Denise Coussy Professeur à l'Université du Mans

Geneviève Fabre Professeur à l'Université de Paris VII

Michel Fabre Professeur à l'Université de Paris III Sorbonne-Nouvelle

Évelyne Labbé Maître de Conférences Les littératures à l'Université du Mans de langue anglaise depuis 1945

Grande-Bretagne, États-Unis, Commonwealth

UNIVERSITÉ NATHAN INFORMATION FORMATION NATHAN-UNIVERSITÉ Collection dirigée par Henri Mitterand, professeur à l'Université de Paris III

FRANÇAIS Adolfo FERNANDEZ-ZOÏLA : • Freud et les psychanalyses. LANGUE Jean JAFFRÉ : Christian BAYLON et Paul FABRE : • Le vers et le poème. • Grammaire systématique de la langue française. Christian BAYLON et Paul FABRE : Jean LE GALLlOT, • Initiation à la linguistique. Simone LECOINTRE : Christian BAYLON et Paul FABRE : • Psychanalyse et langues littéraires. • La sémantique. Michel PATILLON : Christian BAYLON et Paul FABRE : • Précis d'analyse littéraire. 1. Les structures de la fini • Les noms de lieux et de personnes. tion. Nina CATACH : • Précis d'analyse littéraire. 2. Les structures du vem • L'orthographe française : traité théorique et pra- Bernard VALETTE : tique. • Esthétique du roman moderne. • Orthographe et lexicographie : les mots composés. Roland ÉLUERD : Auguste VIATTE : • La pragmatique linguistique. • Histoire comparée des littératures francophones. Paul LARREYA : LATIN • Énoncés performatifs - Présupposition. Jean MOREAU : Pierre BOUET, Danielle CONSO, • La contraction et la synthèse de textes aux examens François KERLOUEGAN : et concours. • Initiation au système de la langue latine. Jacqueline PICOCHE : Pierre MONTElL : • La lexicologie. • Précis de morphologie historique du français. • Éléments de phonétique et de morphologie du latini Jacqueline PINCHON et Bernard COUTÉ : GREC • Le système verbal du français. Lucien PERNÉE : Robert-Léon WAGNER : • Entraînement à la version grecque. • Essais de linguistique française. Michel Gey : Lucien PERNÉE : • Didactique de l'orthographe française. • La version grecque au CAPES et à l'agrégation. LITTÉRATURE LANGUES VIVANTES Jean-Michel ADAM : Jacques ROGGERO : • Le texte narratif. • Grammaire anglaise. Bernard BEUGNOT • Grammaire anglaise : travaux pratiques d'applica et José-Michel MOUREAUX : tion. • Manuel bibliographique des études littéraires. François SCHANEN, Horst HOMBOURG : Pierre BRUNEL, • L'allemand par le thème. Louis-Robert PLAZOLLES François SCHANEN, Jean-Paul CONFAIS : et Philippe SELLIER : • Grammaire de l'allemand : formes et fonctions. • Le commentaire composé. Claude DUCHET : Michel BALLARD : • La sociocritique. • La traduction : de l'anglais au français.

NATHAN-RECHERCHE

Daniel BRIOLET : Nina CATACH : • Le langage poétique. • Les listes orthographiques de base du français. Paul LARREYA : Jacqueline PICOCHE : • La modalité en anglais britannique. • Structures sémantiques du lexique français.

© Éditions Nathan 1988. ISBN 2-09-190106) Avant-propos

Une histoire des littératures anglophones se doit de commencer par celle de la Grande-Bretagne, dont la tradition insulaire impres- sionne et déroute. Les écrivains anglais, conscients d'appartenir à une société aux hiérarchies complexes ont, en effet, constamment cherché à en observer et critiquer les mécanismes. Ils l'ont toujours fait par le biais d'un réalisme ironique qui tient maintenant à distance le désarroi spirituel inhérent aux tensions et aux menaces du monde contemporain. Cette transcription tragi-comique des rapports humains s'est souvent trouvée doublée d'une dimension imaginaire subversive : présentations fantaisistes ou extravagantes de la réalité ou inventions d'un ailleurs terrifiant ou consolateur. Dépourvues au départ de l'épaisseur historique européenne, les œuvres américaines sont animées, par contre, d'une vision mythique de leur pays et se présentent comme de grandes explorations sym- boliques d'un destin collectif d'autant plus fascinant qu'il est récent, géographiquement vaste et ethniquement varié. A force de dégager l'essence de ses frustrations et de ses aspirations, la littérature des États-Unis est parvenue à produire un modèle universel de réflexion et d'expression où la disparition du sacré va de pair avec une per- ception aiguë du spirituel, où la dénonciation de l'oppression sociale entraîne l'affirmation de soi et où le refus des critères d'expression et de référence traditionnels a donné naissance à l'aventure post- moderniste qui instaure en fait un nouvel ordre littéraire. Lorsque les œuvres en provenance du Commonwealth ont com- mencé à s'imposer, dans les années cinquante, elles ont bon gré mal gré assumé ce double héritage mais ont très vite perçu leur rôle et leur mission : donner à lire des textes surgis du silence et du mépris et animés de ce fait d'un sentiment d'urgence à la fois triomphal et inquiet. Venues des quatre coins de l'ex-empire britannique, ces « nouvelles littératures » apportent au discours anglo-saxon la possi- bilité de traduire des sensibilités inhabituelles ; elles lui permettent ainsi d'élargir prodigieusement son champ d'exploration et d'influence. Aucun bilan de cette production anglophone contemporaine n'avait, à ce jour, été dressé en France et il a paru utile d'en donner un panorama qui couvre les quarante dernières années. Les difficultés rencontrées pour établir ce tableau d'ensemble sont inhérentes à ce genre d'entreprise qui, en cherchant à être aussi complète que pos- sible, ne peut éviter des écueils incontournables. L'ordre adopté — Grande-Bretagne, États-Unis, Commonwealth — a, par exemple, été dicté par le souci de donner à la « nation mère » la préséance histo- rique qui lui revient ; mais ce souci chronologique ne fait pas assez ressortir la filiation qui unit si fortement la puissance colonisatrice à ses anciens satellites. Le choix des auteurs retenus a évidemment impliqué une hiérarchisation que l'on a voulue la moins subjective pos- sible mais qui a entraîné d'inévitables exclusions. La liste des œuvres (loin d'être exhaustive) n'a volontairement pas été allégée de manière à conserver à cette étude son utilité comme ouvrage de référence. Le but essentiel de ce travail critique est, en fait, de montrer la diversité et la vitalité grandissantes de la création littéraire en langue anglaise. Ce foisonnement est imputable à de nombreux facteurs dont le plus évident est d'ordre pratique. La prolifération du livre de poche dans les pays anglo-saxons a très tôt mis la littérature à la portée d'un public curieux de tout. Cette émergence d'une culture de masse a, par voie de conséquence, modifié le statut socio-culturel de l'écrivain. Ce sont, par exemple, les « jeunes gens en colère » anglais, les romanciers juifs américains ou les déshérités du tiers monde qui ont été amenés à définir l'homme contemporain. En fait, si chaque auteur reste inséparable de son contexte, tous se rejoi- gnent en une même confiance accordée à l'écriture pour traduire — dans la continuité, la fragmentation ou le ressourcement — leur rap- port à la tradition comme à la modernité. Ce sont ces différences mais aussi ces affinités que la conception de ce livre a voulu mettre en évidence.

Traiter d'oeuvres anglophones pour un public essentiellement francophone impliquait certains choix : par exemple donner le titre anglais pour les œuvres non traduites et le titre français pour les tra- ductions a semblé d'autant plus inutile que, s'il a parfois existé deux traductions d'un même ouvrage, aucune n'est peut-être encore dis- ponible. D'où la décision de s'en tenir à la date de publication et au titre originaux. Quant aux références biographiques, elles n'ont été données que pour les principaux auteurs pour ne pas accroître le nombre déjà important de dates fournies. En fin de livre, des tableaux mettent en parallèle l'histoire littéraire de chaque ensemble géographique et les événements socio-politiques marquants de chaque année. Mais c'est évidemment l'index des auteurs qui consti- tuera l'accès le plus commode à l'œuvre de ceux-ci. Les orientations bibliographiques qui vont clore cet ouvrage sont conçues à la fois pour le lecteur uniquement francophone et pour celui qui cherche des outils plus spécialisés, généralement encore en anglais. Au-delà des préoccupations légitimes de l'étudiant, nous voulions en effet fournir à un large public un instrument sérieux d'initiation à tout un vaste ensemble de la littérature mondiale contemporaine.

Denise COUSSY LA GRANDE-BRETAGNE ET L'IRLANDE

INTRODUCTION

Fière du courage et de la ténacité manifestés par son peuple tout au long de la guerre, la Grande-Bretagne est, en 1945, mal préparée à affronter les désillusions dont s'accompagneront les premières années de son difficile redressement. Affaiblie dans ses ressources et son économie comme dans sa position internationale, elle doit néanmoins tenir les pro- messes d'amélioration sociale faites pendant la guerre. De 1945 à 1951, le gouvernement travailliste de s'efforce de répondre à cette attente d'une société plus juste, plus égalitaire, en mettant immédiate- ment en œuvre un vaste programme de réformes : assurer la modernisa- tion de l'économie et le plein emploi grâce aux nationalisations et au dirigisme, et garantir aux citoyens, par l'établissement du « Welfare State » (ou « Etat-providence »), un système complet de Sécurité sociale. A l 'extérieur, il entame sans tarder le processus de décolonisation des ter- ritoires britanniques : l'Inde, naguère principal joyau de la couronne impériale, devient indépendante en 1947. L'expérience travailliste s 'accompagne cependant d'une politique d'austérité qui rend le gouverne- ment impopulaire et ramène en 1951 les conservateurs au pouvoir pour une période de treize ans, avec quatre Premiers ministres successifs : W. Churchill, A. Eden, H. Macmillan et A. Douglas-Home.

Les années cinquante, qui voient les fruits des premières mesures de reconstruction, seront marquées par la reprise économique et par une élé- vation quasi générale et continue du niveau de vie : mieux nourris, soi- gnés, logés, protégés, équipés et instruits que jamais, les Britanniques entrent de plain-pied dans l'ère de la « société d'abondance ». Fait symbolique : en 1953, la télévision retransmet le couronnement d 'Élizabeth II, mettant la communication de masse au service d'un céré- monial séculaire, et de l'image d'une nation unie avec son Common- wealth autour de la monarchie. Pourtant, si les conservateurs peuvent en 1959 faire campagne (avec succès) sur le slogan « Vous n'avez jamais eu la vie aussi belle », les signes avant-coureurs de graves difficultés ne manquent pas : le pays connaît des grèves récurrentes ; les dépenses publiques croissent alors que l'économie reste vulnérable, et la prospérité inégalement répartie entre le Sud et le Nord, où la modernisation s essouffle, grevée par le lourd passif des industries anciennes ; l'immi- gration en provenance du Commonwealth commence à susciter, avec l' esquisse d' un problème racial, des réticences et des controverses ; lors de l' affaire de Suez (1956), enfin, le prestige de l'ancienne puissance coloniale tombe au plus bas. De manière plus générale, les mutations de la société ne s'effectuent pas sans tensions ni malaise. Le nivellement relatif des conditions de vie et l'émergence d'une « méritocratie » issue de la démocratisation de l'enseignement entreprise par l'Education Act de 1944 n'effacent pas les cloisonnements, les différences et les handicaps sociaux. Les bastions de l'« Establishment » tiennent bon, cependant que la culture et la consommation de masse commencent à éroder les struc- tures familiales ou sociales traditionnelles, encourageant des attitudes de repli égoïste et matérialiste qui préludent à une crise plus profonde des valeurs établies.

