PINAR - JUÁREZ (ed.) CONTEXTOS FUNERARIS (s.V-VIII) Gausac 34-35 2009 273-291

AUX PORTES DE , LE CIMETIERE MEROVINGIEN ET CAROLINGIEN DU MOURAUT (VERNET, HAUTE-GARONNE)

DIDIER PAYA*

RESUM

El conjunt funerari d’època merovíngia i carolíngia de Le Mouraut es localitza a les rodalies de Tolosa, antiga capital dels gots. L’estudi de 316 tombes ha tret a la llum la probable presència d’una població d’origen got, que hauria sepultat els seus difunts en un cementiri autòcton. Les estructures funeràries s’adapten a la geolo- gia local, que no permet l’extracció i l’ús de materials sòlids. La fusta es mostra com la matèria primera més utilitzada, sota la forma de taüts.

RESUMEN

El conjunto funerario de época merovingia y carolingia de Le Mouraut se localiza en las cercanías de Toulouse, antigua capital de los godos. El estudio de 316 tumbas ha descubierto la probable presencia de una población de origen godo que habría sepultado a sus difuntos en un cementerio autóctono. Las estructuras funerarias se adaptan a la geología local, que no permite la extracción y uso de materiales sólidos. La madera se muestra como la materia prima más utilizada, en forma de ataúdes.

SUMMARY

The Merovingian and Carolingian funeral site of Le Mouraut is located near Toulouse, the ancient capital of the Goths. The research of 316 graves brought to light the likely presence of a population of Gothic origin, which buried the dead in an autochthonous cemetery. The funerary structures are adapted to the local geolo- gy, which does not allow the extraction and the use of solid materials. Thus wood appears to be the most used raw material, under the form of chests.

Codis, Códigos, Codes UNESCO: 550301, 550403, 550501

* INRAP/CNRS FRE 2960

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1. Présentation1

1.1. Le site Le cimetière du Mouraut se situe au sud de la commune de Vernet sur la rive droite de l’Ariège dans un contexte de basse plaine (fig. 1). Néanmoins, d’un point de vue topographique, le gisement occupe une petite élévation dans un paysage de plaine au relief peu marqué, avec un dénivelé vers le sud-est et vers le sud.

Grâce aux observations géomorphologiques, nous avons pu savoir que les tombes étaient ancien- nement organisées sur une terrasse fluviatile émer- gente dans une zone marécageuse (fig. 2). Le cime- tière n’est pas complet puisque si les limites de la zone d’inhumation ont été observées sur trois de ses côtés, il apparaît clairement que les tombes s’étendent vers le sud-ouest. Ainsi, il est impossible de savoir si la fouille a permis l’exploration d’une partie majeure ou mineure du champ d’inhumation. L’ensemble reste important puisque c’est 321 sujets (squelette ou partie de squelette en connexion anato- mique) et 316 tombes qui ont été fouillés.

1.2. Méthode d’étude De manière générale, l’étude de l’archéologie d’un cimetière médiéval distingue les informations Fig. 1. Localisation du site du Mouraut. d’origine stratigraphique (topographie et architecture de la tombe, mobilier, chronologie relative) de celles de nature plus anthropologique (position et taphonomie, sexe et âge, biologie).

Pour le site du Mouraut, la mise en phases chronologiques a été construite à partir d’informa- tions concrètes communes à toutes les tombes. La plus importante est la position stratigraphique de la sépulture. Les éventuels recoupements et les super- positions permettent d’établir une chronologie rela- tive de certaines tombes par rapport à d’autres. Un diagramme stratigraphique a donc été établi à partir des observations faites sur le terrain. La définition des phases principales est ensuite finalisée à partir des diagrammes obtenus et en fonction d’éléments datant comme le mobilier métallique et l’utilisation de la datation au radiocarbone.

1.2.1. Phasage fourni par le mobilier Le mobilier découvert dans les tombes, et associé aux sépultures, est caractéristique de l’époque mérovingienne. Il a été classé chrono- logiquement à partir du phasage général de ces types d’objets proposés par R. Legoux, P. Périn et F. Vallet (Legoux et al., 2004). Ce tableau de clas- sification donne : proto-mérovingien (PM) (avant 450/480), mérovingien ancien (MA) en trois époques (I, vers 450/480-vers 520/530 ; II, vers 520/530-vers Fig. 2. Plan du site du Mouraut.

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560/570 ; et III, vers 560/570-vers 600), et enfin 1.2.4. Découpage chronologique proposé mérovingien récent (MR) (I, vers 600-vers 630/640 ; Au terme de la mise en œuvre de la méthode II, vers 630/640-vers 670/680 et III, 670/680-début choisie, chaque tombe concernée appartient à une VIIIe siècle). Pour des raisons de simplicité les mobi- phase faisant référence à la chronologie générale- liers plus récents ont été comptés dans l’époque MR ment admise pour les objets : III qui de fait se prolonge au-delà de 700. Phase 1 : avant 450/480-vers 520/530 (PM et MA1), Ce premier classement du mobilier du site Phase 2 : vers 520/530-vers 600 (MA II et III), aboutit à une datation de chaque tombe contenant Phase 3 : vers 600-vers 670/680 (MR I et II), du matériel. Ce phasage n’est utilisable que sur les Phase 4 : vers 670/680-Xe siècle (MR III et plus 39 %, en moyenne, de tombes contenant du mobilier. récent). Ce pourcentage peut atteindre 50 % pour les sépul- tures de la phase 3, et seulement 15 % pour la phase 2. Les résultats la plus récente (phase 4). Un premier plan de réparti- tion des tombes datées par ce phasage ne révèle pas 2.1. L’organisation du cimetière de véritables concentrations de tombes à mobilier. Le phasage et l’identification des différents Seuls deux secteurs, au nord et à l’est semblent pré- groupes de tombes du site permettent de cer- senter une absence d’objets associés aux sépultures. ner l’évolution chronologique de l’aire funéraire. Par phase chronologique, on ne remarque pas non Globalement, les pourcentages de tombes par phases plus de zones clairement déterminées. Pour autant, montrent déjà un classement des groupes et sous- l’absence de tout cas d’association d’objets de phases groupes du sud vers le nord. différentes au sein d’une même sépulture semble assurer la fiabilité des datations proposées. Tous les Une restitution des courbes de relief à par- secteurs paraissent abriter des tombes de toutes les tir des mêmes données, exprime un modelé envi- époques. Au mieux, il est possible de distinguer une sageable pour une profondeur d’inhumation certaine évolution du sud au nord avec des sépul- constante. Il en ressort que le site se présentait tures tardives plus nombreuses vers le nord-est du sous la forme d’une croupe d’axe nord-sud pour cimetière. sa partie méridionale puis d’axe nord-est/sud- ouest pour sa moitié septentrionale. Un espace sans 1.2.2. Chronologie relative et orientation tombe est visible sur la partie la plus élevée du site. Pour préciser et étendre le phasage fournit L’arasement tardif de cette zone centrale aurait fait par le mobilier, il faut recourir aux cas de chrono- disparaître l’essentiel des tombes de ce secteur, ou logie relative entre tombes et aux orientations com- une occupation de ce secteur par une voie de circu- munes. En effet, on constate pour plusieurs secteurs lation, elle aussi détruite postérieurement. Cette der- du cimetière une convergence d’orientations des nière aurait imposé une contrainte topographique sépultures pour une même zone topographique. forte. Si la seconde hypothèse semble plus en accord Certains de ces ensembles forment des groupes avec les effets d’alignements manifestes des groupes séparés, d’autres se distinguent par des alignements de sépultures voisins, la présence de tombes éparses communs de tombes, conséquences d’une réparti- dans cette zone ne permet pas de trancher la ques- tion topographique commune. tion. La chronologie même du cimetière et la situa- tion topographique des différents groupes impli- 1.2.3. Datation au radiocarbone quent aussi qu’une hypothétique voie de passage n’a

Le recours aux datations C14 avait plusieurs pas toujours suivi le même parcours. objectifs. Dans le sud de la , la présence de mobilier attribué aux sépultures habillées pose tou- 2.1.1. Phase 1 (fig. 3) jours de nombreuses questions : les repères chro- Les groupes les plus anciens occupent le sud nologiques établis dans les régions septentrionales du cimetière. Les tombes de cette phase constituent sont-ils valides ? Quelle datation donner à une d’abord une trame dont la régularité est remar- sépulture sans mobilier ? Existe-t-il un rapport entre quable. Dans le groupe A, les sépultures sont ali- chronologie des objets, organisation du cimetière gnées en rangées parallèles, séparées d’un entraxe et typologie des tombes ? Pour tenter de répondre de 2 m en moyenne. À certains endroits de ces ran- partiellement à ces questions, il était donc nécessaire gées, des espaces paraissent avoir été laissé vacants. de pouvoir confirmer d’une part les datations pro- posées pour le mobilier et donc le phasage du site, Dans le groupe B, la trame est moins régulière et d’autre part d’établir ou non la cohérence chro- pour l’espacement entre les tombes. Les rangées nologique de tel ou tel groupe, de tel ou tel mode parallèles adoptent néanmoins l’orientation générale d’inhumation. du groupe. Ces alignements ne semblent pas tenir

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Fig. 3. Phase 1 du cimetière (avant 450/480 – vers 520/530).

