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QUI ÉTAIT JOSEPH-PIERRE FRENAIS ?

Apparemment Frenais qui envoie des notes au Contrôleur général Turgot et Frenais homme de lettres, traducteur de Sterne, sont le même homme : mais le personnage demeure énigmatique, on a du mal à lier les deux carrières 1 ; pour- tant ce Ç conseiller technique È de Turgot ne manque pas d’une certaine allure.

1752-1776 Nous ignorons la date de naissance de Frenais, probablement entre 1725 et 1730 ; il est né à Fretteval, près de Vendôme, son père, Joseph Frenais, était receveur des terres du Plessis en Vendômois 2. On ne sait où il a fait son éducation ni où il a pris ses connaissances juridiques 3. C’est apparemment un homme de lettres 4 : il publie des traductions de l’an- glais, de l’allemand, en 1769 il traduit le Voyage sentimental de Sterne ; en 1776 La vie et les opinions de Tristram Shandy 5. Mais cette activité littéraire devait en cacher d’autres ; il a d’abord travaillé chez des notaires à (il a été de 1752 à 1757 maître clerc chez deux notaires) et en 1757 on le trouve associé à un anglais protégé par les Trudaine, Michel Alcock, qui fonde la manufacture royale de quincaillerie à l’anglaise de

1. Le personnage a joué de malchance, ceux qui s’intéressent à Turgot l’ignorent (et Turgot n’a pas pris de décisions monétaires importantes), les amateurs d’autographes n’ont pas retrouvé ses manuscrits (sans doute dispersés à la mort de la veuve), et l’on ne considérait plus que l’homme de lettres, connu par les dictionnaires biographiques (ainsi la Biographie Michaud, t. XVI, 1816, p. 42). 2. D’après le contrat de mariage, Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude V, 21 sep- tembre 1778. Un de ses cousins s’appelle Bardet, cet avocat est dit Ç ancien contrôleur général des Ponts et Chaussées È. 3. Apparemment il n’était pas avocat à Paris, même si une note du 2 avril 1789 indique qu’il avait Ç suivi le barreau È (infra, p. 265). 4. A. Cioranescu donne l’essentiel de son œuvre (Bibliographie de la littérature française du dix-huitième siècle, t. II, 1969, p. 825). Mais il est difficile de savoir s’il n’a pas, comme bien d’autres, publié des ouvrages anonymes. 5. Nous donnerons infra, p. 266-267, la liste des ouvrages qu’on attribue à Frenais. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 258

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La Charité-sur-Loire, il assure la gestion d’Alcock, Frenais et compagnie 6 ; mais à la suite d’intrigues de nouveaux associés, il doit, en 1760, quitter la direction de la société (Alcock sera éliminé en 1762) ; il crée, avec un maître-doreur, Ricard, une manufacture de boutons à Paris en 1762 7. C’est en dirigeant la manufacture de La Charité qu’il a acquis une bonne habitude des affaires et cette science de la métallurgie que l’on retrouve dans ses Mémoires sur la monnaie 8. Nous ne savons ce qu’il fit entre 1762 et 1774. Une note des bureaux du Contrôle général en avril 1789 (infra, p. 265) indique que Ç il avoit été rapproché de Turgot par ses connoissances en administration È : phrase quelque peu mys- térieuse. Peut-être s’agit-il de sa traduction de Young, Le guide du fermier, 1770, ou de petits Ç traités » qu’il a publiés sur l’art de faire de la bière ou la fabrica- tion du pain de pommes de terre. Mais apparemment il n’envoie de notes à Turgot et n’est consulté sur les monnaies que de février à avril 1776, soit pendant trois mois : c’est un « officieux È, sa liberté d’expression est grande, il n’hésite pas, nous l’avons vu, à mettre en cause des personnalités 9, il se moque de l’abbé Bossut (ami de Turgot) 10, il semble jouir d’une certaine confiance (qui le proté- geait ? une amie de Turgot ?) 11. Pour le moment nous ne savons pas les liens qui pouvaient exister entre le Contrôleur général et lui 12. Or de son expérience de « conseiller technique È et de son savoir technique sur les monnaies, il va tirer deux mémoires généraux, qui examinent l’ensemble de la politique monétaire : à qui étaient-ils destinés ? Le Ç premier mémoire È, qui

