LA FORÊT DE HÊTRES D'aiguines NOUVELLE LOCALITÉ VAROISE DE L' « ANTHAXIA MIDAS » Kiesw
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REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE 817 LA FORÊT DE HÊTRES D'AIGUINES NOUVELLE LOCALITÉ VAROISE DE L' « ANTHAXIA MIDAS » Kiesw. Certains forestiers seront probablement étonnés de trouver dans leur « Revue Forestière » ce titre qu'ils estimeront mieux à sa place dans une « Revue d'Histoire Naturelle ». Quelques-uns se ront peut-être même un peu scandalisés... Mais nous faisons partie de ceux qui sont persuadés qu'il serait regrettable que les questions de Protection de la Nature échappent un jour au Service Forestier, le plus apte, en définitive, à les mettre en pratique sur les territoires de la Métropole et de l'Union Fran çaise; et nous pensons que la collaboration entre forestiers et na turalistes doit, à ce point de vue, s'intensifier pour arriver à porter pleinement ses fruits et à se concrétiser par des réalisations effec tives (Ί). En élargissant ainsi, peu à peu, et tout naturellement, son rôle et ses attributions, notre service ne pourra qu'y gagner en prestige et même en popularité — puisque l'humanité surmenée commence à ressentir sérieusement le besoin d'un retour à la Nature. C'est pourquoi nous croyons utile que, de temps en temps, l'atten tion des lecteurs de la Revue soit attirée sur les découvertes biogéo graphiques ou biocénotiques touchant de près à ces questions et pouvant intéresser plus ou moins incidemment les stations de re cherches, les aménagistes, ou, d'une manière plus pratique, les di recteurs de martelage (2). * * * Dans le département du Var, sur le flanc Nord-Est de la Mon tagne de Marges, dominant les splendides gorges du Verdón, une route nouvelle appelée « Corniche sublime » s'élève à travers la forêt communale d'Aiguines, dans le sens de sa longueur. Celle-ci comporte une assez importante hêtraie dont les peuplements sont (1) Ces idées étaient déjà émises en 1935 dans la Revue des Eaux et Forêts par M. lç Conservateur JOUBERT, à la fin d'un article sur les Réserves Natu relles. (2) On pourrait ajouter « Le Conseil National de Protection de la Na ture », la loi ne 57 - 740, parue au J. O. du 2-7-1957, ne faisant que donner plus de poids au présent exposé. *8l8 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE situés surtout au-dessus de la route, entre cette dernière (qui se tient entre 950 et 1 200 m) et la crête qui dépasse partout largement 1 000 m (point culminant 1 577 m). Nous étions passé rapidement dans cette région, il y a une dizaine d'années, alors que la route était en construction à la fin de l'au tomne, époque peu favorable aux prospections entomologiques, et nous avions été frappé par l'aspect vierge du peuplement qui, en certains points et par certains côtés, rappelait la forêt domaniale de la Sainte-Baume. Ce n'est que tout dernièrement, en juin et juillet 1957, que nous avons pu y retourner et y effectuer trois courtes visites. A la première visite, nous étions accompagné par deux entomolo gistes connus, MM. OCHS et PECOUD, mais nous avons été gênés par une pluie battante, continuelle; à la deuxième et à la troisième (avec J. OCHS seulement), nous avons bénéficié d'un temps chaud et ensoleillé et nos recherches se sont avérées fructueuses. En effet, notre collègue trouvait, le premier, et presque immé diatement, 2 Anthaxia midas Kiesw. accouplées sur une fleur de re noncule. Cette découverte, sensationnelle pour des naturalistes, a aiguillé, tout de suite, nos recherches et, assez rapidement, nous avons pu capturer une quinzaine d'exemplaires de cette espèce. Parmi les autres espèces rencontrées, sans nous lancer dans une enumeration fastidieuse qui n'aurait pas sa place ici, il nous suffira de citer les quelques noms ci-après — en les accompagnant de pré cisions sur les répartitions géographiques — pour confirmer l'in térêt de la localité : Carabus montícola Dej. (capturé par OCHS) — Espèce du Ver- cors et des Alpes du Sud et de l'Est de la Durance. Déjà cité dans le Var de la montagne de la Chens, limitrophe des A.-M. Carabus solieri Dej. (capturé par OCHS) — Un exemplaire de couleur bleue, appartenant probablement à une race nouvelle. Cette espèce, décrite de la forêt des Dourbes (B.-A.) est répandue dans les Alpes Méridionales, à l'Est de la Durance, depuis le Briançonnais jusqu'à la Roya. Elle comporte une sous-espèce spéciale à la forêt de hêtres de Caussols (A.