Avec les années soixante, la Grande-Bretagne va entrer dans une période de « révisions déchirantes » qui se poursuivront dans les décen- nies suivantes. La société « débridée » ou « permissive » des « swinging sixties », avec l'essor vertigineux de la culture « pop », du culte de la jeunesse et du non-conformisme, sonne effectivement le glas d'un bon nombre de tabous hérités de l'époque victorienne. Des réformes dans la législation sur l'homosexualité, l'avortement, le divorce accompagnent l'évolution des mentalités collectives dans leur aspiration au libre épa- nouissement des individus. La peine de mort est abolie, et l'on affirme le principe de l'égalité des salaires féminins et masculins à travail égal. Mais la floraison des contre-cultures, des revendications particularistes et des entreprises de décentralisation culturelle s'effectue sur un fond de stagna- tion économique, de difficultés politiques et de risques de division sociale. Les deux candidatures de la Grande-Bretagne à l'entrée dans le Marché Commun (1963 et 1967) sont des échecs ; la décolonisation pose des problèmes aigus à Gibraltar et en Rhodésie ; l'afflux croissant d'immigrants, qui culmine en 1962, entraîne le vote de la première loi restrictive. Mais les principales menaces de désunion du royaume pro- viennent de la montée des nationalismes écossais, gallois, et surtout irlan- dais. Le premier incident grave entre catholiques et protestants d'Ulster éclate à Londonderry en octobre 1968, et inaugure une période de trou- bles graves : la flambée d'émeutes de l'été 1969 exacerbe les tensions, et l'envoi de troupes britanniques relance l'engrenage sans fin de la violence terroriste et antiterroriste, de la répression et des représailles.

De retour au pouvoir en 1970, les conservateurs négocient l'entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté Européenne, mais se trouvent confrontés à l'aggravation de la crise économique et de l'agitation indus- trielle. C'est d'ailleurs sur une épreuve de force avec les mineurs que tombe en 1974, remplacé à la tête du parti conservateur par Mrs Thatcher, et au gouvernement par le travailliste Harold Wilson. Celui-ci et son successeur James Callaghan devront tenter d'organiser la déflation, de maîtriser les syndicats, de réduire les prestations sociales, toutes mesures impopulaires qui entraînent, en 1979, la chute d'un parti travailliste affaibli et divisé. Le début de la dernière décennie semble annoncer le remplacement durable d'une politique de consensus par une politique de conflit et d'affrontement. La polarisation des extrêmes idéologiques divise les partis et provoque la création d'un parti social-démocrate (SDP) dont l'alliance avec les libéraux reste, par la force du bipartisme, sans inci- dence électorale décisive. Les succès du premier gouvernement Thatcher (règlement du problème rhodésien et de la crise des Malouines, réduction de l'inflation) ne font pas oublier le coût élevé de la restructuration éco- nomique, et la persistance de difficultés majeures qui, comme la situation irlandaise, ne semblent pas en voie de règlement : au premier rang figure le chômage, qui frappe inégalement les régions et les groupes sociaux, le vieux Nord industriel et les minorités ethniques de la seconde génération étant les plus touchés. De ces risques de déchirure du tissu social, les années 1980-1985 auront connu plusieurs manifestations sympto- matiques : la longue grève des mineurs, terminée sur un échec, et les émeutes dans des grandes villes et banlieues ouvrières ont laissé des traces dans la conscience collective, ne serait-ce qu'en ressuscitant le spectre d'un pays divisé en « deux nations », clivage qu'un peuple tradi- tionnellement doué d'une exceptionnelle capacité de compromis et d'adaptation pragmatique a jusqu'à présent réussi à éviter.

Telles sont, nécessairement simplifiées, quelques-unes des données du paysage politique et socio-économique qui, pendant quarante ans, a servi de toile de fond à l'expérience de lecteurs et d'écrivains dont certains sont nés avec le siècle alors que les enfants de 1945 abordent l'âge mûr. De même que toute œuvre échappe aux déterminismes sociopsycho- logiques cernés par la biographie de son auteur, la production littéraire d 'une époque entretient avec son contexte historique des liens complexes et problématiques. Seules les conditions matérielles de la création sont aisément repérables : il est, par exemple, évident que le « miracle » du surgissement d 'un « nouveau théâtre anglais » vers 1956 doit beaucoup à la création d 'un théâtre (le Royal Court Theatre) décidé à pratiquer une politique d 'auteurs, ainsi qu'aux subventions de l'Arts Council institué en 1946, aide dont bénéficièrent également — entre autres — la Royal Sha- kespeare Company et le National Theatre (créé en 1963). En revanche, la rencontre de talents nouveaux et d'un public réceptif résulte, comme tout phénomène culturel, de facteurs souvent aussi insaisissables que l'« air du temps ». De même, la vitalité de la poésie britannique peut se mesurer au nombre des petites maisons d'édition et revues spécialisées ; mais qui se hasarderait à affirmer qu'il existe quelque relation de cause à effet entre la reprise des troubles en Ulster et l'apparition concomitante de plusieurs poètes irlandais et anglo-irlandais de grand talent ? Quant au roman, dont on célèbre le renouveau dans les années quatre-vingt après en avoir périodiquement analysé le déclin, il profite effectivement du regain d 'esprit d 'entreprise des éditeurs, de la percée récente des prix littéraires (notamment du Booker Prize) et de campagnes publicitaires désignant à l' attention des lecteurs (et des bibliothèques de prêt) les vingt meilleurs auteurs ou jeunes romanciers de langue anglaise. Depuis quarante ans, cependant, il n'a cessé d'être traversé de courants où se reflétaient plus ou moins clairement les mouvements de flux et de reflux des préoccupa- tions et traditions insulaires. Les espoirs, inquiétudes, déceptions et trans- formations nées de l'Angleterre du « Welfare State » y ont trouvé leur expression réaliste ou satirique ; des groupes sociaux, des classes d'âge, des régions s'y sont dotées d'une identité littéraire ; plus durable qu'au théâtre ou en poésie, le repli anticosmopolite et anti-expérimental de l'après-guerre a progressivement fait place à une plus grande ouverture à la recherche et aux influences étrangères ; le rapport à l'histoire, dont les bouleversements avaient d'abord fait resurgir un fond de nostalgie et de fantaisie passéiste, se modifie insensiblement ; de plus en plus, enfin, l'attachement à la tradition réfléchit sur lui-même, et inclut sa propre cri- tique dans le jeu du pastiche et de la parodie, contribuant ainsi à diversi- fier un paysage littéraire dont le renouvellement naît moins de la rupture que de l'entrecroisement de multiples continuités. CHAPITRE I

LE ROMAN

1. TENDANCES DE L'APRÈS GUERRE

En Grande-Bretagne, comme dans la plupart des pays touchés par le second conflit mondial, seule une partie de la production littéraire de l'immédiat après-guerre reflète directement l'incidence de ce cataclysme sur la vie nationale. Parmi les œuvres qui relèvent du roman de guerre (genre dont les frontières s'avèrent de plus en plus difficiles à délimiter), peu sont de premier ordre. Les raisons de cette pénurie relative ne man- quent pas : la démesure d'un conflit déshumanisé et mécanisé, l'ampleur de son extension géographique et de ses implications morales, l'atrocité des révélations accompagnant la fin de la guerre (des camps de concen- tration à Hiroshima) peuvent expliquer le malaise d'imaginations con- frontées à la réalité de l'inimaginable. De 1946 à 1949, puis à nouveau vers 1955, on enregistre pourtant, pour les romans diversement inspirés par la guerre, la recrudescence d'un mouvement de création observé en 1941, la vie littéraire n'ayant pas alors connu de solution de continuité analogue à celle de la France. Ce phénomène n'est pourtant guère com- parable, en qualité comme en quantité, avec celui qui suivit la Première Guerre mondiale : ni euphorie, ni révolte, mais un soulagement teinté d'appréhensions qu'accroît bientôt le développement de la guerre froide. Pour nombre d'écrivains de l'entre-deux-guerres, et surtout pour ceux qui avaient déjà combattu en 1914-1918, ou que la lutte contre la montée des fascismes avait rapprochés du communisme, 1945 marque le début d'une époque où le pessimisme, le sens du déclin et la perte des illusions l'emportent sur la foi dans la pérennité des valeurs humanistes. Quelques tendances se laissent ainsi discerner au sein d'une produc- tion littéraire plus que jamais caractérisée par l'individualisme : le roman réaliste traditionnel témoigne, selon ses différents registres, des boulever- sements du passé récent ou de la nostalgie d'ordres révolus ; parallèle- ment, l'interprétation des mutations du paysage politique, social et idéo- logique conduit à la satire ou à la prophétie apocalyptique, multipliant fables et allégories ; la tradition de la « fantasy », enfin, répondant à un désir plus ou moins explicite de retrait par rapport au monde contempo- rain, continue de prêter des formes inquiétantes ou consolatrices à l'ima- ginaire de l'ailleurs. 1. Images de la guerre Que la guerre soit simple toile de fond ou thème principal des œuvres qui en sont issues, les images qu'en donne le roman réaliste illus- trent dans l'ensemble les deux versants de l'expérience anglaise : opéra- tions militaires à l'étranger, sur mer ou dans les airs ; scènes de la "bataille d'Angleterre", où la menace et l'intensité des bombardements suscitent dans la population civile le sens du chaos et la volonté d'orga- niser défense et solidarité. Le contexte de ces romans dépend générale- ment des expériences personnelles de leurs auteurs, d'où ils tirent leur valeur de documents humains et historiques. Sur les théâtres de combats lointains, l'immensité des éléments prête d'autre part souvent au drame humain des dimensions qui le magnifient ou l'écrasent, soulignant ainsi la parenté du roman de guerre et du roman d'aventures. La nouveauté ou l'exotisme des décors y exercent une fascination qui, pour être moins ambiguë que celle du danger et de la violence, devient à l'occasion source d'effets faciles. Les combats sur mer eurent ainsi leurs best-sellers, comme HMS Ulysses (1955) d'Alistair McLean, et surtout The Cruel Sea (1951) de Nicholas Monsarrat. Mi-récits de combats, mi-tableaux de mœurs, les romans d'Alexander Baron prennent pour cadre diverses opé- rations en Europe : débarquement en Normandie (From the City, From the Plough, 1948), ou en Sicile (There's No Home, 1950). Quant à l'Asie, elle figure, par exemple, dans Look Down in Mercy (1951), de Walter Baxter, mais aussi dans l'œuvre plus complexe de H.E. Bates (1905-1974), où l'acuité de l'observation psychologique n'est jamais sacri- fiée aux exigences du roman d'action. C'est à ce double registre que Fair Stood the Wind for France (1944), situé en France occupée, et The Cruise of « The Breadwinner » (1946) ont dû devenir des classiques du roman de guerre. La trilogie consacrée à l'Asie (The Purple Plain, 1947 ; The Jaca- randa Tree, 1949 ; The Scarlet Sword, 1950) marque un nouvel élargisse- ment du domaine d'inspiration d'une œuvre très diverse, dans laquelle la guerre continuera de figurer jusque dans les années soixante-dix (The Triple Echo, 1970). Ces récurrences thématiques se remarquent davantage encore au sein d'œuvres moins abondantes ou moins variées. Dans The River Line (1949), Charles Morgan (1894-1958) associe histoire de guerre et quête de la liberté spirituelle, comme il l'avait fait en utilisant, dans The Fountain (1932), son expérience d'internement en Hollande pendant la Première Guerre. Dans The Other Side (1946), Black Laurel (1948) et The Hidden River (1955), Storm Jameson situe en France ou en Allemagne les dilemmes posés par la guerre à sa conscience humaniste et européenne. En fait, rares sont les romanciers dont l'entreprise fut exclusivement ou même durablement liée au conflit. Mais plus rares encore sont ceux chez qui il n'apparaît jamais, surtout lorsque des préoccupations psycho- logiques, éthiques ou métaphysiques placent au centre de leur création le mystère du Mal et de la condition humaine. Henry Green, James Hanley, Graham Greene et, plus tard, William Golding trouveront ainsi dans la guerre les décors ou les métaphores de ténébreuses épiphanies de l'âme humaine. Et en 1984 encore, l'un des grands noms de la science-fiction anglaise, Jame Graham Ballard, transmue en roman, dans Empire of the Sun, l'horreur vécue que son imaginaire n'a jusque-là cessé d'exorciser. Parmi les écrivains déjà célèbres avant guerre, l'exemple d'Elizabeth Bowen (1899-1973) est, à cet égard, tout à fait significatif. Plus encore que ses deux grands romans précédents (The House in Paris, 1935, et The Death of the Heart, 1938), The Heat of the Day (1949) s'attache à rendre sensible l'approche tâtonnante et meurtrie de ce que la réalité humaine a d'« inconnaissable ». Déjà superbement évoqué dans les nou- velles de The Demon Lover (1945), le Londres des années de guerre sert de cadre symbolique aux destins imbriqués par une double histoire d'amour et d'espionnage — imbriqués, en fait, par l'Histoire : « Ils n'étaient pas seuls, et ne l'avaient jamais été (...). Leur époque était assise en tiers à leur table » Pour l'héroïne comme pour le lecteur, le jour ne se lèvera jamais totalement sur les raisons profondes de la trahison et du suicide de son amant, mais les effets corrosifs du doute, puis de la certitude ne font qu'un avec l'atmosphère crépusculaire de la ville disloquée par la guerre, territoire qu'explorent difficilement, en même temps que l'espace intérieur de l'angoisse et du soupçon, les con- torsions fiévreuses de l'écriture. Aucun des trois derniers romans d'Elizabeth Bowen (A World of Love, 1955 ; The Little Girls, 1964 ; Eva Trout, 1969) n'associera avec autant de sombre poésie les troubles du monde extérieur et les déchirements des consciences avides d'amour qu'ils décrivent. Seul le délabrement de quelque demeure ancestrale — où survit le souvenir de l'enfance anglo-irlandaise de l'auteur — fait parfois écho aux ravages des cœurs, et à l'érosion d'un passé dont la quête ne procure jamais les douceurs de la nostalgie.

