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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier le Professeur Louis Merle, professeur de Pharmacologie à l’Université de Limoges, et le Professeur Jocelyne Moisan, professeur à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval et directrice du Réseau québécois de recherche sur l’usage des médicaments, pour avoir accepté de juger mon travail en qualité de rapporteur mais également pour s’être déplacés pour participer à ce jury. Je remercie également le Docteur Joëlle Micaleff et le Professeur Jean-Marc Soulat pour avoir accepté sans hésiter de participer au jury de ma thèse. Je voudrais également exprimer toute ma reconnaissance au Professeur Jean-Louis Montastruc pour m’avoir accueillie au sein de son service de pharmacologie et pour m’avoir confié l’enquête « Mode de Vie et Travail» initiée en 1986. Ce fut un honneur et un plaisir de poursuivre ce travail. J’adresse mes sincères remerciements à ma directrice de thèse, le Docteur Maryse Lapeyre- Mestre, pour m’avoir accueillie au sein de son équipe de recherche afin de réaliser mon master mais aussi pour m’avoir fait confiance en me donnant l’opportunité de continuer l’aventure à travers cette thèse. Merci pour ton écoute, ta disponibilité et tes précieux conseils. Je tiens également à remercier le Docteur Jean-Claude Marquie pour m’avoir permis de découvrir toute la subtilité des sciences cognitives et l’ensemble des membres du comité de pilotage de l’étude VISAT pour leur accueil et leur convivialité. J’adresse aussi un grand merci à tous les membres de l’équipe EA3696 pour leur soutien et leur bonne humeur et plus particulièrement à Émilie Jouanjus pour sa gentillesse et son écoute et à Laure Pourcel pour sa disponibilité et son aide précieuse au moment très délicat de l’analyse des données ! Je n’oublierai pas mes anciennes collègues de bureau pour leur aide et leur soutien lors de mes nombreuses périodes de doute : Mireille Gony et Ludivine Orriols. Merci également à l’ensemble des médecins du travail du Service Médical Interentreprises de Toulouse pour leur participation à l’enquête « Mode de Vie et Travail ».

Pour finir, un immense merci à toutes les personnes qui m’ont entourée au cours de ces dernières années. Je voudrais remercier mon mari pour son écoute et son soutien en toutes circonstances, mes parents pour m’avoir donné toutes les chances de réussir -recevez toute ma reconnaissance, mais également mes amis, Stéphanie, Florent, Mélanie et Christophe, pour m’avoir permis de passer de merveilleux moments ensemble lorsque j’avais besoin de décompresser… merci à vous tous.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION GÉNÉRALE ...... 1

LES MÉDICAMENTS PSYCHOACTIFS ...... 2 1. DEFINITION GENERALE DES MEDICAMENTS PSYCHOACTIFS...... 3 2. PASSAGE DE LA BARRIERE HEMATO-ENCEPHALIQUE ...... 5 3. PHARMACOLOGIE DES MEDICAMENTS PSYCHOACTIFS ...... 7 3.1. Psychodysleptiques ...... 8 3.2. Psychoanaleptiques...... 15

ENQUÊTES PHARMACOÉPIDÉMIOLOGIQUES :...... 20 1. COHORTE VISAT « VIEILLISSEMENT, SANTE, TRAVAIL »...... 21 1.1. Schéma général de l’étude ...... 21 1.2. Recueil des données ...... 22 2. ENQUETE MVT « MODE DE VIE ET TRAVAIL » ...... 24 2.1. Schéma général de l’étude ...... 24 2.2. Population d’étude...... 25

PARTIE I :DESCRIPTION DE LA CONSOMMATION DE MEDICAMENTS PSYCHOACTIFS CHEZ DES SALARIES...... 27 1. INTRODUCTION GENERALE ...... 28 1.1. Variabilité des données d’utilisation des médicaments...... 28 1.2. Prévalence de la consommation de médicaments psychoactifs en population générale...... 29 1.3. Prévalence de la consommation de médicaments psychoactifs en milieu du travail...... 30 2. TRAVAUX DE RECHERCHE PERSONNELS ...... 32 2.1. Étude n°1 : Description des substances psychoactives consommées en milieu du travail...... 32 2.2. Étude n°2 : Évolution de la consommation des médicaments chez des salariés depuis 20 ans (1986-2006)...... 47

PARTIE II :FACTEURS ASSOCIES A UNE INITIATION D’USAGE DE MEDICAMENTS PSYCHOACTIFS CHEZ DES SALARIES...... 59 1. FACTEURS PSYCHOSOCIAUX EN MILIEU PROFESSIONNEL ET CONSOMMATION DE MEDICAMENTS PSYCHOACTIFS ...... 60 1.1. Définition du stress professionnel ...... 60 1.2. Évaluation des facteurs psychosociaux en milieu professionnel...... 60 1.3. Facteurs associés à la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés ...... 65 2. TRAVAIL DE RECHERCHE PERSONNEL...... 69 2.1. Identification des facteurs associés à une initiation de la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés du Sud de la France : résultats de l’étude de cohorte VISAT (1996-2006) 69

PARTIE III :IMPACT D’UNE CONSOMMATION A LONG TERME DE MEDICAMENTS PSYCHOACTIFS SUR LE FONCTIONNEMENT COGNITIF...... 101 1. FONCTIONS COGNITIVES ET MEDICAMENTS PSYCHOACTIFS ...... 102 1.1. Définition générale de la « cognition »...... 102 1.2. Les processus mnésiques...... 103 1.3. L’attention sélective ...... 109 1.4. Consommation de médicaments psychoactifs et déficit cognitif : état des connaissances ...... 110 2. TRAVAIL DE RECHERCHE PERSONNEL...... 117 2.1. Consommation de médicaments psychoactifs à long terme et performances cognitives chez des sujets sains...... 117

PARTIE IV :CAS D’UNE AUTRE SUBSTANCE PSYCHOACTIVE : L’ALCOOL...... 145 1. ALCOOL...... 146 1.1. Généralités sur l’alcool...... 146 1.2. Consommation d’alcool en France ...... 147 1.3. Consommation d’alcool en milieu du travail ...... 149 1.4. Alcool et fonctions cognitives...... 150 2. TRAVAIL DE RECHERCHE PERSONNEL...... 151 2.1. Impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur le fonctionnement cognitif 151

CONCLUSION GÉNÉRALE ...... 172 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES...... 176 ANNEXES ...... 186

« Tous les sédatifs et les narcotiques végétaux, tous les euphoriques qui poussent sur les arbres, les hallucinogènes qui mûrissent dans les baies ou qu’on peut extraire, par pression, des racines, tous, sans exception, sont connus et ont été utilisés systématiquement par les êtres humains depuis les temps immémoriaux. Et à ces modificateurs naturels de la conscience, la science moderne a ajouté son contingent de produits synthétiques.

La plupart de ces modificateurs de la conscience ne peuvent, actuellement, être absorbés que sur l’ordre d’un médecin, ou sinon, d’une façon illégale, et moyennant des risques considérables. Pour l’usage sans restriction, l’Occident n’a autorisé que l’alcool et le tabac. Toutes les autres Portes chimiques dans le Mur sont étiquetées «Dope», et ceux qui en font un usage non autorisé sont des toxicomanes».

Aldous Huxley, Les Portes de la perception, Editions10/18, Paris, 1954, p.46

INTRODUCTION GÉNÉRALE

En France, la consommation de médicaments psychoactifs est élevée et se banalise. De plus, depuis le début des années 80, de nombreux changements ont affecté nos habitudes et nos méthodes de travail. Les plans de restructuration des entreprises ont entraîné des changements dans la façon de percevoir, d’exécuter et d’organiser son travail mais également des perturbations sur notre mode de vie. Le salarié doit donc s’adapter et cette adaptation peut se traduire par l’apparition d’un stress professionnel pouvant conduire à une consommation de substances psychoactives, notamment de médicaments. Or, très peu d’études se sont préoccupées des facteurs professionnels associés à la mise en place d’une consommation de médicaments psychoactifs, ni à l’impact de cet usage à long terme dans une population relativement jeune. Nous avons donc réalisé ce travail de thèse afin de répondre à ces différentes interrogations.

1. Décrire la consommation de substances psychoactives chez des salariés afin d’étudier les caractéristiques des consommateurs, de mettre en évidence des profils de consommation et d’identifier l’évolution de la consommation médicamenteuse depuis ces 20 dernières années en France.

2. Identifier les facteurs professionnels associés avec une initiation d’usage de médicaments psychoactifs chez des salariés suivis au long terme (10 ans).

3. Évaluer les effets d’une consommation à long terme de médicaments psychoactifs sur les performances cognitives chez des salariés suivis pendant 10 ans.

Pour répondre à nos objectifs de recherche, nous avons décidé d’utiliser deux types d’études : - une enquête transversale MVT « Mode de Vie et Travail » incluant des salariés de la région toulousaine, - une étude de cohorte VISAT « Vieillissement, Santé, Travail » qui permet de suivre 3237 salariés pendant une durée de 10 ans.

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LES MÉDICAMENTS PSYCHOACTIFS

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1. Définition générale des médicaments psychoactifs

De tout temps et dans toutes les sociétés, les individus ont eu recours à des substances psychotropes pour diverses raisons : pour soulager leurs douleurs physiques ou psychologiques, pour les aider à communiquer avec des dieux, pour établir un lien social, pour mieux dormir ou être plus performant… (1-2) Trois dimensions ou fonctions ont été décrites en ce qui concerne ces différents types d’usages. On parle ainsi d’un usage religieux, thérapeutique (qu’il soit médical ou non) ou encore social où ces substances sont utilisées pour établir ou faciliter le contact avec autrui. Ces trois fonctions semblent aujourd’hui de plus en plus fusionner comme le montre la frontière entre « drogue » et « médicament » qui ne cesse de s’amincir (1).

Mais en fonction du pays, de la culture et de la réglementation, un produit psychotrope présente des définitions très différentes. Il peut être défini comme «un fragment de plante aux vertus salutaires », « une substance préparée et utilisée pour soigner une maladie », « une drogue » ou encore « un produit pharmaceutique ». Le terme psychotrope provient du grec ancien psukhê (âme sensible, esprit) et tropes (mouvement, transformation). Il signifie donc littéralement « qui agit sur le psychisme ou l’âme ». Avant d’atteindre une définition relativement homogène, de nombreux auteurs ont donné leur propre définition. C’est le cas du pharmacologue allemand, Louis Lewin en 1924 qui qualifia les substances psychotropes comme « un poison de l’esprit » (3) et proposa une première classification relativement simple basée sur l’effet de la substance sur le système nerveux central (SNC) : les calmants (euphoria), les hallucinogènes (phantastica), les substances induisant une dépression allant jusqu’à la perte de conscience suite à une phase d’excitation (inebriantia), les calmants et somnifères (hypnotica) et les stimulants (exitantia). Cependant, cette classification est très limitée car elle ne tient pas compte de l’effet dose des substances et classe, par exemple, la cocaïne comme un calmant. En 1957, un psychiatre français, Jean Delay et son associé Pierre Deniker, définissent à leur tour les psychotropes comme étant des « substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle qui ont un tropisme psychologique, c’est-à-dire qui sont susceptibles de modifier l’activité mentale sans préjuger du type de cette modification ». La classification proposée par Delay et Deniker a été validée par le Congrès Mondial de Psychiatrie en 1961 et reste la plus connue et la plus utilisée. Elle est fondée sur la notion du tonus mental de Janet dissociant la « vigilance » et « l’humeur ». Ils ont alors défini 3 catégories de substances : les

3 psycholeptiques diminuant le tonus mental, les psychoanaleptiques augmentant le tonus mental et les psychodysleptiques perturbant le tonus mental. D’autres classifications ont été développées en fonction de l’effet des psychotropes sur le SNC comme celles de Pelicier et Thuillier (1991) : dépresseurs, stimulants et hallucinogènes ou perturbateurs - ou de Peters (1991) : psychostimulants, psychédéliques, psychosédatifs et antidépressifs.

Une définition anglo-américaine qualifia également les psychotropes de « substances modifiant les sensations, l’humeur, la conscience et d’autres fonctions psychologiques et comportementales ». De manière générale, on définit aujourd’hui une substance psychoactive comme « une substance chimique qui agit sur le système nerveux central en y modifiant des processus biochimiques et physiologiques sans préjuger de sa capacité à induire des phénomènes de dépendance, ni de toxicité » (4).

Dans ce travail, nous nous sommes intéressés plus spécifiquement aux médicaments psychoactifs. Cette dernière définition n’est donc pas assez précise car elle englobe toutes les substances agissant sur le cerveau, que l’usage en soit interdit ou non. En effet, ce n’est que vers la fin du XIX° siècle, suite à l’utilisation de la à des fins médicales, que « drogues » et « médicaments psychoactifs » ont été distingués (5). D’après la définition légale, donnée par l’article L.5111-1 du Code de la Santé Publique (6), on entend par médicament « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques» (7).

Un médicament psychoactif est donc « une substance naturelle ou de synthèse dont l’objet est d’agir sur le système nerveux central afin d’y susciter des modifications de fonctionnement à but thérapeutique » (8).

Actuellement, deux grands systèmes de classification des médicaments coexistent : le système américain (The American Hospital Formulary System Pharmacological/Therapeutic Classification scheme) et le système Anatomique, Thérapeutique et Chimique (ATC) recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (Collaborating Centre for Drug Statistics Methodology) publié pour la première fois en 1976. Ce second système de

4 classification a été utilisé dans notre travail de thèse. Les médicaments y sont divisés en plusieurs classes (ou systèmes) selon l’organe sur lequel ils agissent, mais aussi selon leurs caractéristiques thérapeutiques et chimiques.