-M.) et une autre qui descend curieusement dans le massif de Tanneron, dans lequel se trouve un petit peuple ment! isolé de charmes. Systenocerus — (l'espèce du hêtre probablement) — (capturé par PECOUD) — Espèce à caractère montagnard dans le Midi. Nous l'avions déjà prise dans la hêtraie de Peira-Cava, dans les Alpes- Maritimes. Elle n'était pas signalée du Var. Isorrhipis melasoïdes Lap. — Nous avons personnellement capturé, en juillet, 3 exemplaires d'un Eucnemididae que nous avons déter miné, à peu près sûrement, comme étant VIsorrhipis melasoïdes, in secte qui ne figure pas au catalogue des coléoptères de Provence de CAILLOL. Il est caractéristique des vieilles futaies bien conservées LA FORÊT DE HÊTRES D'AIGUINES 819 (en particulier Compiègne, Fontainebleau, Loches...) et les régions les plus proches d'où il était signalé sont l'Allier, le Lyonnais, le Jura (3). Denticollis rub ens Pill. — Espèce très rare dans notre faune. En général, dans· les montagnes élevées, sous l'écorce des hêtres très dé composés. Elle n'était pas signalée du Var. Les captures les plus proches, sont celles de la forêt de Turini, dans les Alpes-Maritimes, de la forêt de Seyne, dans les Basses-Alpes et de la forêt de Dur- bon, dans les Hautes-Alpes. Personnellement, nous n'avions plus rencontré cet insecte depuis mai 1932, où nous en avions trouvé un exemplaire dans les Vosges, à Celles-sur-Plaine, au cours d'un exercice d'aménagement. Deporaus tristis F. — Charançon des Pré-Alpes calcaires que l'on trouve sporadiquement sur les érables, du lac Léman au Luberon. Nous l'avons rencontré dans la forêt de hêtres de Peira-Cava. C'est un insecte classique de la Sainte-Baume. Ce n'est certes pas en quelques visites rapides que l'on peut se faire une idée définitive sur la faune d'une station, mais les espèces signalées ci-dessus suffisent déjà pour que celle de la forêt d'Aigui- nes soit considérée comme remarquable et digne d'être étudiée d'une façon approfondie. Elles permettent déjà de dire que si cette forêt a conservé des espèces au caractère plus montagnard que la Sainte-Baume (C. mon tícola, Systenocerus, Denticollis rub ens), elle présente un caractère d'ancienneté sylvatique très marqué {Isorrhipis, C. Solieri) et elle constitue, au même titre que cette forêt domaniale, la réserve d'es pèces relictes (4) dont le Deporaus tristis et surtout YAnthaxia midas sont des exemples typiques. Nous avons déjà cité plusieurs fois ce joli petit bupreste dans la présente revue et nous en avons même donné un croquis dans le n° 5 de mai 1956. Mais nous croyons nécessaire d'en reparler de nouveau à cette occasion. UAnthaxia midas, comme toute espèce en voie d'extinction est rare et surtout sa répartition est devenue très sporadique. En France, pendant très longtemps, on ne l'a connue que de la forêt de la Sain te-Baume, dans le Var et de celle de la Massane, dans les Pyrénées- Orientales, qui sont des hêtraies de basse altitude, isolées, proches (3) Un autre Eucnemididae, le Melasis bnprestoïdes n'était pas rare sur les souches de hêtre en juin. Il est également répandu à la Sainte-Baume et à Caussols. (4) Les relictes sont les derniers survivants d'espèces ou de formes très anciennes. Elles sont incapables d'étendre leur aire, de dispersion, car elles ont perdu toute faculté adaptative, mais elles sont au contraire liées à des conditions écologiques très étroites. Elles ont atteint le terme ultime de leur évolution et, très sensibles aux variations extérieures, sont destinées à une dis parition plus ou moins proche, pour peu que des modifications, même minimes, soient apportées au milieu où elles vivent (à leurs « biotopes >). 820 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE de la Méditerranée et qui n'ont pu se maintenir que grâce à des con ditions· très particulières. Depuis quelques années seulement on la con naît de la forêt de hêtres de Collongues, dans les Alpes-Maritimes. La forêt d'Aiguines est donc sa quatrième station française (5). Les exemplaires en sont semblables à ceux de la Sainte-Baume (s. sp. Oberthiiri Schaefer). Nous rappellerons que YA. midas est inféodée à divers érables (Acer 0palus. Mill., surtout à la Sainte-Baume, Acer campestre, à la Massane), mais qu'elle possède des exigences microclimatiques très strictes qu'elle ne peut plus trouver que dans les quelques hêtraies bien conservées, ayant subsisté comme vestiges de l'immense forêt wurmienne d'il y a 20000 ans (6). Il semble que l'atmosphère chaude et humide des petites clairières que l'on trouve dans ces vieux peuplements mélangés à hêtres domi nants lui soit nécessaire. Les trouées, ensoleillées sous le ciel médi terranéen, lui sont particulièrement favorables lorsqu'elles se pro duisent naturellement dans ces restes, de forêts à l'état sauvage, sur l'emplacement d'un arbre mort, dans une ambiance de sylve primi tive. C'est dans de telles parties de la forêt d'Aiguines, à la limite inférieure du hêtre, là ou se rencontrent ausci des chênes blancs et quelques érables que nous avons rencontré YAnthaxia midas. Par contre, nous ne l'avons pas trouvée (jusqu'ici tout au moins") dans la partie supérieure de la série de futaie où le hêtre est à peu près pur..