2. Sens du déclin et crise idéologique En 1945, la sentimentalité de Brideshead Revisited déconcerta les lec- teurs des six premiers romans d' (1903-1966), où s'était affirmée, depuis Decline and Fall (1928), la vision d'un monde privé de valeurs, dont la satire ne pouvait que renvoyer à l'absurdité de la comédie et de la condition humaines. Cristallisant des aspirations jusque- là diffuses, Brideshead Revisited prend au contraire pour thème « l'opération de la grâce divine » et place pour la première fois au centre d'un roman le catholicisme auquel Waugh s'était converti en 1930. Mais il exprime avant tout, à travers l'admiration fascinée du narra- teur pour une vieille famille d'aristocrates catholiques anglais, la nos- talgie d'un ordre dont la présentation élégiaque n'est pas exempte d'ambiguïtés : l'intemporalité idéale du spirituel s'y associe en effet étroi- tement aux valeurs culturelles et sociales — sinon aux préjugés — d'une classe menacée par l'histoire. Quant à la guerre, dont l'évocation encadre, dans le prologue et l'épilogue, ce roman du souvenir, elle fournit surtout l'occasion d'illustrer, à travers la réquisition de Brides- head par l'armée, la barbarie envahissante d'une société indifférente à la beauté et aux valeurs du passé. Dans Sword of Honour (1952-1965), en revanche, la vision satirique retrouve l'ampleur et la verve comique des premiers romans, où nombre d'innocents crédules étaient entraînés dans des aventures à la fois bouf- fonnes et sinistres. Cette trilogie, qui comprend Men at Arms (1952), Officers and Gentlemen (1955) et Unconditional Surrender (1961), est sans doute la plus marquante des œuvres inspirées par la guerre. Elle ne fait pas pour autant disparaître les préoccupations religieuses de Waugh, puisque son héros naïvement idéaliste est encore le dernier héritier d'une vieille famille catholique. Parti pour le combat comme un chevalier pour les croisades, Guy Crouchback ne tarde pas à voir les défenseurs de l'honneur national participer, toutes classes confondues, à l'extension du chaos meurtrier. De préparatifs burlesques en opérations militaires désas- treuses, l'irresponsabilité, l'incompétence ou la lâcheté finissent par révéler ce qui apparaît alors comme la véritable origine du conflit — le désir de mort d'une civilisation : « Il me semble qu'il y avait un désir de guerre, un désir de mort partout. Même les hommes de bonne volonté pensaient que leur honneur personnel serait satisfait par la guerre » Ainsi radicalisé, le pessimisme historique et social de Waugh ne con- cède plus de valeur qu'à quelques choix éthiques individuels, affirmations précaires d'un espoir rédempteur dont le fondement religieux n'exclut pas le rationalisme. C'est ce dont témoigne Helena (1950), vie de saint modernisée dans laquelle la satire est subordonnée à l'apologétique, tout comme elle passe au second plan de The Ordeal of Gilbert Pinfold (1957), récit d'une crise personnelle à mi-chemin entre roman et autobio- graphie. En dépit d'un souci constant de distanciation, le pessimisme de son héros-romancier à l'égard du monde moderne est souvent proche de celui qui inspira à Waugh trois romans satiriques de moindre impor- tance. Scott-King's Modern Europe (1947) décrit les mésaventures d'un professeur de « public school » en visite dans un état totalitaire imagi- naire, la Neutralie. Dans The Loved One (1948), l'ironie prend pour cible le matérialisme sacralisé des « funeral parlours » américains, avant qu'un mince roman d'anticipation, Love Among the Ruins (1953), ne projette dans un futur proche la réalisation caricaturale des menaces dont était porteur, aux yeux de Waugh, le "Welfare State" récemment établi en Grande-Bretagne. En fait, l'avenir totalitaire qu'il imagine n'apporte guère de contribution significative à la contre-utopie, genre dont les pères fondateurs et les meilleurs représentants restent — après le Russe Zamia- tine (Nous Autres, 1921) — Aldous Huxley et George Orwell.

De tous les romans d'Aldous Huxley (1894-1963), dont la plupart datent d'avant 1945, Brave New World (1932) demeure le plus connu. Dans de nombreux essais, mais aussi dans trois romans, l'auteur poursuit jusqu'à la mort sa remise en question des idéaux du progrès scientifique et son investigation des failles culturelles et morales de la civilisation occidentale. Sous une forme narrative inusitée — celle d'un scénario de film —, Ape and Essence (1948) entend offrir une vision prophétique des conséquences d'une guerre nucléaire et bactériologique. Dans une Cali- fornie dévastée par un troisième conflit mondial déjà ancien, survit une société d'êtres dégénérés, réduits à l'animalité de leurs instincts et voués au culte du démon. La noirceur de cette anticipation apocalyptique est intensifiée par la répulsion fascinée qu'a toujours suscitée, chez Huxley, l'imagination quasi swiftienne d'une humanité soumise à la dégradation physiologique. Dans The Genius and the Goddess (1955), la dissociation de l'intellect et du corps conduit un physicien de génie à dépendre vampi- riquement de l'énergie vitale de sa femme, déesse dont la force doit par- fois se ressourcer à d'autres amours terrestres. Parabole ironique plus que roman d'amour et d'adultère, The Genius and the Goddess plaide en fait pour l'unification de l'expérience humaine, dont Huxley fera, dans Island (1962), le fondement d'une société parfaite. Renouant dans son dernier roman avec la grande tradition utopique, Huxley situe cette antithèse de Brave New World dans l'île imaginaire de Pala, où se trouve réalisée une harmonieuse synthèse de la science occi- dentale et de la spiritualité orientale : l'exploitation de la technologie s'y limite à l'agriculture et à l'eugénisme, tandis que des pratiques emprun- tées au bouddhisme tantrique président à l'épanouissement du psychisme. Moral et sociologique plus que politique, l'idéal d'Huxley échappe aux dangers exposés dans Brave New World en soustrayant au contrôle de l'État les options les plus critiques (usage de drogues, insémination artificielle, modification du système familial), et en posant comme prin- cipe la liberté des individus. La communauté utopique n'en succombera pas moins aux manœuvres et à l'invasion d'un État voisin surpeuplé, industrialisé, et avide des richesses pétrolières de l'île. Comme dans toute utopie, l'absence de véritables tensions dialectiques prive Island du poten- tiel romanesque indispensable au talent d'ironiste d'Huxley, et l'intérêt de l'intrigue se perd dans la profusion des exposés didactiques : le roman d'idées atteint ici le point extrême de son développement, celui où le souci de contribuer à l'histoire intellectuelle d'une époque l'emporte sur la conscience des contraintes esthétiques du genre choisi à cet effet. La spéculation philosophique occupe également une place croissante dans les dernières œuvres de Christopher Isherwood (1904-1986), installé comme Huxley en Californie, mais naturalisé américain en 1946. Si seul A Meeting by the River (1967) prône ouvertement les principes de l'hin- douisme, la nécessité d'échapper à la prison du moi constitue l'un des thèmes récurrents des œuvres de l'après-guerre, où elle prend le relais du désir de fonder l'identité sur l'affirmation d'une subjectivité rebelle. Or, toute l'originalité des premiers romans tenait à la séduction d'un style de narration subjectif, empruntant certains effets de montage à la technique cinématographique. Dans Mr. Norris Changes Trains (1935) et Good-Bye to Berlin (1939), en particulier, l'« œil de la caméra » s'était attaché à enregistrer sous l'angle du bizarre les désintégrations sociales ou morales de l'Allemagne de l'avant-guerre. C'est d'ailleurs l'évocation des lieux de ce passé qui, de Londres à Berlin, forme le principal intérêt de Prater Violet (1945), de The World in the Evening (1954) et de Down There on a Visit (1962), où l'auteur met en scène quatre aspects successifs de son personnage de narrateur. Et c'est encore un voyage au bout de soi- même, de la solitude et de la souffrance, qu'effectue l'homosexuel vieil- lissant de A Single Man (1964). Toujours clairement revendiquée, la dimension autobiographique de l'œuvre d'Isherwood lui assure une conti- nuité qui incite à ne pas dissocier sa période américaine de sa production des années trente, mais qui souligne aussi la primauté, chez ce représen- tant de la « génération d'Auden », d'une inspiration associée à l'Europe troublée de l'avant-guerre.

