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# 13La NOV 2015 Gazette Bleue

D’ACTION

Françis Fontès

J Elodie Alice

Julien Dubois

Yann Pénichou

Les festivals MNOP • ANGLET • JAZZ & GARONNE 17 oct Mowgli 12€ Mowgli est sauvage. Il vient du rock, du jazz, de la musique improvisée, de l’électro, mais avant tout, Mowgli est profondément libre. 31 oct J. Sabbagh/D. Humair/B. Monder 16€ Le choix de l’improvisation à presque 100 %. […] Les mélodies sont des pistes qui savent d’où partir et surtout où aller. Le projet le plus récent de Jérôme Sabbagh est un trio avec Ben Monder et Daniel Humair. Ils ont récemment enregistré «I Will Follow You». 14 nov The BOSS CITY - Ulf Wakenius 14€ L’extraordinaire guitariste suédois, à l’agilité renversante, on l’a connu d’abord chez Oscar Peterson puis avec Youn Sun Nah, avec qui il constitue un duo irrésistible. Le voici dans un autre contexte, rendant hommage à avec l’organiste Leonardo Corradi et le batteur Tony Match. 28 nov META 14€ 1710 Compositions d’une rare beauté, avec The Sweetness of a Saffron MOWGLI Wind, META nous confirme son extrême liberté, dépassant les 3110 genres et les obstacles de la vie quotidienne pour nous élever vers SABBAGH un niveau d’abstraction supérieure. META porte bien son nom. HUMAIR 12 déc Samy Thiébault Quartet 12€ MONDER C’est à un amour de jeunesse que répond le nouvel album 1411 de Samy Thiébault. En réinventant l’héritage du mythique THE BOSS CITY groupe californien, le jazzman coltranien conclut un projet META 2811 personnel amorcé sur son précédent disque «Clear Fire»... 1212 16 jan B2Bill - Bex/Morelli/Ladd 14€ SAMY THIEBAULT Il est sans doute le styliste le plus marquant de l’orgue Hammond B3 1601 sur la scène française, depuis des lustres. Emmanuel Bex a le goût B2BILL sûr quand il s’agit de mélodie et il lui arrive de les chantonner très 3001 près du micro. Cette fois, il s’acoquine avec le chanteur Mike Ladd et ELVIN le pianiste Nico Morelli pour séduire à qui mieux mieux. TELERAMA P-LEEZ 30 jan Elvin p-leez quartet 12€ 1302 Ce quartet de Jazz Fusion, orchestré par Elvin BIRONIEN-bass, GREGORY PRIVAT dépoussière le genre en nous exposant une large palette de SONY TROUPÉ rythmes métissés allant du bassin caribéen au jazz actuel. 2702 13 fév Grégory Privat / Sonny Troupé 14€ YOANN Le piano et le Ka (percussion traditionnelle Guadeloupéenne), rien d’autre ! Une course-poursuite. Un échange sans mots. La langue du ka vient se lier à celle du pia- LOUSTALOT no. Ils se comprennent, progressent à la même cadence, riment avec la même allure. PORTAL 1203 Un festival de notes, de lumières, de soleil pour un album complice et jubilatoire ! 27 fév Yoann Loustalot - Aérophone 12€ PEIRANI Voix singulière de la trompette dans l‘hexagone, compositeur prolifique et original. Il mène de front différents projets dont le trio AEROPHONE PARISIEN formation atypique - trompette, batterie, contrebasse - dépourvue PANAM PANIC 2603 d’instrument harmonique, travaillant la matière sonore brute. 0904 12 mar Portal/Peirani/Parisien 20€ PAOLO PORTAL, le musicien inclassable, d’une extraordinaire personnalité; PARISIEN, il enflamme les scènes avec un son rempli d’intenses émotions; FRESU PEIRANI, d’une virtuosité « insolente », il est de cette jeune génération de musiciens sans frontières. 26 mar Panam Panic 14€ EYMET (24) Du jazz sans frontières ni œillères, pour les oreilles et pour le corps, solidement ancré dans le présent, avec un regard recon- naissant sur le passé, cette époque pas si lointaine où le jazz était une musique de danse qui s’écoutait aussi avec les pieds. détails & réservations 9 avr Paolo Fresu - Devil Quartet 20€ Trompettiste et bugliste prolifique, Paolo Fresu émerveille avec sa tél. 05 53 23 82 37 sonorité, pleine, claire, envoûtante. Le magicien italien et ses trois sor- [email protected] ciers produisent ici un album à la beauté diabolique et enchanteresse. Restauration sur place Tarif : 12 € / 20 € - Tarif réduit * : 10 € - Moins de 12 ans : Gratuit * Jeune (12-18 ans), étudiant, demandeurs d’emploi, adhérents Maquiz’Art. www.maquizart.com Licences 2-1005 601 & 3-1005 621 Ne pas jeter sur la voie publioque

2 La Gazette Bleue d'Action Jazz édito

Après un bel été musical, l’automne nous réserve en- core de superbes rendez-vous. Les festivals d’Anglet et de Marmande ne cessent de se développer et le MNOP a fêté ses 15 ans. Outre les festivals, bien d’autres initiatives voient le jour et on enregistre de plus en plus de lieux où l’on peut écouter du jazz, lieux que nous soutenons, bien entendu. Les jeudis jazz de Créon sont maintenant incontour- nables, tout comme les mercredis au Siman Jazz Club et maintenant, les rendez-vous mensuels proposés par Jazz 360. Nous préparons le 4e Tremplin Action Jazz qui est tou- jours plus relevé et qui réserve d’excellentes surprises et révèle des talents indéniables. Un peu plus loin, ça se passe au Phare à Capbreton et à Pau, c’est une équipe de passionnés qui créent une association pour développer le jazz. Nous vous rendons compte régulièrement de ces concerts, de ces découvertes et de ces rencontres dans la Gazette Bleue, le Blog Bleu et sur les réseaux sociaux. Aussi, vous pouvez participer à ce regain de popu- larité du jazz en vous déplaçant à ces concerts, mais aussi, en venant nous aider, en adhérant à Action Jazz. Votre soutien est très important pour nous et Président Alain Piarou pour la scène jazz. Alors, à très bientôt. Directeur de la publication Alain Pelletier Et puis, la Gazette Bleue fête ses 2 ans ! L’occasion Rédacteur en chef pour moi de remercier chaleureusement tous les Dominique Poublan (alias Dom Imonk) Conception et graphisme rédacteurs, chroniqueurs, photographes et réalisa- Alain Pelletier teur. Rédaction Dom Imonk, Philippe Desmond, Alain Piarou, Irène Piarou, Eléa Giraud, Sylvain Cadieux, Jazzement vôtre. Ivan-Denis Cormier, Antoine Rodriguez, Alain Piarou Eric Séva, Jean-Pierre Pourteau Photos Thierry Dubuc, Alain Pelletier, Richard Nourry, Monique Renard, Marie Lamoureux, DR

La Gazette Bleue d'Action Jazz 3 Françis En entrant dans le salon impossible de le rater, il est là majestueux dans sa belle livrée noire, entouré d’instru- ments, une batterie, des guitares, une contrebasse, un piano droit ; il a voya- FontèsPar Philippe Desmond gé dans toute l’Europe et maintenant Photos Thierry Dubuc il s’est posé ici à Bordeaux, finis les voyages, finis les transports fastidieux et risqués pour lui, il est entre de très bonnes mains. “Il” c’est un piano à queue Yamaha, un vrai pas un quart, LE piano que Chick Corea et Jacky Terrasson ont utilisé pendant des an- nées lors de leurs tournées en France et en Europe ; il y a d’ailleurs leurs dé- dicaces à l’intérieur. Les bonnes mains qui l’utilisent désormais sont celles de Francis Fontès qui l’a racheté d’occa- sion ; “une bonne affaire” s’empresse- t-il de dire. Ce piano résume presque à lui seul la vie musicale de Francis ; la qualité et la recherche permanente de la perfection. Francis est né en Guadeloupe – d’ail- leurs notre entretien va se faire autour d’un verre d’un produit local réputé – et y a commencé le piano classique, tard me dit-il, à dix ans. Un frère ainé déjà pianiste de jazz lui donne le virus et lui fait découvrir cet univers. A douze ans lors d’un long séjour en Métropole à Bordeaux il assiste au concert de au Français donné en novembre 1971 ; Keith Jar- rett est au Fender-Rhodes… Cet évènement est fondateur pour lui et désormais il va travailler à fond sa technique et sa culture musicale. Retour en Guadeloupe, collège, lycée et seul il effectue un travail intense sur son piano ; du jazz donc mais aussi du classique ; plus de quarante ans après ça n’a pas changé.

4 La Gazette Bleue d'Action Jazz PORTRAIT > FRANÇIS FONTÈS

Il joue et apprend avec le regretté gui- frères, ainé et benjamin, étant eux tariste André Condouant qui a colla- aussi médecins, pianiste et contrebas- boré avec les plus grands ; celui-ci lui siste de jazz… explique les harmonies, les impros et Deux carrières au top niveau à mener l’expression “travail intense” revient de pair ? “Simplement une ques- dans notre conversation… Il côtoie tion d’organisation”. A Bordeaux là-bas le pianiste Alain Jean-Marie qui s’en suivent des collaborations avec lui aussi a des références majeures. Le les musiciens locaux qu’il apprécie piano est en train de devenir sa vie. tant, Roger Biwandu, Olivier Gatto Mais les études supérieures l’appellent et Shekinah, Nolwenn Leizour, Mic- à Bordeaux, des études de médecine kaël Chevalier (“quel travail il nous a s’il vous plaît. Travail intense bien sûr donné pour son dernier concert !”)… ment avec Valérie Chane-Tef qu’il – vous aviez deviné – les cours de mé- mais aussi avec Ernie Watts pour deux a conseillée pour le dernier album decine et de piano classique en paral- concerts, un quatre mains avec Jacky d’Akoda Instrumental. Francis Fontès lèle, rien d’autre ! Mais le samedi soir Terrasson, des concerts avec Francis ne compose pas mais il adore écrire se passe chez Jimmy où l’on ne joue Bourrec, le guitariste Philippe Drouil- des arrangements, déstructurer, res- pas de Chopin mais du jazz, nous lard, John Patitucci… Quelques jolies tructurer. Il regrette, malgré tous les sommes en 76-77. références. excellents musiciens actuels, l’ab- En 1980 les études de médecine sont A la question posée sur ses influences sence de vrai courant novateur. bien lancées alors il participe à son musicales fuse la réponse “Miles, Notre entretien touche à sa fin, je n’ai premier groupe, un sextet fondé par Miles, Miles” ; c’est clair et net. Mais même pas levé la tête et Francis l’a le trompettiste, désormais trombo- il la complète vite par ce qui constitue remarqué ; “tu n’as pas vu au-dessus niste à pistons, Patrick Dubois : Jazz son socle : Herbie Hancock, Bill Evans, de toi ?” En effet comment ne pas Connection. Les bars, les clubs de jazz Chick Corea, Mc Coy Tyner, Keith Jar- l’avoir remarquée, une grande mez- zanine en forme de… piano à queue sont encore nombreux à l’époque : le rett pour les pianistes et aussi Wayne me surplombe ! Jimmy bien sûr mais aussi les Argen- Shorter, John Coltrane… Même lan- tiers, l’Arrache-Cœur, l’Alligator, le gage même si les musiques sont dif- On s’approche du vrai piano, celui Jazz Pub. Epoque dorée pour le jazz férentes. de Chick et Jacky, Francis en soulève le capot digne d’une Jaguar type E vivant et les jams où les musiciens Pour les entendre il parcourra les festi- et bien sûr se met à jouer : “Loo- pouvaient se rencontrer dans des en- vals d’été de Paris à Vienne en passant king Up” de Michel Petrucciani, puis droits fixes et partager. par Nice, Antibes… Quelle passion ! “Le Temps” d’Aznavour réarrangé par 1989 voit la naissance d’un nouveau Non, Francis rectifie : “La musique et ses soins et “Around Midnight” pour groupe, toujours en activité, Affi- le piano ne sont pas une passion pour finir. Je comprends alors pourquoi il nity Quartet avec Dominique Bona- moi, c’est ma vie, c’est moi, je pense n’aime pas trop jouer sur les claviers dei à la basse, Philippe Valentine aux musique” ; ah pardon… Son entou- électriques. baguettes et Hervé Fourticq au sax. rage le sait lui offrira en 2010 un Vous n’avez jamais entendu Francis L’apprentissage continue confie Fran- beau cadeau, un billet d’avion pour Fontès ? Alors n’hésitez pas guettez cis ; on a bien compris que pour lui il New York pour le concert des 70 ans les concerts où il sera, vous pourrez ne s’arrêtera jamais. d’Herbie Hancock au Carnegie Hall ! en plus mesurer les progrès qu’il aura Entre-temps il est devenu rien moins Des projets ? Pas le temps mais tou- fait car le “Doc”, toujours en quête que docteur en radiologie, métier qu’il jours une activité intense. Jouer bien du meilleur, reprend depuis peu des exerce toujours bien sûr. D’où son sûr – le niveau des musiciens n’a cours de piano ! surnom “Doc” qui n’est pas usurpé jamais été aussi relevé constate-il – du tout. Maladie familiale, ses deux mais aussi partager comme récem- Philippe Desmond La Gazette Bleue d'Action Jazz 5 Elodie Alice Par Irène Piarou Tu es chanteuse de jazz, parle-nous de ton parcours atypique : Je chante depuis toute petite et j’ai eu la chance d’avoir une mère mélomane qui écoutait beau- coup de jazz. J’ai vécu et dansé sur cette musique toute mon enfance. Et puis il y avait le cinéma : à La Rochelle où j’ai grandi, il y avait (et il y a toujours d’ailleurs) une salle de ciné- ma “arts et essais”. On y allait souvent avec ma mère et assez vite, j’ai mor- du. Particulièrement au cinéma amé-

