NOTICE
SUIt LE PORTIQUE BIT DE SARCtJS
EXISTANT A NOGENT-LES-VIERGES
ET FAISANT PARTiE DE L HABITATION DE M. HOUBIGANT,
Portique élevé au moyen de quelques débris provenant de l ancien eltteau de Sarcus abaHu en 1833.
Sarcus est un village,autrefois bourg situéàquelque distance de Grandvilliers sur la route d Aurnale; à quarante kilomètres de Beauvais vers le nord—ouest, à soixante-seize kilomètres do Nogent—les-Vierges près de Creil , et faisant partie du dépar- toment de l Oise.
Là, a Sarcus, avait existé, probablement depuis l époque de l invasion romaine, un établissement militaire destiné à main- tenir le pays dans l obéissance de ceux qui l avaient conquis; de nombreux débris de tuiles romaines, des médailles à l effigie des empereurs, et une chaussée , créée cerLainement par ces grands dominateurs, bmoignaient suffisamment dc leur long séjour dans la contrée.
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A cet diablissement militaire dut succéder, après l invasion frauke, un château-fort destiné à la fois à tenir sous la nouvelle domination les Gallo-Romains vaincus, et aussi Ça compter des iv et y siècles), à défendre le pays contre les courses in- cessantes de ces terribles Norlhinans qui furent si longtemps la terreur de celles de nos plages quviennent baigner les mers du nord-ouest. Dans les fondations du château abattu en 1833, se trouvaient des maçonneries appartenant certainement à ce premier château qui, plus d une fois, dut voir au pied de ses murailles Rollou et ses farouches compagnons. Les noms des premiers chefs militaires de race Franke chargés par les rois des deux premières races de défendre cette frontière maritime, nous sont inconnus. Comme dans toute la France septentrionale , ces chefs durent se rendre indépendants à la faveur des traités arrachés à la fin du if siècle àla faiblesse des derniers monarques de la deuxième race (t). A cette époque se placerait la souche de la famille seigneu- riale des Sarcus, et on commencerait à en avoir une suite, si les noms de ces premiers seigneurs nous avaient été conservés dans un certain ordre; mais vers ces temps reculés, on ne trouve que quelques noms isolés, h grande distance les uns des autres, sans savoir quels liens les unissent entre eux. Ce n est qu à
(I) La contrée où est i.dacé Sarcus dut faire partie du Vexin-Français reconnu fief avant 783. Le célèbre capitulaire dc Kiersi-sur-Oise (8771 dut rendre indépendant le gouverneur de la forteresse de Sarcus , comme le devinrent à la mérne époque tous ceux de la contrée. —o— compter de 1149 qu on peut commencer une généalogie des sires de Sarcus, ce qui fait encore ces premiers seigneurs, bien reconnus, contemporains de lingues-Capot et de Robert-le- Stge, son fils. Au commencement du XIye siècle, les membres de cette fa- mille, qui n avaient cessé de prendre part à l histoire et aux querelles féodales (lu pays, paraissent à la cour de nos rois, et ne cessent plus d en faire partie; plusieurs d entre eux suivent leurs hauts barons, ou leurs monarques, en Terre-Sainte; la salle des croisades du Musée de Versailles, ces véritables, je dirais presque ces seules archives de la noblesse historique et héroïque française, a enregistré le nom de l un d eux, Adani de Sareus, non qu il soit le seul de la famille qui ait pris part à ces expéditions militairement religieuses, mais parce que sa désignation résultait d une pièce authentique, et l on peut ainsi voir le blason des Sarcus briller parmi ceux des preux de la cinquième croisade (1). Jusques au xvi siècle, le château de Sarcus n avait été qu un château-fort de forme irrégulière, flanqué de grosses tours, renfermant dans son enceinte une cour étroite et sombre, le tout entouré de fossés, et présentant dans son ensemble tous les caractères des demeures du moyen-âge. Les seigneurs de Sarcus, dont quelques-uns avaient certai- nement suivi les rois Charles TJ1J et Louis XII dans leurs expéditions d Italie, car quelle famille noble de cette époque n y fut pas représentée? y avaient, comme leurs souverains,
