Le Péril Jaune À La Fin Du Xixe Siècle, Fantasme Ou Inquiétude Légitime ?
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Le p´eriljaune `ala fin du XIXe si`ecle,fantasme ou inqui´etudel´egitime? Fran¸coisPav´e To cite this version: Fran¸coisPav´e. Le p´eriljaune `ala fin du XIXe si`ecle,fantasme ou inqui´etudel´egitime?. Histoire. Universit´edu Maine, 2011. Fran¸cais. <NNT : 2011LEMA3004>. <tel-00654273> HAL Id: tel-00654273 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00654273 Submitted on 21 Dec 2011 HAL is a multi-disciplinary open access L'archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destin´eeau d´ep^otet `ala diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publi´esou non, lished or not. The documents may come from ´emanant des ´etablissements d'enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche fran¸caisou ´etrangers,des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou priv´es. François PAVÉ Le péril jaune à la fin du XIXe siècle, fantasme ou inquiétude légitime ? Thèse de doctorat d’histoire contemporaine sous la direction de madame Nadine VIVIER Université du Maine Année 2011 1 Le péril jaune à la fin du XIXe siècle, fantasme ou inquiétude légitime ? Remerciements : Madame Nadine Vivier, Madame Claudine Pavé, Monsieur Jean- Etienne Pavé, Madame Frédérique Pavé, Monsieur Jean-Philippe Melchior, Madame Cécile Wan-Gillet, Monsieur Gilles Besson et Monsieur Léonard Guévelou. 2 « L’axe du monde moderne se déplace en même temps que la scène de l’histoire s’élargit en tous sens. C’est une des choses qui distingueront le XXe siècle des siècles qui l’ont précédé. Le mouvement d’unification de la planète, préparé par les découvertes du XVe siècle, a définitivement fait entrer le globe tout entier dans la sphère politique et économique des peuples civilisés. » Anatole Leroy-Beaulieu « L’Asie et l’Europe », La revue d’Asie 15 novembre 1901 3 Introduction Le miracle économique chinois caractérise ce début de siècle. La Chine joue aujourd’hui un rôle essentiel dans l’économie mondiale. Chaque année, elle progresse dans le classement mondial des pays pour le PIB. Elle y occupe depuis 2010 le deuxième rang. Cette évolution laisse à penser qu’elle sera, dans quelques années, la première puissance économique mondiale devant les Etats-Unis. Aujourd’hui déjà, les capitaux investis aux Etats-Unis par les Chinois sont indispensables au bon fonctionnement de l’économie américaine, partant de l’économie mondiale. La Chine demeure néanmoins mal connue en Occident. Les clichés anciens caractérisent l’image que les Occidentaux conservent encore d’elle : la bicyclette, le col Mao, le communisme... Cette perception déformée, aujourd’hui totalement dépassée, s’explique en partie par l’écart qui existe entre l’information proposée aux Occidentaux et la réalité de la situation économique chinoise. Pourtant l’Empire du Milieu a bien changé. La vieille Europe et les Etats-Unis vont peu à peu devoir tenir compte de cette réalité. L’échec du soulèvement des étudiants chinois de juin 1989, réprimé violemment par la police et l’armée populaire de libération obéissant aux ordres de Deng Xiaoping 1, pourtant initiateur depuis 1978 de la modernisation de la Chine, a laissé croire aux Occidentaux que la Chine restait engluée, encore pour longtemps, dans son adaptation d’un communisme bureaucratique hautement liberticide, mâtiné de nationalisme. Finalement les images des journaux télévisés montrant l’écrasement du soulèvement étudiant avaient, pour beaucoup d’Occidentaux, un caractère rassurant. Il était confortable et apaisant de voir la Chine immuable, incapable de s’éveiller pour faire enfin trembler le monde. La Chine communiste, sous-développée, presque moyenâgeuse, avait tant d’avantages pour l’Occident. 1 Deng Xiaoping (1904-1997) est l’artisan de la modernisation de la Chine. Il a adopté une politique pragmatique. En 1962, lors d’un discours, il déclare : « Peu importe que le chat soit noir ou gris pourvu qu'il attrape les souris ». Ainsi les Chinois doivent renoncer aux attitudes dogmatiques et œuvrer concrètement à l’enrichissement de leur pays. Il lance aussi à ses concitoyens son fameux « Enrichissez- vous ! ». 