6. Il possède 3 sols dans la société (sur 24), il assure l’administration et gère l’entrepôt de Paris. Il exer- çait une grande influence sur Michel Alcock (il Ç gouverne en entier (l’esprit) d’Alcock È, note le subdé- légué de La Charité), un ingénieur qui connaissait mal la . Nous avons retrouvé quelques dossiers (avec des lettres de Frenais) aux Archives de la Nièvre, C 11 et 12, cf. Ç A propos de Joseph-Pierre Frenais à la manufacture royale de La Charité (1758-1760) È, Marteau-Pilon, t. XVI, 2004, p. 49-56 avec une lettre de Frenais à Trudaine. Il semble bien que Frenais, fort de son expérience notariale, ait amené des Ç capitalistes » parisiens à la société. 7. Au faubourg Saint-Antoine. La manufacture semble péricliter rapidement, il avait débauché de bons ouvriers de La Charité, ce qui provoqua de vives protestations de la nouvelle direction de la manufacture de La Charité. Sa connaissance des milieux de l’orfèvrerie tient sans doute à cette expérience. Il semble- rait qu’il ait été aussi associé à une manufacture à Essonne. 8. Dans les Mémoires (supra, p. 209, 232, 240) il fait longuement allusion à la manufacture de La Charité, à Vatrin et à ses laminoirs pour la fabrication des boutons : or, chose étrange, on ne trouve pas, dans les dossiers concernant cette manufacture aux Archives de la Nièvre, le nom de Vatrin. 9. Il attaque Fargès (ami de Turgot) et les bureaux du Contrôle général. 10. Supra,p.7. 11. Turgot avait des réseaux d’amitiés compliqués, les femmes y jouaient un grand rôle. Mais Frenais peut avoir été introduit par Trudaine de Montigny (il avait connu Trudaine père et Trudaine fils quand il dirigeait la manufacture de La Charité, infra, p. 277). 12. La note ci-dessous, p. 263, apparemment de Turgot, montre qu’il avait une certaine estime pour les travaux de Frenais. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 259

Qui était Joseph-Pierre Frenais ? 259

est daté de 1778, a-t-il été remis à Necker ? Nous ne pouvons le savoir, mais apparemment il a gardé des liens avec le Contrôle général en 1776-1778 13.

1776-1788 Que devint Frenais après la chute de Turgot ? Nous n’en avons qu’une idée floue (il continue à donner des contes et traductions : en 1780 il publie à Strasbourg et à Paris Edelzinde, fille d’Amalazonte, reine des Goths, en deux volumes…). Mais nous avons pu retrouver sa piste d’après les archives notariales, qui donnent des éclairages très différents. Première direction : Frenais était ami du comte de Milly (1728-1784), membre de l’Académie des Sciences 14, qu’il recommande, dans un mémoire à Turgot, pour le poste de professeur de métallurgie 15. Dès novembre 1776 il est mêlé à diverses opérations pour exploiter un privilège obtenu par le comte de Milly, en faveur de l’eau de salubrité préventive et curative pour toutes les mala- dies vénériennes 16 ; Milly l’avait fait expérimenter avec soin sous l’égide du comte de Saint-Germain. Le privilège est accordé en 1772, en 1776 Milly constitue une société 17, sur 40 sols il en prend 18 et Joseph-Pierre Frenais, Ç bourgeois de Paris È, est le caissier de la société et reçoit 5 % du produit avant le partage entre les intéressés. Mais en septembre 1780 la société est dissoute 18 ; Frenais n’est plus le caissier depuis la fin 1777, mais il a encore 4 sols dans la nouvelle société. On peut supposer qu’il n’a été dans cette affaire que l’homme de confiance de Milly 19.