ricain, celui de l’âge d’or d’Hollywood Photo Thierry Dubuc et puis celui des comédies musicales. D’une prof à Berlin (où j’ai vécu 2 ans) d’amour avec le tango fut proche de C’est là je crois que j’ai développé un qui me donnait des cours particuliers. celle que j’ai aujourd’hui avec le jazz. faible pour cette époque, cette éner- gie, l’humour, le ton. Adolescente, ça A partir de 2002, j’ai chanté dans Peut-être parce que ces deux mu- n’a fait qu’empirer, je passais ma vie un groupe, Timor Tim, de folk tra- siques sont sœurs. Ca se passe au au cinéma. Petite, j’ai chanté dans une ditionnelle anglaise : nous étions 3 cœur des années 20 à 50. C’est une chorale et plus tard, j’ai eu des expé- (une femme, deux hommes) et inter- musique qui s’inscrit dans la danse, le riences de chant diverses. Etudiante prétions, réarrangions des chanties, corps. C’est une musique qui est liée en fac d’arts plastiques, j’ai donné ma chants de marins anglais du 17, 18 et à l’exil, aux sentiments... Et ça vient voix pour des performances. A cette 19ème siècle. C’est un projet dans le- de la même source. époque, je faisais aussi du théâtre et quel nous travaillions à trois voix. Cela Peu avant de partir au Québec, j’ai j’ai été amenée à chanter dans mon me permit d’approcher le travail har- monté un répertoire de tangos en jeu de comédienne. J’ai aussi conti- monique. Nous avons un peu tourné français avec un pianiste, projet riche nué à m’intéresser au jazz, en suivant et enregistré deux disques. qui n’a cependant pas duré. assidûment les programmations gi- A cette époque, je fréquentais, en Pendant quelques années également, rondines, Musiques de Nuit, etc... parallèle, le milieu du tango argentin j’ai suivi des cours particuliers et des Puis j’ai commencé à prendre des en tant que danseuse. J’y ai entendu ateliers avec Sonia Nedelec. cours, suivre des ateliers de chant. des kilomètres de musique et j’ai pu En 2010, au Québec où je passais une Je me souviens de Carole Simon, à à quelques reprises me frotter à l’in- année, ne trouvant plus le tango pour l’époque où elle officiait au CIAM. terprétation de tangos. Mon histoire me nourrir, je me suis plongée dans

6 La Gazette Bleue d'Actiond’Action Jazz JAZZ AU FÉMININ > ÉLODIE ALICE

le jazz. Ce fut une sorte de retraite que j’ai écrits en français et qui sont musique, de rêveries, d’oubli dans la pendant laquelle j’ai creusé. Et puis des détournements de standards de musique. c’est un continent et une mentalité jazz : textes et mood des chansons Quel est le dernier album que tu as qui m’ont permis de faire mes armes, relus et corrigés, jeu de transposition, écouté et le concert auquel tu as as- de me lancer. Là-bas, c’est le désir et d’écriture. Prise de parole. sisté ? la volonté qui comptent, le vent est Pour les livrer à l’auditeur, je lis et Dernier album : Prélude d’Airelle dans votre dos. suis accompagnée d’un musicien : Besson et Nelson Veras chez Naïve. Il y a eu aussi la rencontre avec Monsieur Gadou, tromboniste dans Dernier concert : TheLegendary Tiger Cédric Jeanneaud qui est aujourd’hui le Elodie Alice Septet, mais cette fois- Man au Bootleg. mon compagnon de cœur. Ren- ci à mes côtés avec guitare et banjo. Penses-tu que la musique et le jazz contre indissociable de cette envolée Ce projet aura une forme hybride, dans le jazz. Et celle de Thierry Lujan, en particulier peut-être un bon vec- entre lecture musicalisée, concert- teur universel ? avec qui, à mon retour, je me suis spectacle, spectacle non spectacu- Oui. Ainsi que la voix chantée. C’est produite assez rapidement, en toute laire, un truc inclassable et tant mieux. confiance. la matrice. Même si beaucoup de Pour l’instant, on est en plein travail. gens n’aiment pas le jazz... Tu interprètes les standards de jazz, Une résidence est prévue en février à Même si le mot “jazz” ne contient quelles sont les chanteurs et les l’OARA. Présentation publique en sui- plus les mêmes choses aujourd’hui. chanteuses qui t’inspirent ? vant ! Peut-être qu’un jour le mot “jazz” Chet Baker, , Anita Joues-tu d’un instrument de musique, aura remplacé le mot “musique” O’Day, Shirley Horn, Ella Fitzgerald, sinon quel est celui que tu aimerais d’ailleurs. Billie Holiday à ses débuts, Julie Lon- apprendre ? don, Peggy Lee, Helen Merrill, Jeanne Comment arrives-tu à concilier ta Je joue de la corde vocale, drôle d’ins- Lee et aujourd’hui, Cécile MacLorin vie de femme, ton métier d’ensei- trument intérieur qu’on ne peut pas Photo Thierry Photo Thierry Dubuc Salvant. gnante et ta carrière de chanteuse ? voir, changer ou acheter... Je m’organise, m’entoure de bonnes Quels sont les musiciens qui t’ac- Petite, j’aurais aimé apprendre la bat- personnes, regarde de l’avant, peau- compagnent et quels sont tes pro- terie et c’est encore un instrument qui fine mon focus. Je fais une grande jets ? me galvanise. consommation d’ail, de cueillettes Alors, là, je vous renvoie sur mon J’adore le piano pour son côté percus- sauvages, de bains d’eau fraîche (nue site : elodiealice.com. Rien ne vaut sif entre-autres. bien sûr), bois du bon vin et n’oublie une petite visite ! Et ma foi, dans une autre vie, je me pas de regarder régulièrement le ciel, En ce moment, je monte un nouveau mettrais bien au trombone. surtout à l’heure bleue. projet qui a à voir avec le jazz mais pas que. Ca s’appelle “Amours stan- Rêves-tu de chanter à l’étranger ? Et pour finir comment vis-tu le dard/Duo pour un contre-chant”. J’ai déjà chanté à l’étranger, au Qué- contact avec le public ? C’est un projet qui tout en mêlant bec. Les québécois ont une approche Très bien. C’est essentiel. C’est une jazz et littérature, questionne la pos- toute autre du jazz. C’est ce qui les sorte de dévoilement autre. Le pro- ture de la chanteuse. a bercés dans leur enfance, le jazz jet que je monte en ce moment, Le point de départ est le suivant : est une part de leurs racines, ils “Amours standard/Duo pour un une envie de retourner ma veste de connaissent les thèmes, les paroles. contre-chant” avec Monsieur Gadou chanteuse, de jouer avec les mots, Ce sont des américains du nord. en est le sujet. de reprendre la main sur l’interpré- Non, je ne “rêve” pas de chanter à Irène Piarou tation, de trouver une autre forme l’étranger. J’espère juste toucher un d’effraction entre le public et moi. maximum de personnes différentes. Ca a donné un ensemble de textes Passeuse, colporteuse de plaisir, de

La Gazette Bleue d'Action Jazz 7 Julien

DuboisPar Eléa Giraud Photo Richard Nourry

Tu joues du saxophone. Depuis qui m’ont marqué et qui m’ont donné “Bouillon combien de temps tu y es tombé ? envie de faire de la musique, de conti- Est-ce que tu pratiques d’autres ins- nuer dans cette voie et de ne faire truments ? plus que ça. sismique Je joue un peu de piano, un peu de basse, pour la forme. Mais mon ins- Quelles étaient ces expériences ? trument c’est le saxophone, j’ai com- J’ai commencé le saxophone dans génial” mencé quand j’avais 13-14 ans. Ça une petite école privée à côté de chez m’est tombé dessus comme ça, per- moi. J’ai eu un prof qui nous met- Julien Dubois coordonne le dépar- sonne n’est musicien dans ma famille. tait dans des situations de pratique tement jazz et musiques actuelles C’est venu d’un truc vraiment idiot, active, de jeu. Au bout de six mois amplifiées du conservatoire de je regardais la télé, il y avait un mec seulement je suis monté sur scène, je Bordeaux depuis 2007. Il nous qui jouait du sax, j’ai trouvé ça fun, ne connaissais même pas toutes les parle de son parcours, de la vie et voilà. Ce n’était même pas lié à un notes, j’avais appris la gamme blues. bien remplie au Conservatoire, intérêt pour la musique, un élément Cette première expérience a été très des répétitions un peu chaotiques culturel. C’est juste que j’ai trouvé forte, m’a marquée, et ça m’a tout du big band, et enfin de son avis ça cool de jouer du sax, et à 14 ans de suite fait comprendre que c’était sur le film Whiplash. on a envie d’être cool. Ensuite c’est ça que je voulais faire. Cela a été une venu après, j’ai vécu des expériences vraie révélation. A l’époque je faisais

8 La Gazette Bleue d'Actiond’Action Jazz du théâtre quand j’étais ado et je port aux autres, et finalement ça été Finalement, je n’ai pas pu le passer à projetais plus de devenir comé- un moteur. cause de problèmes de santé, j’ai fait dien. Mais cette expérience a été complètement autre chose après. J’ai Et la suite ? un électrochoc, l’année d’après arrêté le saxophone, je me suis inté- Après le bac, je me suis inscrit dans un j’ai arrêté le théâtre. Au bout d’un ressé aux musiques électroniques. Je conservatoire, l’objectif était d’avoir suis parti explorer d’autres univers, an, je ne faisais que ça. Je me suis le maximum de temps pour travailler notamment l’électro-acoustique. J’ai inscrit en seconde générale avec l’instrument. Après, il y a eu pas mal commencé à enseigner, à avoir une option musique lourde, et j’ai pas- de circonvolutions, la vie ce n’est pas réflexion sur la notion de pédago- sé le bac musique. Ensuite je suis une ligne droite, je voulais absolu- gie. J’étais prof de formation musi- rentré dans le circuit des conserva- ment entrer au CNSM (Conservatoire cale dans un conservatoire en ban- toires, je m’y suis mis à fond alors national supérieur de musique de Pa- lieue parisienne. Après, j’ai repris le que j’avais commencé un peu tard. ris). C’est une pression que je suis le saxophone et il y a eu plein d’étapes Avec le recul, je n’avais pas com- premier à m’avoir mise, qui est avec jusqu’à arriver ici en 2007. mencé si tard que ça, je n’avais pas le recul complètement ridicule, car ce 35 ans, mais à l’époque je traînais n’est pas une voie obligatoire, ni une Quel est le poste pour lequel tu ça comme un boulet. Je vivais dans certitude que tu seras un musicien as été embauché exactement au le fantasme que je n’étais pas assez raté si tu n’y vas pas. Je me suis mis conservatoire au départ ? bon, que j’étais en retard par rap- un peu trop la rate en court-bouillon. La mission c’était coordinateur du

