LOUIS GABRIEL-ROBINET

Balzac, « la Revue des deux mondes » et la Société des gens de lettres

e 1830 à 1833, Honoré de Balzac va collaborer activement à la Revue de Paris et à la Revue des deux mondes. Fondée par Véron en 1831, la Revue de Paris introduisit le roman dans la presse périodique. En 1831, elle passa des mains de Véron dans celles d'Amédée Pichot. En 1834, elle fut achetée aux enchères par François Buloz, déjà propriétaire de la Revue des deux mondes, dont le premier exemplaire avait paru le 1er août 1829. Les deux recueils se publièrent alors par les soins de la même administration. A chacun fut assigné un rôle particulier. La Revue de Paris fut plus littéraire, plus consacrée aux arts. La Revue des deux mondes fut plus philosophique, plus docte, plus dogmatique. Elle devait être, selon son fondateur, « une inlassable ouvrière au service du rayonnement français"».

Les deux publications vécurent ainsi jusqu'à l'avènement de « la presse bon marché » qui leur fut fatal. En effet, les attraits du journal quotidien * au rabais » rendirent très difficile la situation des recueils hebdomadaires ou bimensuels, dont le prix était élevé. Les journaux enlevèrent aux revues un de leurs plus puis• sants moyens de séduction en monnayant dans leur feuilleton de chaque jour les romans et les récits que les revues publiaient en bloc. La participation de Balzac à la Revue de Paris fut très importante de 1830 à 1837. On notera en particulier : Sarrazine (1830) ; et Maître Cornélius (1831) ; et Mme Firmiani, la Grenadière (1832) ; les Marano et Ferragus (1833) ; Séraphita (début) et le (1834-1835) ; le début du Lys dans la vallée (1835) ; Facino cane (1836) ; le Secret des Ruggieri (1836-1837). Pour la Revue des deux mondes, il avait donné, en décembre 1830, le Petit Souper, qui devint plus tard la troisième partie de Sur Catherine de Médicis, réimpression des Deux Rêves, paru dans la Mode, le 8 mai de la même année. Puis, ce furent cinq nouvelles : l'Enfant maudit, Une débauche, frag• ment inédit de (mai 1831), le Rendez-vous, fragments BALZAC, « LA REVUE DES DEUX MONDES ». 571 inédits de la Femme de trente ans (septembre-octobre 1831), le Message (15 février 1832). Après cette dernière date, Balzac se brouille avec François Buloz. « Les débuts de sa collaboration avaient été pleins de cordialité entre le jeune directeur de vingt-sept ans et le jeune auteur de trente-deux ans. » (1) Balzac y fait allusion dans ces termes (préface du Lys dans la vallée, 1832) : « M. Buloz, lassé d'être correcteur, plein d'ambition, ce qui est louable chez tous les hommes, acheta la Revue des deux mondes au moment où la Revue des deux mondes était tombée et n'avait plus d'abonnés. A cette époque, en 1831, je crois, M. Buloz, quoique malade, courait dans tout Paris pour ramener les abonnés fugitifs ; il allait de l'Arc de triomphe au faubourg Saint-Antoine, endurait à tous les étages toutes les raisons de tout abonné récalcitrant et arrivait à l'Observatoire (1, rue Cassini), chez moi, dans mon pauvre logis et me contait ses douleurs en me demandant mon secours. Je fus pénétré d'admiration pour cette lutte insensée ! Car on crée un nouveau journal, mais on ne plonge pas un vieux journal dans la cuve d'Eson... Je ne sais quoi de fraternel me portait vers M. Buloz, ex• correcteur, comme j'étais ex-imprimeur. Souvent nous partagions le modeste, le frugal dîner que je n'ai pas cessé de faire. Quoique les feuilles de la Revue des deux mondes d'une justification exagérée accumulassent quarante mortelles lignes et cinquante-six exécrables lettres, ce qui dévo• rait le manuscrit, et qu'à cette époque je fusse loin de connaître la langue avec laquelle je me débattais, je donnai d'abord à M. Buloz mes feuilles à cent et cent vingt francs ; il me paya cent cinquante francs les dernières lorsque l'abonné, ramené par ses efforts, revint au bercail. »