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Fig. 4. Phase 2 du cimetière (vers 520/530 – vers 600).

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Fig. 5. Phase 3 du cimetière (vers 600 – vers 670/680).

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Fig. 6. Phase 4 du cimetière (vers 670/680 – Xe siècle).

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compte d’un espace vacant commun qui sépare le breux. À l’image des quelques cas du groupe A, groupe en deux entités, nord et sud. Ce type de vide ces dernières peuvent se limiter à des côtoiements, se retrouve entre les différents groupes constitués de sans destructions, transgressant l’orientation ou les sépultures de la première phase. En effet, plus à l’est, alignements (131, 142, 137, 127). Cependant, un nou- le groupe C se distingue des deux autres groupes à veau type de succession de sépulture apparaît dans la fois par son orientation distincte mais aussi par les le sous-groupe B1. Les inhumations 173A, 143A, espaces qui les séparent. 177B, 139A causent le bouleversement de sujets anté- rieurs. Une partie ou la totalité du squelette est alors Le groupe C, qui semble faire la soudure topo- repoussée, ou le sujet est entièrement réduit comme graphique entre les groupes A et B, ne suit aucune pour 139B. de leurs orientations d’alignements. Il apparaît même sans véritable organisation propre si ce n’est Le groupe C présente sensiblement la même une densité centrale plus marquée. évolution que le groupe B. Les tombes nouvelles s’intercalent jusqu’à créer un alignement central peu La phase 1, la plus ancienne, présente des évident en phase 1. Certaines sépultures anciennes tombes réunies dans une zone homogène, selon restent toutefois assez isolées (217). à l’ouest, de des ordres apparemment déjà réglés par des aligne- nouvelles inhumations (124, 155, 175) occupent l’es- ments. Toutefois, l’émergence de noyaux distincts pace vacant entre les groupes A et B tout en respec- est visible par le biais de groupes d’orientation com- tant plutôt l’orientation du groupe C. On peut y voir mune organisés selon des trames plus ou moins la formation d’un éventuel sous-groupe. Comme strictes. pour le groupe B, les associations de tombes se font par proximité (243, 279) ou par recoupement (180). 2.1.2. Phase 2 (fig. 4) Les tombes appartenant à la phase 2 sont La phase 2 est caractérisée par la création de réparties de manière bien plus différenciée que pour deux nouveaux ensembles de tombes : groupe D la phase 1 des groupes A, B et C. Dans le groupe et groupe E. Dans le premier cas, il s’agit d’aligne- A, on peut saisir une évolution de cette répartition ments répartis selon un axe nord-sud et détachés du sud vers le nord. Dans le sous-groupe A1, deux du groupe A. Le mauvais état de conservation des tombes seulement sont implantées dans la trame inhumations et le faible nombre de sépultures ne ancienne. Ces inhumations s’inscrivent alors dans permettent de saisir une organisation particulière, le respect des alignements et des espacements de sinon trois éventuels sous-groupes. Dans le second ce secteur. Dans le sous-groupe A2, neuf nouvelles cas, les sous-groupes sont nettement plus évidents. sépultures sont associées aux plus anciennes. Pour Le groupe E apparaît en deux sous-groupes sépa- certaines, elles sont placées dans les espaces vacants rés par un espace d’une quinzaine de mètres de dans les alignements (182, 170, 171) ou en association longueur. Au sud, le sous-groupe E1 est un petit avec les tombes de la phase 1 (95 avec 175, 98 et 100 alignement de tombes observant une toute nouvelle avec 226). Pour d’autres, elles disposées de manière orientation sur le site. Tout au nord, le sous-groupe à former un nouvel alignement, décalé par rapport E3 suit la même orientation qu’E1 tout en composant aux précédents, aboutissant à une répartition en un ensemble compact et cohérent. quinconce (97, 99, 116). Dans le sous-groupe A3, les tombes de la phase 2 sont désormais aussi nom- L’évolution topographique du cimetière en breuses que celles de la phase 1. Elles occupent des fonction des deux premières phases livre une des espaces vacants dans les alignements (248, 152, 114) premières clés de son organisation. L’exemple des ou en alignements (117, 107, 118, 310). On trouve nouveaux sous-groupes durant la phase 2 est claire- aussi des associations avec des sépultures anciennes ment la suite d’un processus existant en phase 1. En (242 avec 290), parfois en véritables superpositions effet, on constate que les sous-groupes de la phase (108 sur 150, 126 sur 129). ancienne connaissent une évolution propre, plus ou moins dynamique, tout en obéissant aux aligne- Pour le groupe B, l’adjonction des nouvelles ments des groupes A et B. Les sous-groupes A3 et B1 tombes affirme une répartition en trois sous-groupes abritent un grand nombre de nouvelles sépultures distincts. Les alignements communs sont respectés, alors que les groupes A1 et B3 sont presque atones. mais la densité de chaque sous-groupe est diffé- Le groupe C suscite aussi de nouvelles sépultures rente : seulement un tiers de créations pour le sous- dans son secteur central ou sur sa marge occidentale. groupe B3, la moitié pour B2, plus de la moitié pour Ce « remplissage », parfois conséquent, d’espaces B1. Dans la majorité des cas, les sépultures de cette laissés vacants dans les premiers alignements, est la phase s’intercalent dans les alignements existants, marque d’une évolution chronologique par groupes mais les exemples d’associations sont plus nom- et sous-groupes. La volonté de respect des aligne-

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Fig. 7. Sépulture 145 : 1, ferret à double languette et extrémité zoomor- phe ; 2, plaque-boucle et ardillon ; 3, bouclette et ardillon ; 4, fibule dis- Fig. 8. Sépulture 267 : 1, boucle d’oreille en croissant ; 2, boucle et ardi- coïde cloisonnée ; 5, bague polygonale inscrite ; 6, fibule discoïde et perle llon tronconique. oignon ; 7, objet de toilette, deux perles annulaires jaunes, une perle annu- laire bleu, une perle annulaire noire, une perle annulaire polyédrique bleu foncé, une perle annulaire orange à filets jaunes, une perle ronde noire à vent avec perturbation, généralement concentrées filets et disques opaques : 9, plaque-bouclette et ardillon ; 10, perle côtelée dans des zones précises : 112,103 et 105 en A2 ; 163 et noire ; 11, perle annulaire claire, deux perles oignon, une perle tubulaire noire ; 12, perle côtelée noire et une perle tubulaire noire. 172 au centre du groupe B ; 260, 270, 257, 261, 272 et 265 au centre du groupe C.