Dans ce travail, nous avons ainsi défini les médicaments psychoactifs comme l’ensemble des médicaments appartenant aux classes ATC listées ci-dessous :

- M03BX07 : Tétrazépam

- N03AE : Dérivés des benzodiazépines  N03AE01 : Clonazépam

- N05 : Psycholeptiques  N05A : Antipsychotiques  N05B : Anxiolytiques  N05C : Hypnotiques et Sédatifs

- N06 : Psychoanaleptiques  N06A : Antidépresseurs  N06B : Psychostimulants  N06C : Psycholeptique et psychoanaleptiques en association  N06D : Médicaments contre la démence

2. Passage de la barrière hémato-encéphalique

Pour pouvoir agir, le médicament psychoactif doit parcourir un long trajet avant d’atteindre sa cible au sein du système nerveux central. Son action dépend de sa voie d’administration. En effet, les médicaments possèdent plusieurs voies d’administration (Figure 1).

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Figure 1 : Les voies d’administration des médicaments (Kolb B, Whishaw IQ. In : Cerveau et Comportement / ed. De Boeck. Paris : 2008. - p.346)

L’absorption d’un médicament par voie orale reste la méthode la plus commode. Le médicament va alors se retrouver confronté à plusieurs barrières comme l’estomac ou l’intestin, le compartiment sanguin mais surtout la barrière hémato-encéphalique (BHE). Cette dernière est imperméable à un grand nombre de substances et joue un rôle prépondérant dans la protection du cerveau. Les raisons de cette quasi-imperméabilité aux molécules de l’organisme résident dans le fait que les cellules de la paroi des capillaires cérébraux sont liées par des jonctions serrées (Figure 2). L’espace qui les sépare est donc extrêmement étroit. La BHE est donc un filtre très sélectif. De plus, des branches astrocytaires (cellules gliales) recouvrent près de 80% de la surface des cellules endothéliales. Ces cellules ont en réalité un rôle de maintien des jonctions étroites entre les cellules endothéliales de la BHE. Seule l’hypophyse, l’aire postrema et la glande pinéale ne possèdent pas de BHE, ce qui leur permet de laisser passer les hormones ou autres substances nécessaires à leur bon fonctionnement. Pour qu’une substance traverse la BHE, il faut donc qu’elle soit de petite taille et non ionisée ou bien il faut que sa structure lui permette l’utilisation d’un système de transport actif c’est-à-dire une pompe. Lorsqu’une substance réussi à traverser la BHE et se retrouve dans le liquide extracellulaire cérébral, elle peut alors pénétrer dans les cellules gliales ou dans les neurones.

6 Capillaire Classique

Capillaire Cérébral

Figure 2 : Différences structurelles entre les capillaires classiques et les capillaires cérébraux (Kolb B, Whishaw IQ. In : Cerveau et Comportement / ed. De Boeck. Paris : 2008. - p.346)

3. Pharmacologie des médicaments psychoactifs

Les médicaments psychoactifs agissent en déclenchant ou en modifiant des réactions chimiques qui ont lieu au niveau des synapses. Dans le cerveau, la synapse représente la zone de contact entre deux neurones permettant la conversion d’un potentiel d’action pré- synaptique en un signal dans la cellule post-synaptique par l’intermédiaire de la libération de neurotransmetteurs dans la fente synaptique. La figure 3 illustre les principales étapes de la neurotransmission représentant chacune une cible potentielle des substances psychoactives. Les médicaments psychoactifs peuvent donc agir de deux façons sur la synapse : - soit en augmentant l’efficacité de la neurotransmission d’où un effet « agoniste », - soit en diminuant l’efficacité de la neurotransmission d’où un effet « antagoniste ».

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Figure 3 : Principales cibles des substances psychoactives (Kolb B, Whishaw IQ. In : Cerveau et Comportement / ed. De Boeck. Paris : 2008. - p.346)

3.1. Psychodysleptiques

3.1.1. Neuroleptiques (ou antipsychotiques)

3.1.1.1.Découverte des neuroleptiques La Schizophrénie est une psychose qui se développe progressivement dès l’adolescence. Cette maladie psychiatrique se compose de symptômes dits « positifs » (comportements inattendus et extravagants, phases d’hyperactivité, agressivités verbales et désorganisation conceptuelle de la pensée) et de symptômes dits « négatifs » (émoussement affectif, perte de volonté, hallucinations auditives ou visuelles et idées délirantes) (9). Dans les années 50, l’introduction de la réserpine (alcaloïde extrait de Rauwolfia Serpentina) et de la (substance de synthèse) vont faire naître une pharmacothérapie qui va révolutionner la prise en charge de la schizophrénie et diminuer le nombre de patients hospitalisés en structures psychiatriques. En effet, la chlorpromazine a d’abord été proposée comme antihistaminique mais présenta très vite des propriétés intéressantes dans le traitement des psychoses, en particulier en ralentissant l’activité psychomotrice et l’agitation. Plusieurs

8 molécules ont alors été synthétisées avec des structures proches de celle de la chlorpromazine (Figure 1) comme les phénothiazines et les thioxanthènes; suivirent ensuite les butyrophénones et les . Puis, des molécules de structures différentes sont apparues appelée neuroleptiques de seconde génération ou antipsychotiques atypiques.

Figure 1 : Structure de la chlorpromazine

3.1.1.2.Effets pharmacologiques des neuroleptiques Les neuroleptiques agissent sur le système dopaminergique en bloquant les récepteurs post-synaptiques D2 (Figure 2) : - dans le système méso-cortico-limbique : effet antipsychotique recherché c’est-à-dire un ralentissement psychomoteur, une indifférence affective et un apaisement émotionnel, - dans le système nigro-striatal : responsable de l’apparition de syndromes extra- pyramidaux caractérisés par une akinésie, des tremblements et des dyskinésies précoces ou tardives certainement dues à une up-regulation des récepteurs dopaminergiques lors d’une prise chronique de neuroleptiques, - dans le système hypothalamo-hypophysaire : effet sur la libération de la prolactine, - dans l’aire chimique bulbaire du vomissement : effet antiémétique.

Figure 2 : Mécanisme d’action des neuroleptiques

9 Ces médicaments ont donc un double effet : - un effet sédatif : qui va soulager l’agitation et l’angoisse des patients souffrant de psychose, - un effet anti-délirant : qui va modifier les hallucinations et les idées délirantes des sujets traités.

Cependant, d’autres effets pharmacologiques, variables d’un médicament à l’autre, peuvent apparaître provoquant des effets annexes comme :

- un blocage des récepteurs cholinergiques muscariniques M1 responsables d’effets atropiniques (bouche sèche, constipation, rétention urinaire) et des troubles centraux (troubles mnésiques),

- un blocage des récepteurs α1 adrénergiques provoquant une hypotension orthostatique,

- un blocage des récepteurs H1 entraînant un effet antihistaminique d’où une sédation et une prise de poids importante, - un blocage des récepteurs 5HT intervenant également dans la régulation de l’appétit. Les neuroleptiques atypiques ont été développés afin de diminuer ces différents effets indésirables.

3.1.1.3.Classification des neuroleptiques selon leur structure chimique On distingue les neuroleptiques de première et de seconde génération : - Neuroleptiques de 1° génération (en référence à leurs effets indésirables extrapyramidaux):  Phénothiazines : Ils sont composés d’une structure tricyclique dérivant directement de la chlorpromazine. Les phénothiazines sont eux-mêmes divisés en 3 sous- groupes : - aliphatiques : chlorpromazine, lévomépromazine, acépromazine... - pipérazinées : fluphénazine, trifluopérazine, thiopropérazine... - pipérinées : , , périciazine.

 Thioxanthènes : dérivés des phénothiazines.

 Butyrophénones : dont le chef de file est l’halopéridol. Ces composés ont été introduits après les phénothiazines car ils possèdent des effets secondaires végétatifs anti-adrénergiques et anti-muscariniques plus réduits. Néanmoins, les

10 risques d’effets moteurs extrapyramidaux sont plus importants avec ces médicaments qu’avec les phénothiazines du fait de leur moindre action anticholinergique. Les butyrophénones sont également divisées en trois sous- groupes : - pipéridinées : halopéridol, triflupéridol, dropéridol, pipampérone... - pipérazinés : . - apparentés : , .

 Benzamides : comme leur nom l’indique, possèdent un noyau benzénique. On retrouve dans cette classe le , l’ et le . Ces médicaments agissent principalement sur la voie méso-limbique et présente une action antiémétique plus importante que celle de la chlorpromazine.

- Neuroleptiques de 2° génération ou « antipsychotiques atypiques » (, rispéridone, , amisulpride...): Ces neuroleptiques de nouvelle génération ont été développés à la fin des années 80 pour être plus efficaces et entraîner moins d’effets indésirables que les neuroleptiques de première génération. Cependant, de nombreux débats ont été ouverts concernant leur appellation car leur intérêt clinique n’a jamais été réellement prouvé (10-11). Seule la clozapine a montré un vrai intérêt dans la prise en charge de schizophrénies résistantes aux neuroleptiques de 1° génération (12). Cependant, on classe la clozapine dans les neuroleptiques de nouvelles générations alors que ce médicament est apparu dans les années 60 mais retiré du marché suite à des effets indésirables hématologiques graves. Il a été remis sur le marché dans les années 90 en raison de son importante efficacité antipsychotique mais son utilisation est étroitement contrôlée par des bilans biologiques. Cette classe médicamenteuse est actuellement la plus prescrite dès le premier épisode psychotique.

3.1.2. Anxiolytiques

Les anxiolytiques sont les médicaments psychoactifs les plus consommés en France. En effet, dans une étude comparant la consommation de psychotropes dans quatre pays européens, la France se situait en première position pour l’utilisation des anxiolytiques avec 9,0% de consommateurs contre 5,8% en Italie, 0,7% en Allemagne et 0,6% au Royaume-Uni

11 (13). Une autre étude conduite en 2000, à partir des données de remboursement de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie, a permis de montré que 17,4% des français ont eu au moins un remboursement pour un anxiolytique au cours de l’année (14).

3.1.2.1.Indications des anxiolytiques Comme leur nom l’indique, les anxiolytiques sont des médicaments utilisés dans le traitement de l’anxiété et dans les troubles de l’endormissement. Cependant un état anxieux est difficile à définir : on parle d’émotion qui se met en place progressivement lorsqu’un individu ressent une menace pour lui-même ou pour les autres. Cet état devient pathologique si l’intensité de la réaction dépasse un certain seuil. La nervosité est souvent une conséquence de problèmes ou de difficultés personnelles ou professionnelles. On parle également de stress psychique. Les anxiolytiques sont donc proposés dans le cas : - d’une anxiété aiguë et réactionnelle : prescrit pour quelques semaines et non à long terme, - d’un sevrage alcoolique : car ils agissent sur le système GABAergique comme l’alcool pour éviter la confusion et les crises d’épilepsies lors du sevrage, - de contractures musculaires (tétrazepam), - de crises convulsivantes chez l’enfant, - d’un état de mal épileptique (). Les anxiolytiques peuvent également être prescrits dans le cadre d’une dépression afin d’agir en traitement de fond de l’anxiété.

3.1.2.2.Classification des anxiolytiques Les anxiolytiques sont classés en deux groupes : - Classe des benzodiazépines : , , clonazepam, , ... Les benzodiazépines sont principalement administrées par voie orale car ces médicaments ont une haute absorption au niveau digestif. Mais ils peuvent également être administrés par voie rectale (notamment chez le nourrisson lors de convulsions fébriles), en intramusculaire seulement si le patient est très agité ou par voie intraveineuse lors d’une anesthésie brève (). L’intraveineuse est également la voie d’administration utilisée par les toxicomanes lors d’un usage détourné des benzodiazépines. Les benzodiazépines facilitent l’action du GABA (acide gamma-aminibutyrique) en

agissant comme des agonistes du récepteur GABAA. Ils agissent donc au niveau des neurones GABAergiques représentant à eux seuls un tiers des synapses du système

12 nerveux central. Leur fixation va favoriser l’ouverture du canal Cl- par le GABA grâce à une modulation allostérique du récepteur et entraîner un effet inhibiteur sur le neurone

post-synaptique. Le récepteur GABAA possède une structure pentamérique composée de

plusieurs sous-unités (Figure 3).

Figure 3 : Structure du récepteur GABAA

Les benzodiazépines agissent au niveau de plusieurs structures :  action sur le cortex : Les voies GABAergiques du cortex ont pour fonction de régulariser l’excitabilité du cortex afin d’éviter des crises d’épilepsie. Le diazepam présente une action préférentielle pour le cortex et possède donc des propriétés anti-convulsivantes.  action sur le striatum : Les voies GABAergiques du striatum ont pour fonction de moduler l’action des neurones dopaminergiques au niveau des noyaux gris centraux. Les benzodiazépines vont donc jouer un rôle dans la diminution des symptômes extrapyramidaux chez des patients parkinsoniens.  action sur le cervelet : Les voies GABAergiques du cervelet ont pour fonction de maintenir l’équilibre du sujet. Les benzodiazépines seront donc responsables de dysarthrie et de perte de coordination. L’alcool associé à ces médicaments va potentialiser l’effet des benzodiazépines.

13  action sur la substance de Rolando (moelle épinière) : Les voies GABAergiques de la moelle épinière ont pour fonction de maintenir la relaxation des muscles. Les benzodiazépines ont alors une propriété myorelaxante. En plus d’être anxiolytiques, les benzodiazépines possèdent 4 autres propriétés. Ces médicaments sont également hypnotiques (inducteurs du sommeil), anticonvulsivants, myorelaxants et sédatifs (abaissent le seuil de vigilance).

- Classe des non benzodiazépines :  : jouent un rôle moindre sur le système GABAergique que les benzodiazépines.

 : antagoniste des récepteurs H1 centraux.  : possède un mécanisme d’action sérotoninergique en agissant comme

un agoniste partiel du récepteur 5HTA1.  : agit sur le système GABAergique mais également sur le canal chlore.