Las ! ce « je ne sais quoi de fraternel » disparut complètement lorsque Gustave Planche, qui rendait (il le fit pendant des années) des arrêts sans appel, publia dans le numéro du 15 avril 1832 un article féroce sur le dizain des Contes drolatiques. Il écrivait notamment : « Les Contes drolatiques sont-ils amusants ? Ils sont obscènes et ne sont pas lascifs. Parmi les innombrables héroïnes qui figurent dans les pages du nouveau volume, j'ai compté bien des prostituées et pas une seule courtisane. » Balzac prit feu et flamme. S'attaquant à Buloz, il écrivit plus tard : « Si jamais un journal a dû soutenir une œuvre, n'était-ce pas celle-ci ? Savez-vous ce que fit M. Buloz ? Il imprima quatre lignes foudroyantes que je ne rapporte pas (celles que nous avons citées plus haut) : il s'agit d'une accusation d'obscénité que je mérite comme la Vénus de Pradier la mérite, comme la Vénus de Houdon, comme toutes les statues la méri• tent. Il tua le livre, et cependant il m'avait égaré les épreuves de l'Absolu• tion et je ne m'étais pas plaint ! »

(1) Marcel Bouteron, Balzac dans « le Livre du Centenaire, cent ans de vie française dans la Revue des deux mondes » (Hachette — Revue des deux mondes), Paris. 1929. 572 BALZAC, « LA REVUE DES DEUX MONDES »...

Buloz s'explique, tend la perche à Balzac, qui répond sèchement le 14 août 1832 d'Angoulême : « Je suis profondément insensible aux critiques (voire !), je méprise ceux qui calomnient mes livres. » C'était la rupture, avec néanmoins une courte période de réconciliation. « Les deux hommes sentaient combien l'union de leurs deux puissances (la Revue des deux mondes était devenue, selon Buloz lui-même (2), la « première des revues par le nombre d'abonnés comme par l'influence qu'elle exerce ») pouvait être féconde. » (3) Un article de Sainte-Beuve sur la Recherche de l'absolu, paru dans un numéro de la Revue, en 1834, n'arrangea pas les choses. Le critique se gaussait de son « vocabulaire incohérent ». Il lui cherchait des chicanes de grammairien : « // ne connaît que le en... cet en est partout employé à faux par M. de Balzac. Au lieu de dire : il y va de la vie, de la fortune, il ne manque pas de dire : il s'y en va de la vie... » Il l'appelle M. Honoré Balzac, tout court, afin de mieux marquer que si l'auteur d'Eugénie Grandet abuse du en, il abuse aussi du de... L'année suivante, un procès retentissant sépara Balzac de Buloz défi• nitivement : Honoré reprochait à Buloz d'avoir communiqué, sans son aveu, les épreuves du Lys dans la vallée, non « bonnes à tirer », à la Revue étrangère de Saint-Pétersbourg. Ce procès, il le gagnera le 7 juin 1836. En attendant, il est l'objet d'une levée de boucliers générale de la part de ses confrères, presque tous inféodés à la Revue de Paris et à la Revue des deux mondes, propriété l'une et l'autre de Buloz. Plusieurs signent une déclaration dans laquelle ils jurent leurs grands dieux que la contrefaçon, horrible à Bruxelles, est à Saint-Pétersbourg chose charmante (4). La pièce en question porte, entre autres, les signa• tures de Léon Gozlan, Alexandre Dumas, Roger de Beauvoir, Frédéric Soulié, Eugène Sue, Jules Janin... Un seul écrivain, Alfred Nettement, défendit Balzac dans la Gazette de France. Cette quasi-unanimité anticonfraternelle avait mis de nouveau Balzac hors de lui. Il avait déjà réglé ses comptes avec les journalistes. Il y ajouta cette fois les écrivains. Dans l'historique du procès auquel a donné lieu le Lys dans la vallée, il s'écrie : « Dans la ville où cent quatorze notaires, cent neuf avoués, douze cents avocats, mille comédiens, tous ennemis les uns des autres sont tous réunis en corps et se soutiennent, les artistes sont isolés, quand l'un d'eux est calomnié, tous les autres arrivent à l'œuvre, la pelle à la main et lui