La Gazette Bleue d'Action Jazz 9 INTERVIEW > JULIEN DUBOIS

Ah oui ils étaient très en retard ! Mais c’est souvent le cas, les grosses structures sont les plus longues à réa- gir, car elles n’ont pas besoin d’aller chercher leur public. Au CRR de Paris, le DEM jazz s’est mis en place il y a 4-5 ans, musiques actuelles il y a 3 ans. C’est intéressant de voir comme les plus petites structures, qui ont besoin de rayonner, d’être en adéquation avec leur public, ont été les premières à questionner l’intégration des mu- siques actuelles, pour palier au déficit du public. Il faut proposer des solu- tions pour que les gamins continuent à avoir envie de faire de la musique, surtout à l’adolescence, âge critique Photo Richard Nourry hautement complexe. Les musiques actuelles pour cela c’est du pain béni. département musiques actuelles Avant de travailler ici j’étais dans un amplifiées et jazz. Aucun conserva- conservatoire en banlieue parisienne, toire ne fonctionne de la même ma- à Chelles. On a pu dynamiser tout un "Aujourd’hui nière. L’enseignement du jazz s’est groupe autour des 12-17 ans grâce mis en place dans les conservatoires aux musiques actuelles. Ici, ce ne sont il faut être à la fin des années 80, alors que les pas les mêmes enjeux, le même pu- musiques amplifiées sont arrivées blic. Globalement ce sont des 18-25 solidaire fin 90 début années 2000, ce qui a ans, ils veulent tous aller au bout. crée un décalage. Les deux se sont pour être développés parallèlement, avec des Ce n’est pas sans poser certains pro- équipes différentes. Le conservatoire blèmes. musicien, il ne de Bordeaux était assez en retard et Lesquels par exemple ? n’avait fait ni l’un ni l’autre. Ils m’ont En premier lieu notre capacité d’ac- faut pas être embauché pour créer et structurer cueil, l’écart entre les moyens que un département qui mêlait les deux. l’on a et l’affluence de personnes qui individualiste." Du coup, nous avons fait vraiment veulent entrer au conservatoire. Il n’y une formation commune, avec une a pas de turn-over pour l’instant, on même équipe pédagogique donnant a peu de départs, beaucoup de de- la possibilité de passer les deux DEM mandes à l’entrée. Chaque année, en même temps. C’est un projet assez une centaine de personnes audi- singulier. Cette transversalité perma- tionnent pour entrer. L’an dernier, nente, c’est un de nos gros atouts. on a pu en prendre 38. Cette année, C’est la qualité du défaut et comme c’était 12. Et je ne sais pas comment ils n’avaient rien commencé, on a pu on va faire la rentrée prochaine. lancer les deux en même temps. Certains devraient avoir le DEM et partir. A ce niveau-là ils sont très forts,

10 La Gazette Bleue d'Action Jazz INTERVIEW > JULIEN DUBOIS

ce sont vraiment des artistes. Mais en gueuler, on s’engueule. Une répet du tion de compétition, d’être le meil- fait le niveau on s’en fout, le but c’est big band c’est une espèce de bouillon leur, d’écraser les autres, de jouer plus d’arriver à ce qu’ils sortent de là avec sismique, évidemment géniale. Epui- vite, plus fort. C’est ce qu’on voit tout une vraie démarche artistique. Ça car- sant pour moi, car je passe beaucoup le temps dans le film, il joue toujours bure après, le boulot est fait. de temps à développer cette notion plus fort pour un résultat musical qui Depuis que je suis là, le département de discipline dans l’orchestre. Quand est absolument sans intérêt. Ce n’est s’est particulièrement développé, on a on est 25-30 sur scène, si chacun se pas représentatif du jazz, de ce que structuré, embauché des profs, main- met à jouer son petit truc dans son cela doit être et de ce que c’est en tenant il y a 10 profs. Mais il reste petit coin, on ne s’en sort pas. Du réalité. des problèmes de locaux, de moyens. coup je m’énerve. Il y a beaucoup Et qu’est-ce que cela doit être en réa- Si on voulait faire un département de de moments où on rigole aussi. Il y lité ? 200 personnes on pourrait en terme a de tout. Surtout du travail. Ce qui Oui le jazz est une musique qui s’est de demandes mais c’est sans fin : si on est assez difficile c’est que le big band construite sur cette notion de compé- prenait 200 personnes, 400 se présen- se déroule sur une période assez tition, dans les années vingt à La Nou- teraient. Il y a une telle demande, que courte, globalement à partir de début velle-Orléans c’était les matches de l’on ne pourrait que vider un océan octobre, et le concert est en février. trompettistes, dans les années trente avec une petite cuillère. A un moment Un semestre de travail pour une, voire c’était les duels de ténor. donné, il faut accepter cela. Les audi- deux restitutions. Chaque année je C’est une musique qui s’est construite tions chaque année me mettent très me dis “Ah on est en retard, on ne va au sein d’une philosophie capitaliste, mal à l’aise, je n’ai pas envie de dire à jamais avoir le temps, il reste tout ça libérale, avec le modèle américain des gens, “non ce n’est pas possible, à faire !”, et finalement cela marche de réussite qui reste prégnant, on on ne vous prend pas”. Si je pouvais toujours. ne peut pas le nier. Cela est toujours je prendrais tout le monde, je ferais Ce sont des moments qui sont musi- présent dans le cerveau reptilien du une année probatoire où je travaille- calement, humainement toujours très musicien, on ne peut pas trop arriver rais avec tout le monde, et après on forts. C’est une aventure très courte, à une jam sans se questionner sur ces verrait qui pourrait continuer davan- très dense. Ça pompe une énergie notions, mais je pense qu’il n’y a pas tage en fonction des profils, des pro- colossale. C’est davantage comme un que cela et que l’on est passé à autre jets de chacun. joyeux bordel hyper productif plutôt chose. Mais on n’a pas les moyens en terme qu’une séance menée au fouet et à la Et justement, c’est tout ce que l’on de ressources humaines, en terme baguette comme ce qu’on peut voir fait ici, au conservatoire. On œuvre d’heures, et en terme de locaux, du dans ce film assez caricatural par ail- un maximum pour aller dans l’autre coup ça implique des solutions. leurs. sens, celui du partage, de l’expérience humaine, de l’échange. Comment fait-on pour diriger un big Toi tu en as pensé quoi justement de band ? Whiplash ? Aujourd’hui il faut être solidaire pour Au fouet ! Tu as vu le film Whiplash ? J’ai trouvé que ça ne parlait pas beau- être musicien, il ne faut pas être indi- Pareil ! S’il y a une chose que j’ai coup de musique justement. L’histoire vidualiste. trouvé fantastique dans ce film, c’est n’est pas la musique, mais celle d’une Si quelque chose a changé entre le la discipline pendant les répétitions, relation perverse entre un prof et son jazz des années de La Nouvelle-Or- malheureusement, c’est très loin élève. Le film est assez bien foutu, léans et aujourd’hui, c’est bien cela. d’être la même chose. Quand j’arrive, divertissant, ce qui me dérange c’est Le collectif, la solidarité c’est impor- ce n’est pas du tout comme dans le que l’on imagine que le jazz corres- tant, et cela commence ici. film où tous les élèves se lèvent. pond à cette manière de fonctionner. Eléa Giraud Tout le monde tchatche, joue, c’est Dans la représentation qu’on peut se le bordel, du coup je suis obligé de faire du jazz il y a souvent cette no-

La Gazette Bleue d'Action Jazz 11 VU D’AILLEURS > MONTRÉAL

Le 2 juillet 1980 avait lieu la pre- mière édition du Festival international de jazz de Montréal. Le lieu choisi à l’époque était la Place des Nations sur l’île Sainte-Hélène. Deux ans plus tard, le Festival se dé- plaçait au Vieux-Port et rue Saint-De- nis (Quartier latin). En 1989, le Festival quittait le Quartier latin pour s’établir rue Sainte-Catherine en centre-ville, dans le quadrilatère de la Place des Arts. Durant la première décennie des années 2000, la Place des festivals était inaugurée dans le Quartier des Spectacles.

"Le Festival Toutes les salles environnantes sont à portée de main (quelques minutes International à pied). Il est très facile de les repé- rer, car à l’entrée de chacune d’elles, de jazz de des projecteurs rouges éclairent les Entre deux concerts, vous pouvez en façades et les trottoirs. profiter pour découvrir la ville. Cette identité visuelle fait référence Montréal et le à une époque où l’on nommait ce À quelques pas de la Place des fes- quartier “Red Light”. Depuis 36 ans, tivals, se trouve le Quartier Chinois. Quartier des le Festival fait partie de l’histoire de Montréal est une ville où il fait bon Montréal. Un historien ne pourrait vivre et marcher. passer sous silence le rôle du Festival Vous pourrez découvrir la Place Ville- spectacles dans la vie culturelle de Montréal et Marie, les souterrains de Montréal, la " de son rayonnement à l’international. rue Peel, la rue St-Denis (Dièse Onze), la rue Mont-Royal, la Rue Sainte-Ca- Par Sylvain Cadieux Chaque année, la programmation est therine, la rue Aylmer (House of Jazz), diffusée selon deux périodes précises. la rue McKay (Upstairs) le Boulevard Au début de mois de mai, la program- Saint-Laurent (Schwartz’s Deli, la mation en salle est dévoilée. Casa Del Popolo), le Vieux-Montréal, C’est à ce moment que les mélo- le Vieux-Port, l’île Sainte-Hélène, la manes planifient leurs itinéraires. Au Ronde, le Casino de Montréal, etc. début du mois de juin, c’est la pro- grammation extérieure et gratuite qui COMPTE-RENDU est dévoilée. Lors de la dernière édition, j'ai eu la Le moyen idéal pour se rendre au chance d'assister à quatre concerts. Quartier des spectacles est d’emprun- Je vous fait le compte-rendu de deux ter les transports en commun. concerts étonnants.

12 La Gazette Bleue d'Action Jazz George Wein intronisé par la Jurade de Saint-Emilion Photo Marie Lamoureux Photo Monique Renard

4 JUILLET 2015 5 JUILLET 2015 Le 2 septembre 2015 Dominique Je me suis rendu, encore une fois, La soirée du dimanche 5 juillet avait Renard, président du Saint Emilion dans la splendide salle du Gésù (située pour thème Pianos caméléons. Elle Jazz Festival et la Jurade ont intro- dans le sous-sol de l’Église du Gésù était essentiellement dédiée à la nisé George Wein, (90 ans) fonda- sur la rue de Bleury) pour le concert musique classique (avec une petite teur du Festival de Jazz de Newport du samedi 4 juillet du vétéran Abdul- teinte de jazz). Sur la scène, deux en 1954, véritable légende de la musique aux USA, il a réellement lah Ibrahim avec la formation Ekaya. pianos géants. Le maître vénéré et inventé la notion de “Festival” mais L’octogénaire se déplace lentement, respecté Oliver Jones était le parrain il fut aussi le premier à développer mais lorsqu’il s’installe au piano, sa de trois jeunes virtuoses reconnus le financement de ses manifesta- musique est intemporelle. Ibrahim ne comme musiciens de jazz. Il s’agit de tions par des sponsors extérieurs. ressent pas le besoin de jouer vite. Matt Herskovitz, John Roney et Julie Lamontagne. Si quelqu’un avait un En 1959 il crée le Newport Folk Fes- Il s’exécute lentement et le rythme doute sur le talent de ces musiciens, tival avec Pete Seeger, et en 1970 il s’écoule doucement, sans aucune je peux garantir que les doutes étaient crée le New Orleans Heritage Jazz agressivité. Pendant qu’il jouait, les dissipés à la fin de la soirée. Les trois Festival. Il fut aussi l’organisateur musiciens de la formation Ekaya sont jeunes musiciens sont actifs au Qué- de la Grande Parade du Jazz à Nice. arrivés dans la pénombre. Il se sont bec depuis plusieurs années. Lui-même pianiste reconnu, il installés tranquillement et, le moment L’objectif de la soirée était de les réu- continue à produire de nombreuses venu, ont soufflé dans leurs instru- nir et de les faire découvrir à un plus manifestations tant aux USA qu’à ments. Le son des cuivres est venu large public. Vu le succès de la soirée, l’étranger. remplir la salle. À tour de rôle, chacun la formule Pianos Caméléons risque Tous les grands noms du jazz sont des membres de la formation Ekaya a bien de se perpétuer dans une pro- passés par Newport, scène incon- assuré un solo dans une atmosphère chaine édition du FIJM. tournable et mythique. de sérénité qui a duré toute la soirée. Sylvain Cadieux

