. I. provisoire (2), le «parti de la fidélité». (3) cette chance que j'ai eue p, 182.

PQ ((les plus sensibles à sa mise en garde». La mentionne le risque de coup de force et de plé- déclaration de De Gaulle du 19 septembre, le biscite, Paul Simon, ancien député du PDP, discours d'Epinal le 29 conduisent le MRP à évoque Waldeck-Rousseau et la «défense répu- justifier son attitude il accepte le compromis blicaine». La majorité des intervenants au indispensable pour sortir dii provisoire, mais il Comité national du 27 octobre, dans l'après- souhaite ensuite une révision. De Gaulle persis- midi, sont hostiles à l'idée de contacts avec le te dans son refus et invite le 9 octobre à voter chef du RPF, avancée par une minorité, au sein non, s'en prenant à ceux qui «seraient tentés, de laquelle figure le président d'honneur du par scepticisme ou par résignation, d'accepter parti Marc Sangnier. Les intervenants voient des institutions mauvaises sous prétexte qu'on dans le RPF un mouvement réactionnaire, fac- pourra les réviser plus tard». Une partie notable tieux, franc-maçon, qui remet en selle les radi- des électeurs du MRP s'abstient ou vote contre caux. Georges Bidauli dans son discours sou- la Constitution lors du référendum du 13 haite certes «ne point fermer la porte», mais ne octobre, constate pas d'ouverture possible, il s'inquiète Lorsque quelques mois plus tard le général de particulièrement de l'hypothèse d'un retour au Gaulle crée le RPF, le 7 avril 1947, le Comité scrutin majoritaire. Pierre-Henri Teitgen va au national du MRP le 27 prend position contre fond du débat. Le régime parlementaire et les une initiative qui conduit, estime-t-il, à casser la principes mêmes d'une République «telle que France en deux blocs (4). 11 marque sa crainte nous la concevons traditionnellement en devant un régime présidentiel qui naîtrait de la France» sont en jeu. Il rappelle Mac-Mahon et révision des institutions. Le général de Gaulle le 16 mai. Il fait allusion aussi aux affronte- ne cache pas en privé sa déception devant l'atti- ments avec le RPF lors des municipales, qui ont tude du MRP : «Quant au MRP, je lui casserai conduit à «des injures que nous n'avions plus les reins ( ... ), je lui prendrai ses électeurs» (5). entendues depuis l'Action française», référence Dans les premières semaines, le conflit ne prend bien propre à émouvoir des démocrates d'inspi- pas un tour dramatique. Le tournant est la for - ration chrétienne et à nourrir la vision d'un de mation, le 20 août, de l'Intergroupe d'action Gaulle maurrassien. pour une vraie démocratie, auquel adhèrent Une motion réitère l'opposition à la présence Edmond Michelet, député de la Corrèze (6), et d'élus MRP au sein de l'intergroupe. Jacques Jacques Furaud, député de la Charente, qui est Furaud est exclu pour cette raison. Quelques aux origines de cette initiative (7). Le groupe jours plus tard, après que certains membres (9) MRP de l'Assemblée nationale interdit, dès le du groupe n'aient pas voté, le 30 octobre, la 21, la double appartenance. Maurice Schumann confiance au gouvernement Ramadier remanié, défend Edmond Michelet, au sein de la com- des sanctions sont prises (10). Jean-Paul mission exécutive, face à la sévérité d'un certain nombre d'intervenants. Au comité national du (4) Archives nationales, AR Les menuons, dans le reste du lexie, des débats su sein des instsnces du MRP sont tributaires de la même 13 septembre, en l'absence d'Edmond Michelet, source. qui adresse une longue lettre, Louis Terrenoire, (5)cr. Claude MAURIAC: Un autre de Gaulle, 1970, p. 277. rédacteur en chef de L'Aube, gendre de (6)11 esi l'un des cinq membres du comité d'initiative, aux c6tés Francisque Gay, demande que le parti engage un des dépuiés Giacobbi, Godin, Krirger, Risse. (7) P. 6 de la brochure. Pour votre information. «Livre bla.'tc» sur dialogue avec de Gaulle (8). la cnse du MRP 1948.53 p, Celte publication est due àL. TERRE- NOIRE, à la demande d'Emilten AMAURY. le direcieur de Le conflit s'exaspère après le raz de marée du cnfour. RPF aux élections municipales des 19 et 26 (8) On se reportera à son livre De Gaulle 1947-1954. Pourquoi l'échec 7 Du R.P.E à la Traversée du désert, Pion, collecoon Espoir, octobre, où le MRP est abandonné par une par- 1981, qui donne des exirsiis précieux dr tonjoumal. tie de son électorat. Le 27 octobre, une déclara- (9) Douze s'sbsiienneni. doni E. MICHELET, deux voieni contre. E. LIQIJARI) dépuié de la Gironde et Ch. SERRE, député tion du général de Gaulle dénonce la combinai- d'oran. son de partis qui «ne représentent ensemble (10) Cf. l'Année politique 1947 p. 215. Le «livre blanc», pp. 24- qu'une faible minorité nationale», et demande la 25, et le journal de Louis TERRENOIRE pp. 52-53, évoqueni une réunion des principaux prots onisies le 5 novembre au domicile dissolution de l'Assemblée après l'adoption d'Emilien AMAURY. MICH ET et TERRENOIRE s'engagent à se soumettre à la discipline du mouvemeni, les dirigeants MRP s'en- d'un scrutin majoritaire. Léo Hamon à la gagent d'autre pal à désigner une délégation qui serait reçue par de GAULLE. Mais le 12 novembre. la Commission exécutive du MRP, réunion du groupe du Conseil de la République à la majonté d'une voix, refuse toui coniaci avec de GAULLE.

29 l'alewski, dépLité de Seine et Cisc est exclu, puis Pierre Pflimlin va s'efforcer de faire en sorte Edinond Michelet, le 18 novembre. Louis que celui-ci puisse se faire dans la légalité (18). lèrrenoire. Henri Lespès (I I) démissionnent, le Seuls trois députés dont François de Menthon 22 novembre. Emile Liquard, député de la qui refuse d'entériner le coup de force d'Alger, Gironde. un modéré proche de Georges Mandel vont se prononcer contre l'investiture de De avant la gtterre (12). candidat RPF aux niunici- Gaulle. Mais le MRP dans sa grande majorité pales, fait de même. Ces MRP dissidents vont est favorable à la réforme des institutions, loriner le 25 novembre, le petit groupe des comme aux orientations de la politique algé- Républicains populaires indépendants (13) rienne, hormis quelques partisans, derrière avant de rejoindre le RPF. Georges Bidault, de l'Algérie française et de l'intégration. Le MRP est présent dans le gou- Désormais la rupture entre le MRP et le mou- vernement du 1er juin 1958, avec Pierre venient gaulliste est complète. exaspérée par les Pflimlin ministre d'Etat, Paul Bacon au travail, polémiques partisanes sur le terrain. Certes, de Robert Buron aux Travaux publics, transports et discrètes tentatives de dialogue furent amor- tourisme. Le parti prend position pour le oui au cées en avril 1948 Robert Schuman rencontre référendum constitutionnel, dès lors que les le général de Gaulle (14), tout comme Maurice nouvelles institutions maintiennent le régime Scliuinann, puis Georges Bidauli en novembre parlementaire. (15). lEI les n'eurent pas de suite, non plus que des contacts ultérieurs, mais attestent que cer- Les élections législatives montrent que l'élec- taines personnalités considérables du parti ne torat approuve le soutien apporté par le parti à veulent pas couper les ponts, ainsi, selon le de Gaulle. Certes, le score en voix est compa- témoignage de Louis Terrenoire, qu'une trentai- rable à celui des élections du 2 janvier 1956, ne d'élus (16). En revanche, l'appareil, les mili- mais le MRP n'a pas de candidat, compte ténu tants sont foncièrement hostiles au mouvement du nouveau mode de scrutin, dans près de la gaulliste et à son chef. En vue des élections moitié des circonscriptions. On est donc fondé à législatives de 1951, les militants reçoivent un estimer qu'il a connu une certaine progression. argtnnentaire fort critique de Gaulle a exercé le Malgré la poussée modérée et gaulliste, et le potivoir à la Libération «en maître absolu», le scrutin majoritaire à deux tours, qui, en fait ne le RI'F l'ail la politique du pue, lavorisant ainsi le dessert pas; il obtient 57 sièges. Pierre Pfiimlin parti communiste, c'est un parti sans unité, (t t) Dans sa lettre dc démission, te député de Seine-et-Marne, Malraux est ((venu du communisme», le colonel vice-président du groupe parlementaire MRP, regrette que le MRP Rétiiy de l'Action française. Soustelle est ((un n'autorise pas «l'existence de «tendances». «Livre blanc». pp. 36- 38. Ccl ingénieur est tié à MICHELET de longue date par les franc-maçon» notoire, le RPF a un ((caractère «Equipes sociales» dc Robert GARRIC. totalitaire et exclusif'>. Dans les instances natio- (12) Cf. B. LAcHAIZE ie gaullisme en Aquitaine, inédit. tuiles du parti, les professeurs de droh, fort (t 3) La déclaration constitutive du groupe est signée d'André inlluents, s'inquiètent des projets de révision GUILLANT, député de lEure, LESPES. NIICHELET, J.P. PALEWSKI, TERRENOIRE se joindront ensuite Roger DUS- des institutions du général. SEAULX, député de Seine.inférieure et Alben LEcRIvAIN-5ER- VOZ, député du Rhône, Livre blanc, p. 41. Au conli it entre le MRP et le gaullisme sur les (14) Cf. le témoignage dc Léon NOEL, qui servit d' intermédiai- institutions et la politique intérieure, s' ajoutent re, La traversée du désert. PIon, 1973, p. 47. des désaccords croissants sur la politique euro- ( 15) L'intermédiaire est là. Edmond MICHELET. qui astiste à l'entretien, cf. Ctaude MICHELET Mon père Edmond Michelet péenne et atlantique. Critiques du plan d'après ses notes intimas. Presses de ta Cité, 1971. p. 189 sq. Schuinan, de la mise en oeuvre du Pacte atlan- L'entretien a tieu le 12 novembre à 10 h à l'hôtel Lapérnuse. Témoignage concordant datis te journal de Louis TERRENOIRE, tique (17), dénonciation de la Communauté pp. 65-68, qui reproduit le procès-verbal d'Edmond MICHELET européenne de défense enfin. Le rejet du projet, (16) Derrière Robcrl SCHIJMAN, suivi de près par Pierre le 30 août 1954, doit beaucoup à la campagne PFLIMLIN, journal p. 69. inlassable des gaullistes, avivant encore le (17) De GAULLE demande le 25juin 1950 que la France ait «une part effective de la direction stratégique commune» Discours et contentieux avec les démocrates chrétiens. messages, t.2, p' 372. Il observe tes sdoutes» face au pool charbon acier «quelles que puissent être les intentions de ses promoteurs», du Pourtant, dans la crise nationale de mai 1958, fait de «l'inconsistance de nos pouvoirs publics». le MRI' va se rallier au retour au pouvoir de (18) Qu'il suffise de renvoyer à ses Mémoires d'an Européen, général de Gaulle, et le président du Conseil, Fayard, 1991.

30 pèse en faveur de la participation au gouverne- tigaullisme. Ii suffira de la conférence de presse ment Debré en janvier 1959, malgré l'opposi- du général de Gaulle du 15mai1962 et des pro- tion de nombre de parlementaires (19). Lui- pos célèbres qui fustigent les tenants de l'inté- même quitte le gouvernement, mais Robert gration européenne pour conduire à la démis- Lecourt devient ministre d'Etat aux relations sion les cinq ministres MRP, àolidaires de Pierre avec la Communauté, Joseph Fontanet secrétai- Pflimlin, particulièrement affecté par les propos re d'Etat à l'industrie et au Commerce. P. Bacon du général (26). Le 13 juin les députés MRP et R. Buron gardent leurs fonctions. Malgré des s'associent au manifeste européen lu.- par réticences au sein du groupe parlementaire et du Maurice-René Simonnet, approuvé par 293 parti, le MW' demeure dans la majorité gouver- députés qui quittent l'hémicycle. Le MRP, qui nementale, et le rôle de Robert Buron dans la ne souhaite cependant pas une opposition systé- négociation qui conduit aux accords d'Evian matique, vote en majorité (27) la motion de cen- illustre le soutien du parti à la politique algé- sure du 12 juillet, déposée avec le groupe socia- rienne du chef de l'Etat. Mais tant sur la poli- liste, l'Entente démocratique, les indépendants, tique économique et sociale que sur la politique qui dénonce une force de frappe «exclusivement internationale et le style du régime (20), la cri- nationale», «condamnée à demeurer militaire- tique s'affirme. Le 24octobre 1960,21 députés ment illusoire», souhaite une «solution commu- (21) du MRP, dont Robert Schuman, s'associent nautaire», en matière de défense nucléaire, à la motion de censure qui s'en prend à «une regrette l'opposition du gouvernement à I' conception nouvelle de la politique européenne «hypothèse même d'un pouvoir politique euro- et atlantique» et souhaite une force commune de péen». On sait qu'une partie des députés qui dissuasion. En désaccord avec les méthodes de avaient signé le manifeste européen ne votèrent gouvernement du Premier ministre, Robert pas la censure elle n'obtient que 206 voix, par Lecourt quitte le gouvemement le 25août1961. crainte de la dissolution. Désormais, une minorité importante du groupe L'initiative du général de Gaulle engageant la parlementaire MRP marque son hostilité au réforme des institutions prit de court l'opposi- gouvernement. tion et mit le MRP dans l'embarras. Il hésite à Après les accords d'Evian et la démission du passer totalement du côté des adversaires du gouvernement Debré, le général de Gaulle invi- général de Gaulle. Etienne Borne le 6 sep- te à ouvrir le gouvernement tembre, dans Forces nouvelles, estime que aux socialistes, qui refusent, et à donner une place accrue au MRP. Face à cette offre, le parti (19) Mé,00ires p. 169. Lors de la présentation du gouvernement Oebré, 9 députés MRP s'abstiennent dont Paul CO5TE-FLORET et est divisé. Le 14avril1962, la commission exé- le syndicaliste agricole Bemard LAMBERT, qui vient d'être élu en cutive approuve la participation (22) mais dans Loire-inférieure, cf. R.E.M. IRvING, op. cil, p. 236. Les pages sur une motion demande «la construction de le MRP cl les débuts de lave République sont très précises. l'Europe unie, un meilleur fonctionnement du (20) Cf. les propos de P-l-l. TEITGEN au congrès d'Evian de 1960, cités par IRVING 237.238. régime parlementaire» (23). Pierre Pflimlin p- (21) IRVING obsetve avec raison que des adversaires de la poli- refuse le portefeuille de la justice, ne voulant tique algérienne dc 0e GAULLE, comme Cbdstian BONNET, se pas

31 l'élection du chef de l'Etat au suffrage univer- didat MRP est soutenu par l'Association pour la sel, «outre qu'elie serait un moyen de combattre V' République, c'est le cas de Maurice la dépolitisation de l'opinion publique»... Schumann, mais aussi de Joseph Fontanet qui, «pourrait mettre la République à l'abri des n'étant pas parlementaire, n'avait pas voté la entreprises extrémistes, accélérer les regroupe- censure. Sur les 36 députés MRP élus, 7 ont eu ments nécessaires et donner des chances à une le soutien V' République. Certains vont se rap- classe politique, libérale et ouverte,>, à condition procher de l'UNR. Désormais le MRP est une qu'elle soit «une pièce importante, mais non la petite formation parlementaire dans l'opposi- seule de tout un mécanisme de suffrage et de tion centriste. La candidature de Jean Lecanuet délégation>' (28). Il invite à la «souplesse inven- à l'élection présidentielle trois ans plus tard tive du oui mais>'. Le 27 septembre encore, Jean-Pierre Prévost estime dans Forces nou- velles qu'en dépit «du viol de la procédure», là proposition du général de Gaulle peut conduire Ù «l'édification d'un nouveau régime adapté à notre époque'>. Les choses changent début octobre, et le rôle des parlementaires paraît essentiel, Le 4octobre, ils sont 50 sur 57 à voter la censure, Maurice Schumann ne se joint pas à eux. Un certain nombre de partisans de la cen- sure, comme le constitutionnaliste P. Coste- Floret, condanrnent la procédure suivie, le recours à l'article Il, non le contenu de la révi- sion. Certes au Comité national des 6 et 7 octobre, 110 mandats contre 23 condamnent la révision, mais, parmi la minorité figurent outre M. Schumann, P. Pflimlin, P. Bacon, R. Buron (29). La motion «recommande'> le non, formule qui va permettre à certains parlementaires de ne pas faire campagne pour celui-ci. Maurice-René Simonnet prend part le 10 à la conférence de presse du «cartel des non>', aux côtés de Guy Mollet, Bertrand Motte, Maurice Faure, Claudius-Petit, Jean-Paul David. L'affiche du MRP (30) affirme que le référendum est Maurice Schumann «contraire à la Constitution et divise inutilement s'inscrit dans cette évolution. les Français>', que le projet «risque de permettre Si on essaie, après ce survol, de dégager la demain à un inconnu de menacer nos libertés et signification des relations entre le MRP et le (le mener à l'aventure». Rien en revanche n'est gaullisme, les raisons de conflit apparaissent dit du général de Gaulle, les termes de pouvoir clairement. Les dirigeants et les militants du absolu, de plébiscite ne sont pas employés. MRP, dans leur majorité attachés au parlemen- Celte relative modération ne suffit pas à rete- tarisme libéral, suspectent en de Gaulle et en ses nir l'électorat MRP de l'Est et de l'Ouest qui partisans la démocratie autoritaire, ils se voient vote oui. A peine 10 % des électeurs MRP de comme les héritiers de Montalembert face à novembre 1958 auraient voté non (31). Aux Napoléon III. Il ne faut oublier ni le poids, élections législatives qui suivent, 48 % de (28) cité par Jean cHARLoT, dont on suit l'excellente analyse: l'électorat MRP de 1958 se reporte sur l'UNR. La tactique et la campagne des partis pp. 58-59 dans F, GOGUEL: Le MRP obtient 1.665.695 suffrages, soit L'élection présidentielle des 5e: 19décembre 1965, FN5P, 1970. 6,05 % des inscrits, 9,08 % des exprimés, enco- (29) P. LErAMENDIA, op. cil, p' 134. re ce chiffre comprend-il les 190.384 suffrages (30) Reproduire dans le cahier de la FN5P publié en 1970. obtenus dans les Il circonscriptions où le can- (31) cf. l'étude de G. DIJPEIJX. ibid p.

32 parmi les parlementaires élus à la Libération, doute les premiers pensaient-ils que les critiques des anciens du PDP, la moitié selon François de la politique de De Gaulle n'étaient pas fon- Bazin. Or le parti démocrate populaire était dées. l'héritier de cette tradition libérale modérée C'est bien ce qu'estimèrent ces personnalités qu'avait incarnée au début du siècle l'Action du MRP qui, en un filet continu, le quittèrent libérale populaire de Jacques Piou. On ne sau- pour aller vers le gaullisme politique, Louis rait oublier non plus l'importance des profes- Terrenoire, Edmond Michelet, Marcel Prélot en seurs de droit public au sein du MRP, de 1947, Léo Hamon, Charles d'Aragon après François de Menthon à Pierre-Henri Teitgen, 1958, puis Maurice Schumann, Marie- l'un des adversaires les plus déterminés des Madeleine Dienesch, bien d'autres, moins gaullistes, et à Maurice-René Simonnet. connus, mais qui ont représenté un appoint au L'attachement à la tradition libérale va de pair sein du personnel du RPF, puis de l'UNR. Ces avec l'attachement à la (

33 quel (les rencontres qui ne furent pas de simple ainsi qu'aux dirigeants du MRP que furent circonstance, et qui traduisaient des accords sur Maurice Schu,nann et Pierre PJlinilin, celle l'essentiel, une vision de l'homme et de la d'apporter leur précieu.v témoignage sur la socti3té venue de l'enseignement moral et social manière dont ils les ont vécus. clii christianisme. On comprend dès lors que, revenant sur cette histoire, tant de témoins aient eu impression cl'tine <(chance gûchées>. un sen- A-t-on des informaïions sur la rencontre liment tic «grande tristesse» (35). et aient estimé entre le général de Gaulle et Etienne Borne? qtte pour la démocratie d'inspiration chrétienne Pierre KERLEVEO - C'est une question en France le gaullisme était, selon la formule de pour M. Mayeur avez-vous des informations Joseph Fontanet. tin «signe de contradiction». sur la rencontre entre le général de Gaulle et Etienne Bome ?

Jean-l)oniiniqtie l)UKANI) - Je vous remer- • Jean-Marie MAYEUR - Je vous remercie cie. Nous sommes ici vraiment au coeur de l'his- d'abord de suggérer ce problème. Je n'ai pas toire (le la démocratie chrétienne et du gaullis- d'informations précises. Peut-être que Jacques me, et, panant, de notre histoire contemporaine. Prévotat, qui est dans la salle et qui a travaillé sur les papiers d'Etienne Borne, a quelques Vous avez mont ré combien cette histoire était lumières ? la t'ois complexe, dramatique, douloureuse pottr les protagonistes, une histoire des occa- Jacques PREVOTAT - Non, je ne me sou- sions perdues également et des malentendus. viens pas. Je crois qu'Etienne Borne adonné un témoignage lui-même d'une rencontre à l'Hôtel Il est intéressant, pour prendre la mesure de Lapérouse, avec de Gaulle, et qu'il avait été très l'hostilité qui s'est développée à une certaine frappé du climat... l'ortiie de gaullisme dans les années 1950 au sein du M.R.R. tic faire parfois le détour par les par- Jean-Marie MAYEUR - Mais à quel tis démocrates-chrétiens européens, car c'est moment 7 En 1958 ou avant? par des militants du M.R.P. que ces partis étaient Jacques PREVOTAT - Il me semble que ce informés des réalités du gaullisme. Mais celui- fut pendatit la traversée du désert ou juste avant ci était interprété par les militants qui le com- le retour du général de Gaulle, mais dans les battaient en Fiance. C'est ainsi qu'un vigoureux papiers d'Etienne Borne je n'ai trouvé aucun anti-gattllisme a pu se développer dans l'en- document à cet égard. La correspondance etitre semble tic ces pttm'tis en Europe le général de Etienne Borne et Edmond Michelet reflète une Gaulle letmr apparaissait à la fois comme mysté- amitié qui, progressivement, se délite un peu, riettx et dangerettx. Oti tic le cotiiprenait pas très mais reste tout de même très forte - cette cor- bien on avait l'impression, en Ital ie, par respondance étant d'ailleurs composée unique- exemple, d'avoir à faire à une espèce de nou- ment des lettres d'Edmond Michelet à Etienne veau Mussolini et I 'hostilité de la Démocrazia Borne - ; les lettres d'Etienne Borne à Edmond Crist iana italiana a été largement influencée par Michelet n'ont jamais été en ma possession. En les cathol cILles français, d'une part, ceux du dépit de divergences réelles et fortes, la consi- RI>, M. et d'autre part, les collaborateurs de la dération entre les deux hommes ne s'y révèle à t'cv tic Esprit. aucun moment affectée.

Nous potmvotis ouvrir maintenant le débat sur Les cahiers Ed,nond Michelet vont publier la la cotumnunication de Jean-Marie Mayeur. communication que j'ai faite sur le sujet, il y a deux ans, aux Amitiés Edmond Michelet. **

Le débat donne à plusieurs intervenants l'oc- (35) scion les mots de Pierre PFLIMtJN dans Jea,i-Lnuis Engltçh es Doniel Rio, Entretiens o,'ec Pierre Pflinilin. Itinéraires Casio,, d'évoquer dn'e,w aspects des rapports du d'un eumpéen. stmsbourg, La nuée bleue, 1989. pp. 220-224. cotmaborateur et amide Georses BIDAULT au temps du CNR, fidè- MXI' at'ec• le gaullisme et quelques-uns des pro- le du générai de Gaulle. proche du MRP à ses débuts. René blènies qui con tusuent à se poser à leur sujet, BROUILLET nous disait que ta rupture entre de Gaulle elle MRP fut «te drame de sa vie,

34 Jean-Dominique DURAND - Je rappelle que Jean-Dominique DURAND - Il convient la correspondance en cause est inédite. tout de même de préciser que Jacques Maritain n'était pas démocrate-chrétien. Il a inspiré les Jacques PREVOTAT - Oui, mais il faut dire démocrates-chrétiens, cela est incontestable, que maintenant tous les papiers d'Etienne Borne mais il a toujours pris grand soin de marquer ses ont été déposés à Brive et que les historiens distances avec toutes les expériences politiques pourront consulter ce deuxième volet dans peu de la démocratie chrétienne et il disait lui-même de temps. que le seul démocrate-chrétien dans lequel il se reconnaissait étaitEduardo Frei, le président du Chili. Les relations du général de Gaulle et de Jacques Maritain Quant à ses relations avec le général de Gaulle, je rappelle qu'il a été pratiquement le représentant de la France Libre aux Etats-Unis Jean-Pierre PREVOST (ancien permanent pendant la guerre et que, à la Libération, il a du M.R.P.) - Je voulais simplement faire une répondu à l'appel du général de Gaulle (et de remarque qui n'a rien à voir avec mon expérien- Georges Bidault) désireux de l'envoyer comme ce du M.R.P., niais qui concerne les rapports du représentant de la France auprès du Saint-Siège. M.R.P. avec le gaullisme, question à laquelle ce que Maritain ne souhaitait pas pour de inul- j'ai eu souvent l'occasion de réfléchir, étant par- tiples raisons, privées y compris . Il a cependant fois tiraillé entre les deux côtés, notamment en accepté cette ambassade comme une véritable 1962, au moment de l'élection du Président de mission à remplir au service de la France, et de la République au suffrage universel. la France rénovée par le général et par le M.R.P.

Une des raisons du divorce permanent entre le Jean-Marie MAVEUR - Puis-je ajouter un M.R.P. et le général de Gaulle m'a semblé tenir complément à ce que vient de dire mon ami au fond au domaine des idées, du fait d'intellec- Durand sur Maritain une correspondance pas- tuels. On a évoqué tout à 1heure Etienne Borne, sionnante a été publiée dans les Cahiers mais je voudrais évoquer Jacques Maritain, qui Maritain sur les relations entre le général de a eu une grande influence aux origines du Gaulle et Maritain pendant la guerre. De Gaulle M.R.P. - même si après il s'en est énormément souhaitait vivement que Maritain le rejoigne à détaché - et à une époque où, si j'en crois une Londres, mais finalement Maritain ne le fait pas. biographie récente, Maurice Schumann et Il explique qu'il préfere ne pas s'engager au Georges Bidault le fréquentaient, travaillaient plan proprement politique sur le moment même, avec lui, rédigeaient même certains textes avec mais on sent véritablement dans cet échange de lui. lettres une harmonie entre les deux hommes. D'autre part, Maritain avait une position un peu Or, il est très frappant de voir que Jacques complexe dans ces milieux émigrés aux Etats- Maritain a toujours résisté aux tentatives du Unis. Il avait des responsabilités à l'Ecole des général de Gaulle qui, manifestement, aurait Hautes Etudes sociales, fondée à New-York, qui voulu en faire, en quelque sorte, son penseur et n'était pas totalement dans la mouvance gaullis- son philosophe et qui maintes fois a tenté de le te «Français libres», mais le général de Gaulle faire revenir de Washington à Londres pour ne lui en a pas tenu rigueur, puisqu'il a insisté l'avoir avec lui. Le général de Gaulle, semble-t- avec une force extraordinaire, et Maritain a dû il, souffrait énormément du petit nombre d'in- accepter, pour qu'il soit, après la Libération, le tellectuels français qui l'avaient rejoint premier ambassadeur de la République françai- Malraux était à peu près le seul parmi les grands se auprès du Saint-Siège. Cela, pour l'histoire, intellectuels français. Il aurait voulu avoir marque la force de l'attachement des liens entre Jacques Maritain qui, lui, a refusé et a pris ses de Gaulle et Maritain. Du reste le Saint-Siège distances vis-à-vis du général de Gaulle tout au n'était pas enthousiaste de cette nomination. long de cette période préliminaire à la naissance Certains théologiens contestaient Maritain, en du M.R.P. Amérique Latine notamment.

35 Les relations du général de Gaulle et de lument aucune envie de reprendre le Georges Bidattll Gouvernement à ce moment-là, mais il est assez curieux quand même qu'il ait posé des condi- Léon LAFARGE - Les rapports du général tions de cette nature. (le Gaulle avec les dirigeants du M.R.P., et en particulier avec Georges Bidault, étaient exé- D'autre part. deuxième observation,j'ai lu ces crahies. lotis les témoignages l'attestent. Cest temps-ci, avec beaucoup d'intérêt, le journal de n 1)1 a ni n mn t I ' Ai n hassadeu r Ch a u vet qui a noté Claude Guy, officier d'ordonnance du général catie. lorsque Bidault était ministre des Affaires de Gaulle à partir de janvier 1946. qui, pour des lEtrangères du général de Gaulle, celui-ci ne lui broutilles, s'est fâché avec lui en 1969. Claude épargnait aucune avanie. Maurice Guéri n. dépu- Guy notait toutes les conversations qu'il avait té du Rhône. ni' avait répété immédiatement eues avec de Gaulle et ce que de Gaulle avait dit avoir entendu (le Gaulle parler de «ce petit cré- devant lui. liii (le Bidault». Le député MRP des Vosges, sor- De cette lecture, je retire l'impression que de tant d' mi entretien avec le général de Gaulle, le Gaulle, après avoir quitté le pouvoir, s'est traitait de «luciférien». Il n'est donc pas éton- retrouvé triste et déseniparé De surcroît, nant que. dans ce climat détestable, le MRP soit presque chaque fois qu'il parle des hommes du alors demeuré imperméable, ce qui peut sur- MRP, de Robert Schuman, de Georges Bidault, prendre aulourd' Nui, aux idées du général de de Pierre-l-lenri Teitgen, il est méprisant. Gaulle. et que leurs points de vue respectifs sur la Constitution n'aient pu se concilier. L'hostilité de certains M.R.P. au général de Gaulle ne remonterait-elle pas à l'époque de (atieien Député) - Cette ren- Pierre UHERS la Résistance ? cotttre entre Georges Bidault et le général de Gaulle avait été organisée par Edmond Jean-Marie DOMENACH - Je voudrais Miehelet. Bidault n'avait jamais eu envie d'en poser une question à Jean-Marie Mayeur dans la parler devant le groupe parlementaire qui n'en a ligne de ce qui vient d'être dit faut-il remonter eu connaissance que par un député de Paris. M. à l'époque 1940-1945 pour trouver certaines Rigal. Elle a eu lieu après les élections munici- raisons d'tine hostilité à de Gaulle qui paraissait, pales de novembre 1947 qui nous avaient fait chez certains, presque viscérale ou, en tout cas, perdre énorntéinent d'électeurs, et Michelet passionnelle 7 aurait voulu qtte l3idault se nette d'accord avec Il existait une tension entre les dirigeants de la de Gaulle et essaie de le l'aire revenir au Résistance intérieure et les dirigeants de Gouvernement. Londres il est inutile de développer ce point Le général (le Gaulle a refusé en donnant des qui est connu, mais je voudrais savoir dans quel- raisons et en posant des conditions assez le mesure Jean-Marie Mayeur pense qu'on peut curieuses trouver son origine dans cette dissonance - et même plus, dans cet agacement qu'un certain - Première condition, il fallait que nombre de résistants éprouvaient à l'égard de l'Assemblée se dissolve, De Gaulle qui, pour des raisons qui ne sont - Deuxièiuetuent. il fallait que la Constitution absolument pas méprisables, voulait imposer soit abrogée alors on serait entré dans une son propre commandement à ceux qui étaient sitttatioii diilicile, sur le terrain. Je dois dire que, tout jeune, j'ai appartenu à ceux qui attendaient qu'on parachu- - Et, troisième condition, le général de Gaulle te le général de Gaulle dans le Vercors et non exigeait que l'on définisse à l'avance les fron- pas qu'il revienne comme chef de toute la tières occidentales de l'Allemagne, car il tenait Résistance, France Libre et Résistance intérieu- beaucoup à amputer l'Allemagne de la re, et comme chef d'Etat. Y a-t-il eu cette hosti- R liéti an ie. lité chez quelques uns 7 Y a-t-il eu de la part de Poser des conditions pareilles, ce qui ne pou- Bidault un sentiment de rancoeur à l'égard de vait pas dépendre de Georges Bidault ou du l'homme qui a voulu s'imposer, a réussi à s'iùi- M.R.R. c'était dire carrément qu'il n'avait abso- poser pour des raisons que nous pouvons peut-

36 être mieux comprendre maintenant ? nous avons de Gaulle>'. Donc dans ces mois-là, un sentiment de véritable connivence prévaut De même qu'en Amérique, il y a eu, on vient sur les réactions d'hostilité qui ne se développe- d'y faire allusion, une tension entre la représen- ront que plus tard. tation de la France Libre et des gens comme Paul Vignaud qui était un démocrate-chrétien Les témoignages de Maurice Schumann et vraiment consistant et persistant. Vignaud était Pierre Pflimlin un adversaire féroce de De Gaulle et du gaullis- Maurice SCHUMANN - Moi, nia tendance, me. A travers une mentalité quasi «états-unien- c'est de prendre mes responsabilités. ne», il craignait la destruction de la démocratie par un apprenti dictateur - j'exagère un peu - Il est incontestable que j'ai été torturé le 21 niais, linalenient, il y avait une répugnance chez janvier 1946, lorsque nous avons eu un choix à ces gens-là à l'égard de l'appareil gaulliste, de faire. Je devais tout au général de Gaulle, je suis sa volonté de domination, de son côté un peu inconditionnellement attaché à sa personne et militaire. j'avais un devoir en tant que président national du M.R.P. Je me suis prononcé pour le maintien Quelle importance attribuer à ces facteurs 7 du Mouvement Républicain Populaire au Jean-Marie MAVEUR - La question est Gouvernement sans y entrer moi-même, le pro- importante et il n'est pas facile d'y répondre, blème d'ailleurs en ce qui me concerne ne s'est parce qu'il faudrait connaître les itinéraires indi- pas posé, et je revendique la responsabilité de viduels d'un certain nombre de personnalités cette décision, comme je l'ai revendiquée dans une période aussi complexe - et où par maintes fois par la suite dans des conversations définition les gens s'expriment peu - que la privées avec le Général. Nous n'avons rien à guerre. regretter de notre décision, nous n'avons pas à en rougir, nous avons, au contraire, à en être Ce que vient de dire Jean-Marie Domenach fiers, quoiqu'on en dise aujourd'hui car il est est particulièrement vrai pour Georges Bidault, très facile de refaire l'histoire après un demi- et probablement dès avant la Libération. siècle Mais, en revanche, un certain nombre de per- Où en sommes-nous au moment où le général sonnalités venues de la démocratie chrétienne, de Gaulle quitte le pouvoir 7 Nous en sommes qui sont au Comité général des Etudes. qui vont au moment où le stalinisme déferle sur être nommées par le général de Gaulle commis- l'Europe, où le Parti communiste est beaucoup saires, puis ministres du Comité Français de la plus puissant que le Parti socialiste et incondi- Libération Nationale, ne me paraissent pas par- tionnellement attaché à Moseou. Fallait-il, à ce tager ce type d'attitude. Au contraire, ces moment-là, laisser un Parti socialiste désemparé hommes - certains touchent au milieu de L'aube et faible en tête-à-tête avec le Parti - se souviennent, au moins confusément, que le communiste? C'est ce que nous avons refusé de général de Gaulle, anonyme, a donné une faire et nous avons, par là, sauvé la démocratie. contribution à L'aube, qu'il a été un des adhé- J'en ai la conviction absolue. rents de i'emps Présent. Est-ce à dire que la constitution de 1946 était Maurice SCHUMANN - J'étais l'abonné satisfaisante 7 Elle ne l'était à aucun titre. Je n° 7 de Temps Présent n'ai entendu que la fin, d'ailleurs excellente et à Jean-Marie MAYEUR - L'un des derniers laquelle je souscris sans réserve de l'interven- numéros de Temps Présent, lorsque de Gaulle tion de Pierre Pflimlin, mais il est très probable est nommé sous-secrétaire d'Etat, rappelle qu'il que ce que je vais dire, il l'a déjà dit sous une a été à Temps Présent. Donc cela se sait confu- autre forme, ou peut-être même sous la même sénient et je crois que c'est Jean-Dominique forme. Robert Lecourt a. en effet, dit «Cette Durand qui citait, voici un an. à un colloque Constitution n'est pas bonne, mais elle est per- auquel je participais, une phrase de De Menthon fectible». Par là même. il prenait l'engagement qûi pourtant, en 1958, votera «non» au retour du de tenter, à l'occasion de chaque crise ministé- Général «de Gaulle est en harmonie avec nous, rielle ou pour éviter les crises ministérielles. de

37 demander le renforcement des institutions, de voudrais dire à mon ami Pierre Dhers que je ne demander en particulier, nous y avions souvent suis pas du tout sûr que, dans sa conversation pensé, l'alignement de la Constitution française avec Bidault, le général de Gaulle ait vraiment sur l'excellente disposition de la Constitution de posé les trois conditions dont il a parlé tout à la République fédérale d'Allemagne d'après l'heure. Pour autant que mes souvenirs soient laquelle on ne pouvait renverser un fidèles, il n'a pour ainsi dire été question que Gouvernement qu'après avoir désigné le des institutions, le général de Gaulle posant Gouvernement successeur. comme condition à un rapprochement quel- conque la priorité absolue de la révision consti- Dans chaque crise ministérielle, nous nous y tutionnelle. sonunes employés, Pierre Pflimlin se le rappel- le très certainement. Hélas nous ne sommes Sa politique allemande, c'est autre chose. Il parvenus Ù faire voter un texte satisfaisant que croyait, il me l'avait dit dès le 26août 1944, à la qua nd il étai t trop tard, c'est-à-dire lorsque nécessité d'une réconciliation franco-allemande Pierre Pfl i mli n était à la tête du Gouvernement et, pendant une certaine période, il s'est deman- et qu'il avait à faire face aux événements dé si la condition de cette réconciliation n'était d'Algérie. C'est un drame, je suis le premierà le pas le retour à la politique rhénane qui avait été reconnaître, mais est-ce à dire qu'initialement esquissée en 1919, et qui consistait, non pas à nous avons fait le mauvais choix 7 Je ne le crois détacher la Rhénanie de l'Allemagne, mais à l)Is. détacher la Rhénanie de la Prusse. L'intérêt majeur de la victoire de 1945, c'est qu'elle avait Essayez d'imaginer qu'après le départ du fait disparaître la Prusse ; il ne s'agissait donc général de Gaulle, les communistes et les socia- plus de déprussianiser la Rhénanie, nous listes soient restés en tête-Ù-tête. Le Parti com- n'étions plus en 1919. Dès qu'il a eu à prendre muniste, je vous le rappelle, représentait à ce moment-là 28 %. Les plus anciens d'entre vous ses responsabilités, de Gaulle les a prises et son dialogue avec Adenauer était la suite du dia- se rappellent ce qu'était l'atmosphère des logue qu'avait engagé Robert Schuman. réunions publiques. Président du M.R.P.,je par- courais la France, il me fallait souvent une Je crois que le M.R.P. a rendu trois énormes demi-heure pour arriver à placer un mot. Je me services rappelle une réunion à Tarbes au cours de Le premier, c'est d'avoir fait disparaître un laquelle Charles d'Aragon et moi-même avons certain ostracisme, et, là encore, cela paraît été physiquement attaqués de façon telle que aujourd'hui extraordinaire aux jeunes. Quand je nous nous sommes demandé, au moment où les dis à mes petits-enfants que les catholiques en bouteilles pleuvaient autour de nous, si nous ne tant que tels n'avaient pas leur place dans la courions pas plus de risques que sur les champs République, sous la Troisième, et qu'il avait de bataille 7 fallu que les Bidault, les Teitgen, et un certain Quand on est en présence d'une alternative, il nombre d'autres fussent à la pointe du combat lhut poser clairetuent les deux branches et j'es- dans la Résistance pour qu'enfin cet ostracisme time que c'est un des grands mérites du disparût, ils ont du mal à le croire. En 1945, le Mouvement Républicain Populaire d'avoir su, à problème se posait, et le problème, mon cher ce moment-là, préférer l'intérêt national et l'in- Pflimlin, se posait même de savoir si on n'allait térêt démocratique à ses propres intérêts électo- pas remettre en cause le régime particulier de raux. Je ne renie donc rien et je ne rétracte rien l'Alsace et de la Lorraine Je me rappelle une de de passé. de tes interventions, je t'entends encore, au moment où tu t'es dressé pour conjurer cette Mais, puisque j'ai la parole, je ne voudrais menace, alors que tu n'avais pas encore acquis fuir aucune difficulté. i.e crois que par la suite l'immense réputation qui a fait de toi un des tout aucune possibilité ne s'est clairement présentée premiers, un des meilleurs d'entre nous, dont je tl'opérer un rapprochement avec le général de me déclare solidaire dans tous ses actes, jusqu'à Gaulle, tant que le R.P.F. a existé. Dès lors que le R.P.F. avait été créé, la rivalité était totale et je la fin de la Quatrième République. Je veux être parfaitement clair.