A l'opposé du pacifisme et du désengagement, George Orwell (1903- 1950) continue, après la guerre, à tirer les leçons politiques de l'histoire récente, ajoutant à son œuvre déjà connue de romancier, de journaliste et d'essayiste les deux romans qui lui valurent la célébrité internationale : Animal Farm (1945) et Nineteen Eighty-Four (1949). Avec Animal Farm, Orwell délaisse le réalisme du début de sa carrière pour ressusciter à des fins satiriques les conventions de la fable animalière. Ce bref roman décrit, sous forme allégorique, la transformation d'une société démocra- tique en régime totalitaire. Chefs du soulèvement qui délivre la « ferme des animaux » de la tyrannie humaine, les porcs ne tardent pas à exploiter à leur profit les autres membres de la communauté animale, avant de s'allier, puis de s'identifier définitivement aux oppresseurs qu'ils dénonçaient naguère. Poules pondeuses, moutons bêlants et chevaux laborieux apprennent ainsi que si « tous les animaux sont égaux », « certains animaux sont plus égaux que d'autres », et deviennent les vic- times d'un pouvoir qui n'hésite pas à associer la violence à l'endoctrine- ment. L'efficacité de la satire tient ici à la maîtrise parfaite de la forme, par laquelle la double lecture inhérente à toute allégorie permet d'univer- saliser même les plus transparentes des allusions d'Orwell à sa cible pre- mière, le communisme soviétique stalinien. Produit d'une histoire incapable d'incarner l'idéal socialiste dont Orwell ne cesse de se réclamer, le pessimisme amer d'Animal Farm paraît s'alimenter à un désespoir plus fondamental quant aux potentialités mêmes de l'homme. Ce que suggère déjà le choix de l'anthropomor- phisme animal semble confirmé par l'anticipation du monde de 1984. L'Océanie, l'une des trois superpuissances qui se partagent la pla- nète, est, comme l'Eurasie et l'Estasie, un état totalitaire où la duplicité linguistique est érigée en institution : ses quatre ministères (paix, vérité, abondance et amour) s'occupent respectivement de promouvoir la guerre, le mensonge, la pénurie et la terreur ; la « double pensée » (« doublethink ») permet de soutenir des positions inconciliables ; la « novlangue » (« newspeak »), en cours d'élaboration, s'emploie à modi- fier les conditions mêmes de toute pensée ; la réécriture constante de l'histoire assure la « mutabilité du passé » en détruisant les points de repère d'individus soumis à l'interdiction de conserver les traces de leur propre mémoire ; enfin, l'image omniprésente d'un « Grand Frère » (« Big Brother ») mythifié ou mythique symbolise la toute-puissance du parti unique sur ses membres. Avec une inégale subtilité dans le manie- ment de l'horreur, Orwell décrit l'échec inéluctable de la rébellion de Winston Smith, anti-héros dont la fragilité témoigne de l'insignifiance de l'humain dans un univers délibérément antihumaniste. Avec celle de Huxley, l'influence d'Orwell marquera pour longtemps l'imaginaire de l'anti-utopie, et notamment les œuvres d'anticipation par lesquelles certains romanciers (L.P. Hartley, A. Wilson ou A. Burgess) projetteront dans l'avenir la réalisation de leurs craintes des années soixante.

3. L'imaginaire de l'ailleurs « Pour moi, l'art et la guerre ne font qu'un depuis le début », écri- vait, en 1937, Percy Wyndham Lewis (1884-1957). Nourrie du ressenti- ment désespéré qui suivit la Première Guerre mondiale, son œuvre con- tinue après 1945 d'ignorer la sérénité. A la fois peintre, romancier, cri- tique et essayiste, Lewis s'était distingué comme satiriste dès 1918 par la virulence de ses attaques contre l'ordre bourgeois et par l'agressivité d'une esthétique dominée par une déshumanisation multiforme. Son hor- reur du mouvant et de l'organique, son mépris nietzschéen de l'huma- nisme amènent, en effet, Lewis à privilégier l'extériorité, le masque et la carapace, faisant des êtres réifiés et mécanisés de la société moderne les instruments d'une satire brillante et dévastatrice. A certains égards, Self- Condemned (1954) fait donc une entorse à la prédilection de Lewis pour la fable ainsi qu'à son refus de la subjectivité, puisqu'il décrit la tragédie personnelle d'un professeur d'histoire réfugié, au début de la guerre, dans un hôtel canadien. Moins satirique et plus autobiographique que ses premiers romans, la présentation du microcosme humain exilé au milieu des neiges s'achève sur une destruction apocalyptique : l'hôtel est ravagé par le feu et, après le suicide de sa femme, René Harding n'est plus qu'une simple « coquille glaciaire » revenant occuper, au terme du roman, une place d'honneur parmi les âmes mortes qui peuplent son uni- versité américaine. En 1928, Lewis avait créé dans Childermass un uni- vers imaginaire, mi-enfer, mi-purgatoire, où des « automates perdus » attendaient le jugement d'un mystérieux Bailli. Il y revient en 1955, for- mant avec Monstre Gai et Fiesta la trilogie de The Human Age. Tel un personnage de roman picaresque, Pullman, le héros, poursuit son exis- tence de mort-vivant en s'accommodant de la compagnie du Bailli, puis de Sammaël, le Démon en personne. Il découvre avec eux un monde de violence armée et de tortures infligées à de grotesques représentants de l'humanité coupable. Le récit s'organise en une suite de tableaux vivants, mêlant les souvenirs du nazisme à des caricatures de l'Enfer de Dante, de sorte qu'avant d'être emporté par les soldats de Dieu, Pullman voit défiler en spectateur toute la malignité de l'« âge humain » dont il n'a cessé de prendre le parti au mépris d'un « âge divin » désormais immi- nent. Comme l'Histoire, dont elle offre un reflet caricatural et terrifiant, l'œuvre de Lewis ne se répète qu'avec un surcroît d'horreur, ce qui accentue encore l'ambiguïté de sa fascination pour la violence. Pour d'autres écrivains, au contraire, l'imagination de mondes loin- tains, disparus ou irréels, marque une rupture ou un infléchissement. Plus jeune que Lewis, et aux antipodes de ses sympathies profas- cistes des années trente, Rex Warner, né en 1905, avait puisé dans le monde contemporain le substrat réaliste de The Aerodrome (1941), puis- sante allégorie du pouvoir totalitaire et de l'inévitable corruption de la guerre. Romans d'idées et de réflexion politique, ses premières œuvres étaient portées par la même imagination kafkaïenne, qui commence à s'estomper dans Why Was I Killed ? A Dramatic Dialogue (1943) et Men of Stones : A Melodrama (1949), pour disparaître totalement de la série de romans historiques inaugurée par The Young Caesar (1958). C'est par un retour à un passé plus légendaire qu'historique que s'achève, en revanche, la longue carrière de romancier de John Cowper Powys (1872-1963), commencée en 1915 avec Wood and Stone : A Romance. Le mouvement de retrait amorcé avec Owen Glendower : An Historical Novel (1940) s'amplifie dans Porius : A Romance of the Dark Ages (1951). Le Pays de Galles d'après le démantèlement de l'Empire romain y sert de support aux rêveries digressives par où continue de se traduire, servie par une rhétorique exubérante, sa vision animiste d'un univers dont tous les éléments sont traversés par les mêmes forces natu- relles et surnaturelles. De The Inmates (1952) à Ail or Nothing (1960), plusieurs romans exploitent la veine de fantaisie jusque-là sous-jacente à l'imagination pluraliste de cet héritier de Thomas Hardy et de D.H. Lawrence, sans toujours retrouver la puissance d'amalgame de ses meilleures œuvres, telles Wolf Solent (1929) et A Glastonbury Romance (1932). Dans le domaine de l'imaginaire, une part importante de la produc- tion de l'après-guerre revient aussi aux successeurs de H.G. Wells : la science-fiction continue en effet de prendre la relève des littératures uto- piques ou anti-utopiques, et rares sont les spéculations sur les possibles scientifiques qui ne s'accompagnent pas de préoccupations morales ou métaphysiques. Olaf Stapledon (1886-1950) écrit alors les dernières de ses « histoires cosmiques du futur » (Man Divided, 1950 ; The Opening of the Eyes, 1951), que distinguent leur qualité d'écriture et leur dimension mystique. De Prelude to Space (1951) à 2001 : A Space Odyssey (1968), Arthur C. Clarke, né en 1917, lui-même influencé par Stapledon, s'inter- roge autant sur les conditions de vie dans l'espace ou la mer que sur la place de l'homme dans l'échelle de l'évolution. Plusieurs romans du scientifique Fred Hoyle prennent pour thèmes l'exploration du temps et la relativité de la prééminence humaine (The Black Cloud, 1957 ; October the First Is Too Late, 1966). Les distorsions temporelles existent aussi chez John Wyndham (1903-1969) (The Seeds of Time, 1956), mais ses romans sont le plus souvent structurés autour du combat pour la survie d'une humanité menacée : par des forces monstrueuses, végétales ou marines (The Day of the Triffids, 1946 ; The Kraken Wakes, 1953) ; par des mutations génétiques (The Chrysalids, 1957) ; par des enfants mystérieusement implantés chez toutes les femmes d'un paisible village (The Midwich Cuckoos, 1957). Ce n'est cependant que vers la fin des années cinquante, avec Brian Aldiss et J.G. Ballard, que la science-fic- tion anglaise commencera à acquérir ses lettres de noblesse en alliant l'aventure de l'écriture à celle de l'imaginaire. Plus proche du merveilleux que de la science-fiction, l'univers roma- nesque de C.S. Lewis (1898-1963) porte la marque de l'intellectualisme et de la foi chrétienne de son auteur, professeur à Oxford et connu pour ses travaux d'histoire littéraire sur la Renaissance (The Allegory of Love, 1936). A l'exception de That Hideous Strength (1945), où il reprend le thème d'un lien entre la science et le mal, toutes ses œuvres se désintéres- sent du monde contemporain, qu'il s'agisse de The Great Divorce : A Dream (1946), de Till We Have Faces : A Myth Retold (1956), ou des sept récits pour enfants qui composent The Chronic/es of Narnia (1950- 1956). Même si les thèmes allégoriques s'y imposent parfois aux dépens des images et des symboles, tous sont issus de la même volonté : s'ins- pirer, pour cette construction d'univers imaginaires, « du seul véritable "autre" monde que nous connaissions, celui de l'esprit ». J.R.R. Tolkien (1892-1973), lui aussi professeur à Oxford, a en commun avec son contemporain et ami C.S. Lewis son aversion pour la civilisation moderne, son érudition, et sa prédilection pour les cultures médiévales. La Première Guerre le marqua profondément : son ombre plane sur The Lord of the Rings, trilogie massive composée de The Fel- lowship of the Ring (1954), The Two Towers (1955) et The Return of the King (1956). En 1977 s'y ajoutera The Silmarillion, œuvre posthume commencée dès 1916, constamment remaniée, et traitant d'événements antérieurs à ceux de The Lord of the Rings. Cette trilogie étend dans l'espace et le temps les aventures des « hobbits », petites créatures imagi- naires inventées dans son livre pour enfants, The Hobbit : or, There and Back Again (1937). Leur épopée, dont Tolkien récuse toute interprétation allégorique, se présente comme la chronique d'une ère révolue de l'his- toire de Middle-earth, celle où fut entreprise la quête visant à retrouver et détruire un anneau fatal, car détenteur de tous les pouvoirs, et donc inéluctablement corrupteur. Faisant appel à l'anthropologie, à la philo- logie, à diverses mythologies nordiques, l'imagination minutieuse de Tol- kien crée un monde dont la richesse de détails offre aux désirs d'évasion passéiste l'illusion d'un ailleurs plus substantiel, dans sa simplicité mythique, que la complexité du temps présent. Rien d'étonnant donc à ce que l'œuvre ait pu susciter à partir de 1965 (et des campus américains) un engouement qui atteignit bientôt les proportions d'un culte interna- tional, révélant la dimension idéologique masquée d'un phénomène plus socioculturel que littéraire.