La Gazette Bleue d'Action Jazz 13 INTERVIEW > Par Ivan-Denis Cormier Yann Pénichou Yann, ce qui frappe, c’est l’économie, Le chemin a-t-il été long et ardu ? que de partir sur plein de choses mieux la netteté et la clarté de ton jeu. Vrai ? Au début ce n'est que de l'amuse- vaut se concentrer. Avoir une double Le tout est de bien exposer le thème ment que du fun. Tout paraît simple carrière si l'on peut dire, d'accompa- sinon l'auditeur ne comprendra rien. pour la seule raison qu'on ne se pose gnateur et de leader, cela demande Une chanson, c'est avant tout une pas de questions. Mais plus on avance un investissement total. Je le fais pour grille harmonique et une mélodie de et plus cela devient difficile parce moi-même, avant de faire pour les départ que j'essaie de maîtriser en que les marches sont de plus en plus autres. Je n'ai pas de visées commer- l'explorant dans tous ses recoins ce hautes à monter. Et j'ai besoin d'ap- ciales l'équilibre est bon comme ça. Je qui permet après, en situation d'ur- prendre tout le temps. Les challenges suis toujours content quand on m'in- gence, de rester ouvert à ce qu’il se deviennent beaucoup plus imposants vite, et je suis très content de diriger passe. Il faut savoir où l'on va pour qu'avant, lorsque la courbe de pro- un groupe. Up and Down est le pre- être capable d'interagir sur le moment gression était plus rapide. Et puis on mier CD sous mon nom, l'an dernier en tenant le cap. Et lorsque c'est moi a moins de temps. c'était un album de Tri-nations avec qui expose, je dois déjà penser à la Dave Blenkhorn et Gaston Posé, un conclusion, il faut que mon jeu soit Quel est le défi le plus important, prochain disque sort cet été. Actuelle- clair pour mes coéquipiers. trouver un équilibre de vie, trouver ment je travaille beaucoup avec Marie son public, maîtriser l’instrument ? Carriet normalement deux disques Pour ce qui est de tes illustres pré- Premier défi, arriver à vivre de la mu- devraient sortir, en duo et en quartet. décesseurs, est-ce que tu te plais à sique sans être dans une situation de gommer leur influence où à la rappe- Mener de front plusieurs projets fait survie et pouvoir se reposer, pouvoir ler par petites touches ? partie du cheminement, du quotidien faire des breaks. On ne maîtrise pas J'ai beaucoup appris des guitaristes de d’un musicien. J'attache beaucoup son emploi du temps. Quand le boulot jazz américains jusqu'aux années 60. d'importance à ces collaborations se présente on le prend et lorsqu'il n'y C’était par périodes : j'écoutais beau- diverses. Si j'accompagne quelqu'un, en a pas on ne peut guère se projeter coup, beaucoup Barney Kessel puis j'ai vraiment envie de le servir. Seul Wes Montgomery puis - je dans le long terme, mais j'ai la chance le jazz tisse cette toile d'araignée qui changeais puis j'y revenais. Mon but de vivre avec quelqu'un qui fait la permet de découvrir autant de for- n'était pas de copier mais de com- même chose que moi. Quant au défi mules. instrumental, j'aime me mettre en dif- prendre. Tiens, tel accord et tel en- Le grand public n'est pas forcément chaînement il va faire ça comme ça. ficulté. Je crois qu'il n'y a que comme à l'écoute des instrumentistes, il se C'est comme ça que l'on forge son ça qu'on avance. Dès que je suis dans rattache plutôt à une voix. As-tu goût. une situation un peu confortable, je quelques recettes pour l'intéresser ? m'ennuie. Un auditoire qui a de l'oreille peut Quels souvenirs as-tu de ta première suivre si l'on colle à la thématique. rencontre avec ce qui allait devenir N'y a-t-il pas des compromis à faire ton instrument, la guitare ? si l'on veut perdurer dans ce métier ? Une chanson raconte une histoire, avec des émotions. Le plus difficile Quand j'étais gamin, pour moi c'était Il ne faut pas perdre l'envie de décou- c'est d'arriver à différencier les chan- un jouet et je m'amusais sur deux vrir de nouvelles choses ni cesser le sons, construire des mélodies à partir cordes d’une guitare désaccordée. travail quotidien qui permet de s'amé- du thème et de développer cela, va- J’avais aussi un piano et des percus- liorer. Il y a aujourd'hui plusieurs jazz, rier les atmosphères en puisant dans sions à disposition. Mais c'est beau- et quand on fait des choix, la person- d'autres influences, en choisissant des coup plus tard, au début de l'ado- nalité émerge. Il faut développer ses rythmes typés. lescence, que le choix s'est imposé à propres qualités – simplement creuser moi. son sillon et cela finit par payer. Plutôt

14 La Gazette Bleue d'Action Jazz Yann Pénichou Up & Down Par Ivan-Denis CORMIER Excellente surprise que ce très élégant album en trio signé Yann Pénichou intitulé Up and Down, en compagnie de Hervé Saint Guirons à l’orgue et de Stefano Lucchini à la batterie. Gui- tariste dans la lignée des plus grands jazzmen, aux idées claires et au son pur, dont il a de toute évidence res- pecté la démarche et cultivé l’esprit, Yann compose avec naturel, se garde de tout mimétisme, évite le verbiage, les “licks” et “gimmicks” que d’autres utilisent pour asseoir leur réputation ou parfois masquer une panne d’ins- piration ou une certaine vacuité. Sans précipitation, sans affectation ni os- tentation, il construit son propre dis- cours, raconte au fil des titres de très belles histoires, apportant une vraie fraicheur – une modernité de bon ton – à un genre exploré par ses illustres aînés. Vous croyiez ce genre musical dépassé, éculé ? Ecoutez donc ce “Up and Down” et vous changerez d’avis. Ses interventions sont parfaitement dosées, fermes et décisives, mais c’est plus encore par la douceur et l’intel- ligence de son jeu qu’il convainc. L’ambiance sonore rappelle l’intimité d’un club, à l’opposé d’une post-pro- duction trafiquée ou édulcorée. Ici un musicien accompli révèle une facette de sa musicalité en s’affirmant en tant que maître du jeu après avoir servi d’autres projets musicaux. C’est tout simplement magnifique. D’où le désir d’en savoir un peu plus sur ce créa- teur talentueux.

15 Photo Thierry Photo Thierry Dubuc La Gazette Bleue d'Action Jazz FESTIVAL > BOULAZAC

MNOP, ce n’est pas seulement la soi- rée d’octobre, mais aussi une tour- née estivale de 3 semaines, en juil- let, d’une troupe de musiciens venus spécialement de Nola (contraction de New Orleans, Louisiana) pour se pro- duire dans une vingtaine de villages de cette belle Dordogne. Mais, en ce 16 octobre, le maître d’œuvre et directeur artistique de cet événement, Stéphane Colin, amoureux de la Louisiane et de New Orleans, défenseur acharné de ce courant musical, ou plutôt de cet es- prit musical de cette ville exception- nelle, s’emploie avec passion de faire découvrir de nombreux musiciens souvent méconnus de ce côté de la grande flaque. Et, tous les ans, c’est une fête comme on les aime dans les états du sud des USA. Mais, cette année, c’est spécial : 15 ans, certes l’âge de l’adolescence, mais là, en ce qui concerne, le MNOP, MNOP c’est déjà l’âge de la maturité pour ce qui est, tant de l’organisation que de la programmation. Pour cet anniversaire, Stéphane Colin festival avait décidé de frapper fort et d’enfin Par Alain Piarou réaliser un rêve et pour ce faire, il avait Photos Thierry Dubuc invité le magnifique pianiste Marcus Roberts pour une recréation de Rhap- sody in blue de George Gershwin. MNOP comme Musiques Nouvelle Orléans Alors, c’est tout d’abord en trio que en Périgord. XV comme… non, on ne joue Marcus Roberts se produisait, accom- pas au rugby à New Orleans. pagné par l’excellent contrebassiste Alors, comme 2015… oui, mais surtout, Rodney Jordan (Mississippi Sympho- c’est le 15e anniversaire de ce splendide ny Orchestra et Albany Symphony festival qui nous donne rendez-vous, tous Orchestra) et soutenu par le jeu affi- les ans,Par dans Philippe cette belleDesmond salle du Palio à né, tantôt puissant, tantôt en finesse, Boulazac, à la sortie de Périgueux. mais toujours intelligent du dernier de la fratrie des Marsalis, Jason. Qua- rante minutes d’un set où Marcus res- tait sobre, tout en retenue avec tou-

16 La Gazette Bleue d'Action Jazz guée par une telle dépense d’éner- gie et une telle envie de partager un moment de bonheur en chantant et dansant. Il était accompagné par un quartet de jeunes musiciens issus de la Nocca (célèbre high school où ont été formés les Marsalis, Trombone Shorty, Harry Connick Jr et bien d’autres) au tefois une subtilité et une virtuosité Cela se traduisait bien entendu par un talent indéniable et qui devaient tour indéniable de son jeu. Gershwin, Fats total standing ovation et un évident à tour s’illustrer par de longs chorus, Waller, Cole Porter, mais aussi Thé- rappel, car on ne pouvait pas se quit- largement encouragés par le leader lonious Monk étaient évoqués avec ter sans une magnifique version du qui demandait toujours au public de brio par quelques thèmes sur lesquels thème Rhapsodie in blue. les ovationner. Infatigable, Glen Da- Rodney Jordan et Jason Marsalis pre- Après un autre standing ovation et vid Andrews quittait la scène, mais naient tour à tour, de superbes cho- une longue pause, la soirée chan- pour mieux revenir faire chanter la rus. geait alors d’atmosphère en accueil- foule amassée devant la scène. On ne Après une courte pause, l’immense lant cette fois une bête de scène de compte plus les rappels, tous honorés scène accueillait les 90 musiciens de Treme, plus vieux quartier afro-amé- jusqu’à l’épuisement. l’ONBA (Orchestra National de Bor- ricaine de New Orleans. Chanteur à Et, comme à New Orleans, les soirées deaux Aquitaine) pour entourer ce la voix de stentor au jeu de trombone musicales sont sans fin, il y avait en- superbe trio et pour une transversa- incantatoire comme son cousin Troy core un after pour les couche très tard lité qui permet au MNOP de relever Andrews (Trombone Shorty), Glen Da- avec cette fois une toujours aussi to- ce challenge. Le public jazz, pas for- vid Andrews se mettait en l’espace de nique formation bordelaise de blues cément habitué, de nos jours, à cette trois minutes, le public dans la poche. et de rock’n roll, Lauretta & the Bad formule en restait coi. Public une fois de plus surpris, inter- kings. Après une magnifique intro du grand pellé par la fougue de ce musicien qui Voilà donc les bougies de soufflées orchestre, Marcus Roberts et ses deux démontre tout l’héritage musical de pour ce mémorable anniversaire et complices entraient en lice pour une cette ville de Nola avec un funk des Stéphane Colin faisait partager le gâ- prestation de toute beauté d’une par- plus festifs. Après juste quelques mi- teau en faisant monter tous les béné- tie de l’œuvre de Gershwin. nutes, entonnant l’hymne de Treme, voles disponibles sur la scène pour les Marcus faisait alors état de tout son mais aussi reprenant les classiques féliciter sous les applaudissements du talent et de sa virtuosité. Le chef d’or- thèmes néo-orléanais, Glen David public venu cette année encore très chestre Bastien Stil restait vigilent car Andrews descendait de scène pour nombreux. le jeu subtil du pianiste pouvait être se mêler, comme çà se fait réguliè- Le magicien Stéphane a donc encore par moment, déroutant voir imprévi- rement là-bas, à la foule pour chan- sorti de son chapeau une program- sible. Mais, tous ces musiciens nous ter, faire chanter, jouer au milieu des mation de choix dont il a bien sûr le offraient un concert de toute beauté. amateurs de musique venus pour la secret. On peut se demander com- On pouvait imaginer aisément être plupart le découvrir. Il faisait lever ment il pourrait faire aussi bien l’an- devant un film avec tous ses rebon- tout le monde, car, comme pour tous née prochaine, mais là, on peut lui dissements devant une immense les néo-orléanais, la musique est faite faire confiance… il sait faire et il va fresque représentant quelques mai- pour la danse. Il sillonnait les ran- encore nous épater. sons typiques du quartier français de gées de chaises, montait voir ceux Vivement octobre 2016 ! la Nouvelle Orléans, à l’angle des rues qui avaient investi les balcons, pour le Royale et St Peter. plus grand plaisir de cette assistance résolument sous le charme et subju-

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ANGLETPar Ivan-Denis Cormier Photos Thierry Dubuc

Dans le cadre du Jazz Festivalfestival rer l'ouverture du festival, en trio, et voix est traitée comme un instrument d’Anglet, les 25 et 26 septembre de donner le ton ! Une jeunesse au à part entière : mélodique par essence, 2016, quatre concerts (deux par punch revigorant et à l’enthousiasme elle peut aussi à l’aide d’un harmoni- soir) étaient présentés au Théâtre communicatif. seur vocal devenir polyphonique. Le Quintaou. Inauguré en janvier Très originale, la démarche musicale sens esthétique de cette artiste et la 2014, ce très bel auditorium offre est limpide, plutôt osée. Dès le pre- sincérité de sa démarche, sa bonne une vue imprenable et une acous- mier morceau, que j'ai adoré, nous perception des réactions dans la salle, tique parfaite, quel que soit l'en- voilà emportés par une mélodie acro- son rapport proche avec le public font droit d'où l'on assiste au spectacle. batique (chantée et jouée à l'unisson qu'on ne se sent jamais exclu ou com- par le guitariste-bassiste) virevoltante, plètement déboussolé. 1er soir, 1ère partie : Venu exprès de LM tourbillonne elle aussi, joint le Artiste engagée, courageuse et géné- Bordeaux écouter Jean Marie Ecay geste à la musique (car ce ne sont reuse, Leïla Martial donne à entendre dont les prestations dans le grand pas des paroles à proprement parler, une musique forte en caractère – les Sud-Ouest sont bien trop rares à mon ni même un skat à la Ella Fitzgerald, amateurs de cinéma auront à l'es- goût, je ne connaissais pas Leïla Mar- mais des notes égrenées par une voix prit “Cris et Chuchotements” : de- tial. Seul le nom de son batteur-ar- pure d'une justesse sans faille traitées puis le chuchotement dans le micro, rangeur, qui officie également depuis en matériau sonore). La rythmique, (certes pas jusqu'au cri qui tue -- on lui quelque temps déjà avec Post Image, le noyau dur du groupe, est ferme et pardonnera cette délicatesse — mais “très vieux” groupe bordelais dont j'ai puissante, la pulsation lui donne sa du moins jusqu'à un volume et une la plupart des CD, me disait quelque force. En superposition, rythmique densité proches des limites des cordes chose. C'est pourtant à elle d'assu- elle aussi mais plus subtilement, la vocales), se trouve exploité l'essentiel