38 En deuxième lieu, nous avons rendu un énor- dire qu'elle est prête à sacrifier la défense de nie service qin a été d'introduire la dimension l'Europe à l'ouverture sur les marchés exté- familiale dans la politique sociale. Je voudrais rieurs. que le présent ressemblât davantage au passé. Je ne suis pas du tout hostile à la mondialisa- J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire à la tribu- tion du commerce, à condition qu'il y ait réci- ne du Sénat, il y a quelques jours à peine. procité. Or, contrairement à ce qui était l'exi- Enfin, le troisième service que nous avons gence fondamentale de Robert Schuman, les rendu, et c'est là le point le plus délicat, c'est propositions de la Commission ne comportent d'avoir introduit la dimension européenne dans aucune réciprocité. Je vous cite un exemple je la politique internationale. Mais la dimension suis représentant du Nord depuis cinquante ans. européenne, qu'est-ce que cela voulait dire pour Je suis donc obligé de m'intéresser plus particu- Robert Schuman ? Essentiellement la réconci- lièrement aux industries textiles ou à ce qu'il en liation franco-allemande. A cet égard, il y aune reste. Eh bien tout récemment, la Commission continuité indubitable entre la Quatrième et la proposait de «libérer» le produit sensible que Cinquième République. Le dénominateur com- sont les tissus de laine, ce qui voulait dire en mun d'ailleurs s'appelle Adenauer. langage clair que les tissus de laine, en prove- nance d'Asie, d'Amérique ou d'ailleurs pour- J'ai rapproché, en 1946, Adenauer de Rober! raient pénétrer sur notre marché en acquittant un Schuman qu'il ne connaissait pas - il y a des droit de douane de Il %, alors que le marché livres où l'on raconte qu'ils étaient ensemble à asiatique nous est totalement fermé par un droit l'Université, alors qu'il y avait une différence de douane de 40 à 45 %, et le marché américain d'âge importante entre eux - Une réunion des lui-même, par un droit de douane de 35 %. partis démocratiques d'inspiration chrétienne avait lieu à Luxembourg. C'est là que j'ai vu Mondialisme, oui, mais avec réciprocité, et Adenauer pour la première fois. Il venait d'être cela c'est très exactement la pensée de Rober! éliminé par les Anglais de son poste de bourg- Schuman adaptée à l'époque actuelle, c'est-à- mestre de Cologne, il considérait que sa carriè- dire qu'il n'y a d'Europe que dans la mesure où re était terminée - fort heureusement elle com- il y a protection de l'Europe en tant que telle. Ce mençait à peine - et la conversation est tombée n'est pas du protectionnisme, c'est de la réci- sur Robert Schuman. J'ai eu l'idée d'organiser procité, et ce n'est pas du tout la même chose. la première rencontre, après laquelle ils sont En deuxième lieu, je sais que des militants devenus des amis intimes pour le grand bien du M.R.P., des militants européens comprennent pays. mal que l'ancien secrétaire d'Etat de Rober! Et c'est ici que je voudrais prendre des res- Schuman, l'ancien président national du M.R.P. ponsabilités tout à fait contemporaines. J'ai été ait été plus que réticent à l'égard du traité de le seul secrétaire d'Etat de Robert Schuman au Maastricht. Quai d'Orsay. Sa politique était extrêmement Et bien là encore, je veux prendre mes res- claire il considérait que l'Europe devait être ponsabilités pour le présent comme je les ai protégée. Combien de fois l'ai-je entendu dire prises pour le passé. Rober! Schuman était «Il ne peut y avoir d'Europe qu'à l'abri d'une convaincu, et il avait mille fois raison, qu'il ne muraille». Cette muraille, ç'était le tarif exté- pouvait y avoir d'Europe sans qu'il y ait renon- rieur commun. ciation à une partie, et une partie croissante, de Aujourd'hui, la Commission s'éloigne dange- la souveraineté nationale. Je n'ai pas changé reusement de cette politique et je ne suis pas d'avis sur ce point, moi non plus. Je suis moins européen, au contraire, quand je dénonce convaincu que, s'il n'y a pas des litnitations de cette dérive qu'à l'époque où j'avais l'honneur souveraineté nationale, il n'y a pas d'Europe. de collaborer avec Robert Schuman. Pouquoi ? Mais limitations de souveraineté nationale au Je vous cite un tout petit exemple, mais c'est bénéfice de qui 7 Et c'est là qu'est tout le pro- simplement pour fixer les idées: la Commission blème : au bénéfice d'institutions politiques qui s'est, en fait, ralliée au mondialisme, c'est-à- émanent du suffrage universel et qui soient res-

39 ponsables devant lui ou devant ses représen- J'ajoute qu'il reste aussi de notre passé com- tants. mun, en dehors des trois grands mérites que j'ai évoqués tout à l'heure, une âme commune. Je J'ai été un partisan acharné pour ce motif de voudrais en citer un exemple [élection du Parlement européen au suffrage universel je vous signale d'ailleurs en passant Un jour, je me retrouvais dans le Nord, dans le (lue, sur le problème que j'évoquais il y a un bureau du maire de Tourcoing. Il était socialiste, moment, le Parlement européen, le 16 juillet il avait été secrétaire de la section M.R.P. de dernier, a été amené à s'opposer à la Tourcoing et il y avait là Norbert Segard, qui Coni ii iss ion. appartenait à l'UDF et qui avait été un adhérent, Or, la logique du traité de Maastricht nous a sinon un militant, du M.R.P. Il y avait moi, qui avais été président national du M.R.P. et dont hélas conduits, comme il était aisé de le prévoir, vous connaissez l'engagement politique. Au Ù des abandons de souveraineté au bénéfice d'une technocratie irresponsable, au bénéfice bout d'un moment, nous nous sommes regardés d'tine Banque centrale européenne dont un et nous nous sommes dit nous pouvons ne pas être d'accord sur tout, mais nous jugeons de tout iiiinisire allemand est allé jusqu'à dire que ses par rapport aux mêmes critères, et c'est là ce qui décisions et les sanctions qu'elle aurait le pou- voir d'infliger devraient t'emporter sur toutes définit le mieux, selon moi, l'âme commune dont parlait Marc Sangnier. les décisions du Conseil Européen, c'est-à-dire des Chefs d'Etat et de Gouvernenient. Jean-Dominique DURAND - Merci, Monsieur le ministre, pour votre émouvante et Pendant longtemps, le problème européen a riche intervention qui nous a conduits de l'his été, ou l'Europe des Etats, ou l'Europe supra- toire du MRP jusqu'à l'histoire présente. nationale. Je vous rappelle les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à quitter le Jacques MALLET - S'il m'est permis Gouvernement, derrière et avec Pflimlin, en d'ajouter un mot, en profitant de la présence de 1962. Ce n'est plus du tout le problème. Maurice Schumann, je voudrais lui faire une L'Europe des Etats, d'un côté, l'Europe supra- observation c'est vrai, je crois, que notre famil- nationale, de l'autre, ce n'est plus du tout cela. le d'esprit refuse l'ultra-libéralisme thatchérien, Le problème est aujourd'hui «Europe démocra- aujourd'hui encore,c'est vrai qu'il y a eu une tique ou Europe technocratique», et je crois certaine dérive de l'Europe vers une conception qu'on ne pourrait pas comprométtre plus dange- extrêmement libre-échangiste, mais il ne faut reusement la politique européenne que de pas tout mettre sur le dos de la Commission, M. remettre le destin des peuples, et en particulier le Président. le destin du peuple français, entre les mains J'étais Président de la Commission des rela- d'une Banque européenne centrale qui, à la tions extérieures au Parlement. C'est vrai que, fiveur d'un pacte de stabilité, se substituerait en sur certains points (les quotas télévisuels par fait aux Parlements nationaux, quels qu'ils exemple), on s'opposait à la Commission, mais soient. Un jour ou l'autre, cela provoquerait, et le problème, c'est que la majorité de nos parte- cela commence A provoquer déjà, un sursaut, et naires, et les plus importants (je ne parle pas des un sursaut qui risque d'aller beaucoup trop loin Anglais et des Hollandais toumés vers le grand et de balayer, non pas la dérive de l'Europe à large, mais de l'Allemagne), sont de grands laquelle nous assistons maintenant, non pas exportateurs, mais nous aussi nous sommes de l'Europe technocratique, mais tout l'idéal euro- grands exportateurs qui veulent être présents sur péen qui n'a jamais été plus nécessaire. le marché où aujourd'hui la croissance est la Si j'ai abordé ce sujet, c'est parce que je sais plus forte, c'est-à-dire l'Asie. que beaucoup d'entre vous s'interrogent sur les Le problème est donc d'arriver à une politique motifs de l'attitude quej'ai été amené à prendre commune et, sur ce point, je pense qu'on et parfois même me la reprochent. J'ai, là enco- accable un peu trop la Commission en cette re, le sentiment d'une continuité par rapport à affaire et si, dans les négociations du GA1T, on un passé dont je suis et reste solidaire. a eu un résultat qui n'a pàs été trop mauvais,

40 c'est parce que, finalement, il y a eu un front avoir souhaité que cette réflexion ait lieu au commun. moment du cinquantième anniversaire du M.R.P. • Jean-Dominique I)URAND -. Nous repren- drons, de toute façon, le débat sur les questions Vous nie permettrez de dire que la disparition, européennes cet après-midi, puisque Jacques hier, d'Alain Poher rend plus émouvante encore Mallet nous donnera une communication sur. ce cette rencontre. Il était un homme de notre thème. famille politique. J'ai été son collaborateur quelques mois. Je l'ai vu jouer le rôle de pré- Pierre PFLIMLIN - L'excellent exposé de sence constante de la démocratie chrétienne M. Mayeur sur les rapports du MRP avec de française dans les réseaux démocrates-chrétiens Gaulle a été, si je puis dire, une sorte de lune de du monde. Il a été un très grand combattant des miel. idées européennes et de l'équilibre démocra- Je suis obligé de reconnaître, même en pré- tique, notamment au travers de son combat sur sence de Maurice Schumann que cela ne scan- les institutions. dalisera pas, que je garde un excellent souvenir Je voulais dire, comme président de Force de cette période de 1958 où j'ai eu l'honneur de Démocrate, ce que lui devait notre famille poli- participer à l'élaboration de la Constitution etje tique et le respect, l'hommage, l'émotion qui dois dire que dans la plupart des cas les obser- ont été les nôtres à la nouvelle de sa disparition. 'vations que nous avons pu formuler ont été reté- nues par le général de Gaulle. J'ai le sentiment de la pérennité, de la vitalité d'une famille d'esprit. Je le dis devant deux de Quels qu'aient pu être ses propos ou ses inten- mes prédécesseurs, Maurice Schumann et Pierre tions antérieurs, je ne renie en aucune manière Pflimlin, dans la chaîne de ceux qui ont eu la cette appartenance à son Gouvernement et je responsabilité de porter pendant un temps le suis reconnaissant au M.R.P. de l'avoir autori- message et la volonté de notre famille politique. sée. Lorsque le général de Gaulle m'a demandé J'ai avec eux deux des liens personnels forts, d'entrer dans son Gouvernement, j'ai commen- des liens d'amitié avec Maurice Schumann, des cé par lui donner une réponse négative et ce liens plus forts encore d'intimité pour avoir été n'est qu'après avoir consulté nos amis, les diri- des siens avec Pierre Pfiimlin, d'admiration geants du M.R.P., que j'ai finalement donné une pour tous les deux. Leur présence de tous les réponse affirmative. Quels qu'aient pu être les jours est pou nmoi, président de Force événements ultérieurs, sur lesquels on reviendra Démocrate, extrêmement précieuse. peut-être plus tard, je ne le regrette pas. Et merci au M.R.P. qui l'a permis. Je remercie Jean-Dominique Durand de l'avoir dit non seulement Force Démocrate se Jean-Dominique DURAND - Je voudrais, ressent comme héritier du Mouvement républi- puisque l'heure avance maintenant, profiter de cain Populaire, mais c'est le même élan, le la présence de François Bayrou, qui est le même mouvement, la même aventure, la même Président de Force Démocrate, c'est-à-dire du entreprise, y compris dans l'ouverture de Force Parti qui est l'héritier de la tradition démocra- Démocrate à d'autres qu'à des démocrates-chré- tique d'inspiration chrétienne dans ce pays, tiens de stricte obédience. pour lui demander au point où nous en sommes arrivés de ce colloque, de nous faire part de ses Je rappelle que les statuts du Mouvement réflexions et de nous dire peut-être comment il Républicain Populaire prévoyaient cette ouver- situe son Parti dans l'histoire qui, depuis ce ture et que la revendication constante de ses matin, fait l'objet de nos travaux. dirigeants était d'affirmer que le projet de la démocratie chrétienne ne s'arrêtait naturelle- ** ment pas aux baptisés et qu'on pouvait avoir la même conception de la démocratie au-delà François BAYROU - Je voudrais dire merci même des frontières de l'Eglise. Dans ses rangs d'abord à Jean-Dominique Durand et à l'en- se côtoyaient effectivement des militants de semble des organisateurs du Colloque pour convictions diverses, chrétienne, juive. musul-

41 inane, hique. quel point, à l'époque, le P.D.P. était à gauche, car, naturellement, la partie béarnaise n'est pas, Ce n'est Ixis autre chose que cette volonté comme vous le savez, la partie considérée d'ouverture cl (le réconciliation qui a fondé comme de droite des Pyrénées-Atlantiques. Force Démocrate. Si Je (levais définir ce qu'est celte aventure, il inc semble que noire originali- Donc, l'aventure initiée par le P.D.P. et, aupa- té. c'est la volonté d'incarner dans la réalité un ravant, par les mouvements du Sillon, poursui-

De g. à d. F. Bayrou. J. Matter, J-D Durand certain nombre des aspirations les plus hautes - vie par ceux qui étaient de cette famille d'esprit spiritualistes, spirituelles de l'humanité - autre- dans la Résistance, continuée par le M.R,P., puis tient dit. (le considérer le monde, non pas par le Centre Démocrate, puis par le C.D.S., comme un acquis qu'il faudrait désormais enfin aujourd'hui par Force Démocrate, cette dél'eiidre, nais comme un projet au service de aventure, c'est bien celle-là. Le monde n'est pas I 'épanotussement de ce que les êtres humains un donné qu'il suffirait de défendre ou de mieux portent en eux (le plus haut. gérer. Il est à construire parce qu'aujourd'hui les éléments qui le constituent ne vont pas, par leur C'est cela l'aventure du Mouvement propre dynamique, à l'épanouissement de ce Réptibl icain Populaire et de ce qui l'a précédé que les êtres humains ont en eux de plus haut, de dans l'histoire (le ce mouvement démocrate fiançais. plus rare et de plus précieux. C'est pourquoi l'esprit de résistance est au coeur même de l'ins- Vous nie permettrez de rappeler que le pre- piration de notre ramille d'esprit. nier président du gron PC du Parti Démocratique Chaque l'ois que se déchaînent dans le monde Populaire. Auguste Champetier de Ribes. qui a les forces du matérialisme brutal, la résistance joué chez notis le rôle historique que l'on sait, prend un tour héroïque. Cela a été l'histoire de étai t député de na ci rconscri pt ion. exactement six ou sept décennies dans notre siècle. D'abord aux Iront ières près. et que. dans ce premier la résistance la plus haute, celle qui demandait gwupe qui comptait 14 députés. il y en avait 2 le plus de sacrifices, à l'époque de la domina- des Pyrénées-A il antiques, que l'on appelait alors les 13asses-Pyrénécs. ci 2 de la partie béar- tion nazie sur l'Europe et sur la France. Ensuite la résistance au communisme il a fallu une naise (les Pyrénées-Atlantiques. C'est (lire à 5m-

42 gulière constance pour que notre famille d'es- Nous avons vécu une longue période pendant prit ne cède jamais à la tentation de la conni- laquelle on avait le sentiment inverse. Je me vence avec cette idéologie qui régnait en maî- souviens du temps où, au moment de conduire tresse sur presque l'ensemble de la vie intellec- les campagnes pour le Parlement européen, nielle française. nous nous désolions en disant «Mais qu'al- lons-nous pouvoir dire ? Maintenant, tout le Je suis entré à l'Université au tout début des monde est devenu européen». Mais ce temps où années 1970, à une époque où on comptait sur l'on ne voyait pas de différences entre les euro- les doigts de la main ceux qui n'étaient pas péens de stricte obédience et les ralliés plus marxistes ou sartriens. Il a fallu un singulier récents est fini. Voici revenu le temps du combat esprit de résistance pour que nous ne cédions européen. Je voudrais dire pourquoi cela me jamais, pour que nous ne nous rendions jamais. parait crucial, pourquoi ce qui est en jeu me Je suis très heureux de rencontrer ici les intel- parait la clé même de l'avenir dans lequel nous lectuels, dont Jean-Marie Domenach et René allons entrer, et je voudrais le faire à partir du Rémond, qui ont construit et conduit ce combat. projet initial, fondateur, du M.R.P. que j'évo- Le monde est à construire, il n'est pas donné. quais à l'instant. Nous n'en sommes pas seulement les héritiers Si on laisse les sociétés aller d'elles-mêmes, ou les défenseurs, nous en sommes les promo- avec les forces de la production et les forces de teurs et les constructeurs, et c'est le seul moyen l'argent, dans une économie mondialisée, ce qui que nous connaissions de bâtir une société diri- naîtra de cette économie mondialisée sera une gée tout entière vers l'épanouissement dccc que société matérialiste. Les déclarations du prési- les personnes humaines ont de plus précieux en dent de la Réserve fédérale américaine ont elles. C'est pourquoi, naturellement, le message conduit à une chute brutale de la Bourse, du Mouvement Républicain Populaire reste, à «Heureusement, lisait-on, hier, dans Les Echos, l'entrée de ce XXI' siècle, le message le plus cette chute a pu être arrêtée par les bonnes nou- vigoureux, le plus brOlant qui se puisse imagi- velles des chiffres de l'emploi aux Etats-Unis». ner. Je vais essayer de le reprendre très rapide- Et que sont ces bonnes nouvelles des chiffres de ment l'emploi aux Etats-Unis»? C'est la hausse du Oui, le Mouvement Républicain Populaire chômage... J'ai décrit dans «Le droit au sens» avait raison en conduisant la réflexion institu- l'autre face de cette médaille chute extraordi- tionnelle. naire de la Bourse, parce que les chiffres du chômage aux Etats-Unis s'étaient réduits de Oui, le Mouvement Républicain Populaire manière inquiétante pour les financiers. On a là, avait raison en conduisant la réflexion sociale, en une seule formule, un raccourci de ce que Oui, il avait raison en conduisant la réflexion seront les conséquences mécaniques d'un aban- européenne. don du projet de société à des forces dont la mis- Trois grands sujets, que je vais reprendre par sion n'est pas de construire une société. ordre d'urgence pour l'opinion aujourd'hui J'accepte que les lois de l'offre et de la - L'idéal européen est aujourd'hui un idéal demande soient des lois éternelles et même fragile, méprisé et combattu par une partie qu'elles soient aussi objectivables que la météo- croissante de l'opinion publique. En présidant rologie, mais c'est la première fois dans l'his- avec quelque amusement avant-hier le Conseil toire du inonde qu'un certain nombre d'esprits du Parti Populaire Européen (P.RE.), je faisais en viennent à accorder aux lois de l'offre et de un tour de table afin de connaître le sentiment la demande la mission de construire un projet de européen dans les différents pays représentés. société. C'est d'autant plus bouleversant pour J'ai été stupéfait de constater que la France des chrétiens qu'une de leurs premières déci- n'était pas un cas isolé dans tous les pays sions a été la condamnation de l'usure. Nous d'Europe, le sentiment de doute, les réserves, à avons construit notre société en refusant la loi l'égard de l'idéal européen sont devenus de plus de l'offre et de la demande sur l'argent. en plus forts. Et si vous ajoutez à la force des puissances

43 linancières Liii certain nombre d'autres données nomique est devenue l'aventure européenne, et dc la société dans laquelle nons vivons, et que c'est là désormais que les choses vont se niitailinient les données médiatiques, vous jouer. Et nous avons approché, plus près qu'au- tiiesurez qu'en effet les forces que j'appelle cun esprit optimiste n'aurait pu l'imaginer, de matérialistes sont situées en position dominante l'objectif de cette aventure. tians la société mondialisée ci' attj ourd' hu i. Tout le tnonde voit bien que, dans la compéti- connue elle est. tion mondiale, le dollar offre aux Américains L'esprit de résistance ne peut pas être simple- une arme sans concurrence, la seule qui leur iiieiit désincarné. La résistance à ces forces-là permette à la fois d'utiliser au bénéfice de leurs doit s' incarner dans une construction institu- producteurs l'effet de dumping d'une monnaie tionnel le. capable (le donner à ceux qui rêvent sous-évaluée, et de conserver des taux d'intérêt d ' un au t te iiio n tIc la puissance, la fo 'ce pers u a- très bas. Quand dans une compétition vous sive, l'autorité à l'échelle de la planète, que ne découvrez que votre concurrent a une arme possèdent plus les Etats-nations. Il suffit pour absolue, quel est votre devoir ? C'est d'essayer s'en convaincre de mesurer ce qu'a de dérisoire d'acquérir la même arme pour vous-même, et notre résistance au crime organisé, aux entre- c'est pourquoi la question de la monnaie est poses de hI anchi ment d'argent sale, à cette aujourd'hui une question centrale. Tout échec extraordinaire capacité que donne aux mafieux risque d'être un échec, sinon définitif, du moins le fait (l'avoir un compte dans un autre pays,fat- de conséquence très durable. C'est pourquoi il ce ti cjtielqties kilomètres de nos frontières natio- me sembe que nous vivons un moment vraiment tales, pusque. (le commissions rogatoires en historique. appels, toutes les évasions sont possibles. Nos Le M.R.P. a eu raison de placer dans la pers- problèmes ont pris aujourd'hui une dimension pective européenne cette aventure qui sera le qui dépasse le cadre de la nation seule une combat des années à venir. Et je trouve, je l'ai architecture institutionnelle forte, de même écrit récemment dans Le Monde, un peu attris- dimension sera désormais capable de les tant qu'en France tous ceux qui ont cette convic- résoudre conformément à notre vision des tion soient si indifférents les uns aux autres et choses. Le combat français pour l'exception continuent à se combattre comme s'ils n'avaient culturelle, c'est-à-dire pour le refus de la mono- rien en commun, alors que ceux qui sont en culture anglo-saxonne, n'avait aucune chance situation de réticence à l'égard de l'Europe ne d'être gagné si notis n'avions pas mis en place, cessent de se donner des coups de main. eti relais (les institutions françaises, une archi- tecture institutionnelle de dimension européen- En étant ainsi divisés au moment où il faudrait ne. être unis, nous ne nous montrons pas à la hau- teur de l'enjeu historique. Pour réaliser le projet de civilisation qui est le nôtre, et qui est au centre de notre combat, nous - Deuxième point le projet social du avons besoin d'une telle architecture. C'est Mouvement Républicain Populaire est une des potirquoi la question du traité de Maastricht. de questions majeures du siècle dans lequel nous la monnaie unique, est aujotird'hui devenue la allons entrer, pour deux raisons question centrale et. si nous manquions cette - d'abord, parce que nous sonime placés échéance, il n'y aurait pas ttvant longtemps de devant un rendez-vous historique il faut désor- deuxième chance. Mais on nie dit «Vous com- mais que nous arrivions à inventer les processus inencez par la monnaie, il au rai t fallu commen- qui nous permettront de conserver ou d'amélio- cer par la politique». Or nous avions proposé de rer le niveau de sécurité, de concitoyenneté qui coinmeacer par la politiqtie sans sticcès, en rai- existe entre les Français sans le faire par la son (le l'opposition rencontrée, de la part, sou- dépense publique vent, de cettx-là même qui nous reprochent aujourd'hui de donner la priorité à la monnaie - ensuite, parce que rien ne me paraît plus tiniqtic. Si nous l'avons l'ait, contrairement à urgent que d'avoir à réinventer une société OÙ se notre choix mit al. c'est que celte aventure éco- recréent des liens entre le décideur et le citoyen

44 qui n'est trop souvent qu'un consommateur guer le pouvoir, nrnis que son rôle est, ati d'institutions 011 de services publics. contraire, d'être, d'une certaine manière, acteur de son propre destin et du destin commun. Et là, non seulement il y atout à faire, mais si nous ne Cet effacement, au sein de la société, des syn- faisons pas tout, nous allons disparaître. Il y a dicats, des partis politiques, des associations me tout à faire, parce que la vision du monde qui est paraît un des stigmates de la crise qtte nous celle des politiques et de l'administration ne sommes en train de vivre. Nouvelle protection, laisse place à aucune confiance dans le citoyen nouvelle société, expressions nouvelles d'insti- de base. Ce qui méconnaît trois phénomènes tutions qui permettront à la citoyenneté d'être majeurs

autre chose que la possibilité de déposer dans - les citoyens sont formés, la majorité dtine une urne, une fois tous les cinq, six ou sept ans, classe d'âge va à l'Université un chèque en blanc au bénéfice de ceux qui gou- vernent. Dans ce domaine aussi la réflexion qui - ils sont informés. Or un peuple formé et était celle du M.R.P de ses équipes syndicales, informé ne se laisse pas gouverner comme des est au coeur de nos préoccupations d'aujour- citoyens d'autrefois qui pouvaient avoir le sen- d ' hui. timent qu'ils ne savaient pas et n'étaient pas en situation d'articuler une pensée - Enfin, dernier point, la réflexion institution- nelle est à reprendre. Je le dis, parce qu'il me - enfin, les citoyens ont fait l'expérience de semble que l'idéal démocratique doit être pour l'impuissance des puissants, et cette expérience nous l'horizon que nous nous fixons, c'est-à- cruelle les a amenés à considérer qu'après tout, dire l'idéal de la responsabilité du citoyen de ceux qui, avec assurance, leur promettaient que base, l'idée que son rôle ne se limite pas à délé- les lendemains allaient chanter, avaient moins

45 ti' autorité q LI ils ne I' auraient espéré ou j magi- est venu de reprendre cette réflexion. A notre ne. famille politique d'essayer, à sa modeste mesu- Et ces trois ingrédients re, de porter à nouveau cette intuition-là, d'adopter cette approche, profondément juste et - lorniation. réconciliatrice. - in li ri nation, La rupture entre le général de Gaulle et notre - expérience des limites du pouvoir, famille politique a résulté d'une série d'acci- cOtistittlent titi tléfl najeur. dents historiques. Elle a été, d'une certaine manière, un malheur pour la France et pour Je crois qu'il faut et qu'on peut inventer une l'Europe. Nous passons aujourd'hui de l'ère de nouvel le pratique politique, eti essayant de don- la démocratie de représentation à celle de la ner quelque consistance au mot «déniocrat ic», démocratie de participation. Il faut porter «aussi en reconnaissant au citoyen d'autres sentiments loin que possible la conscience et la responsabi- que ceux que leur prêtent les publicitaires. Les lité du citoyen'> comme l'écrivait Marc citoyens ne peuvent se réduire à des parts de Sangnier. C'est la tradition et la vocation de marché. Cela peut être autre chose et je crois que les institutions de cette démocratie nouvelle notre famille d'en témoigner aux yeux du sont t inventer. monde.

Le général de Gaulle avait eu sur ce sujet des Voilà la déclaration de gratitude que le prési- i nt LII! ions qui ont été incomprises de la plupart dent de Force Démocrate voulait faire au de ses anus et de la plus grande partie de ses Mouvement Républicain Populaire, à ceux qui contemporains. Lorsque, après l'extraordinaire en ont été les inspirateurs, les créateurs et les secousse morale de 1968, il a essayé de acteurs. C'est sur la même souche que nous répondre eti inventant les institutions de la par- allons essayer de faire éclore des floraisons nou- ticipation, son intuition était juste et le moment velles.

Les livres de nos collaborateurs et amis

Evelyne SULLEROT Christian SAVÈS «Le grand remue-ménage» «Tristes Tropiques du Politique» Ed. Favard Ed. Ellipses, coll. Polis

jean-Marie DOMENACH Jean ONIMUS «Regarder la Franee» «Quand le travail disparaît» Essai sur le malaise français Ed. Desclée de Brouwer Ed. Perrin

46 SÉANCE DE L?APRÈSMIDI (Présidence de Benoît Jeanneau)

Benoît ,IEANNEAU - Mesdames. Messieurs. ce que l'opinion en retient et de quelle manière En ouvrant cette seconde séance de travail de le temps la déforme. Il est tout aussi stimulant noire Colloque sur le Mouvement Républicain de tenter d'en redresser au besoin les erreurs en Populaire, je voudrais d'abord vous dire com- rappelant les témoins à la barre pour qu'ils puis- bien je suis reconnaissant aux organisateurs de sent restaurer la réalité de façon tout aussi vraie, ce Colloque de m'avoir fait la confiance et parce que plus sereine avec le recul des années. l'amitié de me proposer de présider les débats de cet après-midi.

Car c'est un honneur pour moi d'avoir à diri- ger une discussion à laquelle sont appelés à par- ticiper d'abord des personnalités éminentes qui ont marqué notre vie politique, qui ont entraîné pour certaines d'entre elles mon adhésion et auxquelles j'ai conservé toute mon admiration, mais également des hommes de science, des his- toriens, des politistes qui ont éclairé par leurs analyses l'histoire de notre temps et dont les ouvrages figurent en bonne place dans ma bibliothèque.

Mais c'est aussi pour moi une grande joie de nie trouver ainsi associé à un échange de vues, à une rétrospective qui comblent tout à la fois mes voeux d'ancien militant et d'universitaire. Au premier ptan. R. Rémnond. Derrière lui, à d.. La satisfaction est pour une bonne part, je dois t'. Bascoul, qui fut second de ta liste de P. Dhers l'avouer, d'ordre affectif, car tout cela me rap- à l'élection législative de 1945. pelle des souvenirs très forts de l'époque où, aux côtés de Pierre Ahelin. j 'animais la fédéra- tion de la Vienne, en particulier ce congrès qui Or c'est exactement le setis et le mérite de ce colloque que de nous offrir l'occasion de porter s'était tenu à Chûtellerault dans les années 60, un second regard sur l'inspiration et l'oeuvre du sous la présidence de Robert Schuman et auquel MRP. de procéder à une relecture de ces événe- avait participé Pierre Pliimlin. Sans oublier non ments, comme on dirait aujourd'hui, et une plus cette convention nationale du Centre relecture bien utile à en juger par la discussion Démocrate de Lyon où, sous la présidence de très passionnante de ce matin. Jean Lecanuet, il m'avait été donné de présenter le rapport sur les institutions. Un débat qu'il nous faut maintenant pour- suivre dans trois dotuaines où le Mouvement Voilà dcnc pour les sentiments. Républicaiti Populaire a joué un rôle majeur. Ils n'ôtent rien au plaisir intellectuel que celui d'abord de la cotistruction européenne j'éprouve aussi à poursuivre avec vous ce dia- dont il a été l'un des grands initiateurs, celui de logue sur le rôle et l'intluence qu'a exercés le l'outre-mer où soti rôle a été plus ambigu et par MRP dans la reconstruction de la société fran- conséquent peut-être - sûretiient même - moins çaise au lendemain de la guerre. bien compris, enfin celui de la politique sociale où son impulsion a été plus claire niais appelle Car il est intéressant de se demander comment aussi une remise en perspective. une action s' inscrit dans la mémoire collective,

47 La politique européenne et internationale du M.R.P.

Benoît ,JEANNEAU - Nous savons tous que Jacques Mallet a été associé de très près à toutes les étapes (le la construction européenne d'abord comme responsable des affaires européennes au secré- tariat du Mouvement Républicain Populaire ; ensuite, comme directeur adjoint du Bureau d'infor- nation des Communautés européennes ; enfin, comme député au Parlement Européen où il a présidé la Commission des Relations économiques extérieures. Et beaucoup d'entre nous ont lu ses chro- niques à France-Foruni ainsi que ses ouvrages sur l'armée européenne et sur l'Europe en général.

Il était donc tout désigné pour nous faire revivre les efforts que le Mouvement Républicain Populaire a déployés en faveur d'une certaine Europe et qu'il va maintenant nous exposer. Je m'em- presse (le lui donner la parole. Rapport de Jacques MALLET

Les I Set 19janvier 1990, le Centre d'Histoire nier, le M.R.P. n'a plus été en mesure d'appli- de VEurope du XX' Siècle et l'Amicale du quer sa politique sociale. Je lui laisse la respon- M.R.R ont organisé un grand colloque sur le sabilité de cette appréciation. M.R.P. et la construction de l'Europe dont les Le M.R.P. est ainsi devenu le parti de Actes ont été publiés en octobre 1993 dans un l'Europe. Il a joué un rôle moteur, un rôle de ouvrage exhztustit' aux Editions «Complexe>', leader dans la construction de l'Europe unie, à dont je ne saurais trop recommander la lecture. une époque où la France avait un véritable lea- Mais il est apparu que bien peu en avaient eu dership en Europe. La présence continue, pen- connaissance, en dehors des milieux universi- dant près de dix ans, de juin 1944 à juin 1954, taires c'est pourquoi on a souhaité que le pré- d'hommes issus de ses rangs à la tête du sent colloque comporte un rapport sur la poli- Ministère des Affaires Etrangères - Georges tique européenne et internationale du M.R.P. et Bidault, puis Robert Schuman puis, une fois 011 m'a demandé de le présenter en raison des encore, Georges Bidault - illustre cette affirma- fonctions que j'ai exercées six ans, de 1952 à tion. 1958, au Secrétariat général du M.R.P. Cet engagement remonte plus loin à Parlant devatit un auditoire de personnalités Lamennais, à Marc Sangnier, organisateur des politiques et d'universitaires éminents, je le Rencontres de Bierville, à la Jeune République, t'erai avec niodestie, en témoin engagé. au P.D.P. qui avait créé à Paris avec Don Sturzo un Secrétariat international des Partis démocra- «Nous sommes le parti de l'Europe» décla- tiques d'inspiration chrétienne, le SIPDIC. Jean rait Etienne Borne, la «conscience du M.R.P.» - Cayeux, qui est parmi nous ce soir, se souvient je crois que la formule est de François Mauriac de la messe à Notre-Dame-des-Victoires réunis- -' au Congrès de Lille de 1954 en pleine bataille sant Champetier de Ribes, Francisque Gay et le (le la Communauté européenne de défense Chancelier Brùning. (C.E.l).). Il y a eu aussi la Résistance elle-même, en L'affirmation est exacte car I' Europe a été, particulier Gilbert Dru, l'un des promoteurs du avec ttne grande continuité, au centre des M.R.P. qui, dans les convictions et de l'action politique du M.R.P., Cahiers du Travaillisme français, devenant en 1951 tin élément majeur de son a, dès 1943, parlé de fédérer l'Europe en dépassant les absolus de la souveraineté identité, une «identité de substitution'>, selon nationale. Plus profondément, on pourrait dire Alfred Crosser, ail motiient où, d'après ce der- que cet engagement européen s'inscrit dans

48 l'esprit de I 'universalisme catholique. pal initiateur de l'Alliance atlantique en lançant II faut cependant ajouter trois précisions qui le 4 mars 1948 un pressant appel au général nuancent l'affirmation Marshall pour que les Etats-Unis apportent, je le cite. «aux pays européens réunis dans le Pacte - Le AIR. P n'a pas été européen dès sa créa- de Bruxelles ce qui leur manque de force'>. tion, le 25 novembre 1944. Dans son program- me de 1945, il suit la politique qui était alors Au moment où Robert Schuman proposait la création d'une Communauté Européenne, celle du général de Gaulle détachement de la Georges Bidault envisageait la constitution d'un Rhénanie, transformée en Etat souverain, inter- nationalisation du bassin industriel de la Ruhr, Haut Conseil Atlantique pour la Paix, réunissant refus d'un gouvernement central pour les Etats-Unis et l'Europe autour de la défense, l'Allemagne et recherche d'une alliance de de l'économie et de la politique. revers avec Moscou. Le professeur Jean-Marie Soutou, qui a La conversion du M.R.P. à l'Europe, reconnue consacré à la politique européenne de Georges Bidault un rapport intéressant dans le colloque

Dc g. à d. J. Mattet. B. Jeanneau

comme le cadre d'une solution du problème sur le M.R.P. et la construction de l'Europe, allemand, a commencé, selon Francisque Gay, estime que Bidault était sans doute plus atlan- avec le discours du général Marshall du 5juin tique qu'européen mais qu'il était plus européen qu'on ne l'a dit. 1947. Elle s'est précisée après la Conférence de Londres, de février à juin 1948, recommandant En tout cas, Robert Schuman et Georges la création d'un Etat ouest-allemand, fortement Bidault étaient tous deux d'accord pour estimer contestée par le M.R.P., qui a conduit au reni- que l'union de l'Europe exigeait d'abord la r!,acement de Georges Bidault par Robert réconciliation franco-allemande. Ils étaient tous Schuman au mois de juillet. L'engagement total les deux attachés à l'alliance atlantique. Le et définitif date du 9 mai 1950, c'est-à-dire du Traité de l'Atlantique nord, initié par Georges Plan Schuman. Bidault, a été signé par Robert Schuman qui l'a - D'autre part, les conceptions européennes de fait ratifier, et le M.R.P. souhaitait, je crois Georges Ridai,!t et de Rober! Sdiwnan ne sont devoir le souligner, la construction d'un pilier pas de même nature ni surtout de tnêtne intensi- européen au sein de l'Alliance appelée à devenir té. On a dit de Georges Bidault qu'il était plus un partenariat cela a été l'un des thèmes atlantiste qu'européen. Il a été de fait le princi- majeurs de la campagne de Jean Lecanuet en 1965.

ELC (icoi'ges l3idauli cl Robert Schuman ont fait Schuman allant même jusqu'à dire: «La France preuve lotis les deux, conime l'ensemble du n'a pas de politique allemande, elle se met à la M. R. P., é' une grande lucidité et d'u ne fermeté traîne des Etats-Unis !». On gardait de l'affec- inébranlable Face au coinmunisnle totalitaire et tion pour Bidault, même quand on n'était pas à l'iinpérialisne soviétique. La suite des événe- d'accord avec lui. menis leur a donné raison contre les illusions Mais Rohert Schuman est devenu, après 1950, pacifistes ou neutralistes de la majorité de l'in- l'incarnation même de la politique européenne telligenisia française et des chrétiens de gauche. du Parti. Le soutien des militants et des parle- - Enfin, le M. R. P n 'u pas été le seul parti fi mentaires était empreint; à son égard, de véné- s 'ei:'ager tians le con:lat pour I 'Europe unie ration. mais il (I été le plus uni et le plus résolu sur Dans une deuxième phase, avec l'arrivée à la I 'Eu cape, ave e lotit au pI Lis 4 «dissidents» lors présidence du M.R.P. de Pierre-Henri l'eitgen (le la bataille de la Communauté Européenne de en 1952. le parti, jusqu'alors suiveur des Délnse (C.E.l).), en particulier Léo 1-lanion, ministres, se transforme en inspirateur et en André Denis, André Monteil qui, je pense, animateur de l'action européenne. expliquera stir ce point les raisons - parfaite- meni respectables - de leur attitude. Des libé- Dans la bataille de la C.E.D., cette nouvelle raux comme René Pleven, René Mayer, «Affaire Dreyfus», Pierre-Henri Teitgen était à Matirice Faurc, des indépendants comme la fois un chef de guerre en France et un acteur , se sont engagés aux• côtés du important sur le terrain européen, en particulier M.R.P. potir l'Europe mais, sous la iVe en élaborant un «projet de communauté poli- République, les progrès de la construction euro- tique», en tant que rapporteur de l'Assemblée péeime doiveni beaucoup à la volonté commune dite «ad hoc», chargée par les ministres de cette du M.R.P. ci dc la SF10.. le Parti Socialiste. mission en vertu de l'article 38 du Traité de C.E.D. Le jour où cette alliance européenne s'est bri- sée, où, sur I' Europe, le Parti Socialiste s'est Georges Bidault revenu aux Affaires étran- cassé en deux alors que les nationalistes de droi- gères en janvier 1953 dans le gouvernement de le ci de gauche tinissaient leurs forces.,l' Europe René Mayer l'a accueilli, comme Elisabeth a reculé. Peul-êlre y a-t-il aujourd'hui encore «Angleterre les fondateurs de l'Empire: «Salut une leçon à tirer de cette expérience. au chercheur d'aventure !».

Comment s'est élaborée la politique euro- Pierre Pflinilin qui n'était pas, lui non plus, un péenne du M.R.l'. ? homme de l'appareil, sera comme Pierre-Henri Teitgen un président très engagé dans toutes les Le M.R.P., on l'a dit, était un parti de niili- actions européennes à tous les niveaux. tants. Ces militants partageaient une sorte de mystique européenne. Ils étaient, sur beaucoup On a parfois prétendu qu'il y avait derrière le (le points, sur I' Europe comme sur la politique M.R.P., au-dessus de lui, une «Internationale sociale, très en avance sur l'électorat. noire», que son Europe était une Europe vatica- ne. Ayant vécu de l'intérieur, en tant que secré- En matière de politique étrangère, le poids des taire international du M.R.P., les rapports de à ministres était prédominant mais oti peut cet coopération qu'il a noués avec les partis frères égard disiinguer deux périodes d'italie, d'Allemagne, de Bénélux,je puis affir- Dans une première phase, ce sont les mer qu'il s'agit là d'un mythe. A tort ou à rai- n? in isi res appuyés par les dirigeai: ts du Fa rU, son, les dirigeants du M.R.P. n'ont jamais voulu qui ont pris les initiatives. Les instances du que le parti devienne membre en tant que tel Mouvement leur ont toujours apporté un soutien d'une Internationale démocrate-chrétienne, sans faille. Ù quelques exceptions près. Par parce qu'ils ne voulaient pas apparaître comme exemple. Georges Bidault a eu beaucoup de un parti confessionnel en France et parce qu'ils peine à faire approuver les Accords de Londres considéraient certains partis démocrates-chré- par les responsables du Mouvement, Robert tiens comme trop conservateurs.

50 Mais des rencontres et des échanges de vues en Belgique et dont le secrétaire général était 0111 été organisés. La plus importante de ces ren- Robert Bichet, ami de Georges Bidault. Les contres, qu'on pourrait même considérer N.E.I. ont organisé plusieurs Congrès impor - comme providentielle. a été celle, dans les trois tants auxquels participaient des personnalités principaux pays de la Communauté européenne, issues du M.R.P. mais à titre individuel. On y à des postes de responsabilité, de trois hommes débattait de tous les grands problèmes euro- de la frontière, partageant les mêmes valeurs et péens, on y votait des motions. Les N.E.I. la même volonté de rompre avec les erreurs du avaient une réelle influence. pt'sé dont ils avaient tous les trois souffert, et A partir de 1956, sous l'impulsion de Fanfani qui ont donc pu prendre les décisions qu'il fal- et de Pierre Pflimlin, la coopération avec les lait prendre au moment où il fallait les prendre. N.E.I. s'est renforcée mais il faudra, je crois, Les contacts ont été établis de deux manières attendre 1964 ou 1965 pour que le M.R.P. dans le cadre des Entretiens de Genève, organi- devienne membre à part entière de «l'Union sés discrètement à la demande de Georges européenne des Démocrates-chrétiens». Bidault par un journaliste, Victor Koutzine, qui La coopération la plus étroite au départ a été avait de bonnes relations en particulier avec les celle qui s'est établie avec la Démocrazia gens de la C.D.U.

De g. à d. A. Monteit, P. Pflimlin

C'est dans ce cadre qu'ont eu lieu, dès 1948, Cristiana que Georges Bidault connaissait bien les premières rencontres entre Georges Bidault parce qu'il aimait l'Italie où il avait fait des et Konrad Adenauer. Les Rencontres de Genève études. Robert Schuman était davantage tourné s'arrêtent en 1956 si ma mémoire est bonne. vers l'Allemagne. La C.D.U. était pour lui un Pour avoir participé à plusieurs de ces réunions partenaire privilégié, Konrad Adenauer un ami aux côtés de Georges Bidault, Pierre-Henri personnel. Mais, après la rencontre de Santa Teitgen et Joseph Fontahet, et de ministres alle- Margherita en 1951, il s'est beaucoup rapproché mands proches du Chancelier Adenauer, je crois de De Gasperi. C'est Alcide de Gasperi, comme devoir en souligner l'importance. Les partici- l'a souligné Jean-Dominique Durand, qui a pants ne s'exprimaient pas, en hommes de parti entraîné Robert Schuman vers les conceptions niais en hommes d'Etat responsables. fédéralistes, à l'égard desquelles il était quelque peu réservé, en le persuadant d'introduire dans Dans le cadre des Nouvelles Equipes Internationales, en second lieu, créées en 1947 le Traité de C.E.D. l'article 38 prévoyant «l'éla-

51 horation par son assemblée d' tin projet d'autori- avec son talent de pamphlétaire, de «méli-mélo té politique européenne fdérale ou confédéra- de charbon et d'acier», s'installe. La méthode le». est originale il s'agit de réalisations concrètes sous l'égide d'une Haute Autorité supranationa- Yen viens aux étapes de la politique euro- le à laquelle sont déléguées des compétences iine dii M,R.R SOUS la IV' République. limitées. La C.E.C.A. a servi de laboratoire pour Elles se confondent avec celles de la politique les nouvelles institutions européennes. européenne de la France. J' irai très vite parce que ce sont (les ftnts bien connus. Arrive alors un accident historique, qui est venu trop tôt perturber le cours de la politique Les preuiiers pas vers I Europe unie ont été, européenne c'est l'invasion de la Corée en on le sait, la création de l'OECE en 1948 puis juin 1950 qui conduit les Etats-Unis à demander du Conseil de I' Europe l'accord est signé par de façon pressante le réarmement de Rohert Schu man le 5 mai 1949. M ais les l'Allemagne. Hostile à une armée nationale Britanniques ont voulu réduire le Conseil de allemande, par crainte de voir se reconstituer un I' Europe. était issu du fameux Congrès de cui grand état-major allemand - c'est ainsi qu'on La Raye. premier Congrès du Mouvement euro- voyait les choses à l'époque -' le M.R.P. se ral- péen. à une assemblée ccnsultative, à un forum lie au Plan Pleven, intégrant le réarmement alle- européen. mand dans une armée européenne, comme à un La Convention ettropéenne et la Cour euro- moindre mal. péenne des Droits de l'Homme (Maître Pettiti Ce plan déclenche dans notre pays une énor- (lui est juge ià la Cour Européenne des Droits de me bataille politique dont il est difficile aujour- I 1-lomnie nous en parlera sans doute tout à d'hui de se faire une idée. L'enterrement du • heure) constituent I 'apport le plus important Traité de Communauté européenne de Défense du Cmseil (le l'Europe. Cette convention et (C.E.D.) par l'Assemblée Nationale, le 30 août cette Cour doivent beaucoup à I' impulsion et à 1954. sur l'adoption duquel Pierre Mendès la plume (le l'ierre-Henri Teitgen. France. alors président du Conseil, n'a pas Pour sortir (le I' inipasse de notre politique engagé la responsabilité de son Gouvernement. allemztnde, il fallait une initiative française entraîne celui du projet de Communauté poli- novatrice qui «crée au lieu de subir". C'est ce tique dont je vous ai parlé ainsi que du projet de qu'a bien compris Rohert Schuman. La déclara- Statut européen de la Sarre sur lequel Pierre- tion historique du 9 mai 1950, inspirée par Jean Henri Teitgen avait eu l'accord de Konrad Monnet, asstmtnée politiquement par Rohert Ade n au er. Schumnan avec habileté et courage - car il fallait Et on en vient à une solution de rechange dtm courage pou r proposer ti ne entente sur un négociée avec l'Angleterre, qui est l'union de pied d'égalitéÙl' Allemnagne cinq ans après la l'Europe occidentale prévoyant la reconstitution capitti lation du 111e Reich - sous le gouverne- d'une armée nationale allemande et l'entrée de ment I) idau It qui, semble-t-il, n' avait pas eu le I'Alletnagne dans le Pacte Atlantique. temps (l'étudier beaucoup ce dossier mais qui laissa faire, u ouvert la voie à la réconciliation L'UEO.. cet ersatz de C.E.D., a été compa- franco-allemande. Coin mencée par Robert rée avec humour par Robert Schuman au mulet, Schuman et Adenauer, celle-ci a été achevée par «animal utile mais qui n'a pas de fécondité pro- le général de Gaulle avec le Traité de l'Elysée. créatrice».