(2) Réponse à Balzac, le 26 juillet 1832. (3) M. Bouteron, op. cit. (4) Edmond Biré : Alfred Nettement. Paris, 1901. BALZAC, « LA REVUE DES DEUX MONDES »... 573 creusent sa fosse, espérant qu'il succombera, tandis que le corps entier des avoués, des avocats, se lève si l'on touche à l'un d'eux... Ainsi, dans la lutte actuelle où je défends les intérêts de l'exploité contre l'exploitant, de l'écrivain contre le marchand, je suis seul. Pas un de ceux qui devraient, comme les apprentis de la Cité, dans Nigel, crier : «Aux bâtons!» pas un ne bouge. Non, pas une sympathie! Je dois même rendre justice à la presse, il y a une honorable unanimité contre moi. Toutefois, dans la Gazette de France, récemment, un homme d'un beau talent, un vigoureux critique, sans déguiser sa pensée sur mes œuvres, les condamnant ou les approuvant à son gré, a pris mon parti contre ces lâches qui viennent effrontément s'asseoir chez moi, sans y être jamais entrés, raconter ce qui s'y passe, ce qui s'y fait, y clouer de préten• dus tapis, y poser des divans fantastiques, m'habiller des laquais, me venir des carrosses, après avoir porté le désordre dans mes petites affaires. Critiquer les meubles de l'auteur pour se dispenser de parler de ses livres est une des faces de la polémique littéraire. Que M. Alfred Nettement trouve ici l'expression de ma reconnaissance pour sa politesse ! Et quelle épigramme contre le temps présent, que de considérer comme une belle action l'observance des lois de bonne compagnie ! Encore si la République des Lettres se contentait de me laisser seul, mais plusieurs véritables hommes de lettres sont intervenus, hier, en faveur de mon adversaire ; ils le secourent de toutes leurs forces. « Abattez-le, nous l'achèverons », a dit naguère un journaliste qui avouait m'avoir « poursuivi d'injures pendant trois ans ! »

Il y eut une entrevue rue Cassini, chez Balzac, pour arranger l'affaire. Y prirent part, Sandeau, le comte de Belloy, Emile Riquant ; Buloz et Félix Bonnaire représentaient la partie adverse. Balzac, l'accord n'ayant pu être signé, de demandeur se vit transformé en défenseur. Buloz l'attaqua : Chaix d'Est-Ange plaida pour la Revue de Paris, et Boinvilliers pour Balzac. Le jugement rendu le 3 juin 1836 déclara suffisante la somme de 2.500 francs offerte par Balzac pour rembourser ses dettes envers Buloz et condamna la Revue de Paris « pour tous dommages-intérêts, aux dépens que de Balzac est autorisé à prélever sur la somme consignée. » Le retentissement du procès fit le succès du Lys en librairie. « Je vous assure que je ne regrette pas Balzac, écrivit Buloz à George Sand (5), je n'ai jamais pu m'entendre avec lui. Ce qui a amené la brouille, c'est un détournement d'épreuves qui a été fait pendant mon voyage à Nohant ; mais le véritable motif, c'est qu'il voulait insérer dans la Revue

(5) 27 décembre 1835. 574 BALZAC, « LA REVUE DES DEUX MONDES »... des deux mondes le Lys dans la vallée, que je n'ai voulu que pour la Revue de Paris » (considérée alors comme l'antichambre de la Revue des deux mondes ).

Ainsi, finit cette collaboration qui aurait pu être fructueuse si, de part et d'autre, on avait essayé de se mieux comprendre.

devait naître une institution dont tous les journalistes et écrivains modernes n'ont ici qu'à se louer : la Société des gens de lettres de France.

Les mécomptes de Balzac avec Buloz, son procès, l'incitèrent à militer en faveur de la défense du droit d'auteur.

« A nulle époque, écrivit-il, l'artiste ne fut moins protégé ; nul siècle n'a connu de masses plus intelligentes, en aucun temps la pensée n'a été plus puissante, jamais l'artiste n'a été individuellement si peu de chose...