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de ce que permet la voix humaine, sens le plus abouti, dont la complexité delà, il est toutefois plus fréquem- secondée il est vrai par un soupçon surprend sans dérouter et le rythme ment au service d’autres musiques d'électronique. Les timbres, la musi- s’impose sans forcer à intellectualiser. qu’aux commandes, entièrement calité des syllabes et des consonnes, maître du jeu. la dynamique, tout y est... En 2e partie, c’était à Jean Marie Ecay, Ce projet-ci est le sien. Résolument L'auditeur peut adhérer ou pas. Mais un des guitaristes les plus complets de orienté jazz post-moderne avec un une telle voix, l’audace de composi- l’Hexagone de présenter ses dernières concept propre à chaque morceau, il tions non dépourvues de malice et compositions accompagné de ses révèle dans chacune de ces composi- d'humour, aux confluents du jazz deux acolytes Jean-Michel Charbon- tions originales une autre facette de contemporain et de la poésie sonore, nel à la contrebasse et André Charlier ses multiples talents. Les thèmes sont plus des musiciens à la hauteur, un à la batterie. (Même personnel, gros- ici explorés méthodiquement, suffi- éclairage et une sonorisation qui la so modo même répertoire que sur samment stimulants rythmiquement mettent fort bien en valeur, tout cela l’album sorti il y a déjà presque un an) et harmoniquement pour permettre a de quoi convaincre. Tant pis pour les JM Ecay s’est forgé une réputation à l’instrument de se promener dans grincheux traditionalistes qui, bous- de formidable bluesman, bopper et des zones quelque peu étranges en- culés dans leurs convictions, vont même à l’occasion de rocker au son core largement inexplorées – je pense trouver qu'elle va vraiment trop loin. de métal hurlant et aux soli dévasta- aux mesures composées qui depuis Pourvu qu'elle aille loin ! Tout au plus teurs. Pas mal de “gratteux” qui ont longtemps déjà attirent les musiciens aurais-je souhaité entendre davan- pu l’entendre et le voir à l’œuvre en aventureux, avides de sensations nou- tage de compositions dans la même concert en sont sortis pantois. Très velles, mais dont la maîtrise demande veine que le premier morceau, à mon présent sur la scène nationale et au- une pratique régulière, d’abord rai-

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sonnée, puis ressentie et progressi- vement développée avant d’être par- faitement intégrée pour devenir enfin jouissive ; les faire passer auprès d’un public non averti reste toutefois un exercice périlleux. Grâce à un sens aigu de la mélodie, JM Ecay franchit les obstacles avec aisance et élégance, prenant visiblement plaisir à échanger avec ses comparses et avec le public. Suivent des compositions plus pas- sionnantes les unes que les autres. Impossible de s’ennuyer avec ce trio tant l’alternance de climats, de couleurs sonores, les richesses de la palette musicale qu’il nous laisse entrevoir font oublier le sérieux et la profondeur d’une telle entreprise. D’ailleurs, comme les trois musi- ciens ont le sourire aux lèvres, tout le monde se sent d’humeur ludique et les spectateurs enchantés échangent des regards complices en quittant la salle. Un grand moment, conforme à mes attentes.

2e soir : Le 4tet de Stéphane Kerecki venu présenter “Nouvelle Vague”, son dernier CD (chez Outnote records) qui lui a valu le prix du meil- leur disque de jazz de l'année 2015 et le titre de Talent Jazz ADAMI 2015, assure la 1re partie. Le projet a déjà plus d’un an – les musiciens même s’ils ont quelque peu changé par rap- port au CD sont rodés. Dommage pour les baby boomers ve- nus se rappeler le bon vieux temps : cet hommage à un cinéma juvénile, un tantinet rebelle, qui laissait une place à l’improvisation, au hasard, à une liberté de ton caractéristiques des années 60 ne donne pas dans la nos- talgie, ce n’est pas non plus un pâle

“remake”. Photos Thierry Dubuc

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Les musiques de film servent de base originalité. Succès amplement mérité. ont failli faire disparaître), s'écoute à une improvisation qu’inspirent sans avec délice. doute les images, l’intrigue, l’atmos- 2e partie : Difficile d’aller crescendo Le monde est dans cette musique : tout phère de l’original. Ce sont surtout après un si beau concert de S. Kérec- ce qui entre en résonance -- les ma- des prétextes à retrouver l’esprit et ki, c’est pourtant ce que réussit à faire tières, les textures,... -- est ici d'abord parfois même le son d’une époque Dhafer Youssef, bouleversant. Il ouvre exploré, traité avec délicatesse, amour – je ne parle pas des “yéyés” ! – j’ai une faille, crée un séisme majeur qui et respect, puis asservi et intégré à dressé l’oreille lorsque il m’a semblé remodèle tout notre paysage musi- une colossale énergie rythmique qui par moments voir planer sur la scène cal. Un épicentre situé quelque part architecture l'ensemble, faisant naître les ombres immenses de John Col- entre la Turquie et l'Inde disons l'Asie des reliefs un peu comme des se- trane aux côtés d’Elvin Jones et de mineure, dont l'onde de choc se ferait cousses telluriques font surgir abîmes Jimmy Garrison) Pour ce groupe my- sentir jusqu'à Berlin, Paris, New York, et montagnes. Inutile de préciser que thique comme pour celui de Stéphane se propagerait en gros du Maghreb à les musiciens, d'origines diverses, se Kerecki, il ne s’agi (ssai) t pas juste de tout l'hémisphère nord. montrent à la hauteur de ce projet ponctuer et de souligner les interven- Comme le calme avant la tempête, ambitieux. Le contrebassiste, solide tions du soliste du moment, mais de les premières notes, a capella, sont comme un roc, le pianiste, virtuose tisser autour de l’instrument un tapis d'une douceur alarmante. Un soup- mais retenu et concentré, le batteur sonore, de faire naître une espèce de çon de réverbération donne à la visiblement heureux d'être la cheville lame de fond qui fait corps avec la voix une dimension irréelle déjà (sur) ouvrière de cette équipée que les me- crête de la vague. D’où peut-être le prenante : le son, très pur -- 2 ingé- sures composées rendent exotique et titre de l’album ? Je n’ai guère ressenti nieurs y travaillent, 1 en coulisses et dangereuse. Que ceux qui se deman- cela que dans les groupes constitués 1 dans la salle -- crée un espace à la deraient en quoi la musique de Dha- qui se connaissent de longue date, fois ample et d'une proximité saisis- fer Youssef appartient à la catégorie une telle osmose nécessitant, sinon sante. On s'élève et on entre dans “jazz” considèrent l'instrumentation une parfaite connaissance mutuelle, une nouvelle dimension, le public re- et le principe de l'improvisation col- du moins une vaste culture commune tient son souffle. Les silences, calculés lective sur un thème... Si une musique et une anticipation peu commune. La pour laisser naturellement s'éteindre aussi belle et puissante qu’originale filiation est bien là, l’on retrouve ce les vibrations forcent l'écoute -- au jette un pont entre jazz et musique cœur, cette même créativité et cette point que l'on se prend à frissonner du monde, ce sera pour le plus grand même détermination qui ont depuis et à ressentir quelque chose de qua- bien de tous. marqué et inspiré toutes les jeunes siment religieux ou mystique. Dhafer Super programmation, bravo aux or- générations. la surprise vient de la porte la main à sa bouche en guise ganisateurs pour l'éclectisme, la qua- densité des informations que peuvent de sourdine, le piano intervient tout lité et la pertinence de leurs choix et transmettre à la fois et à tout instant doucement, laissant les accords ré- merci à tous les intervenants y compris les divers instruments, et la part im- sonner et mourir tout en égrenant les bénévoles. Souhaitons que le jazz portante de liberté qui nous emmène quelques notes : ça y est, voilà installé festival d'Anglet atteigne une stature vraiment très loin des sentiers battus. le système modal qui va constituer la internationale et qu'il devienne aussi Une musique riche, complexe, mais trame du morceau. La polyphonie va incontournable que ceux d'Antibes, compréhensible et captivante. maintenant l'étoffer comme un écrin Vienne ou Marciac. Ce qui frappe, c’est la qualité et la co- fait ressortir une pierre précieuse ; la hésion de l’ensemble, le dosage des mélodie va en détailler les moindres Par Ivan-Denis Cormier instruments, un discours qui n’agresse recoins, comme le feraient les reflets jamais mais explique et enrichit le de lumière. Le “oud, très charnel, (les thème à chaque nouveau passage doigts rendent possible les intervalles

Photos Thierry Photos Thierry Dubuc avant la reprise finale. Grande et belle que les sillets et la gamme tempérée

La Gazette Bleue d'Action Jazz 21 Festival Jazz & Garonne à Marmande Par Eric Séva et Jean-Pierre Pourteau Photos Thierry Dubuc

22 La Gazette Bleue d'Action Jazz FESTIVAL > MARMANDE

band, présente à Marmande ce ven- dredi 9 octobre, a été très touchée par la place réservée à ces jeunes musiciens Vénézuéliens au festi- val. Ces 20 musiciens talentueux appartiennent au dispositif culturel internationalement reconnu “El Sis- tema”. C'est grâce au partenariat avec les Alliances Françaises que ce concert a été possible. Le choix de son premier album Photo Thierry Photo Thierry Dubuc conduit Daniel Zimmermann vers Jazz & Garonne 5e édition vient ture de ce ciné-concert sa très haute une musique incisive, directe, pré- de se terminer. Pour l'associa- exigence musicale, sa connaissance cise, aux accents rock ouvrant vers tion Les Z'Arts de Garonne et Éric du monde du cinéma, pour magni- Séva, le directeur artistique, c'est fier le chef-d'œuvre de Lotte Reiniger des plages d'improvisation. sans aucun doute possible un réel Il était entouré de 3 excellents musi- Stéphane Galland une réunion origi- succès tant sur le plan artistique ciens, dont la sensibilité, et la compré- nale de musiciens venus d'horizons qu'organisationnel. hension de la composition ont servi à culturels différents, un brassage ou- Les retours reçus du public des artistes merveille cette création. vrant sur des mondes mélodiques et des techniciens sont très enthou- Ceïba chante ses voyages et trans- et rythmiques inattendus, surpre- siastes. Un public attentif et réceptif met aux spectateurs des images de nants et toujours innovants. Ninon aux concerts dont la qualité, l'acces- pays lointains, entre l'Afrique et les Valder et Nicolas Colacho Brizuela sibilité, la diversité de la programma- Caraïbes, pour le plus grand bonheur nous conduisent sur les chemins tion artistique ont fait l'unanimité. des spectateurs enthousiastes réunis du folklore argentin, dont le tango Nous avons reçu des festivaliers venus au Buffet de la Gare. reste l'expression dominante, au- tour d'une instrumentation origi- de Toulouse, Bordeaux et Bergerac Éric Séva a invité Philippe Valentine et nale : bandonéon, stick Chapman. qui se sont déplacés pour venir écou- Nolwenn Leizour autour d'une relec- Ce duo acoustique et intimiste a su ter certains groupes. Maîtres mots : ture originale (saxophone baryton, une écoute attentive de tous les ins- diversité, excellence, accueil, convi- contrebasse, batterie) de standards tants. vialité, professionnalisme, plaisir, bon- choisis pour illustrer la conférence heur et partage. Diversité des actions de Philippe Méziat sur les origines du Le succès de ce festival tient à un état et des événements : concerts péda- jazz. d'esprit basé sur le travail d'équipe, la recherche de partenariats ouverts gogiques, ciné-concert, goûter-jazz, Jean-Pierre Como organise la ren- et respectueux et la mise en réseau. café-concert, déambulations, expo- contre d'un jazz méditerranéen au Nous sommes convaincus de la per- sition interactive, concerts. Diversité lyrisme latin avec les rythmes et sono- tinence de ce festival de Jazz qui des publics visés : tout-petits, éco- rités italo-argentines de ses compères s'ancre définitivement dans le pay- liers, collégiens, adultes profanes ou Minino Garay et Javier Girotto. sage culturel Marmandais mais aussi aficionados, badauds, tout le monde Samy Thiébault et le Simon Bolivar Big dans le paysage culturel de la région était concerné, invité à rester curieux. band Jazz ont dispensé une énergie avec un état d’esprit qui caractérise Grande diversité des musiques ori- et une générosité communicatives, la philosophie de l'association “Les ginales qui ont été proposées, qui mêlant la musique du quartet à celle Z'arts de Garonne” : compétence et couvre un éventail extrêmement large des origines vénézuéliennes du Big engagement. d'un jazz européen métissé et créatif. Band. La délégation Vénézuélienne Khalil Chahine confirme dans l'écri- qui encadrait le Simon Bolivar big