Cest la garantie de la paix. Cette même Ce projet de C.E.D.. avec le recul du temps, déclaration jette les bases d'une Communauté apparaît prématuré. Il poussait trop loin l'inté- européenne rassemblant 6 pays et qui devait gration par défiance à l'égard de l'Allemagne, être, était-il ajouté, la «première étape vers la ce qui était sa contradiction interne. De plus, il Fédération européen ne». est resté, à cause des péripéties de la politique française, de l'entrée de gaullistes dans le La C.E.C.A. - Communauté européenne du Gouvernement, trop longtemps dans un placard charbon et de l'acier - qualifiée par le Général, où il a pourri. La C.E.D. a été finalement la vic-

52 time de la dégradation des institutions de la 1W L'expression visait surtout les partenaires de la République et surtout des déboires et des France, responsables de l'échec du Plan draines de la décolonisation. Fouchet. Seulement, entre le général et M. Spaak, il y avait les ministres du M.R.P. et les Je regrette cet échec car, après lui, on n'a plus balles destinées à M. Spaak ont traversé le corps osé parler de Défense européenne pendant près de Pierre Pflimlin I J'ai eu l'impression, encore de 40 ans jusqu'au Traité de Maastricht c'était que la télévision fût en noir et blanc à l'époque, un sujet tabou que Pierre Pflimlin devenait rouge On a perdu beaucoup de temps Donc les cinq ministres M.R.P. se retirent du J'ai assisté à la réunion du groupe MRP après Gouvernement, après un appel nocturne du le voie, le 30 août 1954, de la question préalable général pour amener PliimIin à revenir sur sa du général Aunieran. C'était un enterrement de décision. Le M.R.P. vote «non» au référendum première classe, il y avait des gens qui avaient sur l'élection du Président de la République au lcs larmes aux yeux. On croyait que l'Europe suffrage universel. Mais la rupture n'empêche était morte. Elle est repartie très vite, mais la pas Pierre Pflimlin de saluer le Traité de relance européenne de Messine, en 1955, se fait l'Elysée de 1963 organisant la coopération fran- par le biais de l'économie. On ne parle plus de co-allemande selon les principes du Plan l'Europe politique. Elle aboutit à la création de Fouchet. la Communauté Economique européenne et de Puis, c'est la candidature de Jean Lecanuet à I'EURATOM. Le Traité de Rome du 25 mars l'élection présidentielle de 1965, en réponse à 1957. moins ((supranational>) que le Traité de un appel de Pierre-l-lenri Teitgen au Comité Paris instituant la C.E.C.A. est négocié par le national «Jean, sauve notre honneur». Elle Gouvernement Guy Mollet auquel le M.R.P. ne était dans une large mesure motivée par la crain- participe pas mais qu'il soutient résolument te que le général ne brise la Communauté euro- dans les débats de ratification. péenne. Celui-ci pratique alors à Bruxelles la Mais déjà avaient débuté les événements dra- politique de la chaise vide, motivée, croyait-on, matiques d'Algérie qui ont provoqué la chute de par le désir de bloquer le passage au vote majo- la IV' République. ritaire qui était une des règles fondamentales du Traité de Rome. Cette crise grave se terminera Les faits sont connus. Je les rappellerai briè- par ce que l'on appelle, à tort, le «compromis de vement. Luxembourg». D'abord les craintes du M.R.P. le M.R.P. La campagne de Jean Lecanuet, à forte colo- avait soutenu le retour au pouvoir du général de ration européenne, met en ballottage le général Gaulle mais il éprouvait des craintes en raison de Gaulle. Au lendemain de l'élection présiden- du nationalisme et de l'opposition de ce dernier tielle, Jean Lecanuet, dernier président du à la C.E.C.A., et plus encore à la C.E.D. M.R.P., crée le Centre Démocrate qui continue- ((Pourvu qu'il ne casse pas tout», disait Robert ra la même politique européenne, tout en se Schuman en soupirant. déclarant favorable à l'adhésion du Royaume- Puis les débuts prometteurs de la V' Uni. République. Le M.R.P. participe au J 'ajoûterai quelques réflexions personnelles Gouvernement du général de Gaulle qui redres- se la situation économique et financière et Deux conceptions de l'Europe s'opposaient applique le Traité de Rome qu'il n'aurait certai- - L'Europe communautaire à finalité fédérale nement pas signé. où il ne voit qu'un «traité de du Traité de Rome, transférant des compétences commerce». -je dis des compétences parce que les juristes La rupture du M.R.P. avec de Gaulle a lieu affirment que la souveraineté ne se délègue pas après la conférence de presse du 15 mai 1962, - à des institutions communes. ridiculisant sous le nom de «volapuk intégré» - Et puis l'Europe'des Etats. car «[Europe des Europe communautaire chère au Mouvement. patries», en réalité, c'est l'Europe des Etats,

53 réduite à une coopération organisée entre les ne efficace et démocratique pour harmoniser les gou vernemen (s. politiques économique et sociale et mettre pro- gressivement en oeuvre une politique étrangère En fait, l'Europe du traité de Rome, telle et de sécurité puis une défense commune. Il qu'elle fonctionne, est inclassable dans l'un ou demanderait aussi que les pays qui en ont la l'autre de ces schémas. Je l'ai vécue de l'inté- volonté et la capacité puissent avancer plus vite rieur, je peux le dire. L'organe supranational, la et plus loin sans être empêchés d'agir par les Conunission Etiropéenne, propose et exécute. gouvernements minimalistes. C'est le Conseil des Ministres qui décide, de plus en plus à la majorité qualifiée. La Je ne m'aventurerai pas à en dire plus. Communauté européenne est une création origi- J'en viens à ma conclusion : le M.R.P. peut nale. sans précédent ni modèle, plus qu'une être fier de l'oeuvre accomplie. Il a bien servi la Confédération, moins qu'une Fédération. cause de l'Europe et, par là, servi l'intérêt bien L'Europe du M.R.P. est, elle aussi, assez dif- compris de la France. Il lui a aussi payé un lourd férente de l'image que l'on se fait d'elle. «Nous tribut. Avec le recul des années, les historiens ne sommes pas, nous ne serons jamais des néga- mesurent mieux la portée de l'acte fondateur teurs de la Patrie oublieux des devoirs que nous que fut l'initiative de Robert Schuman du 9 mai avons envers elle» disait Robert Schuman. Il 1950. La réconciliation franco-allemande au disait aussi : ((le supranational reposera sur des sein d'une Communauté européenne, fondée sur assises nationales». Selon Bernard Clapier il le partage de la souveraineté : c'est la seule idée n'aimait pas l'expression de «supranationalité'>. neuve inventée par la France depuis la Il était dans sa politique européenne empirique Deuxième Guerre mondiale. Sa remise en cause et réaliste. constituerait une régression de l'Histoire I

Le débat institutionnel continue aujourd'hui Mais, il faut le dire, la priorité absolue que le encore avec certains épigones du gaullisme qui M.R.P. a donnée à l'Europe dans son action restent enfermés dans une contradiction ontolo- politique l'a amené à des choix qui ont eu pour gique: ils veulent une Europe forte avec des ins- lui des conséquences graves. Le problème qui se titutions faibles. pose à ses héritiers, dans un monde qui a com- plètement changé, est de choisir la stratégie la D'aLltres gaullistes, instruits par l'expérience, plus appropriée pour assurer l'avenir de la sont devenus des Européens de raison qui ont construction européenne à laquelle le M.R.P. a compris la nécessité d'une Union européenne si ardemment travaillé et qui est, je crois, son fondée sur l'entente franco-allemande, du principal héritage. dépassement des égoïsmes nationaux et d'insti- tutions européennes capables de décider et • L'idéal personnaliste et démocratique, l'esprit d'agir. communautaire qui ont animé son action euro- péenne guideront longtemps encore beaucoup Nul ne peut dire ce que serait aujourd'hui la d'entre nous politique européenne du M.R.P. s'il existait encore. De ses convictions et de son action pas- Benoît JEANNEAU - Je crois que je serai sée, on peut toutefois déduire certaines probabi- votre interprète à tous en remerciant Jacques lités. Refusant l'ultralibéralisme thatchérien, et Mallet de nous, avoir fait revivre toutes les une mondialisation sans régulation, redoutant étapes de la construction européenne, de nous qu'un élargissement mal préparé ne réduise avoir montré d'abord comment s'était élaborée, l'Europe A une zone de libre-échange accompa- renforcée, la conviction européenne du M.R.R, gnée d'une vague coopération intergouverne- à quelles difficultés ensuite cette vision était mentale, il apporterait sans doute son appui au heurtée, quels avaient été ses crises, ses acci- renforcement plus que jamais nécessaire de dents de parcours, non seulement au moment de l'Union Européenne et de ses institutions. Dans la Communauté Européenne de Défense mais, cet esprit, il soutiendrait la réalisation de la par la suite, lorsqu'il a été question de tenter de monnaie unique mais réclamerait sans doute sauver l'oeuvre de la Communauté Economique l'instauration d'une autorité politique européen- Européenne, le Marché Commun.

54 Vous avez même ensuite esquissé une projec- juste «Il existait entre le MRP et la DC italien- tion d'avenir en imaginant ce qu'aurait pu être ne, un incontestable courant de sympathie». la conception, la position actuelle du Je dois vous dire que, sous le régime fasciste Mouvement Républicain Populaire dans le sens en Italie, les fils des membres du Parti Populaire de sa trajectoire. se réunissaient pour écouter les leçons données Sur tous ces éclairages-là, je crois qu'il va être par des hotiimes qui s'appelaient De Gasperi, intéressant maintenant que les principaux Gronchi. Scelba, Spataro, et bien d'autres. Je ne témoins, en particulier ceux qui ont été les pourrais oublier ce qui nous a été dit, à savoir acteurs de cette construction européenne, et j'en que lorsque Sturzo s'est rendu à Paris en 1924, aperçois plusieurs dans la salle, puissent inter- en exil, il a commencé à avoir des rapports très venir. étroits avec les démocrates-chrétiens engagés dans la politique afin de tenter de créer un ** Secrétariat international des Démocrates Chrétiens. Quittant Paris pour les Etats-Unis, en l.e débat s 'instaure sur I exposé de Jacques 1925, il en laissera à Georges Bidault la respon- Mallet sabilité. Les liens entre la Democrazia Cristiana et Les articles de Georges Bidault dans L'Aube le MRP figuraient dans les dossiers qui ont servi de sup- Jacques MALLET - Je souhaiterais que l'on port aux leçons données aux fils des membres puisse donner la parole à M. Franco Nobili, du Parti Populaire. De ces leçons est née la ancien responsable de la Commission des Democrazia Cristiana au lendemain du régime affaires internationales de la Démocrazia fasciste. Ainsi donc les affinités entre les Cristiana à l'époque de Alcide de Gasperi. Il est hommes du MRP et ceux de la Democrazia venu exprès de Rome pour participer à ce col- Cristiana ne datent pas seulement de l'après- loque. guerre les relations étaient très étroites dès 1925. Franco NOBILI - M. le Président, mes chers amis. lorsque Jacques Mallet m'a téléphoné Je voudrais aussi rappeler que Jacques Mallet, puis invité à participer à ce colloque, j'ai accep- dans la lettre qu'il m'a adressée, m'a demandé té immédiatement mais je dois avouer que ce de faire une brève intervention pour évoquer les tnatin en arrivant, j'ai ressenti une émotion par- relations entre le MRP et la Democrazia ticulière. Je ne fais plus le décompte de mes Cristïana de De Gasperi, ainsi que les premières visites au Sénat, en qualité d'hôte, que ce soit liaisons entre les Démocrates-Chrétiens et les lors de réunions de démocrates-chrétiens, de Nouvelles Equipes en Europe. Je me suis docu- mouvements européens, ou bien lors de conver- menté pour bien répondre à son souhait et j'ai sations personnelles avec le président Alain découvert que les Nouvelles Equipes Françaises Poher. J'ai le devoir aujourd'hui de lui rendre ont été créées à Paris en 1938, suite à l'impact hommage. En Italie. nous l'avons toujours que L'Aube exerçait sur l'opinion publique, à apprécié pour ses grandes qualités morales, l'adhésion des jeunes à ses idées. Les noms sont politiques et sociales. J'aurais aimé participer à ceux que Jacques Mallet évoquait aujourd'hui. la commémoration qui au ra lieu ici même au Jacques MALLET - Je pense qu'il faudrait y Sénat, nitiis je dois partir dès que possible. ajouter ceux de Lecourt et Michelet. Je crois deviner que mon ami Jacques Mallet Franco NOBILI - C'est exact. J'ai ici avec m'a ici convié car il se rappelle que mon nom a moi tous les documents et je suis en mesure de toujours été associé au sein de la Democrazia vous confirmer les noms de ceux qui compo- Cristiana à l'action politique et étrangère de saient ces équipes. notre parti. Je suis en effet ravi d'avoir eu entre les mains le livre de Jean-Dominique Durand A la tin de la guerre, au lendemain de la lutte que j'ai immédiatement acheté. Il y a dans ce à laquelle j'avais participé contre le nazisme et livre une phrase qui me semble particulièrement la République fasciste, la Democrazia Cristiana

55 est officiellement née. En tant que chef des par- nombreuses reprises, et je dois avouer que nous ti sans (le la ZOne tians laquelle se trouvai t le n'avons jamais bien compris s'il s'agissait d'en- siège cenmtl, Piazza dcl Gesu',j'ai eu l'honneur trevues d'hommes dEtat ou d'hommes poli- de l'inaugurer le 4 juin 1944, sur ordre du tiques. Comité de Libération nationale. fai assisté à Dans son livre, à propos des différents per- l'arrivée de De Gasperi et Spataro au Palais. sonnages que son mari a connus, Suzanne Nous avons immédiatement commencé à bâtir Bidault relate l'épisode au cours duquel de (t Democrazia Cri stiana. à renouer avec les Gasperi a rencontré Bidault, alors ministre des Equipes. les partis OU les formations d'inspira- Affaires Etrangères, à l'Hôtel Claridge où il fut t ion chrétienne dans les différents pays. accueilli par elle-même. 13 ien entendu pendant la guerre de nombreux A Genève il fut décidé de constituer de nou- lioiBmes, surtout français (mis à part De Scryver velles Equipes internationales, composées (le nationalité belge), se réfugièrent à Londres dhommes issus des Nouvelles Equipes où l'ut créé - et je crois que Maurice Schumann Françaises, afin de permettre l'adhésion de per- en faisait partie - un Secrétariat du notri de sonnalités qui ne souhaitaient pas encore faire People and freedom group, organisé par la partie d'une organisation internationale en tant secrétaire de Don S t urzo. Barbara Bard ay que représentants de leurs partis. Les réunions Carter. Elle l'ut invitée à notre premier congrès ont été nombreuses. La décision d'organiser Les et, même après la mort de Don Sturzo. elle est Nouvelles Equipes fut prise à Montreux en restée en Italie. pays qu'elle aimait profondé- 1946. après la réunion de Genève. Les ment. Au cotirs (le l'hiver 1945, de Gasperi a Nouvelles Equipes furent créées en juin 1947 au chargé deux personnes, Vincenzo Cecchini et Congrès de Champfontaine. Les Allemands moi-même d'aller à Londres pour rencontrer n'en feront partie qu'en 1948. lI existe de nom- l3arbara Barclay Carter, et de nous arrêter au breux dossiers, très intéressants sur le plan his- retour à Paris pour participer au deuxième torique, à propos des nombreux congrès des congrès national du MRP, qui s'est tenu du 13 Nouvelles Equipes. au 16 décembre au Parc des expositions. En conclusion, les rencontres entre les per- Les relations se sont multipliées par la suite, sonnalités françaises du MRP et les personnali- Robert I3ichet fut le premier à venir nous ren- tés italiennes furent multiples. Nous avons contrer en Italie, immédiatement après la guer- connu, lors de leurs voyages à Rome. Bichet, te. Nous nous somnies retrouvés à Locarno en Colin, Gortais, Fontanet et même le président 1946, à l'initiative du Parti conservateur chré- Pflimlin qui était présent à Trente lors de l'inau- tien et social suisse, à la réunion des différents guration du monument à la mémoire d'Alcide partis d'inspiration chrétienne. Genève a été la de Gasperi. On a alors commencé à parler de conséquence (le cette réunion de Locarno. M. l'Europe d'une manière très concrète. Lorsqu'il Andreotti, en tant que président des Jeunes s'agit de la création de l'Europe, les historiens Démocrates-Chrétiens italiens et moi-même, associent toujours les noms de Konrad alors secrétaire (le la Coni mission des affai es Adenauer. d'Alcide de Gasperi et de Robert internationales de la Démocratie Chrétienne, Schuman. Ils n'étaient bien évidemment pas nous avons participé à cette mission, composée seuls. également (le Piccioni, vice-secrétaire du Parti, et (le G iordani d recteur du journal « Il Popolo>'. En vérité - je peux l'affirmer - ces trois hommes parlaient la même langue, l'allemand, A Locarno, nous avons rencontré Sassen. de et se comprenaient mieux que si chacun avait Hollande. Hourdes, d'Autriche, Rosenberg. de utilisé sa propre langue. Nous, qui étions pré- Suisse. Il n'y avait pas d'autres Français, à part sents, étions en conséquence complètement Robert Bichet. C'est là que nous avons pris la exclus de la conversation. décision d'organiser à Genève, d'une façon très discrète, une réunion rassemblant des honimes En réalité il s'agissait de trois hommes de la politiques (les mouvements les plus importants. frontière. De Gasperi a toujours soutenu la poli- Il idault et de Gasperi se sont rencontrés à de tique de Schuman. Celui-ci déclarait que «la

56 coopération des nations européennes exige que ensemble la lutte pour l'union politique euro- l'opposition séculaire entre la France et péenne. l'Allemagne soit éliminée>'. La Democrazia Benoît JEANNEAU - Un merci assurément Cristiana était parfaitement d'accord sur ce très chaleureux à M. Nobili, d'abord pour être point. venu jusqu'à nous nous délivrer ce message très De Gasperi avait connu Schuman en 1948 à réconfortant, évoquer aussi le souvenir des La Haye lors du rassemblement du Mouvement figures auxquelles nous sommes attachés et de Européen et leur amitié s'était renforcée à Santa nous avoir fait revivre certains souvenirs d'une Margherita en 1951. Lorsque Schunian quitta le manière si touchante et émouvante. gouvernement en 1953, il écrivit une lettre à De Le rôle du MRP dans l'élaboration du Gasperi où il disait notamment «On s'est ren- droit européen contré tard dans notre vie mais notre amitié a été profonde et sans réserve. Evidemment. tous les Benoît JEANNEAU - La parole est à Me deux, nous étions d'accord à un moment où une Pettiti, qui a été juge à la Cour de Justice euro- nouvelle politique s'est réalisée dans nos deux péenne. pays'>. Je puis témoigner que les rapports entre Louis-Edmond PETTITI - En écho à l'évo- eux ont été très amicaux, tout comme ceux de cation historique de notre ami Jacques Mallet De Gasperi et Adenauer. qui a bien voulu me laisser le soin «évoquer La seule chose qui nous a frappés fut le rejet une partie de la période 1950-1953. je veux plus par la France de la Communauté Européenne de spécialement rappeler que l'inspiration née du Défense le 30 août 1954. De Gasperi y tenait M.R.P. s'est exprimée dans la construction euro- beaucoup et, quand il a compris que péenne en incorporant la protection des droits l'Assemblée Nationale Française ne suivrait de l'homme et qu'il s'agit d'une page particu- pas, il a été très déçu. C'était peu avant sa mort. lière de l'histoire du M.R.P. Nous nous sommes battus pour une Europe On se souvient qu'en 1948, à la Conférence politique. Tous les démocrates-chrétiens fran- de La Haye, la naissance de l'idée du Conseil de çais, allemands et italiens étaient pour une l'Europe a été aussitôt suivie de la proposition, Europe politique. Mais nous nous sommes à l'initiative de Pierre-Henri Teitgen, de réjouis à la signature du traité de Rome en 1957. construire ce Conseil à partir de la Convention Un mois après la signature de ce traité de Rome, européenne des Droits de l'homme. Il soutenait s'est tenu un grand congrès des Nouvelles que, pour bâtir cette Convention européenne, il Equipes présidé par Joseph Fontanet et Robert fallait l'ancrer sur des principes et des valeurs Schuman. Aujourd'hui nous sommes convain- qui étaient ceux du M.R.P. cus que l'Europe n'est pas seulement celle de la Pierre-Henri Teitgen, de 1950 à 1953, adirigé monnaie ; l'Europe que nous voulons, c'est les travaux préparatoires parlementaires qui ont l'Europe politique. présidé à l'élaboration de cette Convention. Permettez-moi donc de conclure par une Exerçant pratiquement avec le président Rolin phrase que j'ai trouvée dans le Manifeste du le rôle de rapporteur principal, il s'est constam- Mouvement Républicain Populaire. Je la cite de nient référé dans cette tâche à la tradition démo- mémoire <(Notre conviction démocrate-chré- crate-chrétienne, qui avait inspiré sa famille et tienne fait donc de nous les défenseurs de la son enfance. liberté, de l'indépendance, de la vraie laïcité de Il a voulu que cette Convention européenne l'Etat, du pluralisme démocratique. Il faut libé- soit l'instrument de protection des démocraties rer l'homme de toutes les oppressions, de toutes contre la subversion, l'instrument indispensable les servitudes qui empêchent son plein dévelop- pour éviter à tout jamais la répétition de ce qui pement matériel, spirituel, civil et moral». s'était produit pendant la Deuxième guerre Nous avons tous travaillé dans ce sens, dans mondiale. <(Plus jamais cela» était le mot direc- nos pays respectifs depuis la fin de la guerre. teur des travaux parlementaires préparatdires. Il Nous devons appuyer ces principes et continuer lui paraissait nécessaire d'obtenir des Etats

57 l'abandon d' tille parcelle de souveraineté judi- qu'encore maintenant, et j'en suis témoin, lors- ciai re et di nst ituer un contrôle international en qu'on parle de la protection européenne des matière de protection des droits de l'homme. Droits de l'homme, on évoque Pierre-Uenri Teitgen et on évoque le M.R.P. C'était très difficile les Etats étaient réti- cents, malgré les etforts des animateurs du Benoît JEANNEAU - Merci à Me Pettiti qui M.R.P. et de la Démocratie chrétienne. Pierre- était bien placé pour nous montrer que l'Europe Hcnri Teilgen a dès lors entrepris de surmonter qu'on a voulu ou cru pouvoir faire à un moment celte difficulté en partant de ce que l'on appelle par la Défense s'est faite en définitive par l'éco- niai ntenant «les notions vagues et floues du nonne mais aussi très largement par le Droit. Droit international'>, Il a préféré à une concep- Ces premiers propos nous ont déjà montré que tion purement positiviste de la Convention celle, la construction de l'Europe avait connu des plus acceptable potir les Gouvernements, d'une crises à plusieurs reprises et que la tension entre Convention se référant à des principes suffisam- le gaullisme et le Mouvement républicain popu- nient généraux pour ouvrir à la jurisprudence la laire évoquée ce matin sur le plan institutionnel, possibilité, au IiI du temps, d'élargir les pou- on l'a retrouvée plus vive et plus profonde sans voirs et les compétences de la juridiction en doute s'agissant de l'Europe. cause.

C'est ainsi (lue Pierre-Henri Teitgen, imagi- nant les notions de «sécurité juridique», de La C.E.D. «marge d'appréciation», de «procès équitable», André CAYEUX - Je me souviens avec dou- a PLI désamorcer toutes les oppositions qui leur dccc vote du 30août1954 où, tard dans la auraient pu se produire à l'époque. nuit, la C.E.D. a été repoussée. Ensuite, il a eu la grande joie, après Cassin, de Je dois dire que, pour moi, cette non ratifica- devenir le juge français de la Cour Européenne tion a été essentiellement l'oeuvre de Mendès- des Droits de I '110111111e et, fort de l'autorité France et de son Gouvernement et c'est sur ce acquise du fait (lu' il pouvait revendiquer en plan que je veux replacer le problème. Car, lors- quelque sorte un droit d'auteur sur la qu'un Gouvernement hérite d'un certain Convention européenne, il a pu, pendant les nombre de projets de loi, si un projet de loi ne années où il a exercé cette mission de magistrat lui convient pas, il a le droit de le retirer et on européen, à nouveau faire passer le souftle de la n'en discutera jamais, au moins sous ce Démocratie chrétienne et des idéaux du M.R.P. Gouvernement, mais il n'a pas juridiquement le Ayant pendant la période de transition assisté droit de le faire venir pour ne pas le voter et ne pas le défendre A sa dernière prestation devant la Cour Européenne, j'ai pu observer la manière dont il Or, c'est ce qui s'est passé. On a fait venir à s'est opposé à l'hégémonie britannique que l'ordre du jour le texte sur la C.E.D. et on atout voulait repiésenter et imposer Fitzmorice et ce fait pour le trucider qu'a été, grfice à lui, l'influence des idéaux Je vous parle comme un témoin qui a vécu cet M RP tians la jnrisprudence tic la Cour euro- événement et je parle après Pflimlin qui, lui péenne (les DroitS (le l'homme - et ce, bien avant aussi, en a été le témoin, et combien d'autres ici. celle que la France exercera à la Cour de Justice des Coin mu nautés. J' ai eu l'honneur de lui suc- Je ne critique pas telle position personnelle, céder. encore que je la comprenne mal, comme celle de Monteil qui demeure mon ami, mais je dois Nous voyons là coin nient la tradition qui avait dire qu'en l'occurrence la faute politique a été déjà été sotilenLie ' lors de la création de commise par le Gouvernement. Quelques 'UN ESCO par Mari tain et Sturzo avait pu par anciens M.R.P., en parenthèse du M.R.P., étaient le relais dc l'ierre-lienri Teitgen puis, plus tard, membres de ce gouvernement et, ce jour-là, ils (lu président 1>11 inilin. maintenir sa forte présen- ont dû avoir un peu mauvaise conscience. Moi, ce iu Conseil dc I' Europe. Le président Jung en je ne l'avais pas mais j'avais l'esprit troublé a été le successeur, de telle sorte qu'on peut dire

58 parce qu'on avait gâché une chance. On voit attardé, un adversaire de la construction euro- maintenant défiler sur les Champs-Elysées des péenne. Je récuse cet amalgame Je suis un bataillons français et des bataillons allemands européen convaincu, mais, à l'époque, j'avais la côte-à-côte; il faudra sans doute songer un jour certitude que l'armée européenne qu'on nous enfin à faire autre chose que de les faire défiler proposait n'était européenne qu'en apparence et côte-à-côte pour les mettre en mesure de qu'elle consistait, en réalité, à juxtaposer, sous défendre utilement ensemble notre liberté si elle la direction des Etats-Unis d'Amérique, des était menacée. contingents nationaux dépourvus des arme- ments majeurs. Les Anglais, qui encourageaient André MONTEIL - Je félicite mon ami le projet, se gardaient bien d'y participer, préfé- Jacques Mallet pour l'ensemble de son rapport rant, selon leur habitude, être les brillants mais, si j'ai demandé la parole, c'est parce seconds des Américains I qu'une partie de ce rapport réveille en moi une vieille querelle. Quand on constate aujourd'hui. en 1996, plus de quarante ans plus tard, les difficultés soule- Il m'a demandé d'être un témoin. En effet, je vées à Bruxelles pour mettre au point de suis un témoin puisque j'ai été élu député répu- modestes réglementations communautaires, blicain populaire à la l Constituante ; j'ai fait quand on mesure dans les conférences interna- partie du bureau d'âge, étant le troisième plus tionales l'énorme pression de la super-puissan- jeune député de notre pays. ce américaine, tant sur le plan commercial que J'ai été ensuite élu, réélu mais je dois dire sur le plan militaire, on peut imaginer ce qu'au- que, contrairement à beaucoup, je n'ai eu qu'un rait été en 1954 une année dite européenne, Parti, je n'ai eu qu'une idée et, même à travers alors qu'il n'existait même pas l'esquisse d'une les variations de patronymes - député M.R.R, esquisse de pouvoir européen Or, la Défense, militant M.R.P., -, j'étais à ma démobilisation mes chers amis, est une mission fondamentale en 1945 et je suis toujours membre du Conseil qui ne peut être déléguée à autrui ; elle est l'ex- national de Force Démocrate,- après avoir passé pression même de la politique étrangère soit par toutes les péripéties de notre mouvement d'une nation, soit d'une fédération ou tout au d'idées. moins d'une confédération. Je suis un ami des Américains ; j'appartiens, depuis sa création, à Une partie du rapport de Jacques Mallet, ai-je l'Association française pour la Communauté dit, réveille en moi une vieille querelle et vous atlantique. Je suis décoré de la Bronze Star ne m'en voudrez pas, mes chers amis, si, après Medal je fus le frère d'armes des Américains avoir affirmé ma fidélité à nos idées, ma fidélité mais je n'accepterai jamais d'être leur valet à notre Mouvement, je fais entendre une voix, d'armes sur certains points discordante de la majorité. J'essaie de comprendre la position très enga- En effet, sur la querelle de la C.E.D., je n'ai gée des dirigeants nationaux du M.R.P. en pas été du côté de l'immense majorité de notre faveur de la C.E.D. Elle témoignait d'un idéa- Mouvement. C'est un moment de ma vie lisme ardent et sincère. Ils étaient convaincus publique où - je vous demande de me croire - qu'il s'agissait d'une étape nouvelle et capitale pour des raisons fondamentales, pour des dans la construction d'une Europe unie. Je leur convictions intimes, j'ai été conduit à me distin- répondais que la C.E.D., au contraire, ferait guer de la grande majorité du M.R.P. et notam- reculer l'idée européenne dans l'opinion, dans ment des deux hommes qui, dans le la mesure où les citoyens s'apercevraient rapi- Mouvement, ont le plus compté pour moi l'un dement que le pays avait désormais remis sa est mort, c'était Jean Lecanuet. l'autre, Dieu sécurité et sa défense à la discrétion de nos merci est devant moi, c'est Pierre Pflimlin. alliés américains, seuls maîtres en fin de comp- Parce que j'ai pris parti, dès le début, contre le te de la décision politique et stratégique. projet de Communauté européenne de Défense, Dans la mesure où toute construction euro- beaucoup, même parmi nos amis politiques, ont péenne repose fondamentalement sur l'unité du voulu me représenter comme un nationaliste couple franco-allemand, j'estime, en mon âme

wi et conscience, que l'entrevue de Gaulle- Benoît JEANNEAU - Je crois qu'on peut ras- Adenauer du 14 septembre 1958 et les relations surer pleinement André Monteil après l'avoir intimes qui uni suivi ont fait plus pour l'union entendu car il avait les accents de la sincérité. de I' Europe que, pour reprendre l'expression de Nous ne doutons pas en l'occurrence que le pro- Thierry de Montbrial. «le dogmatisme suprana- blènie de l'armée européenne a été pour lui le ttonal tIc Paul-l'lenri Spaak». drame de conscience qu'il nous a dit. Nous le Je sais bien que beaucoup d'esprits brillants reniercions de son témoignage qui était uni eu l'illusion qtie la méthode des petits pas, empreint d'authenticité. qui s'était révélée excellente pour la réalisation Le président Pflimlin a été au coeur de ce de la Coni nu muté européenne du charbon et de débat entre la pensée gaulliste et les conceptions acier et tjti L par la suite, se montrera efficace de la démocratie chrétienne. Il pourrait nous pour hflt ir progressi venient le Marché conimun, aider à faire le point sur cette controverse, qui était transposable dans le domaine de la fut passionnée.. Défense. Mais, pour la Communauté européen- Pierre PFLIMLIN - Monsieur le Président, ne du Charbon et de l'acier comme pour le chers amis, je n'étais pas tellement décidé à Marché commun, il s'agissait de problèmes concrets, identifiables, quantifiables. On dit prendre à nouveau la parole car je l'ai prise lon- coniinunément que la fonction crée l'organe. guement ce matin, mais, après avoir entendu nais l'inverse n'est pas vrai. I 'organe, l'outil ne André Monteil, il faut qu'il y ait en quelque sorte un contrepoint. crée pas la fl>nct ion, en particulier en matière de Défense. Les ibrces arniées sont l'instrument Jacques MALLET - Et un contrepoint de é une stratégie et la stratégie est I expression poids d'une politique étrangère. En l'absence d'un Pierre PFLIMLIN - C'est avec beaucoup de pouvoir politique commun définissant une stra- plaisir que j'ai entendu André Monteil, car il a tégie, je suis convaincu qu'en 1954 les forces parlé avec une jeunesse, une conviction qui vrai- armées de la Prance n'auraient eu d'autres pers- ment m'ont rajeuni de quarante ans. pectives que d'être des forces auxiliaires au ser - vice des Etats-Unis d'Amérique. Je veux donc dire deux mots sur cette affaire de la C.E.D. J 'en ai terminé, nies chers amis. Je vous demande sitiipletiient de prendre en considéra- Jacques Mallet, dans son très bon exposé, a tion nia sincérité. Je sais bien qu'en politique, il rappelé qu'il y avait dans le Traité de C.E.D. un y a beaucoup d'évolutions. Tels qui me faisaient certain article 38 qui prévoyait la création d'une (les reproches vifs au moment de la C.E.D. ne se Communauté politique européenne. Par consé- sont pas privés de prendre position contre le quent, dans ce projet, il n'y avait pas seulement Traité de Maastricht. Pour nia part,j'ai été gaul- l'aspect «Défense». Il y avait aussi, je dirais liste clans la guerre. gaulliste dans la traversée presque surtout, un aspect politique. On peut se tin désert, mais je n' ai jamais eu une conniven- demander d'ailleurs si, parmi les adversaires de ce que lconq oc avec le gau Il i s nie politique. la C.E.D. - et ils étaient nombreux -' d'aucuns Toutefois, je respecte infiniment la pensée du ne l'étaient pas en réalité par hostilité de princi- général de Gaulle en ce qui concerne les pro- pe à l'idée d'une union politique. lilènies de défense et les problènies liés à la J'ai, pour ma part, non pas participé mais sécurité tIc la patrie. assisté à la naissance de ce projet, puisqueje fai- C'est POLI rquoi, bien que nous soyons une sais partie du gouvernement de René Pleven et assemblée où il y a beaucoup de démocrates- je garde un souvenir très précis des échanges de chrétiens, je ne ferai pas acte de contrition. Les vues qui ont eu lieu à l'intérieur de ce gouver- convictions que j'avaisàl' époque, je les ai tou- nement lorsque Robert Schuman qui était, je jotas aujourd ' hui. J'essaie, comme Maurice crois, à Washington, nous a fait savoir que nos Schu nanti. cl' êi re fidèle à la fois au Libérateur alliés anglais et américains tenaient beaucoup - (le la Patrie et à l'idéal de la Démocratie chré- c'était après le déclenchement de la guerre de lien ne Corée - à faire participer les Allemands à la

(in défense clans l'hypothèse, qti'il fallait bien envi- président du groupe - s'il était ici il ne m'en sager à l'époque, d'une attaque soviétique qui, voudrait pas - venir me trouver dans les couloirs au premier chef, pour des raisons évidentes, pour me dire «Continue avec les autres à voter attrait concerné l'Allemagne. L'argument était pour». Si le M.R.P., pour des raisons politiques, le suivant il faudra bien que nous résistions, devait prendre position contre, il ne souhaitait nous, les alliés occidentaux, mais il serait para- tout de même pas l'échec de ce nouveau projet doxal que nous entrions en guerre pour défendre français. en premier lieu le territoire de l'Allemagne de C'est un petit point d'histoire. Je n'ai pas pu l'Ouest sans que les Allemands eux-nièmes par- résister à la tentation de répondre à la parole ticipent à cette défense. A ce moment-là. éloquente d'André Monteil. comme on l'a rappelé, a surgi l'idée qu'on pour- rait concilier ce qui pouvait paraître inconci- André MONTEIL - Et nous lui pardonnons liable, c'est-à-dire faire participer les Allemands Pierre PFLIMLIN - Pardonnez-moi aussi si sans pour autant faire renaître une armée natio- je viens d'évoquer une position dissidente que nale allemande. j'ai prise au sein du Groupe M.R.P. Ce n'est pas A certains adversaires du projet, nous ne man- la seule fois que cela m'est arrivé car je n'étais quions pas de faire observer que, si nous refu- guère discipliné à l'époque sions la C.E.D., ce serait inéluctablement la Je voudrais encore dire deux mots au sujet du renaissance de l'armée nationale allemande, ce projet de Robert Schuman, qui fut - Jacques qui d'ailleurs s'est produit. Mallet l'a très bien souligné - l'événement capi- Je ne veux pas raconter la conversation que tal la déclaration du 9mai1950. j'ai eue en tête-à-tête avec Pierre Mendès C'était un projet d'apparence technique et France, car cela me mènerait trop loin. Certains économique, puisqu'il s'agissait de charbon et d'entre vous l'ont peut-être lue dans mes d'acier. Pourquoi de charbon et d'acier ? Parce «Mémoires», où j'en parle assez longuement. qu'à l'époque, le charbon et l'acier étaient enco- C'était le jour même du débat sur la C.E.D., re les composantes essentielles du potentiel Mendès France, à titre de solution de rechange, militaire. Je me rappelle que, dans ma jeunesse, a eu l'idée de négocier à six, mais aussi avec les on parlait toujours avec un frémissement d'in- Anglais. une autre formule qui est devenue quiétude de la Ruhr, du charbon et de l'acier de l'UEO., laquelle existe toujours. la Ruhr. L'idée, qui venait de Monnet, c'est vrai, Le M.R.P., à ce moment-là - il est permis, était de mettre sous une autorité européenne ces quarante ans après, de dire les choses comme composantes du potentiel militaire. C'était, elles se sont passées -' dans sa grande majorité a selon la formule même de la déclaration du 9 voté contre le projet Mendès France et il avait de mai. «rendre la guerre entre la France et bons arguments. Il disait Mendès France est l'Allemagne non seulement impensable mais responsable de l'échec de la C.E.D., nous n'al- matériellement impossible». lons pas maintenant accepter sa solution de Chez Robert Schuman, il y avait essentielle- rechange qui, entre autres, présente l'inconvé- ment la volonté de réconcilier la France et nient de la renaissance d'une armée nationale l'Allemagne. J'ai bien connu Rober! Schunian, allemande. Avec quelques amis députés MRP, je je l'ai connu avant la guerre. Il était Lorrain, ne sais plus combien exactement, moins de 10, d'une génération avant la mienne. Comme nous avont voté pour. En ce qui nie concerne, je Lorrain, fils de la Lorraine annexée, il avait ne voulais pas t'aire la politique du pire. Je me beaucoup souffert moralement de l'antagonisme disais la France est responsable de l'échec de entre la France et l'Allemagne. Ce qui était pour la C.E.D., ne faisons pas échouer cet autre pro- lui capital dans ce projet qu'il a fait sien, c'était jet européen. de rendre à jamais impossible une guerre fran- Il y a eu plusieurs votes et on s'est aperçu co-allemande dont il voyait surtout, je dois le qu'il n'y avait qu'une faible majorité pour voter dire, les incidences dans sa région. dans son pour. Je vois encore Pierre-Henri Teitgen alors propre terroir.

61 Il y avait aussi autre chose. Permettez-moi de tendons la main à nos ennemis d'hier, non sim- t1 ire q tic pOLI r moi la Communauté européen ne plement pour pardonner mais pour construire n'est pas seulement une idée technique ni même ensemble l'Europe de demain». Voilà la pensée seulement une idée politique, c'est une idée de Robert Schuman. éthique d'inspiration chrétienne. Je remercie Jacques Mallet d'avoir cité une Qu'est-ce q tic la Coin mu nauté 7 Robert phrase qu'on oublie souvent de citer. Dans la Schu tian qui, cependant, n' élevait jamais la déclaration Schuman du 9 mai 1950, il est dit voix - tous ceux qui l'ont connu le savent, c'était «cette Communauté sera la première étape vers un honime de comportement et de discours la Fédération européenne». titotlestes -, dans son livre «Pour I' Europe» publié après sa mort, a dit que l'idée européen- J'ai assisté il y a quelques années à un anni- versaire de la Déclaration Schuman au Quai lie étai t u ne idée «révolionnaire». U ne idée pi i ronipai t avec une tradition séculaire. d'Orsay dans le Salon de l'Horloge. Le ministre des Affaires Etrangères. qui avait fait un dis- Auparavant, lorsque des peuples s'étaient cours assez long, d'ailleurs de bonne qualité, a combattus et lorsqu'on concluait la paix, on simplement oublié de citer cette phrase. J'avais signait des traités dits «de paix». C'était la considéré cet oubli comme significatif, peut-être transcription, dans un document signé par les pas comme volontaire, mais comme révélant un vaincus sous la contrainte, d'un certain rapport inconscient. (le forces entre vainqueurs et vaincus. Voyez-vous, si je suis attaché profondément à Pour la première fois (tans l'histoire, cinq ans la construction européenne telle que nous seulement après la tin d'une guerre, les vain- l'avons conçue, qu'accepte lui aussi, à sa maniè- qtmetu's, cmi tout cas les Français, proposaient aux re, André Monteil, et je l'en remercie, c'est pour vaincus non pas (le signer un traité de paix qui ces raisons-là. consolide tin certain rapport de forces, tuais un traité par lequel, ensemble, sur un pied d'égali- Il est vrai qu'après l'échec de la C.E.D., la té, ils construisaient une communauté dotée politique d'unification - Jacques Mallet l'a bien d' itistitutions au service d'un bien commun. montré -' a été transférée sur le plan écono- mique. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'était un C'est là que je vois l'éthique. L'idée chrétien- pis-aller, mais c'est tout de même parce que la ne, c'est le dépassement de l'égoïsme person- tentative d'union politique était peut-être - nel la communauté, c'est le dépassement des André Monteil a raison sur ce point - prématu- égoïs tues n ut iti na Lix. rée, qu'on s'est dit faisons au moins l'unité Jacqucs Mallet a eu raison de dire qu'il est économique et on verra de l'unité économique absurde de sotitenir que cette Europe-là était surgir, comme une sorte de génération sponta- l'Europe vaticane. Je ne sais pas si le Vatican née, l'unité politique. s'en est occupé. Mais ce n'est tout de même pas Je le croyais aussi, mais cela ne s'est pas réa- tin hasard si les t rois hommes d ' Etat qui ont lisé. Il a fallu attendre Maastricht où, pour la joué un rôle essentiel c'est-à-dire Robert première fois, reparaît l'idée d'une union poli- Schuntan, Konrad Adenauer et Alcide de tique. Le Traité prévoit une politique étrangère Gasperi, étaient (les chrétiens convaincus. et une politique de défense communes. De façon Quand (in lit le livre de Schuman, qu'y trou- extrêmement timide. Il y est question d'une ve-t-on 7 C'était un homme de foi profonde. Il politique commune de sécurité qui pourrait, à s'exprime ainsi «En face des terribles menaces terme, faire naître une politique commune de (ItiC font peser sur l'humanité les progrès verti- défense, laquelle pourrait conduire le moment gineux d'une science orgueilleuse, nous voilà venu à une défense européenne. Les peuples de donc ramenés à la loi chrétienne d'une noble l'ex-Yougoslavie auraient eu tort de compter sur nais humble fraternité». «Et par un paradoxe une intervention européenne alors que l'Europe qui nous surprendrait si nous n'étions pas chré- n'avait pas juridiquement la possibilité d'inter- tiens, inconsciemment chrétiens peut-être, nous venir.