La trilogie sur laquelle repose la réputation critique de Mervyn Peake (1911-1968) (par ailleurs poète, dessinateur et illustrateur) fut, elle, expressément conçue pour « canaliser » son « chaos » intérieur Selon la meilleure tradition des romans gothiques du XVIII siècle, Titus Groan (1946), Gormenghast (1950) et Titus A/one (1959) sont dominés par la présence ou le souvenir du château-forteresse de Gormenghast, avec sa prolifération mouvante de ramifications labyrinthiques. Immense, massif et sans âge, puisque tout changement en est banni, cet univers anachro- nique est régi par un rituel pointilleux qui entretient la bizarrerie tantôt comique, tantôt inquiétante de ses habitants, unis au château par des liens quasi symbiotiques. Le dernier héritier des comtes de Groan, Titus, rêve pourtant de fuir cette matrice de pierre et de partir vers l'inconnu. Il ne le fera qu'après avoir neutralisé la quête du pouvoir qui, de l'intérieur, avait entrepris de dominer et de détruire, par l'intrigue et la violence, l'ordre pétrifié de Gormenghast. De cette architecture étrange- ment vivante, M. Peake multiplie les descriptions d'une rare puissance d'évocation visuelle : rien ne l'approche dans l'univers découvert par Titus loin de Gormenghast, sinon certains détails qui, en rappelant les égouts de Varsovie ou le camp de Belsen, renvoient non à l'imagination créatrice de l'art, mais à la réalité destructrice de l'histoire. Plusieurs des tendances de l'après-guerre se trouvent résumées dans les trois romans qui constituent l'œuvre originale, bien qu'inégale, de Nigel Dennis, né en 1912. Boys and Girls Come Out to Play (1949) est, pour partie, un roman psychologique classique dans lequel l'imminence de la guerre catalyse diverses crises personnelles. A House in Order (1966) se présente, au contraire, comme une parabole obscure. Le narra- teur, « soldat inconnu » enfermé dans une serre en territoire ennemi, obtient de n'en pas sortir pour se consacrer à la seule tâche dont l'importance éclipse pour lui les rigueurs de sa captivité : cultiver les quelques plantes laissées à sa portée. Il mène ainsi, non sans misan- thropie, un combat pour la vie (végétale), de sorte que l'ambiguïté n'épargne aucune des dimensions de son étrange paix séparée d'avec un monde où la guerre apparaît comme un jeu de rôles d'une terrifiante absurdité. En 1955, Cards of Identity avait utilisé l'allégorie à des fins plus clairement satiriques. L'action se passe dans une vieille demeure anglaise, « l'une des dernières reliques d'une époque d'identités bien établies », où le « Club de l'Identité » tient son congrès annuel, faisant à cette occasion l'inventaire burlesque et solennel des problèmes de ses membres, dont la plupart ont vu le cours de l'histoire vider de toute substance leur fonction sociale. Représentants d'une identité nationale déliquescente, ces personnages en quête de rôle n'ont en fait, pour tout statut, que leur existence dans un univers romanesque où simulacre et réalité ne cessent de se confondre.

2. VITALITÉ DE LA TRADITION

Vers le milieu des années cinquante, une vague de dérision contesta- taire parut ébranler quelques-unes des valeurs de l'« Establishment » socioculturel. Pourtant, les « Angry Young Men » — appellation plus commode qu'exacte, mais entrée dans l'usage après la représentation en 1956 de Look Back in Anger, de John Osborne — ne se préoccupèrent pas de remettre en question les formes narratives ou théâtrales. Trente ans après, l'un d'entre eux, Kingsley Amis, est devenu l'un des porte- parole les plus acerbes du conservatisme artistique et politique, et John Wain, John Braine et Alan Sillitoe continuent d'exploiter, avec plus ou moins de vigueur et d'originalité, telle ou telle des multiples veines de la tradition romanesque. Leur brève flambée d'agressivité était en fait, sur- tout, l'expression symptomatique d'une crise d'identité sensible (comme l'atteste la diversité de leurs origines) à différents niveaux d'une société suffisamment transformée pour faire naître des aspirations nouvelles, mais encore trop marquée par le passé pour ne pas les décevoir. Ces romanciers ont toutefois joué un rôle de précurseurs en ajoutant des pièces essentielles au vaste puzzle de lieux et de milieux que forme, avec sa prédilection pour les thèmes à résonance sociale ou sociologique, la majeure partie de la production romanesque « littéraire ». Dans le même temps, des écrivains plus âgés, comme Joyce Cary, C.P. Snow ou , achevaient ou commençaient des œuvres embrassant des périodes plus longues de l'évolution récente de l'Angleterre ; d'autres, comme Richard Hughes, ranimaient la tradition du roman his- torique. En fait, que l'histoire soit contexte ou prétexte, objet d'interro- gation, d'analyse ou de transfert, c'est le plus souvent elle qui introduit, par la reconstruction imaginaire qu'elle implique, la dimension grâce à laquelle le roman traditionnel contemporain échappe, de Paul Scott à Graham Swift, aux risques du provincialisme et de l'insularité.

1. Contestation et continuité

En intitulant son cinquième roman Scenes from Provincial Life (1950), William Cooper adressait un clin d'œil amusé à la tradition dans laquelle il venait d'introduire un ton nouveau et un type de personnage où l'on reconnut, a posteriori, un précurseur des « anti-héros » des années cinquante. Jeune enseignant dans une ville des Midlands, et peu soucieux de se plier aux conventions (surtout en matière de mariage), Joe Lunn s'engage dans une série de mésaventures comiques qu'il relate lui- même avec désinvolture et humour, dans un style proche du langage parlé. Viennent ensuite Scenes from Metropolitan Life (1951), Scenes from Married Life (1961) (où Joe Lunn, fonctionnaire, découvre à la fois l'engrenage de la réussite professionnelle et le bonheur conjugal), puis Scenes from Later Life (1983), Cooper continuant par ailleurs, mais avec moins d'originalité, à puiser ses sujets dans l'expérience ordinaire de la vie contemporaine.

L'esprit de Kingsley Amis, née en 1922, parut plus subversif dans Lucky Jim (1954), dont les péripéties burlesques s'accompagnent d'un comique verbal étincelant. Par une accumulation de maladresses désopi- lantes, Jim Dixon, jeune assistant dans une université provinciale, com- promet définitivement ses chances d'intégration dans un milieu dont il ne cesse de fustiger en imagination, avec une jubilation rageuse d'adolescent contrarié, les prétentions et impostures de tout ordre. L'iconoclasme de Lucky Jim semblait alors promis, selon Amis, à un brillant avenir : « La démocratie du "Welfare State" est une arène satirique bien plus vaste et plus riche que la démocratie stratifiée qu'elle est en train de remplacer » La qualité des œuvres suivantes ne corrobore pas toujours ces prédictions, mais le regard du satiriste ne cesse de s'y assombrir. Déjà la gravité perce sous la drôlerie de That Uncertain Feeling (1955) qui s achève sur l'échec et le repli de son anti-héros. Particulièrement mince, I Like It Here (1958) fournit néanmoins à Amis l'occasion d'affirmer son attachement à une tradition comique héritée de Henry Fielding. Mi-éthiques, mi-esthétiques, ses exigences de « clarté, bon sens et honnêteté en matière de sentiments » lui servent à justifier son anti- modernisme affiché dès les années cinquante, prélude au glissement de ses attitudes politiques et sociales vers un conservatisme de plus en plus agressif. La comédie sexuelle qui se jouait autour de la virginité de Jenny Bunn, dans Take a Girl Like You (1960), reflétait déjà, non sans nos- talgie, l'ambivalence de la société bientôt dite d'« abondance » et de « tolérance ». A mesure que croît, aux yeux d'Amis, la confusion des idées et des modes, même les plus superficielles de ses « sério-comédies » font apparaître une double perspective : derrière la satire — souvent facile — de l'Amérique contemporaine (One Fat Englishman, 1963), des milieux de la télévision (I Want It Now, 1968), des intellectuels ou artistes de gauche (Girl, 20, 1971), ou des psychothérapies sexuelles (Jake's Thing, 1978), se profile la vision désespérée d'une société dont l'absence de principes et la vacuité spirituelle ne font qu'aggraver les névroses. Les farces et les décrépitudes sinistres d'une maisonnée de cinq vieillards confirment aussi, dans Ending Up (1974), l'horreur de la mor- talité dont Amis avait déjà fait le sujet de The Anti-Death League (1964). En lui donnant la forme d'une histoire d'espionnage militaire, il inaugurait alors une phase nouvelle de sa production, basée sur le pas- tiche et la manipulation de genres populaires. Dans Colonel Sun (1968) (roman d'espionnage à la James Bond), The Riverside Villas Murder (1973) (intrigue policière dans le style des années trente) et The Green Man (1978) (histoire de revenants habilement doublée d'une interrogation sur le Mal), Amis se joue avec brio des con- ventions narratives, sans pour autant renoncer à ses thèmes de prédilec- tion. Nombre d'entre eux se reconnaissent aisément dans ses deux variantes du roman de science - et de politique - fiction, qui imaginent successivement un XX siècle produit par une histoire dans laquelle la Réforme n'aurait pas eu lieu (The Alteration, 1976), et un XXI siècle où l'Angleterre serait passée sous la domination russe (Russian Hide and Seek, 1980). L'œuvre de John Wain, né en 1925, qui est également critique et poète, offre moins de variété et de virtuosité. Hurry On Down (1953) est un récit dont la forme picaresque et les implications satiriques découlent d'un choix profondément ironique : à la stupéfaction indignée des tenants de la méritocratie, Charles Lumley, son héros, s'obstine en effet à renverser le mouvement d'ascension sociale qui l'a théoriquement mené, à partir de son milieu d'origine, au seuil de la classe moyenne. A sa sortie d'Oxford, il devient donc tour à tour laveur de carreaux, brancardier, livreur de voitures, passeur de drogue, videur de night-club, avant de trouver, en tant que rédacteur de gags radiophoniques pour une émission à succès, une situation conforme à ce qu'il décrit — non sans ambiguïté — comme son désir profond de « neutralité » : « Je ne me suis jamais révolté contre la vie ordinaire : elle ne m'a jamais admis, voilà tout". » De Living in the Present (1955) à The Young Visitors (1965), les romans suivants s'achèvent souvent sur l'acceptation de sem- blables insertions sociales à responsabilité limitée. The Smaller Sky (1967) est une tragi-comédie plus subtile, dans laquelle un scientifique cherche à échapper aux tensions de l'existence en s'installant à vie sur le toit de la gare de Paddington. Par comparaison, la présentation des conflits de valeurs découverts par un philologue anglais venu apprendre le gallois dans un village isolé paraît, dans A Winter in the Hills (1970), moins dominée artistiquement, et encombrée de lieux communs que n'évite pas davantage le « roman dans le roman » de The Pardoner's Tale (1978), ni la peinture, dans Young Shoulders (1982), d'une conscience d'adolescent tourmenté. Plus que K. Amis ou J. Wain, John Braine, né en 1922, pouvait sembler mériter, par la violence de ton de son premier roman, Room at the Top (1957), l'étiquette de « jeune homme en colère ». Résolu à accéder au plus vite au sommet de l'échelle sociale de la ville du Yorks- hire où il est employé au Trésor, son héros, Joe Lampton, n'hésite pas à payer sa rapide ascension du sacrifice de son intégrité, « corruption » dont les conséquences seront à nouveau exploitées dans Life at the Top (1962). Room at the Top connut très vite un large succès, qu'expliquent sans doute la schématisation efficace des mentalités sociales, mais surtout la combinaison d'audaces superficielles (dans l'évocation de l'arrivisme ou des expériences sexuelles du héros) et d'un message moral tout aussi conventionnel que la trame du récit. Le moralisme sentimental et le matérialisme foncier de Braine s'accentuent encore dans la douzaine de romans publiés par la suite : de The Vodi (1959) à The Crying Game (1968), notamment, ses préoccupations métaphysiques virent à la religio- sité, la seule exception (The Jealous God, 1965), valant surtout pour sa restitution de l'atmosphère de la communauté catholique irlandaise du Yorkshire. Alan Sillitoe, né en 1928, lui, est originaire de Nottingham, et la majeure partie de son œuvre est dominée par sa volonté de transformer en force politique l'anarchisme diffus et la conscience de classe hérités de son appartenance au milieu ouvrier. C'est donc de l'intérieur que son premier roman, Saturday Night and Sunday Morning (1958), décrit, avec une justesse de détail remarquée à sa parution, le Nottingham ouvrier de l'après-guerre. S'y exprime aussi, à travers le personnage d'Arthur Seaton, un esprit de révolte que l'on retrouve peu après chez le jeune délinquant rebelle de The Loneliness of the Long Distance Runner (1959). Key to the Door (1961) en modifiera sensiblement la portée en offrant à Brian Seaton, frère aîné d'Arthur, des horizons autres que ceux qui bornaient l'univers de Saturday Night and Sunday Morning. Arthur, en effet, y aspirait surtout à jouir de son salaire et de ses loisirs, trou- vant dans la bière et les femmes des compensations à la monotonie de son travail dans une usine de bicyclettes. Et c'est avec une agressivité sans discernement qu'il traduisait son ressentiment généralisé envers toutes les contraintes du système social : « L'usine vous exploite à mort, les assurances et le fisc vous prennent pour des vaches à lait et vous volent à mort, et si vous existez encore (...) après toute cette arnaque, l'armée vous mobilise et vous vous faites trouer la peau 12. » Plus intros- pectif que son cadet, Brian Seaton étaie sa propre révolte d'une réflexion sur la violence qu'il découvre en lui, et qu'il relie à toute son histoire familiale et sociale. Via la jungle de Malaisie, son évolution le conduit au seuil de l'itinéraire politique qui amènera finalement l'ouvrier Frank Dawley, dans The Death of William Posters (1965), à s'engager aux côtés du FLN algérien. Le thème de la prise de conscience révolution- naire se poursuivra dans A Tree of Fire (1967) et The Flame of Life (1974), mais cette trilogie élargit le champ romanesque de Sillitoe plus qu'elle ne l'enrichit : ses hommes engagés, qu'un symbolisme dérivé du romantisme présente comme des « arbres de feu » propageant au loin l'énergie libératrice qui les dévore, restent des « héros positifs » dont les discussions et les analyses surchargent les romans de considérations théo- riques simplifiées par souci de réalisme didactique. Sillitoe avait déjà montré un penchant pour l'abstraction et la parabole avec The General (1960). En 1971, l'anti-utopie satirique Travels in Nihilon tente, sans grand succès, de mettre le rire au service du roman d'idées. Après la publication de l'autobiographie moderniste Raw Material (1972), le dis- cours politique disparaît de l'œuvre romanesque de Sillitoe (qui s'aligne en cela sur ses quatre recueils de nouvelles). The Widower's Son (1976) ouvre donc à une pluralité d'interprétations la crise d'identité tardive d'un personnage fortement structuré par les disciplines militaires, et la plupart des romans suivants, de The Story-Teller (1979) à Life Goes On (1985) exploiteront avec verve la veine picaresque et comique ouverte par A Start in Life (1970).