3.1.2.3.Effets indésirables des anxiolytiques Les effets indésirables des anxiolytiques dépendent de la classe à laquelle ils appartiennent. - Effets indésirables des benzodiazépines : somnolence, troubles mnésiques, réactions paradoxales chez le sujet jeune et apparition d’une pharmacodépendance lors d’un traitement prolongé. Lors d’un arrêt brutal, les benzodiazépines peuvent entraîner un syndrome de sevrage qui se manifeste par une insomnie, une irritabilité, des troubles de la coordination, des vertiges, une perte d’équilibre, des céphalées, des troubles digestifs mais parfois également des crises d’épilepsie et un état confusionnel. - Effets indésirables des carbamates : une toxicité cardiaque et une pharmacodépendance plus importante qu’avec les benzodiazépines. - Effets indésirables de la buspirone : des céphalées et des troubles digestifs.

3.1.3. Hypnotiques et sédatifs

Les hypnotiques sont des médicaments capables d’induire ou de maintenir le sommeil. Ils sont donc utilisés dans les troubles du sommeil. Le sommeil est une phase de repos composée de plusieurs phases d’activité cérébrale. Les troubles du sommeil sont divisés en trois catégories : le trouble de l’endormissement, le trouble du maintien de l’état de sommeil

14 et l’éveil précoce. Ces troubles sont généralement dus à des facteurs exogènes comme le bruit, le décalage horaire ou encore la prise d’alcool mais peuvent également être dus à des facteurs endogènes comme la douleur ou l’anxiété par exemple. Si les troubles persistent dans le temps, ils peuvent faire apparaître une insomnie chronique.

Les barbituriques et l’hydrate de chloral ont été les premiers hypnotiques sur le marché. Cependant, ces médicaments possèdent un risque de toxicité et de dépendance avec la mise en place d’une tolérance très rapide. Ils ont donc été progressivement abandonnés avec l’arrivée des benzodiazépines. Nous pouvons classer les benzodiazépines utilisés comme hypnotiques en trois catégories : - à durée de vie longue : , , ... - à durée de vie intermédiaire : témazepam, , lormétazepam... - à durée de vie courte : . Dans les années 90, d’autres hypnotiques apparentés aux benzodiazépines ont vu le jour : le (famille des imidazopyridines) et le (famille des cyclopyrolones). Ces derniers sont actuellement les hypnotiques les plus prescrits en raison d’un profil de sécurité théoriquement plus favorable.

Ces médicaments, comme les anxiolytiques ont été soumis à un arrêté limitant leur durée de prescription (15): - à 12 semaines pour les anxiolytiques (sauf pour le clorazépate dont la durée a été limitée à 4 semaines), - à 4 semaines pour les hypnotiques (sauf pour le triazolam, le zaléplone et le flunitrazépam dont la durée a été limitée à 2 semaines).

3.2. Psychoanaleptiques

3.2.1. Antidépresseurs

3.2.1.1.Généralités La découverte des antidépresseurs date des années 50 et fut une véritable révolution thérapeutique. Ces médicaments améliorent l’humeur dépressive et soulagent la souffrance morale après quelques semaines d’utilisation. Ils peuvent également être utilisés dans le

15 traitement des TOC (Troubles Obsessionnels Compulsifs), des troubles du comportement alimentaire et dans le traitement des douleurs neurogènes.

Il existe plusieurs types de dépression : - la dépression réactionnelle : due à un facteur déclencheur ou révélateur qui va durer quelques semaines seulement, - la dépression névrotique ou dysthymie qui dure en moyenne un an, - la dépression endogène ou épisode dépressif majeur :  unipolaire : due à une perturbation de l’axe corticotrope,  bipolaire : encore appelée maniacodépression.

Les antidépresseurs sont généralement associés à une prise en charge psychothérapeutique. Leur délai d’action est relativement long puisqu’il se situe entre 2 et 3 semaines. Les antidépresseurs semblent agir sur la dépression en favorisant la neurotransmission au niveau des synapses sérotoninergiques, noradrénergiques, histaminergiques, cholinergiques et peut être dopaminergiques.

3.2.1.2.Classification et effets pharmacologiques des antidépresseurs La classe des antidépresseurs se compose de molécules très hétérogènes. Le mécanisme d’action de ces médicaments est centré sur l’hypothèse neurobiologique d’une diminution de la neurotransmission sérotoninergique et noradrénergique lors d’une dépression.

- Les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) : Les IMAO agissent en bloquant la monoamine oxydase (enzyme intervenant dans le métabolisme des neurotransmetteurs) (Figure 4).  IMAO non-sélectifs : nialamide, iproniazide... Ces médicaments sont les antidépresseurs les plus anciens mais en France, ils ne sont plus commercialisés en raison de leur action irréversible responsable d’effets indésirables graves dus à des interactions avec l’alimentation (« effet fromage »).

 IMAOB : selegiline... Les IMAOB sont utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson car ils agissent sur le système dopaminergique. Ils ne sont pas prescrits dans le cadre d’une dépression.

16  IMAOA : , moclobemide... Ces antidépresseurs présentent un faible risque d’interaction alimentaire.

IMAO

NT

Figure 4 : Mécanisme d’action des IMAO sur un neurone sérotoninergique ou noradrénergique (NT : neurotransmetteur)

- Les antidépresseurs tricycliques et apparentés (ADTC) : imipramine, , ... Les ADTC imipraminiques tiennent leur nom de leur structure chimique et sont indiqués dans les états dépressifs de toutes natures, les troubles anxieux mais également dans la douleur. Ils inhibent la recapture pré-synaptique des neurotransmetteurs monoaminergiques (noradrénergiques ou sérotoninergiques), de manière sélective ou non, par blocage du transporteur membranaire entrainant une augmentation de la concentration du neurotransmetteur dans la fente synaptique (Figure 5). De plus, ces antidépresseurs ont des effets anticholinergiques centraux et périphériques et agissent comme des antagonistes

des récepteurs histaminergiques H1 et α post-synaptiques entrainant de nombreux effets indésirables :  effets indésirables neuropsychiques : troubles du sommeil, tremblements, inversion rapide de l’humeur, levée de l’inhibition majorant le risque de suicide et des syndromes confusionnels.  effets indésirables atropiniques : sécheresse buccale, constipation, mydriase et rétention urinaire.  effets indésirables cardiovasculaires : hypotension, troubles de la conduction (désynchronisation).

17  effets indésirables endocriniens : diminution de la libido, défaut d’érection, dysménorrhée, prise de poids, mastodynies. Dans cette classe, nous retrouvons des ADTC apparentés comme la miansérine (qui agit

sur les récepteurs α2 adrénergiques post-synaptiques).

ADTC NT

Figure 5 : Mode d’action des ADTC sur un neurone sérotoninergique ou noradrénergique (NT : neurotransmetteur)

- Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRSS) : , , , , ... Les IRSS vont bloquer spécifiquement le transporteur pré-synaptique de la sérotonine entrainant une augmentation de la concentration en neurotransmetteur dans la fente synaptique (Figure 6). Ils vont également affecter indirectement le système noradrénergique car nous savons que le système sérotoninergique et noradrénergique sont étroitement liés. Ces médicaments sont les antidépresseurs les plus utilisés actuellement car ils sont très efficaces et ont un faible effet anticholinergique et une absence de toxicité cardiaque. Ils sont utilisés en première intention dans les états dépressifs de toutes natures mais leur indication s’est même étendue à d’autres pathologies que la dépression. Néanmoins, ils possèdent quelques effets indésirables transitoires principalement digestifs. Lors d’une intoxication, un risque de syndrome sérotoninergique est possible qui se caractérise par des syndromes digestifs, neuropsychiques, moteurs et végétatifs.

18

IRSS NT

Figure 6 : Mode d’action des IRSS sur un neurone sérotoninergique (NT : neurotransmetteur)

- Les nouveaux antidépresseurs ou les « dual-action » antidépresseurs :  : agit à la fois sur les voies noradrénergiques et sérotoninergiques. Elle

bloque les récepteurs α2 adrénergiques et augmente la transmission

sérotoninergique par les récepteurs 5HT1 en bloquant les récepteurs 5HT2 et 5HT3.  milnacipram : inhibiteur mixte de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.

 : antagoniste des récepteurs 5HT2 et inhibiteur de la recapture de la sérotonine  : inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.

19

ENQUÊTES PHARMACOÉPIDÉMIOLOGIQUES : - Cohorte « VISAT » - Enquête « Mode de Vie et Travail »

20

1. Cohorte VISAT « Vieillissement, Santé, Travail »

1.1. Schéma général de l’étude

L’étude VISAT (« Vieillissement, Santé, Travail ») est une étude pluridisciplinaire à visée longitudinale dont le but est de préciser dans quelle mesure et comment les conditions de travail influencent, à court et à long terme, la santé et le vieillissement des individus (16). Il s’agit d’une étude de cohorte fixe prévue pour 10 ans (1996-2006) et incluant 3237 salariés ou anciens salariés de trois régions du sud de la France (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon) nés en 1934, 1944, 1954 et 1964. Cette recherche repose sur des mesures effectuées à l'occasion de la visite médicale du travail.

La cohorte VISAT a été initiée par un groupe de chercheurs du CNRS (Laboratoire Travail et Cognition, UMR 5263) de Toulouse. Plusieurs équipes de recherche de Toulouse se sont alors associées au pilotage (EA3696 - Unité de Pharmacoépidémiologie: évaluation de l'exposition et du risque médicamenteux, INSERM U 588- Épidémiologie et analyses en santé publiques, Service des Maladies Professionnelles et Environnementales de la Faculté de Médecine de Toulouse) mais également plus de 200 médecins du travail des trois régions du Sud de la France impliquées dans la cohorte ainsi que la Direction Régionale du Travail et de l’Emploi (DRTE).

Les sujets ont été tirés au sort parmi les effectifs des médecins du travail participants à la cohorte et ont été sollicités pour participer à l’étude et à son suivi à 10 ans. Tous les sujets ont été volontaires et ont signé un consentement éclairé. L’étude a été faite dans le respect de la réglementation, avec l’accord de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) et un respect strict de l’anonymat. L’inclusion a eu lieu lors de la visite médicale annuelle obligatoire et systématique dans le cadre de la médecine du travail ou au cours de la visite médicale d’embauche pour les nouveaux salariés. Les entretiens ont été réalisés par les médecins du travail à l’inclusion (en 1996), à 5 ans (en 2001) et à 10 ans (en 2006) (Figure 1). Les recueils de la première campagne ont eu lieu en 1996/1997, ceux de la deuxième campagne se sont achevés en 2001/2002 et la 3ème campagne de recueil s’est déroulée en 2006/2007.

21 1.2. Recueil des données

Les sujets ont été interrogés à l’inclusion dans la cohorte, à 5 ans et à 10 ans. Les données ont été recueillies de façon identique sur des questionnaires standardisés. L’outil de recueil des données comportait plusieurs parties: - un questionnaire détaillé : sur les caractéristiques professionnelles (emploi, conditions de travail actuelles et passées, durées d’exposition à diverses nuisances et contraintes), les conditions de vie hors travail, la santé auto-évaluée (Nottingham Health Profile, ...), les pathologies actuelles et passées.

- un examen clinique : incluant diverses mesures classiques (pouls, pression artérielle, poids, taille, vision, audition ...) et des épreuves psychométriques (mémoire, apprentissage, attention, vitesse d’exécution).

T1 : 1996 T2 : 2001 T3 : 2006 3237 sujets 2287 sujets 1321 sujets

Tintermédiaire : 1999 2134 sujets 1268 sujets revus aux 3 enquêtes (T1, T2 et T3)

Figure 1 : Schéma général de la cohorte VISAT

1.2.1. Questionnaires de l’enquête VISAT

VISAT comprend 4 questionnaires standardisés regroupant un ensemble de 500 variables par sujet inclus.

- Questionnaire 1 : caractéristiques générales et professionnelles. Cet auto-questionnaire permet de décrire le travail actuel du salarié, de résumer sa carrière professionnelle, de recueillir les conditions de travail pouvant affecter ou avoir affecté la santé du sujet.

22 - Questionnaire 2 : examen médical et tests psychotechniques (effectués par le médecin). 23 items concernant la santé générale des sujets ont été recueillis et les médicaments consommés. Un certain nombre de mesures cliniques sont effectuées par le médecin.

- Questionnaire 3 : tests psychométriques (effectués par le médecin). Les performances cognitives ont été évaluées, dans l’ordre, à l’aide de 3 tests cognitifs validés (cf. annexes):

(1) un test de mémoire adapté du REY Verbal Learning Test. Ce test permet d’évaluer la mémoire à court terme, à long terme et la stratégie de mémorisation:  Test du rappel immédiat des mots (Immediate Free Recall): Le sujet lit une liste de 16 mots et doit les rappeler immédiatement. Trois essais consécutifs sont réalisés.  Test du rappel différé des mots (Delayed Free Recall): Après un délai de 15 minutes, le sujet passe un test de rappel différé des mots précédemment appris.  Test de reconnaissance des mots (Recognition Test) : un test de reconnaissance où les mots appris se retrouvent mêlés à des distracteurs.

(2) le Digit-Symbol Substitution subTest (DSST) ou test du code du Wechsler Adult Intelligence Scale est un test reflétant principalement les processus de rapidité d’exécution. Le sujet doit attribuer un symbole correspondant à chaque chiffre numéroté de 1 à 9 en 90 secondes.

(3) un test d’attention sélective (Visual Search Speed Test) dérivant du Test de Sternberg est un test en deux parties. La première partie consiste à barrer le plus rapidement possible dans une ligne de 58 caractères alphabétiques, la lettre indiquée en gras dans la marge de cette même ligne parmi 57 distracteurs. Ce test est répété sur 6 lignes différentes. La seconde partie est basée sur le même principe, mais ici la lettre à rechercher est elle-même associée à 3 autres lettres dans la marge.

- Questionnaire 4 : auto-questionnaire sur les conditions de vie hors travail.

23 1.2.2. Exposition aux médicaments psychoactifs

Pour chaque recueil, la consommation médicamenteuse a été évaluée de façon exhaustive sauf pour la première année. Une fiche de suivi standardisée a donc permis de collecter les données complémentaires concernant la consommation médicamenteuse après 3 ans (en 1999 : 2134 sujets) (Figure 1).