62 Je viens de lire ce matin dans un journal que point de vtie institutionnel. Je comprends qu'on Jacques Chirac et le Chancelier Kohi, à dise «d'abord la réforme des institutions'>, Nuremberg, capitale du jouet - mais j'espère niais permettez-moi tout de même de rêver. Je que ça n'en est pas un... - se sont mis d'accord ne verrai guère le XXII siècle, mais c'est au sur certains éléments d'une possible politique cours de ce siècle à venir qu'on verra petit-être commune de défense. Le Chaticelier senible une unité européenne couvrant une grande même avoir accepté l'idée essentiellement fran- Europe - je ne sais pas où tracer sa frontière çaise d'un <(Monsieur Pesc (I)» qui incarnerait orientale - mais une grande Europe. Quand de cette volonté. Je ne veux pas me prononcer sur Gaulle parlait d'une grande Ettrope «de ce point. Je me réjouis simplement en passant, l'Atlantique à l'Oûral», il pouvait passer pour là encore, de la coopération franco-allemande, dont André Monteil a dit à juste titre qu'elle un utopiste eh bien I cette idée, pas moi mais dérivait de l'acte fondamental qu'est le Traité vous qui êtes plus jeunes et les générations sui- franco-allemand de 1963. lI est vrai que je suis vantes en venez peut-être la réalisation. monté à la tribune de l'Assemblée nationale en juin de cette année-là, mandaté par le groupe Quel sera le fondement de cette unité ? Ce ne M.R.P., pour recommander la ratification du sera pas l'économie. L'économie conduit à Traité franco-allemand, tout en faisant d'ailleurs opposer les intérêts, légitimement d'ailleurs. Ce observer que nous avions de l'unité européenne ne sera pas non plus la politique étrangère ; nous une autre conception. Néanmoins, sur ce point avons des traditions différentes. Cette unité sera précis, nous étions totalement d'accord avec ce que venait de faire le général de Gaulle. d'ordre spirituel. Ce qui nous est vraiment coni- mun, ce qui fait que les Polonais, les Tchèques. les Hongrois, les Slovènes, les Slovaques et Je voudrais encore vous dire ceci nous avons d'autres, je les sens vraiment très proches de vécu ces dernières années un événement qui na moi, c'est qu'ils possèdent le même héritage pas encore été évoqué. spirituel. C'est cela, le seul fondement possible de l'unité de l'Europe. Voyez-vous, dans ma longue carrière, j' ai vécu deux miracles. Le premier, ce fut précisé- ment, dans les années 50, si peu de temps après Je souhaite, nies chers amis qui êtes plus la guerre, la naissance d'une volonté de jeunes que moi, que les jeunes générations, construire l'Europe. Et le deuxième a été dans s'inspirant de l'esprit du M.R.R, construisent les années 89/90 l'effondrement du Mur de dans le siècle à venir le grande Europe unie sous Berlin, la disparition du rideau de fer et la le signe de l'Esprit I conquête de la démocratie sans effusion de sang par toute une série de peuples d'Europe centra- le et orientale. Benoît JEANNEAU - Je crois que nous pou- Je sais bien que, depuis, la joie a été obscur- vons être reconnaissants au président Pflimlin cie par toutes sortes de problèmes, de tensions, de sa dernière intervention parce qu'avec l'élé- de luttes, mais au fond de moi-mênieje continue vation de pensée que nous lui connaissons, sa de me réjouir. Je ressens en moi la joie que j'ai grande expérience, il nous a ramenés à l'essen- ressentie en 1950, je ressens la joie que j'ai res- tiel et, pour terminer, il nous adonné une leçon sentie en 1989/90 lorsque l'empire soviétique d'optimisme. C'est pour nous un très grand s'est effondré et que de nouvelles démocraties réconfort et nous l'en remercions beaucoup en sont nées, ont été conquises par des moyens lui exprimant notre respect et notre fidèle atta- pacifiques. chement. Je sais bien que cela nous crée des problèmes. Je sais bien que l'élargissement, c'est difficile du point de vue économique, c'est difficile du (t) Pcsc .poiitique étrangère ci de sécurité communes»

63 Le M.R.P. et l'Outre-mer (1944-1962)

Renoîl JEANNEAU - Sur ce sujet, je donne la parole à Frédéric Tïirpin qui a accepté de rappor- ter sur ce thème.

Frédéric i'urpin est un tuiiversitaire, un historien de métier et il s'est intéressé tout particulièrement tians ses recherches aux relations de la France avec les peuples d'Outre-Mer. Il vient du reste de publier dans la Revue d'Histoire diplomatique une étude sur le «Mouvement Républicain Populaire cl la tuene (I 'Indochine».

Il va (jonc pouvoir nous aider à comprendre en toute objectivité ce qu'a été l'action du MRP en ce dotnaine et à ltire la part des choses entre les conceptions qui ont été sans doute très sincèrement celles du M.R.P.Ùlégard des peuples d'Outre-Mer, et la force des événements qui l'ont entraîné, je dirai, (jans d ' autrcs voies.

Rapport de Frédéric Turpin

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, la la limite de l'extinction. Si les idées démo- tloinination coloniale est discutée de toute part. crates-chrétiennes forment un ensemble doctri- Pour durci, elle doit se reconstruire sur dc nou- nal cohérent et global, certains aspects, dont les velles hases qui prennent plus en compte les problèmes coloniaux, furent très peu dévelop- intérêts I)ndan1entatix des populations autoch- pés. En effet, peu nombreux furent les penseurs toiles tout en assurant la pérennité de I' influen- démocrates-chrétiens qui s'y intéressèrent. ce (les métropoles. Cependant, certains traits de ce qui fut la «doc- trine coloniale» du MRP apparaissaient très net- A la Libération, le jeune Mouvement tement dans leurs réflexions. Ils semblaient se Républicain Populaire a été très rapidement prononcer en faveur «d'un colonialisme à visa- confronté aux problèmes de la décolonisation. ge humain soucieux de progrès éconotnique et Du fini de szt participation à la naissance de humain» (I). Ils envisageaient ce type de pro- I' Union Française, il a progressivement élaboré blème essentiellement sous l'angle économique sa doctrine en matière d'outre-mer et a tenté, et social. Les articles consacrés par L'Aube connue toutes les autres formations politiques furent de ce point de vue très révélateurs (2). métropolitaines, (je résoudre le dilemme de Celte volonté progressiste dans les domaines I' Union Française rester présent tout en faisant économique et social était la conséquence évolLiel'. logique de la définition que les démocrates- chrétiens donnaient à la colonisation. Cette der- nière était avant tout considérée comme «un ser- I) Le MRP et l'Outre-mer de l'Empire à vice. animé par un idéal chrétien de justice et l'Union Française (1944-1947) d'amour» (3). «Coloniser, c'est exercer à 1.1 Aux origines de la pensée «coloniale» du l'égard (les personnes et des peuples. une tutel- MRI' le vraiment ani!née par un esprit de fraternité, et qui n 'use du droit d'aînesse que pour tendre Lors de la création du MRP à la Libération, la la main aux plus jeunes, les guider dans la voie démocratie chrétienne française avait déjà der- du progrès, les aider à accomplir une ascension rière elle plus de cent ans d'existence, cent ans intellectuelle, morale, sociale» , écrit Gaston au cours desquels elle fut à plusieurs reprises à Tessier dans L'Aube du 30 décembre 1933 (4).

64 Mais, si le droit au progrès économique, social n'évoquait que la libération du territoire (et de et culiLirel, ayant pour fin un épanouissement l'empire) et celle de l'homme sans préciser tou- harmonieux des hommes et des peuples coloni- tefois si celle-ci s'étendait à l'indigène et dans sés, était clairement proclamé, il n'en allait pas quelle mesure «La liberté de I 'homme ne doit de même des droits politiques. pas être mise en cause par uné tyrannie quelle Dans leur ensemble, les démocrates-chrétiens qu 'elle soit, politique, économique, intellectuel- étaient favorables à un réformisme politique très le ou spirituelle. Nous condamnons toute fonne restreint qui excluait toute idée d'indépendance d'Etat totalitaire qui porterait à la liberté la et même de véritable autonomie, tout du moins plus grave atteinte en voulant s 'emparer des à court ternie. A leurs yeux, si la France avait consciences ( ... ) Il faut libérer I 'homme de des devoirs à l'égard des peuples colonisés toutes les oppressions, de toutes les servitudes (ceux du «service»), elle avait aussi des droits qui empêchent son plein développement. Il (5), qui s'avéraient inaliénables, étant donné le s 'agit essentiellement de libérer I 'homme de la degré actuel d'évolution des peuples colonisés. tyrannie de l'argent. Il faut une rupture avec le Et, lorsque ces populations auraient atteint un système capitaliste». De même, le projet consti- tutionnel du MRP examiné au cours du conseil niveau suffisant d'émancipation économique. national des 25 et 26août1945 (9), n'évoquait sociale et culturelle, il n'aurait pas été question qu'un Conseil de l'Union Française qui pour la France d'abandonner son Empire, mais «assu- nierait la représentation fédérale des divers ter- d'en réformer les structures dans le sens de la formule du Gouverneur Robert Delavignette ritoires coloniaux et protectorats selon des «Non plus des coloniaux, mais des fédérateurs» formes à déterminer pour chacun selon le degré (6). Georges Bidault, futur président du MRP, partageait ces vues sur l'impossibilité de l'assi- milation (7) et mettait en avant la fédération dans laquelle la France aurait conservé tin rôle moteur. Cet avenir fédératif que certains évo- huaient, aurait également été d'un grand intérêt cttlturel car il aurait permis une mise en contact plus fraternelle de cultures différentes.

Le MRP, qui se crée en cet automne 1944, est formé d'éléments venus de la Résistance beau- coup de ces résistants ont appartenu à la mou- vance démocrate-chrétienne durant l'entre- deux-guerres. Le MRP fut de ce fait très large- ment influencé par la démocratie-chrétienne d'avant-guerre du point de vue colonial, notam- ncnt quant à la volonté d'émancipation et de respect de la personne humaine, de progrès éco- nomique et social, rflais aussi dans la recherche de structures nouvelles pour l'Empire le cadre fédéral est mis en avant sans toutefois attenter F. Turpin au rôle directeur de la France. Cette pensée «coloniale», que l'on qualifiera bientôt plus d'évolution de ces pays variés rattachés à la volontiers d' «outre-mer», mettra cependant un souveraineté française. Il serait l'amorce de certain temps à se structurer et à s'affirmer. l'intégration de l'empire dans une Union Ainsi, en 1944-1945, les idées républicaines Française à forme fédérale». Il faut attendre le populaires en matière «impériale» en resteront programme MRP du 8 novembre 1945 et sur- au stade de principes philosophiques très géné- tout le lie congrès national (13-16 décembre raux. Le premier manifeste du MRP. Lignes 1945) pour que ces problèmes soient traités de d'action pour la libération, du 25 août 1944 (8). manière plus exhaustive (10).

65 1.2. !.a primauté de I 'homme sur l'être humain, contre les oppressions pas- sées aussi bien que nouvelles» (16). Cotume 1.2.1. «L 'ère des dominations colo,, (ales est l'exprimait le docteur Aujoulat dans son rapport passée» (I I sur l'Union Française, lors du 111e congrès natio- La Libération est une période de l'histoire de nal «Outre-mer comme en métropole, toute Fiance marquée par le sceau de la réforme, notre politique doit étre axée sur la personne voire de la révolution (12). Le vieil empire colo- humaine» (17). nial français n' échappa pas à cette vague de La libération et la défense de la personne réformisme, dictée par les impératifs des temps humaine passaient par le refus du colonialisme. nouveaux. Le MRI', en accord avec son temps Ainsi, la fiche du militant n°9 sériel, «Le MRP dont il fut un (les principaux acteurs politiques, et l'Union Française» ( 18), dans son I) intitulé développa lui-aussi toute une doctrine sur la «Le MRP contre le colonialisme», s'opposait réforme nécessaire de l'Empire «Les formules «au maintien du travail forcé». «à la toute puis- anciennes sont dépassées ( ... ) lIn 'est plus pas- sance en matière pénale de I 'Administration» et sible de revenir aux formules coloniales du «à l'impossibilité pour les habitants des pays passé. Nos territoires d'outre-mer ont fourni un d'outre-mer de participer réelle,nent au gouver- effort retnarquable pendant cette guerre : ils nement de leur propre pays». Elle fustigeait sont venus au secours de la métropole, d'où une également les méthodes de mise en valeur prise de conscience (le leurs possibilités et une «condamnées par la ,nédiocrité des résultats» et certaine tendance à / 'énzancipation. En dehors leurs conséquences démographiques désas- ,nê,ne de ces considérations, nous trahirions treuses. Le <(colonialisme de papa'> avait vécu. Il notre ni ission si ,,o,is limitions notre idéal au.v fallait «libérer les hommes de leur état de vie objectifs anciens : désir (le positions, inté- fins dimninué ( ... ) leur rendre la fierté de leur condi- ressées d'ordre économique ou stratégique» tion ( ... ) jusqu 'à la fierté de leur couleur () (13). Notons bien qu'il s'agit de réformer les Cette libération qui nous est demandée s'étend structures de l'ancien Empire colonial. La déco- uniquement vis-à-vis de toutes les formes de lonisation n'était pas à l'ordre du jour. Au tyrannie et d'exploitation, vis-à-vis de la misère, contraire, la France devait assumer sa «vocation vis-à-vts de la maladie, vis-à -vis de l'ignom-ance. historique à sen'ir la liberté, la justice et la fi-a- A un moment où les autochtones (le partout ternité». «Le lien le plus fort de I 'Union aspirent à uttie vie plus lih,e, moins étouffée, il Française est et sera une communauté (le civili- 110115 est demandé (le les aider à prendre une sation tians le cadre de laquelle, guidées par la conscience plus explicite de leur dignité d'hom- Fiance tic toujours, les populations tl'outre-mer me, de favoriser, dans le cadre de leu,'s tradi- s 'élèveront tians le progrès matériel comtne tions familiales ou sociales, leur épanouisse- dans le progrès humain, jusqu 'à l'épanouisse- tuent complet. Mais surtout pas de paternalis- ment de leur personnalité ethnique, économique nie» (19), Il convenait donc de «conduire les et politique» (14). peuples d'outm-e-mer à une vie supérieure» (20), 1.2.2. La libération (le la personne humaine considérant qu' il s' agissait là du «but essentiel de la colonisation». A cette fin, il fallait pro- « »Le MRP ti pour objet tic poursuivre dans le mouvoir un «développement économique des (:0(11e (les institutions républicaines renouvelées tet't'itoires d'Outre-Met: facilité par un plati une action politique démocratique ,s uivant les tI 'équipement et par la création d'un fonds principes (lui (alt anitizé la Résistance» (15). colonial ( ... ) en tic perdant jamais de tue l'état « L<-i Résistance, c 'est-à-dire le combat contre social de ces pays» (21). Les travailleurs indi- les réçimes totalitaires, le combat pour la lihé- gènes devaient également avoir le droit de ration (le la Fiance et la libération (le I 'honune, constituer des syndicats (umi syndicalis,ne confomuhis dans une même cause. Cette libéra- adapté aux réalités ethniques et sociales de ces tion pour laquelle nous combattions ne s 'arrê- régions»). L'enseignement devait lui aussi être tait pas aux frontières du territoire. Elle signi- conséquente afin «de fiait pour nous l'engagement formel de lutter développé de manière plus dégager les nouvelles élites». Cet enseignement contre toutes les formes d'oppression qui pèsent devait être dispensé le plus possible à l'échelle

66 du village afin de préserver la famille. Il devait laissent aux représentants du pouvoir central être assuré en partie par des missions religieuses d 'énormes possibilités d'action, mais elles du fait de la carence des pouvoirs publics en la organisent un sérieux coin rôle de leur activité; matière. elles nécessiteront de leur part un esprit itou- 1.2.3. Reconnaître la valeur humaine et la t'eau qui substituera la collahoration au con,- mandement» personnalité des collectivités d'outre-mer (27). Cet apprentissage politique était également nuancé par la composition du La libération de la personne humaine que pro- corps électoral «C'est seulement dans posaient les Républicains populaires soulevait quelques années que le droit de sufl'rage sera également un problème de fond le dilemme étendu à la grande masse de la population» assimilation-association. La tradition démocra- (28). L'égalité absolue des droits, en tnatière te-chrétienne d'avant-guerre était favorable à politique, entre les métropolitains et les ressor- l'association. Le MRP opta lui aussi, non sans tissants de l'Union Française n'était pas encore quelques réticences (22), pour cette formule qui à l'ordre du jour même si Louis Aujoulat, au li' lui semblait la plus apte à assurer un développe- congrès national (29), en réclamait «la réalisa- nient harmonieux des hommes et des collectivi- tion progressive» dans son rapport. tés d'outre-nier. En effet, la libération de l'hom- me ne devait pas avoir pour résultat de Le MRP mettait en avant une «méthode souple» «s 'acharner contre des structures familiales et d'apprentissage qui prévoyait d'amener les populations d'outre-mer, sociales qui ont fait leurs preuves et qui corres- «par étapes, en tenant compte du degré d'évolution et de la pondaient à (les nécessités indtvcutables». Faire progresser ne signifiait donc pas détruire les maturité politique (le chaque colonie», à «(les niveaux de vie économique, sociale, culturelle sociétés autochtones. Il convenait d'agir «avec très élevée» (30). une infinie (lélicatesse» (23). Il fallait donc reconnaître la personnalité ethnique, sociale et 1.3. L'Union Française un réformisme culturelle de chacun de ces peuples. limité L'assimilation n'était pas pour autant totalement 1.3,1, L'impératif du rang exclue. Elle devait simplement résulter d'un libre choix des populations concernées Au sortir de la deuxième guerre mondiale, la «L'essentiel est qu'elle ne soit pas imposée France est à la recherche de sa puissance. Pour qu'elle soit pour eux connue une possibilité qui bon nombre de Français et d'hommes poli- est à leur disposition litais dont ils ne sont pas tiques, celle-ci ne peut se concevoir sans obligés de faire usage» (24). Le rapport de poli- I' Empire (31) «La représentation de l'empire tique coloniale du lie congrès national affirmait (32) et I 'élaboration (le la Constitution J'ran ç'ai- clairement ce principe de «l'abandon, sauf pour se sont (les questions vitales, (les questions les anciennes colonies, de la politique d'assimi- d'une profonde importance qui sont dominées lation ; les autres territoires veulent se hausser par la considération suivante nous sentons à notre niveau, mais en restant eux-inênies. En bien que la France ne retrouvera pas son rang ce sens la politique d 'association paraît plus dans le inonde (lais la mesure où elle restera heureuse» (25). timme petite puissance européenne, une petite puissance située, commue le disait Paul Valén à Le MRP se proposait, selon les degrés d'évo- l'extrémité de ce cal) de l'Asie qu'est l'Europe. lution, de préparer les populations indigènes à la il importe pour mzous que nous retrouvions notre vie politique en les faisant participer à la gestion rang, que nous associions étroitement l'en- de leurs affaires «Tout le inonde est (l'accord semble (les terres inpériales à 1 avenir de la vie pour que les autochtones soient appelés à parti- française» ( 33). Jean-Jacques Juglas, un des ciper à l'administration de leur pays grâce à spécialistes des questions coloniales au MRP, l'institution d 'assemblées représentatives» (26). soulignait lui aussi cette nécessité de conserver Mais, ces assemblées devaient disposer de pou- nos possessions outre-mer «La Fm'ance ne voirs limités qui ne mettraient pas en cause la serait plus une puissance de premier plan si souveraineté de la métropole «Les assemblées notre drapeau ne flottait plus sur toutes les locales ne sont pas (le petits parlements. Elles

67 terres du inonde. Il n 'y va pas seulement de «un pouvoir central fort» (44) qui aurait assuré, notre otteret notre pays a une nussion gran- en toutes circonstances, la nécessaire souverai- diose à t'emplit: car nul ne petit mieux que lui neté française. Il était également envisagé de conduire les peuples d 'outre-mer vers la réali- créer des «assemblées locales» qui seraient uni- sation (le leur voca non (I 'lionunes» ( 34). Le quement «chargées de mettre au point les textes rang de la Fiance et sa « vocation historique» de intéressant les territoires d'outre-mer» (mais la tiiessianisme justifiaient la pérennité de sa pré- loi resterait souveraine). Il se proposait en outre sence. La Fiance (levait en outre «protéger» ces de mettre en place un Conseil de l'Union territoires et leurs populations contre les appé- Française (45), sorte de chambre de réflexion tits intéressés (I' autres pays: «Nul ne doute émettant des avis. Si les trois grands partis de la qu 'une fids rompus les liens avec la France, Constituante s'accordaient sur le caractère chacun (le ces territoires tomberait inexorable- consultatif de ce Conseil, les Républicains niemil sous le joug de telle ou telle puissance populaires réclamèrent avec l'amendement de étran gère ( ... ) et dont le désintéressement est Paul Coste-Floret (46) que «le Parlement se pour le moins sujet à caution» (35). L'Union compose 1 ° de l'Assemblée Nationale, 2° du Française était le seul cadre susceptible d'abri- Conseil de l'Union Française». Le MRP enten- ter et d'aider au développement harmonieux de dait par ce biais s'opposer au «gouvernement ces populations et de ces jeunes Etats (36), Par d'Assemblée» du projet socialo-communiste, en conséquent. «en associant ces peuples à son réintroduisant officiellement un timide bicamé- destin, la France a contracté envers eux un ralisme. Cet amendement fut repoussé (47). devoir qui exclut I 'égoKs7ne autant que la lâche- Mais, «dans l'ensemble, le Mouvement républi- cain populaire donne son approbation à la Constitution de l'Union Française même si cer- 1.3.2. Un cadre évolutif niais français taines formules appellent, à notre avis, des Le programme du MRP du 8 novembre 1945 retouches ou des précisions» (48). (37) proposait I' «acheminement vers une Union Avec la deuxième Assemblée Nationale fédérative» des territoires d'outre-mer et de la Constituante, les idées chères au Mouvement métropole «par la création inunédiate d 'un furent plus largement écoutées. «Le MRP pro- Conseil de I 'Union Française et par la partici- posait essentiellement 1 ° Un Président de pation (les habitants ( iiLV affaires politiques de l'Union Française qui, de droit, était le leur territoire». On retrouve cette idée chère au Président de la République, et qui était assisté MRP dévolution et de progression (38). Mais d'un Ministre de l'Union, responsable devant cette évolution vers un véritable fédéralisme l'Assemblée et l'Union 2° Une Assemblée de excluait toute idée d'indépendance (39). Il l'Union groupant des représentants des Etats ou s'agissait de substituer à «la notion de tutelle» Fédérations d 'Etats, de la France métropolitai- celle de «communauté française». Or «réaliser ne, de départements (Algérie) et des territoires la communauté française, c'est-à-dire cet d'outre-mer» (49). Ce projet, malgré sa prise en ensemble (le cent millions (I 'homnmes et (le terri- considération initiale par la Commission de la tores différents» impliquait «le resserrement Constitution, fut vidé de ses principales orienta- (les liens unissant les territoires d'Outre-Mer à tions, en particulier par l'action de l'intergroupe la Métropole dans le respect (le leur personnali- des élus d'outre-mer. Le premier projet soumis té ethnique, culturelle et économique» (40). à la Constituante fut ainsi vigoureusement com- Au cours (le la première Assemblée Nationale battu par le MRP car «il constitutionnalisait la Constituante (41), le MRP, parla voix du dépu- possibilité de sécession» (50). L'intervention té d'Alger Paul Viard, proposa un projet de déterminante d'Edouard 1-lerriot, le 27août, per- Constitution (42) «(liii soit il la taille (le l'Union mit au Gouvemement de Georges Bidault (SI) Française». Ce projet, outre le respect de la per- de disjoindre les textes concernant l'Union sonnaI i té de chaque homme ainsi que celui des Française. Le texte soumis par le ministre de la ditiérentes civilisations, se plaçait résolument France d'Outre-Mer, le socialiste Marius (tans la thèse «unitaire» (par opposition à la Moutet. le Il septembre, à la Commission était thèse «/édém'ale» (43)). Il prévoyait d'organiser en fait celui élaboré par le Gouvernement (52).

68 Le MRP, par la voix de Jean-Jacques Juglas, le parce que Mouvement de défense du droit de la 18 septembre (53), apporta son soutien au texte personne et Mouvement passionnément fran- «gouvernemental» car il définissait clairement çais, a taie vocation particulière à édifier I' Union Française (composition, organes cen- l'Union Française» (59). 4es droits de la France» (54). traux) et réservait 2) Gérer l'Union Française : le MRP face à BreI ce projet préservait la pérennité de la sou- la décolonisation (1947-1958) veraineté française tout en permettant une cer- taine évolution des territoires «outre-mer (55). 2.1. Empêcher les sécessions En outre, il posait avec prudence les bases d'une 2.1.1. Madagascar future Constitution fédérale lorsque les terri- toires d'outre-mer auraient atteint une maturité La gestion (60) de l'Outre-mer par le MRP fut p01 itique su liisante «Nous tenons à coller à la très critiquée par ses adversaires politiques réalité, à laisser des possibilités d 'évolution, notamment par les mendésistes (L'Express ne mais en pattant de la situation actuelle. A vou- l'ut pas des plus tendres). L'action du républi- loir aller trop vite, on risque de ne point bâtir cain populaire Pierre de Chevigné, haut-com- solide. Nous ne sommes pouit opposés à une missaire de France à Madagascar de janvier évolution vers le fédétalisme, niais parce que 1948 au début de 1950, fut particulièrement 170145 SOiIllfle5 réalistes, nous estimons que le visée (61). projet qui vous est proposé, projet souple, projet Le Mouvement, en application de sa doctrine nuancé, projet qui dans le respect des droits de qui se refusait à toute «sécession», soutient, dès tous les membres de I 'Union Française, sauve- 1947, «tous les efforts du Gouvernement pour garde ce qui doit être sauvegardé des droits de faire régner la paix dans I 'Union» «La défen- la France peut être accepté». Le titre VIII de la se de l'intégrité de l'Union Française est indis- Constitution du 27 octobre 1946, bien qu'il sociable du maintien de la paix. Le MRP on I 'a comporte de nombreuses différences avec le dit, n'a pas une conception si pauvre de la col;?- projet initial du MRP. n'en reste pas moins lar- munauté française au-delà des mers qu'il consi- gement influencé par les idées du Mouvement dère comme suffisant à soi-même le maintien (56). Le Mouvement ne fit d'ailleurs jamais par la force de la présence française en mystère de son rôle (57). Indochine ou à Madagascar. L'Union Française Une fois approuvés la Constitution et son titre est une réalité autrement vivante que celle qui VIII, il restait aux membres du MRP à le mettre résulterait de la conjonction forcée de peuples en application, notamment en donnant une réa- subju gués. Mais cette réalité doit être édWée: il lité aux organismes centraux de l'Union faut lui donner le temps de s'éprouver et de (Assemblée de l'Union Française et Haut vivre» (62). Le groupe MRP à l'Assemblée Conseil de l'Union Française). Cette Union sor- nationale soutint la politique du ministre socia- tie des décombres de l'Empire avait également liste de la France d'Outre-Mer, Marius Moutet besoin d'être acceptée par tous. Le MRP s'ef- (63), et vota la levée de l'immunité parlemen- força de développer une mystique de l'Union taire des députés malgaches. Seul le député Française qui la présentait comme une «asso- MRP du Cameroun, l'abbé Boganda, s'y oppo- ciation exemplaire» (58). Le Mouvement voyait sa fermement (64). là des tûches qui lui incombaient tout particuliè- Pierre de Chevigné, envoyé sur place par le renient «Sans doute faut-il éviter les sécessions président du conseil Robert Schuman (65), (Indochine, Madagascar), mais ce n 'est là que mena à son terme la pacification ;ce qui lui l'aspect négatif du problème. Le véritable pro- valut de vifs reproches par la suite (66). La poli- blème consiste à donner à chaque territoire le tique du haut-commissaire ne se borna pas à cet mna.viinum (l'autonomie compatible avec ses aspect uniquement répressif. Il mit également aspirations propres son degré d 'évolution, le en place, une fois «l'ordre rétabli'>, un certain maintien de la présence et de la souveraineté nombre de réformes dans les domaines écono- française, et à organiser les nouvelles liaisons mique et social (inspection du travail, lutte entre chaque territoire d'outre-mer et la France contre le paludisme ... ). Il engagea en outre une dans le cadre de I 'Union Française. Le MR

69 ré (orme tu u ni ci pale te n dan t à augment e r les res- ne la lâchera vraiment qu'en juin 1953. La poli- ponsabilités des collectivités autochtones dans tique de Coste-Floret s'inscrivit dans la conti- la gestion de leurs propres affaires (67). nuité. Il mit définitivement en place la «solution Bao Daï» (73). ce qui ne suscita guère l'enthou- Le MRP ne rougit donc pas, à ses yeux, de siasme du Mouvement. son rôle à Madagascar «Par une politique de sagesse. où la fenneté néce.ssaire au rétablisse- L'accession au pouvoir de Mao en Chine meut de la paix s 'alliait (mmmx mesures de progrès changea les données du conflit. D'un conflit et il 'évolution. toi liomnmne MRP envoyé par un colonial, où la France motivait son engagement président du conseil MRP, soutenu par deux par la sauvegarde de l'Union Française naissan- ,ninist res MRP de la France d'Outre-Mer, te, l'indochine devint un point chaud de la guer- Coste-Floret et Letounieau, u épargné durable- re froide en Asic (74). Le thème de la défense tuent à un territoire les déchirements que nous d'une partie du monde libre menacée par déplort uts, hélas, aujourd'hui ailleurs'» (68). l'agression communiste passa au premier plan de l'argumentation du MRP (qui justifiait ainsi 2.1.2. L'Indochme la poursuite de la guerre). La politique de Jean Dès 1945. le MRP a soutenu eta participé à la Letourneau, ministre des Etats associés (de politique de rétablissement de la souveraineté juillet 1950 à juin 1953) se déclinait alors en française en I ndoclitne (69). L' aven i r politique trois axes «renforcer nos troupes, obtenir une (le la péninsule indochinoise envisagé par le aide alliée accrue et développer l'armée natio- Mouvement (70) se refusait à toute idée d'indé- nale vietnamienne» (75). Mais la guerre de pendance et même à celle d'une autonomie Corée et le désastre de la RC4 semèrent un peu complète des Etats indochinois dans le cadre de plus encore le doute et l'inquiétude auprès de la Fédération indocliinoi se. Le Cochinchine, si bon nombre de Républicains populaires quant à elle le sou Imitait (à la suite d'une consultation la justesse de l'engagement français. «L'épopée populaire), pouvait former tin Etat distinct du de Lattre» calma, pour un temps, les esprits. reste (le l'Annam. La conl'érence de La mort du maréchal ainsi que la détérioration Fontainebleau, où le président du GPRF, rapide de la situation militaire en 1952 firent Georges 13 idau It, avait donné (les consignes de renaître les doutes au sein du Mouvement. Le fermeté au chef de la délégation française, le vent de la contestation s'enfla considérable- M R P Max A ndré, fut u n échec que l'on i niputa ment. Un nombre croissant de militants et de I' intransigeance vietnamienne (71), leaders, comme Roben Schuman, souhaitaient Après le cotip (le force Viet-M mb du 19 que l'on posât véritablement le problème quitte décembre 1946, le Mouvement choisit, à l'instar à y apporter de nouvelles solutions si cela s'im- (le la classe politique française, la solution de posait. Au cours de l'année 1953, une véritable force. La conviction que le Viet-Minh pouvait opposition se fit entendre. Le iXe congrès natio- être vaincu rapidement était alors très largement nal (mai 1953) fut marqué par des interventions partagée. La politique du MRP, en ce premier contraires à la politique des ministres, comme semestre 1947. se résumait en quelques grands celles d'André Denis ou de flenri Bouret (76). axes plus de négociation officielle avec Hô Chi Nombre d'orateurs, en réclamant que soit vrai- Mi nli (72). écrasement tnatui militari de la ment débattue la question indochinoise et plus t'éhel lion et recherche de nouveaux interlocu- généralement celle de l'évolution de l'Union teurs qui acceptent la pérennité de la présence Française. firent nettement entendre aux française. Cette politique reçut l'approbation ministres MRP que l'ère du ministériat ne pou- massive des militants lors du 111e congrès natio- vait plus être tolérée (77). nal (mars 1947). Avec la chute du gouvernement Mayer, le Avec le gouvernement Schurnan (du MRP perdit la barre de l'indochine. Le 24/II/1947 au 19/07/1948) et l'arrivée de Paul Mouvement n'avait plus alors vraiment d'unité Coste-Floret à la France d'Outre-Mer, s' inaugu- d'idées ni de discipline de vote quant à l'affaire re une période durant laquelle le M RP prend en indochinoise (78). Si tous s'accordaient sur la nain la direction de la question i tidochi noise. Il nécessité de négocier, les modalités de la négo-

70 ciation divisaient. Certains, comme André 2.2. Associer les protectorats d'Afrique du Denis, 1-lenri Bouret ou Robert Buron, pen- nord à l'Union Française chaient en faveur d'une négociation directe avec 2.2.1. La Tunisie le Viet-Minh. D'autres, à l'instar de Georges l3idault. de Jean Letourneau ou de Paul Coste- Deux Républicains populaires. Georges Floret, voulaient négocier dans le cadre d'une Bidault et Rober! Schuman, ont détenu, de 1945 conférence internationale. La discussion du pro- à 1954, le portefeuille des Affaires étrangères blème indochinois à la conférence de Genève, dont dépendaient les protectorats d'Afrique du obtenue par Georges Bidault, fut cependant lar- nord. Le MRP a donc joué un rôle important gement approuvée par le Mouvement, qui y dans les affaires tunisiennes et marocaines. voyait l'espoir d'une paix tant attendue. Dans Le Mouvement, qui avait comme ambition de son ensemble, le MRP, pour ne pas nuire à la faire de l'Union Française une réalité vivante, a, conférence, soutint le gouvernement Laniel. Il dès sa mise en place, souhaité que la Tunisie et est vrai que certains soutiens n'étaient que cir- le Maroc y adhèrent en tant qu'Etat associé (86). constanciels. Les opposants ne désarmaient pas, La Tunisie devait accéder progressivement, mais du lait (le l'extrême gravité de la situation «par étapes», à l'autonomie interne au sein de militaire au Tonkin et de la faiblessedu gouver- cet ensemble français (87). L'idée d'indépen- nement, ils ne concrétisaient plus leurs opinions dance était, pour le moment, exclue car par des votes-sanction. - «l'Union Française, bien loin de poiler atteinte L'investiture de Pierre Mendès France fut une à I 'indépendance tics peuples, n 'a été conçue nouvelle occasion pour le MRP de se diviser que pour la réaliser en association avec la (79). Il demeura, par la suite, dans l'expectative, France» (88). Comme le rappelait Alfred Coste- se déclarant surveiller Mendès France «avec Floret dans son rapport de politique extérieure sérénité mais vigilance» (80). Le MRP lors du Ville congrès national (mai 1952) : «Il accueillit avec prudence les accords de Genève. faut tnener la Tunisie comme le Maroc vers Pierre Pliinilin, lors de la commission exécutive I 'émancipation promise, niais il est nécessaire du 22 jtullet (SI), mit en avant la «fragilité des (le sauvegarder l'oeuvre inunense accomplie par accords» qui tiianquàient de garanties sérieuses. la France dans ces territoires» (89). Il ne fallait Il souligna également, à l'instar de Rober! pas «confondre générosité et faiblesse» (90). Schunian. le problème de la neutralisation des L'action du MRP fut donc double: Etats associés ainsi que, par conséquent, celui «/° Amener le Destour à modérer ses exi- du devenir dc l'Union Française. Les députés gences et à admettre des étapes dans la voie (les républicains populaires allèrent en ordre disper- réformes, sé au scrutin approuvant l'action du gouverne- ment 70 s'abstinrent volontairement alors que 2° Demander au gouvernement de ne pas 15 votèrent pour (82). Au cours des mois sui- décevoir les aspirations de la Tunisie à l'auto- vants, le MRP, qui ne portait pas dans son coeur nonue interne, tout en prenant les garanties le liquidateur de la CED, s'en prit à la politique nécessaires» (91). indochinoise de Mendès France qui «conduisait Si le MRP se refusait à la cosouveraineté telle à I'iiiiiiiobilisiiie le plus total» (83). qu'avait pu le laisser entendre la note gouverne- Le Motivement dut également continuer de se mentale du 15 décembre 1951(92), il souhaitait défendre sur son action en Indochine (84). lI est par contre que la représentation tunisienne dans vrai que le MRP avait eu entre ses mains, à plu- les futures institutions politiques tienne compte sieurs reprises, l'essentiel de la direction du des Français de Tunisie. conflit. C'était sans doute volontairement Le Mouvement s'éleva contre toutes les tenta- oublier que cette guerre ne fut jamais du ressort tives de politique de force en Tunisie, même s'il d'un seul ministère (France d'Outre-Mer puis soutint la répression contre le terrorisme. Il s'in- Etats associés) et que l'action du MRP s'inscri- digna tout particulièrement contre l'arrestation vit toujours dans le cadre de gouvernements de du premier ministre tunisien Chenik et de trois coalition (85). de ses ministres en mars 1952, sur l'initiative du

71 résident général de 1-lauteclocque (93). La poli- en un Etat associé au sein de l'Union Française tique (les ministres répLiblicains populaires, qui (99). L'Etat chérifien devait très progressive- furent mis à plusieurs reprises devant le «fait ment recouvrer sa souveraineté interne tout en accompli» (94). fut souvent très critiquée au garantissant les droits des Français du Maroc sein du Mouvement. Par exemple. André- (100) et de la France «La France a réalisé ait François Montei I affirmait au cours du Xe Maroc tille oeuvre admirable qu'il faut vigou- congrès national (mai 1954) «C'est très bien reusement continuer ( ... ) Nul ne son gerait à (I 'avoir deS i'appoiis OÙ / ' on décrive (levant reprocher à l'élite ntarocaine (le manifestet; sur n o us ce t o venir merveille us de 1 'Un joli le plan politique, ses légitimes aspirations et Française. (Issoclat ion (le peuples libres, ces d 'avoir I 'ambition (le jouer un rôle digne de sôn peuples tjtie notre lit 0(51011 est de conduire pers histoire et de ses aptitudes ( ... ) Des étapes sont la plénitude (le leur personnalité et (le leur indispensables (Ituls I 'intérêt même (les liberté. Mais que voyons-nous au Malnc ? Que Marocains» (lOI). torons-nous e: Tunisie ? Je n 'excuse pas le ter- Le MRP, à l'instar de Robert Schuman, ne fut ivrisnte, litais j'excuse encore iiioiiis la politique jamais partisan d'une politique de force au qui u provoqué le terrorisme (lans L'es paw(» Maroc (102). Ainsi, en février 1951, Robert (95). En 1953-1954, c'était toute la politique Schuman s'opposa à une première tentative de outre-nier (les ministres MRP qui se voyait de déposition du Sultan (103). Dc nombreux plus en plus contestée à I' instar de Robert Républicains populaires manifestèrent à plu- 13 LI ron «La seule question qui se pose pour sieurs reprises leur.impatience devant la lenteur iiouts tous, c'est de savoir si vrannent dans les des négociations. Ainsi, Daniel Boisdon, ancien problèmes de I '.4j'rique du nord. (laits les pro- président de l'Assemblée de l'Union Française, hlènses (I 'Indoclune. (laits les problèmes (le craignait que «nous ne laissions actuellement 'Union Française, nous avons suffisamment passer l'heure OÙ des traités de protectorats tendu hommage à nos propres pl'incipes ou si pourraient être transformés en contrats d'asso- paifois Itotis avOn5 latvsé les principes chrétiens ciation» (104). Surtout, le Mouvement s'indi- (le côté pour (les raisons moins valables et gna vivement de la déposition du Sultan, cou- moins grandes» (96). verte par Georges Bidault. Le poids de Bidault Avec la chute du gouvernement Laniel et la au sein du MRP ne réussit qu'à modérer les cri- fin des responsabilités gouvernementales de tiques souvent très dures de la majorité du Georges Bidault (en voie de marginalisation au Mouvement (105). Robert Schuman, dans un sein (lu Mouvement), le M RP perdit la direction article de L'E.vpress du 20 mars 1954, contesta tIcs affaires tunisiennes et marocaines. La majo- publiquement le bien-fondé de cette déposition t'ité des Républicains populaires, favorables à ainsi que la politique suivie depuis lors «La une politique libérale en Tunisie, put s'exprimer déposition du Sultan a été une mesure grave, plus complètement et surtout s' imposer. Ainsi, entraînant des complications intérieures et si le M RI' lit «des réserves sur certaines internationales dont la portée ne petit encore n téthodes utilisées (laits les n égociations franco- être mesurée. Cette erreur initiale s'est aggra- tunisiennes» par M endès Fiance, il approuva vée du fait qu 'Oit n 'a pas su, ni peut-être voulu, «les objectifs poul'suivis par le gou t'erneinent» niettl'e à profit la situation ainsi cl'éée pour (97). Le MRP ratilia le 8juillet 1955, à l'unani- appliquer sans délai (les réformes hardies qui mité, les accords concédant l'autonomie interne auraient pu atténuer par iellement les critiques à la Tunisie car ils renouvelaient et affermis- qu '011 nous adresse» (106). En 1954- 1955, les saielit «nos liens avec la Tuntçie» (98). De motions sur le Maroc des dil'férentes instances même, il accepta l'indépendance de la Tunisie du MRP insistèrent beaucoup sur la nécessité en 1956. des réformes politiques, économiques et sociales, tout en éludant le plus possible le pro- 2.2.2. Le Maroc blème dynastique (107). Cette question se repo- Le MRI' maniksta également à l'égard du sa néanmoins très rapidement et avec acuité. Le Maroc des volontés libérales 'et évolutives, Il Mouvement, sur ce point, mit un certain temps s'agissait de transt'ormer le protectorat marocain à admettre le retour de Ben Youssefï Mais,

72 devant la carence de Ben Arafa et l'impossibili- MRP se prononça en faveur de l'extension du té d'une autre solution (108), il se rallia finale- régime des municipalités de plein exercice en ment au retour du Sultan exilé à Madagascar Afrique noire (118). Le Mouvement souhaita. (109). Seul Georges Bidault se singularisa par dès 1954-1955, que soit renforcée la décentrali- une attitude négative de plus en plus en porte-à- sation politique et administrative (119). La loi- ltux avec le Mouvement (110). cadre Defferre, mise en chantier par Pierre- Henri Teitgen (120), fut unanimement approu- 2.3. L'exemple d'une évolution contrôlée vée au sein du Mouvement. I 'Afrique noire. Le libéralisme du MRP s'appliqua également En Afrique noire, la doctrine libérale du MRP aux hommes (121). Le Mouvement, en particu- trouva un champ privilégié d'application. lier Joseph Dumas. eut un rôle prépondérant «Depuis son origine, niais plies particulièrement dans l'élaboration et l'application du Code du depuis le vote de la Constitution, le MRP n Travail Oùtre-Mer (122). Il s'agissait de proté- pas cessé, dans ses congrès nationcuex, d'affir- ger les travailleurs africains contre les risques tuer chaque année sa volonté (le faire passer inhérents à la vie professionnelle et contre toute I Union Française (les textes clatis les faits» forme d'exploitation capitaliste. Le MRP fut en (III). Cette ferme intention se traduisit par la outre un fervent partisan du développement éco- volonté proclamée de renforcer les pouvoirs de noniique, sous l'égide de la métropole, des ter- l'Assemblée de l'Union Française, afin que ritoires d'outer-mer, mais pas à n'importe quel celle-ci soit autre chose qu'une simple chambre prix : «Notre Mouvement ne saurait reconnaitt'e consultative (112). Le MRP réclama également le primat de l'économique sur le social» (123). la mise en place rapide du Haut Conseil de l'Union Française. et par la suite, l'extension de Avec la construction européenne s'est posée ses prérogatives (113). Mais il n'était pas enco- la question des rapports entre l'Europe et re envisagé, du moins jusqu'en 1953-1954. une l'Union Française. Le MRP y vit très tôt «un véritable réforme de fond (un système fédéral) idéal double et non contradictoire» (124), mais «Le Guénédal précise qu'il ne s'agit pas pour à certaines conditions «Union Européenne et l'instant de réaliser une réforme constitution- Union Française sont bien des objectif complé- nelle mais de dégager le sens d'une évolution mentaires et conciliables, I 'Europe peut appor- qui ne pourra s'effectuer que lentement. Max ter beaucoup à l'Union Française, mais sous 1cc André est d'accord avec lui, Ici réforme tIc I 'Etat condition expresse que soient maintenus l'auto- français peut et doit inten'enir rapidement, il Fie rité et le contrôle des métropoles» (125). Le faut pas précipiter les choses pour l'Union Mouvement soutint, par la voix de Pierre-Henri Française» (114). Cependant, quelles que soient Teitgen, ministre de la France d'Outre-Mer, les réformes à réaliser, la France devait toujours l'adhésion en bloc de l'Union Française à rester présente au sein de l'Union (Ils). l'Union Européenne (126).