1) Dcuxiùrne salle des croisades, au Musée de Versailles. -6— et tout ce qui les environnait, puisé le goût des arts, et étaient revenus désireux d opérer dans leur patrie cette transformation de l art triste et sévére qui avait présidé jusque alors aux cons- tructions faites par leurs aïeux, en un art nouveau, plus rempli de caprices et d imagination, et plus propres à rendre com- modes et riantes leurs habitations. Les rois Charles VIII et Louis XII, ainsi que les cardinaux d Amboise, donnêrent des premiers, sur une grande échelle l exemple de ces constructions nouvelles, où le gothique, rendu plus coquet, s alliait aux profils et aux arabesques de l antiquité, découverts récemment alors dans les bains de Tue et de Livie; c est ce mélange, modifié successivement, qu on a désigné sous le nom d architecture de la Renaissance. Jean de Sarcus, né vers 1478, tenant un haut rang à la cour de François I, renommé par les éclatants services mili- taires qu il avait rendus, et par les emplois éminents qu il rem- plissait, pensa, à Finstar des cardinaux d Arnboise, à trans- former son donjon de Sarcus en un élégant palais, pouvant rivaliser avec tout ce que Blois , Amboise, et surtout Caillon, offraient de plus parfait dans le style nouveau. En 1520, probahlcmnent (1), abattant du côté du bourg la façade dc l ancienne forteresse , il éleva dans l intérieur de la cour déblayée de son château, tout en conscrvant à l extérieur
(2) On indique ici 12O comme l époque où les travaus ont pu commencer, parce que la date de 1523, posée après l érection des vingt-deux arcades sur la cI de la dernière arcade fermée, ne peut indiquer la poc de la première pierre mais seulement l époque où les arcades ont été terinimcs. On a donc jugé que Irois ans n étaient pas un temps trop bing pour construire et sculpter les vingt- deux arcades. - des trois autres côtés, les tours et les anciens moyens de dé- fense, les façades des trois bâtiments ornées de portiques en forme de cloîtres, formant entre elles un parallélogramme ré- gulier, le bâtiment du fond présentant douze arcades, et les ailes chacune cinq, en tout vingt-deux arcades, surmontées chacune (l une croisée entourée d un chambranle orné de mas- ques et de candélabres. Entre chaque arcade, un contrefort en saillie vint assurer la solidité du tout; la forme élégante qu on donna à ces piliers, et les sculptures dont on les couvrit vinrent servir à l ornemen- tation. Ces contreforts se terminaient en flAches qui allaient jusques au sommet du bâtiment, oi ils s épanouissaient en fleurons les arcades elles-mêmes furent couvertes d arabes- ques les plus riches et les plus variées, ainsi qu on peut le voir dans la vue lithographiée du petit portique de Nogent, élevé au moyeu de quelques débris sauves de la destruction du grand château; un bel entablement surmontait certainement le tout, cet entablement couronné lui-même d une galerie à jour pré-. cieusement découpée, et d un de ces hauts toits à la manière du temps, qu une crête en fer, se découpant sur le ciel, de- vait rendre plus pittoresque encore. Ajoutons que les voûtes du cloître furent plus tard peintes des couleurs les plus vives, que les nervures furent en Partie dorées, et que les blasons, entourés de rinceaux qui se trou - vaient en sculptures saillantes à chaque intersection de ner- vures, furent peints, dorés ou argentés selon ce que voulaient les pièces de ces blasons; qu enfin, douze niédaillons de liant- relief, représentant la famille ro yale et quelques personnages -8— de la cour, vinrent compléter la richesse sans pareille du mo- nunient, qui alors qu il fut entièrement terminé dtlt présenter l aspect le plus imposant et le plus délicieux qu on puisse ima- giner (1); aussi, sommes-nous toujours étonné qu un pareil édifice , dont la construction dtt faire dans son temps une grande sensation dans la contrée, et parmi les artistes, soit rcst ignoré, et n ait pas été reproduit par la gravure, comme l ont été tant d autres chàteaux de la même époque qui étaient bien loin de l égaler cii grandeur et en magnificence. Androuet du Cerceau qui, dans ses plus eccellents bastiments (le France, promet tians sa préface d y décrire et représenter les plus ex qui:, surtout lorsque , comme à Gaillon, ils sont d un riehe artifice, toutefois modernes et remplis de jolivetés très-mignardes, n y a pas compris Sarcus, dont il no dit pas même un mot. Or, à l exception de Gaillon qui présentait une exécution plus pré- cieuse, qu y avait-il en France de plus parfait en architecture que celle de Sarcus? Il est vrai qu Androuct du Cerceau, qui n a publié que deux volumes de son recueil, se proposait d en mettre en lumière un troisième, comme il l annonce à la reine-mère, à laquelle il dédie son second volume; lui disant que si de nouveau, elle