2. Le puzzle des lieux et des milieux D'autres écrivains contribuèrent, avec Braine et Sillitoe, à faire du Nord de l'Angleterre l'un des lieux familiers de la géographie roma- nesque. Tous ne décrivent pas le milieu ouvrier : de A Short Answer (1958) à The Daysman (1984), les quelque vingt romans de Stanley Mid- dleton se situent dans la région de Nottingham, mais les personnages dont il met l'existence en crise appartiennent généralement aux classes moyennes (étudiants, enseignants, artistes, architectes, écrivains). C'est, par contre, dans le décor urbain du West Riding industriel (longues rues ouvrières, cités nouvelles, parcs minables, cinémas clin- quants) que les hommes de bonne volonté de Stan Barstow apprennent à mener sans emphase — comme Vic Brown, le héros attachant de son premier roman, A Kind of Loving (1960) — le précaire combat de la générosité et de l'affection quotidiennes contre la médiocrité matérielle et spirituelle. A la même époque, Keith Waterhouse brocardait avec verve, dans Billy Liar (1959), les contradictions d'une petite ville du Yorkshire, ses traditions (fictives), son immobilisme (réel) et son modernisme (de pacotille), étant vus à travers l'imagination d'un adolescent fabulateur et goguenard. Mais un monde sépare les désespoirs comiques de Billy le menteur (ainsi que les tribulations des futurs héros de Waterhouse) de la détresse absolue des personnages bloqués de Barry Hines à commencer par l'adolescent livré à lui-même de A Kestrel for a Knave (1968) (rebap- tisé Kes après le succès de son adaptation cinématographique). Depuis, Hines continue de dresser, avec plus d'efficacité que d'ambition littéraire, un constat poignant des maux d'une région durement atteinte par la crise (The Price of Coal, 1979 ; Looks and Smiles, 1981). Comme chez Sillitoe, les divisions du corps social et des consciences individuelles constituent le thème majeur des romans et des pièces de David Storey, né en 1933, mais son exploration du coût psychique des mutations de la société relève d'une vue moins politique que métaphy- sique de la condition ouvrière et humaine. L'ensemble de son œuvre se place sous le signe de la déchirure : les lieux restent marqués par les cica- trices de leur histoire économique, tout comme le corps et l'esprit portent l'empreinte des forces qui travaillent à accentuer leur irrémédiable cli- vage. Dans Radcliffe (1963), cette dichotomie primordiale se trouve sym- boliquement reproduite dans les séparations sociales engendrées par l'histoire : incapable d'incorporer à son identité amoindrie la force inex- pugnable que Victor Tolson doit à son origine ouvrière, le dernier des- cendant d'une vieille famille en voie d'extinction, Leonard Radcliffe, finit par faire éclater, au terme d'une dérive hallucinée vers la folie, la violence destructrice de leur relation homosexuelle. Mais le plus souvent, ce sont les retombées de la promotion sociale que Storey s'attache à tra- duire. Qu'ils deviennent en effet rugbymen professionnels (This Sporting Life, 1960), secrétaires ou enseignants (Flight into Camden, 1961 ; Pas- more, 1972 ; Saville, 1976 ; A Temporary Life, 1978), ses fils et filles de mineurs du Yorkshire voient se propager autour d'eux et en eux les ondes de choc des décalages culturels et des dislocations familiales. Entre tous ces êtres écartelés, un dialogue laconique et tendu vibre des spasmes d'une souffrance multiple et confuse. Plusieurs des « enfants prodigues » de Storey reviennent meurtris vers la cohésion protectrice mais oppres- sante de leur milieu familial ; d'autres, à peine échappés, recréent dans l'aliénation mentale l'univers de mort de leur foyer d'origine, « la dure inertie industrielle qui partout laisse, à l'intérieur comme à l'extérieur, une sorte de crasse ». Et seule la régénération créatrice de l'art permet à Bryan Morley, dans A Prodigal Child (1982), un retour qui, semble- t-il, ne rouvre pas les blessures du départ. On trouve chez Mervyn Bragg né en 1939, un sens tout aussi aigu des mutilations de l'âme, et une vision tragique qui rappelle celle de T. Hardy : ravages émotionnels causés, dès l'enfance, par les carences des proches (For Want of a Nail, 1965) ; passions détruites par les diffé- rences sociales (The Second Inheritance, 1966), par le heurt d'aspirations incompatibles ( Without a City Wall, 1968), par l'adultère (Josh Lawton, 1972), ou par les insuffisances fatales du langage des mots et du corps (The Hired Man, 1969). Bragg dépeint un Cumberland agricole qui n'a, par sa dureté, rien à envier au monde industriel, et sa prose excelle à tra- duire des états de tension extrême : obsession tyrannique de l'autorité, ou acharnement au travail d'hommes pour qui le corps à corps avec la terre est à la fois un combat pour la survie économique et pour la structure de l'être. Avec A Place in England (1970) et Kingdom Come (1980), l'his- toire de John Tallentire (l'ouvrier de ferme de The Hired Man) se trans- forme en chronique familiale, la dernière génération finissant par essaimer loin du Cumberland, à Londres ou même à New York. Si l'on excepte les descriptions du Blitz, qui feront par exemple connaître les premières nouvelles de William Sansom (1912-1976) (F, 1944 ; The Stories of William Sansom, 1963), et qui (comme les démoli- tions et rénovations des décennies suivantes) prennent à l'occasion valeur de métaphore, le Londres de l'après-guerre se présente, dans l'ensemble, comme une série de décors vagues à l'arrière-plan du groupe social qui forme le territoire attitré de chaque écrivain. Souvent délabré, le Lon- dres qui sert de cadre aux romans de Pamela Hansford Johnson, réa- listes et sous-tendus de préoccupations éthiques (An Impossible Mar- riage, 1954 ; The Last Resort, 1956 ; The Humbler Creation, 1959, etc.) est donc aux antipodes du monde de la marginalité effrénée et joyeuse, totalement amorale en matière de sexe et d'argent, que Colin Mac Innes (1914-1976) place au centre de City of Spades (1957), Absolute Beginners (1959) et Mr. Love and Justice (1960). Pour tous ses personnages (pros- titué(e)s et délinquants de toute espèce, blancs ou noirs), Mac Innés invente un idiome original, principale curiosité littéraire d'une œuvre que sa précision documentaire (sur les modes des jeunes, ou les milieux afri- cains et jamaïcains de Londres) lie étroitement à la fin des années cin- quante. De That's How It Was (1962) à Londoners (1983), les Londo- niens de Maureen Duffy forment un groupe aussi disparate, mais leur marginalisation est plus douloureuse et vulnérable qu'épanouie ou provo- cante, et le désespoir menace aussi bien l'écrivain de The Paradox Players (1968) que les membres du club de lesbiennes de The Micro- cosm (1966).

Le paysage social et romanesque comprend cependant encore les représentants d'une Angleterre plus traditionnelle, tels les vieilles filles anglo-catholiques, les vicaires, les universitaires ou les employés de bureau dont Barbara Pym (1913-1980) décrit avec humour — et une pré- cision d'ethnologue — les travers, les illusions et la solitude. Un temps oubliée, Barbara Pym fut « redécouverte » dans les années soixante-dix, et l'on peut citer, parmi ses romans tardivement publiés ou redevenus disponibles, Excellent Women (1952), Quartet in Autumn (1978), The Sweet Dove Died (1978), A Few Green Leaves (1980) et Crampton Hodnet (1985).

Par son choix de points de vue féminins, par l'acuité de sa vision morale et la causticité de son ironie, Elizabeth Taylor (1912-1975) fait elle aussi figure d'héritière de Jane Austen. De At Mrs. Lippincote's (1945) à The Wedding Group (1968), ses romans et nouvelles dissèquent avec finesse, dans des milieux aux privilèges observés sans complaisance, les ruses inconscientes du narcissisme, des affections possessives et des générosités irresponsables. Longtemps sous-jacent, le thème de la solitude féminine devient essentiel dans les derniers romans (Mrs. Palfrey at the Claremont, 1971 ; Blaming, 1976), mais aucun de ses portraits de femme ne donne l'impression de désespérance qui se dégage des introspections lancinantes des héroïnes de Penelope Mortimer . De Johanna (1947) à Long Distance (1974), son œuvre est exclusivement centrée sur la famille et le couple, au sein desquels les rapports, tels qu'ils sont vécus au féminin, sont avant tout source de névroses et de frustrations mutilantes. Signe des temps : les héroïnes de Gillian Tindall commencent simultané- ment, dans The Edge of Paper (1963), The Youngest (1967) ou Someone Else (1969), à partir à la reconquête d'une identité personnelle atrophiée ou aliénée par leur rôle d'épouse ou de mère. Tandis que les désirs et la mentalité des femmes semblent moins changer, dans les romans d'Elizabeth Jane Howard, que les décors qui les entourent (The Sea-Change, 1959 ; After Julius, 1965 ; Odd Girl Out, 1972), Margaret Drabble, née en 1939, forte de son expérience de femme « émancipée », diplômée, mère de famille et écrivain à succès, tente de rendre compte, depuis A Summer Bird-Cage (1963), des tensions psycho- logiques entraînées par des évolutions sociales analogues à la sienne. Peu soucieuse d'innover en matière de technique romanesque — « Je préfère venir à la fin d'une tradition moribonde, que j'admire, plutôt qu'au début d'une tradition que je déplore » — elle se fait parfois l'écho d'une valorisation assez conventionnelle de l'enracinement dans l'expé- rience ordinaire et la maternité (The Garrick Year, 1964 ; The Millstone, 1965 ; The Needle's Eye, 1972). Jerusalem the Golden (1967) et The Waterfall (1969) côtoient même périlleusement l'univers des magazines féminins. Mais même si la psychologie de ses personnages a souvent moins de densité que l'inventaire socioculturel de leur cadre de vie, ses meilleurs romans font de plus en plus découler les remises en question individuelles de la découverte de phénomènes de société : exégèse d'un fait divers (The Realms of Gold, 1975), tensions nationales et internatio- nales (The Ice Age, 1977) ou préparation d'un documentaire télévisé sur des « femmes à la croisée des chemins » (The Middle Ground, 1980). Malcolm Bradbury, né en 1932, situe dans des milieux universitaires anglais ou étrangers (qu'il connaît professionnellement) les imbroglios burlesques ou pathétiques provoqués par les prises de position huma- nistes ou libérales de personnages « aux idées confuses mais aux préoccu- pations éthiques certaines » (Eating People is Wrong, 1959 ; Stepping Westward, 1965). Dans The History Man (1975), la satire du microcosme qui gravite autour du sociologue Howard Kirk se fait plus grave, et démonte avec une minutieuse ironie les fluctuations, les ambiguïtés et les crises d'une idéologie trop assurée d'être dans le sens de l'Histoire. Reflétant le plus souvent l'expérience de leurs auteurs, la confronta- tion à des mœurs et cultures étrangères (celles des États-Unis en particu- lier) ne cesse, par ailleurs, de fournir matière à de nombreux romans comiques ou satiriques, le dernier en date étant Stars and Bars (1985) de William Boyd, qui, après A Good Man in Africa (1981) et An Ice Cream War (1983), place définitivement ce jeune romancier aux côtés du très prolifique Tom Sharpe, né en 1928, dans la lignée d'Evelyn Waugh et P.G. Wodehouse (1881-1975). D'autres écrivains portent au contraire sur l'histoire contemporaine un regard plus appliqué que visionnaire. Dès The Junkers (1968), qui reconstitue un panorama de la guerre vue du côté allemand à travers les investigations d'un diplomate anglais en poste à Berlin en 1963, Pierce Paul Read s'efforce de mêler reportage et débat d'idées. Par la suite, il traitera aussi bien de crises religieuses (Monk Dawson, 1969 ; Polonaise, 1976) que des mouvements étudiants américains des années soixante (The Professor's Daughter, 1971), de revanches sociales (The Upstart, 1973) que des écarts politiques et sexuels d'hommes rangés (A Married Man, 1979) ou de soupçons d'espionnage en milieu diplomatique (The Villa Golitsyn, 1981). Autant de thèmes abondamment illustrés, sinon res- sassés, par maint écrivain en mal de best-seller, mais où se reconnaissent pourtant divers fragments du puzzle de la réalité et du roman réaliste contemporains.