La Gazette Bleue d'Action Jazz 23 CHRONIQUE CD > DÉCOUVERTE

pour des enregistrements Michel Pastre au sax ténor est Sylvain Beuf, Manu Codjia à live sur scène ou en studio entouré de David Blenkhorn la guitare, Philippe Buissonnet dont l’écoute se révèle un très à l’aise dans le rôle de à la basse, Julien Charlet à la réel plaisir. Des compositions Charlie Christian et au chant, batterie et Laurent Coulondre originales d’E.B. et de J.J.M Malo Mazurie à la trompette, aux claviers. viennent enrichir le disque Sébastien Girardot à la contre- Un album dynamique avec dans cet esprit de liberté, de basse et Guillaume Nouaux des compositions longues qui dignité et de fraternité cher à aux baguettes…et aux balais. laissent le temps aux musi- Lead Belly. Les deux leaders Que des bons ! ciens de s’exprimer ce qui est Eric Bibb sont entourés de quatre musi- Le répertoire est celui que une chance pour nous. & J.J. Milteau ciens et d’invités de qualité. Charlie Christian a écrit ou Citons “Matoubi” et un son Lead Belly’s Gold Une vraie réussite. joué avec des titres de Benny de sax chaleureux très enjoué Harmonia Mundi DFGCD 8780 La production est excellente et Goodman, de Lionel Hamp- et entraînant, “Clark and Divi- Par Philippe Desmond l’album est présenté de façon ton… Et bien sûr avec cet sion” au tempo rock, la gui- luxueuse et très documentée. équipage ça swingue drôle- tare et la basse électriques N’hésitez pas ! Vous pensez ne pas connaître ment bien, ils ne sont que cinq se laissant aller devant une Lead Belly – ou Leadbelly et ça sonne presque comme batterie musclée. On trouve – ce bluesman “rural” de un big band. même un “Christmas Song”, Louisiane mort à 60 ans en De l’énergie à revendre avec une ballade réchauffée par 1949, le roi de la guitare à les sons et les tonalités ca- la chaleur de l’orgue de Lau- rent Coulondre. “Open Mind” 12 cordes ? Pensez donc, c’est ractéristiques de ces belles à l’accent funky, le débridé que vous n’avez jamais en- années du swing avec une jazz fusion de “Irish Walk”, le tendu les Stones, Led Zep, The production actuelle parfaite. Doors, Eric Burdon, Creedence planant “Lincoln Park South” Clearwater Revival, Johnny et d’autres complètent cette Cash, Dylan, Clapton, voire belle rencontre du jazz du Sinatra ou encore Johnny Michel Pastre Quintet rock et de la pop. Hallyday… The house of the Un album moderne riche d’at- Rising Sun ? Midnight Spe- Charlie Christian Project mosphères différentes mais cial ? Swing Low, Sweet MPQ001 toujours mélodieuses. Chariot ? Certes ce sont des Par Philippe Desmond Une réussite. “traditionals” mais c’est Lead Belly qui les a adaptés Sur ce CD le Michel Pastre SOUTENEZ en blues-folk et popularisés. Quintet rend hommage au Et le rock lui doit beaucoup, Sylvain Beuf guitariste Charlie Christian, nombre de grands se récla- Plénitude le premier à imposer la guitare mant de son héritage. Impro Primo Records électrique dans le jazz, faisant Contatez Alain Piarou Par Philippe Desmond Le bluesman américain Eric le pont entre le swing et le [email protected] Bibb et l’harmoniciste fran- be-bop. Membre de la forma- Pour cet album on retrouve adressez votre adhésion (20 €) çais Jean-Jacques Milteau lui à Action Jazz, 3 av Descartes, tion swing de Benny Good- une formation en quintet élec- 33700 Mérignac (chèque à l’ordre rendent hommage de très man il disparaitra en 1942 à trique autour du saxophoniste d’Action Jazz) ou sur notre site belle manière. Ambiance blue- l’âge de 25 ans victime de la et compositeur (8 composi- www.actionjazz.fr “soutenez l’Association”. sy New Orleans, son bien stuff tuberculose. tions originales pour 9 titres) 24 La Gazette Bleue d’Actiond'Action Jazz CHRONIQUECHRONIQUE CD CD > > DÉCOUVERTE DÉCOUVERTE

on sent bien ce qu’ils veulent ce CD, c’est profond, c’est nous dire, où ils veulent nous glacial, on frissonne. Black emmener. Avec The Hiding out où la crise d’hystérie vo- Place, ce trio à l’abri dans cale qui nous est projetée à leur jardin bleu nous propose la figure est tout simplement une expérience jazz très fine, époustouflante d’inventivité délicate où l’émotion et le ou encore The search avec partage et la sincérité sont sa superbe introduction très bien au rendez-vous. Ces 3 esthétique et finement arran- musiciens dont les horizons gée nous embarque dans Couleur Trio Julie Saury et les origines sont si dif- une ambiance pop électro The Hiding Place Niu Wan [3] férents réussissent, grâce à où l’on se voit bien surfer sur Autoproduit CT003 GAYA021 leur envie d’être ensemble, une vague géante. Le dernier Par Philippe Desmond Par Antoine Rodriguez un beau projet débordant de morceau, Lost in Paradise, La première sensation qui musique. libère les tensions. On flotte, Eric Slinn (piano), Frédéric ressort après l’écoute de cet on respire, on se laisse aller Teysseyre (basse électro- album, c’est bien d’avoir par- à tel point que l’on se sent acoustique) Hervé Chiquet tagé un doux moment d’inti- comme perdu dans un para- (batterie). Créé en 2007 ce mité musicale tant l’ambiance dis. David Haudrechy, qui est trio toulousain en est à son créée par ses trois fabuleux le compositeur de cet opus et troisième album. Structure artistes nous absorbe. Julie aussi le saxophoniste soprano, classique d’un trio pour douze Saury à la batterie, Carine nous propose un line up à la compositions originales des Bonnefoy au piano et Felipe hauteur de la qualité de ses trois musiciens. Citons-en Cabrera nous emmènent dans compositions. Pas moins de quelques-unes. L’album com- leur monde sensoriel. Le trio 17 musiciens sont présents mence par une note d’humour fonctionne à merveille, leur Initiative H sur ce projet où l’on nous avec “Vivement Les Vacances” complicité évidente alliée à Dark wave expose 8 titres + un bonus et une très belle mélodie bien une connexion parfaite nous Album Release track. On notera la présence assise sur une rythmique déli- cate, le tempo et le volume permet de visiter leur jardin (Neuklang, 2015) de quelques grands noms de la scène jazz française, Médé- augmentant à mesure que les secret rempli de belles expé- Par Antoine Rodriguez riences, de sonorités et de ric Collignon, Emile Parisien, vacances approchent pour re- Vincent Artaud. Un album tomber une fois qu’elles sont couleurs variées. Ce qui pré- Après un premier album cou- domine c’est bien la volonté conceptuel qui vous envoute, là. Sur la longue plage “Niu ronné par une “révélation” Wan” le piano brode élé- de raconter des histoires, nous invite au voyage, aussi par Jazz Mag, Initiative H gamment sur un riff de basse d’échanger. Chaque impro- bien dans les profondeurs nous présente son 2e disque, accrocheur, personnellement visation est une question et/ d’un océan que dans la noir- Dark Wave, qui sans aucun ceur de l’espace sidéral. mon titre préféré. “Maëli” ou une réponse adressée à est une très jolie ballade aux l’un d’entre eux. Les phrases doute va chercher dans ce Les ambiances sonores sont style musical (le Dark Wave) teintées de divers courants effets cristallins. De temps coulent savoureusement dans en temps des accents du Sud issu des années 70 ce qu’il musicaux, l’énergie du rock nos oreilles, les rythmiques nous rappellent les origines a de plus sombre, profond et voire même hard rock (Black riches, intelligentes se dé- du groupe comme dans “Sega out), les sons électro pop, le roulent finement, les lignes voire même abyssal. Le pre- More Ice” au nom hermétique de basses énergiques et bien mier titre nous plonge tout phrasé du jazz illustrent bien ou le chaloupé “El Sapo”. senties font groover le tout, de suite dans l’ambiance de cet album parfaitement réussi.

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Sur “Oda Toa” Eric Slinn projet, friand de musiques confirme ses qualités d’ex- manouches bien sûr, mais cellent pianiste, qualités qu’il aussi latines, cubaines notam- met au service de l’école de ment. Il est entouré du solide musique de Colomiers où il bassiste Rémi Chaudagne, du enseigne. Sur un tempo par- superbe guitariste Stéphane ticulièrement alerte il laisse Morin et du percussionniste aller ses doigts sur le clavier cubain Lester Alonzo Vasquez bien porté par une rythmique garant de la couleur latino. solide. Un très beau solo de On trouve ainsi des reprises batterie ponctue ce titre dyna- de standards telle cette ver- mique à souhait. Au final un sion alerte de “la Foule” de poème en vers consacrés à album mélodieux, coloré et Piaf, ou de “Nuages” ici dans Archie Shepp et présenté chaleureux aux nuances très une interprétation insolite dans la précédente Gazette variées et très accessible. en charanga “alla francesa”, Bleue, il récidive, mais cette une autre compo de Django fois en photos avec l’im- “Douce Ambiance” traitée en mense batteur Elvin Jones. cumbia, mais encore une su- Elvin Jones batteur disparu per version hip-hop du “Calle en 2004 a joué avec les plus Luna, Calle Sol” de Willie Co- grands de son époque, de lon. D’autres surprises nous à Wayne Shor- attendent toujours avec origi- ter en passant par JJ Johnson nalité et qualité musicale ; al- et Miles Davis, mais il reste sur- lez une dernière : “Killer Joe” tout le batteur emblématique Une préface de Jacques Abou- de Benny Golson comme vous de John Coltrane notamment caya, un texte plein d’humour ne l’avez jamais entendu. pour “A Love Supreme”. Le de Rosemonde Cathala et Un disque festif très agréable Aurélien Bouly livre est une suite de portraits une postface de l’auteur com- avec une pochette inouïe en Latin Jazz Manouche en noir et blanc d’Elvin Jones plètent ce bel album de pho- hologramme par-dessus le Concept 2.0 en action, traduisant bien la tos : “Ces images montrent, marché ! Vocation Records VOC6011 concentration de l’artiste, son a fortiori en expo, la granula- Par Philippe Desmond engagement moral et surtout tion de l’émulsion, la fugitive physique dans la musique. lumière fusant du visage, les Voilà un CD original pour le LIVRE > notes muettes – bleues –, moins dans la masse de pro- Ces photos Franck Oflo les a “créées” lors d’un concert l’image immobile du corps duction qui sort. On pourrait Franck Oflo suspendu, le rayon de l’instant le classer dans la catégorie Elvin Jones de A à ZZ en 1998 à Marciac – où elles ont été exposées cet été lors spécial, le Kairos, la sidéra- “easy listening” ou ici plu- Edilivre ISBN papier 978-2-332-94004-9 du festival – et au Paris Jazz tion, la musique des sphères, tôt dans le “fàcil escucha” le tumulte, le grouillement, le tant son approche est aisée Par Philippe Desmond Festival en 2000. Des clichés axés sur le visage d’Elvin bouillon des origines, la soupe et immédiate, mais détrom- atomique. pez-vous, car on a affaire à Franck Oflo est un amateur de Jones bourrées d’une réelle jazz, mais plus que ça il est énergie et qui témoignent de de sacrés musiciens à com- Teaser sur youtube : un admirateur de jazz. Après l’admiration de l’auteur pour mencer par le guitariste gitan http://youtu.be/wOFRXpA_jxI Aurélien Bouly initiateur du son “Don Quishepp” un long ce maître de la polyrythmie.