13. Une note pour Necker en 1789 (infra, p. 265) semble indiquer que Frenais était protégé de Bouvard de Fourqueux (1719-1789), qui était l’ami de Turgot et de Du Pont, mais Fourqueux était aussi bien vu par Necker, qui le nomma Président du Comité du contentieux des Finances en avril 1777. 14. On ne possède aucune étude sur De Thy, comte de Milly, mestre de camp de cavalerie jusqu’en 1762. Notons que Milly s’était intéressé au platine : Tillet raconte que Milly lui donna en 1777 un Ç mor- ceau de platine ductile qu’il avait obtenu de ses expériences sur ce métal et dont il s’était servi avec succès pour différents ouvrages de bijouterie È (Mémoire sur le moyen de faire le départ d’un grand nombre d’essais d’or…). 15. Supra,p.66. 16. Milly prétendait avoir découvert dès 1752 cette eau de salubrité, et voulait même en vendre le secret à Catherine de Russie… Le privilège du 1er mars 1772 fut enregistré au Parlement le 1er septembre 1773 et déposé chez le notaire le 23 novembre 1776 (Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude XCV, 349). 17. Ibidem, 19 novembre 1776. Frenais possédait 1 sol 1/2 (il habitait alors rue du Vieux Colombier). 18. Archives Nationales, Minutier Central des notaires, Étude XCV, 367, 7 septembre 1780. 19. Le comte de Milly avait, dit-on, trop confiance dans ses remèdes secrets : Ç Après les avoir ana- lysés, il voulut en faire l’essai. Sa constitution naturellement robuste fut altérée par ses expériences… È. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 260

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Deuxième direction : en 1778 Frenais se marie avec Ursule Perreau, fille majeure, née à Vermanton dans le diocèse d’Auxerre 20. Nous ne savons pas grand chose de ce mariage : mais à sa mort, en octobre 1788, Frenais avait trois enfants en bas âge et sa femme était enceinte. Troisième direction : Joseph-Pierre Frenais devient — en 1779 ? — Contrôleur de la maison, affaires et finances du Cardinal de Rohan, Conseiller en la Chambre des comptes de l’Évêché de Strasbourg 21 ; on ne sait trop quelle est sa place dans l’entourage du Cardinal, mais, en juin 1781 22, il reçoit une pro- curation du Cardinal pour emprunter jusqu’à 250.000 livres (en février 1782 il souscrit effectivement des emprunts pour le Cardinal) 23, et il dispose d’une pro- curation générale pour gérer les biens de l’abbaye de Saint-Waast près d’ 24 (Frenais sera membre de l’Académie d’Arras) 25. La collaboration avec le Cardinal de Rohan durera jusqu’en septembre 1783 26 (à sa mort en 1788 il était encore redevable de 1941 l. comme Ç contrôleur È de la maison de Rohan) 27. Mais quelles étaient les relations de Frenais et du Cardinal de Rohan, qui avait autour de lui des hommes de lettres comme Ramond ? 28 Nous ne le savons pas pour le moment 29. On perd la trace de Frenais après 1784 : peut-être se livre-t-il à des travaux lit- téraires, c’est en 1787 que paraît sa traduction des Îuvres complètes de Sterne en 6 volumes (il y collabora avec le marquis de Bonnay, le futur secrétaire de Louis XVIII). Le comte de Milly meurt en 1784, et Calonne ne recourt pas appa- remment à l’expérience de Frenais en matière de monnaies (pourtant Du Pont de Nemours le connaissait bien) 30. Il semble qu’il devienne, à la chute de Calonne,

20. Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude V, 705, 21 septembre 1778. Frenais habi- tait alors rue Christine, paroisse Saint-André des Arts. Ursule Perreau habitait la même rue ; elle possédait un cinquième de la succession de son père Edme Perreau, à Vermanton. 21. Nous ne savons quand il entre au service du Cardinal de Rohan ; mais un acte du 28 juillet 1780 (Étude XCV, 367) le déclare « conseiller en la Chambre des Comptes de l’évêché de Strasbourg È, et Ç contrôleur de la maison, affaires et finances du Cardinal de Rohan È (il habitait alors rue de la Monnoye, paroisse de Saint-Germain l’Auxerrois). 22. Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude XVI, 516 (infra, p. 263). 23. Ibidem, Étude XIV, 477, 9 février 1782 (emprunt de 15.000 l. à Jean-François Lemore, bourgeois de Paris). 24. Ibidem, Étude XVI, 516, 1er juin 1781. Rappelons que l’abbaye rapportait, dit-on, 300.000 l. de revenus… 25. Il l’indique lui-même dans l’acte du 9 février 1782. Nous ne savons quelle fut son activité à l’Académie d’Arras. 26. La procuration fut révoquée le 1er septembre 1783 (infra, p. 263, n. 3). Quelles furent les raisons de la rupture ? Rappelons que le cardinal de Rohan était écrasé de dettes. 27. Inventaire après décès, Étude LX, 479, 12 décembre 1788. 28. Ramond de Carbonnière, né à Strasbourg en 1753, fut d’abord attaché comme conseiller intime au Cardinal de Rohan qui, en août 1781, le met Ç à la disposition È de Cagliostro pour faire des expériences sur les métaux précieux.. 29. Les historiens du Cardinal de Rohan ne parle pas de Frenais. 30. Peut-être le fait d’avoir été attaché au Cardinal de Rohan était-il fort gênant. 31. Infra. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 261

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commis principal au Contrôle général ; une note d’avril 1789 31 indique qu’il Ç s’adonna sous le ministère de M. de Fourqueux à l’emploi où il devenoit très utile È ; il serait donc entré au Contrôle général en avril 1787, grâce à Bouvard de Fourqueux, qui avait été un collaborateur proche de Turgot 32. Apparemment Frenais était employé dans le département de Tarbé (entré au Contrôle sous d’Ormesson), qui comprend les Assemblées provinciales, l’agriculture, les sub- sistances et la législation sur les monnaies 33 ; Frenais s’est-il à nouveau occupé à cette date des monnaies ? Nous ne le savons pas 34. Or la maladie emporte brutalement Frenais, il meurt le 27 octobre 1788, lais- sant sa veuve enceinte et chargée de trois enfants en bas âge. Nous possédons l’inventaire après décès 35, une sentence du Châtelet du 9 décembre 1788 confie la tutelle des enfants à Ursule Perreau 36. Une note du 2 avril 1789 demande au Directeur général des Finances Necker des secours pour la famille 37. Que devint la veuve ? Nous l’ignorons, on perd la trace d’Ursule Perreau : nous savons seu- lement qu’en l’an IV elle est marchande mercière patentée rue Saint-Honoré 38.

Fortune critique On comprend qu’on ait perdu facilement la trace de Frenais conseiller de Turgot et expert en matière monétaire ; les bibliographes ne connaissent que Joseph-Pierre Frenais traducteur de Sterne et de romans allemands et anglais : Quérard donne une brève notice 39, le Catalogue général des imprimés de la

31. Infra, p. 265. 32. Bouvard de Fourqueux avait 68 ans quand il fut nommé, il était fort ami de Du Pont de Nemours : mais nommé le 10 avril 1787, il doit démissionner le 1er mai 1787. 33. Almanach royal pour 1788, p. 230. 34. Mais on s’explique mieux la présence des deux Mémoires dans les Archives de la Monnaie, dont l’un porte des annotations postérieures à la réforme de 1785, qui sont de la main de Frenais (supra, p. 135). On doit noter que le 5 octobre 1787 il envoie copie d’un mémoire à l’ancien Contrôleur général d’Ormesson (Archives Nationales, 144 AP 132). 35. Minutier central des notaires, Étude LX, 479, 12 décembre 1788. On notera qu’il possédait des intérêts dans une société (fondée en 1783) pour la vente de l’écorce d’orme pyramidal, en nature ou en décoction, pour guérir les maladies de peau : était-ce encore une invention de Milly ? Les dettes compre- naient 8.630 l. empruntées à Champeaux, receveur de la loterie, et 900 l. à Sables, conseiller au Grand Conseil. 36. Archives nationales, Y 5173 A, 9 décembre 1788. On notera qu’il est dit Ç de l’Académie d’Arras et 1er commis des Finances È. Or d’après la note d’avril 1789 (infra, p. 265), il n’était apparemment que commis principal. La sentence du Chatelet indique qu’a été pris l’avis des parents (Jean-Simon Bardet, ancien contrôleur général des Ponts et Chaussées) et amis : Lecocq, secrétaire aux Conseils du Roi, Leseigneur, ancien receveur général des impositions de Paris, de La Dixmerie, Ç pensionnaire du Roi È, Cormier, ancien procureur du Roi au présidial de Rennes. 37. Infra, p. 265. C’est une minute raturée : a-t-elle été suivie d’effet ? 38. Nous avons retrouvé deux actes, Étude XIX, 911 (27 thermidor an III) et 912 (25 messidor an IV). 39. La Biographie Michaud lui fait place en 1816 et loue ses traductions. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 262