En 1996, l’exposition aux médicaments a été évaluée à l’aide d’une question qui permettait d’identifier la prise d’un médicament psychoactif si le sujet déclarait prendre régulièrement au cours des 3 derniers mois un médicament pour dormir (assimilé à un hypnotique ou sédatif), un remontant (assimilé à un antidépresseur) ou un médicament pour les nerfs (assimilé à un anxiolytique). De plus, si le participant avait une dépression traitée en 1996, on supposait une prise d’antidépresseur.

En 2001 et en 2006, le sujet citait le nom de tous les médicaments pris au cours du mois. L’ensemble des médicaments a été codé selon la classification ATC (Anatomique, Thérapeutique et Chimique). Une prise de médicaments psychoactifs était alors définie lorsque le sujet prenait au moins un médicament appartenant à la classe des psycholeptiques (N05) ou des psychoanaleptiques (N06).

2. Enquête MVT « Mode de Vie et Travail »

2.1. Schéma général de l’étude

Cette enquête a été initiée par l’équipe d’accueil EA3696 : Unité de Pharmacoépidémiologie de Toulouse comme une continuité de l’étude ‘Médicaments et Travail’ réalisée en 1986 et 1996. Au cours de l’année 2006, nous avons donc mis en place une enquête transversale réalisée auprès d’un échantillon aléatoire de salariés de la région Toulousaine. Cette étude s’est déroulée grâce à la participation du SMIT (Service Médical Interentreprises de Toulouse). Pendant une période de 2 mois, les médecins du travail participants ont proposé aux 100 premiers salariés se présentant à la consultation de remplir un auto-questionnaire.

Le questionnaire nous a permis de recueillir des informations concernant à la fois (cf. annexes):

24 - les médicaments : étude répétée tous les 10 ans depuis 1986 (17), - et d’autres substances psychoactives : alcool, tabac et .

2.2. Population d’étude

2.2.1. Plan d’échantillonnage

2.2.1.1.Médecins participants Les médecins participant à cette étude étaient des médecins du travail appartenant au SMIT (Service Médecine Inter-Entreprise) de Toulouse. En 1986, 19 médecins du travail avaient participé à l’enquête ‘Médicaments et Travail’ et 23 médecins en 1996. En 2006, 25 médecins ont participé à l’enquête ‘Mode de Vie et Travail’.

2.2.1.2.Salariés participants Il s’agissait des 100 premiers salariés se présentant à la visite médicale de chaque médecin participant à l’étude. Tous les types de salariés ont été inclus : visite de période, visite de reprise, intérimaires... Nous avons exclus les sujets non francophones ou illettrés. Le salarié était libre de participer ou de refuser de répondre au questionnaire.

2.2.1.3.Anonymisation des questionnaires L’ensemble des questionnaires a été anonymisé par un numéro d’anonymat composé du code médecin (2 chiffres) et d’un numéro d’ordre d’arrivée des salariés (1 à 100).

2.2.2. Recueil des données

Le recueil des données a été réalisé à l’aide d’un auto-questionnaire divisé en 2 parties :

- Caractéristiques générales et professionnelles du salarié : sexe, année de naissance, type de contrat professionnel, des items des questionnaires de Karasek et de Siegrist, le questionnaire de Kristensen sur le sens du travail et des échelles visuelles analogiques concernant la satisfaction professionnelle, la satisfaction extraprofessionnelle, la pénibilité du travail et le stress perçu (18).

- Consommations du salarié:  Consommation de médicaments : consommation d’au moins un médicament au cours de la semaine passée, nom du médicament, motif d’utilisation, consommation

25 régulière au cours du mois précédent, prise du médicament après avis médical.

 Usage de tabac : items du questionnaire de Fagerström et questionnaire de Horn concernant le comportement face au tabac appliqué en milieu du travail.

 Usage d’alcool : consommation d’alcool avant, pendant ou après le travail, et motif de consommation. Les items sont tirés du questionnaire traduit de l’anglais par Pascal Gasche (19).

 Usage du cannabis : consommation de cannabis avant ou après le travail et motif de consommation.

2.3. Description générale de la population ayant participé à l’enquête MVT

Nous avons inclus 2213 salariés dans l’enquête MVT en 2006 avec une répartition homogène entre les hommes (52,6%) et les femmes (47,4%). Seuls 39 sujets ont refusé de participer à l’enquête soit 1,7% de l’échantillon de départ. Ces sujets étaient plus âgés (43 ans versus 39 ans pour les participants) et davantage ouvriers (34,4% versus 12,7%). Notre population n’est pas représentative de la population des salariés français, il est donc difficile d’extrapoler nos résultats au niveau national. En effet, si nous comparons la répartition des catégories socioprofessionnelles de notre enquête, issue de la région toulousaine, avec celle des données nationales (20), nous observons une surreprésentation des cadres et des employés dans notre population et une sous-estimation des ouvriers. L’âge moyen de notre population était de 39,3 ans±10 ans (sans différence selon le genre). Nous avons davantage de cadres et d’ouvriers chez les hommes et davantage d’employées chez les femmes. En ce qui concerne les contrats, 93,1% des participants avaient un contrat à durée indéterminée. Cependant, les femmes avaient davantage de contrats à durée déterminés et les hommes davantage de contrats intérim. 5,7% de notre population avait peur de perdre son emploi au cours de l’année. Pour la satisfaction professionnelle, les femmes étaient moins satisfaites professionnellement que les hommes. Par contre, nous n’avons pas noté de différence significative en ce qui concernait la satisfaction extraprofessionnelle (relativement élevée en moyenne 8 sur 10). Enfin, pour le stress perçu, nous avons mis en évidence des scores plus élevés chez les femmes (soit 30,2% chez les femmes versus 26,0% des hommes (p=0,03)).

26

PARTIE I : Description de la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés.

27

1. Introduction générale

1.1. Variabilité des données d’utilisation des médicaments

La revue de la littérature est très riche en données sur la prévalence de la consommation des médicaments psychoactifs en population générale ou en population spécifique comme en milieu du travail. Cependant, la méthodologie utilisée dans ces études est souvent très différente, ce qui explique la grande hétérogénéité des résultats obtenus. Décrire ou comparer la consommation médicamenteuse en population n’est pas une chose simple car l’investigateur doit mettre en place une étude observationnelle soumise à de nombreux biais. Les résultats vont alors dépendre de la méthode d’étude choisie, du critère de mesure utilisé, de la population étudiée, des sources de recueil de l’information ou encore de la fenêtre d’exposition définie.

Les études évaluant la consommation médicamenteuse en France utilisent des critères de mesure variés. En effet, il existe un grand nombre de critères permettant d’évaluer l’utilisation de médicaments dont le plus utilisé est la vente de médicaments par habitant et par an (21): - Dépense de médicaments par habitant et par an : En 2004, la France enregistrait les ventes les plus élevées soit 284€ par habitant devant le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. - Poids du médicament dans le PIB (Produit Intérieur Brut) national : En 2006, la France était en 1° position dans le monde avec un poids égal à 2,1% du PIB suivie par les Etats- Unis (1,9%) et l’Italie (1,8%). - Part des dépenses pharmaceutiques dans les dépenses publiques : En 2003, la France se retrouvait en tête du classement. La part de dépenses pharmaceutiques représentait alors 18,4% des dépenses de santé suivie de l’Allemagne (13,9%) et de l’Angleterre (12,3%). - Equation « consultation=ordonnance» : En 2005, la CNAM-TS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Sociaux) plaça encore la France au 1° rang avec 90% des consultations médicales qui se concluaient par une ordonnance contre 83% en Espagne, 72% en Allemagne et seulement 43% aux Pays-Bas. - Autres critères de mesure possibles : le nombre de ligne de prescriptions pour 100 habitants...

28 Comme pour les critères de mesure, les études évaluant l’utilisation des médicaments utilisent des unités de mesure différentes comme : - Unité : c’est-à-dire le conditionnement du médicament. Cette unité peut être utilisée pour étudier l’utilisation médicamenteuse au sein d’un même pays par contre elle n’est pas adaptée à des comparaisons internationales car les conditionnements sont souvent très différents d’un pays à l’autre. - Unité standard : utilisée par l’IMS Health pour comparer la consommation de médicaments présentant des conditionnements différents ou des formes galéniques différentes. L’unité standard est calculée en multipliant le nombre d’unités par la taille de la boîte et divisé par un facteur d’unité standardisée (qui est la plus petite dose commune pour un médicament). - Kilogramme de principe actif : également utilisé par l’IMS Health. Cette unité de mesure permet d’éliminer les différences de dosages et de conditionnement. - Dose Définie Journalière (DDJ) ou Defined Daily Dose (DDD) : est une unité de mesure internationale dont le concept a été introduit dans les années 70 par le « Nordic Council on Medicines » lors de la construction de la classification ATC. Les consommations en unités sont divisées par une dose journalière conventionnelle pour un sujet adulte. La limite de cette unité de mesure réside dans le fait que les doses sont arbitraires et ne correspondent par toujours à une pratique réelle d’utilisation.

Pour comparer les données d’utilisation il faut donc tenir compte du critère et de l’unité de mesure mais également de la classe médicamenteuse étudiée et de la période considérée. Néanmoins, la quasi-totalité des études ont mis en évidence une forte consommation de médicaments en France avec un positionnement en tête des pays européens et au 2° rang dans le monde après les Etats-Unis.

1.2. Prévalence de la consommation de médicaments psychoactifs en population générale

Depuis le début des années 1980, un certain nombre d’équipes internationales se sont intéressées à la question de la consommation des médicaments psychoactifs en population.

En France, la consommation de médicaments psychoactifs s’est fortement banalisée depuis ces dernières années. La population française semble avoir plus facilement recourt aux

29 psychotropes que celle des autres pays européens. Depuis 1990, la consommation a fortement augmenté (14) et cette augmentation peut s’expliquer par l’évolution des besoins mais également par un élargissement de l’offre pharmaceutique. En effet, dans une étude épidémiologique européenne, Alonso et coll. ont mis en évidence une forte prévalence de la consommation de psychotropes en France par rapport aux autres pays européens. Cette prévalence a été évaluée à 21,4% au cours des 12 derniers mois contre 15,5% en Espagne, 13,7% en Italie et 5,9% en Allemagne (22-23). Ohayon et coll. (13) ont confirmé l’utilisation importante de ces médicaments par les français et place notre pays en 1° position pour l’usage des hypnotiques (2,5% de consommateurs) et des anxiolytiques (9,0%). De plus, les auteurs montrent que les consommateurs sont des usagers chroniques avec des durées d’utilisation supérieures à 5 ans dans plus d’un tiers des cas pour les anxiolytiques et les hypnotiques. Une autre étude évalua les facteurs associés à une consommation de psychotropes dans une cohorte française de 7299 sujets âgés de 45 à 60 ans (24). Dans ce travail, 8,4% des femmes et 4,6% des hommes étaient des consommateurs de médicaments psychoactifs. Une récente étude (21) a évalué la consommation selon la classe pharmacologique des médicaments dans cinq pays Européens et place également la France en 1° position. Néanmoins, les auteurs insistent sur l’importance de prendre en considération les classes pharmaceutiques séparément lorsque l’on compare des données d’utilisation entre pays. Plusieurs études se sont également focalisées sur un type de médicament psychoactif en particulier : comme les antidépresseurs (25), les anxiolytiques et les hypnotiques (26) ou les neuroleptiques et antipsychotiques (27-28).

1.3. Prévalence de la consommation de médicaments psychoactifs en milieu du travail

En France, la prévalence de la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés a été évaluée à 13% chez les hommes et 23% chez les femmes à partir de l’enquête du Baromètre Santé de 2005 (29). Parmi des travailleurs de nuit ou en travail posté, 7,6% des sujets rapportaient consommer un médicament pour dormir (30). Cette consommation restait élevée même en dehors des travailleurs de nuits, puisque chez des salariés parisiens, 6,1% des hommes et 11,3% des femmes prenaient un médicament pour dormir au cours du mois précédant.

30 Ngoundo-Mbongue et coll. (31) ont estimé le pourcentage d’utilisation des psychotropes chez des salariés toulousains à 9,1% avec une prévalence de 4,3% pour les anxiolytiques, 1,9% pour les hypnotiques et 1,7% pour les antidépresseurs. Enfin, dans une étude comparative de la consommation de médicaments en milieu du travail (17), 9,0% des salariés consommaient au moins un psychotrope en 1986 et 6,2% en 1996. Les auteurs soulignèrent la forte diminution de l’utilisation de ces médicaments au cours des 10 ans principalement due à la diminution de l’utilisation d’hypnotiques passant de 4,4% en 1986 à 1,8% en 1996. Dans une population de salariés belges (32), 5,6% des hommes et 9,3% des femmes, âgés de 35 à 59 ans, ont rapporté consommer des benzodiazépines au cours du mois précédent. Enfin, dans une étude canadienne, 3,9% des salariés participants étaient consommateurs de psychotropes au cours des 2 jours précédents l’enquête (33). Chez les salariés, la consommation de médicaments psychoactifs semble donc relativement plus faible que dans la population générale. Cette différence s’explique par le fait que, de manière générale, les salariés présentent une meilleure santé physique mais également mentale que les sujets ne travaillant pas. Ce phénomène est appelé « l’effet de bonne santé du travailleur ».

Les résultats obtenus sont néanmoins très variables. Cette grande variabilité peut être due à des différences : - dans la définition même des médicaments psychoactifs : La majorité des études définissent les consommateurs de médicaments psychoactifs comme des utilisateurs de psycholeptiques ou psychoanaleptiques. Or, dans son étude, Ngoundo-Mbongue a identifié la prise de médicaments psychoactifs comme l’usage d’un psycholeptique, un psychoanaleptique ou encore d’un analgésique opiacé (31).