Le MRP eut également une attitude libérale quant aux structures politiques locales. Le 2.4. L'Algérie (194 7-1958) Mouvement se proposait d' amener progressive- ment les autochtones à se gérer eux-mêmes Le statut de l'Algérie de 1947 fut une oeuvre (l'apprentissage politique cher au Mouvement): laboricuse de compromis. Le MRP joua de nou- veau un rôle important. Il approuva et lit voler le «Notre programnnie se résume en ceci (...) Instaurer dans les territoires cl 'outre-nie,; ton- projet gouvernemental, qui n'était finalement jours plies. Ici démocratie véritable. Instaurer pas très éloigné de ses voeux : libéralisme poli- dune pari la dé,nocratie politique, réaliser tique (restreint (127)). économique et social d'autre part la démocratie sociale et écono- dans le cadre intangible de la souveraineté l'ran- inique» (116). Dans cette optique, le MRP pro- çaise (128). Ce statut, soutenu ofticiellement par posa d'élargir le rôle des assemblées locales, qui le Mouvement, ne fut pas du goût de la Fédéra- scraient désormais élues au «s(ffrage universel tion de Constantine et du comité directeur de à cIeux degrés cue scrutin uninomnotal appliqué à celle d'Alger qui quittèrent le MRP en l'accu- un collège électoral unique» (117). En 1955, le sant de faiblesse (129).

73 De 1947 à 1954, le MRP dénonça périodique- la loi-cadre l'application la plus large et la plus nient la non-observation du Statut et les fraudes libérale» (139). Entin. des pourparlers sur un électorales orchestrées par l'administration éventuel cessez-le-feu devaient être engagés dès fratiçai se «/'rolongtnient de la France métro- que la rébellion aurait été suffisamment allai- politaine. constituée en départements français - blie. Des élections seraient organisées avec le aucun au! n! statut ne ,,eut être délibérément retour au calme. Le discours très «Algérie fran- envisaç'é - L'Algérie est française. lIn 'en reste çaise» de Georges Bidault ne recueillait plus l)5 IIIOinS jive les méthodes d 'adaunistration alors que de maigres suffrages auprès des ont besoin (I 'êti'I' aménaç'ées, la politique socia- Républicains populaires (140). le et économique ne (loit plus être discrimina- 3) De la Communauté à la coopération loire le statut (les (hJft!ren!es collectivités doit internationale (1958-1962) être égalisés 'il ne petit être uniformisé» (130). Le Mouvement remit même un rapport (de 3.1. L'Algérie (1958-1962) Reille-Soult) sur les réformes nécessaires au En 1958, le MRP et le général de Gaulle président du conseil 1-lenri Quetulle, le 30 juin avaient deux préoccupations communes réfor- 1950 (131). Notons cependant que les mer l'Etat et régler le problème algérien. Le Républicains popu aires insistèrent surtout sur Mouvement soutint, non sans quelques réti- les aspect s sociaux et écononi i ques plutôt que cences initiales, la politique du général de politiques. Gaulle en la matière. Il appela à voter en faveur La Toussaint rouge fut une surprise pour tous de la Constitution de la Ve République (141). De y compris le M R P. Le Mouvement prôna une 1958 à 1962, le MRP ge fit l'un des plus fidèles politique ambivalente. D'une part, la France se soutiens de la politique algérienne du général devait (le «rétablir l'ordre» (132). D'autre part, (142). En 1959, les objectifs du Mouvement se «convaincu que les difficultés graves surgies en résumaient en deux grands axes poursuivre A Igérie ne sautaient être résolues par I emploi, l'effort militaire (et condamner l'usage de la tor- même strictement contrôlé, des moyens de ture). faire des Algériens des citoyens à part répression» (133). le Mouvement réclama «une entière (tout en conservant leur originalité) et politique (le réformes hardies» (134) élévation mener une politique économique et sociale de (1(1 niveau (le vie (les Algériens. effort de scola- «déclochardisation» ( 143). Les Républicains risai ion (pour tuie assimilation progressive), populaires se prononcèrent en faveur de la poli- égalité politique et respect des droits des tique d'autodétermination du général. Ils sou- autochtones inclus dans le Statut. Au fur et à haitaient que tous les Algériens s'expriment mesure tille la gtierre s' i ntensi lia, I aspect poli- librement (et pas seulement le GPRA). Ils tique prit le dessus et (Jans un sens de plus en condamnaient également les Français qui Lis libéral ,ùl' instar (le Pierre Plu ni lin (135). aidaient le FLN (144). A partir de 1960 et jus- Mais toute perspective d'indépendance était qu'à la fin de la guerre, bien que la tentation de encore résolument écartée (136). Cette volonté l'opposition fût grande (145), le MRP continua et cette urgence (le rél'ormes frSauver I 'Algérie d'apporter son aide au général de Gaulle. En particulier, il approuva l'ouverture des pourpar- française et bâtit' I 'A Igérie nos, t'elle» (137)) a menèrent le M R P à soutenir, non sans difficul- lers avec le FLN en vue d'aboutir à un cessez- lés (138), les prqiet s gouvernementaux de loi- le-feu (146). lI condamna de tnanière catégo- cadre pour I' Algérie. rique le putsch des généraux et en appela à l'union de tous les républicains autour du chef IVe A la tin de la République, Pierre Pflimlin de l'Etat (147). C'est sans surprise que le MRP sytn hol i sait certainement le ni ieux les aspira- approuva les accords d'Evian (148) dont Robert tions du MRP en matière (le politique algérien- Buron avait été l'un des négociateurs. Il souhai- ne. Dans sa déclaration (I' investiture, le 13 mai tait qu'une véritable coopération s'établisse 1958, il se refusait à abandonner I' A Igérie. A entre la France et l'Algérie nouvelle (149). lI cette Ii n. il fallait « renforcer notre position sur condamna la politique de la terre brûlée prati- le terrain». Mais il se proposait surtout de quée par l'OAS et demanda aux Français conquérir les coeurs et les esprits en fusant «(le d'Algérie de ne pas la suivre dans ses «criminetv

74 agissements» (150) qui compromettaient les Conclusion chances d'une fructueuse coopération. Malgré Le MRP. dont la doctrine outre-mer se plaçait ce tragique épilogue, le MRP resta fidèle à sa surtout au niveau de la défense et du progrès de volonté d'établir de solides liens avec le nouvel la personne humaine, fut favorable à une évolu- Etat algérien «La charte d 'Evian vaut ceties tion politique progressive, sans heurts, des par son contenu, mais elle vaut plus encore peuples d'outre-mer «Ils 'agit (le procéder par parce qu'elle est invention d'un dialogue. créa- étapes et donc de s 'opposer à une émancipation tion (l'un lien, accord sur un propos d'action et qui serait prématurée et désordonnée. s'il une représentation de / 'avenir» (151). convient d 'acheminer les peuples (j 'outre-mer vers la gestion de leurs propres affaires, il 3.2. La Communauté une évolution sou- convient de le faire par étapes, après une pré- Imitée et approuvée paration technique et morale, oeuvre qui doit être entreprise et poursuivie consciencieuse- A partir de 1954-1955, il est manifeste pour le ment sans atermoiements injustifiables» (160). MRP (ainsi que pour la très grande majorité de la classe politique française) qu'il faut réformer L'accélération de la décolénisation dans les les structures institutionnelles de l'Union années cinquante prit de court le Mouvement et Française dans un sens plus libéral. Le mit en évidence les différents points de vue Mouvement réclama dès cette époque une quant au rythme et aux méthodes d'évolution. L'action de certains leaders républicains popu- refonte du système (152). Cette réforme de l'Union, et de la IV' République en premier lieu, laires ne fut pas toujours en adéquation avec la 1954-1955. devint même une condition à son entrée dans les doctrine du MRP. Mais, à partir de gouvernements de la République finissante le Mouvement sut mieux prendre le train en «La réforme de I 'Etat républicain doit consti- marche de la décolonisation. A ses yeux, la mis- tuer l'objectif essentiel du prochain gouverne- sion de la France dans le monde, une fois les ment. Elle petit seule assurer la stabilité du pou- formules «coloniales» dépassées, trouvait voir central, permettre de réaliser; dans le cadre désormais parfaitement sa place dans le cadre d'une communauté franco-africaine les de la coopération internationale. réformes répondant aux aspirations légitimes des populations d'outre-mer» (153). Le MRP se ** proposait d'aller au-delà de la loi-cadre de Benoît JEANNEAU - Je voudrais remercier 1956 «Ilfaut en venir à une autonomie interne tout particulièrement M. Frédéric Turpin pour totale» (154). Dans ces conditions, l'arrivée du son exposé qui avait le mérite de la clarté et de général de Gaulle au pouvoir et la mise en place l'objectivité, parce qu'après l'avoir entendu, on de la Communauté furent approuvées par les estpersuadé de deux choses Républicains populaires (155), qui firent leur cette formule «Quand ton fils a grandi, fais de - D'abord, des bons sentiments du lui toit frère» (156). Mouvement Républicain Populaire concernant les peuples d'Outre-Mer et le processus de la En 1959-1960, le MRP soutint la politique du décolonisation, même si ces bons sentiments Général en la matière (157). Il ne trancha pas ont été à éclipse pour redevenir sur la fin plus dans le débat entre fédéralisme et confédéralis- vigoureux. me, bien qu'il ait certainement eu une préféren- ce pour la première solution (158). Une fois les - Ensuite du fait que des erreurs et des mal- indépendances acquises, le MRP fit sienne la adresses ont été commises certains gestes politique de coopération du Gouvernement. n'ont pas été faits au moment utile, de sorte Mais, fidèle à sa tradition européenne, il souhai- qu'on le sait bien, on l'a ressenti pour certains ta que «la construction d'une Europe unie et d'entre nous douloureusement, dans le domaine I 'association (le I 'Europe et de I 'Afrique consti- de l'Outre-Mer le M.R.P. ne s'est pas fait une tuent les objectifs fondamentaux de la politique bonne presse, ne s'est pas donné une bonne étrangère de la Fiance» (159). image.

75 Il y a sans cloute la-dessus un mauvais procès fait un très gros effort et les jeunes Kabyles, gar- ou un procès ahusi I' fait au Mouvement çons et filles, se précipitaient à l'école), et aussi Répuhiicain Populaire. Le rapporteur, parfaite- médical. nient clatis son rôle, niais avec discrétion, nous a Nous n'avons donc pas à rougir de notre pré- laissé entendre tout de même sur quels points il sence en Afrique du Nord. Aujourd'hui, certes, y avait peut-être eu dérive. Il y a dans l'assis- on peut estimer qu'il aurait mieux valu suivre tance (les personnes qui 1)111 été iion seulement telle ou telle autre politique. A l'époque, avec témoins nais aussi un pett acteurs de cette his- les éléments dont nous disposions, nous avons toire elles pourraient compléter notre informa- fait ce que nous avons pu. Je crois que cette tion et nous éclairer. affaire algérienne, qui, il faut le reconnaître, ne s'est pas très bien terminée, aurait pu s'achever dans des conditions peut-être différentes. ** Je ne porte pas de jugement sur ce qui a suivi Complexités du problème algérien mais vous avez parlé tout à l'heure d'ambiguïté, mon cher président ; je voudrais à ce propos raconter une anecdote que je trouve très émou- Benoît .1 EANNEAU - Je donne la parole à M. vante. Jacques Augarde (liii a exercé des responsabili- Un jeune garçon algérien, venu de ki mon- tés A l'époque peut-être veut-il prendre la paro- tagne, avait tiré un coup de revolver sur un le. garde-champêtre, l'avait blessé, et celui-ci à son ,lacques AUGARI)E - M. le président, mes tour avait très grièvement blessé le jeune chers amis, je voudrais dire quelques mots, très Kabyle. Je suis allé voir ce garçon à l'hôpital il simples d'ail leurs. stir ce problème de la déco- était mourant. Je lui ai demandé «mais enfin, lonisation, et particulièrement dans le pays que qui vous a indiqué qu'il fallait tuer cet homme jai connu. c'est-Ù-dire l'Algérie. où il s'est posé qui ne vous avait rien fait ?>. Il m'a répondu avec le plus de difficultés. «On est venu, on a exigé». Et ce garçon kabyle qui venait de tirer sur un agent de l'autorité fran- Je sais que chaque fois que l'on aborde ce çaise a ajouté - phrase surprenante et mer- problème, on est torturé et, tout à l'heure, notre veilleuse - «Monsieur, quand je serai guéri, président. M. Benoît Jeanneau, disait justement j'irai en France.» qu il y avait eu quelque ambiguïté. Or. cette ambiguïté ne dépendait pas de nous elle dépen- J'ai trouvé cela extraordinaire - pour ces dait des circonstances, elle dépendait des hommes qui nous combattaient, au-delà des hommes que noits avions rencontrés et avec les- querelles et des affrontements, au-delà de la cltiels nous devions établir un avetiir. haine et de la rancune, il y avait la France et tout ce qu'elle représentait à leurs yeux. Napoléon III avait une idée qtn, à mon avis, était excellente, celle (le créer le Royaume Enfin, il ne faut pas oublier les rapatriés. arahe. e.t d'organiser tin Etat fédéral. C'était le Ayant appartenu toute ma vie en Algérie à l'aile non te lit où I 'A tif riche- Hongrie venait de s'unir, libérale - elle n'était pas spécialement importan- où s' imposait l'litat fédéral américain. Il y avait te, croyez-moi - je voudrais vous rappeler que des hommes ont travaillé, que des hommes ont vrai nient, à ce nioinent-lù, Li ne idée fédérale à laqtielle nous aurions pu tious raccrocher. souffert, que des hommes ont été exclus de leur terre natale et vous n'empêcherez pas que, de Certes la situation des Algériens ti'était pas temps à autre, ils regardent avec émotion cette toujours très lavorahle. Il faut néanmoins recon- côte algérienne à laquelle s'attachent désespéré- naître que la France avait accompli en Algérie ment leurs souvenirs tnie oeuvre considérable dans tous les domaines. itidustriel. agricole surtout, scolaire (J'ai appar- tenu A une région. la petite Kabylie où I 'ensei- Benoît JEANNEAU - Je vous remercie g ne ne ni était remarquable la France y avait Monsieur et je voudrais vous dire que nous

76 mesurons bien quel drame pour beaucoup, et point que j'ai eu l'impression que nous avons plus particulièrement pour vous-même, ont tous été véritablement piégés. représenté la crise et la guerre d'Algérie. On parlait en effet d'ambiguïté tout-à-l'heure. Je voudrais vous rassurer sur un point quand N'oubliez pas qu'en 1954. Mitterrand à propos j'ai parlé tout à l'heure d'ambiguïté, ce n'est pas des événements d'Algérie, disait «Notre tellement à l'Algérie que je pensais parce que là. réponse, c'est la guerre'>. Aucun niinistre de la on peut dire que c'est une affaire nationale où Justice, si je ne me trompe, n'a été plus impï- les erreurs, s'il en a été commis, l'ont été col- toyable que lui en 1957, car c'est sous son auto- lectivement, par l'ensemble du pays, jusqu'au rité que le plus grand nombre de condamnés ont dernier motient, et on tie s'est rallié - le général été guillotinés. On oublie tout cela de Gaulle lui-nième - au processus de décoloni- L'un des maires les plus exemplaires que j''ii sation que ti'ès tardivement. connus en Algérie a été Augarde. Il y avait deux autres maires libérauk c'était un bien petit groupe par rapport à tous les autres. A ce sujet j'ai vécu une aventure assez curieuse j'ai dû aller à I'improviste faire une conférence qu'Augarde. toujours merveilleusement opti- miste, avait organisée en 1960. sije me souviens bien. Il s'agissait d'un colloque international où étaient invités des Américains et des citoyens de différents pays européens. Je devais intervenir le soir, mais, outre les congressistes. la population avait été invitée. Si bien que tout le premier étage se trouvait occupé par les sympathisants du F.L.N., et le rez-de-chaussée par les partisans de l'Algérie française. Faire une conl'érence dans ce climat-là, il fallait le vouloir I J'ai été très prudent. J'ai commencé par déclarer «Je vais d'abord parler avec mon coeur'>. J'avais été frappé par ces propos tenus un jour. par P. Pflimlin «Pour comprendre le drame de l'Algérie il faut tenir conipte de l'armée et des A. Diligent militaires qui disent <(Nous en avons assez de replier notre drapeau et de nous retirer comme André DILIGENT - Il est toujours facile. nous l'avons fait en Indochine. au Maroc. en avec du recul, de refaire l'histoire, de dénoncer, Tunisie». de condamner et d'approuver. Il n'empêche que «Il faut tenir compte des pieds-noirs qui j'ai deux remarques à faire. disent «Ce village est mon village, c'est là que - La première, c'est que vu de loin, pour le mes parents sont enterrés, c'est là que mes petit militant, je pensais que nous étions très grands-parents ont vécu, c'est là que nous avons timides, très en retard, en matière de décolotii- nos racines'>. sation. Je pense à ce qu'ont fait l'Angleterre et «Il faut tenir compte, enfin du Maghrébin qui la Hollande, et, par contraste, à la lenteur de dit «J'en ai assez dans un statut d'humiliation. [évolution en quinze ans (de 1945 à 1960) de de ne pouvoir exercer un certain nombre de nos positions en ce domaine. droits et d'être toujours un citoyen de deuxième - Il y avait chez nous un conformisme évident zone.» en la matière. On devait partager les vues du Bref, chacun avait son message. Chacun por- gouvernement où se trouvaient des radicaux très tait sa souffrance. Je leur ai dit «Je vais vous à droite, et où tout a toujours été ambigu. A tel parler très franchement, d'abord parce que je

77 pars demain matin, donc il n'y aura pas de timide. Nous avions parfois des positions coura- représailles.., deuxièmement, parce que, ce que geuses et claires, mais nous les réservions dis- je vais vous dire, j 'aurai beaucoup de mal à l'ex- crètement à nos congrès. primer niai s je I exprimerai quand même... D'ailleurs je me souviens de Robert Schuman Voyez-vous. l'Algérie est un problème com- qui en 1950, à Thionville, faisait déjà état, à pro- plexe et je vais vous en donner deux témoi- pos de nos colonies, de leur ambition et de leur gnages. Je demanderai aux uns comme aux destin qui étaient l'accession à la souveraineté. autres (le ne pas manifester». Cette phrase a été reprochée à Robert Schuman M'adressant à la fois aux auditeurs rassem- dans les Conseils des Ministres un certain blés Ù l'étage, sympathisants de l'indépendance, nombre de fois. Car nous étions condamnés à et à ceux du parterre, partisans de l'Algérie fran- rester mesurés vis-à-vis de nos partenaires, çaise. je leur dis «Je vais vous lire deux cita- condamnés à aller lentement, si lentement que tions, extraites des discoLirs de deux personnali- finalement les événements nous ont dépassés. tés représentatives de l'état d'esprit du pays. La Mes prises de position en pointe me permirent preinièit sera une phrase de Mendès France, la de dire à l'Elysée, en 1961 ou 1962, un certain seconde de Soustel le». nombre de choses, notamment «Organisez une Je lis alois un extrait (I' un discours de Mendès table ronde, mais ne signez jamais avec un seul France sur la si tuat ion i inpossible dans laquelle parti, le F.N.L., parce que dans ce cas vous aurez se trouvaient les jeunes musulmans à qui toute une dictature pendant 30 ans», promotion était interdite. Il concluait son propos J'étais partisan de l'indépendance de par lzt phrase «Et voici comment naissent les l'Algérie, mais il fallait proclamer clairement idées tI' uidépendance». Tonnerre d'applaudisse- que, si nous n'acceptions pas l'humiliation à nients ati preniier étage malgré les recomman- notre tour, si nous n'acceptions pas non plus la dations j'avais laites. (IUC politique de repli, l'abandon de nos convictions, Puis je cite Soustelle, dans une phrase très nous portions toujours le même message, à iiusclée, exposant que l'Algérie c'était la savoir offrir à l'Algérie sa souveraineté et son France, un département français, que la indépendance dans des liens d'amitié avec la Constitution ne permettait pas d'y toucher, que Rance. Si j'ai défendu Messali Hadj c'est parce deptus plus d'un siècle son histoire s'était mêlée que. les dernières années, il jouait la carte de de à l'histoire de France, et que les liens qui nous Gaulle et pensait qu'il donnerait l'indépendance unissaient ne pouvaient plus être tranchés et à l'Algérie, au sein d'une sorte de seraient de plus cii plus étroits. Tonnerre d'ap- Commonwealth. Nous avons, là, raté le coche. plaudissenients au rez-de-chaussée. Si on avait pu avoir la chance, le courage, et les moyens peut-être, de faire plus puissamment A ce moment, prenant tin air contrit, entendre notre voix, tant en ce qui concerne j' avouai s «Excusez- moi, je me suis trompé de l'indochine que l'Algérie, par exemple, il me papier». M' adressant Ù ceux du haut, je leur dis semble, sans jeter la pierre systématiquement à qu'ils avaient applaudi Soustelle, et à ceux du nos amis, que nous aurions eu un bilan plus bas, qti'ils avaient applaudi Mendès France. En positif dans ce domaine. effet, avanl (l'être nommé gouverneur de l'Algérie, Soustelle avait une réputation de libé- Le MRP a, pour le reste, joué un rôle irrem- ral. d'où ses propos de l'époque. Quant aux plaçable dans le redressement du pays. Il a bien dires (Rie j'avais prêtés à Soustelle, ils avaient servi la République, la Démocratie et l'Europe. été prOOcé5 par Mendès France après les André DENIS - Si l'on prétend faire l'histoi- Vêpres rouges de la Toussaint 1954. Si j'évoque re sans jouer les accusateurs publics et sans cette anecdote c'est pour démontrer avec quelle oublier que d'autres que le MRP ont leur part de rapidité les points de vue évoluent et évoluaient. responsabilités dans les erreurs commises, force Il n'empêche, je regrette que sur les affaires est de constater que nous avons eu aussi la nôtre. d'outre-mer. en général, le MRP, et ce sera ma Nous avons accumulé les erreurs pour une rai- conclusion, ait été globalement trop discret, trop son extrêmement simple Paris n'a jamais vrai-

78 nient gouverné C'était des coteries, à Alger et rapporteur pour son extrême dextérité. Sans ailleurs, qui tenaient le pouvoir, le vrai pouvoir. doute a-t-il campé un parfait catalogue des bonnes intentions qui assuraient notre bonne J'ai reproché un jour au directeur de Cabinet conscience à l'époque, niais l'action n'a pas de M. Naegelen le rôle de l'administration dans suivi les intentions et c'est en cela qu'il y a eu les élections en Algérie. Sa réponse a été, mot des divergences entre nous. pour mot «Mais cher Monsieur, j'en parle d'autant plus volontiers que c'est moi qui ai tru- Si nous parlons de l'indochine, il est bien évi- qué les élections'>. A quoi j'ai répondu ((Cher dent qu'au cours d'une Conférence de Monsieur, je crains qu'avant dix ans vous Fontainebleau qui était engagée. sinon bien, du n'ayez fait perdre l'Algérie à la France. au nom moins engagée, et qui permettait progressive- de votre patriotisme N>. ment de trouver les bases d'un accord avec des gens qui avaient conscience d'être d'ores et déjà Si nos amis responsables ont eu des excuses. indépendants (car n'oublions pas que ce fut l'impréparation à un rôle dans lequel ils l'indochine avait été occupée par le Japon et ont été précipités à la Libération, surtout cette qu'avant de partir, celui-ci nous avait fait le idée qu'après avoir libéré le territoire national, il cadeau de donner l'indépendance sans nous leur fallait libérer l'ensemble de l'Empire. consulter), il nous appartenait de chercher les Je voulais rappeler cela pour que notre rap- voies d'une concorde avec les Vietnamiens. porteur soit un peu moins discret qu'il ne l'a été On a tout à l'heure avoué discrètement tout à l'heure. quelques erreurs du MRP. il faut admettre qu'en Le drame indochinois approuvant un amiral qui mettait le gouverne- ment devant le fait accompli et faisait ce qu'il André DILIGENT - Je ne mets pas en cause fallait pour créer l'état de guerre, il n'a pas rem- l'attitude de tel ministre, ni celle de noire pres- pli le devoir qu'auraient dû lui dicter ses prin- se mais il faut considérer ce que fut notre posi- cipes. tion vis-à-vis de l'indochine par exemple. Pouvait-on soutenir vraiment l'idée de faire une Jacques MALLET - Un amiral gaulliste guerre, de gagner cette guerre contre un pays. André DENIS - J'ai entendu critiquer Pierre situé à des milliers de kilomètres de chez nous. Mendès France alors que j'ai été de ceux qui soutenu par le géant chinois, en lui opposant une l'avaient depuis longtemps approuvé et qui ont armée de quelques dizaines de milliers de sol- continué. Or, il a tout de même su trouver les dats 7 voies, bonnes ou mauvaises, de la cessation d'un conflit interminable, ruineux en hommes, Je nie souvietis avoir été très déçu au moment en finances et en matériel, et nous aurions pu en de nos débats internes sur l'indochine. Je ne fttire l'économie si l'on avait négocié plus tôt. Je parle pas de Letourneau qui est resté mon ami. nie souviens avoir entendu Georges Bidault Mais des banquiers notamment nous expli- déclarer ((il eût été bon qu'il ne manquât point quaient toujours que la victoire était pour une voix N>. li regrettait que je n'aie pas alors demain, que nous étions des défaitistes, de mau- voté avec le groupe. Je l'avais prévenu en lui vais militants, de mauvais Français, de mauvais disant si vous êtes disposé à saisir toute occa- chrétiens si l'on n'était pas de cet avis-là. sion de négocier pour mettre un terme à ce Benoît J EANNEAU - Il faut remercier André conflit, je voterai pour vous. Si vous ne le faites Diligent de cette lucidité et de cette simplicité pas, je ne voterai pas pour vous. J'ai tenu paro- parce qu'il est bon qu'on puisse avoir après le, je n'ai pas voté pour lui. coup, avec le recul, suffisamment d'humilité Frédéric TURPIN - Je vous remercie de pour reconnaître que, peut-être bien, collective- votre témoignage. J'aimerais simplement repla- ment et tous ensemble, on n'a pas eu suffisam- cer dans le contexte historique de la Libération ment tôt le sens de l'avenir. la Conférence de Fontainebleau pour ce qui André DENIS - Mes chers amis, ne serait-ce concerne l'Indochine et toute la construction de que pour l'amour de l'art, je voudrais féliciter le l'Union française. Après. il y a eu un certain

79 ioiiibre de dérives, niais en 1945-46 c'est une la doctrine ne furent pas exclusivement le fait du Fiance humiliée qui retrouve sa liberté. M.R.P. En 1945, 1946, 1947 et même jusqu'aux années de la fin de la guerre d'indochine (1954), M. Denis a CLI tout à fait raison d'insister sur le côté « libérai joli» (lu territoire métropolitain c'est un peu tout le monde politique français, ainsi que des colonies c'est un des grands leit- mis à part les Communistes, qui renâcle à la iuitiv (le la politique gaulliste de l'époque. Le décolonisation, ou du moins ne prend pas généra I de Gaulle, ne I oublions pas, s'était conscience réellement du phénomène, sauf engagé à rendre à la Li bérat ion I' intégralité du quelques esprits éclairés. Mais même lorsque pal riiiioine français métropole et d'outre-mer cette prise de conscience existe, vous ne consta- d'où la lorinu le fameuse de «l-lanoï, dernière tez pas toujours une action correspondante à étape de la Libération». cette prise de conscience. Afrique du Nord et Afrique noire

André DENIS - Si je me tourne vers le Maroc où j'ai vécu depuis, je constate qu'un militaire, notre Résident à Rabat, a déposé le Sultan du Maroc et que le même ami dont je parlais tout-à-l'heure, Georges Bidault, investi à l'époque des responsabilités que vous savez, a approuvé cette déposition du Sultan du Maroc qui fut une erreur et une faute grave.

Jacques PARINI - J'ai été attaché de presse du groupe M.R.P. de 1947 à 1963. J' ai connu, très amicalement, pratiquement tous les députés M.R.P.

Je voudrais simplement apporter un complé- ment à l'excellent exposé du Professeur Turpin qui ajustement noté que le M.R.P. n'a sérieuse- ment pris conscience du problème de la décolo- nIsation qu'en 1954-1955. Il aurait pu rappeler, pour illustrer cette constatation, qu'en 1955 Pierre-l-lenri Teitgen, ministre de la France d'Outre-Mer du gouvernement Edgar Faure, avait déposé deux projets de loi relatifs à une première étape dans l'émancipation des colo- J. Parmi nies d'Afrique noire. Le premier, déposé au printemps, instituait le collège unique pour Le Inonde 1)01 iI iq LIC français, en 1946, était-il l'élection des assemblées territoriales ; le rêt à la décolonisation ? Le terme même de second, déposé en novembre, précisait une nou- «décolonisation» était anachronique à l'époque. velle répartition des compétences entre les On vouait tout au plus réformer les structures assemblées territoriales et la métropole. (le F Enipi re. dol] lier un aspect plus humai n à la Le premier projet est adopté en première lec- dotiii nation coloniale, du moins parvenir à un ture, mais il ne va pas au-delà, en raison du système qui de paternel pourrait devenir frater- changement de gouvernement intervenu début nel. 1956 à la suite des élections. Gaston Defferre Evideniment, cela passe sous silence un cer- devient ministre de la France d'outre-mer. tain nombre de faits qui n' interviennent qu'en- Lorsqu'il a voulu dans la loi-cadre qui porte son su i te, notani ment la dérive dure de certains nom reprendre les dtspositions de ce projet, il ueiiibres du M. R.P. par rapport à la décolonisa- s'est heurté, au sein du nouveau gouvernement, tion. Mais ces dérives paradoxales par rapport à préstdé par Guy Mollet et composé de ministres

80 SF10, gaullistes et radicaux, à la très vive oppo- (5) Sur les fondements théologiques de cette doctrine, consulter sition de ces derniers. La majorité du groupe François Borella L'évolution politique et juridique de l'Union Française depuis 1945. (Paris, Librairie générale de dm11 et de juris- radical de l'Assemblée Nationale refusait en prudence, 1958, 499 p.) : L'évolution de l'union Française- effet l'institution immédiate d'un collège L'influence de l'opinion publique, section I : la politique française et l'sutrc-mer, § li: les programmes des punis politiques, n» 60 : «La unique. craignant, comme la droite, à l'ap- colonisation est un droit pour la métropole car elle est fondée sur le proche des élections sénatoriales de 1958 que «jus communicationis» défini par Francisco de vittoria qui permet à tout être humain d'entrer en relation avec d'autres hommes et de l'institution du collège unique ne leur coûte un s'installer chez eux, à la condition expresse de ne leur causer aucun certain nonibre de sièges de sénateurs. tort. C'est un devoir également que le cardinal Gerlier définissait ainsi : «La colonisation apparaEt, dans le plan pmvidentiel, comme L'institution du collège unique, adoptée en un acte collectif de charité qu'à un moment donné une nation supé. rieure doit aux rare.t déshéritées et qui est comme une obligation 1955 à l'initiative du MRP, a donc été dans la corollaire de la supériorité de la culture».

loi-cadre Defferre repoussée de deux ans, le (6) Fmnçoise Maycur ibidem p. 58. nouveau texte précisant curieusement qu'elle (7) Jacques Dalloz Georges Jtidault, biographie politique. Paris, n'interviendrait qu'après l'élection des assem- L't-larmattan. 1993. 468 p.: pp. 4546.

blées. (8) Alben Gortais Dét,tocratie et liberté. SERP, 1947 pp. 8.9. Ouvrage établi à punir du rapport sur la doctrine du Mouvement pré- Frédéric TURPIN - Le problème du collège senté par Gortais lors du lite congrès national (13-16 mats 1947). unique avait déjà été débattu au sein des com- (Fonda MRP, Archives Nationales, AN : 350AP124). missions M.R.P. dès 1946, notamment à la (9)AN 350AP55, Commission Exécutive. Or, à l'époque le princi- (10) Notons qu'en 1945. à la différence dc l'année 1946. «les pro' pal opposant à cette mesure était Georges 6Ièmes coloniaux et impériaux étaient restés au second plan des pré- occupations de l'opinion publique. Seule une minorité de techniciens Bidault il n'aurait pas été hostile à son appli- et de gens informés s'y intéressaient. Les séances de l'Assemblée cation à l'ensemble de l'Afrique noire s'il Consultative consacrées aux territoires d'outre-mer réunissaient seulement un auditoire restreint» (L'Année politique, 1 946, p. 45). n'avait craint son extension à l'Afrique du Nord. (Il) Jcan-Jacques Juglas : «casse-cou pour l'indochine», L'Aube, Jacques PARINI - J'ajoute qu'au lendemain I septembre 1945. du vote du projet de loi cadre par la Commission (12) Le sous-titre de L'Aube, lors de sa repani était assez évo- cateur de ce point de vue : »l.a révolution par la loi». des Territoires d'Outre-Mer, le journal de Fépoque qui reflétait la pensée gaulliste. Paris- (13) Rapport de politique coloniale du docteur Aujoulat, Il' congrès national (AN : 350AP14). Presse, a titré sur 6 ou 8 colonnes qu'à la Louis Aujoulal docteur en médecine, fondateur de l'Actit,n demande du M.R.P,, on allait abandonner les catholtque du cameroun (1937). membre des Assemblées territoires d'Outre-Mer. C'était la pensée gaul- constituantes, membre de la commission des TOM, député du Cameroun de 1945 à 1956 (il quitte le MRP pour les Indépendants liste de l'époque. d'Outre-Mer en 1948). Frédéric TURPIN - Paris-Presse ne repré- Jean-Jacques Juglas, dans L'Aube du Il septembre 1945 (eCasse- cou pour l'indochine»), écrivait déjà : «L'ère des dominations colo. sentait qu'une certaine tendance du gaullisme niales est passée ( ... ) Finies les tergiversations eu les demi'mesares. j'insiste sur ce point. Nous ne sauvernns ('Empire qu'en le transfomtane en utie consmu- nauté de nations françaises». Je voulais en terminant rappeler que, neuf ans Jean-Jacqucs Juglas professeur agrégé, membre des Assemblées plus tôt, à la Commission exécutive du 31 mai constituantes, membre de la Commission des TOM, député de la 1947, Bidault s'était opposé à un projet de loi seine en 1946 puis du Lot-et-Garonne en 1951. M.R.P. que soutenait Jean-Jacques Juglas ten- ( 14) Albcrt flottais ibidem pp. 56-57. dant à établir le collège unique en A.O.F., car, (15) Article 2 des statuts nationaux du MRP.

disait-il, il faudrait l'appliquer partout. Donc, il (16)AlbertGortais ibidem pp. 8.9.

y avait toujours pour lui en toile de fond le pro- (17) Louis Aujoulat : La vie et l'avenir de l'union Française. blènie de l'Afrique du Nord. SERP, 1947 p. 16. Ouvrage établi à partir de son rapport sur l'union Française au congrès de 1947 (AN: 350AP124).

( I) Pierre Letamendia : Le MRP. Thèse de Sciences politiques, t 18) AN 350AP91 tjniversité de Bordeaux, 1975. 429 p. p. 362. (19) Louis Aujoulat ibidem p. li. (2) t:rmço i, Mayeur: L'Aube. Etude d'un quoodien d'opinion: (20) Motion de politique coloniale du Il' congrès national, 13-15 1932-1940. Paris, Annand Colin, 1966, 237 p. p. 56: «Comme la décembre 1945 (AN : 350APt2). région, les colonies sont traitées par L'aube en termes beaucoup plus ét-onomiques et sociaux que politiques». (21) «En particuliec le MRP entend que l'industrialisation indts' pensable, les modalités variant d'un territoire à l'autre, n 'aboutisse (3) Française Mayeur ibidem p. 57. pas à la constitution d'un prolétariat indigène» (Motion de politique coloniale. II' congrès national), (4) Fraxsçoisc Maycur ibidem p. 57.