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Bibliothèque nationale lui consacre en 1913 deux colonnes 40. Les historiens du Loir-et-Cher le connaissent peu : le Dictionnaire topographique, historique… du Vendômois de Saint-Venant, publié en 1969, lui consacre quelques lignes 41. Les historiens de Turgot l’ignorent. Pourtant sa mémoire a été sauvée par les notes et rapports à Turgot qui ont été conservés — on ne sait trop comment 42 — aux Archives Nationales, K 903 (mais l’inventaire manuscrit de 1880 oublia de donner son nom) 43 et par les deux Mémoires que possédaient les Archives de la Monnaie (l’un ne fut retrouvé dans une cave qu’en 1990…), qui ne portaient pas son nom et qui étaient attribués au maître des requêtes Valdec de Lessart 44. Nous avons découvert par hasard Frenais en 1998 lors de vérifications pour notre recueil sur La réforme monétaire de 1785 en dépouillant K 903 et en rapprochant ces notes à Turgot du Deuxième mémoire des Archives de la Monnaie.

40. Tome LV, col. 121-122. 41. Tome I, 1969, p. 83. Saint-Venant indique notamment une descendance Parisot (une fille épousa à Vendôme un musicien lorrain, Parisot, un arrière-petit-fils fut professeur à la Faculté de Nancy). Apparemment Saint-Venant ne connaissait pas de pièces d’archives sur Frenais aux Archives du Loir-et- Cher. 42. La note élogieuse (infra, p. 263) a sans doute protégé le dossier lors de triages — mais on ne voit pas comment ces lettres et rapports adressés à Turgot sont entrés aux Archives (par Du Pont de Nemours qui les aurait conservés ?). 43. Le carton K 903 appartient à une série très fréquentée et bien inventoriée depuis longtemps, on ne comprend pas que les mémoires de Frenais n’aient pas attiré l’attention des historiens de la monnaie… 44. Nous avons publié en 1999 des extraits des mémoires, Ç Un audit de l’administration des monnaies en 1778 È, Études et documents, t. XI, 1999, p. 565-588, en les considérant comme anonymes (mais sur épreuves, nous avons ajouté une note les attribuant à Frenais, en renvoyant au dossier de K 903). 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 263

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I. NOTE 1 Mémoires sur les Monoyes

presque tous précieux presque tous discutés avec beaucoup de sagacité par M. Frenais et nécessaires à qui voudra prendre un plan sur cette partie. Du Pont aura besoin de tous ces mémoires. Au reste le but où l’on doit tendre à cet égard est de supprimer le billon, de faire faire la monnoie d’or et d’argent au Pérou, les petites pièces en anneaux, et la monnoie de cuivre en Suède. Le tout au titre le plus pur. Supprimer les monnoies nationnales et les Cours des Monnoies, attribuer aux tribunaux ordinaires la connaissance des délits en matière de monnoie. Établir une police pour les affinages et pour certifier le titre des métaux employés dans les arts. Avoir quelques inspecteurs essayeurs au Pérou et quelques uns en France pour vérifier le titre des monnoies arrivant d’Amérique.