ments et des orientations des groupes, les exemples Dans le groupe E, les tombes de la phase de cas de succession de sépultures sur un même complètent parfaitement les agencements instau- emplacement, la création de nouveaux sous-groupes rés en phase 2. Malgré leur éloignement, les sous- distincts des premiers, corroborent une organisation groupes E1 et E3 respectent des alignements com- polynucléaire dans une répartition générale des muns. L’intervalle est gagné par de nouvelles sépul- groupes plus linéaire du sud au nord du site. tures composant le sous-groupe E2, toujours sur les mêmes alignements. L’évolution de ce groupe 2.1.3. Phase 3 (fig. 5) confirme les observations faites pour les phases Les tombes attribuables à la phase 3 du site précédentes : extension du champ funéraire vers le sont peu nombreuses dans les groupes les plus nord-ouest par création de sous-groupes à dyna- anciens (A, B et C). Certains sous-groupes en mique autonome. On notera la raréfaction d’asso- sont totalement dépourvus. Toutefois, les sépul- ciation de sépultures d’adultes, et la disparition de tures recensées paraissent s’implanter suivant les toute succession directe avec perturbation (cas acci- mêmes règles que durant les phases précédentes. Les dentel de 42 et 39 excepté). tombes s’inscrivent dans les alignements prédéfinis quand la place existe : 106, 110 et 115 dans le sous- L’organisation polynucléaire dans le long groupe A3 ; 266 et 162 dans le groupe B, 125 133 261 terme est à présent très significative. L’activité funé- ou 257 dans le groupe C. La répartition de ces raire s’est arrêtée, totalement ou presque, dans cer- tombes tend aussi à combler les espaces qui sépa- tains sous-groupes anciens (A1 et A2, B1 et B2), alors raient les groupes ou/et les sous-groupes : 162, 172, que dans d’autres elle reste dynamique, au centre du 133, 128, 207, 198. Mais la caractéristique majeure groupe C notamment. La poursuite de créations de de ces quelques sépultures en secteurs anciens est nouveaux sous-groupes, selon les mêmes mécanismes dans la volonté de succession et d’association à des que durant les phases 1 et 2, démontre non seulement tombes déjà existantes (douze sur 20). Elle se traduit que les tombes les plus anciennes sont encore visibles par des superpositions au même emplacement, sou- et respectées, mais encore qu’elles conditionnent le

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Fig. 9. Sépulture 196 : 1, scramasaxe court ; 2, couteau, un fragment de Fig. 10. Sépulture 83 : 1, plaque-boucle rectangulaire, tôle d’argent perle, une bouclette, une bouterolle, un rivet ; 3, monnaie, imitation à estampée, ardillon et deux bossettes ; 2, fibule en arbalète ; 3, fibule de l’effigie de Tétricus I, émise à partir de 272 ? ; 4, boucle et ardillon déco- type Duraton ; 4, perle annulaire. rée d’une croix ; 5, perle verte tronconique ; 6, scramasaxe long et chape d’entrée de fourreau. 2.2. La sépulture

choix du lieu d’inhumation en fonction d’une appar- 2.2.1 Le mobilier tenance communautaire qui reste à définir. Durant la phase 1, les groupes A et C pré- sentent des caractéristiques culturelles différentes 2.1.4. Phase 4 (fig. 6) du groupe B où deux sujets féminins (145 et 167) La phase 4, la plus tardive, apparaît comme pourrait être considérer comme habillé à la mode une rupture dans l’organisation du cimetière. On franque de la première moitié du VIe siècle (fig. 7). ne décompte aucune tombe de cette période dans Le groupe A est partiellement connu par la fouille les groupes dont la création est antérieure. Le sous- (estimation d’une quantité équivalente de tombes groupe E2 apparaît comme l’exception qui confirme non fouillées). Il est caractérisé par des parures fémi- la règle. En effet, les nouvelles sépultures sont asso- ciées aux tombes qui appartenaient toutes à la phase nines de type goth dans une organisation ordonnée précédente. S’il ne semble pas surprenant de consta- et régulière (79, 83, 91 et 104). Les parures féminines ter la fin du fonctionnement des groupes les plus sont homogènes, composées d’une paire de fibules anciens (A, B et C), l’arrêt de l’activité funéraire portées sur les épaules, de grandes plaques-boucles des derniers sous-groupes fondés en phase 2, et avec une tôle d’argent et de collier comportant des utilisés en phase 3, indique un changement d’op- perles miniatures associées à quelques perles mar- tique important. Deux groupes pouvant appartenir ginales typiques d’Europe centrale. Nous devons à cette phase tardive apparaissent en fait selon de souligner, car c’est important, l’absence de grandes nouvelles modalités. Le groupe F, situé à l’est du fibules en tôle d’argent et leur dérivé en alliage cui- principale ensemble, indiquerait un déplacement vreux. de la zone de sépultures, mais peu étendu et limité dans le temps. Le groupe G, au nord, est associé aux Les parures masculines sont réduites, groupes anciens mais s’en distingue par une organi- avec une plaque-boucle ou une boucle ornées sation d’apparence désordonnée. Bien que les orien- de damasquinures de première génération qui tations des tombes de ce groupe puissent s’associer correspond à la mode des hommes du Ve siècle par leur différence avec les groupes voisins (B et E), dans toutes les provinces de l’Empire. Les parures on ne distingue aucun alignement ni agencement masculines sont dépourvues de caractères ostenta- particulier. toires.

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la question de l’intégration d’éléments appartenant à la fédération wisigothique au sein de la population locale et la présence de clans ostrogoths postérieurs à la conquête de la Tarraconaise. L’existence de deux groupes distincts est encourageante car cela complexifie la question des apports extérieurs. Il convient maintenant de mieux définir le groupe A pour préciser à quel moment apparaît le faciès goth et comment s’intègrent les femmes avec une parure dans la structure sociale locale. Les sépultures 79, 83, 91 et 104 sont des sujets féminins portant un mobilier datable, au plus tard, du 3e tiers du Ve siècle (fig. 10). Mieux définir le groupe C correspond à l’étude approfondie du mobilier afin de bien le

Fig. 11. Radiographie du crâne du sujet de la tombe 82 (phase 1) (colo- dater, pour valider ou non une présence exogène e umbeix, 2009, pag. 58, fig. 19 radiographie réalisée par M. Bessou). nouvelle, d’origine danubienne, vers la fin du V siècle. Le groupe C est clairement distant du pré- Les phases suivantes doivent obligatoi- cédent. Des parures féminines (sep. 269 et 287) rement être corrélées avec l’étude topographique datables, au plus tard du 3e tiers du Ve siècle, et une du site. L’étude du mobilier établie pour ce rap- autre masculine (sep. 196) de niveau aristocratique port démontre l’absence de traces culturelles exo- sont au centre du groupe. Ce groupe de tombes a gènes dans le VIe siècle. Les suites immédiates de aussi livré des boucles d’oreilles en croissant (217 la conquête des Francs en 507 restent sujettes à dis- et 267). Le sujet 267 présente d’ailleurs un mobi- cussion pour le site du Mouraut. L’influence des lier datable de la seconde moitié du Ve siècle voire modes septentrionales est vraiment perceptible vers du milieu de ce siècle) (fig. 8). Notons enfin que le la fin du VIe siècle, soit deux générations après la mobilier du sujet 196 pourrait, avec une élémentaire conquête. Elle est soit atypique, soit elle est mêlée prudence, attribuable à un faciès franc datable entre au développement d’une toreutique locale. Ainsi, 520/530 et 550 (fig. 9). les plaques-boucles en fer à plaque ronde peuvent être dérivées de modes provinciales et les plaques- Habituellement, l’appropriation d’un costume boucles avec inclusion de fils d’argent dans l’émail, traditionnel est corrélée aux événements historiques dont les parallèles sont présents au nord-ouest du connus et n’est jamais dissociée d’un apport exté- Bassin Parisien, vont donner naissance à des types rieur de population. Pour la Gaule méridionale et régionaux. Toutes les damasquinures de seconde l’Espagne, les interprétations varient, en particulier génération sont tardives, elles apparaissent vers le en raison de l’absence des plaques à tôle d’argent, second quart du VIIe siècle. avérée avant les découvertes du Mouraut, sur le territoire du Royaume wisigothique de Toulouse. Au Mouraut des groupes de tombes se sont P. Périn a mis en relation l’apparition du faciès démarqués, ils ont des caractères culturels spéci- culturel goth en Espagne avec les troupes orien- fiques. Nous devons nous poser la question de l’ins- tales du roi Goth Vidimer qui a assisté Euric dans tallation des Goths au lendemain de leur immense ses campagnes en Tarraconaise (Périn, 1993). Pour pérégrination, vers 420 ap. J.-C. dans la communauté d’autres chercheurs, ces objets sont wisigothiques. rurale autochtone. V. Bierbrauer explique la réapparition de l’inhuma- tion habillée chez les wisigoths par le contact avec Il est fondamental, car c’est la première fois les Francs, à partir de la conquête de l’Aquitaine en que cela est possible dans le Sud-Ouest, de travailler 507 (Bierbrauer, 1997). Pour G. Ripoll, les objets sur une synthèse culturelle en synergie avec la nou- témoignent des contacts entre l’Espagne et la Gaule velle génération de chercheurs espagnols, avec les expliqués par l’exogamie (Ripoll, 1992). archéologues qui travaillent sur la Septimanie, avec les problématiques rencontrées dans les fouilles Pour la première fois, car il s’agit d’une fouille d’Europe centrale. Si la présence de la population récente et parce que nous sommes dans l’aire géo- gothe est bien attestée au Mouraut, toute interpré- graphique de l’installation des Goths, nous pour- tation historique et chronologique qui ferait l’écono- rons revoir la problématique de l’apparition du mie d’une recherche européenne novatrice, abouti- faciès goth qui ne peut plus être basée sur son rait à des conclusions déjà lues et uniquement basées absence dans le Sud-Ouest. Nous aborderons alors sur des critères typologiques.