- dans la durée d’exposition aux médicaments : Cette durée est très variable selon les études. Certains auteurs choisissent d’évaluer l’exposition aux médicaments psychoactifs au cours de la vie entière, au cours de l’année, au cours du mois, ou même au moment de l’enquête.

- des sources de recueil : La source des données d’exposition est un critère essentiel pour évaluer la prévalence. En effet, plusieurs sources sont possibles. La plus utilisée est l’interview du salarié ou l’auto-questionnaire qui permet de recueillir des données déclaratives sur les médicaments prescrits par un médecin mais également sur les

31 médicaments consommés sans prescription c’est-à-dire en automédication. La limite de ce mode de recueil est l’oubli ou l’omission de certains médicaments par le sujet, notamment lorsque l’on s’intéresse à un usage de psychotropes en milieu du travail. Une autre méthode est celle de l’interview du médecin. Les données obtenues sont alors préenregistrées sur le dossier médical mais limitées aux prescriptions du médecin interrogé. Les médicaments pris en automédication ne seront donc pas identifiés. Une troisième source de données possible est la base de données de remboursement qui donne là aussi accès à des données préenregistrées. Et comme pour les données médicales, nous perdons toute l’information concernant les médicaments pris en automédication. Enfin, une dernière source, très rarement utilisée, est celle du dosage biologique qui est une source très contraignante à mettre en pratique et qui ne détecte que les expositions récentes.

- ou encore des populations concernées : selon le pays, le genre ou encore la profession étudiée.

2. Travaux de recherche personnels

2.1. Étude n°1 : Description des substances psychoactives consommées en milieu du travail

2.1.1. Objectif du travail

L’objectif principal de ce travail était de décrire la consommation des substances psychoactives (médicaments psychoactifs, alcool, tabac et cannabis) avant, pendant et après le travail. L’objectif secondaire était d’identifier les principaux profils de consommateurs de substances psychoactives chez des salariés en tenant compte de leurs principales caractéristiques professionnelles.

32 2.1.2. Population et méthode

Dans cette étude, nous avons inclus l’ensemble des 2213 sujets ayant participé à l’enquête Mode de Vie et Travail réalisée dans la région toulousaine en 2006 (cf. page 24). L’enquête Mode de Vie et Travail permet d’évaluer la consommation d’alcool, de tabac, de cannabis et de médicaments en milieu du travail.

2.1.3. Analyse statistique des données

L’analyse des données a été réalisée sur le logiciel SAS version 9.1. Dans cette étude, nous avons recodé l’ensemble des variables codant pour les caractéristiques professionnelles en variables dichotomiques : oui si la réponse était « d’accord » ou « tout à fait d’accord » et non si la réponse était « pas du tout d’accord » ou « pas d’accord ». De plus, dans le questionnaire Mode de Vie et Travail, la satisfaction professionnelle, extra-professionnelle et la pénibilité professionnelle ont été évaluées à travers une Échelle Visuelle Analogique (EVA). Nous avons également recodé ces trois variables quantitatives en variables qualitatives binaires selon leur distribution. Nous avons fait de même, pour le stress perçu évalué par le questionnaire de Cohen.

2.1.3.1.Analyse descriptive et comparative des consommations de substances psychoactives chez les salariés Dans une première partie, nous avons réalisé une analyse descriptive des consommations de substances psychoactives des salariés inclus dans l’enquête : la consommation d’alcool avant, pendant et après le travail, l’usage de tabac, la prise de médicaments psychoactifs et la consommation de cannabis avant et après le travail. Nous avons ensuite comparé les caractéristiques professionnelles selon la consommation de substances psychoactives chez les hommes et les femmes séparément. Les variables qualitatives ont été comparées à l’aide d’un test du Chi2 et les variables quantitatives avec un test t de Student.

2.1.3.2.Analyse multivariée des données Afin de répondre à notre objectif secondaire, nous avons réalisé une analyse factorielle des correspondances multiples suivie d’une classification hiérarchique ascendante.

33 - Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM) : L’AFCM, mise au point par le Pr Benzecri (Laboratoire de Statistique Mathématique de l’Université de Paris) (34), est un outil statistique relativement récent. Cette méthode d’analyse multivariée descriptive vise à structurer et simplifier les données issues de plusieurs variables qualitatives, sans privilégier l’une d’entre-elles en particulier. L’AFCM est une généralisation de l’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) au cas de plusieurs variables qualitatives. Elle permet donc de représenter sur le même graphique les modalités de réponses de plus de deux variables. L’analyse dégage des dimensions cachées contenues dans les réponses aux variables sélectionnées, pour faciliter l’interprétation de tableaux pas toujours lisibles au départ. Cette méthode statistique permet donc d’étudier les éventuelles relations existantes entre les variables et d’en donner une représentation géométrique. Nous avons réalisé une AFCM dans notre population de salariés afin de mettre en évidence les variables associées à la consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis, médicaments psychoactifs). Cette méthode statistique nous permet d’analyser des liaisons, en termes d’association et d’opposition, qui existent entre les variables qualitatives actives. Plusieurs variables actives ont été inclues dans les AFCM selon leur significativité lors de l’analyse bivariée entre les consommateurs et les non consommateurs de substances psychoactives. Dans ce type d’analyse, il est possible d’ajouter des points dans le graphique si on pense qu’ils peuvent être utiles à l’interprétation, sans que ces points entrent forcément en compétition des axes factoriels. Il est donc possible d’ajouter des points ayant un profil, mais sans masse : de tels points sont appelés « variables supplémentaires ». Le nombre d’axes possible dans une AFCM est égal au nombre de modalités auquel on soustrait le nombre de variables. Seuls les deux premiers axes ont été analysés pour toutes les AFCM afin de simplifier l’interprétation des profils obtenus. Pour chaque analyse, les profils sont décrits par des regroupements de modalités présentant une forte association entre- elles.

- Classification Hiérarchique Ascendante (CHA) : La CHA est une méthode de classification complémentaire à l’analyse des correspondances (35). Le but étant de préciser une typologie c’est-à-dire répartir les individus dans des classes ou catégories les plus homogènes possibles et les plus distinctes possibles entre elles. Pour interpréter facilement les résultats obtenus lors d’une CHA, il est important de les représenter sous forme d’une arborescence. Cette représentation graphique permet une interprétation visuelle rapide du nombre de classes existant effectivement dans la population. Dans cette étude, nous avons

34 utilisé le dendrogramme pour choisir le nombre de classes le plus approprié. Dans cette représentation graphique, la perte d’inertie interclasse à chaque regroupement de classe est représenté par un « saut ». Un test du Chi2 permet alors de faire la distinction entre les variables caractéristiques de chaque classe et de comparer les distributions de la variable dans la classe à la distribution dans le reste de la population.

2.1.4. Résultats de l’étude

2.1.4.1.Description de la population d’étude Dans ce travail, nous avons inclus 2213 salariés issus de la région toulousaine avec une répartition homogène entre les hommes (52,6%) et les femmes (47,4%) (tableau I). Nous avons mis en évidence des différences en ce qui concerne les catégories socioprofessionnelles et la répartition entre les branches d’activité selon le genre. De plus, les femmes semblaient présenter davantage de contraintes professionnelles que les hommes : un travail sans créativité (41,6% versus 25,5% chez les hommes, p<0,0001), une absence de prise de décision (24,7% versus 14,4%, p<0,0001), une absence de perspective de promotion (68,5% versus 57,9%, p<0,0001), une absence de soutien (28,3% versus 23,2%, p<0,01), des situations de tensions (37,3% versus 29,6%, p<0,01) et une faible satisfaction professionnelle (51,3% versus 48,7%, p<0,01). Enfin, les femmes avaient un stress perçu plus élevé que les hommes (30,2% versus 26,0%, p<0,05).

2.1.4.2.Description de la consommation de substances psychoactives chez les salariés Dans le tableau II, nous avons décrit la prévalence de la consommation de substances psychoactives.

- Consommation d’alcool avant, pendant et après une journée de travail : Plus de la moitié des salariés consommaient de l’alcool avec une majorité d’hommes (67,2% versus 44,4%, p<0,0001). Cependant, très peu de sujets ont déclaré prendre de l’alcool avant une journée de travail soit 1,1% avec ¾ d’hommes. L’unique raison évoquée par ces consommateurs était « par plaisir» de consommer.

En ce qui concerne, la consommation d’alcool pendant la journée de travail (repas et pauses compris), nous avons eu un taux élevé de non-réponse (5,7%), majoritairement des

35 femmes. 19,6% des salariés inclus consommaient de l’alcool pendant leur journée de travail avec 27,7% des hommes et seulement 10,8% des femmes (p<0,0001). Parmi ces consommateurs, 28,6% buvaient seuls, 6,2% plus de 2 verres et 14,5% au moins 1 fois par semaine. Aucune femme n’a déclaré boire plus de 2 verres par journée de travail et seulement 8,9% consommaient de l’alcool au travail au moins une fois par mois.

Par contre, plus de la moitié des participants ont déclaré consommer de l’alcool après une journée de travail (56.1%) avec plus de consommateurs chez les hommes que chez les femmes (64,6% versus 43,9% de consommatrices, p<0,0001). Ici, les deux principales raisons de consommer étaient « par plaisir» (75,3% des consommateurs) et « pour se détendre » (30,0% des consommateurs). « Pour s’évader » arrivait en 3° position avec seulement 2,9% des consommateurs. Les femmes étaient plus nombreuses à consommer « par plaisir » (82,1% versus 71,0%, p<0,0001) et moins nombreuses à consommer « pour se détendre » (23,9% versus 34,0%, p<0,0001).

- Usage de tabac et comportements associés au travail : Contrairement à l’alcool, le taux de non-répondants n’était que de 0,7% ce qui souligne les différences de perception entre les substances psychoactives. 33,8% des sujets enquêtés étaient fumeurs en 2006 dont 84,5% fumaient au travail. 40,8% étaient non fumeurs et 24,6% avaient arrêté depuis 1 an ou plus. Il n’y a pas de différence significative entre les hommes et les femmes.

Nous avons utilisé le test de HORN afin d’identifier la dépendance psychique qui pousse un sujet à fumer (à la différence du test de Fagerström qui évalue la dépendance physique). La dépendance psychique représente le besoin de maintenir ou de retrouver des sensations associées à l’action de fumer : le plaisir, la détente, le bien-être ou au contraire, l’anxiété, le stress et la tristesse... Le test de Horn permet donc de décrire le tabagisme. La première raison évoquée par les participants pour fumer sur leur lieu de travail était « pour se relaxer », puis « par besoin » et enfin « par anxiété ». Nous avons mis en évidence des différences selon le genre avec des scores moyens plus élevés chez les femmes.

- Consommation de cannabis avant et après le travail : Comme pour l’alcool, nous avons été confrontés à un fort taux de non-réponse : 2,9% de non-réponse pour la consommation de cannabis le matin (comme pour l’alcool) et 4,2% de

36 non-réponse pour la consommation de cannabis le soir (soit 2 fois plus que pour l’alcool). Dans notre population, 9,4% des salariés ont déclaré consommer du cannabis avant ou après une journée de travail, majoritairement des hommes (11,7% versus 4,6% chez les femmes, p<0,0001). Cependant, seuls 1,2% des sujets consommaient du cannabis avant une journée de travail avec une forte différence hommes/femmes (1,8% chez les hommes, 0,5% chez les femmes, p=0,01). Parmi ces 27 consommateurs avant une journée de travail, 81,5% consommaient « par plaisir », 14,8% « pour se déstresser » et 7,4% « pour affronter les problèmes». Les femmes consommaient exclusivement « par plaisir ». Nous pouvons également constater que 12,5% des consommateurs fumaient pour plusieurs raisons (résultats non présentés).

D’autre part, 9,3% des salariés déclaraient consommer du cannabis après une journée de travail avec une différence selon le genre (12,8% de consommateurs chez les hommes et 5,2% chez les femmes, p<0.0001). Parmi ces usagers, plus de la moitié (58,3%) consommaient « par plaisir » mais 46,1% consommaient « pour se détendre », 15,0% déclaraient consommaient « pour s’évader » et 9,2% « pour s’aider à dormir ». Enfin, nous avons noté que 24,6% des usagers de cannabis après une journée de travail avaient plusieurs raisons de consommer après une journée de travail (résultats non présentés).

- Consommation de médicaments psychoactifs : Parmi les salariés enquêtés, 41,0% ont déclaré prendre au moins un médicament au cours de la semaine précédente avec une différence entre les hommes et les femmes (50,5% de consommatrices versus 32,6% chez les hommes, p<0,0001). La classe de médicaments la plus consommée était la classe des médicaments du système nerveux (avec 15,4% de consommateurs) : 20,6% des femmes prenaient au moins un médicament du système nerveux contre 10,7% des hommes (p<0,0001) (résultats non présentés). Nous avons ainsi mis en évidence une consommation d’au moins un médicament psychoactif chez 6,1% des salariés, notamment chez les femmes (9,0%) et seulement 3,5% de consommateurs chez les hommes (p<0,0001). Parmi ces consommateurs, 70,4% consommaient un psycholeptique (69,1% chez les femmes et 75,0% chez les hommes, p<0,0001) et 44,4% un psychoanaleptique- exclusivement des antidépresseurs (42,5% chez les hommes et 44,7% chez les femmes, p<0,01). Parmi les médicaments psychoactifs consommés, la substance active la plus citée est le bromazepam (29 citations) suivie de la valériane (17 citations), de la venlafaxine (14

37 citations) et du et de l’alprazolam (10 citations). Ces substances sont principalement consommées par les femmes (résultats non présentés).