II. PROCURATION DU CARDINAL DE ROHAN 2 (1er juin 1781) 3

Par devant les conseillers du Roy notaires au Chatelet de Paris sous signés, fut présent Très haut, très puissant et très illustre et éminentissime Prince Louis- René-Édouard de Rohan, cardinal de Sainte Église Romaine, Évesque et Prince de Strasbourg, Landgrave d’Alsace, (…) États d’Empire, grand aumônier de France, commandeur des ordres du Roi, abbé et administrateur général tant au

1. Note qui figure en tête du dossier des Archives Nationales, K 903, datant apparemment de 1776. C’est cette note — qui serait de Turgot — qui aurait, semble-t-il, sauvé le dossier lors du triage des archives. 2. Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude XVI, 516. 3. A la marge : Ç Révoquée par acte passé devant Me Margautin qui en a la minute et son confrère, notaire de Paris, le premier septembre mil sept cent quatre vingt trois È. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 264

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Sources 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 265

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spirituel qu’au temporel de l’abbaye royale de Saint-Vaast d’Arras, demeurant à Paris dans son palais Vieille rue du Temple, paroisse Saint-Jean en Grève Lequel a fait et constitué pour son procureur général et spécial M. Joseph- Pierre Frenais, contrôleur de la maison, affaires et finances du Seigneur consti- tuant, Conseiller en la Chambre des Comptes de l’Évêché de Strasbourg, auquel il donne pouvoir de pour lui et en son nom emprunter d’une ou plusieurs per- sonnes soit par constitution de rentes perpétuelles ou viagères, soit par obligation à terme jusqu’à concurrence de la somme de deux cent cinquante mille livres, obliger ledit Seigneur constituant au paiement des arrérages des rentes qui seront constituées ou des sommes contenues dans lesdites obligations, dans les termes et de la manière que le procureur constitué jugera à propos de stipuler (…). Fait et passé au Palais dudit Seigneur Constituant, le premier juin mil sept cent quatre vingt un et a signé (…). Le Card. de Rohan Bontemps Doillot

III. NOTE DU CONTRÔLE GÉNÉRAL 4

Du 2 avril 1789

Le Sr Frenais, commis principal au Contrôle général dans le département de M. Tarbé, est décédé à la fin d’8bre dernier. Sa veuve, chargée de 4 enfans en bas âge et sans fortune, réclame pour eux une partie des services de feu leur père. Il avoit été raproché de M. Turgot par ses connoissances en administration et après avoir suivi le bareau (il fut, s’adonna à la carrière de l’emploi : rayé), il s’adonna sous le ministère de M. de Fourqueux à l’emploi où il devenoit très utile quand la mort l’a enlevé. La veuve et les orphelins implorent en leur faveur la justice et l’humanité de M. le Directeur général. 4. Archives Nationales, F 4 1956. Note établie pour Necker. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 266

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IV. PUBLICATIONS DE FRENAIS

La bibliographie de Frenais est assez embrouillée, la Bibliothèque nationale ne possède pas toutes ses œuvres 5. Au surplus les notices biographiques étaient souvent médiocres (on orthographiait son nom Fresnais) 6, parfois même on passe sous silence son nom 7 : même s’il a sa place dans la France littéraire de Quérard et la Biographie universelle Michaud 8, on ne s’intéresse guère à son Ïuvre 9. Nous donnons les cotes de la Bibliothèque nationale 10.

1. Chrysal, ou les aventures d’une guinée angloise (par Charles Johnston), Londres-Paris, 1767, XXXVI - 263 p. (Y2 12 181). 2. Supplément à Chrysal, ou les nouvelles aventures d’une guinée angloise (de Charles Johnston), Amsterdam, VIII - 184 p. (Y2 70790). 3. Histoire d’Agathon ou tableau des mœurs de la Grèce, imité de l’allemand (de Wieland), Paris, 1768, 4 vol. (Y2 11277-11280). 4. Coup d’œil rapide sur les progrès et la décadence du commerce et des forces de l’Angleterre, Ouvrage attribué à un membre du Parlement (traduit de Josuah Gee), Amsterdam, 1768 (8¡ Nc. 2415).