BI] (22) l_e député MRI' oI'Algcr, Paul V'tard, qui avait activenient liberté oie I 'enseignentent cit Pra,tcesesit réglée' par les Se'tcégalats et patticitié I'élahoutlitin des projets constitutionnels du Mouvement les Martiniquais, je ne suis pas d'accord (Applaudissements)s en unatièret stttœitter, était pour sa pan partisan dune solution rela' (intervention de M. Btoquer AN 350AP56). iveitieni proche dc I' assi tuiliti tin, i.e M R P clin nut dc sérieux pro. (33) Maurice Schumann, Conseil national des 25-26 août 1945 tilèittes I ts'Cc 5es i'étléi'tti jolis ci' A friquc du Nord, en part icu lier celle (AN 350AP56). d'Algérie, qui refluait la «tendance fédérali.ite'. du Mouvement (Note isittr les metithres de la Commission exécutive sur la situation (34) Jean'Jacques Juglas, Il' congrès national (AN 350AP14) en Afriqite (lu Nord. 17 juillet 1946 AN 350AP45), (35) Albert Gortais ibidem pp. 57-58. Paul ViarLI Doyen de la fliculté d'Alger. metubre de l'Assemblée Cuti sutuative 'rosi soi re. tiettibre des Assemblées Constituaittes, (36) «Nous rendrons en même temps service à ces pespulatio,ts si tlé1sttttS d'Alger (ctott réélu eti 11)51), tinta arrivons à les e'ottraine're que l'heure où nous riveins ne se prête pas à la ce,nstitution d'une multieude de petits Etats dont l'indépen- (23) Louis Aujoulat ihidetti p. lb. dance n,' peat ètn' qu'un mythe. En face d'Unions politiques ce éro' stotniques telles que I 'URSS, le Contsnonss'ealtlm brito:tniqua les 24) 1_tittis Attjotttttt iliiLlettt p. 15-16. Etats-Ustis, les cemllectirités ou peaples d'outre-mer ne peuvent s'rai- (25) AN 350AI1 14. usent troui'er te degré de liberté néce,esaire à l'expression de leur personnalité qu'au sein d'une s'aste coinenunauté : l'Union (26) 1_tutés Attjottlat ihidcttt 1,. 3), Eronçatse'» (Louis Aujoutat itsidens p. 14). 1109. (27) Picite du ntilitttnt sériel, du ter tisai 1946. «Le MRP et (37) AN 350API l'tittioti Prtnçaise» (AN :351)AP93). (38) Frattçois de Menthon, au cours du Conseil national des 25- i.e chic limité de ces asseutiblées avait déjà été évrsué par la 26août 1945, affirmait notatnment «Nous voulons nous arieneer le notion dc politique coloniale du II' congrès national «Estime que plus rapidement possible u'er.t une u,tie,n fédérative de tous les terri. tuir lot eolialon est I.' t'éegtbli,i'sen,e,tt cl 'otxeuti,s,nes loceurr les hahi- toires farinant l'union Eraomçaise». (AN 350AP56). testas ciel te'ri'irnin's d' Duos-Mer dervont partit 'iper à la gestiott des dcffi'n',tte'st'in'onst'riptiona de leur propre pays, faisan, ainsi I 'ap- (39) L'article 41 du projet de Constitution du 19 avril 1946 stipu- pn',tti.isnge (le leur nouvel état de citoye,t. Partou, où I 'évolution lait «La Francefonne avec les eerritoires d'outre-Mer d'une part, .s,'tst suflisatttcttettt o t'a,tt'ée, dos asscutblées o.pree,s'enta,ites devront ci avec les Erats associés (li,ntsie, Maroc) d'autre pan, une union .ttn' ceins) iou'e's ail chef-lieu des colonies ou des fédérations». librement consentie.. La fiche n°9 série t du I" mai 1946 (sIs MRP et l'union Française'.) donnait une interprétation très libérale de ce (28) Précisons qtte le Mouvement scnshlait avoir des di (lieu tés à consentement «Ce libre consentement sera affinité par un référen' li ver sa duel t -i te slttattt utt collège tt nique. Ainsi. si AUJOU lai, au cours dam sltécial, dans l'hypothèse où le référendum naétmpolieain dan' de ta Couttittission exécutive du 12 marx 1946. s'exprima en faveur nerais la majorité au.r «oui.. Dans le délai d'un mois après ta date du collège unique en Afriqite noire, Bidauli proposa de distinguer fixée par la loi du 2 novembre 1945, les électeurs et électrices des l'Afrique blanche (pas tic collège uniqite) et I 'Afrique noire (collège terrieoires de I 'Union Française, r compris I 'A Igérie, et pesur tesus les ttttii1tte seloti les cas). Nolsins slue, lors de la Commission exécutive collèges électoraux seront ce,osaltés par s'oie de référendum sur la ittt 31 mai 1947. Il idau Ii s'opposa à un projcl de loi M R P (soutenu qttestion suivante : .Approut'er's'ous la Constitution adapeée par pal - Juglas) uendanu à établir le collège unique en AOF. car «ilfau' l'AssembMe Nationale Constituante 7». Notons bien que si ce texte boit I'tipjmliqtct'r 1'motout» (AN 350Al'45), très libéral reconnaissait en théorie la possibilité de dire non, il n'en' visageait nullement cela dans une perspective de séparation définiti- (29) Au cours du etmttseil national des 8.10 titars 1946, des en. ve avec la France. Le cadre français demeurait intangible malgré ces tiqttes Ittrent expritttées contre une trop grande extension des droits quelques velléités de choix stnaciurets. Gessrges Biduult, alors (iecitoytit ttms indigènes. 'cuti Csmste.tqt,ret lotion alors au créneau Président du GPRF, avait ainsi donné au président de la délégation «le dis que nous cvonsn, ait ,'outrain' qtte I 'octroi de ces dvoies de française à la conférence de Fontainehleau, le MRP Max André, des itture'stne'ot s) I 'ensemble des itteligènes t'it'ant sella le drapeetu de la consignes de fenneté en excluant l'usage du mot «indépendances Fis,, tee est pe'tet'o'tre' ton tIcs' ,sttts'ens de e'rttlsc'rx'e' r et de ra calmir I 'in' afin de ne pas ouvrir la voie à la désagrégation de l'union Française ségdre de' I 'lfntpits' (... ) Je ,'e'prsnds donc très fermement due 'tons (Pierre Letamendia. ibidem 364). .teun,nes de' c'eut qui at'e'ns voulu et qui avons eté les i,titiateur.s de p. met cst,s,i des d,scit,s dv' e'itos'e'n,s à tr,ti,s les itteligèste'.s riront dons (40) Motion de politique ct,loniule, Il' congrès national. l'Union 1')'o,m1'ust, (AN 3511A1'57). (41) Sur le travail consiitutionnet en matière outre-mer des deux Notons égaiettment que tes représentants MRP à ta Cot,,n,ission de assemblées constituantes, consulter Paul lsoan «L'élaboration de la la Cuits! il tu ion se div i sèrenl, le 6 février 1946. lors du vote du para- cs,nstitutis,n de l'ljnitsn Française tes assemblées constituantes et le gntpime stuvatti o lits les ,totionetttr et rc'ssorti,sse,,tts freotçetLs etc la problème coloniats itt Les chemins de la décolonisation française ,nétnysmlc' et do',s territoires el'e,u,re-nrer jesutss.'ite des einsies pbli- (1936.1956). Paris, CNRS. 1986, 564 p. tiques attat'lsés par Ici présent.' m'e,nstitution e) la qualieé de ciioven « L'Animée msmlitiqtte 1946, p. 28). (42) Joternat Officiel dc la République Frattçaise, Assemblée Nationale Constituante, Paut Viard, Il avril 1946. (301 Rappon de politique coloniale. Il' Congrès national,, (43) Elle se pmposait de mettre en place un véritable système (31) Sti r celte comIce PI Oit gésslratégique qui faisait tic I' Empire fédéral dans lequel chaque territoire aurait été considéré comme un ttuu éldmoctmt vital de la ptnssanec française et l'adhésion massive Etat avec sa propre souveraineté. qu'elle emjssnail au ss,rtir de la guerre. consulter Charles'Robcn Ageoin t,a survi v:tnce si' ttn mythe la puissance française par (44) Ce pouvoir aurait été largement accepté par des populations l'I!ttmpite eclottial (1944-1947)o, in b: putssetne'e'franç'aise en qtoe's' d'ssutre-nter à qui on aurait au préalable concédé ta citoyenneté fran- tic,'. 1945.1949, l'aris, l'uhlieauions de la Sorbonne, 1989, 471 p'). çaise (avec la possibilité de conserver leurs statuts privés, sous réser- ve qu'ils ne portent pas atteinte aux dmits fondamentaux de l'hom- (32) Ccrtains timenmhres titt Mtsuvcnset,t avaient, au cours du mime). Ces prises de position sur la citoyenneté, ctstnme nssus l'avons couse il nul anal tics 25-20 am,t'lt 1945, critiqué la présence de repré' évewué préeéslemnsenu, ont soulevé de sérieuses réserves au sein du senlatos d' I )utre-Mer à lu Constituante, car cette dcmtère devait Mouvement, en paetieulier lors du Conseil national des 8-10 maIs uvtsi r stur objet de définir la Constitution de la Pranee (celle de I' cm- 1946. D'ailleurs le MRP se ralliera durant la deuxième Constituante sut' suivrait ttttérieurenmenll 'On loir aller lesin clans lei vesie de à la formule vague de la citoyenneté de l'union Française, I 'éu,ettccipaeion de' nets territoin's colnuiater, detns la roi,' de I 'éman' s'i(sttieln, j'en sttis 4! 'ae'ce,nt : que I 'eut donne utr :me,uteau statut osa (45) La composition du Conseil proposé par le MRP était la sui' jtopule,:ittn.s i,tdigè,me's, j'enai,d 'ae'r'ensi ç qu'ils etit un entpirefmn' vante: un miers de délégués des familles, un tiers de représentants des 1'ai.s l,h'n articulé, j'.'n suis cl 'ac'e'e,rd, s,utts que la question de la territoires d'outre-mer et un tiers de représentants des syndicats. Ce

82 ternie de Conseil de l'Union Française était donc pour le moins Notons cependant que les élus outre-mer du Mouvement, plus inipropre. libémux que leurs csmarades métropolitains, étaient peu enthou- siastes à l'égard du titre VIII «qui ne satisfait pleinemnent person,tcs (46) JOANC. 12 avril 1946. (Louis Aujoulat, lite congrès national). (47) 288 voix contre l'adoption et 260 pour (JOANC. 15 avril (57) citons, à titre d'exemple, ta fiche du militant d'avril 1951 1946). (série I. fiche technique n» 5), «Le MRP et l'Union Françaises (49) JOANC, Il avril 1946, Paul Vlan]. «Soulignons le rôle prépondérunt joué par le MRP dans la rédaction de ce titre» (AN : 350AP93). (49) Fiche du militant n» 110, série M-n» I bis. octobre 1946, «Le MRP et l'Union Française» (AN 350AP1 24). (58) Jean-Marie Sedes, dans L'Aube du 8février 1947 ("L'Union Française, association exemplaire»), la dicrivait en termes très iré- Le ttouveau projet MRP distinguait «la chambre de réfle.sion. dit niques: «L'Union Française est la détentriced'une certaine t'o,tce1» «Co,t oeil de la République., eh' l'Assemblée' de l'Union Française. tion de l'homme et de la cité, du travail et de la Justice sociale ; elle qui légifltre pour tout ce qui concerne cette Union». Cette évolution est un e.semple de groupement pacifique de cultures diverses et de s'expliquait par les inconvénients soulevés par l'ancien Conseil de t:voyances dtfférentes s'harmonisant dans un respect réciproque et t' Union Française : les représentants extra'nsétropohtuins apparte- s 's'ttri»-hissunt mutuellement : elle est le type d 'ttpte us.sot'Lotion nain A celte chambre n'avaient pas la possibilité d'exercer leur «ou- d'éeottomies complémentaires d'où il_faut bannir l'égoïsme et l'ano- veraineté en matière d' Union ; ils devaient en outre émettre bon nyme exploitation». nombre d'avis concernant des sujets purement métropolitains. (Ml?? (59) Rapport d'activité parlementaire du groupe MRP, novembre à l'action, n» 2, 15 juillet 1946 sNos députés au travail proposi- 1946'aoùt 1947 (AN; 350AP74). tion de loi Coste.Fltsret n» 68 tendant à établir la constitution de la République»; AN 350API 19). (60)11 s'agit plus exactement d'une cogestion avec les autres par- tis de la majorité gouvemementale. (50) «Le MRP ne pouvait que repousser un tel projet qui repré' senretit tout à la_fois lrt conda,nstation de l'ouvre accomplie par la (61) Le MRP dut se défendre, Il diffusa une fiche du militant spé- Fronce, et I'e.raltatio,t des nationalismes locaux» (Fiche du militant cialement consacrée à cc problème, intitulée «Vérités sur n» 79, série M-n» I, octobre 1946. «Le statut de l'Union Française Madogascar». Le préambule affirunait notamment: «L'action tnenée devant la deuxième Assemblée Constituantes; An: 350AP124). à Madagascar par Pierre de Chevigné, député MRP des Basses Pyrénées, u été_fréquemment mise en cause il s'agit essentielle- (SI) Sur cette intervention, ct»nsolter Gcorgette Etgey : Histoire (...) ment de_faire porter sur le MRP les effets de la répression et il est de de la IV' République. TI ; La Répttblique des illusions (1945.1951). première importance que les militants du Mouvement soient, à nou- Paris, Payant, 1965, 557 p. ; pp. 221-222.223, veau, paifaitement informés des responsabilités qui ont été assumées (52) Les députés d'outre'nser obtinrent quelques et,ncessions par l'un des ne)tres dans cette affaire», (AN : 350AP 124). possibilité d'évolutiott des statuts au sein de l'Union (anicle 75) et Pierre de Chevigné : ancien officier, membre des Assemblées citoyenneté de l'union Fntnçaise qui ne soit que de superposition constituantes, député des Basses Pyrénées. (article 80). (Paul Isoart ibidem pp. 30-3 t). (62) Ibidem n» 59. La déclaration du Comité national du MRP du (53) JOANG. 18septembre 1946. Le comtnuniqué de la Commis- 27avril 1947 était sans équivoque: «Le Gouvernement, avec l'etl»pui sion exécutive du 16 septembre 1946 affirmait déjà: «Elle confirme des ministres MRP maintient fennement dans tous les territoires de la s'olonté du MRP de s'opposer à eouee atodificalion du projet gou' l'Union Française la présence de la France contre toutes les agres- vernemevteal de Conseietteion de l'Union Française, qui garantit le sions». (AN : 350AP58). maintien de la e'oltésion entre les territoin-s de I' Unio,t » (AN 350AP45). (63) JOAN, 6-8 cl 9mai1947.

(54) La fiche du militant n» 79 série M'n» t d'octobre 1946 se (64) L'année politique, 1947, p. 303, concluait de manière fort claire : «Ainsi, let souveraineté française (65) reste peJrtoul osstitée», Roheo Schuman aumit demandé à Pierre dc Chevigné tt'évi- ter une deuxième guens d'indochine et aurait dit : »Faites t'»' que (55) Juglas donnait d'ailleurs de cette possibilité d'évolution une vous voudrez mais_faites rite» (témoignage de Pierre de Chevigné, in vision très limitative : «L 'aulonomie peut étre poussée loin dans le Pierre Letamendia ibidem p. 37 i) cadre de la République Française (.,,) Rien ne s'oppose à ce qu'in' (66) Le MRP se justifia en arguant que «toute répressio,t etttroî- tervientte,tt des mesltficutions telles que, progressivement, avec le ne inévitablement des violences reg rettable.s» mais que «tous les fctit.s développement de l'espérience politique de ces territoires d'outre' rapportés se situent en 1947. sous l'autorité de M. Moutet, socialis- mer; lote autonomie plus grande soit assurée dans ce cadre de la te, et de M. Coppet, socialiste, à Tanunarive». Quant au nombre de Républiqtte Française qui ne semble pas exclure une très large auto- 80.000 victimes, il le contesta en avançant que ce chiffre était bien nomie». (JOANC, 18septembre 946). trop élevé et que, pour la plupari, il s'agissait de victimes dc la rébel- (56) «Il ne pous'ctit absolument pas être question d'espérer une lion, (»Vétités sur Madagascn). majorité même_faible stir le projet MRP vis'à -vis duquel socialistes, (67) Le rapport sur l'union Française d'Yvon Razac, sénateur de eommuttistes et dépttlés autochtones se montraient plein de méfian' ta Mauritanie, lors du VI' congrès national (mai 1950) affirmait te, Au contraire, il v avait lieu de croire que l'unanimité réalisée au «L'ordre règne ( ... ) Le problème essentiel reste néannaoin.s d'ordre sein du gouvernement et la_fermeté catégorique de Georges Bidaule politique : les Malgaches réclament un statut nous'eau, Itous devons détennineretient une adhésion massive de I Assemblée à tin statul dès maintenant l'envisager» ( AN: 350AP20). Le MRP demeura par qui, en définitive, étaie reconnu comme acceptable, par nous» (Fiche la suite fidèle à celte ligne libérale. du militant n» 79, série M-n» t). Cette fermeté de Gcorges Bidault est confirmée par Claude Guy (aide de camp du général de Gaulle) (68) «Vérités sur Madagascars. Le spectre indochinois pesa lour- qui rapporte d'un entretien avec lui, le 19septembre 1946, le pmpos dement sur cette affaire. suivant : «Vous avez d'ailleurs devant vous un homate qui, dans (69) L'Aube du 25 septembre 1945 saluait la reprise en main par quelqties instants, elétermi,té à accomplir tin geste probablement les troupes françaises de Saïgon dans un article intitulé «Le désespéré, ira defevtdre devant let Comatission de la Coustitution, Gouvcmement provisoire annamite n'existe plus et les trois couleurs puis ensuite à l'Assemblée, une position que nous avons décidé de flottent à nouveau sur les bâtiments publies de Saigon». raidir. (Je viens de revoir Motitet et Varenne : j'ai recttfté leur posi' tion. lis sont d'uilleurs toujours prêts à céder;..)» (Claude Guy : En (70) La fiche du militant n» 5, série I, sL'Indocbine», du t' mai écot»tu,tt de Gaulle, Journal 1946-1949. Paris, Grsssct, 1996. 1946 énonçait le principe d'action suivant : «soutenir l'action de la 521 p.; p. 122). France, qui est celle de nos ntinistres Bidault et Michelet, à qui nous der,t,rs de pouvoir Ittrr euc'r,n'. à l'heure actuelle. présents en (85) Frédéric Turpin : «Le MRP et la guen'e d'Indochine (1944- lndo,'ltiue', (AN 350At93 ), 1954)» in R,'t'ue d'histoin' diplomatique n' 2, 1996. pp. 157-190 pp. 188'190. (7 I) I )ans L'A celte des 7-8 juillet 1946, nous pouvons lire Regis'oons qtu- la l,otine volonté montrée par t'as négociateurs t, 'ait (86) La motion sur l'Union Française du IVe congrès national «Le MRP salt,e la libre adhésion pas ('ni. et en fi.... une égale cotnpréltension.. Le kiki' à I 'action (mai 1948) afliranait notamment (huliclin de liaison intérieure (les militants) n' 4. du 1.5 aoàt, ahon- à l'Union Fra,tç'atse du Cambesdge et titi Laos, il souhaite la pro' Liait tians le ntêtte sens. (AN 350API 19). rhaitte redhésion tin Mans', de la Tuttisie e' du Uet'Naaa », (AN 350AP15). (72) Maurice Schumann. tians L'Aube des 5-6 janvier 1947 (*Avitttl lente négociai ion»). approuvait les positions prises par le ltetn MRP à l'action n» 67, deuxième quinzaine d'avril 1949 ntinisttt dc la I'rattce dl )utre-Mcr, M anus Moutet, et écrivait «I.a Tunisie, futur Etat associé». (AN 350API 19). Ni tti.t o it5ttfl fsts le ,'ltoLt ,'ttets' lei tté,i, ..... iolioct e', la farce. tuait (87) La motion sur la Tunisie du VtI' congrès natisansi (mai 1951) etten le n'..; t',', iatpose dis act'onts lil,rentent ,tégrs'iés t', / 'ahdica' approuvait la politique de réformes de Robert Schuman. En outre, hou pitre et .tàttplc' ,l,'rattt elle demandait «que les gout'entemnents français et tu,tisien rober- (73) Elle avait pcittr but tic dissocier les nationalistes vietnamiens cItent les coeedilio,ts d'uit otto ni qui stnhstieue le stattit d 'o,ssociotiott ttttttcO ttititttttistts titi Vici-Minb, au régime de protectorat et prét'oie / 'adltésitan du notirel Etat asso- cié à l'Union Eronç'atve» (MRP à l'action n' 115, deuxième quin- l'attl Ct,ste' haret professeur de droit à la faculté d'Alger. zaine de mai 1951: AN: 350AP1 19). ttiettihte des Assettthlécs constituantes, député de Il lému It. Rohea Schun,an symbolisa cette politique libérale et évolutive, (74) lits Ilaitton, tians L'Aube du 3 février 1950, écrivait «Le par opposition à Georges Bidault. beaucoup plus conservateur et 'ou_Iii: J 'lndoi'hiu,' n 'oppose pas la Fra,ti'eau peuple nietoa,nien : i- nationaliste (tNationaliste. Georges Bidanit l'était dès ceue époque n: nt aspect J' un,'onflit i,teeneatioual da,t.s lequel. hélas f la ge,er pot,r toete ce qeni concenaait I 'inét'itable tiécolontsalioe, et I 'at'enir de ut' n 't'.st plt..s fonde.. I 'Uteiott Française' Picrrc-Ilenri Teitgen Faites entrer le témoin stot'a,tr. 1940-1958 ,' De la Réststa,tce à la » Répul'liqtte, Rettncs, l,u Notes t politique (bulletin à l'inlettlion des tts- el'itrfiosnaiio , Ouest France. 1988, 587 p. p' 412). L'affaire du discours de pottsai'lcs locatis), ttattiéro spécial sur l'Indochine, du 10 mai 1950. Thionville (9juin 1950) illustre bien les différences entre les deux abondail dans le m&ne sens. (AN: 350AP121 hommes (sur ce sujet. consulter Raymond Poidevin Rohert (75) l)isctiut-s tic Jean l_et itt rneau à I 'Assemblée nationale, 22 ,Çt'hunteot, ltontote d 'Etat. 18861963. Paris. Imprimerie nationale, t ose ittiire 19511 (1.1/11' à l'ae'ei.tn, n' 103, deu siètue quinzaine de 986, 520 p' p. 346), ttovcitthrc 1950: AN : 350A1' 119). (88) Rappon d'Yvon Razac sur l'union Française lors du VI' 3 eatt I .etourtteau : admitii si niteur dune société de charbonnage congrès national, mai 1950 (MRP à l'action n' 92, deuxième quin- l)aL tir), tttc,tttire tics Asse ttthlécs Constituantes, dépttté de ta Sarthe. /aine de tuai 1950 AN : 350API 19).

(76) AN : 350A1'26. (89) AN : 350AP23,

(77) » le' AIR!' o le .Ini!, 'Je' se poser ele,t questions (.) Ce qui est (90) Maurice Schumann, comité national du 27 janvier 1952. gt,at'i' t' 'est qti 'il Y o des st.jet.s sur lesqtu'tt oit feue le toile dc' la (AN: 350AP60). bi,'ttséa,tt',', tissée' fiai' les fus tic / 'amitié. (itt jour l'orage déchire le (91) MRP à l'acabit n» 105, deuxième quinzaine de décenthre vaUt'. (l.éo Ilanioti, cotnntission exécutive du 18 ntai 1953 : AN 1950 : «La Tunisie deviendra-t-elle un Etat associé 7», (AN 350A1'SO), 350API 19). 78) Atistré Colin, lors sic ht ctsttttnissioti exécutive du 29octobre (92) Consulter la déclaration de Rohers Schuman devant le grssu- 1953, évoqua, nous sans irottie, cetic situation : 'Le Moure,tte,tt se pc MRP du 22janvier 1952 (Rapport d'activité du groupe parlenaen- sot,t'ettt ,lerrièn' tin rid,'au (le fumée des prnhh 5'nes que netus taire MRP à l'Assemblée nationate, juillet 1951-mai 1952 : AN ne pi'uts'ns pets réa e,u,ln' fouu'ltentent enen' nous et tics prnhlènu's 350AP75) et la commission exécutive du 26 janvier 1952 (AN les plte.s es.n'ueie'ts, lle'u,s'u.sente',tt que 'tous mt 'et laits fou., de quoti' 350AP50). dico , si,,, ut je tut' ,lt'tttetit,lt' qt.t'llt'.s e,tplie.'tttiouts artolsitiqtres ttotis pourrit tus donner iIi-s cures ,lit'e,yents». (AN : 350A P5 t), (93) Le groupe partemtntaire manifesta, le26marss 1952, sa «pro- fonde émotion', François de Menthon, au nom du MRP, demanda (79) 74 députés s'ahstinretil volontairement, tttais 10 votèrent des txptications 'a Robeti Schuman (Rapport parlementaire. juillet l'ittvcstitttcv (Ncites et des'untt'nts, série vcnc. n' 52. 17 juin 1954 1951-niai 1952 1. 'Attttée politique, 1952. p. 201). AN : 35(IAI'82), (94) Robent Schuman dénonça cet état de fait dans un article de (80) Cottuté natiottal tIcs V'ltijuitict 1954, (AN : 350AP60-61 Let Nef de mars 1953. (Hl)AN : 350Al'51. (95) AN : 350AP27. (82) Notes e'tdoe'ttute',tts. série verso, n o 55, 23 juillet 1954. (AN (96) r cotigrès national (tuai 1954). 350Alt82). (97) Rapport d'activité parlementaire du groupe MRP à (83) Rapport d'activité txtrletnentaire, liai 1954'tiiai 1955. I'Assetnhtie tialionale, mai 1954-tuai 1955 (AN : 350AP75). Le dcttsièttte partie : l_'lttttstcltitte et les étahlisscntcttts français dc MRP avait décidément la dent dure contre Mendès France. 'Inste, chapitre I : le grottpe M RP et tes accords de C,cnèvt, (A N 350A1'28). (98) Fiche du militant R 14 de novtnihre 1955, «Afrique du nord', (AN : 350AP124). 84) Ces critiques t 'étaietit pas seuletoent te fait des adversaires pttlitiqtte.s (1tt MRI'. tjttc partie du tuouvctttcnt chrétien n'était pas (99) Alfred Coste-Florct. dans son rapport de politique extérieure. non Itt s très tendre : « hit,.',' a,,eère. pe',tsée' e'ntpotncnttté.' 'ecu, hi,. lors du VIII' congrès natiottal (mai 1952), affirmait : «Les naitona- tain' à la fui.. v, i,uin,'lle et inepte, c,'tte histoin' de .11v aies écrite à tistnes arabes sont un fait, niais l'interdépendance des intérêts foin- I 'otto' rouge, l'a été ;ieer tus e'ltrétien,,, p0 .....un cloute l'arrivée a,, çats e, tunttiens, français et marocains, est un autre fait. Pour lottg- po,et'oit; I.' le'tt,le'tutaiu (le la l,i hé ration, ni 'o suit co,tt blé dc' joie et dc tentps encore, titis techniciens t', nos honttnes de science sont ttéces- fi,,.t,t Ascites le'»'etueuge d'est ,'ottt'enir : à dis ans d'intn'rs'alle, la noires au Marne et à la i'untsie. De l'interdépendance des intérêts il faillin',le la ,ln',,to,'netie e'hré,i.',tne répotul à la fleillite du oatio,ta' est aisé de conclure à l'interdépendance des destinées. Et l'aboutis- lisme' intégral. (Frtnçois Mauriae : Bloc'ttotes, J 952-1957. Paris, sente,,, nonnal du dialogue entre deux cit'iltsation.s aux valeurs (ont- t:httttttutris,n. 1958. 410 p' t' 85,7 niai 1954). pléinentaires, dois étre la libre adhésio,t du Marne e, de la Tunisie à

84 l'Union Française.. (AN :350AP23). à la Fronce par la grnndefennentation des peuples sous-déreloppés et par i'ienpérietsse nécessité pour ,'lle comme pour eux qu'entre les (lIt)) La motion sur le Maroc du VIII congrès national rappelait pettples de sa otoureot ceci elle'mi'ote suite totiopt demeure, il n 's'si pets cet j mpératif « fut confiait ce' aux ministres n'spostsol'le.s pour que d'antres réponses que I 'etssociotio,t, u,te nssoc'iettioo dont les modo' soient défintt dans un protocole convnun e lu politique d 'association lieés peui'ent rader et ét'oluer maLt indéfectible qtsond eni'nte. ,ti,tsi cluse les ettgagetnents gitra,tttssaitt la sieuct000 juridique des (Rapport du conseiller de l'Union Française Georges Le Brun Kéris Fronçais du Monts'». (AN 350AP22). sstr t' union Française, X' congrès natiotial, tisai 1954 AN (I I) Fiche du Militant n' 6, mai 1951. «Indochine-Tunisie- 350AP27). Maroc». (AN 350AP93). (116) Paul Coste'Fl(iret. IV' congrès national. mai 1948 (MRP à l'action n' 46). deuxième quinzaine de mai 1949 AN : 350AP1 19). (102) I_a politiqtte menée sur place par le général Jttin ne trouvait pas grice auprès de bots nottibre de Républicains populaires (117) Rapport sur l'Unitna Française de Le Guénédal, IV'congrès «Encore une fois. où l'eut-oit ett tenir 7 ( ... ) U-ut-on la goern' soittte national, ctts Marne' 7 Nous ,tot,s refusons à uume que le goule oternent fran- çcji.s' ptitv.se cotss'rir de telle.s nherraeio,ts et lctts.ser itt fonctiottnnire. (IlS) Pierre-Henri Teitgen, ministre de la France d'Outre-Mer, fit si ltout placé soit-il, c'ootposoteure les rel,ttio,ts frostcrs' un vsster par I' Assetublée laI ionale la loi relative à la réorgattisation (L'Aube. 21 février 1951). tnunicipale des territoires d'outre'mer (JOAN. 18 novembre 1955).

(t03) Raytoond Poidevin ibidem p, 360 et REM Irving Chris,inn I 19) «La eiécenernli,seteion petst être acense e) la fois petr lu' ren- de,ncs,rocs' ut Frastce. Londttn, (ieorge Atien and tinevin, 1973, forcement des pouroirs de.s dis'erses Assemblées facettes et, .stir le p. 308 210, litait de I 'es'utc'tt ?if par la création uiu'.s Conseils de ge,urersts'ntene e, peur I 'afriu'anisotion ds'.s Jonctions ci 'atttoriié» (Rappon sur lUnion (l(M) MRP à l'action n' 92, deuxième quinzaine de mai 1950. Française de Joseph Damas, Xl' congrès national, mai 1955, in (AN 350API 9). Foires nottrelles, numéro spécial. juin 1955 : AN: 350AP28).

(tus) La fiche du militant n' 3B d'avril 1955, «Algéric-l'unisie- (120) Pierre'Ilenri Teitgen ibidem pp. 462.465. Maroc'., tentait dc justifier l'action du ministre MRP des Affaires étrangères «On ne peut dire qt.e le SuIntes étaie un interlocuteur (121) Le MRP s'intéressa en particulier à la citoyenneté de soluble puisqu' elep sis detst- n,ts il se refusait à tottte eo,trersatiost. il l'union Française. Ainsi Daniet Boisdon. au nom du groupe MRP de 'étttit ltltts rut i,ttt'rlocurettr dtt eottt (.,. ) Ne pas I 't'xiler. c 'étaie s '(s- 'Assemblée de l'Utaots Française, déposa une proposition de réso- poser e) la guerre c'it'ile ( ... ) l_e ntalltetsr est que notts avons eu lot lution «te,tdutne à obte,tir l'étude, par le Gottt'ernemeni, ci le tore, Résident militaire. réclanté par la droite, qui n'a pus su prnfteer de pur le Parlement, d'tine loi déflnts.sant le contenu de la citoyenneté ces ,ttois de calme pour apporter ats Maroc les réformes sociales et de l'Union Française. (Lettre de Jean Letoumeau, ministre d'Etat politiqtn's qui s 'iutposaieett». (AN 350API 24). chargé des relations avec les Etats associés à Robers Schuman, ministre des Affaires étrangères, 6 novembre 1950 Ministère des (106) L'Année politique, 1954. p. 198. Henri Bouret. tors du X' Affaires étrangères, série Asic 1944.1955, sous'série Indoehine, congrès national (mai 1954), rappela les positiont antagonistes de n' 59). Roben Sehuman et de Georges Bidault en se demandant lequel des deux avait raison II va de soi que, pour Henri Sourd, Robert (122) Rapport d'activité du groupe parlementaire MRP de Schuman suivait la bonne direction. (AN 350AP27). 'Assemblée nationsle, mai 1952'mai 1953. (AN : 350AP75).

(107) Au cours du débat sur le Marne, à l'Assemblée nationale, le Joseph Dumas : ouvrier ajusteur. membre du bureau confédéral de 27 août 1954, Jean'Raymond Laurent, au nom du MRP, affirmait que la CFTC, membre de la deuxième Assemblée constituante, député de «ce problème ne sat,mie, scient nous, être considéré comme priori- la Seine. taire, la prééminence retenant bien plutôt ou pmblème des réformes (123) Rapport sur l'Union Française de Tlséramène 't'lsémia, V' à accontplirdans les serucnsres e, les inseinieions» (Rapport d'activt' congrès national, mai 1949 (MRP à l'action n' 70, première quin- té parlementaire. mai 1954-mai 1955 AN 350AP28). zaine de juin 1949 AN : 350AP 119). Le rapporteur 'flémia affir- (108) Ces questions furent abordées lors des commissions exécu- mait également : «Le but à atteindre est d'assurer le déi'tloppemene tives des 27juillet. 4 et 26août 1955, (AN 350Ar5 I). optimum de ces territoires au bénéfice de leurs populations en bar' monisane leur économie avec celle de la Métropole dans le cadre (109) Le groupe MRP, à l'exception de Georges Bidault. approu- général d'utte économie d'union Française'. (AN : 350AP16). va la politique gouvemementalc d'Edgar Faure (JOAN, 8 octobre 1955). (124) L'Aube, 17 août 1950, Georges Le Brun Kids : «Union Européenne et union Française : un idéal double et non contiadic- (110) Georges Bidautt fut le seul député MRP à voter contre le loire». traité d'alliance avec le Maroc (JUAN, 28 mai 1956). (125) Rapport sur l'union Française de Georges Le Brun Kéris, (III) Fiche du ttiilitant n' 5 d'avril 1955, «Le MRP et l'union VIII' congrès national, mai 1952. (AN : 350AP23). Française» (AN 350AP93). C'est également ce que réclamait déjà Daniel Boisdon, président (le l'Assemblée de l'union Française, (126) Comité national des 17-18 octobre 1952 (AN : 350AP60) et dans ttn article de L'Atshe dtt 24 septembre 1947 (stJédifice ptslitique commission exécutive du 30 octobre 1952 (AN : 350AP50). de l'union Française doit être dressé sans retards). Consulter également Pierre Guillen : «Le MRP et l'unissn écono- mique de l'Europe. 1947'mai 1950» in Le MIII' et la construction (112) MRP à I 'action n' 35. première quinzaine de décembre européenne. Paris, Complexe, 1991366 p. : p, 142. 1947, «lmpotlattce de l'Assemblée de l'union Française» (AN 350At5 1 19). L'Aube. 5 mai 1948, Pierre Corval «Il faut étendre les (127) Le collège unique n'avait pas recueilli les faveurs du pouvoirs de l'Assemblée de l'union Française». L'Aube. 31 janvier Mouvement, à l'exception de François Reille-Soult (Commmssitsns 1949, Daniel Bt'isdon «Etendez les pouvoirs de l'Assemblée de exécutives des 10. 18.23 et 31juillet 1947 AN: 350AP46). l'union Française». (128) «On peut afjirtster satts e,xngérntiott ulule la part du gn,t,pe (113)1_e comtttuniqué sur tes probtètncs dc l'Unittn Française du MRP da,ts son élul,oration u été déc'Lsit'e f...) L 'etc'tio,, de Mctturiu'u' comité national de 8-9 mars 1952 demandait le «retrfosremene des Sc'ltumann. de Rouir:, d'A mi garde et sic Fonitupt. rapporteur du pns' aurihtteions des organes ceertretttx de l'union lleoo Conseil e, jet, u permis de doter I 'Algérie dito statu, progressttte et tmourennt As,sentblée». (AN '.35OAF6tt). gctrutnt situ maintien de la présence française o utre',néulitu'rronée. (Rapport d'activité parlementaire du groupe MRP de l'Assemblée (114) Commission exécutive du 22 avril 1948, (AN 350A1'46) nationale. novembre 1946'aoûl 1947 : AN : 350AP74).

(I 15) «is's instituei(ins peinent s'ariec mois eut»' problèmes posés (129) L'Année politique. 1947. p, 149. une note pour les menthres de la commission exécutive sur la situation en Afrique du ment du régime, par trop présidentialiste, n'émit pas du goût du tord. slu li juillei 1946, avait déjà signalé «l'attitude résolument Mouvement, (L'Année politique. 1961, p. 30). hostile il,, terrains utt'uthvs-s du Mouvement et des dépurés MX? d'Algérie, à otite évolution libérale. (AN 350AP45). (146) Cotnité national des 25-26 février 1961 (AN : 350AP62) et Commission exécutive du 21 mars 1961 (AN : 350AP53). (130) Rapport sur l'Union Pmnçaise d'yvon Razac, VI' congrès national, otai 1950 (AN 350A1'20). Chaque année les molions sur (147) Commission exécutive du 25 avril 1961 (AN '.350AP53), - Algérie des di O'étentes instances du M Ri' réclamaient «le respect Le MRP reprocha beaucoup au générai une conduite trop persottnel- des t: lat,s,-s du Sinisa de I 'A Igérie. et s 'é levaient «contre les atteintes le de la guerre qui écartait le Parlement et certaines forces vives de ftl;ç,h'n;f,frs apportées au libre ,iemice du droit au suffrage inscrit la nation : «La Commisaion exécutive (...) appelle le pouvoir à cotn- au Statut. (Motion sur l'Algérie. IX' congrès national, mai 1953 prendre enfin qu'il ne pourra rétablir l'onlre public et réprimer les AN : 350Al 126). viole,tces qu'en s'appuyan, sur routes les organisations démocra' (131) Rapport d'activité parlementaire du groupe MRP de tiques» (Commission exécutive du 9janvier 1962 AN : 350AP53). l'Assemblée nationale. mai 1950-mai 1951. (AN: 350AP74). (148) L'A nnée politique, 1 962, p. 30. (132) Rapport d'activité parlementaire du groupe MRP de (149) «Les accords doivent établir la coopération entre la Fra,tce 'Asse ttthlée ta' it mate, mai 1954-mai 1955 AN : 350AP28), La et l'Algérie et prévoir des garanties capables d'osaurer la concorde tttsttitttt sur l'Algérie du comité national des 13-14 novembre 1954 entre les communautés... » (Déclaration du comité national des 3.4 abottdail dans le tnêttie sens (A N : 350A P61). mais 1962 AN : 350AP62), La motion de politique générale du (133) Motion sur l'Algérie, comité national des 2-3 avril 1955. XIX' congrès natitsnal, juin 1962, insistait également sur les liens à (AN : llAfls I I. préserver en(re les deux pays : «I.e MX? demande que soient proté- gés, ettcouragés, aidés, tous les Français (notamment les techni' (134) Motion surl'Algérie, XI'congrès national. mai 1955. (AN: tint.', les cadres, les éducateurs) qui, dans l'esprit des accords 350A1'28). d'Erian, reulent demeurer en Algérie, afin d'y assurer une puissan- I 351 'lI 'te prturmsir Pin' ts'.solt, que par tés réformes politiques ce ,téccssaire au développement de I 'Algérie indépettdaette, daits ttnt- ,'rabli.s sont sine complète égolittt de droits carre les deux éléments de cotltthorutie,n humaine, fraternelle ... ' ( L 'Année politique, 1962, la population e, assis-ion: It,r,',ne,t: des n'présentants aurhenrique.n p. 668). il,-,, pttpulation.s musulntanes à la gestion de.s affaires publiques f . .. J !.'objet:oj doit Ptn' de t'otts:niin- une comntunauté algérienne de (150) Commission exécutive du 27 mars 1962. (AN: 350AP53). strtit:tuo fédérolt' au sein l'iut'r Réptdilique frnnçoise largentent (151) Fa rces ,tourelles, 22 tnars 1962, titienne Bome : sLa tin de d,tt'e,tt,ssljsée, (I)éelar,ttion tic t'ierre PliimIin devant le comité la nuit'. ttalistttal «lu $ juillel 1956 AN : 350AP6 I).

(136) L,t conttttission exécutive du 29 novembre 1956 réatftoaait (152) La motion de politique générale du comité national des 15- stttt sotttiett à i'ellktri utilitaire sic la Frattcc (.145 Frattce necéelero 16 décembre 1956 se pronotiça en faveur d'une réforme de la pas à la violente.) et envisageait le prohlètne politique sous un Constiiution, en panieulier du titre Vtil. (AN: 350AP61). double ttspect : rép.tndrc aux tispirutions légitimes des Algériens et (153) Motion du comité national des 5-6 octobre 1957 (AN ne pas abandonner les Français d'Algérie. (AN : 350AP52). 350AP61). Pierre Pflimlin, au cours de sa déclaration d'investiture, 1371 Cottttttttttiqtté du Ixtreatt ttational du 22 ttiai 1957, (AN le 13 niai 1958, mii en avant cette vtslontl de réfomae de la 3 51 lA P5 2) Constitution et du titre VIII (JOAN, 13 mai 1958).

(138) Les discussions elles tensions au sein du groupe parlemen- (154) Rappon d'activité du groupe parlementaire MRP de laite tureto très vives au sujet du vote des pouvoirs spéciaux (Roberi l'Assemblée de l'Union Française, mai 1958. (AN : 350AP75). il urtttt Camtets politiqto's de la guerre é 'A Igérie. Paris, PIon, 1965, 271 p. pp. 58-59) et sur les projets de loi-cadre (Pierre PflimIin (155) lis s'en attribuaient méme une pan de patemité Mé:uoirn's d'un Européen. De la I â la 'ft République. Paris, «Incontestablement, pour les problèmes des territoires d'outre-mer Payard, 1991. 391 p. p. 97). Georges Ridault s'y distingua par son le groupe du MRP o été sous la IV' République l'initiateur de opposilitsn. Le Mtfl' la vola finalement (Commission exécutive du l'Assemblée nationale dans la voie qui o conduit, après plusieurs 28 nstvettthre 1957 AN : 350AP52). étapes, à la Communauté» (Rapport d'activité du groupe parlemen- taire de l'Assemblée nationale, décembre 1958-avril 1959 AN Pierre Pliitolin ibidem 115-116. (139) pp. 350AP75). (140) l:épisode de son investiture volée, en avril 1958 (Pierre (156) I 'lii ttt I itt ibidem p, 105). l'accueil froid des ttsil itants à son discours Rappon d'activité du groupe parlementaire de l'Assemblée lttrs (iu Xlv' csingrès national, niai 1958 (Pierre-Henri Teitgen hi- nationale, décembre 1958-avril 1959. La motion du Comité national sletts p. 470), ainsi qtic l'échec de ta démocratie chrétienne illustrent des 3-4 octobre 1959 se félicitait «de la mise en place des instirutio,ts bien ccl état de fait. de la Communauté» et décidait «de consacrer ses effirts au déve- loppement de l'esprit communautaire et à l'entente entre les peuples (14 I ) • Le MRfl qui 't tot.jours voulu établir da,ts la République d'Afrique et d'Europe». (AN: 350AP61), 'autorité et ta stabilité > appnittve une Constitution qui institue un Erat républicain fort, capable de ramener la pats en Algérie et de (157)11 soutint le Gouvemement, le 12mai 1960, lors du vote sur régler la question de soit statut dans I 'en.temhle français. de bôtir la la révision constitutionnelle afin de perasettre l'évolution pacifique t'ttnt,,ttotttuté ttrcc 1,-s peuples d 'outre-mer... » (Déclaration du comi- de la Communauté (L'Année politique, 1960, pp. 50-52). Il ratifia té national des li-7 septetttlirc 1958 : L 'Année politique, 1958, (sauf Georges Bidauit) les accords franco-maliens et franco-ttiai. P. I I gaches (9juin 1960; L'Année politique, 1960, pp. 63-64).

(142) Oti poumuil aisément tuultiplier les déclarations émanant (158) «lI est nécessaire de faire place aux deux tendances. llfau. des inst attces d t M Ri' apprott vaut la poli tique gaullienne. drait évidemntettt des avantages particuliers aux tenants de l'idée fédérale (aide financière gratuite)» (Robert Lect,urt, Journée (143) Rapport de politique générale de Charles Bosson, XVI' ettttgrès national. Ittai 1959. (AN : 350AP35). d'études des groupes des républicains populaires et du Centre démo- cratique de l'Assemblée nationale et du Sénat, 5 octobre 144) Rapport de politique générale de Maurice-René Simonnet, 1959: AN: 350AP74). XVIP cttttgrès ttaliott:tl, titai 1960. (AN : 350AP37). (159) Communiqué du comité national des 25-26 février 1961 (145) Au cours du Cotnité national des 25-26 février 1961, (L'Année politique. 1961, p. 30). Maurice-René Situonnel rappela que l'approbation actuelle de la politique ntgérientie du M RI' ne signifiait pas un accord stlr tous les (160) Conférence de presse de Robcrt Schuman. I» mars 1954 p si ttt s dc I - act ittts lirésidetoie I le et gtuvcmetacntaie. Le lttttction ne- (Raymond Poidcvin ibidem p. 399).

86 Le M.R.P. et la politique sociale

Benoît JEANNEAU - Nous abordons maintenant le troisième volet de notre débat de cet après- midi qui porte sur la politique sociale sur laquelle M. Bruno Béthouart va nous éclairer.

M. Bruno Béthouart est également historien de profession. Il est responsable de la Maison de la Recherche en Sciences humaines à Boulogne-sur-Mer et il a consacré plusieurs de ses recherches, non seulement aux sciences sociales mais aussi aux différents problèmes soulevés par les mouve- nients religieux. Il est l'auteur d'un ouvrage sur le Mouvement Républicain Populaire dans le Nord et le Pas-de-Calais, mais aussi l'auteur d'une biographie sur une figure très attachante dont il a été qttestion ce matin Jules Catoire. C'est pourquoi M. Bruno Béthouart était le plus à même peut-être de nous faire comprendre le rôle qu'ont joué un grand nombre de syndicalistes chrétiens et de personnalités comme Robert Prigent, Paul Bacon, Germaine Poinso-Chapuis, André Monteil, dans l'essor d'une politique familiale et sociale sous la 1V' République. Je m'empresse donc de lui donner la parole.