26 La Gazette Bleue d'Action Jazz OUVERTURE DES INSCRIPTIONS Photo Alain Pelletier Musiciens, groupes, montez vos dossiers pour le prochain Tremplin Action Jazz 2016. Dans le cadre de sa politique de soutien à la création artistique en région Aquitaine, Action Jazz a décidé de promouvoir de nouveaux talents en leur offrant l’opportunité de trouver des espaces d’expression et de rencontrer de nouveaux publics. Ce tremplin s’adresse aux groupes de jazz et de musique improvisée de la région Aquitaine, du solo au septet maximum, tous styles confondus, sans limite d’âge, dont la notoriété ne serait pas avérée et n’ayant jamais été dis- tribués par un label commercial avant le tremplin. Il aura lieu le samedi 30 janvier 2016 au Rocher de Palmer, devant un jury composé de professionnels du spectacle, de journalistes et d’animateurs radio. Les lauréats bénéficieront d’opportunités qui peuvent constituer une impul- sion dans la carrière du groupe, dont la programmation dans un des 10 fes- tivals de jazz partenaire. Le dossier d’inscription est à demander par mail à [email protected] La date limite du dépôt du dossier de candidature est le 15 décembre 2015

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Le coin des magiciens

paix et quelques accélérations engagement populaire. Les échevelées. Quatre morceaux thèmes, les breaks, le souffle du trompettiste, trois du pia- génèrent des climats très va- niste et un superbe “Quelque riés. Speed primal free pour chose” de Pierre Millet. “Che- “Te Koop te Huur”, rythme un min céleste” (Y.Loustalot) peu plus lent du “Mal pour un place d’entrée l’album sur bien”, pièces complexes en une voie étoilée et indique deux actes (calme/tempête) une rare inspiration. Yoann avec “Touch” et “Lascia Fare Loustalot est au plus haut, Mi”. Des traces de Fellini et Yoann Loustalot on pense à Kenny Wheeler et Edward Perraud Rota se nichent dans les hu- François Chesnel Enrico Rava. Son jeu inventif, Synaesthetic trip 02 meurs tristes de “Entrailles” Antoine Paganotti ample et lumineux sert au Beyond the et “Suranné”. D’autres mor- Pièces en forme mieux sa riche écriture. Fran- predictable touch ceaux nous catapultent vers de flocons çois Chesnel signe l’ambitieux Quark Records des horizons free, comme Bruit Chic “Barrage”. Il possède aussi Par Dom Imonk “Nun Komm” et “Captain Par Dom Imonk un romantisme à fleur de Un beau cheval jaune ornait universe”, qui ont la force doigt, qui peut tirer les larmes, la pochette de Synaesthetic des pamphlets du Liberation Après le musclé quartet Luc- “Towers” et “Peace peace” Trip (1), sorti il y a trois ans. Music Orchestra. L’album se ky Dog, Yoann Loustalot (tp, sont habités de cette douce Album qui avait captivé la termine par “Democrazy” bugle, compos) revient au trio, nostalgie qui fait penser à des critique, et mettait en orbite dont le subtil jeu de mot est qu’on avait beaucoup aimé photos sépia, sur fond d’Erik ce nouveau quartet du multi- aussi musical. La créativité avec Aerophone. Pour “Pièces Satie. Antoine Paganotti sait directionnel Edward Perraud. collective et le jeu exception- en forme de flocons”, il s’est avec délicatesse “rythmer” Voici sa suite parue fin mai, nel du groupe sont servis par associé à François Chesnel tous ces élans, d’une batterie présentée par un imposant une belle prise de son. Ed- (p, compos) et Antoine Paga- omniprésente, par de subtils élan mauve. Synaesthetic ward Perraud (bat, perc, elec) notti (bat), afin de construire scintillements, mêlés à des Trip 02 “Beyond the predic- est entouré de Benoît Del- de troublants espaces de sons de peaux brutes, à peine table touch” est bien dans la becq (p, elec), Bart Maris (tp, beauté, en équilibre sur le caressées. Cet album magique lignée défricheuse du précé- bugle, effets) et Arnault Cui- silence. L’album a un son restera dans les cœurs, car dent. Le disque approfondit sinier (ctb, effets), et il invite magnifique, capté en live au c’est à l’encre d’âme qu’il des sillons déjà travaillés, il Daniel Erdmann (sax ténor) et Petit Faucheux par Antoine a été écrit. Il n’est pas bleu, sème de la liberté et précise Thomas de Pourquery (sax Polin (qui assure aussi le mais blanc, aussi pur que la les contours de ce jazz, in- alto) à apporter leur pierre à mixage). La délicate pochette neige, tombée la nuit dans le tense de modernité et avide cet album majeur qui, dans est de Vincent Marco, une jardin, qui émerveille au ma- d’ouverture. L’autonomie des son élan, nous embarque libellule, diaphane et légère, tin les enfants. Oserais-je le sons a ce pouvoir magique vers le monde magique des annonce les flocons. Mais du rebaptiser “Kind of white” ? de créer de petites fééries. Les hasards heureux. feu couve sous la neige. Un La tentation est grande ! dix compositions de l’album lyrisme brûlant va circuler en sont, et forment la bande www.edwardperraud.com entre les huit compositions, www.yoannloustalot.com originale d’un film imaginaire, www.quarkrecords.fr où alterneront des havres de www.bruitchic.com où respirent joie, tristesse et

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Laissons les rêves devenir réalité…

L’album séduit par cette fluide “Seigneur des anneaux” de modernité qui anime ses neuf Tolkien, et une pulsion effré- pièces très inspirées, alliant née traverse tout le disque. énergie, clarté et mélanco- Thierry Maillard est à la tête lie. On aime l’originalité des d’un monstrueux collectif deux instruments invités. pour conter une épopée che- Le cor sur un “Red Petals valeresque dont le lyrisme et Disorder”, à l’enjouement la force subjuguent l’auditeur. presque rock, avec une voix Beaucoup des douze compo- finale haut perchée (à la Ro- sitions ont des titres oniriques Olivier Bogé bert Plant 70s). Le cor, encore, Thierry Maillard qui renforcent la légende et Expanded places et le violoncelle, enrichissent The kingdom nous transportent dans l’ima- Naïve d’une douce harmonie of Arwen ginaire. Quelques énoncés Par Dom Imonk “Icarus’dream”. Ils croisent Naïve sont cependant plus réalistes, Saxophoniste très doué, aussi le piano complexe et Par Dom Imonk “Ethnic song”, “Zappa” et Olivier Bogé fut d’abord gambadeur de “Sound of the Depuis le début de sa longue autres “Adagio”. La puissance formé au piano classique au endless river”, dont la musique carrière, Thierry Maillard, d’impact de cette musique est Conservatoire de Toulon, sa virevolte comme un bel oiseau. pianiste et compositeur, a principalement due à la pré- ville natale, dont il sortit di- A voir, la superbe vidéo promo toujours été passionné par sence de l’Orchestre Philhar- plômé à 18 ans. De nombreux de ce morceau. le mariage des styles. On re- monique de Prague (dirigé prix suivirent. Il vint au saxo- Les autres titres confirment trouve sa formation classique par Jan Kucera), dont rêvait phone en 1991, mais n’oublia la richesse de l’écriture et la initiale dans son écriture belle Thierry Maillard. Le trio formé pas le piano. Il y a deux ans, il synergie entre ces musiciens. et rigoureuse, les nombreuses avec Dominique Di Piazza (b) enregistra à New York le très Mention spéciale au somp- expériences, vécues avec de et Yoann Schmidt (bat) est in- remarqué « The World Begins tueux “Expanded places”, grands noms, alimentant son tense d’expression, et les invi- Today", paru sur Naïve, avec presque new age, à “Wings of discours des libertés du jazz tés de très haute volée : Didier Tigran Hamasyan, Jeff Ballard desire”, hommage lumineux et des couleurs enivrantes Malherbe (duduk, flute, bawu et Sam Minaie. Sur “Expanded à Wim Wenders, et à “Ape- des musiques du monde. flute), Nguyên Lê (gtr), Minino places”, outre le saxophone, djan (For Tigran)”, irradié par Féru d’orchestration et de Garay (perc), Olivia Gay (vlc), il joue du piano, du Fender un piano passionné, hymne cordes, son rêve était un jour Neil Gerstenberg (whistle), Rhodes, ainsi que de la gui- lyrique dédié à son ami Tigran de pouvoir associer son trio à Taylan Arikan (baglama) et tare, et en plus, il chante ! Hamasyan. Olivier Bogé est un orchestre philharmonique. Marta Klouckova (voix). La Il est entouré des excellents un poète multiple et habité. Son précédent disque, “The force créative, l’interprétation Nicolas Moreaux (b) et Karl Il vous attend sur le quai de alchemist”, fut une étape, pointue, le son et une subtile Jannuska (bat), fidèles de la son imagination. Soyez de ce son groupe étant alors rejoint harmonie aident l’émergence première heure, qui étaient délicieux voyage, au pays de par un orchestre de chambre d’une nouvelle fusion musi- sur son premier opus “Ima- ses rêves intérieurs. et par de réputés musiciens cale. On en reparlera bien vite. ginary traveler”. Deux autres du monde. Le présent album Cet album est une révélation. amis sont sur trois titres : Ma- www.olivierboge.com est pour lui un aboutisse- non Ponsot (vlc) et Guillaume ment voire une consécration. www.thierrymaillard.com Bégni (cor). Son titre fait référence au www.naive.fr

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Au plus profond de l’âme

quatre, maîtres de leur art, et un disque se précise. Ce sera une aspiration à l’absolu. Un chose faite fin mars 2015, au timbre clair et profond (Alban studio “Recall” (Pompignan). Sautour), unit leurs envolées. L’album vient tout juste de pa- Les onze nouvelles compo- raître sur “ALÉA”, le label du sitions d’Arnault Cuisinier pianiste. C’est sa première pa- sont ainsi portées très haut, rution et elle est à l’image de la production et la direction la personnalité et des possibi- artistique d’Édouard Ferlet y lités de ces trois grands musi- prenant aussi leur part. ciens. L’élégance prime dans Arnault Cuisinier L’énoncé concis des titres Pierre de leur jeu. Pierre de Bethmann Anima indique une volonté de sim- Bethmann Trio est un homme à l’âme solaire. Mélisse plicité pour aller droit à l’idée. Essais/Volume 1 Il projette sur ses amis des Par Dom Imonk On peut s’amuser à en devi- Aléa rayons de beauté que ceux-ci Comme l’écrivait Louis Ara- ner quelques-uns : “Anima” ? Par Dom Imonk transforment et lui retournent gon, “la femme est l’avenir Déjà évoqué ! Battements Quand on évoque Pierre de en l’instant, d’une rythmique de l’homme”, elle est sur- de basse et piano généreux Bethmann, on se souvient de réactive, en alerte constante, tout son présent, par la place pour une “New Earth” : rêvée “Prysm”, il y a près de vingt les acrobaties boisées de Syl- qu’elle occupe dans son ima- pacifiée ? Une foi en quelque ans. Groupe phare de ces an- vain Romano faisant la roue ginaire. La force intuitive, la chose : “Le prophète”, nées-là, reconnu à l’interna- sur les alchimies d’or et de muse qui le rend créatif, mais “Psaume” et “Beliefs” ? La tional, et signé sur Blue Note. peaux de Tony Rabeson. On peut aussi le troubler. C’est ce révolte : “Non sense” ? Les C’est par des formations de vogue dans le bonheur, en que signifie le titre du nou- collines verdoyantes sous le ce genre que nous fûmes plu- dégustant leur réappropria- vel album du contrebassiste ciel bleuté d’un micro soft : sieurs à découvrir et aimer tion de neuf standards, al- Arnault Cuisinier, “Anima”, Windows of bliss” ? Ingmar ce type de jazz émergeant, lant de “Promise of the sun” Bergman : “Persona” ? “Song une somme d’émotions, où frais, moderne et aventureux. (H.Hancock) à l’émouvant Y” : Hommage secret à Char- sensualité, spiritualité et sé- On garde aussi à l’esprit les “Pull Marine” (S.Gainsbourg), lie Haden qui était présent sur rénité sont à chaque instant nombreuses collaborations du en passant par “Sicilienne” le “Song X” de Pat Metheny palpables. Notre homme a pianiste avec d’autres artistes, (G.Fauré), “Beautiful Love” et Ornette Coleman ? Trêve de parcouru nombre de chemins des plus connus aux plus (V.Young, W.King, E. Van Als- jeu, ce dernier titre est bou- de traverse et fait de multiples rares. En 2012, il se rapproche tyne) ou “La Mer” (C.Trenet). leversant et résume bien la rencontres, mais c’est avec de deux musiciens qu’il porte Ces essais sont un concentré de fervents compagnons de beauté de l’âme d’Anima. Ce de réinvention permanente, disque est celui d’un philo- en grande estime – Sylvain route qu’il aime à se retrou- par de brillants passeurs sans sophe éclairé, dont une mys- Romano (ctb) et Tony Rabe- ver là. Jean-Charles Richard œillères, vers le jazz multiple térieuse lueur attire le regard son (bat) – pour donner une (sax soprano), Guillaume de série de concerts en trio, avec du futur." Chassy (p) et Fabrice Moreau vers d'autres directions. Une force irrépressible nous l’envie de jouer très librement (bat) sont des artistes impres- des standards de musiques di- sionnants d’inventivité et de invite à les suivre. www.pierredebethmann.fr verses, venues d’Amérique et www.aleamusique.fr mesure. N’exprimer que ce de France. La formule fait son www.melisse.fr/arnault-cuisinier qu’il faut, rien de plus. On sent chemin, et l’idée d’enregistrer une âme commune entre ces www.melisse.fr 30 La Gazette Bleue d'Action Jazz CHRONIQUE CD > A LA LOUPE