Tableau I : Description des caractéristiques de la population d’étude issue de l’enquête « Mode de Vie et Travail » Population Hommes Femmes totale n=1154 n=1040 n=2213 (52,6%) (47,4%) Âge moyen (moyenne±ET) 39,3±10,0 39,0±10,1 39,8±9,8

Catégorie socioprofessionnelle Cadres 595 (27,9) 414 (37,5) 179 (17,7)*** Intermédiaires 492 (23,0) 264 (23,9) 226 (22,3) Employés 777 (36,4) 222 (20,1) 543 (53,6)*** Ouvriers 272 (12,7) 204 (18,5) 65 (6,4)***

Branche d’activité professionnelle (code NAF) NAF1 : Industries manufacturières 289 (13,5) 203 (18,1) 86 (8,5)*** NAF2 : Construction 3 (0,1) 3 (0,3) 0 (0,0) NAF3 : Commerce 386 (18,1) 204 (18,2) 182 (17,9) NAF4 : Hôtels et restaurants 62 (2,9) 41 (3,7) 21 (2,1)* NAF5 : Transports et communications 69 (3,2) 42 (3,7) 27 (2,7) NAF6 : Activités financières 270 (12,6) 116 (10,3) 154 (15,2)** NAF7 : Immobilier, location et services aux entreprises 727 (34,0) 419 (37,3) 308 (30,3)** NAF8 : Administration publique 24 (1,1) 3 (0,3) 21 (2,1)** NAF9 : Education 17 (0,8) 2 (0,2) 15 (1,5)** NAF10 : Santé et action sociale 186 (8,7) 42 (3,7) 144 (14,2)*** NAF11: Services collectifs, sociaux et personnels 105 (4,9) 48 (4,3) 57 (5,6) NAF12 : Activités de ménages 1 (0,1) 1 (0,1) 0 (0,0)

Caractéristiques professionnelles Absence de créativité 721 (33,1) 293 (25,5) 422 (41,6)*** Pression temporelle due à une forte charge de travail 1469 (67,7) 768 (67,4) 688 (68,0) Pas de prise de décision 424 (19,4) 165 (14,4) 253 (24,7)*** En attente d’un changement indésirable 482 (22,3) 256 (22,5) 222 (22,0) Absence de perspectives de promotions 1351 (63,1) 657 (57,9) 677 (68,5)*** Sécurité d’emploi menacée 419 (19,5) 233 (20,6) 181 (18,1) Responsabilités insatisfaisantes 423 (19,4) 213 (18,7) 202 (19,8) Absence de soutien professionnel 559 (25,6) 265 (23,2) 289 (28,3)** Situations de tensions professionnelles 730 (33,4) 338 (29,6) 382 (37,3)** Absence d’estime et de respect 730 (33,5) 361 (31,6) 361 (35,5) Sentiment que son travail est inutile 127 (5,8) 68 (5,9) 57 (5,6) Sentiment que son travail n’est pas important 254 (11,6) 127 (11,0) 125 (12,2) Absence de motivation professionnelle 273 (12,6) 146 (12,9) 123 (12,2) Peur de perdre son emploi 125 (5,7) 58 (5,1) 64 (6,3) Pénibilité importante (≥7/10) 566 (25,8) 309 (27,0) 250 (24,3) Faible satisfaction professionnelle (≤6/10) 756 (34,3) 363 (48,7) 383 (51,3)**

Caractéristiques extraprofessionnelles Satisfaction extraprofessionnelle faible (≤7/10) 594 (27,0) 302 (51,4) 286 (48,6) Stress perçu élevé (≥7/10) 608 (28,1) 295 (26,0) 305 (30,2)* * p<0,05, ** p<0,001, *** p<0,0001

38 Tableau II : Description de la consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis et médicaments psychoactifs) Population Hommes Femmes totale n=1154 n=1040 n=2213 (52,6%) (47,4%) Consommateurs d’alcool Total 1249 (56,4) 776 (67,2) 462 (44,4)*** Avant une journée de travail 25 (1,1) 19 (1,6) 6 (0,6)* Par plaisir 24 (1,1) 18 (1,6) 6 (0,6) Pendant une journée de travail (pause, repas compris) 433 (19,6) 320 (27,7) 112 (10,8)*** Consommation solitaire 124 (5,6) 81 (7,0) 33 (3,2) Consommation supérieure à 2 verres 27 (1,2) 27 (2,3) 0 (0,0)*** Consommation au moins 1 fois par semaine 63 (2,8) 53 (4,6) 10 (1,0)*** Après une journée de travail 1213 (56,1) 745 (64,6) 457 (43,9)*** Par plaisir 913 (41,3) 529 (45,8) 375 (36,1)*** Pour se détendre 363 (16,4) 253 (21,9) 109 (10,5)** Pour s’évader 35 (1,6) 24 (2,1) 10 (1,0) Pour s’aider à dormir 11 (0,5) 7 (0,6) 4 (0,4)

Consommateurs de tabac Fumeurs quotidiens 749 (33,8) 402 (34,8) 337 (32,4) Non fumeurs 903 (40,8) 458 (39,7) 441 (42,4) Anciens fumeurs 545 (24,6) 288 (25,0) 252 (24,2) Fumeurs au travail (scores sur 15) 633 (28,6) 339 (29,4) 284 (27,3) Pour se stimuler (moy±ET) 5,3±2,5 5,0±2,3 5,7±2,6** Pour se relaxer (moy±ET) 9,3±2,3 9,0±2,3 9,8±2,2*** Par anxiété (moy±ET) 8,6±3,3 8,2±3,4 9,2±3,1** Par besoin (moy±ET) 8,9±3,0 8,7±2,8 9,3±3,1*

Consommateurs de cannabis Total 209 (9,4) 135 (11,7) 48 (4,6)*** Avant une journée de travail 27 (1,2) 21 (1,8) 5 (0,5)** Pour affronter les problèmes 2 (0,1) 2 (0,2) 0 (0,0) Pour faciliter les relations 0 (0,0) 0 (0,0) 0 (0,0) Pour se déstresser 4 (0,2) 3 (0,3) 0 (0,0) Par plaisir 22 (1,0) 18 (1,6) 3 (0,3) Après une journée de travail 206 (9,3) 148 (12,8) 54 (5,2)*** Par plaisir 120 (5,4) 86 (7,5) 31 (3,0) Pour se détendre 95 (4,3) 67 (5,8) 26 (2,5) Pour s’évader 31 (1,4) 22 (1,9) 8 (0,8) Pour s’aider à dormir 19 (0,9) 12 (1,0) 6 (0,6)

Consommateurs de médicaments psychoactifs Total 135 (6,1) 40 (3,5) 94 (9,0)*** Psycholeptiques 95 (4,3) 30 (2,6) 65 (6,3)*** Antipsychotiques 3 (0,1) 2 (0,2) 1 (0,1) Anxiolytiques 65 (2,9) 19 (1,6) 46 (4,4)** Hypnotiques 39 (1,8) 12 (1,0) 27 (2,6)** Psychoanaleptiques 60 (2,7) 17 (1,5) 42 (4,0)** Antidépresseurs 60 (2,7) 17 (1,5) 42 (4,0)** * p<0,05, ** p<0,001, *** p<0,0001

39 2.1.4.3.Analyse multivariée des consommateurs de substances psychoactives chez les salariés de la région toulousaine

Seules les variables statistiquement significatives (p<0,05) lors de l’analyse bivariée (résultats non présentés) ont été inclus comme variables actives dans l’analyse multivariée: la satisfaction extraprofessionnelle, le stress perçu, la créativité professionnelle, être pressé par le temps, la prise de décision, les changements indésirables dans son travail, la sécurité d’emploi, des responsabilités satisfaisantes, un soutien social, des situations de tension professionnelle et une satisfaction professionnelle. Nous avons inclus l’âge, le genre, la catégorie socioprofessionnelle, la branche d’activité et la consommation de substances psychoactives (alcool avant, pendant ou après le travail, le cannabis, le tabac et la prise d’un médicament psychoactif au cours de la semaine précédent l’enquête) comme variables supplémentaires dans nos modèles. Leur contribution à l’inertie est donc de zéro.

Dans cette partie, nous avons voulu décrire les principaux profils de salariés inclus dans notre étude. Pour cela, nous avons réalisé une AFCM suivie d’une CHA. Les résultats de l’AFCM sont présentés dans la figure 1. L’axe 1 explique 23,4% d’inertie et l’axe 2 explique 13,9% soit un total d’inertie expliquée de 37,3%. L’axe 1 a mis en évidence une opposition entre les modalités codant pour des facteurs de stress professionnel et celles codant pour une absence de facteurs de stress professionnel. En effet, du côté des coordonnées négatives, la modalité contribuant le plus à la formation de cet axe codaient pour la satisfaction professionnelle. Du côté des coordonnées positives, les modalités contribuant le plus à la formation de cet axe codaient pour l’absence de prise de décisions, l’attente d’un changement non désiré dans son travail, une sécurité d’emploi menacée, des responsabilités insatisfaisantes, une absence de soutien dans les situations difficiles, des situations de tension, une absence de satisfaction professionnelle et un stress perçu élevé. Cet axe peut donc être considéré comme représentant les facteurs liés au stress professionnel. L’axe 2 a mis en évidence une opposition entre les modalités codant pour la créativité professionnelle et l’absence de contraintes de temps et celles codant pour une absence de la créativité professionnelle et des contraintes de temps. Nous avons ainsi défini quatre profils de salariés distincts mais aucun n’était associé avec une consommation de substance psychoactive. Néanmoins, nous avons retrouvé une

40 association entre la consommation d’alcool pendant le travail et les 30-40 ans avec un travail créatif et des contraintes de temps. D’autre part, nous avons observé un lien entre l’usage de médicaments psychoactifs, de cannabis et les anciens fumeurs avec les salariés travaillant dans la branche d’activité « Santé et actions sociales » et soumis à des facteurs de stress professionnels. Enfin, l’absence de consommation de substances psychoactives étaient plutôt associés à des emplois sans facteurs de stress professionnels.

Figure 1 : Représentation graphique des profils obtenus par AFCM

Le dendrogramme (Figure 2), nous a permis de discriminer 13 classes de salariés et d’identifier avec précision les profils des consommateurs de substances psychoactives. :

- Classe des consommateurs d’alcool pendant une journée de travail (n=172 ; 10,1%) : se compose de cadres du secteur commercial, non stressés, avec un emploi créatif, des prises de décisions, une sécurité d’emploi, des responsabilités satisfaisantes, une satisfaction professionnelle, sans pression temporelle, sans changements indésirables, ni tensions professionnelles.

41 - Classe des consommateurs d’alcool après une journée de travail (n=126 ; 7,4%) : se compose de salariés avec des prises de décisions professionnelles et une sécurité d’emploi mais également des responsabilités insatisfaisantes, une absence de soutien, un travail sans créativité, une insatisfaction professionnelle et extra- professionnelle.

- Classe des consommateurs de cannabis : Nous avons mis en évidence deux classes distinctes de consommateurs de cannabis. Dans une première classe (n=102 ; 6,0%), nous avons identifié des hommes avec un emploi créatif, des prises de décision, des responsabilités satisfaisantes, sans pression temporelle, ni tension mais avec une insécurité d’emploi. Dans une seconde classe (n=102 ; 6,0%), nous avons des salariés fumeurs et prenant des médicaments psychoactifs qui ont un travail sans créativité, avec une pression temporelle, des changements indésirables, sans prises de décision, sans soutien et avec une insécurité d’emploi, des responsabilités insatisfaisantes, des tensions, une insatisfaction professionnelle et un stress perçu élevé.

- Classe des consommateurs de tabac : Ici aussi, nous avons observé deux classes distinctes. Une première classe (n=94 ; 5,5%) composée de salariés avec un travail créatif, demandant des prises de décisions, sans changements indésirables, avec une sécurité d’emploi, des responsabilités satisfaisantes, un soutien professionnel mais avec une pression temporelle et une insatisfaction professionnelle et extra-professionnelle. La seconde classe (n=102 ; 6,0%) a été décrite précédemment car associée avec la consommation de cannabis.

42 13 classes

126 102 98 132 102 155 109 219 154 94 172 113 123 Nombre de sujets par classe C9 C10 C12 C6 C2 C13 C11 C3 C5 C7 C1 C8 C4

Cannabis Alcool après une Tabac Alcool pendant une journée de travail journée de travail Cannabis, tabac et médicaments psychoactifs

Figure 2 : Dendrogramme de la CHA dans la population totale (C : Classe)

2.1.5. Discussion

Alors qu’il existe de nombreuses publications sur l’usage des médicaments psychoactifs et le milieu du travail, peu d’études se sont intéressées à l’utilisation des autres substances psychoactives chez des salariés. La majorité des travaux ont été réalisées sur des populations jeunes, étudiantes ou festives (36-39). Or, il existe une consommation de substances psychoactives chez les salariés notamment d’alcool et de tabac (40-43). Dans ce travail, nous avons décrit ces consommations dans un échantillon de salariés toulousains et identifié les principaux profils des consommateurs selon leurs caractéristiques professionnelles. Nous avons ainsi mis en évidence une consommation de substances psychoactives relativement importante en milieu du travail notamment en ce qui concerne l’alcool et le tabac. De plus, l’usage de médicaments psychoactifs et de cannabis est relativement élevé au sein de cette population active. Enfin, nous avons souligné le rôle des facteurs professionnels dans l’usage de ce type de substances.