3. Des fresques sociales aux romans de l'histoire Parallèlement à la représentation parcellaire de la société contempo- raine, une autre tradition ne cesse de se renouveler dans l'après-guerre, fondée sur un intérêt constant pour l'histoire, les vastes panoramas et les fresques sociales. La carrière de Joyce Cary (1888-1957) s'achève sur une trilogie poli- tique (Prisoner of Grace, 1952 ; Except the Lord, 1953 ; Not Honour More, 1955) qui se distingue de ses autres romans de l'après-guerre par son dessein d'interpréter le mouvement de l'histoire anglaise dans les pre- mières décennies du siècle. Elle prend sur ce point le relais du volet cen- tral d'une première trilogie (Herself Surprised, 1941 ; To Be a Pilgrim, 1942 ; The Horse's Mouth, 1944) couvrant une soixantaine d'années de l'évolution récente du pays, et largement dominée par la personnalité excentrique du peintre Gulley Jimson. Ce rôle central est maintenant tenu par Chester Nimmo, homme politique dont le tempérament et la carrière (manifestement inspirés de ceux de Lloyd George) permettent à Cary de revenir sur les destinées conjointes de deux traditions détermi- nantes à ses yeux : celle, politique, du libéralisme ; et celle, religieuse, du protestantisme non conformiste. L'œuvre, cependant, n'est en rien aus- tère, car Cary laisse volontiers son exubérance de conteur et son sens du comique privilégier variété et vivacité aux dépens de la rigueur. Il est, d'ailleurs, généralement porté à valoriser la sensibilité plus que l'intellect, et observe son époque en moraliste nostalgique plus qu'en analyste objectif. Par contraste, la suite de onze romans intitulée Strangers and Bro- thers (1940-1970), qui constitue l'essentiel de l'œuvre de C.P. Snow (1905-1980), se caractérise par son positivisme et son agnosticisme moral, ainsi que par un style d'une sobriété uniforme et généralement terne. Elle est en cela à l'image du narrateur, Lewis Eliot, homme de raison plus que d'imagination, en qui Snow, physicien devenu haut fonctionnaire et Pair du Royaume, admet avoir créé une sorte d'alter go. Sa présence sert de lien entre les différents romans, mais le canevas autobiographique est discontinu, l'enfance d'Eliot n'apparaissant qu'au troisième volume (Time of Hope, 1949). Et les « résonances » thématiques que Snow pré- tend avoir cherché à établir à partir des émotions d'abord « observées » par Eliot chez autrui, puis « intégrées à sa propre expérience » ne sont que rarement mises en évidence par l'analyse succincte des événements de sa vie privée (Homecomings, 1956 ; The Sleep of Reason, 1968 ; Last Things, 1970). S'il connaît à l'occasion les tourments de l'amour pos- sessif ou l'angoisse de la mort, c'est toujours en spectateur fraternel, mais étranger, qu'il découvre chez ses proches le « versant d'ombre de la condition humaine » — instabilité mentale de sa première femme, ou failles tragiques d'amis aux dons exceptionnels. Dans Strangers and Bro- thers (1940) — plus tard rebaptisé George Passant —, celui-ci compromet sa carrière par son aspiration à une sexualité libérée, et, dans The Light and the Dark (1947), Roy Calvert éprouve, dans son espoir d'apaiser ses angoisses cycliques, la fascination du fascisme, puis de l'héroïsme et de la mort. Rien ne correspond non plus, dans l'expérience d'Eliot, aux choix qui amènent son ami Charles March à se couper du milieu de la haute bourgeoisie juive dont il est issu (The Conscience of the Rich, 1958). En revanche, son sens du compromis et de l'équilibre sert de motivation vraisemblable à ses capacités d'observation de narrateur fiable et bien informé qui, avant de se consacrer sur le tard à l'écriture, se trouve introduit, en tant qu'avocat, puis universitaire, haut fonctionnaire et conseiller juridique, dans des cercles de plus en plus fermés. Dans les deux meilleurs romans de la séquence, The Masters (1951) et Corridors of Power (1964), sa connaissance intime du fonctionnement des institu- tions et son intérêt pour les jeux et les enjeux du pouvoir, quel que soit son champ d'exercice, permettent à Snow d'exposer les dilemmes moraux et politiques d'individus amenés à peser, à différents niveaux, sur l'avenir de leur communauté. The Masters détaille ainsi avec minutie les ambi- tions et les intrigues mises en branle, au sein d'un des collèges de Cam- bridge, par la nécessité d'élire le nouveau « Master ». Rivalités de prin- cipes ou d'intérêts, souci du bien commun et rancunes personnelles offrent à l'investigation de Snow une gamme de sentiments qu'il expose avec d'autant plus d'aisance que leur irrationalité reste mesurée, contrai- rement à The Affair (1960), où le même collège se trouve déchiré par une sorte d'affaire Dreyfus scientifique. Le déchaînement des passions, dans ce roman, est en partie lié au contexte politique (la guerre froide), dimension qui passe au premier plan dans Corridors of Power. Déjà abordée par le biais de la recherche scientifique dans The New Men (1954), la politique de défense nucléaire fait ici l'objet de débats dont l'intérêt s'ajoute à la valeur documentaire de l'œuvre, et illustre une fois de plus cette constante de l'univers de Snow : la nécessité de concilier, par une vision lucide de la responsabilité individuelle et des limites du pouvoir personnel, les exigences de la conscience morale et de la raison sociale. A l'encontre de Strangers and Brothers, le roman-fleuve d'Anthony Powell, né en 1905, A Dance to the Music of Time (1951-1975) relève d'un dessein esthétique exposé dès le premier volume. A l'image des Sai- sons du tableau de Poussin auquel font allusion le titre et l'ouverture, plusieurs centaines de personnages évoluent au gré d'une chorégraphie complexe mais fluide, « s'avançant avec lenteur et application, un brin de gaucherie parfois, en dessinant des figures reconnaissables ; ou se mettant à tournoyer de façon apparemment incohérente, pendant que les partenaires disparaissent et reparaissent, donnant à nouveau un ordre au spectacle : incapables de maîtriser la mélodie, incapables, peut-être, de maîtriser les pas de la danse ». Bien qu'il s'en tienne à certaines classes (bourgeoisie, haute société et bohème artistique), Powell dresse un vaste panorama qui, de 1914 aux années soixante-dix, s'étend sur quatre trilo- gies couvrant chacune une phase de la vie du narrateur, Nicholas Jen- kins. La première (A Question of Upbringing, 1951 ; A Buyer's Market, 1952 ; The Acceptance World, 1955) comprend les années de formation et met en place, dans le premier noyau de relations nouées par Nick Jen- kins à Eton, les types humains (et sociaux) en qui s'incarne la dichotomie qui fournit au roman sa principale constante thématique : l'opposition entre les êtres de sensibilité et d'imagination, proches du narrateur, et ceux auxquels leur volonté de puissance et leur capacité d'action permet de faire coïncider danse du temps et mouvement de l'histoire. Charles Stringham verra ainsi sa distinction aristocratique sombrer dans la déca- dence et l'alcoolisme, tandis que Kenneth Widmerpool, comique dès l'adolescence par sa vulgarité et son arrivisme méthodique, entame dans le monde des affaires l'irrésistible ascension vers le pouvoir qui le fera colonel (pendant la guerre), puis député travailliste et membre à vie de la Chambre des Lords. La seconde trilogie (At Lady Molly's, 1957 ; Casa- nova's Chinese Restaurant, 1960 ; The Kindly Ones, 1962) élargit le cercle des danseurs, dont les liaisons et changements de partenaires déploient, sur un arrière-plan d'histoire collective assombri par la montée du fascisme et la crise de l'abdication, un tissu d'anecdotes que le style du narrateur-romancier, enveloppant, interrogateur, distancié, fait déjà entrer dans l'ordre de l'art. Consacrés aux années de guerre, (1964), The Soldier's Art (1966) et The Military Philosophers (1968) possèdent une cohésion propre, d'autant plus que la mort de plu- sieurs des protagonistes fait apparaître la gravité sous-jacente au stoï- cisme amusé des méditations du narrateur sur la mutabilité et le temps. Car contrairement à la recherche proustienne, dont on a souvent rapproché A Dance to the Music of Time, il ne s'agit pas de trouver dans la mémoire le fondement du temps, mais de déceler la permanence des harmonies cachées par les divagations superficielles de conduites imprévisibles ou excentriques. En introduisant de nouveaux figurants dans la période de l'immédiat après-guerre à 1955, les deux premiers volumes de la trilogie finale (Books Do Furnish a Room, 1971 ; Tempo- rary Kings, 1973) semblent d'abord accélérer les dérives centrifuges qui traversent cette épopée comique, jusqu'à ce que Hearing Secret Harmo- nies (1975) révèle à nouveau, en même temps que le déclin et la chute de Widmerpool, la cohérence secrète de l'ensemble. Comme le souligne, en effet, une ultime allusion à The Anatomy of Melancholy (1621) de Robert Burton (1576-1640), au-delà des figures du temps et des perspec- tives de l'histoire, éphémères synthèses de la vision humaine, seul existe, dans la confusion du présent, l'éternel retour d'un devenir multiple et contingent. D'autres fresques sociales se construisent encore à partir de chroni- ques familiales. Les deux premiers romans de A.S Byatt, né en 1936, Shadow of a Sun (1964) et The Game (1967), ont pour thème commun les jeux dangereux du réel et de la fiction, mais le second dessine, en fili- grane de la relation primordiale de deux sœurs, tout un réseau d'influences idéologiques formatrices, du quakerisme humanitaire du Northumberland de l'enfance à l'anglo-catholicisme d'Oxford. L'esquisse devient tableau dans The Virgin in the Garden (1978) et Still Life (1985). Situés respectivement en 1953 et 1954-1957 (avec une incursion en 1980), ces deux premiers volets d'une chronique centrée autour d'une famille du Yorkshire, les Potter, s'apprêtent peut-être à rivaliser avec les entreprises de Cary, Snow ou Powell en présentant l'évolution d'une composante essentielle de la bourgeoisie et de l'intelligentsia littéraire anglaises. Le souci de l'histoire est, bien sûr, particulièrement vif dans les communautés dont la destinée a été jalonnée d'oppressions et de tragé- dies. Le sens du passé est ainsi crucial dans la production romanesque irlandaise et joue un rôle important chez divers écrivains d'origine juive. Mêlant aux rêves incarnés par Israël les souvenirs des pogroms d'Europe de l'Est et de la misère de l'East End des années trente, la conscience du vieillard agonisant de Yes from No-Man's Land (1966), de Bernard Kops, reflète en fait l'histoire de plusieurs générations. Même si Kops abandonne le tragique pour la fantaisie débridée, une partie de son œuvre de romancier et de dramaturge peut se lire comme une commémoration élégiaque des traditions disparues des communautés juives de Londres, de l'East End à Golders Green (The Dissent of Domi- nick Shapiro, 1966 ; By the Waters of Whitechapel, 1969). Bernice Rubens, née en 1927, aura, elle, une démarche inverse. De Set on Edge (1960) à The Elected Member (1969), elle décrit des familles de la bourgeoisie juive où tensions et névroses ne doivent rien au sou- venir ou à la crainte de l'antisémitisme. Son mélange caractéristique d'humour grinçant et de noirceur absurde demeure même lorsqu'elle change de contexte, gardant néanmoins comme thème principal les aléas cruels et risibles des rapports humains (Sunday Best, 1971 ; I Sent a Letter to my Love, 1975 ; Spring Sonata, 1979). Par contre, les oppres- sions historiques apparaissent dans Brothers (1983), où elle suit à travers l'Europe quatre générations d'une même famille, faisant retrouver à cer- tains de ses membres, revenus dans la Russie contemporaine, les persécu- tions qui avaient déterminé leurs ancêtres à l'exil. Dans les années soixante, la réflexion sur les mécanismes du fas- cisme conduit certains romanciers, comme Gabriel Fielding dans The Birthday King (1962) et Gillian Freeman dans The Alabaster Egg (1970) — son roman le plus ambitieux —, à prendre pour sujets l'Alle- magne nazie et ses victimes. Dans les deux cas, le passé se prête en fait surtout à l'exploration de thèmes chers à l'auteur : responsabilité et choix existentialistes pour Fielding, hanté par la figure du bouc émissaire ; logique des oppressions politiques et des discriminations sociales ou sexuelles pour Gillian Freeman. Mais chez aucun de ces écrivains la passion de l'histoire n'est aussi aiguë et constante que dans l'œuvre encore brève de Graham Swift, né en 1949. Comme The Sweet-Shop Owner (1980), The Shuttlecock (1981) postule avec insistance la nécessité de transmettre, d'une génération à l'autre, le sens et les leçons du passé. Mais il démontre aussi l'existence d'un désir inverse de dissimulation et d'illusion. Le roman se compose, en effet, de deux récits à la première personne, qui se discréditent réci- proquement en incarnant des formes différentes de duplicité et d'esquive : trop parfait pour ne pas avoir falsifié la vérité, le mémoire relatant les expériences de guerre du père sert de base à l'enquête menée par le fils, à qui sa reconstitution névrotique du passé sert à masquer ses propres défaillances. Waterland (1983) reprend, amplifie et approfondit tous ces thèmes. Tom Crick, impuissant à créer l'avenir et même à affermir les assises du présent, est obsédé par le passé qu'il a pour fonc- tion, en tant que professeur, de rendre cohérent et d'expliquer. Historien quelque peu histrion, il s'acharne donc à opposer à l'inertie et à la disso- lution du présent, devant sa classe médusée ou exaspérée, les causalités et nécessités de tout ordre qui, depuis le XVII siècle, lient sa destinée à l'entrecroisement des familles et des multiples entreprises économiques de toute une région. Et cette East Anglia qu'il reconstruit ainsi à force de questions-réponses, ce « pays des eaux » arraché à la mer par la parole, est, dans sa complexité même, à l'image de l'univers du roman, impres- sionnant de précision réaliste, mais constamment irrigué en profondeur par la vie métaphorique de l'écriture. Comprendre leur époque : tel est toujours le but de ceux qui se tour- nent vers l'histoire récente sans pour autant rendre perceptible le contre- point du présent et du passé.