Rapport de Bruno Béthouart

Introduction tels qu'Ambroise Croizat, président de cette même instance en 1945 puis ministre du Travail, Le système de protection sociale est aujour- Billoux et Arthaud ont joué un rôle déterminant. d'hui l'objet d'un débat passionné en France. L'unanimité de la Libération a facilité l'émer- Partisans et adversaires d'une réforme s'affron- gence d'une véritable politique sociale auda- tent sur la base d'un modèle proposé en grande cieuse et ambitieuse. Par la suite la conjoncture partie à la Libération. Parmi les projets ambi- politique, les difficultés économiques, les tieux du C.N.R. figure le désir de mettre en débats idéologiques ont contrecarré la mise en place une grande politique de la famille. Lors du débat sur les prestations familiales le 6 août oeuvre d'autres projets, freiné les ambitions 1946, le ministre de la Population, auteur du réformatrices. Chaque parti politique a participé projet de loi, est un membre du M.R.P., Robert aux ombres et aux lumières de la IVe Prigent. Le président de la Commission du tra- République dans son ambition sociale. Le vail et de la sécurité sociale, 1-lenri Meck, lui M.R.P. apporte sa contribution à l'oeuvre com- aussi républicain populaire, intervient à plu- mune, souvent il se fond dans le moule, quel- sieurs reprises pour faire aboutir certains quefois son ombre se détache en arrière-plan et articles. Le rapporteur pour avis de la se prolonge dans la nouvelle République après Commission famille, population et santé 1958. Une esquisse de bilan sur le plan national publique n'est autre que le député républicain peut mettre en évidence l'activité de certaines populaire, Fernand Bouxom, acquis à la cause personnalités du M.R.P. dans les ministères de cette ((Révolution par la Loi» (I). socio-économiques et dans les instances parle- mentaires et fournir ainsi une preuve tangible de Les démocrates-chrétiens n'ont pas le mono- l'action sociale des Républicains populaires. pole de cette ambition sociale et familiale. Des membres de la S.F.I.O. comme , A) La marque démocrate chrétienne dans ministre du gouvernement de Guy Mollet en la législation sociale 1955. Daniel Mayer, plusieurs fois titulaire du - Une présence sociale etJ'ainiliale Travail et de la Sécurité sociale, Pierre Ségelle animateur de la Commission du travail et égale- La grande ((invention» de la Libération, avec ment ministre, des parlementaires communistes le recul du temps. semble être l'instauration de

3' la Sécurité sociale. Robert Prigent, au nom de caisses d'allocations serait une erreur car l'Assemblée consultative, 1-lenri Meck pour la (

Les représentants du M.R.P. sont farouche- ment hostiles à la caisse unique «avoir des enfants, ce n'est pas une maladie ; une femme enceinte est une parturiente et non une malade», rappelle Rohert Prigent, défenseur de l'autono- mie des caisses d'allocations familiales. Les avis au sein des Républicains populaires sont plus partagés sur la généralisation Charles Viatte, député du Doubs, professeur de Mathématiques, y est hostile, Robert Prigent se B. Béthouari montre assez ftivorable. Le 29juin 1945, le rap- forces devient favorable aux démocrates-chré- porteur Georges Buisson annonce à la commis- tiens le M.R.P. avec plus de cinq millions et sion que le Haut comité de la Population est intervenu et que le gouvernement «vient de faire demi de voix, soit 28 % des suffrages exprimés et 169 députés, anive en tête devant le P.C.F. savoir que pour le moment les allocations fami- (8). Henri Meck est président de la Commission I ales ne seront pas intégrées dans le projet» (5). du travail, Georges Bidault, Robert Prigent et Lors de la séance publique le 31juillet 1945, Maurice Schumann sont au gouvernement. Le 5 Robert Prigent affirme que le retour désiré des juillet 1946, Charles Viatte obtient d'être dési-

88 gné comme rapporteur sur une proposition de les démocrates-chrétiens interviennent fré- révision de l'application de l'organistion admi- quemment. Le 3 avril 1951 Robert Prigent en nistrative de la Sécurité Sociale. Il est élu contre tant que rapporteur de la commission spéciale Pierre Ségelle, le socialiste, par 17 voix contre obtient une revalorisation des prestations fami- 16. Il s'attache aussitôt à freiner la généralisa- hales. Le 12 mai 1951 Louis Beugniez fait le tion. La loi du 13 juillet 1948 propose la proli- bilan de l'action familiale de la législature. Les fération des caisses professionnelles autonomes allocations familiales pour une famille de trois d'allocation vieillesse pour les artisans, les pro- enfants passent de 4.500 Frs en 1946 à 13.650. fessions libérales et agricoles, les industries et soit 200% d'augmentation, en novembre 1950, commerces. puis à 17.060 Frs, soit 280 % en plus, en avril Le second objectif recherché par Charles 1951 «Que l'on ne dise pas à l'Assemblée Viatte est de procéder à l'élection et lion la dési- nationale en cette fin de mandat que nous gnation des membres des conseils d'adniinistra- n'avons rien fait. Nous proclamons qu'il faut lion. Le 4 juillet précédent. Henri Meck était faire davantage encore mais nous pouvons dire passé à l'offensive «sur la façon injuste dont que nous avons fait tout ce que nous avons pu furent composés les comités provisoires des pour les familles.» (12). caisses de Sécurité Sociale dans les départe- Un effort considérable est donc réalisé dans ments de l'est>' (9) qui comptent 108 adminis- les premières années pour l'aide aux familles trateurs C.G.T. contre 44 C.F.T.C. alors que les françaises le budget consacré à la question du forces sont quasi égales. Cette révolte permet renouveau démographique représente 45 % du d'obtenir la promesse d'une élection avant la fin budget social de la Nation. Par la suite, le suc- de l'année. cès du baby-boom fait disparaître cette énergie La séparation définitive des caisses d'alloca- initiale liée au sentiment d'une nécessité vitale. tions familiales, troisième objectif des Certains hommes-clés de la défense familiale Républicains populaires, est obtenue dans la loi dans le groupe M.R.P. tels que Robert Prigent du 22 août 1946. Celle-ci étend les prestations sont battus dans les élections de 1951. Cet affai- familiales à l'ensemble des résidents en France blissement électoral renforce le sentiment du et distingue les sommes affectées du complé- caractère moins préoccupant de la question ment de salaire les allocations familiales sont démographique à la fin de la IV' République. désormais versées à la personne ayant la charge Des priorités professionnelles effective des enfants et non plus au chef de famille. Pernand Bouxom, rapporteur pour avis Le ,nanifeste du MRP annonce «la nationali- de la Commission de la famille, de la population sation des industries-clés, des monopoles pri- et de la santé publique, soutient avec ardeur le vés, et du crédit». Les députés C.F.T.C. atten- projet de loi présenté par Robert Prigent «le dent notamment celle des Houillères. Dès le 4 pays est en danger de mort par suite de la déna- juillet 1944, Marcel Poimbœuf, responsable talité. Il ne sera sauvé qu'en ayant de nombreux national de la Centrale chrétienne, apporte enfants forts et sains. Aussi la nation doit-elle l'éclairage des démocrates-chrétiens sur la pro- être bienveillante pour les familles numbreuses» position de Jacques Duclos tendant à demander (10). En février 1950, cet ancien jociste, député au gouvernement la nationalisation des grandes du Nord puis de la Seine, souvent chargé d'ex- entreprises. Les programmes du R.I.C. primer à l'Assemblée les positions du (Résistants d'inspiration chrétienne) pour le Mouvement sur la politique familiale, fait Nord-Pas-de-Calais dès 1943. du M.R.P. à par- remarquer que «devant les difficultés qui vien- tir de 1944 sont en parfaite concordance avec nent, dont la famille sera l'une des principales celui du général de Gaulle il s'agit de subor- victimes», il est indispensable que «l'on fasse donner l'intérêt privé à l'intérêt général. Jules dans ce projet linancier la plus grande part pos- Catoire intervient le 7 février 1946 en faveur sible à ceux qui ont le plus à supporter le choc d'une «véritable nationalisation» des Houillères de la vie» (Il). (13). Le statut du mineur est lié à cette aspira- Pour réaliser cette grande politique familiale tion.

89 Les dirigeants nationaux du M .R.P. souhaitent à aligner le régime de Sécurité sociale des également «une participation des divers syndi- mineurs sur le régime général et en janvier cats librement organisés à la direction de l'éco- 1950, il fait une proposition de résolution ten- nomie et Ù la gestion des entreprises». Pour faci- dant à inviter le gouvernement à régler de toute liter cette participation ouvrière, certains dépu- urgence la situation du régime des prestations tés sont chargés de proposer des mesures pré- familiales dans les mines. Henri Meck se soucie cises. Francine Lelèhvre est nommée rapporteur de la retraite des mineurs en août 1946 et sou- du projet de loi sur les délégués du personnel le tient continuellement cette cause jusqu'en 1951. 12 nais 1946. «Nous sommes h l'origine de ce Louis I3eugniez réussit à donner un statut débat» rappelle Louis l3eugniez et il se réjouit «type» fonction publique au personnel ensei- de voir le Mouvement «à la base de cette mon- gnant dans les écoles des Houillères. Une pro- tée ouvrière>'. Le 18 juin 1947 une demande position de loi datant du 20 mai 1947 valorise émanant de René Pleven et dc 50 autres députés pour leur indice et leurs points de retraite les vise à porter en urgence une proposition de loi services des ex-enseignants des Houillières. lendant h réglementer te droit de grève dans les Robert Schuman esquive alors la question en ne services publics. Louis Beugniez en tant que faisant pas voter les ministres de son gouverne- président de la Commission du travail considère ment. que l'urgence ne s'impose pas : l'Assemblée se Après la parenthèse vichyste, le uetour à une range à son avis. organisation professionnelle des relations au La création des comités d'entreprise est consi- sein de l'entreprise est réalisé grâce à la loi sur dérée dès le début du nouveau régime comme les conventions collectives soumise à la un signal d' in novat i on. Un projet est soumis dès Commission du travail le 21 décembre 1946. la pieu ière séance de la Conini i ssion du travail Paul Bacon est chargé du rapport après avoir été le 23 novembre 1944. Gaston Tessier dénonce à préféré par 15 voix contre 10 au candidat com- la seconde séance la préci pitat ion et demande la muniste. Le rapporteur propose un certain représentation proportionnel le alors qu'Albert nombre de modifications «sur la nécessité de Gazier y est hostile. Jules Catoire ajoute que «si prendre des mesures à la fois conservatoires et une niinorité se sent brimée, elle ne se dirigera novatrices» (15) en définissant «un mode nou- pas vers l'union». La proposition du rapporteur veau de discussion et de validation des conven- Albert Gazier est adoptée par Il voix contre 6 et tions collectives» avec notamment la création I abstention. d'une Commission supérieure chargée de don- ner au ministre un avis motivé sur chaque Le M.R.P. approuve en séance publique les ordonnances mais conteste te mode d'élection et convention collective nationale. «Ainsi se trou- le peu de pouvoir réel de ces comités. Henri ve marquée, nous le pensons tous, notre volonté commune de revenir à cette liberté de discussion Meck dépose en mai 1947 une demande de dis- qui reste, nous l'affirmons une fois encore, l'une ctission pour la représentation proportionnelle des conquêtes essentielles du syndicalisme et du dans l'élection des délégués du personnel et Joseph Le Sciellour, son collègue, revendique monde du travail». Paul Bacon trouve dans cette ce mode de scrutin dans les comités d'entrepri- action parlementaire une cohérence totale avec se. Charles Viatte fait mettre aux voix le projet son action précédente dejociste et de lociste. du pri tic i pe de la proportionnelle, qui est accep- Louis Beugniez est choisi comme rapporteur lé par 15 voix contre 13 et 2 abstentions. Le 30 de la loi sur les accidents du travail et les mala- mai 1947 la majorité a changé de camp, les dies prolèssionnelles le 5 septembre 1946. Un démocrates-chrétiens ont le vent en poupe. mois plus tard, le projet est soumis au vote de Ilenri Meck devient le nouveau rapporteur et l'Assemblée «le nouveau texte réalise vrai- délènd le 26 juin 1947 avec succès les deux pro- ment une révolution dans la loi (refonte com- posilions (14). plète (le la loi de 1898). iI ne faut pas toujours dire qu'on est révolutionnaire mais je pense que. Le statut dii mineur fznt objet de l'attention quelquefois, il faut faire cette révolution dans des députés C.FIT.C. En novembre 1948. Louis nos textes» affirme Louis Beugniez. Pour le rap- l3ettgnicz dépose une proposition de loi qui tend

90 porteur, la nouveauté consiste à instaurer la pré- syndicalistes, insiste sur la nécessaire autono- vention des accidents du travail, à rééduquer et mie des acteurs de la vie économique vis-à-vis à reclasser socialement les victimes. L'adoption de l'Etat et rejoint ainsi la tendance minimaliste du projet se fait à l'unanimité des 445 députés. favorable à une planification stimulatrice et non Ce succès explique en partie la promotion du interventionniste. rapporteur lors de la législature suivante. Le premier plan conçu par Jean Monnet en Les parlementaires républicains populaires février 1946 est assez contraignant des objec- n'hésitent pas à proposer d'explorer des pistes tifs précis ont été programmés dans quelques nouvelles. Paul Bacon en février 1945, suggère secteurs déterminants comme la production de la création de congés-éducation ouvrière (

91 ttire un rapport d'information sur le Plan port sur ce thème en 1948 au congrès M.R.P. de Marshall, Par la suite comme secrétaire d' Etat Toulouse, Georges Coudray évoque le drame et aux Finances en 1953 puis en 1955 dans les l'archaïsme des habitations en France avec 20 % cabinets Pinay et Faure ou comme président de des logements disposant de l'eau courante, du Itt Commission des affaires économiques. Pierre gaz ou de l'électricité. Il en appelle à la Abel in ren force la politique di nvestissement construction de 240.000 logements par an soit dans I' industrie, veille au contrôle des entre- 100.000 de plus que dans la réalité. En sep- prises nationalisées (17). tembre 1948, la loi Grimaud, du nom du rap- Dans le doinai ne agricole, Pierre Pllimlin, porteur M.R.P., en sus de l'allocation-logement, député alsacien, est choisi par le démocrate - tente d'apporter une solution courageuse en chrétien lorrain, Rohert Schunian pour prendre fiicilitarit l'augmentation graduelle du prix des cii charge le ministère de l'Agriculture en 1947 loyers à condition d'eu réserver une partie à il est reconduit clans ses fonctions par Marie, l'entretien et à l'amélioration. En 1951, Queui I le. 13 idault et Pleven jusqu'en 1951. Aidé François de Menthon propose d'offrir des facili- de son collègue Gabriel Valay, le ministre de tés d'emprunts à faible taux d'intérêt pour inci- I' Agriculture net en place dans le cadre du plan ter les jeunes couples notamment à construire Monnet un programme d'équipement agricole leur habitation. En 1952, le ministre socialiste qui vise A améliorer la productivité par l'utilisa- Lionel de Tinguy et le groupe M.R.P. obtiennent tion des engrais, de semences sélectionnés et la le vote d'une loi créant l'épargne-logement motorisation. Pierre Plu mli n propose dès 1950 bénéficiant d'une Caisse propre au sein du tin projet de pou1 des principaux produits agri- Crédit Foncier de France. Lors du congrès de coles. Il est soutenu dans sa politique par René- 1952 à Bordeaux, Georges Coudray en appelle Léon Charpentier, député de la Marne, vice-pré- alors à ('. Georges création des cités d'urgence obtenue par la loi Coudray, député d'ille-et-Vilaine de 1945 à du 31 mars 1954 le plan prévoit de construire 1962. prend en charge le dossier de la recons- des préfabriqués capables de durer une dizaine truction puis du logement. Membre de la com- d'années. Il faut attendre la loi-cadre de Bernard mission dès 1945 il l'ait une proposition de réso- Chochoy dans le gouvernement de Guy Mollet Itition en décembre sur l'égalité et la solidarité en 1956 pour envisager une véritable program- (le tous les Français devant les charges de la mation de la construction d'Habitations à Loyer guerre ci le droit à la réparation intégrale. Modéré. Président de cette instance dès 1946, il inter- Sous la V' République, Georges Coudray vient devant ses collègues en juillet puis en août. continue de promouvoir une rénovation du loge- Le total des réparations (les dommages de guer- ment en France en tant que président de la com- re s'élève à plus (leS milliards de francs de 1949 mission spéciale chargée d'examiner un projet (18). de loi relatif au droit de préemption dans les Lié au départ ) la reconstruction, la politique Zones à Urbaniser en Priorité (Z.U.P.) et les du logement fait partie selon le M.R.P. de la Zone d'Aménagement Différé (Z.A.D.) en juin politique t'aiuiliale. Très vite, il revendique une 1961, Un autre projet de loi relatif à la construc- véritable politique du logement appuyée sur la tion d'immeubles à usage d'habitation et aux construction d'Habitations à Loyer Modéré, sociétés immobilières d'acquisition ou de d'emprunts potir les jeunes mariés. Dans un rap- construction est examiné en juillet 1962. Alors

92 que les premiers plans se concentrent sur la pro- étendu cette mesure à tous les produits agri- duction industrielle, les industries de base, puis coles. Le général veut casser cette spirale infla- dans les années cinquante sur les biens de tionniste la remise en cause du principe de l'in- consommation, le 4e plan de 1962 à 1965 s'inté- dexation incite le Centre démocratique à dépo- resse davantage au logement par l'entremise ser avec le groupe socialiste une motion de cen- d'une politique de développement systématique sure en octobre 1964. Le général de Gaulle reste des H.L.M. qui aboutit souvent à une spécula- fidèle à sa ligne directrice «dans l'affaire des tion dénoncée par Georges Coudray (20). prix agricoles, ce qui domine tout, c'est que la stabilisation ne soit pas entamée» (23). Les D'autres combats socio-économiques sont députés du Centre démocratique relaient au Par- menés sous la V' République par les républi- lement les projets du C.N.J.A., créé en 1956 et cains populaires. De sérieuses réserves sont qui investit sous la V' république les instances faites devant la politique de stabilisation et de la RN.S.E.A. l'abandon des grandes ambitions du plan dans la conception gaulliste. Pierre Abelin (21) relève Ces critiques n'interdisent pas à René-Léon de graves faiblesses tant au niveau des fonds Charpentier, spécialiste M.R.P. des questions alloués à l'organisme proprement dit que de la agricoles, de soutenir le ministre Edgar Pisani prise en compte du contexte européen. Il regret- dans son effort d'adaptation de l'agriculture te l'absence de politique régionale volontariste française à la politique agricole commune pro- en faveur d'un développement des technologies posée dès janvier 1962 par Sicco Mansholt. de pointe, du logement et de l'éducation face au Cette oeuvre, initiée par la loi d'orientation de monopole parisianiste. S'appuyant sur les 1960, aboutit à la loi complémentaire de 1962, modèles britannique et allemand, il dénonce la la création des Sociétés d'Aménagement timidité générale des dispositions. Tous les Foncier et d'Etablissement Rural (S.F.E.R.), du membres du M.R.P. à l'exception de Pierre Fonds d'Orientation et de Régularisation des Pflimlin. Maurice Schumann, 1-lenri Meck Marchés Agricoles (FORMA.), la mise en notamment votent en novembre 1965 contre le place de marchés d'intérêt régional. nouveau plan. B) La présence démocrate-chrétienne dans Une opposition démocrate-chrétienne se les ministères sociaux manifeste devant la politique suivie dans les mines et l'agriculture à la suite de la mise en - Au ministère de la Population, de la Santé place d'une commission Rueff dès 1959 à publique sous la IV République laquelle participe Gaston Tessier au titre de la Sous quatre gouvernements successifs, C.F.T.C. Un plan de rigueur prévoit la suppres- Robert Prigent occupe des fonctions relevant sion de l'indexation chez les mineurs, les agri- soit de la population, de la famille, soit de la culteurs et le personnel d'imprimerie. Devant santé publique. Le 24 novembre 1945. jour de cette remise en cause de la politique contrac- ses 35 ans, il succède à François Billoux et tuelle, les mineurs tentent de négocier devant prend possession du grand ministère de la «l'oukase gouvernemental» et décident ensuite Population et de la Famille souhaité par le géné- d'accepter l'épreuve de force. La grève des ral de Gaulle qui voulait le confier à Maurice mineurs du Nord-Pas-de-Calais de 1963 Schumann au départ. Un coup de téléphone en démontre la puissance de la centrale chrétienne provenance de la rue Si Dominique annonce à fortement influencée par la doctrine sociale de Prigent que le général l'attend «Prigent, vous l'Eglise et soutenue par les républicains popu- prenez la Population - Bien, mon général». laires issus de la C.F.T.C. (22). Durant son coud passage jusqu'au 21 janvier Le M.R.P. s'oppose également à la politique 1946, il permet l'insertion de l'ancienne équipe agricole gaulliste : il a participé sous la IVe du Commissariat général à la famille avec République à ce que certains appellent «l'âge Desmotte qui devient son chef de cabinet, d'or» de l'agriculture française la loi Laborde Perrault, Jean Tirloit, Jean Gosset qui sont réin- du 18 mars 1957 a indexé le prix du lait et les sérés dans les services d'inspection de la décrets Gaillard du 18 septembre suivant ont Population et dans les directions de l'action

93 sociale et (le la population. Il met en place une rapporteur pour avis de la commission de la équipe (le spécialistes avec le docteur Quéla Famille, de la Population et de la Santé dirccteur de la santé à Caen qu'il a connu à la publique «le pays est en danger de mort par Libérai ion et q tu devient ensuite directeur natio- suite de la dénatalité. Il ne sera sauvé qu'en nal (le I 'école (le la santé publique à Rennes. ayant de nombreux enfants forts et sains. Aussi Ayant confirmé Cavai I Ion, fonctionnaire de la la nation doit-elle être bienveillante pour les Santé publique sous l'Occupation comme secré- familles nombreuses». La loi du 22 août 1946 taire général, il installe Gaston Monnin, tréso- permet de mettre en oeuvre quatre mesures en rier de l'U,N.A.R (24). faveur des naissances l'institution des alloca- Un pro jet (le loi émanant de ses services vise tions prénatales, le relèvement des primes à la naissance, l'augmentation du taux des alloca- à la reconnaissance du statut des assistantes sociales à des militantes qui ont fait fonction tions familiales et l'accroissement de l'alloca- pendant l'Occupation. Il dote d'un budget tion de salaire unique. Le coût de ces diverses propre l'institut National d' Etudes prestations passe de 48 millions de francs à près Démographiques et crée un Comité de la popu- de 70 millions. Le problème essentiel reste la lation auprès du président du Conseil afin de référence pour le calcul à partir du salaire de donner une cohérence aux mesures en faveur de base qui est celui fixé dans le département de la la polit que familiale. Il obtient la fixation du Seine, supérieur de 20 % au salaire départemen- calcul des cotisations familiales sur la base du tal moyen de France. salaire minimum du manoeuvre dans la conven- Appelé dans le ministère Ramadier à succéder tion collective de la Métallurgie de la région à Marrane comme ministre de la Santé publique parisienne. Robert Prigent espère ainsi en ratta- après le départ des communistes le 9mai 1947, chant le calcul Ù une convention collective dyna- il doit défendre en juillet un budget réduit de mique obtenir le soutien syndical. «Les gens de 40%. A partir du 16 février 1950, Robert la l'ue de Rivoli m'ont eu après 2 ou 3 fois, car Prigent devient secrétaire d'Etat à la Présidence on n'a plus modifié le salaire de base du du Conseil dans le cabinet Bidault jusqu'au 29 inanietivre dc la convention, il est resté fixe et juin 1950. Il est amené à intervenir sur le projet on tournait la difficulté en accordant des primes de loi relatif à la fête des mères le 12 mai 1950, liais le salaire (le base restait en l'état». puis il est choisi comme secrétaire d'Etat à Deux «rapports Prigent» ont permis de faire l'intérieur auprès de Flenri Queuille du 30juin avancer la proportionnalité de l'allocation fami- au 11juillet 1950 (25). Robert Prigent prend liale avec l'age des enfants, et la reconnaissance conscience durant cette législature que les (le la valeur économique du travail de la femme acquis familiaux sont peu à peu remis en cause au loyer. Un autre texte supprimant les maisons par les difficultés de la conjoncture écono- (le tolérance a permis d'éliminer la mise en carte mique. La crédibilité de Robert Prigent sur ces des prostituées et de supprimer «ce commerce questions familiales et sociales l'amène à faire fut officiellement» eu le faisant basculer dans la par la suite deux rapports sur le financement des clandestinité «Jamais je n'ai cru que je suppri- allocations familiales et à présider notamment à tuerais la prostitution». Il regrette seulement que la demande de Michel Debré, premier ministre «les peines tout tIc même sévères pour les de De Gaulle, deux commissions sur le bilan du proxénètes» n'aient pas été appliquées. financement de la Sécurité sociale.

De nouveau ministre de la Santé publique Après le départ de Robert Prigent, quatre dans le gouvernement de Félix Gouin de janvier autres députés M.R.P. prennent la direction du à juin 1946, puis de la Population à partir du 24 ministère de la Santé publique et de la juin 1946 dans le ministère Bidault, il récupère Population entre 1947 et 1955. la Famille sans la Santé publique. Il conserve Germaine Poinso-Chapuis, originaire de Fleuri Pecquignaux qu'il a choisi comme direc- Marseille, docteur en droit, avocat, est la pre- teur de cabinet précédemment. Un projet de loi mière femme à détenir en France un portefeuille fixant le régime (les prestations familiales est ministériel de novembre 1947 à juillet 1948 élaboré avec le soutien de Fernand Bouxom, dans le cabinet de Robert Schuman. Membre

94 dès 1945 de la Commission de la famille, de la cabinet. population et de la santé publique, elle mène «La France a la meilleure législation familia- une vigoureuse action en faveur de la lutte anti- le» déclare le ministre Pierre Schneiter à La alcoolique, propose de faciliter le travail à mi- Croix le 28 octobre 1950. ((dans tous les temps pour les femmes fonctionnaires ayant des domaines de la santé les bulletins dc victoire enfants, souhaite mettre en place une police succèdent aux bulletins de victoire'> : le ministre féminine spécialisée dans la protection de l'en- vise à harmoniser les conventions d'assistance fance et de l'adolescence et demande d'amélio- sociale et médicale des signataires du Traité de rer la réglementation de certaines professtons de Bruxelles, à organiser des bureaux d'aide socia- santé comme les infirmières. Elle dépose en jan- le, à instituer un laboratoire national de contrô- vier 1948 un projet de loi tendant à relever le le issu de son Ministère et de l'Académie de salaire servant de base au calcul des prestations médecine. Fidèle à ses convictions, il défend des familiales. projets de loi qui participent au renforcement de Devenue, «célèbre'> en juin 1948 avec le la lutte contre l'avortement, au contrôle des décret Poinso-Chapuis qui accorde une alloca- adoptions d'enfant, à la célébration de la fête tion à tout parent ayant un enfant en âge scolai- des Mères en avril 1950. A sa grande surprise, il re y compris dans l'enseignement privé, elle est élu président de l'Assemblée nationale le Il continue par la suite à faire des propositions janvier 1955 et doit «gérer'> la chute des cabi- notamment pour l'enfance sur le plan du droit, nets Mendès France et Edgar Faure : «Pierre de la formation professionnelle. Après son Schneiter méritait le respect qui l'entourait. Il échec électoral en 1956. elle milite dans le Haut combinait la discrétion qui sied à une grande comité d'information sur l'alcoolisme et préside modestie et des qualités fortes telles que coura- le Centre technique national de l'Enfance ge et détermination : le contraste qui en résultait inadaptée (26). contribuait beaucoup à l'incontestable et para- doxal charisme qu'il dégageait» (28). Pierre Schneiter lui succède en juillet 1948 à la Santé publique et à la Population dans le cabi- Paul Coste-Floret. député de FHérault de net Marie. Originaire de Reims, établi comme 1946 à 1958 dont le frère jumeau est également courtier en vins dans une entreprise familiale, au M.R.P., devient ministre de la Santé publique Pierre Schneiter s'engage dans la Résistance, et de la Population de juin 1953 à juin 1954 devient sous-préfet de son arrondissement à la dans le cabinet Laniel. Spécialiste de droit Libération puis député M.R.P. de la Marne (27). constitutionnel par sa formation à 'Université d'Alger, il est précédemment à plusieurs D'abord sollicité comme secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères puis aux Affaires aIle- reprises ministre de la France d'Outre-Mer. Lors de son année à la Santé publique et à la niandes et autrichiennes, il poursuit la politique Population il défend un projet de loi tendant à familiale et sociale de ses deux prédécesseurs majorer de 10% des allocations familiales, sou- républicains populaires. Robert Prigent et tient la luise en place de maisons d'enfants à Germaine Poinso-Chapuis. A six reprises jus- caractère sanitaire, préconise le maintien des qu'en 1951, il exerce les mêmes responsabilités subventions de l'institut d'études démogra- avec Jules Catoire comme secrétaire d'Etat phiques et la création d'une école d'infirmières notamment dans le premier et le troisième cabi- auprès de chaque faculté de médecine. En qua- net Queuille et celui de Pleven. Un véritable lité de député, il fait une proposition de loi rap- partage des tâches s'opère: le ministre s'occupe pelant les droits imprescriptibles de la famille, de l'échelon national, le secrétaire d'Etat de évoque l'avènement de la polygamie dans le l'échelon départemental et local. Pierre droit français suite à un débat relatif à la légiti- Schneiter prend en charge la présence dans les nation des enfants adultérins. grandes assemblées, les deux se partagent les contacts avec les parlementaires, Jules Catoire André Monteil, ancien élève de l'Ecole nor- est chargé de rencontrer les associations fami- male supérieure, agrégé d'Université. membre liales, de participer aux réunions et congrès des de Libération-Nord, député M.R.P. du Finistère, U.D.A.E, de gérer le fonctionnement interne du spécialiste des questions maritimes et militaires

95 dans les cabinets Pleven et Queuille en 1950 et travail, l'amitié et l'estime de François de 195 I .ac cepte contre I' avis du Mouvement, tout Menthon ainsi que celle du chef du gouverne- coni ne Robert 13 uron. (le participer à «I' expé- ment expliquent cette nomination. . remplaçant les ministres démissionnaires. «J'ai Pour éviter de faire de cette question une besoin de vous. Bacon, vous prenez le Travail. Il pomme de discorde avec les socialistes attachés n'y a que vous qui pouvez me tirer d'affaire, je la laïcité de l'école, les dirigeants républicains n'attends pas votre réponse vous êtes ministre populaires traitent le problème sous l'angle du Travail, alors au boulot». Le lendemain il social «La liberté scolaire n'est pas toute notre doit faire voter la loi sur les conventions collec- doctrine mais elle en fait partie intégrante. tives, la mettre en application immédiatement L'essentiel, c'est la justice sociale, tuais nous en calculant «le minimum vital autour duquel pensons (l 'une partie (le laj ust ice sociale, c'est tout tournait» c'est-à-dire un salaire minimum la j ust ice scolaire» (30). interprofessionnel. Il intervient sur le projet de - Au ministère du Travail et de la Sécurité loi relatif à l'élection des organismes de la sociale saris la IV' République Sécurité sociale et des allocations familiales, sur un autre projet instituant une majoration fami- Paul l3acon devient rapidement au M.R.P. liale de la prime exceptionnelle sur les salaires honi nie (le la question ouvrière, Secrétaire et sur le développement des crédits de fonction- é' litai à la Présidence du Conseil le 28 octobre nement pour les services civils (32). 1949 dans le cabinet (le Georges Bidault jus- qu'au 7 février 1950, il est chargé de suivre les Pour comprendre la place et le rayonnement questions relatives au Travail, d'apporter aux de cet homme qui pendant 9 ans, à 12 reprises, parlementaires (les réponses, tin argumentaire, est choisi comme ministre du Travail et de la tics objections. Il doit également opérer la liqui- Sécurité sociale, un regard sur son approche dat ion du ni i nistère du Ravitaillement en ren- ministérielle, sur sa méthode s'impose. Il voyant dans les autres ministères les services cherche d'abord à s'entourer d'une équipe de adéquats. Le poids (le Paul Bacon à I' Atelier- spécialistes, de professionnels. Il choisit comme

96 chef de cabinet Barjot, conseiller d'Etat ; «c'est suivi de la Sécurité sociale. un élève de Laroque, politiquement neutre». Le Le désir de synergie résume le caractère prin- second est le beau-frère de Pierre Abelin, cipal de la «méthode Bacon» : «il faut que du Doublet, conseiller d'Etat qui a succédé à Pierre cabinet partent un certain nombre de chemins Laroque à la direction générale de la Sécurité vers les directions et qu'un système mette dans sociale. Watine, le plus sérieux et le plus fidèle, l'obligation les directions de faire rapport au reste en poste avec lui jusqu'en 1962. Ayant une ministre : c'est ce double mouvement qui est le bonne connaissance des milieux industriels et travail principal du ministre: il faut donc mettre ouvriers du Nord, ce proche collaborateur est tout le monde en accord». Paul Bacon reconnaît marqué par la J.E.C. «c'est un analyste parfait, cependant que l'activité du ministre dépend de homme de bon sens, d'une solide formation sa capacité à stimuler, d'abord et surtout son juridique». Il n'hésite pas à faire appel à des cabinet, pour faire apparaître une raison d'agir. hommes d'une autre sensibilité politique mais Il a souvent recours à des spécialistes extérieurs réputés compétents comme Michel Jobert, de la tel Emile Charvet, ingénieur en aéronautique, Cour des Comptes, élève de Doublet, chargé des un des fondateurs des secrétariats sociaux, contacts avec la rue de Rivoli. Il fait appel à des Fourastié, Massé «l'homme du plan en France» inspecteurs du Travail de la place Fontenoy, tel ou Alfred Sauvy dont il admire surtout la maniè- Duvinage, spécialiste du contentieux et qui a re d'écrire d'une «grande netteté». mis au point des statuts pour ce service impor- tant au ministère, tel Bing, «rédacteur hors Paul Bacon tente durant toute cette période ligne» des projets à débattre en conseil intermi- d'appliquer «la vingtaine de lignes qui ne sont nistériel, Philbert, syndicaliste chrétien qui entre pas tellement précises quand on les relit dans le par la suite à la Commission de Bruxelles, programme du C.N.R.». L'équilibre financier de Cheylus de la cour des Comptes, Bardeau, spé- la Sécurité Sociale revient constamment dans cialiste au ministère de la Sécurité Sociale, futur ses préoccupations. En 1953, le 22 juillet, il pré- directeur de l'inspection générale de la Sécurité sente à la Commission du travail les 4 moyens sociale, Lambert, <'socialiste humaniste porté d'y parvenir : une bonne administration des sur les problèmes de l'emploi et de l'enseigne- caisses, une réforme de l'assurance maladie ment technique», Rozier, spécialiste dès avant avec la lutte contre les dépenses excessives guerre de la formation professionnelle, Olga notamment grâce à la suppression du premier Raffalovich signalée et recommandée par acompte médical, le transfert des charges qui ne Blocq-Masquart, responsable de l'O.C.M. dans relèvent pas du régime général comme les vieux la Résistance (33). salariés agricoles, des réformes plus profondes touchant à l'hôpital et son prix de journée (34). Paul Bacon fait également appel à des démo- Dès septembre 1951, le ministère annonce un crates-chrétiens comme la secrétaire de son projet de réforme de la Sécurité sociale mais le cabinet, M"t Tarkov-Pezet, A.F.A.T. de l'épopée gouvernement doit se contenter de gérer. Le de la division Leclerc pendant la guerre. déficit selon Paul Bacon vient de «l'accroisse- Bénéficiant du prestige de son père Ernest ment considérable des dépenses de prestations Pezet, un des fondateurs du P.DP., elle connaît en nature c'est-à-dire des dépenses de soins». non seulement le milieu démocrate-chrétien de Pour réaliser l'extension du régime des assu- son père mais aussi des syndicalistes et les rances sociales aux DOM., il cherche d'abord mutualistes. Maurice Neuville, adjoint au chef à mettre en place les structures indispensables de cabinet, est son homme de confiance. avant de proposer des financements. Permanent JOC dès 1928, fondateur des Le développement de la formation profession- Editions ouvrières avec Marcel Muller, il anime nelle pour adultes fait partie également de ses l'Union départementale C.FT.C. de Lyon après objectifs majeurs. Dès mars 1951, à son mariage. Entré lui aussi dans la résistance, il l'Assemblée nationale il souligne que celle-ci forme un véritable «duo» avec Bacon qui appré- «est un instrument essentiel d'une politique de cie sa connaissance syndicale et professionnel- plein emploi». Il se fixe des objectifs précis et le, son jugement sûr. Paul Bacon lui confie le chiffrés dans l'industrie du bâtiment et des tra- vaux publics, dans l'industrie des métaux, et en de François de Menthon. Pierre Pflimlin, der- laveur des résidents nord-africains. «Je compte nier président du Conseil est niinistre d'Etat aux suivre de très près le fonctionnement et éven- côtés de Guy Mollet qui a facilité le retour du tuel Ieiiient la réorganisation de cette institution général, Robert Buron prend en charge le minis- dont le caractère doit rester essentiellement pro- tère des Travaux publics et des transports, Paul fessionnel». Face à un chômage conjoncturel. il Bacon reste au Travail et à la Sécurité sociale. propose ttne réponse globale. Le 5 juin 1950, Le général fait appel à Pierre Sudreau, non ins- Paul Bacon à I 'Assemblée rappelle cette crit mais proche des démocrates-chrétiens, ainsi approche «grûce à tttie sorte de prise en charge qu'à Edtnond Michelet, catholique convaincu. de toutes les activités (lui permettront de déve- Le parti républicain populaire bénéficie d'un lopper I' économie et par là même de donner à regain de vigueur en 1958. De Gaulle le «fos- tous les citoyens le travail auquel ils ont drt it et soyeur du M.R.P.» en 1946/1947 devient en titi' ils sont capables d'effectuer». 1958 «la manne providentielle». L'adjonction des 18 élus sous l'étiquette de la Démocratie Convaincu de l'importance du syndicalisme. Chrétienne de Georges Bidault aux 54 élus du il se soucie de la participation des grandes cen- Mouvement permet de créer le «groupe républi- trales à la gestion des conventions collectives. Il cain populaire et du centre démocratique» après soti ha i te la Lix al ion d'un salaire ni i ni niu ni garanti avec la nécessité de la négociat ion à la les législatives de novembre 1958 (36). hase «il faut (lue ce soit les gens eux-mêmes Dans le gouvernement de Michel Debré du 9 qtti discutent. (lui s'arrangent, qui prennent la janvier 1959 figurent des représentants du décision". Sur le plan national, il obtient I' éta- M.R.P. Robert Buron reste au ministère des 1,1 issement cl' un salaire ni i ni mum national inter- Travaux publics et des Transports. Paul Bacon, prolessiomel garanti par la Commission supé- battu aux élections, est maintenu par de Gaulle rietire des conventions collectives en août 1950. à son poste. Robert Lecouri devient ministre La réforme de l'entreprise avec la participation d'Etat et Joseph Fontanet, député de Savoie, des travailleurs est ébauchée dans le cabinet secrétaire d'Etat à l'industrie et au Commerce. Edgar Faure grûce aux décrets du 20 niai et 17 Le Mouvement participe encore le 14avril1962 septenibre 1955. Pour encourager l'octroi d'une au gouvernement Pompidou avec Robert Buron, prime collective, chaque entreprise volontaire l'homme des accords d'Evian, Paul Bacon, mais bénéficierait d'exonérations de cotisations aussi Pierre Pflimlin chargé de la coopération, sociales en gage (le sa bonne volonté. Les résul- Maurice Schumann à l'aménagement du terri- tats sont minces (35) de 1955 à 1958, 160 toire et Joseph Fontanet à la Santé publique et à entreprises seulement s'engagent dans cette la Population. Le 15 mai, lors d'une conférence voie.. «Mon ordonnance apporte quelque chose de presse de Gaulle ironise sur le «volapuk» de (le nouveau, elle n'a pas été appliquée parce l'Europe ititégrée et entraîne ainsi la démission qu'elle ne mettait rien de positif entre les mains des citiq ministres démocrates-chrétiens. Les de ceux qui auraient eu l'intention de l'appli- élections qui suivent en novembre consacrent la (1tier elle disait voilà ce que vous pouvez défaite du M.R.P. qui perd un million de voix. faire, elle n'est pas acceptée par les patrons sur- Jean Lecanuet après avoir tenté une «Fédération tout. Il aurait fallu ctue le gouvernement appor- des démocrates socialistes» avec Gaston te, donne de l'argent». Il faut attendre I 'avéne- Defferre se présente aux présidentielles de 1965 ment de la nouvelle République, avec un exécu- et fonde «le Centre démocrate social et euro- tif plus Lori pour aboutir à des résultats signifi- péen» qui aboutit à la disparition du catifs. Mouvement en 1967.

- Les ministres M.R.P. sous la V' République A la suite de «la mise en sommeil» du parti gaullienne d'inspiration démocrate-chrétienne, des reclas- Le drame algérien provoque le retour du sements s'opèrent. Maurice Schumann et général de Gaulle'qui, pour son ffwestiture du I" Marie-Madeleine Dienesch rallient les gaul- juin. bénéfice de la tiiajorité des voix des dépu- listes, Christian Bonnet s'inscrit au Parti répu- tés républicaitis l*)pttlaires à l'exception notable blicain, des députés de la gauche du M.R.P.

98 comme le jeune Bernard Lambert réjoignent le ment celles des différentes combinaisons de P.S.U. ou le parti socialiste. La majorité des par- prix et de services qu'il préfère ?» (38). lementaires élus s'inscrit au Centre Démocrate L'examen de la liste des ministres du Travail qui opère un véritable recentrage sur le plan ou des Affaires sociales est très éclairante sur la stratégique. Jean Lecanuet en devient le prési- proximité du général de Gaulle avec les milieux dent et Joseph Fontanet le secrétaire général. démocrates-chrétiens. Paul Bacon reste en place Les grands axes de la politique des «centristes» dans les gouvernements Debré puis Pompidou restent identiques à ceux du M.R.P. sur le plan entre janvier 1959 et avril 1962. Les deux de la politique écpnomique et sociale la ministres suivants, et Jean- recherche de la stabilisation et le souci d'une Marcel .Jeanneney sont des gaullistes sociaux rigueur dans la gestion s'accompagnent d'une attachés à la politique menée précédemment. volonté sociale réaliste. Un an après la mise en sommeil du M.R.P., en Des Républicains populaires sont présents 1968, Georges Pompidou, à la fin du mois de dàns la gestion politique de l'économie. Pierre mai, fait appel comme ministre des Affaires Sudreau, député' du Loir-et-Cher, proche du sociales à Maurice Schumann assisté d'Yvon M.R.R, est le premier ministre de l'Urbanisme Morandat comme secrétaire d'Etat à l'Emploi. de la V République. Il se rallie par la suite au Le premier président du M.R.P. conserve son P.D.M. Soucieux d'instaurer une certaine ratio- poste ministériel sous le gouvernement de nalité dans la politique du logement il fait Maurice Couve de Murville à partir de juillet accepter la création des Z.U.P. et des Z.A.D. en 1968 ; il est secondé par Marie-Madeleine répondant .aux préoccupations de Georges Dienesch, ancien député républicain populaire, Coudray dans la lutte contre les spéculateurs. et Dumas comme secrétaires d'Etat. La filiation Son successeur, Albin Chalandon, proche des est donc très claire la politique sociale du gaullistes de gauche, a une approche plus libé- général de Gaulle s'inspire davantage d'une rale et l'idée d'une planification de la construc- continuité que d'une volonté de rupture avec le Lion disparaît progressivement. Le vieux rêve de IV' République. Georges Coudray d'un «Plan Monnet de la Le choix de Paul Bacon en est la parfaite illus- construction» est resté à l'état d'esquisse (37). tration. Bien que battu aux élections législatives Robert Buron, ministre des Travaux publics, de novembre 1958, le général de Gaulle lui Y des Transports et du Tourisme, soutient les pro- garde sa confiance «On me dit que vous avez jets d'équipement routier touristique au nom réussi au ministère du Travail ?», Michel Debré d'un «tourisme de masse», défend la marine apprécie «sa compétence et sa loyauté» (39). lI marchande et évoque la nécessité d'une adapta- met en chantier dès le 2 juin 1959 des textes tion de la pêche française car «non seulement le fondamentaux pour établir un nouveau régime Marché Commun mais simplement le dévelop- de la Sécurité sociale et profite de la renaissan- Tpement des accords inter-européens ou même ce du pouvoir exécutif pour imposer un renfor- un minimum de liberté dans le monde créent des cement de.l'Etat dans la responsabilité du finan- concurrences redoutables pour les pêcheurs», il cement. Ayant obtenu grâce au soutien décisif relance •des projets de transports publics. du général de Gaulle le principe du convention-. Sensibles à 'toutes les innovatioî'iséconomiques, nement des médecins avec la Sécurité sociàle il insiste sur la dimension économique des loi malgré l'hostilité de l'Ordre des médecins, il !irs, réservoir d'emplois pour le futur. Joseph "met au point dès janvier 1959 les A.S.S.E.D.I.C. Fontanet, nommé secrétaire d'Etat du (Associations:pour l'Emploi dans l'Industrie et Commerce intérieur puis de l'industrie et du le Commerce) et I'U.N.E.D.I.C. (Union Commerce en 1959 dans le gouvernement Nationale pour. l'Emploi dans l'industrie et le Debré, est à l'origine des premières implanta- Commerce). . tions des grandes surfaces au nom de la liberté Tous ces textes sont l'aboutissement d'un tra- commerciale en 1960. «N'est-ce donc pas grâce vail mis en chantier à la fn de la IV' République à la libre compétition, à la libre confrontation de même que le projet de participation des que le consommateur doit pouvoir choisir libre- ouvriers à l'entreprise voté en janvier 1959 avec des exonérations liscales accordées aux entre- listes des questions sociales au sein du M.R.P. prises volontaires. Il satisfait enfin un de ses n'a pas atteint tous les objectifs fixés notam- espoirs les plus chers en faisant voter une loi en ment en matière de vote familial, de salaire de la juillet 1959 sur la promotion sociale. En mère au foyer. Louis Beugniez recdnnaît que les décembre de la même année il fait approuver un espoirs mis dans la nouvelle législation notam- texte tendant à favoriser la formation écono- ment pour les nationalisations sont infirmés par inique et sociale des travailleurs appelés à exer- les pratiques des usagers. Paul Bacon dans la cet (les responsabilités syndicales (40). Marie- question du déficit de la Sécurité sociale consta- Madeleine Dienesch, Maurice Schumann conti- te l'immobilisme de certaines catégories ratent dans cette voie d'une préférence systéma- sociales, le conservatisme de syndicats ouWiers tique donnée à la promotion collective par le ou patronaux qui se refusent à des réformes canal syndical plutôt qu'à la promotion indivi- significatives, qui ne prennent pas leurs respon- duel le. sabilités d'interlocuteurs dans la négociation des conventions collectives.