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2.2.2. L’inhumation habillée, les dépôts permettant, a priori, de fermer un linceul. Le linceul d’éléments de parure, les linceuls ne semble pas avoir remplacé l’inhumation habillée, puisque dans les textes du VIe siècle, il est stipulé que On dit être en présence d’une inhumation celui qui a droit à une sépulture chrétienne doit avoir avec parure lorsque la fouille d’une tombe livre le corps lavé, être revêtu d’un linceul et porté à l’église des éléments appartenant à un vêtement. L’objet pour une messe (Pietri, 1986, pag. 135). peut être considéré comme porté par le défunt au moment de l’inhumation.2 D’autres fois il semble 2.2.3. Les monnaies que des éléments d’habillements ont simplement été Six monnaies ont été découvertes. Elles peu- posés à proximité du corps.. Les pièces d’habillement vent être considérées comme de simples dépôts de découvertes sont le plus souvent des boucles de monnaies anciennes sans signification, mais on peut ceintures (ou des plaques-boucles), des bijoux, des aussi, sans surenchère, interpréter plus finement l’in- vestiges de tissu. On doit aussi prendre en compte térêt de trois d’entre elles. certains objets que nous pouvons qualifier d’acces- soires d’habillement, tels des couteaux, ceintures qui La maiorina de Magnence à légende Salus Dd Nn sont disposés sur le défunt ou à proximité dans la Aug et Cae porte au revers un large chrisme, qui occupe tombe. Ces pièces pourraient, a priori, être considé- tout le champ de la pièce. Cette monnaie fut décou- rées comme des dépôts liés à la sépulture plus qu’au verte sous le bras gauche du défunt de la sépulture 13 vêtement d’un défunt. Cependant, dépôts et acces- (phase 2). Ce symbole éminemment chrétien apparaît soires d’habillement répondent à des pratiques qui sous Constantin après sa vision de 312 et figurait pour évoluent et n’ont pas toujours les mêmes périodes de la première fois sur un médaillon d’argent émis en 315 développement et d’apogée. à Ticinum sur le casque de l’empereur (Kent, 1981, 364). Magnence a ensuite utilisé ce symbole propa- Le lien est souvent fait entre l’apparition de gandiste sur ses maiorinae et demi maiorinae lors de son la tombe habillée et les «invasions barbares». Les opposition à Constance II pour affirmer sa légitimité au Goths sont installés en Gaule méridionale au plus pouvoir en ralliant à sa cause les troupes occidentales tard en 418. Au Mouraut, la présence gothe n’est pas de l’Empire (López Sánchez, 2001). Loin de ces problé- à démontrer : le mobilier permet d’attester de la pré- matiques historiques, le choix volontaire de cette mon- sence de Goths, vraisemblablement à partir de 420. naie pour accompagner le mort dans sa tombe semble D’une part par le mobilier mais aussi par la présence évident compte tenu de l’importance et de l’aura de de sujets présentant une boucle d’oreille en croissant ce symbole. D’autres signes chrétiens se retrouvent de type « hunnique ». D’autre part, on remarque la d’ailleurs parmi de nombreux autres sujets exhumés présence de crânes déformés (tous dans la groupe A dans le cimetière du Mouraut, notamment sur certains de la phase 1) (fig. 11). Notons que les sujets à crâne rivets et sur plusieurs plaques articulées. déformé ne présentaient pas de boucle en croissant, mais que certains sujets féminins sont affublées d’un Il en va de même pour le bronze constantinien mobilier goth (sujets 83 et 91) (fig. 10). On a émis au revers Beata Tranquillitas, retrouvé aussi sous le l’hypothèse que la déformation crânienne était une bras gauche du défunt de la sépulture 57 (phase 2). influence des Huns auprès des Goths (Billard et Si la légende du revers de la monnaie était peu lisible Simon, 1995, pag. 27). Nous espérons avoir quelques ou peu compréhensible pour le commun des mortels résultats sur l’origine ethnique dans un proche ave- du VIIe siècle, la représentation du revers associant nir grâce à une étude sur l’A.D.N. ancien. un globe posé sur un revers était bien nette. Ce thème de « l’heureuse tranquillité » semble en effet particu- La dernière phase du cimetière montre un lièrement bien choisi pour accompagner le mort dans appauvrissement en quantité, puis une disparition du sa tombe. Notons, pour information, qu’une seconde mobilier dans les tombes. Les raisons de la disparition monnaie déposée dans la sépulture est en revanche des sépultures avec parures et autres dépôts assimilés indéterminée, même s’il s’agit sûrement d’une petite sont moins souvent abordées que les raisons de leur imitation du milieu du IVe siècle. apparition ; mais il est possible que ce soit le fait des classes sociales favorisées, qui ont diffusé un idéal de La dernière monnaie recueillie, provenant de la simplicité (Treffort, 1996, pag. 73). Le mobilier se res- sépulture 124 (phase 2), est un « vieux » denier fourré treint donc à partir de la seconde moitié du VIIe siècle de Tibère au revers Pontif Maxim. Cette monnaie était à de rares boucles et agrafes à double-crochet. Ces percée, certainement pour être montée en pendentif, éléments sont susceptibles d’avoir fermés des linceuls. mais sans que l’on puisse préciser si cette perforation C’est vraisemblablement le cas de la sépulture de la était contemporaine de la circulation de cette monnaie tombe 280. Une agrafe à double-crochet a été décou- au Ier siècle ou si elle est intervenue postérieurement. verte derrière le crâne, c’est un emplacement typique L’intérêt de cette monnaie réside sans aucun doute