Notre salut est en nous-mêmes. Il est dans une entente de nos droits, dans une reconnaissance mutuelle de notre force. Il est donc du plus haut intérêt pour nous tous que nous nous assemblions, que nous formions une société comme les auteurs dramatiques ont formé la leur. »

Le mot est lancé : Société des gens de lettres.

Et il poursuit :

« Notre société constituée saura demander de nouvelles lois sur la propriété littéraire, saura faire fixer les questions pendantes, et empêchera toute contrefaçon étrangère. »

La Société ne se constitue pas tout de suite. Les adhésions que Balzac attendait ne viennent pas. Quelque pressant que soit l'intérêt, ne faut-il pas compter avec l'inertie naturelle des intéressés, avec la jalousie profession• nelle ? On voudrait bien marcher, mais pas derrière Balzac. Un homme de moins de génie, mais de savoir-faire, réussira mieux.

Louis Desnoyers allait être cet homme-là (6).

Balzac poursuit néanmoins sa campagne à toute occasion. Dans la Chronique de Paris (30 octobre 1836), il revient à son article sur « la propriété littéraire » qui est, pour ainsi dire, la condensation de sa « Lettre aux écrivains ». Ajoutons encore son Manifeste qu'il rédigera plus tard (1841) au nom de la Société des gens de lettres.

Louis Desnoyers, qui avait fondé le Journal des enfants où il publia les célèbres Aventures de Jean-Paul Choppart, dirigeait aussi le Siècle. Il réunit chez lui, 14, rue de Navarin, le 10 décembre 1837, un certain nombre de journalistes et d'écrivains. Le 31 décembre, chez M. Pommier, ancien avoué, rue de la Michodière, la Société fut constituée.

(6) Louis de Royaumont : Balzac et la Société des gens de lettres (Dorbon Aîné, Paris, s. d.). BALZAC, «LA REVUE DES DEUX MONDES ». 575

Le nom de Balzac ne figure pas parmi les premiers adhérents. Il estime que Desnoyers lui a volé son projet, et il boude. Néanmoins, le 28 décem• bre 1838, il demande son admission, qui est agréée. En 1839, succédant à Villemain, appelé au ministère de l'Instruction publique, Balzac est élu président. Une revue, Babel, publication de la Société des gens de lettres qu'édite Renouard, donne (1840) une nouvelle de l'auteur de la Comédie humaine : Pierre Grassou. Balzac y campe un peintre de la bourgeoisie qui est chargé de faire le portrait de diverses personnalités : les Crevel (Cousine Bette), les Thuilier (Petits Bourgeois).

Sous l'inspiration de son nouveau président, la Société déploie une activité fiévreuse. Il est question même de créer un Dictionnaire de la langue française, projet grandiose et qui poserait la Société en rivale de l'Académie. Balzac, Hugo et Léon Gozlan sont chargés d'étudier le pro• jet (7) qui restera lettre morte. Balzac, le 5 septembre 1838, est chargé de répondre au nom du Comité à l'article publié par Sainte-Beuve dans la Revue des deux mondes, sur la Littérature industrielle. « Cette lettre, écrit Louis de Royaumont (8), est à citer car elle montre l'hostilité que souleva à ses débuts la Société nouvelle. Elle prouve, par surcroît, la vertigineuse activité de Balzac et combien il prenait à cœur son rôle pendant cette période de luttes. » Le message est adressé à M. Emile de Girardin, rédacteur en chef de la Presse. « Monsieur, Dans le dernier numéro d'un recueil dont les propriétaires ont été condamnés envers moi, par le jugement du tribunal de première instance de la Seine, en date du 7 juin 1836, pour avoir vendu à une autre publica• tion les épreuves incorrectes d'articles que, selon nos conventions, ils s'étaient engagés à ne faire que dans leur revue, M. Sainte-Beuve a écrit les lignes suivantes : « Je ne puis m'ôter de la pensée que le spirituel académicien (M. Villemain) n'avait accepté cette charge (la présidence des Gens de lettres) que pour avoir occasion, avec ce bon goût qui ne l'abandonne jamais et avec ce courage d'esprit dont il a donné tant de preuves dans toutes les circonstances décisives, de rappeler et de maintenir, devant cette démocratie littéraire, les vrais principes de l'indépen• dance et du bon goût. M. de Balzac, qui a été nommé président à l'unanimité en rem• placement de M. Villemain, aidera peut-être au même résultat par des moyens contraires. »

(7) Léon Gozlan, Balzac en pantoufles. (8) Op. cit. 576 BALZAC, « LA REVUE DES DEUX MONDES »...