Il reste cependant de leur passage une Conclusion empreinte identifiable et durable. Dans le La question sociale explique et justifie l'enga- domaine familial, l'étonnant baby-boom qui se gement politique de bon nombre de parlemen- prolonge en France au-delà des années 1950, taires M.R.P. issus des milieux d'action catho- contrairement à d'autres pays européens, doit lique ou du syndicalisme chrétien. Ils ne peu- incontestablement son épanouissement à la poli- vent prétendre et n'ont jamais prétendu au tique de l'immédiat après-guerre orchestrée par monopole dans ce domaine. D'autres parlemen- Robert Prigent. Dans la gestion du dossier de la taires socialistes, communistes ont imprimé leur Sécurité sociale, résultat d'un désir commun des marque. Ambroize Croizat, président de la forces de la Résistance, Robert Prigent et Henri Commission du travail en 1945 a joué un rôle Meck en tant que membres de la commission déterminant. Devenu ministre, il rappelle que la préparatoire, puis Louis Beugniez et Charles réforme de la Sécurité Sociale est le fruit d'un Viatte se chargent d'éviter les dérives étatistes travail de longue haleine engagé dès l'entre- ou monopolistiques qu'ils dénoncent dans le deux-guerres. D'autre part l'essentiel a été fait à projet initial. Paul Bacon, en tant que rapporteur la Libération le climat d'unanimité nationale a se fait le promoteur du projet de loi sur les favorisé la réalisation des grandes réformes Conventions collectives votée en décembre telles que les nationalisations, la création des 1946. Devenu ministre du Travail, son «examen comités d'entreprises, l'instauration de la de passage ministériel» se joue le 8février 1950 Sécurité sociale. Après la victoire du Front répu- sur un projet de loi qui fixe la réglementation de blicain.en 1956, Albert Gazier dans le cabinet la gestion des conventions collectives avec l'ins- Mollet réussit à imposer des mesures impor- titution d'un salaire minimum interprofession- tantes. Les Républicains populaires ont apporté nel garanti. Les 9 années de présence, rue de leur part dans un labeur commun mais il n'y a Varenne entre 1950 et 1962 offrent une garantie pas eu en la matière exclusivité. au moins quantitative de sa marque personnelle.

Leur présence à des postes de responsabilité Héritiers d'une tradition sociale chrétienne, est limitée dans le temps, seul Paul Bacon fait portés sur le devant de la scène par la lumière de exceptionW'anôtiyniat relatif de Robert Prigent, la Résistance, les républicains populaires béné- celtu encore plus marqué de Louis Beugniez ficient d'atouts favorables à la Libération telles pourtant président de la Commission du travail que la connivence avec le général de Gaulle, et tic la sécurité sociale réélu chaque année de l'importance numérique de députés C.F.T.C. 1946 à 1951 s'expliquent en grande partie par dans le Mouvement. Le Manifeste du M.R.P. ce déficit de temps. Ils se montrent encore plus assume l'héritage social de ses prédécesseurs. discrets à l'avènement de la V' République. Imprégnés de l'esprit du C.N.R., ces militants D' autre part, la,

100 ver à la Libération les instants d'unanimité créa- 12/0511951, trice autour de grands projets, rêvent à une nou- (13) Extrait du Journal Officiel des débats. Assemblée nationale. 07/02/1946, velle donne politique mais ne parviennent pas à (14) Procès.verbal de la séance de la commission du travail du gérer les victoires, à prévenir les désastres élec- 30105/1947, Archis'es de l'Assemblée Nationale. toraux. Lancée avec audace et par le hasard des (15) Procès-verbal dc la séance de la Commission du travail du circonstances dans les combats de sauvegarde 21/12)1946, Archives de l'Assemblée Nationale, des acquis familiaux ou de développement de la (16) R.E.M. IRVING. Christian democracy in Fraace. London, participation ouvrière à la République nouvelle, Georgc Allen et unwin LTD. 1973, p. III. cette génération de militants chrétiens formée (17) Estmit des Tables nominatives des Arcltives de l'Assemblée nationals', par l'Action catholique générale ou spécialisée (18) Forces nouvelles. mai 1951, n» 4 «Oui,.. La France se relè- a inscrit une page de l'histoire du catholicisme ve t», R. LECOURT, français contemporain. La longue présence de (19) R.E.M. IRVING. Christian democracs in France, London, Paul Bacon au ministère du Travail et de la George Allen et Unwin LTD, 1973. p. 129. Sécurité sociale, la succession de républicains (20) Extrait du Journal Officiel des débats. Assemblée nationale, populaires au ministère de la Population et de la 19/07/1961. (21) Extrait du Journal Officiel des débats. Assemblée nationale. Santé publique sont des révélateurs d'une action 04/11/1965 et 13/04/1966. en profondeur menée dans l'exécutif, qui ne (22) Interview dc Jcan BORNARD le 20/03/1995. doivent pas occulter le labeur législatif des spé- (23) Isabel BOUSSARD, «Le Général de Gaulle et les agricul. cialistes M.R.P. de la question sociale à cura» dans La politique sociale du Générale de Gaulle, sa dir. de M. l'Assemblée. Une telle fécondité ne s'enracine- SADOUN, J.F. SIRINELLI. R. VANDEN'BIJSSCBE. Centre d'Histoire de la Région du Nord ride l'Europe du Nord-Ouest, Lille rait-elle pas dans l'intime double conviction III. vilteneuve d'Aacq, 1970, pp. 265-270. d'une nécessité politique et d'une urgence apos- (24) Rnben BICHET. La Démocratie Chrétienne en Fra,tt'e, le tolique ? Mouvement Républicain Populaire, Et Jacques et Demontrond, Beaançon. 1980, P. 196.

(25) Extrait des Tables nantinatives des Archives de l'Assemblée nationale.

(26) Extrait des Tables nontinatives des Archives de l'Assemblée nationale.

(27) Extrait du Service de Documentation générale de la Presse, Archives de l'Assemblée nationale.

(28) Philippe 5EGUIN. 240 dans un fauteuil, la saga des prési- dents de l'Assemblée, Paria, 1995, Seuil. pp. 971'972. (I) Extrait des Tables nominatives des Archives de I Assemblée Nationale. (29) A partir des Tables nominatives desArchives de l'Assemblée nationale. (2) Interview de Roben PRIGENT. le 27112/1991, (30) Arlielr de Uon Robichez, directeur de Nord-Eclair. (3) Procès-verbal de la séance de la commission du travail et de novembre 1949. la sécurité sociale du 5/0611945. Archives de l'Assemblée Nationale. (31) Interview de Paul BACON le 24/04/1992.

(4) Pierre LAROQUE. Au service de l'homme et du droit - souve- (32) Extrait des Tables nominatives des Archives de l'Assemblée nirs et réflexions. Comité d'histoire de la Sécurité sociale. Paris, nationale. 1993. (33) A partir des rencontres et d'un échange dc conxspondances (5) Procès-verbal de la séance de la Commission du travail du avec Paul Bacon entre février et octobre 1992. 29/06/1945, Archi ses de l'Assemblée Nationale. (34) Extrait du Journal Officiel des débats, Assemblée nationale, (6) Procès-verbal de la séance de la Commission du travail du 2210711953. 3110711945, Archives de l'Assemblée Nationale, (35) Marc SADOtJN. Jean-François 5IRINELLI. Roben VAN. (7) Procès-verbal de la séance de la Commission du travail du DENBUS5CHE (sa dir.). La politique sociale du général de Gaulle. 01/0711946, Archivts de I 'Assemblée Nationale, Actes du colloque de Lute, 8-9 décembre 1989. Centre «Histoire de la région du Nord et de Europe du Nord-ouest, Lille III. 1990, (K) Rohert BICHE'!', La Démocratie Chrétienne en Fronce. le Article d'Alain-René MICHEL sur «Paul Bacon» p. 228. Mouvement Républicain Populaire et Jacques et Oemontrond. Besançon. 1980, p. lOI. (36) Roberl BICHET, ibidem, p. 378. (9) Extrait des Tables nominati s-es des Archives de l'Assemblée (37) Extrait dea Tables nominatis'es des Archives de l'Assemblée natisnta le. nationale.

t 10) Extrait du Journal Officiel des débats, Assemblée nationale, (38) Extrait du Journal Officiel des débats, Assemblée nationale, 5/08/1947. 24/06/1960.

(Il) Extt-ait du Journal Officiel des débats. Assemblée nationale, (39) Michel DEBRE. Mémoires, t. 1 1958-1962, Albin Michel. 1410211950. 1988, P. 91. (12) Extrait du Journal Officiel des débats, Assemblée nationale, (40) Interview de Paut BACON le 25107/1992. Benoît JEANNEAU - Je voudrais profiter de Pour terminer sur le social, je rappellerai, par cette interruption pour saluer l'arrivée de Mme comparaison avec l'époque actuelle, deux petits Idrac qui est Secrétaire d'Etat aux Transports et faits, entre mille autres la remercier tout particulièrement de nous avoir Pierre-Henri Teitgen, quand il était Ministre, fait l'honneur et l'amitié de sa présence ce soir. se rendait dans sa circonscription d'llle-&- Je tiens à assurer M. Béthouart qu'il nous a Vilaine en payant lui-même son essence. vraiment éclairés. Je vous avais indiqué tout à Maurice Neuville, que j'ai bien connu et que l'heure que c'était un bon connaisseur de la vous avez cité tout à l'heure, était tellement mal législation sociale mais on s'est aperçu aussi, à payé, même quand il était chez Bacon, qu'il l'écouter, que c'était un très bon connaisseur du arrivait à l'Assemblée Nationale en sandales, ce M.R.P. et de ses différents membres. el que n'appréciaient guère les huissiers. Derrière tous les> projets sociaux et les Bruno BÉTHOUART - Je me permets de réformes qui ont été entreprises sous la IV' compléter ce que vous venez de dire, Monsieur. République mais un peu au-delà, sous la V' Paul Bacon avait un fils qui était très malade. Ce aussi, on voit maintenant se profiler une person- fils avait besoin de soins qui n'étaient possibles nalité. De sorte qu'en rapprochant à la fois qu'aux U.S.A. Son enfant n'avait pas le droit de toutes ces stratégies mais également ces inspira- bénéficier de la Sécurité Sociale ; il a refusé un tions et aussi ces dévouements avec les per- passe-droit et l'a pris entièrement à sa charge. sonnes qui les incarnent, on a maintenant un tableau vivant de l'action et du développement Henri CATHERIN - J'ai écouté avec beau- de la politique sociale et familiale sous la IVe et coup de plaisir cet exposé car cela nous manque au début de la V' République, grâce à la présen- d'avoir des repères comme ceux que vous nous ce du M.R.P. donnez. Je crois là-dessus que l'image du M.R.P. est Il n'y a pas beaucoup d'écrits sur l'action restée bonne. On n'a jamais contesté son rôle sociale du MRP, donc le travail que vous avez dans ces secteurs. Peut-être son oeuvre a-t-elle fait est utile. été un peu oubliée parce qu'inachevée du fait J'ai vécu cette période car à l'époque j'ai des circonstances et du nouveau cours pris par essayé d'assurer la continuité avec Paul Bacon, les événements. Francine Lefebvre, Léon Dubois, Albert Genin, tous ces militants que vous avez connus, avec ** l'aide de Joseph Folliet ou de René Rémond. Un débat s'instaure sur lexposé de Bruno Ancien permanent de la J.A.C. et du C.M.R. où Béthouart. j'ai fait de la formation civique pendant sept ans avant de devenir responsable des Equipes syndi- Jacques PARINI - Je voudrais apporter deux cales de Forces Démocrate, j'ai beaucoup souf- compléments au rapport fert, après la disparition du MRP, de l'exode de - Je crois qu'on n'a pas cité le Code du travail militants qui sont allés au Parti Socialiste ou doutre-nier, initiative du M.R.P. due principale- ailleurs, ou surtout nulle part, parce qu'ils ne ment à Francine Lefebvre, «la petite chocolatiè- trouvaient plus l'inspiration qui avait été celle re)>, et à Joseph Dumas, ouvrier mécanicien. Le de ce mouvement. M.R.P. était un parti populaire, je le rappelle. Ce On ne va pas s'attarder trop sur la nostalgie. Code du travail a été très important car il avait Je crois que ce qui a été fait à l'époque est aux pour véritable objectif de mettre fin définitive- yeux de nos contemporains proprement révolu- ment au travail forcé. tionnaire. Nationalisations, planification, toutes - Je rappelle que le mot «révolution par la ces idées ne sont pas tellement bien perçues par loi» ne figurait pas dans Le Manifeste du M.R.P. l'opinion, très marquée aujourd'hui par les qui parlait de «révolution». La «révolution par idées ultra-libérales: mais je crois que cela nous la loi)) est un terme postérieur de Georges fait du bien d'en entendre parler, même si nous Bidault. avons conscience que les temps ont changé et

[[I)') qu'ils apellent de nouvelles méthodes Nol Barrot parlait de tel ou tel de ses collègues parlementaires ou ministres, avec un enthou- Je voudrais simplement citer quelques grands siasnie, une amitié, qui ne cessent aujourd'hui, militants de l'époque. François de Menthon après de nombreuses années de vie politique, de «La véritable charité qui doit se faire techni- m'émouvoir. Il est vrai que, pour avoir entendu cienne conduit sans cesse à rechercher plus de Pierre-Henri Teitgen et son père le Bâtonnier justice». Voilà des mots qui sont toujours très 1-lenri évoquer la Résistance et la douloureuse actuels. «Il faut être juste avant d'être généreux réconciliation qui suivit, pour avoir vu comme on a des chemises avant d'avoir des den- Geneviève Poinso-Chapuis évoquer avec pas- telles». «Ai-je régléce que je dois avant d'offrir sion les enjeux familiaux et sanitaires du pays. des présents à qui je ne dois rien ?» «La charité pour avoir écouté le récit des grandes grèves de n'est pas faite pour barrer la route à la justice 47 par ce militant de la CFTC qu'était Jules mais pour faciliter la voie et lui servir de cou- Catoire, pour avoir entendu parler ces militants ronnernent'>. venus de la J.A.C.. comme Terpent de l'Isère, je Le Père Lebret, avec qui nous avons aussi reste encore enthousiaste. beaucoup travaillé, disait toujours que le pire Héritiers d'une tradition démocrate et chré- n'est pas la misère des démunis, niais l'incons- tienne, ces responsables avaient manifestement cience des nantis. Il a été un précurseur en conçu leur engagement politique dans le droit fil matière de solidarité mondiale dont il est tant de leur engagement chrétien non pas pour question aujourd'hui reproduire le cléricalisme d'antan, que l'action Yvon Chotard disait, quand il est arrivé à la catholique avait su mettre en cause et faire recu- présidence du Bureau international du travail ler, mais pour essayer de relier spirituel et tem- (B.l.T.) «la qtiestion sociale est devenue mon- porel dans une nouvelle dialectique. C'est ainsi diale». C'est très vrai. Aujourd'hui, les gens ne que je les ai d'abord connus et c'est ainsi que je peuvent plus supporter les injustices dans le rêve encore de ce retour d'une dimension monde et ont le désir de changer les choses. authentiquement spirituelle de l'action poli- tique. Peut-être, sûrement, je les idéalise... Mais Voilà quand même des signes d'espérance c'est bien un souffle qui passait, même si les pour l'homme d'aujourd'hui. façonné par tous difficultés de la IV' République ont peu à peu ces grands anciens. Tel est le témoignage que je dissimulé et freiné cet élan. voulais apporter et merci de nous avoir fait revivre aujourd'hui ces grands exemples. Qui peut nier qu'ils ont beaucoup contribué à jeter les bases d'une communauté nationale ** solidaire, d'une économie française moderne ? Ils ont joué un rôle majeur dans la reconstnic- Deux personnalités politiques, les députés- Lion qui, à l'époque, fut sans doute conçue à une nwires, anciens ministres, fac ques Barrot et échelle plus humaine que par!a suite. Par leur Bernard Bosson, dont les pères furent parle- présence sur le terrain, par leur,courage. ils ont inentaires MRI-', - retenues le 10 décembre par sans doute évité que la France ne soit subniergée d'autres obligations nous ont fait parvenir les par un pouvoir communiste qui eût pu sinstal- textes du témoignage qu'ils auraient l'un et 1er en profondeur si les militants qu'ils étaient l'autre souhaité présenter dans le cadre du col- n'avaient pas tenu le terrain et évité une capta- loque. Nous les publions ci-après tion d'espérance par le marxisme. Mais deux épreuves les attendaient la grande épreuve de la décolonisation et le chantier de la Souvenirs du M.R.P construction européenne. Pour la première, le Jacques BARROT - J'avais 13 ans dans les M.R.P. n'a sans doute pas vu venir le problème années 50 l'âge où l'on retient pour le reste de il a trop tardeàI' aborder avec une approche qui sa vie certains visages. Le M.R.P. ce fut pour eût été beaucoup plus conforme à son éthique moi d'abord des femmes et des hommes très profonde. II est vrai que, de l'autre côté de la admirés. C'est le souvenir de la manière dont Méditerranée et même en Indochine, une popu-

103 lation française éprouvait les plus grandes diffi- tant difficilement aux influences marxistes qui cuités à s'adapter à cette nouvelle donne. se faisaient sentir en milieu ouvrier et en milieu Toujours est-il que ce conflit auquel n'avaient populaire. L'A.C.J.F. avait permis cette confron- pas été préparés les hommes du M.R.P. a été une tation irremplaçable entre des chrétiens venus source d'affaiblissement interne. de tous les horizons professionnels et sociaux. Et puis, il y a eu cette grande interrogation qui Elle a fait cruellement défaut au moment où le a suivi le retour du général de Gaulle ? Fallait-il M.R.P., en s'effaçant, laissait une place inoccu- accepter ou refuser de temporiser avec les réac- pée. tions épidermiques du général de Gaulle sur les Un parti comme le M.R.P., créé dans le silla- perspectives européennes ? N'avait-il pas été, ge d'un idéal de vie communautaire, avec des par ses amis interposés, l'auteur de l'échec de la convictions fortes, laisse ici et là suffisamment C.E.D. 7 Et pourtant n'avait-il pas tenu les de boutures pour de futurs printemps. Force engagements du Traité de Rome lors de son Démocrate peut s'inspirer de ce militantisme retour au pouvoir 7 Ce fut un difficile cas de M.R.P. pour jouer les premiers rôles dans le conscience. La rupture avec de Gaulle, si coura- renouveau de notre vie démocratique. Elle doit geuse soit-elle, a pesé lourd sur l'avenir de cette aussi puiser dans les valeurs du M.R.P. pour for- famille politique. ger de nouveaux repères à l'intention des jeunes Dans les années 62-65, j'avais eu la chance de générations de l'an 2000 et renouer avec le participer aux nouvelles équipes qui tra- dynamisme, la générosité, que sous-tendait le vaillaient à la renaissance du M.R.P. j'ai gardé nom de «Mouvement». de cette période une image très positive, comme «M.R.P. les chevaliers de l'Europe» si, à la faveur d'une restabilisation institution- nelle, ce parti qui était un parti de convictions et BernaS BOSSON - Pour les héritiers de d'idées pouvait renaître et retrouver unegrande l'oeuvre du M.R.P., dont je suis, l'histoire de ce dimension. Le malentendu entre le M.R.P. et le mouvement se conjugue avec la construction général de Gaulle sur l'Europe ne permit pas à européenne. cet effort de porter tous ses fruits. L'appel de Robert Schuman est l'acte fonda- Puis ce fut l'élection de 1965, les transforma- teur de la Communauté européenne. tions qui ont suivi avec le Centre Démocrate, On oublie trop souvent aujourd'hui qu'il issu lui-même d'une coalition, certes européen- sagissait d'un acte politique majeur. ne, mais où s'étaient rejoints des femmes et dS On voit trop souvent dans la première com- hommes qui n'avaient pas une approche aussi cohérente de la société française. munauté (la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) une Europe économique, Cette très belle Histoire aurait mérité d'autres alors qu'il s'agissait, avant tout, de mettre en prolongements. Entré en politique en 1967 à commun le charbon et l'acier, c'èst-à-dire les cause du décès de Nol Barrot, j'ai, avec tous principaux moyens de guerre de l'époque pour les amis qui nous ont entourés, essayé de puiser rendre tout nouveau conflit impossible entre la autant que cela pouvait se faire, dans cette gran- France et l'Allemagne. de tradition politique. Joseph Fontanet comme Jean Lecanuet nous y ont aidé, chacun à leur Le M.R.P. n'a cessé ensuite de se battre pour manière. Mais il est vrai qu'entre-temps la la Communauté Européenne de Défense qui sociologie de la France urbanisée et privée d'un dotait la Communauté Européenne de sa néces- certain nombre de repères n'était plus aussi saire future dimension politique. réceptive. Et je voudrais dire à cet égard com- Après cet échec, dû à une majorité de ren- bien la crise de l'Action Catholique de la contre au Parlement Français, le M.R.P. n'a eu Jeunesse Française a pesé lourd. L'action catho- de cesse de reprendre la construction européen- lique s'est, en quelque sorte, enfermée dans les ne sous une autre forme la Communauté clivages sociologiques en empruntant les Economique devant déboucher un jour sur visions fragmentaires de ces milieux et en résis- l'Europe Politique.

104 Ce combat a été constant et s'est poursuivi leur confiance en eux, mais elle doit rejeter l'or- jusqu'à la décision de 1962 préfigurant la fin du ganisation de la société américaine si douce aux M.R.R, qui est mort de la fidélité à son idéal riches et si dure pour les autres. européen, avec le départ volontaire du L'Europe doit être la Terre où l'efficacité éco- Gouvernement du général de Gaulle de Pierre nomique est mise au service d'un projet humain, Pflimlin et de ses amis M.R.P. après le discours d'un projet de société. sur le volapUk. L'Etirope doit être pour ses citoyens comme C'est dire l'oeuvre accomplie par l'ensemble pour le reste de la planète un modèle celui de des dirigeants et militants M.R.P. de la grande l'économie sociale de marché. époque et le respect que nous leur devons. Ils ont été les chevaliers de la construction euro- C'est cette dimension humaine, politique et péenne. philosophique que nous avons aujourd'hui le devoir de lui donner de toute urgence. Au moment où la Communauté Economique et Financière est en train de se parachever, c'est Lors de la cérémonie qui fêtait ses 90 ans, à nous, héritiers de l'idéal européen du M.R.P. Pierre Pflimlin, dans la Grande Salle du Palais de. rappeler que l'Europe Economique n'est de l'Europe déclarait qu'un moyen au service d'une fin la construc- «Je souhaite éclairer la mute de ceux qui sont tion d'une Europe Politique et Humaine. appelés à construire lEumpe du siècle pro- S'il est souvent question des critères écono- chain, une Europe de la prospérité, une Europe miques que les Pays d'Europe doivent respecter, de la puissance, mais surtout une Europe qui il n'est pas assez souvent question des valeurs soit capable de faire valoir face au monde la fondamentales que la Communauté Européenne primauté des valeurs de l'esprit.» doit servir. Et il citait cette fomiule de Jean Monnet à qui L'Europe doit prendre aux Etats-Unis l'on demandait s'il était optimiste ou pessimiste d'Amérique leur efficacité, leur capacité pour l'Europe et qui répondait «Je ne suis ni d'adaptation, leur faculté de remise en cause, l'un, ni l'autre, je suis détenniné».

'tupi CONCLUSIONS DU COLLOQUE par René Rémond

Benoît JEANNEAU - Je «ai pas à présenter René Rémond. Il me.permettra tout de même de dire qu'il n'est pas seulement le président de la Fondation nationale des Sciences politiques mais l'un des historiens les plus appréciés de notre temps sur notre siècle, parce qu'il a le don de dégager, dans la mêlée des événements, non seulement les niutations, niais également les continuités et les filiations.

Et puis, il a aussi le mérite auquel les juristes et les politistes sont particulièrement sensibles, d'avoir réintroduit, dans la recherche historique, un paramètre qui avait son importance celui des l'acteurs politiques, après une longue période pendant laquelle on avait sans doute exagérément insis- té sttr les infrastructures économiques.

C'est dire qu'il était l'un des plus éclairés, je dirai même l'un des plus autorisés pour esquisser les conclusions de nos travaux de la journée et nous nous réjouissons vraiment de l'entendre.

René RÉMONI) - Une conclusion est-elle bien nécessaire au terme de cettejournée ? C'est probabletient I' attachement à la syniét rie qui appelle uti pendant au propos d'ouverture. Même sije ne suis pas convaincu de cette néces- sité, je ne nie déroberai pas à l'honneur que l'on n'a fait en me confiant cette tûche et je vous soumettrai quelques réflexions sans prétention qui me sont vernies à mesure du déroulement de nos travaux. Nous avons entendu des conimutii- cations savantes, des rapports érudits qui otit enrichi notre infortiiation. Une large part a été faite aux débats et les témoignages de Pierre PilimIin et de Maurice Schumann resteront longtemps dans notre mémoire, etje suis certain d'exprimer le sentiment général en les assuratit de notre reconnaissance.

Les organisateurs (le CC col loque ont voulu faire A la Ibis oeuvre (l'historien et de justice. Ils R. R&nond ont pensé, que cinqutuite ans après la fondation de Foires Nouvelles au lendemain des élections du M R P et trente après son effacement, le temps de novembre 1946 à l'Assemblée Nationale que était venu pour I LI d'entrer dans l'histoire et de le MRP serait l'axe de toute les majorités. Si recti lier la légende noire qui occulte souvent la cette affirmation n'a pas été entièrement confir- réalité. Le M R P souffre (le I' assi mi lttt ion avec la niée par la suite des événements puisque le 1W République. com me avant I ui le parti radical MRP a été absent de certains gouvernements, il avait sLthi le préjudice de I' identification avec la est vrai qu'il a été de la plupart des majorités et Il le République hnissante, C'est l'effet ordinai- des gouvernements. En raison de cette image re (le la défaveur qu'encourent les partis qui ont déformante s'impose qu'on jette un regard neuf été au pouvoir et la rançon des responsabilités pour tenter d'évaluer ce que le MRP a représen- (IL ' ils ont exercées. Je lisais tout à l'heure sur té dans l'histoire générale de notre pays et ce une (les premières pages (affichées dans le hall) qu'il lui a apporté.

106 L'identifier trop exclusivement à la 1Vt (octobre 1945)11 décuple le nombre de ses élus République, ce serait réduire son existence à un et il sera bientôt la première force politique du seul moment d'une histoire qui fut plus longue: pays. Ce succès a des causes circonstancielles - la famille de pensée dont il a été une expression le discrédit de la droite qui laisse un électorat n'est pas née en 1944. Le MRP s'inscrit dans disponible, la réputation d'être la formation la une tradition qui vient de-loin. Symétriquement plus proche du général de Gaulle - mais s'ex- elle lui a survécu et une postérité l'a prolongée plique aussi par des causes plus essentielles qui au-delà de sa disparition. tiennent à l'état des esprits comme à son pro- gramme. En 1944-45 le MRP se présente comme un rassemblement. Il fédère des courants -qui La déception ne tarde guère : un an plus tard, étaient restés jusque là séparés. En regroupant le reflux s'amorce et en 1947 le surgissement du les héritiers du parti démocrate populaire et une RPF entraîne la perte d'une partie de ses élec- fraction de la Jeune République il réalise par- teurs. Au fil des années ses électeurs le quitte- tiellement le voeu que Francisque Gay avait ront pour la droite et ses militants pour la énoncé avant guerre dans ses Mémoires confi- gauche. Le MRP s'inscrit dans une configura- dentiels. Il rassemble aussi des générations suc- tion politique, il est une pièce dans un système cessives et l'on sait combien les fusions de ce et il entretient avec ses partenaires et ses concur- genre sont toujours délicates. rents des relations complexes. Un moment, on a pu rêver d'un travaillisme à la française qui La tradition dont il recueille l'héritage s'était aurait réuni le MRP avec le parti socialiste. A constituée dans l'entre deux-guerres sur une d'autres moments il s'est trouvé associé à la double rupture : avec le conservatisme politique droite classique. Ses relations avec le gaullisme et social et avec le refus du nationalisme intégral sont plus complexes. A deux ou trois reprises il de l'Action Française. La fidélité à ces choix est entré en conflit avec le général de Gaulle. On fondamentaux explique pour partie le dissenti- a parlé de rencontres manquées et de fait on ment en 1946-47 avec le général de Gaulle. Le aurait pu imaginer que le premier résistant et le MRP a achevé de réconcilier les catholiques mouvement né de la Résistance associent leurs avec la politique et la démocratie. La création destins. On peut même estimer que leur incom- du MRP parachève la réintégration des catho- préhension réciproque et leurs ruptures ont fait liques dans la société politique : l'interdit qui les le malheur de la politique française. Mais il faut frappait est levé ; c'est la fin de l'exclusive taci- voir aussi que le désaccord entre eux était sans te qui les écartait de toute grande responsabilité doute inévitable car leurs conceptions respec- dans l'Etat. Leur ralliement à la République est tives de la politique étaient par trop dissem- sans réserve : il ne doit rien aux calculs ou à blables. Autre malentendu, qui sur le moment l'opportunisme et leur adhésion à une concep- apparut inexplicable à certains : avec Pierre tion parlementaire de la République se fonde sur Mendès France et le mendèsisme qui a jeté le une réflexion élaborée. trouble dans les rangs des militants. C'est de ce Le MRP entend faire du neuf. Le choix même moment-là que date le début du malentendu de son appellation - mouvement et non parti - avec les jeunes catholiques : c'est alors que s'est signifie le désir de créer une formation dont le tari le mouvement qui assurait jusque là un pas- fonctionnement soit démocratique. Son activité sage régulier des mouvements de jeunesse repose sur des engagements de militants et catholiques à l'engagement dans le MRP. contribue à démocratiser la vie politique. Dans Je ne reprendrai pas l'inventaire de ce qu'a été deux directions au moins le MRP réalise une l'oeuvre des ministres et des parlementaires avancée : il accueille largement des éléments MRP sous la IVe République. Je ne dresserai pas des milieux populaires, ouvrier et agricole ; il le bilan de ce qui s'est fait à son initiative, que fait la part belle aux femmes. ce fût sous sa seule responsabilité ou associé Son entrée dans l'histoire commence par une avec ses partenaires politiques. Je me bornerai à surprise : celle d'un succès dont l'ampleur éton- mentionner qu'il a contribué à ce que la recons- ne et éblouit. Dès la première élection générale truction du pays ne se fasse pas à l'identique

107 comme après la première guerre. Il a apporté un démocratie. concours appréciable à la modernisation de notre appareil de production, à la rénovation des Ainsi notre culture politique est largement redevable à la réflexion et à l'action des idées, à la mutation de la société. On ne saurait hommes qui, entre 1944 et 1964, ont été pré- oublier ce que fui son rôle dans la politique sents dans la vie publique sous les couleurs du européenne sur laquelle il n'a pas varié et sur laquelle aucun gouvernement ni aucun régime Mouvement républicain populaire. Leur apport n'est jamais revenu. s'est à ce point fondu et intégré dans la pensée commune qu'il n'est plus guère possible aujour- Je préfère énoncer quelques caractéristiques d'hui d'en repérer les traces mais cette dilutiôn dccc qu'il a apporé à la culture politique et à la n'est-elle pas la preuve la plus démonstrative de pratique de la démocratie et qui font aujourd'hui leur réussite ? partie intégrante de nos habitudes de pensée et (le notre comportement collectif. D'abord le res- Benoît JEANNEAU - J'hésite à reprendre la pect du droit c'était un héritage du catholicis- parole après le rapporteur général mais qu'il me me social et de la pensée de l'Eglise sur la socié- soit permis tout de même d'ajouter quelques té. Nombre de ses dirigeants étaient de par leur mots de clôture. Formation et leur profession des juristes attachés D'abord pour remercier le rapporteur général Ù la règle de droit. Cet état d'esprit explique de l'excellence de ses conclusions. Nous nous y entre autres le refus en 1958 d'un François de attendions. J'avais dit quel don de synthèse pos- Mentlion de voter l'investiture du général de sédait René Rémond, mais il vient de nous en Gaulle sous la pression des militaires. Il donner une magistrale confirmation en nous explique pareillement l'opposition en 1962 à la aidant à nous faire und idée juste de ce que fut procédure référendaire choisie par le général de réellement le MRP. Gaulle pour réviser la Constitution. Est-il dérai- sonnable de penser que si l'Etat de droit a fait Ce qu'il avait représenté pour beaucoup des progrès et si un contrôle de constitutionnali- d'entre nous, nous nous le rappelions, mais té des lois est aujourd'hui accepté de tous, le affectivement. Ce que certains ont voulu y voir MRP n'y a pas été étranger? ensuite, en l'assimilant abusivement et à des fins polémiques à la IV' République, nous le savions Par son refus en plusieurs circonstances dra- aussi pour en avoir souffert. matiques - le départ du général de Gaulle en 1946, la crise de 1958 - de la politique du pire, Mais, en le replaçant dans une perspective il a sans doute aussi contribué à l'apaisement historique pour nous montrer tout ce qu'il avait des passions: si nous vivons aujourd'hui dans le apporté de neuf dans notre vie politique au len- cadre d'une démocratie apaisée, si les alter- demain de la Libération et les réformes que la minces successives ont été si facilement accep- société française lui devait, vous nous avez per- tées, si le concensus a prévalu sur de nombreux mis, cher Monsieur, de retrouver sa véritable pi'oblèmes, je pense que le MRP y est pour identité et de tout cela nous vous sommes infi- quelque chose. niment reconnaissants.

Son rôle me paraît évident encore dans l'évo- Mais je voudrais aussi remercier tous les par- lution de notre idée de la démocratie : jadis, elle ticipants à cette journée pour les échanges que s'identifiait à une conception de l'unité qui lais- nous avons pu avoir entre nous et leurs témoi- sait bien peu de place à la diversité. La famille gnages (lui ont enrichi notre connaissance sur (le pensée dont le MRP a été une expression his- une action et l'esprit qui l'animait. torique, n'a jamais cessé de combattre pour la Enfin il faut aussi féliciter les organisateurs de reconnaissance du pluralisme. Le MRP a ainsi ce colloque et en particulier Jacques Mallet qui contribué à ouvrir la République au-delà du en a pris l'heureuse initiative. cercle relativement étroit de ceux qui enten- daient en accaparer la direction. Il a ainsi contri- Ils nous ont procuré, en effet, la joie des bué A réconcilier la société avec la politique, retrouvailles et je crois que je me ferai l'inter- l'Etat avec la société civile, la République et la prète de tout le public en disant que nous repar-

108 tons, les uns et les autres, avec le sentiment société est faite pour l'homme et non l'inverse d'être mieux éclairés sur nous-mêmes et récon- Le président Maurice Blin l'a fort bien souli- ciliés avec un passé auquel nous avions pris gné au début de cette journée en faisant remar- part, mieux éclairés sur le véritable apport du quer qu'aucune des grandes questions aux- MRP à l'histoire de l'immédiat après-guerre, quelles nous sommes aujourd'hui confrontés ne réconfortés aussi au regard d'une expérience lui avait finalement échappé. que nous avons vécue. Car nous mesurons bien maintenant que, si le MRP a pu décevoir, il a C'est ce qui explique que son message tout de même aperçu les grands problèmes de la demeure actuel et vivant. Je souhaite donc qu'il société moderne et leur a apporté un commen- continue de donner un sens à notre réflexion et cement de réponse qui reste toujours aussi vrai à notre action. parce qu'il repose sur cette conviction que la

Conversations à la faveur d'une pause. On reconnaît, à g. J-M. Vanlerenberghe. maire d'Arras à d., A-M. ldrac, alors secrélaire d'litat aux Transports.

Les livres de nos collaborateurs et amis

jean-Marie PELT Charles ZORGBIBE «Plantes en péri!» «La Méditerranée sans les grands» Ed. Fayard Ed. QuadrigelPUF

109 Un grand témoin nous a quittés: Pierre-Henri Teitgen (1908-1997)

En raison de son étal de santé, Pierre-l-lenri gé de droit public (il avait fondé et longtemps Teiigen n'avait pu participer au colloque du 10 dirigé la revue «Droit social») et, son passé de décembre. Mais il y fut présent tout au long des résistant, il a été longtemps l'un des dirigeants rapports et des débats. L'un de ces grands les plus influents du MRP. Son livre «Faites juristes dont le rôle majeur dans la fondation et entrer le témoin suivant» apporte un précieux les premières années du MRP fut justement sou- éclairage sur quelques épisodes marquants d'un ligné, il a, presque sans discontinuer, de sep- cursus exceptionnel, au long duquel il ne se tembre 1944 à juillet 1950, fait partie des pre- départit jamais d'une grande rigueur morale et niiers gouvernenients d'après la Libération et de d'un total désintéressement. la IVe République, à la Justice, à la vice-prési- Faut-il ajouter que, depuis sa création qu'il dence du Conseil, aux Forces armées, à avait vivement encouragée, il n'a jamais cessé l'information, puis, de nouveau, en 1955 à la de suivre et soutenir France-Forum. Fiance d'outre-nier. Me Pettiti a par ailleurs rap- pelé la part prépondérante qu'il a prise plus tard C'est donc une part très personnelle que ndus Ù l'élaboration (le la Convention européenne des prenons à la peine de ses proches et de sa famil- droits de l'honime et sa carrière de juge à la le politique. Et nous nous sommes autorisés de Cour européenne des droits de l'homme. ces liens particuliers pour demander à son frère Jean, notre collaborateur et, lui aussi, ami très Fort d'une longue tradition familiale d'appar- proche, de nous livrer avec simplicité quelques tenance à la démocratie d'inspiration chrétien- souvenirs sur la jeunesse de Pierre-I-Ienri ne, grand orateur - comme l'avait été son père, Teitgen et son entrée dans la vie professionnel- le bîttonnier 1-lenri Teitgen dont les interventions le. (fans les premières Assemblées de la IV' République ne pouvaient laisser personne indif- Ce sera-là noire façon de rendre hommage et ft5reni ,jouissant- de l'autorité indiscutable que de témoigner de notre fidélité à sa mémoire. lui valaient ses compétences de professeur agré- Henri Bourbon - Jean Aubry

Pierre-Henri Teitgen, mon frère

Le moi, dit-on, est haïssable. Je ne courrai pas nant des souvenirs qu'il est indécent d'étaler. Je le risque ou l'odieux de contredire Pascal. m'en tiendrai donc à l'essentiel sans répéter, Cependant puisqn'il m'a été demandé de dire, une fois encore, ce qui a été dit ou écrit plus ou non pas ce cILle 'avais ressenti à l'annonce moins officiellement concernant la carrière de attendue du décès de mon frère, mais de révéler Pierre-Flenri. Qu'elle ait été, sur les plans pro- ce que ma mémoire, proche ou lointaine, pou- fessionnel et politique, exceptionnellement vait nie rappeler, j'éprouve une sorte de malai- brillante m'importe peu. Qu'il l'ait conduite, à se. J'ai l'impression de forcer un coffret conte- ces deux niveaux, avec beaucoup de travail mais

10 aussi d'habileté et de talent, il est difficile de le tionnée par un premier prix, il obtenait le grade contester. Pourtant je voudrais signaler quelques de docteur en Droit sa thèse de Droit adminis- faits importants qui n'ont guère été retenus. tratif(2) lui avait valu les félicitations du jury. Je tue souviens encore de la dédicace dont il m'avait honoré en m'offrant son ouvrage Après des études secondaires d'une honnête «Comme tu finiras bien dans la peau d'un moyenne il obtient, à la première session son ministre de [Intérieur je t'offre les pages x et y bachot - section C (latin-sciences) réputée plus qui faciliteront ta lutte contre tes «amis'>, les «dure». Ce succès, comme l'intérêt qu'il avait Jeunesses Patriotes et d'Action française ... »

R-H. 'I'eilgen panicipant à un débat à Fiance-Forum. A sa di., J. Fauvel. A sa g.. R. Rérnond et H. Bourbon.

manifesté pour la philosophie, annonçaient 1933 le temps des Ligues, particulièrement d'autres réussites que l'avenir devait confirmer. virulentes à Nancy, ville conservatrice s'il en J'ajoute que durant la dernière année de ses fût. A cette époque j'étais en discussion parfois études secondaires il avait obtenu le prix d'élo- violente avec ces «ennemis de la République !». quence attribué par la D.R.A.C. (I) au terme Mon frère et moi, formés par notre père qui fut d'une compétition étendue à tous les collèges de l'un des fondateurs du Parti démocrate et popu- France. Je me souviens d'une réflexion d'un de laire, n'avions en effet aucune sympathie pour ses professeurs : «Il tient de son père b>. les groupements d'extrême-droite.

Mais passons. Après une licence en Droit dont Je précise qu'à la même époque Pierre-Henri chacune des années préparatoires avait été sanc- était mon professeur à Nancy. J'étais à ses yeux un étudiant dont il se méfiait, non sans raison. En réalité je n'ai pas éprouvé le besoin de Le Droit, comme les mathématiques, exige une révéler quelque secret important relatif à une vie manière de raisonner dont j'étais pour le moins partagée pendant vingt-trois ans avec Pierre- dénué. 1-lenri. Au total cet aîné d'une famille de neuf Afin d'en finir avec cette parenthèse concer- enfants n'a jamais eu à redouter de faire cava- lier seul. Tous nant la jeunesse de Pierre-l-lenri, j'ajoute qu'il ses frères et soeurs ont, comme était avant tout animé par la passion d'ensei- lui, participé à la Résistance, de fait, ou de coeur gner, je veux dire de s'attacher à faire com- pour les plus jeunes... et ont milité pour la prendre ce qu'il croyait être vrai. Pour le satis- démocratie. Je ne parle pas de sa femme Je faire, l'agrégation de Droit public s'imposait. A n'ai jamais ressenti à son égard le moindre sen- vingt-quatre ans il se présente à son premier timent d'envie ou de jalousie. (

France-Forum a été créé en 1957 par É. Borne, H. Bourbon, J. Fontanet, J. Lecanuet et M-R. SJmonnet 0e 1957 à 1993 chaque numéro de Franco-Forum a comporté les «Propos du temps» d'Éenne Borne.

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112 «Si la démocratie est la vérité de la politique et s'il faut une philosophie à la démocratie, cette philosophie ne peut être qu'un humanisme intégral. Et l'humanisme n'est intégral que s'il est personnaliste. » Etienne Borne

«On ne décide pas de la vérité d'une pensée selon qu'elle est à droite ou à gauche, et encore moins selon ce que la droite ou la gauche décidé d'en faire.» Albert Camus