Histoires de trios

Thys est un artiste passionné sinée de Manu Larcenet, où et engagé. Ainsi, une bonne le héros, homme de peu fort partie de ses dix compositions imposant, part à la recherche sont inspirées par le réalisa- du “BLAST”, “instant de per- teur Werner Herzog : “Don’t fection où il parvient à voler”. fly L.A.N.S.A.”, relatant un Une poésie bizarre et mys- documentaire du cinéaste térieuse se dégage de tous sur Juliane Koepcke, seule ces morceaux, portés par un survivante d’un crash aérien tempo souvent assez speedé, dans la jungle péruvienne ; et pigmentés d’inserts de Toine Thys Trio “Disoriented” – où Toine Blast voix inquiétantes sur certains Grizzly Thys excelle à la clarinette Madness is the titres, Martin Chastenet sur Igloo Records / Ed.Sowarex basse – aborde le destin des emergency exit “Polza” et Oliver Inebria sur Par Dom Imonk pingouins. Il y a aussi “Grizz- Label Pince Oreilles “Song for Pascal (Brutal)”. On Bruxellois d’origine, Toine ly”, “The white diamond” et Par Dom Imonk citera aussi d’autres thèmes Thys est un acteur majeur de naturellement “Fitzcarraldo”. Il y a quelques mois, Anne à l’atmosphère singulière, la scène jazz belge, et en par- D’autres évoquent son enga- Quillier nous avait enchantés comme “Oppress”, “Alam- ticulier du saxophone et de gement, comme “Fakir and avec son sextet acoustique bic” et “Humang being”, où la clarinette basse. Il a joué the lotus”, pour sa lutte en fa- et un premier album, “Day- Rhodes, clarinette et batterie tout autour de la planète, et veur des droits des musiciens break”, petit bijou d’inventivi- construisent note après note la France n’a jamais été ou- belges (www.facir.be), ou té dont on avait pu apprécier une esthétique neuve à la bliée. En marge de toutes ses “El cacique”, portrait ima- la force en live. Elle revient beauté austère. Le groupe est expériences et collaborations, ginaire d’un chef local de aujourd’hui en trio, armée de très soudé et se lâche carré- il trouve encore le temps de l’Amérique précolombienne. son Fender Rhodes et d’un ment par moment, ne bridant professer son art. Il anime Le touchant “Twin lotus”, qui moog, accompagnée de deux jamais son plaisir de jouer. plusieurs projets, dont ce trio, clôt le disque, est le nom de de ses brillants acolytes du C’est réjouissant et diable- qui existe depuis 2008. Après l’hôtel Thailandais où il ren- sextet, Pierre Horckmans (cl, ment rafraîchissant ! On sou- “The end of certainty”, paru contra sa femme. Ce disque cl basse, effets) et Guillaume haite qu’au final, le trio ne en 2010 et très bien reçu émoustillant puise aussi sa Bertrand (bat, sampleur), parvienne pas trop à maîtriser par la critique, voici “Grizzly” richesse dans une alternance dans un répertoire beaucoup ce nouveau pur sang, pour sorti en début d’année. On de pouls, où un groove de plus électrique. Hormis “Les qu’il continue à traverser sans retrouve le jeu ample et lumi- braise rivalise avec des atmos- eaux lourdes”, très belle com- visa les frontières du jazz, et neux de Toine Thys, accom- phères plus douces. Clin d’œil position de Corentin Queme- aille galoper sur des sentiers pagné des nappes précises ému à Timothy Treadwell ner, ils se partagent huit titres, tout neufs. L’énergie de Blast et feutrées d’Arno Krijger à (Grizzly Man), mais laissez- souvent turbulents, trempés est salutaire, elle nous donne l’orgue Hammond, et l’on vous adopter, ce Grizzly-là ne dans une potion magique, aussi l’envie de s’envoler. découvre le drive explosif du vous mordra pas ! dont leur jazz mutant res- jeune Antoine Pierre à la bat- sort tatoué de rock, de pop www.blast.collectif- terie, l’une des révélations de www.toinethys.com et d’une bonne dose d’elec- pinceoreilles.com cet album. Comme l’indiquent www.igloorecords.be tro. Ils se sont inspirés de la ses notes de pochette, Toine célèbre série de bande des-

La Gazette Bleue d'Action Jazz 31 PHILIPPE CAUVIN PHILIPPE CAUVIN GROUPE PHILIPPE CAUVIN PHILIPPE CAUVIN PHILIPPE CAUVIN EXCEPT FRÔLEMENTS JORDAN OLIVIER GRALL LAURENT MILLEPIED CAUVIN MARC ZERGUINE PASCALE MARTINEZ LULU BRET DES MOTS SUR DES NOTES

GUITARVISION

NU

exe 6 couves 121x120.indd 1-6 28/09/2015 23:54 PHILIPPE CAUVIN

1978 2015 MARATHON SONORE “L'INTÉGRALE 6CDer INCLUANT « GUITARVISION » LE 1 ALBUM DE PHILIPPE JORDAN CAUVIN CAUVIN” [ÉCOUTE MUSICALE ET RENCONTRE] SAMEDI 14 NOVEMBRE ET SAMEDI 12 DÉCEMBRE 2015 /17:00-19:30 ET 21:00-23:30 CABANE DU MONDE ROCHER DE PALMER

ENTRÉE LIBRE, RÉSERVATION CONSEILLÉE AU 05 56 74 8000 Marathon sonore cauvinal autour de l'intégrale des CD de Philippe Cauvin jamais entendus, à paraître chez Musea Records. Musiques unies et musique unique s'assemblent. Tel un patchwork intem- PHOTO : CHRISTIAN COULAIS / GRAPHISME : PHILIPPE POIRIER PHILIPPE : GRAPHISME / COULAIS CHRISTIAN : PHOTO porel, genre de rétrospec- tive réfléchie, reflétant sa musique... Certaines sauvées in extremis ! D'autres réno- vées/restaurées (du studio de prestige aux k7 de garage, les prises de sons cohabitent, du jamais entendu), même pas rajeunies !

PHILIPPE CAUVIN PHILIPPE CAUVIN GROUPE PHILIPPE CAUVIN PHILIPPE CAUVIN PHILIPPE CAUVIN EXCEPT JORDAN FRÔLEMENTS De l'inattendu ! OLIVIER GRALL LAURENT MILLEPIED CAUVIN MARC ZERGUINE PASCALE MARTINEZ LULU BRET DES MOTS SUR DES NOTES

GUITARVISION En présence

NU de Philippe Cauvin

exe 6 couves 121x120.indd 1-6 28/09/2015 23:54 DISPONIBLE CHEZ : MUSEA RECORDS / MOLLAT ET LML / MARTINE’Z’MANAGEMENT (06 10 64 59 87) NOVEMBRE > PLAY LIST

Jean-Marc Padovani Matthieu Metzger Quatuor Machaut Théo Ceccaldi Motian in motion Killing spree Quatuor Machaut Petite Moutarde Naïve Ayler Records Ayler Records ONJazz - L'autre distribution

Gaelle Buswel Loretta Pink Turtle Panam Panic Black to Blue and The Bad Kings The French Touch of The Black Monk Continental Records Who's The Rocket man ? Swing Musicast Migprod Artisticprod

Eric Séva Rémi Panossian Trio Yaron Herman Arturo O’Farrill Nomade sonore RP3 Everyday CUBA The Conversation Gaya Music Production Jazz Family Blue Note Records Continues Motéma

La Gazette Bleue d'Action Jazz 33 AGENDA > CONCERTS

Où écouter Le Comptoir de Sèze du jazz à 23 allée de Tourny Bordeaux ? www.hotel-de-seze.com Le Cosmopolis 15 rue Saint François L’Apollo Bar 19 place Fernand Lafargue Jamon Jamon Kyle Eastwood www.apollobar.fr 2 rue Louis Combe MARDI 3 NOVEMBRE 2015 / 20:30 L’Avant-Scène Le Komptoir Caudéran Chez les Eastwood, le jazz est une 42 cours de l’Yser 341 Av du Maréchal de histoire de famille. Une bande son Lattre de Tassigny qui guide le contrebassiste Kyle Le Bistrot Bohème www.lekomptoircauderan.fr 84 rue Camille Godard Eastwood depuis son plus jeune www.lebistrotboheme.com Le Potager âge. Hôtel Regina L'entrepôt, Le Haillan Le Bistrot du Grand Louis 33 Rue Charles Domercq 44, av de Saint Médard, Mérignac www.grandlouis.com Chez le Pépère 19 rue Georges Bonnac Maceo Parker Brasserie Belcier www.chezlepepere.com 51 rue Son Tay JEUDI 5 NOVEMBRE 2015 / 20:00 Le Rocher de Palmer Can Can Véritable légende vivante et der- 1 rue Aristide Briand, Cenon nier ambassadeur du funk 7 rue du Cerf Volant www.lerocherdepalmer.fr Le Krakatoa, Mérignac Le Café des Moines L'Overground 12 rue des Menuts 24 rue du XIV Juillet, Talence www.cafedesmoines33.com Le Siman Jazz Club Le Caillou 7 quai des Queyries, Jardin Botanique siman-bordeaux.com www.lecaillou-bordeaux.com Le Tapa'l’Œil Le Chat Qui Pêche 14 place Pierre Renaudel 50 cours de La Marne www.au-chat-qui-peche.fr Le Tunnel L’Artigiano Mangiatutto, Le Cottage du lac 6 rue des Ayres 19 Rue Daugère, Bruges www.lecottagedulac.fr Thomas Enhco Chez Alricq ... et MARDI 10 NOVEMBRE 2015 / 20:30 Port Bastide Consultez la rubrique [Agenda] sur le site www.actionjazz.fr Enfant chéri du jazz français livre Le Comptoir du Jazz une superbe promesse pianistique 58 quai de Paludate autour du sentiment amoureux. Rocher de Palmer, Cenon

34 La Gazette Bleue d'Action Jazz AGENDA > CONCERTS

Samy Thiébault Quartet SAMEDI 12 DÉCEMBRE 20 H 30 C’est à un amour de jeunesse que répond le nouvel album de Samy Thiébault. En réinventant l’héritage du mythique groupe californien, le MOWGLI 1710 SABBAGH 3110 jazzman coltranien conclut un pro- HUMAIR jet personnel amorcé sur son pré- MONDER THE BOSS CITY 1411 cédent disque “Clear Fire”. Sylvie Courvoisier META 2811 Mark Feldman SAMY THIEBAULT 1212 Le OFF, Eymet, Dordogne B2BILL 1601 VENDREDI 13 NOVEMBRE 2015 / 20:30 ELVIN 3001 P-LEEZ Duo fusionnel, Sylvie Courvoisier GREGORY PRIVAT 1302 et Mark Feldman sont le symbole SONY TROUPÉ 23ème Nuit du Blues YOANN 2702 d'une avant-garde passionnante LOUSTALOT Mighty Mo Rodgers PORTAL 1203 SAMEDI 21 NOVEMBRE 2015 / 21:00 qui revisite les fondements du jazz PEIRANI et de la musique savante. PARISIEN Chanteur à la voix puissante et PANAM PANIC 2603 Rocher de Palmer, Cenon PAOLO 0904 passionnée, pianiste organiste il FRESU est aussi un compositeur éclairé ; EYMET (24) sur scène il devient “preacher”, un bluesman révolutionnaire ! détails & réservations Halles de Gascogne, Léognan tél. 05 53 23 82 37 [email protected] Boss City Restauration sur place Ulfwww.maquizart.com Wakenius SAMEDI 14 NOVEMBRE 2015 / 20:30 Gregory Porter L’extraordinaire guitariste suédois, VENDREDI 4 DECEMBRE 2015 / 20:30 à l’agilité renversante rend hom- Colosse à la voix de velours. Étoile mage à Wes Montgomery avec montante du jazz à découvrir ! Le grand concert l’organiste Leonardo Corradi et le Pin Galant, Mérignac Gospel World batteur Tony Match. SAMEDI 14 NOVEMBRE 2015 / 20:30 Le OFF, Eymet, Dordogne Dans le cadre du festival gospel de Enrico Rava l'estuaire 2015. Stefano Di Battista META Une soirée lumineuse réunissant VENDREDI 11 DECEMBRE 2015 / 19:00 artistes professionnels et chorales SAMEDI 28 NOVEMBRE 2015 / 20:30 Deux générations du jazz italien amateurs dans un grand concert META nous confirme son extrême qui ont su tisser une belle compli- de gospel, porteur d'un message liberté, dépassant les genres et cité depuis les années 90. d'espoir universel. les obstacles de la vie quotidienne Auditorium, Bordeaux Avec Jean Carpenter, Wesley Semé, pour nous élever vers un niveau Move In Gospel et le collectif Gos- d’abstraction supérieure. pel FCLC. Rocher de Palmer, Cenon Le OFF, Eymet, Dordogne La Gazette Bleue d'Action Jazz 35 Les partenaires d’ActionJazz

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