Déjà connu grâce à A High Wind in Jamaica (1929) et In Hazard : A Sea Story (1938), Richard Hughes (1900-1976) se consacra, au sortir de la guerre, à la rédaction de The Human Predicament, trilogie conçue comme un long roman historique devant culminer avec la Seconde Guerre mondiale. En fait, seuls deux volumes furent publiés de son vivant. Ils accordent — fait exceptionnel — une place importante à l'Allemagne, grâce aux ramifications outre-Rhin de la famille du person- nage principal, jeune châtelain gallois né, comme l'auteur, avec le siècle. The Fox in the Attic (1961) se situe en 1923, à l'époque du putsch manqué d'Hitler à Munich, et The Wooden Shepherdess (1973) s'achève sur le massacre de la Nuit des longs couteaux en 1934, mais l'élargisse- ment de son contexte à l'Amérique et au Maroc confirme l'ampleur de conception de cette œuvre malheureusement inachevée, dans laquelle toutes les ressources de la narration omnisciente classique sont mises à profit pour faire progresser ensemble le récit des événements décisifs de l'entre-deux-guerres et l'étude des mentalités, le mouvement de l'histoire et son interprétation. Dans les deux trilogies qui, réunies sous le titre de Fortunes of War, constituent l'œuvre la plus marquante d' Manning (1917-1980), l'observation est déléguée à une jeune femme, Harriet Pringle, dont le mari travaille pour un organisme de toute évidence calqué sur le British Council. L'action de la trilogie dite « des Balkans » (The Great Fortune, 1960 ; The Spoilt City, 1962 ; Friends and Heroes, 1965) se déroule à Bucarest, pendant la première année de guerre, puis, à mesure que pro- gresse l'occupation nazie de l'Europe, à Athènes et Alexandrie. Plus détachée et souvent plus perspicace que son mari, Harriet assiste, avec une lucidité en partie attribuée à son apolitisme, aux réactions diver- gentes que provoquent, dans le microcosme des ressortissants étrangers, la menace de la violence et la désintégration accélérée du régime rou- main. Tensions et dissensions se multiplient au sein du couple, dont la désunion se poursuit au cours de la « trilogie du Levant », principale- ment située en Égypte (The Danger Tree, 1977 ; The Battle Lost and Won, 1978 ; The Sum of Things, 1980) : une fois encore, l'acuité du jugement psychologique d'Harriet Pringle prête à sa perception des faits historiques une caution morale analogue à la garantie d'authenticité qu'offre le travail de documentation minutieux (mais quelquefois trop visible) de la romancière.

Pour Paul Scott (1929-1978), comme pour Richard Hughes et Olivia Manning, le souci de reconstitution historique procède de l'expérience personnelle. La plupart de ses romans se passent en Asie, qu'il découvrit pendant la guerre. The Raj Quartet, pièce maîtresse de son œuvre, com- prend The Jewel in the Crown (1966), The Day of the Scorpion (1968), The Towers of Silence (1971) et A Division of the Spoils (1975), et est consacré aux années décisives qui allaient aboutir à l'indépendance de l'Inde et à la sécession du Pakistan. A l'encontre de A Passage to India de E.M. Forster, qu'elle ne manque pas d'évoquer, l'ouverture du Qua- tuor désigne d'emblée l'événement — le viol d'une jeune Anglaise — qui déchaîne, en 1942, les antagonismes politiques et raciaux latents dans deux communautés décrites comme « enlacées dans une étreinte impériale si ancienne et si subtile qu'il ne leur était plus possible de savoir si elles s'aimaient ou se haïssaient ». D'un roman à l'autre, Scott fragmente la chronologie des faits pour suivre leur répercussion dans le temps et l'espace, à travers des documents privés et officiels, des récits écrits ou oraux dont aucun ne détient toute la vérité ni n'est exempt de préjugés. Une vaste fresque du déclin impérial se constitue ainsi, où la vision historique des mirages de l'assimilation et de l'unification se superpose à l'image d'une Inde mythique, métaphore de toutes les illusions dont la perte semble répéter, pour Scott, celle du paradis originel. Les derniers (et meilleurs) romans de J.G. Farrell (1935-1979) partici- pent également de ce mouvement de retour à l'Empire — et singulière- ment à l'Inde —, dont la télévision et le cinéma amplifieront l'audience, au début des années quatre-vingt, par toute une floraison d'adaptations. The Siege of Krishnapur (1973) et The Singapore Grip (1978) font revivre, en s'appuyant avec discrétion sur une documentation scrupu- leuse, deux moments critiques de l'histoire impériale : la révolte des Cipayes de 1857 et la chute de Singapour en 1941. De conception et de facture analogues, The Hill Station (1981) fut laissé inachevé par la mort prématurée de Farrell, dont le roman le plus original reste sans doute Troubles (1970). Partant du sentiment que « si les gens se sont en général fait leur idée sur le présent, ils sont davantage susceptibles d'avoir une vision lucide du passé ». il utilise à dessein l'histoire (les « troubles » irlandais de 1919-1921) comme « métaphore du présent ». L'« imperceptible glissement vers la ruine » de l'Hôtel Majestic, isolé avec sa poignée d'hôtes excentriques au bout de sa péninsule irlandaise, cerné par la violence terroriste et antiterroriste, envahi par les chats et les Denise COUSSY Professeur de littérature anglaise à l'Université du Mans. Auteur d'une thèse de doctorat d'État sur le roman nigérian, elle a publié en 1983, en collaboration, une Anthologie critique de la littérature africaine anglophone, et en 1985 Le Monde d'Achebe.

Évelyne LABBÉ J. Roggero Maître de conférences de littérature Grammaire anglaise anglaise à l'Université du Mans. Auteur d'une thèse de doctorat d'État, Surface J. Roggero et profondeur dans les dernières Grammaire anglaise : œuvres d'Henry James, elle a traduit et travaux pratiques d'application préfacé en 1987 Henry James sur M. Ballard Maupassant. La traduction de l'anglais Michel FABRE au français Professeur d'études américaines à la M. Ballard Sorbonne Nouvelle. Auteur d'études sur Manuel de version anglaise Scott Fitzgerald et Richard Wright, il a publié une étude critique, Regards sur J. Tournier la littérature noire américaine. Précis de lexicologie anglaise Geneviève FABRE P. Larreya Professeur d'études américaines à l'Uni- Le possible et le nécessaire : versité de Paris VII, elle est l'auteur d'une modalités et auxiliaires modaux thèse de doctorat d'Etat sur Le Théâtre noir aux États-Unis. en anglais britannique

J.P. Martin - D. Royot Les littératures de langue Histoire et civilisation des États-Unis anglaise depuis 1945 Premier panorama des littératures de langue anglaise depuis 1945, cet ouvrage s'attache F. Schanen - J.-P. Confais successivement à l'étude du domaine Grammaire de l'allemand britannique, de la littérature américaine et de la production littéraire dans les pays du F. Schanen - H. Homburg Commonwealth (Canada, Australie, Nouvelle- L'allemand par le thème annoté Zélande, Afrique, Inde, Antilles). et corrigé Dans chaque cas, les auteurs dégagent avec précision l'évolution des principaux genres : roman, poésie, théâtre. Ils mettent en relief B. Potier - B. Darbord les traits caractéristiques des grandes variantes nationales et régionales de la littérature La langue espagnole. anglophone. Éléments de grammaire historique

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