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dans son aspect argenté qui lui conférait un aspect 2.2.4 Influences des âges, du sexage et du bien différent des autres pièces en circulation. D’une mobilier part parce que ces découvertes sont plus rares que La répartition du recrutement par sexes et par celles des monnaies de cuivre ou de bronze ; d’autre âges montre une certaine influence de ces caractères part, parce que les espèces d’argent ne circulaient dans la constitution des groupes en fonction des pas ou très rarement dans cette partie du sud de phases. La localisation des tombes des sujets de plus la France. Suite à l’arrêt des frappes de bronzes en de trente ans des deux sexes est particulièrement Occident, vers 408-425, c’est l’or qui est principale- remarquable. Dans la phase 1, ces inhumations sont ment frappé dans les ateliers impériaux, les espèces regroupées de manière significative. Dans le groupe d’argent ne jouant qu’un rôle insignifiant dans la A, elles se concentrent sur les deux alignements circulation. Les solidi, mais surtout les tremisses seront principaux, notamment celui qui définit la bordure ensuite frappés par les nombreux peuples installés orientale de sous-groupes A2 et A3 : 89, 226, 245, en Gaule et circulent jusqu’à la fin du VIIe siècle. Les 235, 230, 290. Toutes les autres sujets de ce secteur, émissions monétaires mérovingiennes en argent sont sauf 104, sont des individus plus jeunes répartis sur particulièrement rares : seuls les ateliers géographi- les alignements plus à l’ouest. De manière différente quement proches de Cahors et de Rodez, frappent mais tout aussi significative, les adultes de plus de quelques deniers, mais avec un titre d’argent particu- trente ans du groupe B se répartissent régulière- lièrement bas. Plus que la légende Pontif Maxim asso- ment dans le groupe. Les espaces entre ces sujets ciée à une divinité féminine, représentation païenne sont alors assez importants et plus ou moins utilisés loin des aspirations chrétiennes de l’époque, c’est l’as- pour les tombes d’individus plus jeunes. En groupe pect encore argenté de ce mauvais denier, qui devait C également, on note un regroupement central de lui conférer toute son importance. Le choix particulier sept sujets de plus de trente ans sur les huit identi- de cette monnaie doit encore ici être considéré comme fiés : 267, 269, 287, 308, 146, 312, 313. Dans les trois intentionnel, témoignage d’une attention particulière groupes, les sujets les plus âgés tiennent donc une envers le défunt plus qu’une offrande par défaut. position particulière. En revanche, ni le sexe, ni les différents âges des immatures se semblent induire D’autres cas de ce type peuvent être cités d’organisation particulière. parmi lesquels celui de monnaies déposées sur les orbites et dont les types monétaires ont été judicieu- Durant la phase 2, la notion d’âge continue sement choisis : Jean-Pierre Callu cite, parmi d’autres d’influencer la répartition des tombes. Dans le exemples (Callu, 1987), une tombe du cimetière groupe A, la plupart des sujets de plus de trente d’Epiais-Rhus (Val-d’Oise) où les yeux du défunt ont ans (248, 95, 305) prennent place dans les espaces été voilés par deux bronzes de Magnence au chrisme. vacants des alignements réservés à cette classe d’âge L’association de ce symbole avec le regard du mort se répartissent ailleurs sauf dans les cas d’associa- paraît évidente. On la retrouve à l’identique dans tions de tombes. Dans les groupes B et C, on ne une sépulture d’un cimetière de Metz (Moselle) (de trouve plus aucun adulte de plus de 30 ans alors que Filippo, 1997) où les orbites avaient été cachés par la densité d’inhumation reste forte, en particulier deux bronzes constantiniens au revers Soli Invicto dans le groupe B. La seule exception à la règle est Comiti, « le compagnon du soleil invincible ». De tels le sujet 124 qui inaugure en fait une sorte de sous- exemples, s’ils ne sont pas systématiques, méritent groupe entre les trois groupes anciens. Ce cas d’un d’être signalés et attestent de l’intérêt de la symbo- adulte « âgé » à l’origine d’une colonisation d’un lique figurant sur ces monnaies dans le choix de l’of- nouvel espace, se répète de manière encore plus frande destinée au défunt, qu’il s’agisse d’une pièce évidente dans le groupe E avec le sujet de la tombe ancienne ou non. Malheureusement, ces « vieilles » 39. Dans ce groupe, le sous-groupe E3, isolé au nord, monnaies ont souvent été peu considérées par les apparaît aussi avec trois sujets de plus de 30 ans : 48, numismates (et le sont encore actuellement...) qui 49, 50. préfèrent s’attacher à l’étude des espèces contem- poraines des sépultures. Un inventaire détaillé et Le processus initié dans les deux premières systématique des monnaies recueillies, qu’elles soient phases se poursuit en phase 3. Plus aucun adulte de gauloises, romaines ou d’époque mérovingiennes, plus de 30 ans n’intègre les groupes A, B et C. Dans s’impose lors de telles trouvailles. La fréquence des le groupe E, ces sujets s’insèrent auprès des tombes thèmes iconographiques recensés permettra peut- de la phase précédente (53, 255), génèrent des aligne- être de mieux cerner le caractère intentionnel ou non ments (210, 275) et le sous-groupe E2 (21). Bien que de certains de ces dépôts. C’est aussi le propos de l’organisation des tombes de la phase 4 soit moins Claudia Perassi qui a parfaitement saisi l’intérêt de ordonnée, elle ne déroge pas à cette caractéristique tels messages sur les dernières monnaies offertes aux de formation et d’évolution. À terme, il faut consta- défunts (Perassi, 1999). ter que la création de nouveaux groupes, ou sous-

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Fig. 12. Coffre en tegulae (tombe 196 de la phase 1).

groupe, est nécessairement lier à une tombe d’un adulte de plus de 30 ans. Ces « anciens » ne trouvent pas de place dans les groupes déjà établis, qui dès la phase 2, ne semblent plus recevoir que les défunts les plus jeunes sans distinction de sexe.

L’influence de l’âge dans le processus d’orga- nisation du cimetière apparaît d’autant plus impor- tante que ce paramètre interfère aussi dans la nature du mobilier présent dans les tombes. Si la position Fig. 13. Tombe 80 (phase 1), cercueil avec mise en évidence des clous. des objets en fonction de leur usage supposé (boucle d’oreille, boucle et plaque-boucle de ceinture ou cou- la proportion de plaque-boucles parmi les tombes à teaux), paraît n’avoir que peu varié lors des phases mobilier ne faiblit pas : 22, 22 % pour la phase 1 ; 31, successives, la présence de certains d’entre eux est 91 % en phase 2 ; 32 % pour la phase 3. Cette corré- fréquente pour les phases 1 et 2, plus anciennes. lation entre mobilier et âge pour la phase 1 renforce Les fibules, boucles d’oreilles, peigne, aumônière la signification et la validité de l’hypothèse de l’or- ou bélière, sont caractéristiques de ces phases, tout ganisation topographique préférentielle présentée comme la présence de deux boucles de ceinture pour précédemment. un même sujet. Les peignes, tous en phase 1, ou les couteaux (2 en phase 1, 14 en phase 2, 2 en phase 3) 2.2.5. La position du défunt sont particulièrement significatifs de ce phénomène. Pour les premiers chrétiens, les défunts sont généralement allongés sur le dos, la tête est parfois La répartition de ces mobiliers semble éga- soutenue par un coussin, les avant-bras étendus lement dépendante du sexe du défunt : les cou- le long du corps, les membres inférieurs rarement teaux ou le port de plusieurs boucles est masculin, serrés. Cette posture du corps peut aussi faire pen- le peigne et les fibules sont féminins. Elle est aussi ser au « dormant », si le défunt n’est pas considéré dépendante de l’âge. En effet, on note que l’associa- comme réellement mort.3 Au Mouraut, la position tion fibule-boucle d’oreille est une exclusivité fémi- des mains disposées de part et d’autre du corps est nine de la phase 1, mais uniquement pour des sujets un critère déterminant en ce qui concerne la phase 1. de plus de 30 ans. Par la suite, les boucles d’oreilles D’une façon générale le corps apparaît disposé dans concernent plus particulièrement les juvéniles. De la tombe sans contrainte particulière. C’est à partir la même manière, à l’exception de la sépulture 196, du VIe siècle que l’on voit les pieds se rejoindre et seule détentrice d’armes (ou assimilable), tous les les avant-bras se croiser ou disposés sur le corps. porteurs de plaque-boucle de la phase 1 sont dans Parallèlement, un effort semble être porté au niveau la classe des plus de 30 ans, et aucun sujet de moins de la tête dont on s’attache à ce qu’elle « regarde » de 20 ans ne porte de matériau précieux (monnaie, vers l’orient plutôt que vers le ciel. or, grenat). Comme pour les boucles d’oreilles fémi- nines, cette distinction par l’âge pour les porteurs La position des avant-bras disposés sur le de plaque-boucle disparaît dès la phase 2 alors que bas-ventre est la plus pratique pour faire tenir un

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cadavre dans un espace restreint, ce qui n’est pas toujours le cas durant les premiers siècles du chris- tianisme (Paya, 1996, pag. 163). Cela se confirme au cimetière du Camp des Lacs (Millau, Aveyron), où les sépultures de ce type sont les plus nombreuses. La largeur maximale de la tombe se restreint le plus souvent à celle du haut du corps (Marlière et alii, 1998, pag. 97).