l) M. le comte Améilée de Sarcus est dans 1 intention de faire dessiner une vile pittoresque du château , le représentant tel qu il dût exister en 1550, époque oO wi pense qu il a été entièrement terminé. On possède tons les éléments nécessaires pour exécuter cette restauration; si cette restauration, dessinée et lithographiée, u lieu , elle servira à perpétuer le souvenir du monument qui fut la merveille ar- chitecturale de la contrée, et dont les arts et le pays déplorent également la perle; et si M. le comte de Sarcus le permet , nous la publierons plus tard dans ce recueil, dont iiuie des destinations est de conserver le souvenir des curiosités arcluitectu- raies du département de l Oise. - 9 - daigne sourire à ses labeurs, et si Dieu qui l avait dejù chargé d ans, lui laissait encore assez de jours pour parachever son wuvre, alors il parfaitera ce qu il u commencé. Androuet, probablement, n aura pas eu la grâce d assez d ans, ou plutôt, protestant plein de ferveur et inflexible dans sa croyance, obligé de fuir devant les persécutions religieuses de l époque, il se sera retiré Cenève, où il est mort, avant d avoir pu dessiner et graver Sarcus et ses infinis détails. Quoi qu il en soit, dans ces derniers temps les splendeurs du château do Sarcus n étaient guère connues que dans la localité et de quelques personnes qui avaient lu la description du dépar- tement de l Oise par M. de Cambry, lequel, dans son ouvrage, fait de ce manoir le plus pompeux éloge, au point d outrepasser la vérité : il compare ses murs de la dentelle, etc. En 1833 on apprit que, mis en vente pour la démolition par son dernier propriétaire (I), il allait être livré aux marteaux des démolisseurs; et encore cette annonce eut-elle si peu de reten- tissement, que M. Houbigant n en eut connaissance qu alors que, des vingt-deux arcades, il n en restait plus que quatre qui fussent encore debout. Sans perdre une heure, aussitôt que cet acte de vandalisme lui fut connu, accompagné de deux de ses amis artistes, que le hasard avait amenés auprès de lui, il partit pour Sarcus, où il arrivait le soir même, et où le lendemain de son arrivée , il sauvait d un anéantissement complet cc qui restait encore du
(t" Ce dernier propriétaire est M. Gabriel dc Grasse, dans la fainilla duquel le t:liéteau et la terre étaient arrivés far le don qu en avait fait la marquise de Pons en 1763, à Françiis, narquis dc Guasse, son parent. - 10 - monument, c 1est—t.dire les quatre arcades que les démolisseurs n avaient pas encore mises en moellons, restes qu il acquérait sans savoir ce qu il en forait, sachant seulement que, devenu leur possesseur, ils seraient, sous une forme ou sous une autre, conservés au département de l Oise (1). M. Houbigant en a formé une des façades de son habitation de Nogent-les-Vierges; obligé pour en faire un tout d ajouter des portions neuves à celles rapportées de Sarcus, il a cherché à le faire de manière à ce qu il n y eut pas trop de disparate, s inspirant du très—petit nombre de constructions du même style et de la même époque qui subsistent encore (2). Ainsi, la frise qui surmonte les arcades est entièrement neuve; il en est de même de l attique; les médaillons seuls qui l ornent sont anciens, et doivent même être considérés comme étant les sculptures les ilus précieuses sauvées de la destruction de l édifice. Les lucarnes imitées d un châieau de t2O à 1h30 (Sarcus est de la nième époque), sont également modernes; les croisées qui éclairent les pavillons en corps avancés sur lesquels s appuient les arcades, sont anciennes, mais elles
(J) D autres fragments encore ont été sauvés de l anéantissement par M. Daudin, propriétaire à Pouill y , près Beauvais, qui, antérieurement à la visite de M. Houbi- gant, avait acquis à Sarcus un certain nombre d arcades, qu avec beaucoup de goût il a fait relever, en forme dc ruines, dans son parc de I ouillv. 1n des groupes d arcades, avec leurs voites, leurs nervures et leurs li]asons, entouré de beaux arbres et placé sur le bord d un étang, s y réfléchit de facon à produire l effet le plus pittoresque. M. A. dc Sarcus a fait dessiner et lithographier, par M. De Boy ces différentes ruines.
(2) On doit regretter que l administration départementale de l époque (1832) n ait pas tenté d acquérir et dc conserver les arcades du chiteau de Sarcus, que. si faci- lement, on aurait trouvé à utiliser à Beauvais, soit en ornant une cour de Musée ou eu en formant un portique pour un édifice public.
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