4 Aujourd’hui, ce sont les délocalisations d’entreprises vers l’Empire du Milieu qui font prendre conscience aux Occidentaux et en particulier aux Français, que la Chine sort de son profond et séculaire engourdissement. Les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 et l’Exposition Universelle de Shanghai en 2010 ont été les symboles de l’entrée de la Chine dans la cour des grandes nations. Désormais, l’Empire du Milieu inquiète plus qu’il ne surprend. Sa puissance économique constitue, pour de nombreux observateurs occidentaux, une menace. Elle apparaît comme une source de déstabilisation de l’équilibre économique et social sur lequel repose l’Occident. Réapparaît alors l’expression péril jaune. En France, celle-ci est connue de tous. Quand on l’évoque, revient à l’esprit de nombreuses personnes le titre de l’essai d’Alain Peyrefitte Quand la Chine s’éveillera…le monde tremblera publié en 1973 2. Plus personne ne sait exactement ce qu’y dit l’ancien ministre, mais le titre, très évocateur, a marqué les esprits. Ce titre est, comme l’indique Alain Peyrefitte au début de son ouvrage, la reprise d’une prophétie prêtée à Napoléon Ier. L’Empereur aurait prononcé ces mots en 1816, après avoir lu l’ouvrage du premier ambassadeur du roi d’Angleterre dans l’Empire du Milieu, Lord Macartney, Voyage en Chine et en Tartarie . Ou peut-être était-ce après la visite de Lord Amherst qui avait succédé à Lord Macartney et qui, au retour de Pékin, avait fait escale à Sainte-Hélène ? Personne ne sait aujourd’hui vraiment pour quelles raisons exactes Napoléon Ier aurait prononcé ces mots. Néanmoins, l’expression n’a pas été oubliée. Elle a comme marqué l’inconscient collectif et laisse à celui qui la reprend de nombreuses interprétations possibles. J’ai écrit plus haut que le spectre du péril jaune est réapparu au début du XXIe siècle. Dans le mot « réapparu », le préfixe « ré » implique qu’il y a eu apparition initiale. Mais quand, où et pourquoi cette expression s’est-elle développée pour la première fois? C’est ce que je propose d’étudier dans le développement qui suit. Je souhaite savoir si la Chine, ou de façon plus large l’Extrême-Orient, a pu constituer, dans le passé, une menace justifiant la naissance de l’expression péril jaune. En m’engageant dans ce travail de recherche, je savais que le fonds Paul d’Estournelles de Constant 3, conservé aux Archives Départementales de la Sarthe, pouvait m’apporter de nombreuses réponses. J’avais eu l’occasion d’en parcourir une 2 Alain PEYREFITTE, Quand la Chine s’éveillera…le monde tremblera , Editions Fayard, Paris, 1973, 475 pages. 3 Il s’agit de la série 12 J. En annexe 1 se trouve l’inventaire des documents relatifs au péril jaune. 5 petite partie lors de recherches relatives à la guerre des Boxers menées auparavant et je savais que Paul d’Estournelles de Constant, élu de la Sarthe à la Chambre des députés puis au Sénat entre 1895 et 1924, prix Nobel de la Paix en 1909 pour son action en faveur de l’arbitrage international, s’était intéressé à l’Extrême-Orient. C’est la raison pour laquelle ce fonds a été la première collection d’archives vers laquelle j’ai orienté mon travail. Le fait d’en connaître l’existence explique certainement aussi la raison pour laquelle les propos des hommes politiques, des diplomates et des journalistes de ce début du XXIe avaient pour moi une résonance particulière. Je savais qu’ils pouvaient être replacés dans une perspective historique car l’inquiétude face à l’éveil de l’Extrême- Orient avait eu un précédent à la fin du XIXe siècle. Pourquoi cette inquiétude s’était-elle développée alors ? Le fonds 12 J, le plus important fonds privé des A.D.S., devait me permettre de trouver un début de réponse à cette question. Il est sans doute nécessaire de préciser qui était Paul d’Estournelles de Constant. Député puis sénateur sarthois entre 1895 et 1924, ancien diplomate spécialiste des questions relatives aux relations internationales, il s’est passionné pour le problème du péril jaune et accumule entre 1895 et 1905 une documentation précise et très importante sur ce sujet. Douze cartons d’archives portent ainsi le titre péril jaune . On y trouve des rapports de diplomates, des extraits de journaux officiels, des articles de périodiques, des notes personnelles, des courriers échangés sur le sujet, des textes publiés par l’élu sarthois et surtout de très nombreuses coupures de presse. Paul d’Estournelles de Constant faisait en effet appel au service de l’argus de la presse qui effectuait, pour lui, une veille éditoriale sur ce sujet dans l’ensemble de la presse française. A ces douze cartons spécifiques sur le péril jaune viennent s’en ajouter d’autres où l’on peut trouver des informations supplémentaires sur le sujet qui nous intéresse. L’inventaire très détaillé de ce fonds permet d’y naviguer assez facilement 4. J’ai donc pu dépouiller une somme considérable de sources, dont les limites chronologiques étaient les années 1895 à 1905. Celle-ci m’a amené à comprendre comment s’est construite la pensée originale de l’élu de la Sarthe quant à cette question. Au-delà d’éclairer la pensée de Paul d’Estournelles de Constant, la mine de documents qu’il a accumulée permet d’appréhender de manière plus large la façon dont était perçu l’Extrême-Orient en Occident à la fin du XIXe siècle. Ce fonds autorise la reconstitution du contexte dans lequel s’est développée la question du péril jaune.