Si j'étais seul en cause, ici, comme mes écrits et ma personne y sont dans le cours de l'article de M, Sainte-Beuve, je mépriserais selon ma coutume les attaques, quelque injurieuses et calomnieuses qu'elles puissent être ; mais par respect pour ceux qui m'ont élu, je ne saurais laisser impri• mer impunément que la lâcheté d'esprit et le mauvais goût, les seuls contraires du goût et du courage d'esprit, seront pour la Société des gens de lettres le moyen de connaître lef vrais principes de l'indépendance et du bon goût.

La seule réponse à faire à de pareilles assertions est de leur procurer la publicité qui leur manque ; je vous prie donc, monsieur le rédacteur, d'insérer ma lettre dans votre prochain numéro et d'agréer l'expression de mes sentiments les plus distingués. »

Ses idées se multiplient : projet de création de Y Annuaire littéraire, préfiguration de l'actuel Bulletin ; projet d'établissement d'une banque au profit des membres de la Société, laquelle escompterait le papier des sociétaires et consentirait des avances sur les manuscrits et les articles.

Le 18 août 1840, Balzac donne lecture de son Code littéraire, qui est renvoyé à la Commission dite de la « propriété littéraire ». Il fut publié en mars 1841, sous forme de brochure. Le titre était : Notes sur la propriété littéraire (9).

C'est le moment où Lamartine, à la Chambre, prononçait son grand discours sur les revendications de la littérature. L'un et l'autre demandaient l'assimilation absolue de la propriété littéraire à la propriété tout court, telle qu'elle est définie par le Code civil.

Ce n'est qu'en 1852, Balzac s'étant éteint en 1850, que Napoléon III apporta une réponse à cette question qui demeura en suspens plus de dix ans.

L'insuccès de ses travaux en collaboration avec des confrères, quoique l'ayant nommé président à l'unanimité, mais dont la plupart lui étaient hostiles, le détermina à donner, en octobre 1841, sa démission, qui fut refusée.

On apprit par une circulaire, qu'il avait envoyée à la presse, que ce qu'il reprochait à la Société était de permettre à tous les journaux de reproduire les œuvres des sociétaires avant qu'elles eussent paru en librai• rie. Cette prétention du président démissionnaire nous semble aujourd'hui toute naturelle et elle est devenue une règle absolue.

Là encore, Balzac avait vu juste.

Mais, écœuré, s'il reste membre de la Société malgré lui, il ne prend plus part à ses travaux. On ne retrouve en effet plus jamais son nom dans

(9) Hetzel et Paulin, éditeurs. BALZAC, « LA REVUE DES DEUX MONDES »... 577 le compte rendu des délibérations, si ce n'est pour y lire, le 20 août 1850, ces simples mots : « On apprend la mort de M. de Balzac... » Il n'est pas possible de terminer sans rendre un particulier hommage à l'œuvre du président de la Société des gens de lettres, dont l'action fut déterminante pour aboutir à la défense matérielle et morale des journa• listes et des écrivains. Si Balzac a toujours traité avec mépris les rédacteurs de journaux, avec. hauteur la plupart des hommes de lettres, il n'en a pas moins contribué à leur apporter une assistance dont on apprécie encore hautement de nos jours les effets. Pourquoi l'auteur de la Comédie humaine a-t-il donné tant de ses heures à la défense d'une corporation qu'il n'aimait pas et dont tous les membres, à de rares exceptions près, le détestaient ? Nous apporterons peut-être une réponse à cette question en rapprochant son cas de celui d'un Charles de Gaulle qui, se plaît-on à dire, n'aimait pas les Français, mais vouait un culte à la France... Balzac ne supportait ni les auteurs, ni les • journalistes, mais il vouait un culte à ce qu'il appelait la Littérature. Il englobait pêle-mêle tous ceux qui, avec des fortunes différentes, possédaient une plume et en usaient bien.

LOUIS GABRIEL-ROBINET de l'Institut