Ce phénomène de rétrécissement est parti- culièrement évident pour certains aménagements « anthropomorphes » : étroits au niveau des coudes, les bras et les avant-bras sont disposés dans l’axe du corps ou les avant-bras au niveau du bas-ventre (Paya, 1996, pag. 163).

Cette attitude (avant-bras croisés sur la poi- trine, ou mains posées sur le ventre ou le bas-ventre) Fig.14. Tombe 93 (phase 1), dimensions de la fosse et de la structure en bois. apparaît comme plus pratique lors du dépôt et même du transport du cadavre. Durant l’époque de tegulae est composé de six faces formées le plus « mérovingienne », le corps n’aurait pas encore souvent par des éléments complets. Ces tuiles plates, subi, que ce l’on peut qualifier de « lazarisation » constituantes du fond et du couvercle, sont disposées du corps (Treffort, 1996, pag. 67), c’est-à-dire qu’il tantôt dans le sens de la longueur, tantôt dans celui peut ressembler à Lazare, ressuscité par le Christ qui de la largeur, selon la taille de la structure. sortit du tombeau : « Les pieds et les mains liés par des bandelettes et le visage enveloppé d’un suaire. » Seuls deux structures ont été identifiées (Jean 11, 44).4 Nous entrons alors dans une période comme telles et appartiennent à la phase 1, la tombe durant laquelle, en dehors de problèmes exception- 196 (du groupe C) (fig. 12) et la tombe 230 (du nels, avec la structure funéraire et le linceul contrai- groupe A). La seconde tombe peut avoir été une gnant, tout concourt à un maintien du corps. Le but structure mixte. Aucun élément vertical n’ayant été étant d’empêcher l’éparpillement des os et certains découvert l’hypothèse d’un coffrage en bois est envi- déplacements qui ont pu très probablement être sageable. N’oublions pas toutefois que les labours et interprétés de façon négative (Paya, 1996, pag. 168). autre travaux agricoles ont pu être source de prélè- En ce qui concerne le Mouraut, les fonds concaves, vement de matériaux. aménagés logiquement dans un terrain difficile à travailler et relativement meuble ont certainement 2.3.2. Les cercueils accentué une tendance à la conservation de la forme Entrent dans la catégorie, tous vestiges consta- du corps, une tendance qui peut être considérée tés de contenants en matières putrescibles destinés comme précoce dans ce site. au défunt et solidarisé par des clous. Ne seront admises dans ce profil que les tombes dans les- 2.3. Les structures funéraires quelles ont été retrouvés à la fouille des clous placés de façon probantes. Les parois et le fond des cer- Les structures funéraires du Mouraut ne pré- cueils sont munis de traverses de renfort dont témoi- sentent pas un corpus très variés. En d’autres temps gnent des alignements de clous (fig. 13). Certains (révolus ?), l’absence de sarcophage aurait vraisem- sont plus frustes, puisque seuls les angles sont som- blablement fait qualifier le site d’inintéressant, pour mairement assemblés par quelques clous. Cette défi- cause de pauvreté supposée des inhumés. La fouille nition reste sujette à caution puisque dans ce dernier a montré qu’il est possible faire un lien les architec- cas c’est la présence de clous qui détermine l’appel- tures des tombes et les gestes liés à la sépulture, et lation du contenant. Elle implique d’une part que ce l’organisation du cimetière. ne sont pas les clous d’une couverture qui sont à tort attribuées à un cercueil, mais d’autre part que l’on 2.3.1. Les coffres de tegulae pense à la présence d’un fond. En effet sans fond, la Ce type de tombe est simplement défini par structure est plus un coffrage de bois solidarisé par l’utilisation de tuiles plates comme éléments de l’ar- des clous qu’un cercueil au sens strict du terme. chitecture funéraire. Seront admises dans ce profil les tombes, a priori, de type mixte, c’est-à-dire ne présen- Les structures liées par des clous appartien- tant qu’une partie de l’architecture en tuiles. Un coffre nent majoritairement à la première phase du cime-

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tière, il s’agit des tombes 80, 184 (du groupe A), 287 être consécutif à la disparition de pression latérale et, et 311 (du groupe C). Un doute subsiste pour les pourquoi pas, de parois de bois. tombes 229 (du groupe B) et 267 (du groupe C). La tombe 80 semble être l’exemple le mieux conservé, à la différence du coffrage, nous définissons du moins tel que l’on l’espère. Les clous qui le soli- le coffre par la présence d’un fond. Ils ne sont peut- darisent ont une mesure allant de 7 à 9 cm de long. être pas majoritaires et en l’absence quasi-générale En ce qui concerne les sujets des tombes 267 et 311, de résidus de bois, il est donc très difficile d’établir certains déplacements dos peuvent faire penser à la différence tombe par tombe entre les structures l’effondrement de fonds dans des fosses au fond avec ou sans fond. Toutefois, la présence de fond irréguliers. Il s’agirait donc là de cercueils avérés. peut être envisagée lorsque l’on observe certaines Les autres structures, peuvent être prises plus pru- ruptures et déplacements aux niveaux des rachis demment. En effet certaines organisations des sque- thoracique et lombaire, les non ouvertures de cein- lettes sur des fonds en gouttières ne semblent pas tures pelviennes, les déplacements ou rotations de présenter des déplacements que l’on pourrait justi- certains fémurs. Ces « incidents » taphonomiques fier par la disparition de fond. Malgré la présence de peuvent d’ailleurs être dus à la configuration d’un clous, au niveau du bassin qui pourrait ne pas être fond de fosse concave ou à la disparition d’un fond. automatique être liés à des renforts, mais pourquoi Les apparitions d’espaces sous-jacents auraient des pas des moyens de solidariser des planches latérales. conséquences sur le comportement du squelette en cours de décomposition. Ce qui semblent pouvoir La phase 2 ne présente que deux exemples être prises en compte sont les incidences au niveau (117 du groupe A et 250 du groupe C). Le premier de la colonne vertébrale (ruptures, déplacements) cas est peut-être un coffrage lié avec des clous, plus ainsi qu’au niveau de la ceinture pelvienne qui ne qu’un cercueil. Le second est la structure funéraire s’ouvre pas automatiquement. Les contraintes laté- d’un jeune enfant. rales exercées peuvent alors faire se déplacer le sacrum vers l’avant, ce dernier pouvant éventuel- 2.3.3. Les coffres ou coffrages de bois lement être éjecté de sa position anatomique. Avec Il est complexe de déterminer l’existence d’un une élémentaire prudence nous avons comptabi- coffre en bois. Ce type de structure disparaît dans lisé ces incidences, même si nous rappelons que l’an- la plupart des cas. Toutefois, ces tombes se caracté- cienne présence d’un fond ne génère pas automati- risent souvent par des éléments de calage. Ces élé- quement des déplacements conséquents. Ainsi en ments forment des alignements rigoureux et paral- phase 1, nous recensons 33 sujets (pour 83 tombes) lèles aux parois des fosses, délimitant une zone qui auraient pu être déposés sur un fond de bois, centrale rectangulaire ou légèrement trapézoïdale, voire un brancard. Pour la phase 2, nous atteignons « négatif » d’une structure périssable (fig. 14). le nombre de treize (pour 109 tombes). Le nombre tombe à trois pour la phase 3 (pour 58 tombes) et à Au Mouraut, les coffres de bois constituent deux pour la phase 4 (pour 66 tombes). la majeure partie des structures funéraires durant toutes les phases. 102 tombes présentent assez d’élé- Enfin, il n’est pas impossible que des ments concordant pour que l’on puisse, même pru- coffres monoxyles aient été utilisés au Mouraut. demment, affirmer que le défunt a été inhumé dans Il est complexe de déterminer l’existence de telles un coffre ou un coffrage. Même si seule la tombe structures, datées en majorité du Ve et VIIIe siècle. 226 laisse apparaître des traces sombres au dessus Ces dernières disparaissent souvent complètement du squelette, mais aussi sous et autour de ce der- se caractérisant souvent par des déplacements nier. Quant à la tombe 232 elle présente les mêmes importants d’os ou de segments osseux. En effet trace sur le fond qui peuvent être attribuables à du seul le remaniement important de certaines parties bois. La taphonomie peut aussi être d’un certain du squelette peut être un argument indiscutable en secours. Elle comporte des informations qui doivent faveur de l’hypothèse d’un monoxyle. Encore faut-il être prises avec certaines précautions. Des effets être sûr que les mouvements ne soient pas le résultat de parois sont visibles particulièrement au niveau de l’effondrement d’un fond horizontal de coffre. des membres supérieurs et des pieds. La prudence Dans le doute nous n’avons qualifié aucune tombe de veut que l’on ne puisse pas occulter les effets d’un coffre monoxyle. enveloppement possible quelle que soit sa forme (manteau, linceul, chaussures…). Un effet particu- 2.3.4. Les fosses larges lièrement intéressant est celui d’une compression Lorsque cela a été possible, il a été procédé à primaire du haut du corps avec, dans un second la fouille complète des tombes. Une fois le sujet et temps, une ouverture de la ceinture scapulaire lais- l’éventuel mobilier prélevés, il s’est agit de retrou- sant des clavicules verticalisées. Ce mouvement peut ver les limites et le fond de la tombe. Ce travail n’a