43 Dans notre échantillon, la substance psychoactive la plus consommée en milieu du travail était l’alcool. En effet, parmi les 2213 salariés participants, plus de la moitié consommaient de l’alcool (56,4%) dont la majorité après une journée de travail (56,1%) ou pendant une journée de travail (19,6%). En 2003, un rapport de l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) a mis en évidence des résultats similaires avec 1 salarié sur 4 consommant régulièrement de l’alcool au travail avec ses collègues ou ses clients (44). Dans notre étude, seul 1,1% des salariés ont déclaré boire de l’alcool avant le travail. L’alcool est encore un sujet tabou en entreprise (45). Nous avons donc certainement sous-estimé la prévalence d’utilisation de cette substance. De plus, nous avons eu 8,7% de non-réponses au total sur les questions concernant l’alcool : 2,8% de non-réponses pour la consommation d’alcool le matin, 5,7% pour la consommation la journée et 2,3% pour la consommation d’alcool après le travail. La majorité des consommateurs d’alcool étaient des hommes (62,1%). Nous retrouvons donc des résultats comparables à ceux de la littérature (46). Cette étude nous a également permis d’identifier les principales raisons d’utilisation. Les salariés consommant avant d’aller travailler ont déclaré boire par plaisir. Cependant, il est possible que cette consommation soit liée à un comportement de dépendance plutôt qu’à un réel plaisir. Enfin, la consommation après une journée de travail semblait davantage associée au plaisir et à la détente mais quelques salariés ont tout de même déclaré boire pour s’évader (1,6%) ou pour dormir (0,5%). Un récent travail visant à mettre en évidence la fréquence et les caractéristiques associées aux conduites dopantes en milieu du travail (40) avait montré que 4,1% des salariés consommaient de l’alcool pour se donner confiance au travail et 44,0% pour se détendre après une journée de travail. Les auteurs ont alors défini ces comportements comme des conduites dopantes utilisés par les salariés pour faire face à des difficultés professionnelles. Une autre substance psychoactive très difficile à évaluer en milieu du travail est le cannabis. En effet, le cannabis est une substance psychoactive illicite donc d’autant plus délicate à évaluer lors de la visite de la médecine du travail de son entreprise. Malgré l’anonymat des questionnaires, nous avons été soumis à de nombreuses non-réponses de la part des salariés participants : 2,9% de non-réponses pour la consommation de cannabis avant une journée de travail (comme pour l’alcool) et 4,2% pour la consommation après une journée de travail (soit deux fois plus que pour l’alcool). Nous avons donc certainement sous-estimé la prévalence d’usage de cannabis par les salariés. Celle-ci a été évaluée à 9,4% dans notre échantillon avec 1,2% de consommateurs avant le travail, majoritairement pour le plaisir et 9,3% après le travail pour le plaisir, pour se détendre et pour s’évader après une journée de

44 travail. Ici aussi, les hommes étaient davantage consommateurs que les femmes. Nous retrouvons une prévalence beaucoup plus importante que celle retrouvée par Walocha et coll. qui ont estimé la prévalence d’utilisation de cannabis chez des travailleurs de Haute-Vienne à seulement 3,5% (43). En ce qui concerne les médicaments psychoactifs, la tendance s’inverse et les femmes étaient davantage consommatrices que les hommes. Parmi les salariés participants, 6,1% ont déclaré prendre un médicament psychoactif dont majoritairement des anxiolytiques, des antidépresseurs et des hypnotiques. Enfin, nous avons voulu évaluer la consommation de tabac des salariés sur leur lieu de travail afin d’identifier les principaux facteurs responsables de cet usage. Pour cela, nous avons appliqué au milieu du travail le questionnaire de Horn, qui permet de dresser un profil psychologique de la dépendance au tabac. Ainsi, nous avons pu constater que 84,5% des fumeurs quotidiens fumaient pendant leur journée de travail et que ce comportement était davantage motivé par un besoin de se relaxer notamment chez les femmes. Le besoin de fumer n’arrive qu’en troisième position. Donc pour le tabac aussi, les facteurs professionnels semblent jouer un rôle essentiel dans la prise du produit par le salarié.

D’autre part, nous avons identifié des profils de salariés très intéressants. Tout d’abord, les consommateurs d’alcool pendant leur journée de travail étaient plutôt des commerciaux satisfaits professionnellement avec un travail motivant et une forte latitude décisionnelle. La consommation d’alcool semble donc davantage liée à des repas d’affaire ou des signatures de contrat qu’à un comportement pathologique vis-à-vis de la substance consommée. Nous n’avons pas retrouvé le même profil chez les consommateurs d’alcool après leur journée de travail. En effet, les sujets buvant de l’alcool après le travail étaient plutôt des salariés présentant une bonne latitude décisionnelle et une sécurité d’emploi mais insatisfaits dans leur vie de manière générale. Ici, nous avons donc des sujets consommant plutôt pour s’évader de leur vie quotidienne et donc à risque de développer une dépendance vis-à-vis du produit surtout s’ils consomment seuls. En ce qui concerne le cannabis, nous avons identifié deux profils totalement différents : d’un côté des hommes avec un emploi satisfaisant et créatif, présentant une bonne latitude décisionnelle mais soumis à une insécurité d’emploi, et d’un autre côté, nous avons des salariés avec des contraintes professionnelles, sans latitude décisionnelle, insatisfaits professionnellement, stressés et consommant d’autres substances comme le tabac et les médicaments psychoactifs. Dans le premier cas, les consommateurs de cannabis semblaient utiliser la substance dans le but de se relaxer par

45 rapport à une situation stressante comme la perte d’un emploi alors que dans le second cas, les salariés semblaient avoir développé une pathologie mentale comme une dépression ou une anxiété nécessitant la prise de médicaments psychoactifs, peut-être dus à des difficultés professionnels. Ils consomment donc des substances psychoactives en plus des médicaments pour pouvoir continuer à aller travailler.

Cette étude présente donc l’avantage de soulever la question des facteurs associés à une consommation de substances psychoactives notamment d’alcool, de cannabis et de médicaments psychoactifs chez des salariés. Cependant, elle présente plusieurs limites méthodologiques. Tout d’abord, la consommation de substances psychoactives a été évaluée à l’aide d’un auto-questionnaire. Notre étude est donc soumise à un biais d’information qui est d’autant plus important lorsque l’on s’intéresse à des substances psychoactives. Comme nous l’avons dit précédemment, il existe un réel tabou vis-à-vis de ce type substances, certains salariés ont donc voulu cacher leur consommation. Ce biais est responsable d’une sous- estimation de la prévalence de la consommation présente dans toutes les études s’intéressant à des substances psychoactives. Il est difficile d’extrapoler ces résultats à l’ensemble de la population salariée française en raison de la nature des emplois dans la région. En effet, la comparaison de la répartition des catégories socioprofessionnelles de notre population avec celle de la population française, à partir des données de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) de 2006 (20), a montré que notre population toulousaine présentait une surreprésentation des cadres (27,9% versus 21,3%, p<0,01) et des employés (36,4% versus 30,6%, p<0,01) et une sous-représentation des ouvriers (12,7% versus 24,7%, p<0,01). Enfin, notre travail est une étude descriptive car nous avons utilisé une méthode exploratoire multidimensionnelle associée à une classification afin d’identifier les profils des consommateurs en milieu du travail. Une analyse étiologique est donc nécessaire pour identifier les facteurs professionnels associés à la consommation de substances psychoactives chez des salariés.

46 2.2. Étude n°2 : Évolution de la consommation des médicaments chez des salariés depuis 20 ans (1986-2006)

2.2.1. Objectif du travail

L’objectif principal de notre travail était de décrire l’évolution de la consommation médicamenteuse chez des salariés au cours des 20 dernières années (1986-2006). Notre objectif secondaire était d’évaluer le rôle des facteurs sociodémographiques et professionnels dans l’usage des médicaments depuis 1986. L’intérêt de cette étude était de dresser un état des lieux de la consommation médicamenteuse chez des salariés mais également d’évaluer l’impact des programmes consacrés au bon usage des médicaments (comme pour les antibiotiques et les médicaments psychoactifs) mis en place en France dans la période des études.

2.2.2. Population et méthode

Pour répondre à nos objectifs, nous avons utilisé les données de l’enquête Mode de Vie et Travail réalisée dans la région toulousaine en 2006 (cf. page 24). Nous avons utilisé le même protocole que dans les deux enquêtes réalisées en 1986 et en 1996 (17, 47). Cependant, quelques changements ont été nécessaires pour améliorer le questionnaire en 2006. En effet, dans cette dernière enquête, nous avons demandé à l’assistante de chaque médecin du travail participant de compléter les questionnaires remis par les sujets (acceptant de participer ou non) avec son code PCS (Professions et Catégories Socioprofessionnelles). Cette nomenclature nous a permis de classer les salariés en 4 groupes (absence d’agriculteurs dans notre échantillon) : cadres (regroupant les artisans, commerçants, chefs d’entreprises, cadres et professions intellectuelles supérieures), professions intermédiaires, employés et ouvriers. Dans les enquêtes précédentes, la profession était seulement évaluée par le caractère « manuel » ou « non manuel » du travail des participants. Nous avons donc considéré les ouvriers comme des travailleurs manuels afin de pouvoir comparer nos données avec celles des enquêtes précédentes. Un autre changement important a été apporté au questionnaire de l’enquête Mode de Vie et Travail de 2006. En effet, dans ce questionnaire, nous avons demandé aux salariés de citer le nom des médicaments qu’ils avaient consommé au cours de la semaine précédent l’enquête. Nous avons ensuite codé l’ensemble des médicaments en utilisant la classification ATC. Ainsi, nous avons obtenu le nom du médicament avec plus de

47 précision que dans les enquêtes de 1986 et de 1996. Seuls les contraceptifs oraux ont été exclus de notre analyse (comme dans les enquêtes précédentes).

2.2.3. Analyse statistique des données L’analyse des données a été réalisée sur le logiciel SAS version 9.1.

2.2.3.1.Analyse descriptive et comparative des données depuis 1986 Nous avons décrit et comparé les caractéristiques de notre population d’étude et la prévalence de la consommation médicamenteuse avec celles obtenues à partir des enquêtes de 1986 et de 1996. Nous avons utilisé un test du Chi2 pour comparer les variables qualitatives et un test t de Student pour comparer les variables quantitatives. Nous avons ensuite décrit la prévalence de la consommation médicamenteuse selon la catégorie socioprofessionnelle des participants. Afin d’identifier des différences de consommation entre les professions, nous avons réalisé un test du Chi2 en utilisant les employés comme groupe de référence. Enfin, nous avons listé les principales substances actives citées par les salariés au cours de l’enquête de 2006.

2.2.3.2.Analyse multivariée des données Dans une seconde partie, nous avons réalisé une régression logistique multivariée afin de décrire l’évolution de la consommation médicamenteuse depuis ces 20 dernières années mais également d’identifier les facteurs socio-démographiques et professionnels associés à l’utilisation de certains médicaments indépendamment de l’année d’enquête. Les variables dépendantes inclues dans l’analyse étaient les principales classes médicamenteuses (les médicaments du système digestif et du métabolisme, les médicaments du système cardiovasculaire, les médicaments du système endocrinien, les anti-infectieux, les analgésiques, les médicaments du système respiratoire, du système musculo-squelettique, les médicaments psychoactifs, les hypnotiques et les anxiolytiques). Les variables indépendantes étaient l’année d’enquête (1986, 1996, 2006), l’âge, le genre, le type de profession (manuel ou non manuel), une pénibilité professionnelle élevée (≥5 sur l’échelle visuelle analogique) et la présence de problèmes extraprofessionnels.

48 2.2.4. Résultats de l’étude

Les résultats de cette étude ont été publiés (Boeuf-Cazou O, Lapeyre-Mestre M, Niezborala M et al. Evolution of drug consumption in a sample of French workers since 1986: the ‘Drugs and Work’ Study. Pharmacoepidemiology and Drug Safety 2009; 18:335- 343) et sont détaillés dans l’article présenté page 50.

2.2.5. Synthèse générale

L’enquête Mode de Vie et Travail mise en place dans la région toulousaine depuis 1986 et renouvelée tous les 10 ans nous a permis de suivre l’évolution de la consommation médicamenteuse depuis ces 20 dernières années.

La prévalence d’utilisation des médicaments dans notre population de salariés était de 40,7% en 2006. Nous avons ainsi observé une diminution générale de la consommation médicamenteuse en milieu du travail depuis 1986 notamment avec une diminution des médicaments du système digestif et du métabolisme, du système endocrinien, du système cardiovasculaire, des antibiotiques et des médicaments psychoactifs (principalement des hypnotiques et des sédatifs). Cependant, nous avons souligné une augmentation importante de la consommation des médicaments du muscle et squelette au sein de cette population certainement due à l’augmentation des douleurs musculosquelettiques en milieu du travail et à la substitution d’analgésiques par des anti-inflammatoires non-stéroïdiens. Cette étude a également permis de mettre en évidence le rôle joué par les programmes de bon usage des médicaments développés en France, comme la campagne de sensibilisation sur l’usage des antibiotiques ou des médicaments psychoactifs. Cependant, la France reste le pays Européen le plus consommateur de médicaments.

Ce travail a donc permis de décrire les changements de la consommation médicamenteuse depuis ces 20 dernières années dans une population particulière que sont les salariés puisqu’ils sont soumis à des facteurs de stress quotidiens spécifiques à leur profession.

49 50 51 52 53 54 55 56 57 58

PARTIE II : Facteurs associés à une initiation d’usage de médicaments psychoactifs chez des salariés.

59

1. Facteurs psychosociaux en milieu professionnel et consommation de médicaments psychoactifs

1.1. Définition du stress professionnel

Depuis le début des années 80, le monde du travail a subit de nombreux changements avec l’apparition de la compétitivité internationale dans les pays industrialisés. Un récent rapport de l’Observatoire européen des risques de l’Agence Européenne de Santé et de Sécurité au Travail confirme ces changements responsables de l’apparition du risque psychosocial au travail (48). En effet, le salarié a du s’adapter pour faire face à ces nouvelles conditions. Or, l’intensification du travail et la restructuration des entreprises sont associées à une augmentation de la charge psychologique également appelée « stress professionnel ». Aujourd’hui, le stress professionnel constitue le risque psychosocial le plus important et représente un des premiers problèmes de santé lié au travail après les maux de dos, les troubles musculo-squelettiques et la fatigue. Il apparaît lorsque le salarié ressent un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire dans son milieu professionnel et les ressources dont il dispose pour y répondre. Lazarus et Folkman (1974) ont définit le « stress » comme une relation particulière entre personne et environnement que la personne considère difficile à supporter ou dépassant ses ressources propres au point de mettre son bien-être en péril. Une enquête européenne sur les conditions de travail réalisée en 2000 a estimé que 28% des salariés européens souffraient de troubles de santé liés au stress professionnel. Le stress reste une notion vague qui regroupe des caractéristiques à la fois biologiques, psychologiques et sociales.