5. Il serait souhaitable d’établir une bibliographie critique de Frenais et d’étudier son œuvre littéraire. 6. La Biographie universelle Michaud indique en 1816 (t. XVI, p. 42) Fresnais, tout comme le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse (t. VIII, 1872). 7. C’est le cas de la Nouvelle biographie Hoefer, et de la Grande encyclopédie de Berthelot. Et le Dictionnaire des lettres françaises. Le XVIIIe siècle lui consacre cinq lignes (éd. 1995), p. 505-506. 8. La Biographie universelle de Michaud est plutôt élogieuse en 1816 (t. XVI, p. 42) : Frenais Ç s’est rendu utile en faisant passer dans notre langue les chefs d’œuvre de Sterne, de Wieland et d’autres compositions agréables. Ses traductions sont élégantes sans manquer à l’exactitude, et il sait assez bien conserver à chaque auteur le caractère qui lui convient È. 9. En 1979 le Dictionnaire de biographie française (t. XIV, col. 1201-1202) indique encore qu’il est mort après 1825, alors que Cioranescu (Bibliographie de la littérature française du dix-huitième siècle, t. II, p. 824) donnait en 1969 la bonne date de 1788. 10. Notons encore que The National Catalogue de la Bibliothèque du Congrès (vol. 184, 1971, p. 516) ne connaît que deux volumes : l’Histoire d’Agathe de Saint-Bohaire et une édition du Voyage sentimental en 1790 à Strasbourg. 4_le_desordre 8/12/06 13:58 Page 267

Qui était Joseph-Pierre Frenais ? 267

5. La sympathie des âmes, ouvrage traduit de l’allemand de M. Wieland, Amsterdam, 1769 11. 6. L’abbaye ou le cloître de Barford (par S. Gunning), imité de l’anglois par M…, Londres, 1769. 7. L’abbaye ou le château de Barford, imité de l’anglois de Miss Munific, par M…, Paris, 1769, 2 vol. (Y2 12633-12634). 8. Histoire d’Agathe de Saint-Bohaire, Amsterdam - Lille, 1769, 2 vol. (Z 42044-42045). 9. Histoire d’Émilie Montague, par M. Brooke, traduit de l’anglois, Paris, 1770, 5 vol. (Y2 11917-11921). 10. Voyage sentimental par M. Sterne, sous le nom de M. Yorick, traduit de l’anglois par M. Frenois, Amsterdam - Paris, 1769, 2 vol. (Y2 69887-69888). 11. Le guide du fermier ou instructions pour élever, nourrir, acheter et vendre les bêtes à cornes, les brebis, etc., par A. Young, traduit de l’anglois, Paris, 1770, 2 tomes (S 15200-15201). 12. La vie et les opinions de Tristram Shandy, traduit de l’anglois de L. Sterne, par Joseph-Pierre Frenais, Paris, 1776, 2 vol. (Y2 69853-69854). 13. Edelzinde, fille d’Amalazonte, reine des Goths, Strasbourg - Paris, 1780, 2 vol. (Y2 42044-42045). 14. Îuvres complètes de L. Sterne, traduites de l’anglois par M. Frenais 12, Londres (Paris), 1787, 6 vol. (Z 33301-33302, t. III et VI seulement) 13. 15. Le tonneau de Diogène, imité de l’allemand (de Wieland), Paris, 1802 14. 16. Les Îuvres de Sterne, traduites en françois (par Frenais, de Bonnay, Salaville), Paris, 1803, 6 vol. (Z 3303-3305, 3308, t. I-II, IV, VI seulement) 15.

11. Indiqué par Quérard, La France littéraire, 1829, t. X, col. 511. 12. Le marquis de Bonnay aurait collaboré à cette traduction. 13. Sur les différentes éditions postérieures, cf. Catalogue général des livres imprimés…, t. CLXX- VIII, 1950, article Sterne, col. 213-214. 14. Indiqué également par Quérard, ouv. cité. 15. Le rôle de Frenais comme traducteur de Sterne n’a pas été étudié (on possède seulement un livre ancien de F. B. Barton, Étude sur l’influence de Laurence Sterne en France au dix-huitième siècle, 1911). On a le plus grand mal à débrouiller les publications (et rééditions) de Frenais ; des bibliographies récentes l’ont tenté, ainsi A. Martin, V. Mylme et R. Frautsch, Bibliographie du genre romanesque français, 1751- 1800, 1977, Londres (donne 9 notices ; voir à l’index, p. 489), et R. Dawson, Addition of the Bibliography of French prose fiction, 1618-1806, 1985 (The Voltaire Foundation), n¡ 227, p. 327-329 (à propos de la traduction de Tristram Shandy).