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malheureusement pas pu être systématique, mais 2.3.7. Groupements des corps, réductions de il a permis de comprendre comment la plupart des sépultures et réutilisations de tombes tombes ont été aménagées (fig. 14). En premier lieu Les réductions de sépultures sont générale- une fosse ovale ou oblongue est creusée dans la ment dues à trois raisons que sont la réutilisation grave (terrain géologique, constitué essentiellement d’une tombe, la réutilisation d’un emplacement de galets). Cette dernière peut atteindre 2,40 m pour signifiant la destruction de la tombe ou enfin le une largeur de 1,50 m. En deuxième lieu une par- recoupement d’une tombe lors de l’aménagement tie de la fosse est remblayée. C’est ensuite que l’on d’une nouvelle. aménage le coffre ou le coffrage ou que l’on dépose le cercueil. Les espaces vacants entre les parois de Dans un contexte où la pierre n’est pas utilisée la structure en bois ou en tegulae sont remblayés. comme matériau de construction et la tegula ne l’est Ce n’est qu’après le dépôt du corps et la pose d’un que de façon anecdotique, il est bien difficile d’éta- couvercle que la fosse sera complètement colmatée. blir la réutilisation d’une structure ancienne. Ainsi, Ce type d’architecture a nécessité une somme de il semble que l’introduction d’un défunt dans une travail importante et prend beaucoup de place ce ancienne tombe soit à l’origine d’un déplacement sur qui pourrait laisser croire, à tort, que les tombes sont un côté des os d’un défunt plus ancien. éloignées les unes des autres, alors que cela n’est le cas que pour les sépultures. La destruction totale d’une ancienne tombe peut aussi être prise en compte. Cela peut être le 2.3.5. Des fosses étroites cas de réductions qui sont les vestiges de sépultures Certains défunts ne semblent pas avoir été d’enfants qui ont pu être totalement détruite lors déposés dans un coffre ou un cercueil. Des fosses du creusement de la tombe destinée aux défunts simples les auraient accueillis. Plusieurs raisons adultes. Il est évident que la structure accueillant sont valables pour attribuer une fosse simple à un les restes d’un enfant ne pouvait recevoir ceux d’un défunt. La plus importante est qu’il n’a pas été pos- adulte. Les gestes peuvent être considérés comme sible d’identifier un autre type de structure. Ainsi le violents, si les os sont fragmentés et déposés sans manque de temps, ou le mauvais état de conserva- ordre précis Cela peut aussi induire une faible repré- tion des tombes a pu amener à classer des tombes sentation des os du sujet réduit avec un question- dans cette catégorie. La phase 4 reste toutefois sus- nement sur la volonté de réinhumer tous les os ceptible d’avoir été la période durant laquelle on découverts. Seule une réduction présente une rela- aurait procédé à de tels aménagements. La litté- tive volonté d’organisation avec regroupement des rature archéologique locale reste rare, évasive et os et la partie supérieure du corps et disposition sujette à discussion. Ainsi, beaucoup de sépultures des os longs des membres inférieurs en fagots. Cela « en pleine terre » sont décrites comme effectuées peut démontrer une volonté de respect du sujet (lien dans des fosses creusées dans la terre ou le rocher et familial ?). couvertes par des tuiles, du bois, des lauzes.5 La lon- gueur et la largeur du creusement sont généralement Les exemples de recoupements donnant lieu adaptées à la taille du défunt. Le fond peut être plat à des réductions partielles sont les plus nombreux. ou en gouttière. Dans certains cas il a peut-être été Sont-ils accidentels ? C’est possible dans la mesure disposés les éléments d’un coffrage de bois dans une où les sujets « victimes » étaient décomposés au fosse rectangulaire ou trapézoïdale dont les dimen- moment de la manipulation. Cela laisse penser que sions sont proches de celles du défunt. plusieurs années, voire quelques décennies, étaient passées. Dans ce cas, il est possible que les signali- 2.3.6. Signalisations sations aient disparu. Il s’agirait donc d’accidents Nous n’avons aucun indice permettant de de gestion de l’aire funéraire, ou bien que la volonté mettre en évidence des structures verticales, comme d’implantation de nouvelles tombes soit prioritaire des poteaux. Bien sûr les niveaux de circulation et de par rapport à la conservation des plus anciennes. surface du cimetière n’ont pas été mis en évidence. Il semble que les signalisations ont été constituées Les autres cas sont moins complexes à inter- d’entassements de galets, matériau imputrescible et préter. Dans la plupart des cas, les os déplacés ont disponible sur le site et ne nécessitant, à la rigueur, été repoussés sans ordonnance ou en fagots entre les qu’un entretien limité. La tombe 53 (phase 3) présen- bords de la fosse et la structure dans laquelle a été tait un empilement de galets autour et sur le coffre posé le nouveau défunt. L’atteinte à une ancienne (ou coffrage). Une partie de ces derniers se sont tombe est parfois limitée, ainsi seul le crâne d’une enfoncés dans le remplissage de la structure ce qui sépulture a été déplacé lors de l’aménagement de la semble être aussi le cas pour les tombes 129 et 146 d’une tombe. Il a été déposé entre la fosse et la struc- (phase 1). ture destiné au nouveau défunt.

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Les réductions sont peu nombreuses puisque durant lequel le mobilier funéraire et l’âge des per- sur 316 tombes, onze seulement sont ou contiennent sonnes qui le portent paraissent perdre de leur signi- une réduction. L’essentiel se situe dans la phase 2. fication alors que l’organisation générale en groupes La première phase ne semble pas en présenter, et distincts est toujours de rigueur jusqu’au VIIIe siècle. la phase 4 une seule. C’est la création de nouveaux groupes dans le courant de la phase 2 qui contribue La fondation du cimetière ne peut être attri- dans les phases suivantes à un abaissement consé- buée à la présence d’individus non autochtones. Ils quent du nombre de réductions. Il découle de ces ont certes été reconnus dans la première phase du observations que les réductions n’étaient pas partie cimetière mais une tombe aussi originale que la 196, intégrante de la gestion d’un cimetière susceptible la seule avec des armes, n’a pas généré le groupe A, de s’étendre et constitué de structures non prévues le plus ancien connu, au sud du site. D’autres sujets, pour la réutilisation. ne présentant pas de caractères particuliers, tant au niveau de la morphologie crânienne que du mobi- Si la géologie locale ne permet pas d’y extraire lier métallique peuvent être plus vieux. Le réflexe des matériaux pérennes, il ne faut pas occulter une de fondation d’un cimetière n’est peut-être pas plus volonté d’éviter la réutilisation d’une tombe incitant développé en milieu rural qu’en zone périurbaine donc à les fabriquer avec un matériau putrescible où les nouveaux arrivants se font le plus souvent comme le bois. Les structures mixtes (pierre/bois, inhumer dans les structures funéraires préexistantes. tuiles/bois) ne sont peut-être donc pas un signe Cela n’a rien d’étonnant, puisque nous sommes de « bâclage » et les tombes des plus pauvres ne à proximité de Toulouse, capitale des Wisigoths sont peut-être pas toujours celles que l’on croit, durant le Ve siècle. puisqu’elles garantissent une individualité de sépul- Comparé aux fouilles anciennes, le cimetière ture à certains. Au Mouraut, certains mobiliers mon- du Mouraut n’apparaît pas comme une exception en trent un certain statut concernant des défunts inhu- ce qui concerne les modes d’inhumation. La fouille més dans des coffres ou coffrages en bois. Un statut du Rivel à Venerque dans la commune voisine de vraisemblablement égal voire supérieur à des sujets Vernet s’inscrit dans les mêmes modalités. Ailleurs, déposés dans des coffres en tegulae ou en cercueils. l’absence d’attention prêtée aux tombes sans mobi- lier ne permet que peu d’interprétation. Ce site pose 3. Conclusion également la question de la durée d’utilisation et de la période d’abandon des sites dits « à champ Le cimetière du Mouraut n’a été fouillé qu’en d’inhumation ». Le déplacement de l’habitat ou des partie. Les datations données par le radiocarbone et habitats qui sont à la source du « recrutement » et/ le mobilier donnent une durée d’utilisation de cinq ou la création d’un ou d’autres lieux d’inhumation, siècles (Ve-Xe siècle). L’hypothèse de son extension en est peut-être à l’origine sans que l’on puisse affir- vers le nord et l’est peut indiquer que sa partie la mer qu’il s’agisse du cimetière d’une paroisse. plus ancienne n’a pas été explorée, bien que cela reste à démontrer. En effet, l’organisation en plu- Bibliographie sieurs groupes indépendants se développant selon un schéma plus ou moins linéaire ne prouve pas – Bierbrauer, V. (1997). “Les Wisigoths dans le absolument que la partie du site explorée soit la plus royaume franc”. Antiquités Nationales, 29, pag. 167- récente. Une fouille exhaustive du cimetière (dans 200. le cadre d’une fouille programmée) ne pourrait que – B illard, C. ; Simon, C. (1995). “L’os révéla teur difficilement répondre aux questions restées en sus- d’habitude culturelle”. Dossiers d’Archéologie, 208, pend, dans la mesure où le site a été pillé dans ces pag. 22-33. parties non touchées par les travaux et continue à – C allu, J. (1987). “Monnaies dans les orbites”. l’être. Mélanges de numismatique offerts à Pierre Bastien. Wetteren, pag. 175-180. L’évolution de l’organisation de ce cimetière – Coulombeix , A. (2009). Études et mise en corrélation montre que l’installation des sépultures suit un pro- des données de l’anthropologie biologique et de l’Archéo- cessus qui se maintient durant la période purement logie au haut Moyen Âge. Le cimetière du Mouraut, mérovingienne. Les tombes s’organisent en groupes commune de Vernet (Haute-Garonne, Midi-Pyrénées). selon des rangées et des orientations communes. Mémoire de master 1, Université de Bordeaux 1. Cette disposition, tout comme la création de nou- – D uval, Y. (1988). Auprès des saints, corps et âmes. veaux groupes, semble liée à la présence d’adultes de L’inhumation « ad sanctos » dans la chrétienté d’Orient plus de 30 ans ethniquement marqués dans la phase et d’Occident du IIIe au VIIe siècle. Paris. la plus ancienne. En ce qui concerne les modes d’in- – de Filippo, R. (1997). Metz – Ancienne Chambre des humation, le VIe siècle apparaît comme un tournant Métiers. Document Final de Synthèse, A.F.A.N./

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S.R.A. de Lorraine (étude numismatique : Vincent L’inhumation privilégiée du IVe II au VI e siècle en Geneviève). Occident. Actes du colloque tenu à Créteil les 16-18 – Kent, J.P.C. (1981). Roman Imperial Coinage, VIII. Mars 1984. Paris, pag. 133-142. The Family of Constantine I, A. D. 337-364, n° 36. – Ripoll, G. (1992). “Las relaciones entre la Península Londres. Ibérica y la Septimania entre los siglos V y VIII, – Legoux, R.; Périn, P. ; Vallet, F. (2004). segun los ballazgos arqueologicos”. Dans L’Europe Chronologie normalisée du mobilier funéraire mérovin- héritière de l’Espagne wisigothique. Collection de la gien entre Manche et Lorraine. Bulletin de l’Associa- Casa de Velázquez. Madrid, pag. 285-301. tion française d’Archéologie mérovingienne, hors – Stutz, F. (2000). “L’inhumation habillée à l’époque série. Saint-Germain-en-Laye. mérovingienne au sud de la Loire”. Mémoires de – Lopez Sanchez, F. (2001). “Le chrisme et la straté- la Société Archéologique du Midi de la France, LX, gie idéologique de Magnence (350-353 ap. J.-C.)”. pag. 31-47. Cahiers Numismatiques, 147, pag. 53-58. – Treffort, C. (1996). L’église carolingienne et la mort. – Marlière, P. ; Catalo, J. ; Llech, L. ; Paya, D. Lyon. (1998). Le cimetière du Camp des Lacs et le cime- tière du Puech d’Auzet (Millau). Document Final de Notes Synthèse, A.F.A.N./S.R.A. Midi-Pyrénées. – Paya, D. (1996). La tombe et le cimetière en Languedoc 1. Cet article est une première présentation des résultats de la fouille à laquelle ont participé Fabien Callède (D.A.O.), Jean au Moyen Age, l’exemple du diocèse de Maguelone Catalo (organisation du cimetière), Vincent Geneviève (étude e (VIe-XVIe siècle). Thèse de 3 cycle, Université de des monnaies), Isabelle Souquet-Leroy et Anne Coulombeix Montpellier III. (anthropologie), Françoise Stutz et Jean-Luc Boudartchouk – Perassi, C. (1999). “Monete nelle tombe di età (étude du mobilier métallique). 2. Quand les éléments du costume comme les fibules ou les romana imperiale : casi di scelta intenzionale sulla plaques-boucles sont en place utilitaire on utilise, à ce moment base dei soggetti e delle scritte ?”. Dans Trouvailles le terme «d’inhumation habillée» (Stutz, 2000, pag. 31). monétaires de tombes. Actes du deuxième colloque 3. Dans les récits miraculeux du VIe siècle, les cadavres sont dotés international du Groupe suisse pour l’étude des de réactions de vivants. Ces derniers ne peuvent être édifiants que dans la mesure où ils reflètent et illustrent les croyances des trouvailles monétaires (Neuchâtel, 3-4 mars 1995). auditeurs (Duval, 1988, pag. 42). études de Numismatique et d’Histoire Monétaire, 4. Il est vraisemblable que les linges se sont resserrés au fil des 2. Lausanne, pag. 43-69. siècles pendant que les tombes évoluaient vers le type «anthro- – Périn, P. (1993). “L’armée de Vidimer et la ques- pomorphe». Cette évolution a pu être motivée par l’approfon- dissement des tombes : il est plus facile de déplacer un corps tion des dépôts funéraires chez les Wisigoths en fortement maintenu, surtout si les manipulateurs désiraient e e Gaule et en Espagne (V -VI siècle)”. Dans L’armée avoir le moins de contact possible avec le cadavre. Les tombes romaine et les barbares du IIIe au VIIIe siècle. Actes du «anthropomorphes», constituées de matériaux solides, étaient colloque tenu à Saint-Germain du 24 au 28 février utilisées pour garantir la cohésion des éléments constitutifs du corps et le linceul a pu avoir un rôle d’appoint dans cette tâche 1990. Condé-sur-Noireau, pag. 411-423. (Paya, 1996, pag. 157). – Pietri, L. (1986). “Les sépultures privilégiées 5. Les lauzes sont des dalles brutes de calcaire de faible épaisseur, en Gaule d’après les sources littéraires”. Dans rarement plus de cinq centimètres.

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