1.2. Évaluation des facteurs psychosociaux en milieu professionnel

1.2.1. Qu’est-ce qu’un facteur de risque psychosocial ?

Il est difficile d’établir une définition précise du risque psychosocial. En effet, d'après le Ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, les facteurs de risques psychosociaux n’ont pas encore de définition officielle. Cependant, l’Inserm tente de donner une définition mais celle-ci reste très floue :

60 « Les facteurs psychosociaux au travail désignent un vaste ensemble de variables qui se situent à l’intersection des dimensions individuelle, collective et organisationnelle de l’activité professionnelle, d’où leur complexité et leur caractère souvent composite. »

Les facteurs psychosociaux en milieu professionnel peuvent être responsables d’une amélioration ou, à l’inverse, d’une dégradation de la santé physique et mentale des salariés (Figure 1).

On les classe généralement en 3 grandes catégories : - Facteurs organisationnels : travail sous contrainte de temps, monotone, demandant une forte concentration, impliquant une grande responsabilité, polyvalence, contrôle permanent de la hiérarchie, faible latitude, difficultés à prendre des pauses...

- Facteurs psychologiques : insuffisance de communication, manque de soutien de la part de ses collègues de travail et de ses supérieurs hiérarchiques, manque de reconnaissance, isolement social, conflits entres collègues ou avec sa hiérarchie...

- Facteurs environnementaux (physiques ou techniques) : la nuisance sonore, physique, le manque d’espace de travail...

Figure 1 : Risques psychosociaux et leurs effets sur la santé (Chouaniere S. Stress et risque psychosociaux : concepts et prévention. Documents pour le Médecin du Travail 2006; 106)

61 1.2.2. Modèles d’évaluation des facteurs psychosociaux en milieu du travail

Plusieurs modèles ont été développés afin d’évaluer les facteurs psychosociaux en milieu du travail.

1.2.2.1.Approche individuelle du stress professionnel - Le modèle du Syndrome Général d’Adaptation de Selye : En 1956, Hans Selye montra pour la première fois qu’une perturbation de l’équilibre homéostasique due à une demande environnementale entraînait une réponse non spécifique de l’organisme appelé le Syndrome Général d’Adaptation (SGA) ou stress. Le stress serait alors spécifique à chaque individu et s’appliquerait de manière identique à tous les types d’agents stressants (chimique, physique, psychologique).

Selye divise le SGA en trois phases (Figure 2) :

 Phase d’alarme : Lorsque le sujet reçoit le stimulus stressant, son corps va se confronter à une agression. L’organisme va alors faire face en s’adaptant à la situation. A l’issue de cette phase l’équilibre homéostasique est donc perturbé. Cette phase initiale permet de réagir rapidement à une situation urgente à court terme. Elle fait intervenir l’axe hypothalamo-sympathico-adrénergique qui à travers la libération d’adrénaline et de noradrénaline par la médullosurrénale augmente la pression artérielle, le rythme cardiaque, la respiration et améliore la mémoire afin de réagir très vite à une situation stressante.

 Phase de résistance : Cette seconde phase apparaît si le stimulus stressant persiste dans le temps. L’organisme va mobiliser ses ressources pour tenter de faire face et retrouver un nouvel équilibre. Ce stade est donc bénéfique pour le sujet, on parle également de « bon stress ». Cette seconde étape du SGA active l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien qui est responsable de la libération de glucocorticoïdes et de minéralocorticoïdes par la glande corticosurrénale.

 Phase d’épuisement : Elle représente la dernière phase du SGA. La phase d’épuisement se manifeste lorsque le stimulus stressant persiste dans le temps. Le sujet mobilise alors ses ressources pendant une durée trop importante qui va alors

62 l’épuiser. Le stress va alors entraîner des conséquences sur l’état de santé de l’individu (physiologiques ou psychologiques).

Figure 2 : Phases du Syndrome Général d’Adaptation défini par Hans Selye (1956)

- Le modèle de l’inhibition de l’action de Laborit (1979) : Dans ce modèle, la réaction de stress n’a qu’une seule finalité : assurer la survie du sujet face à un danger. Le système limbique joue un grand rôle dans ce modèle. Il existerait deux systèmes : un système activateur du comportement qui provoquerait la fuite ou l’action et un système inhibiteur du comportement qui serait responsable de l’évitement passif. L’inhibition de l’action se produit alors quand le sujet ne peut ni lutter, ni fuir et subissant alors les conséquences provoquées par l’agent stressant.

- Le modèle de la double évaluation de la situation de Lazarus : Ce modèle repose sur le fait que le stress résulte d’une double évaluation de la situation : une évaluation primaire du danger et une évaluation secondaire des ressources dont dispose le sujet pour faire face à la situation.

1.2.2.2.Approche ergonomique du stress professionnel - Le modèle « demande-latitude » de Karasek (1979): Ce modèle repose sur l’hypothèse que des conditions de travail qui se caractérisent par la combinaison d’une forte demande psychologique et d’une autonomie de décision faible augmentent le risque d’apparition d’un problème de santé physique ou psychologique. Karasek ne mesure pas directement le « stress » mais plutôt trois facteurs liés aux stress :

 «Job demand» : variable indépendante qui mesure la demande psychologique du salarié,

63  «Job control» : variable qui mesure la latitude décisionnelle c’est-à-dire l’autonomie, la prise de décision et l’utilisation des compétences.  «Job strain» : variable qui évalue les tensions psychologiques.

Ce modèle est un modèle dynamique représenté par deux dimensions (Figure 3).

Figure 3: Modèle « demande-latitude » de Karasek (Karasek R. Job demand, Job decision latitude and mental strain: implications for job redesign. Administrative Science Quarterly 1979; 24:285-308)

Le déséquilibre entre les exigences (job demands) et les ressources (job decision latitude) serait alors responsable de l’apparition d’un stress important pouvant causer des dommages sur la santé de l’individu. Le modèle proposé par Karasek s’interprète à l’aide des deux dimensions A et B : - La dimension A représente la tension psychologique du salarié due à l’interaction entre une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle. - La dimension B représente la motivation du salarié vis-à-vis de son travail et la capacité d’apprentissage et d’épanouissement personnel issue de la combinaison entre une forte demande psychologique et une forte latitude décisionnelle.

A partir de ce modèle, quatre situations de travail sont définies : - Passive job (ou travail monotone) : correspond à des emplois à faible charge de travail et aux possibilités de contrôles réduites. On parle de passivité professionnelle responsable d’une baisse de motivation au long terme. - High strain job (ou travail éreintant) : correspond à des emplois à fortes charge de travail et aux possibilités de contrôles réduites d’où l’apparition d’un stress élevé. - Low strain job (ou travail facile) : correspond à des emplois à faibles charge de travail avec une possibilité de contrôle importante.

64 - Active job (ou travail exigeant) : correspond à des emplois à fortes charge de travail et une large possibilité de contrôle. Le salarié possède donc une grande autonomie lui permettant d’exploiter ses compétences. Les tensions psychologiques apparaissent donc dans les situations de faible niveau d’autonomie ou de décision et de fortes exigences psychologiques ou physiques.

En 1990, Karasek et Theorell (49) proposèrent une version tridimensionnelle du modèle. Ils y ajoutent la perception du salarié par rapport au support social dont il bénéficie. En effet, les relations sociales sont importantes à prendre en compte lorsque l’on parle de conditions de travail car la présence d’un support social a un effet positif sur le salarié et à l’inverse la présence de conflits relationnels a un effet négatif sur le sujet.

- Le modèle du « déséquilibre efforts-récompenses » de Siegrist (1996): Ce modèle bidimensionnel repose sur l’hypothèse que des conditions de travail qui se caractérisent par la combinaison d’efforts élevés et d’une faible récompense augmentent le risque d’apparition d’un problème de santé physique ou psychologique. Le modèle de Karasek est basé sur le déséquilibre entre efforts/autonomie décisionnelle alors qu’ici le modèle de Siegrist est plutôt basé sur un déséquilibre en efforts/réciprocité sociale. La récompense attendue par le salarié n’est pas seulement matérielle, elle peut également être sociale.

1.3. Facteurs associés à la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés

En France, la prévalence de la consommation de médicaments psychoactifs reste très élevée chez les salariés malgré un meilleur état de santé que celui de la population générale. Cet effet est du au phénomène du « travailleur sain ». Cependant, le milieu professionnel représente un environnement particulier pour l’individu. En effet, celui-ci est exposé quotidiennement à des conditions de stress très spécifiques. Les médicaments psychoactifs sont généralement consommés pour traiter une anxiété, une insomnie ou encore un syndrome dépressif mais certains salariés consomment aussi ces médicaments dans le but de faire face à des conditions de travail difficiles. Ngoundo-Mbongue et coll. (31) ont mis en évidence une association entre l’usage chronique de médicaments psychoactifs et un comportement dit de « dopage professionnel ». Près d’un salarié sur trois aurait recours à un médicament pour être

65 en forme au travail, pour soulager un symptôme ou encore pour se détendre lors de journées qualifiées de difficiles (40).

De nombreux auteurs ont montré le lien existant entre les conditions de travail et la santé mentale. Les horaires de travail difficiles seraient associés avec les troubles du sommeil (50-51), de même le stress professionnel ou le manque de soutien social dans son travail pourraient entraîner une souffrance psychologique (OR=2,45[1,66-3,62]) (52), une forte demande de travail et un faible soutien social serait prédictif d’une aggravation des symptômes dépressifs (53-54). D’autre part, la restructuration des entreprises associée à une réduction du personnel provoquerait une détérioration de la santé générale des salariés (55). Rugulies et coll. (56) ont montré des différences entre les hommes et les femmes. En effet, une faible autonomie et une absence de support de sa hiérarchie augmenterait le risque de dépression sévère surtout chez les femmes. Alors que chez les hommes, c’est l’insécurité du travail qui prédirait l’aggravation des symptômes dépressifs sévères.

Certains auteurs se sont intéressés aux facteurs associés à une consommation de médicaments psychoactifs en population générale. Dans une étude réalisée dans une population âgée de 50 ans ou plus suivie pendant 8 ans (24), Empereur et coll. ont mis en évidence une spécificité des facteurs associés à une consommation de médicaments psychoactifs selon le genre. Seuls les antécédents de dépression et la consommation d’autres médicaments étaient retrouvés associés dans les deux sexes. Chez les hommes, les auteurs ont montré une association significative avec le veuvage (OR=3,4 [1,6-1,7]), le sentiment de mauvaise santé (OR=3,4 [2,3-4,9]) et l’insatisfaction professionnelle (OR=2,7 [1,4-5,2]). Alors que chez les femmes, la consommation de psychotropes était associée avec les plus de 55 ans (OR=1,4 [1,0-1,9]), le divorce (OR=1,4 [1,1-1,9]) et le fait d’être malade (OR=3,1 [1,5-6,4]).

Les études s’intéressant à l’impact des conditions de travail sur la consommation de médicaments psychoactifs ont cherché à évaluer le stress professionnel perçu par les salariés à l’aide de différents types de variables. En 1993, Jacquinet-Salord et coll. ont tenté d’évaluer la relation entre la prise de médicaments pour dormir et les conditions de travail subies par les salariés à travers plusieurs questions évaluant l’atmosphère de travail, l’intérêt professionnel et les contraintes de temps (50). Dans leur étude, les auteurs mettent en évidence, une plus forte consommation de médicaments pour dormir chez les salariés présentant une mauvaise

66 atmosphère de travail. De plus, ils observent des différences selon le sexe : chez les hommes, la consommation était plus importante lorsque le travail présentait peu d’intérêt et chez les femmes, lorsque le travail était soumis à des contraintes de temps. Morissette et coll. ont souligné l’influence de l’environnement professionnel sur la prescription de psychotropes chez des femmes à travers le statut de l’emploi (57). Une autre façon d’évaluer les contraintes professionnelles est l’utilisation des horaires de travail. Marliat et coll. ont tenté d’évaluer l’impact des horaires de travail particuliers comme les horaires de nuit sur la consommation de médicaments (30). Ils ont utilisé une enquête cas/témoins incluant 1212 sujets issus de la région toulousaine. La fréquence des troubles du sommeil était alors deux fois plus importante chez les sujets en travail posté. De plus, 7,6% des salariés rapportaient consommer des médicaments pour dormir. Cette prévalence était d’autant plus forte avec l’âge et le sexe féminin. Le bromazepam, le zopiclone et le zolpidem étaient les médicaments les plus fréquemment cités par les consommateurs. Les auteurs concluent donc que le travail de nuit expose les salariés à un fort risque de consommer des psychotropes. Récemment, une étude finlandaise utilisa l’impact de la restructuration des entreprises et de la réduction de personnel sur l’usage de médicaments psychoactifs. Trois groupes de sujets ont été identifiés : un premier groupe constitué d’employés travaillant dans des services municipaux ayant subi une restructuration mais ayant conservé leur emploi, un second groupe constitué d’employés ayant perdu leur emploi après la restructuration et enfin un dernier groupe d’employés sans expérience de restructuration dans leur service. Kivimäki et coll. ont montré que les employés ayant subi une restructuration mais ayant conservé leur emploi avaient un plus fort risque de consommer des médicaments psychoactifs que les employés n’ayant jamais subit de restructuration (58). De plus, une augmentation de la prescription a été observée chez les hommes ayant perdu leur emploi. Les auteurs mettent donc en évidence l’impact d’une réorganisation professionnelle sur l’usage de médicaments psychoactifs soulignant la fragilité mentale des salariés restant dans l’entreprise.

D’autres auteurs ont utilisé le modèle demande-latitude de Karasek ou le modèle efforts-récompense de Siegrist pour évaluer l’effet des conditions de travail sur l’usage de médicaments. Moisan et coll. ont ainsi identifié la tension professionnelle comme un déterminant de la consommation de psychotropes chez des employés (33). Dans leur étude, 2786 salariés du secteur public de la région de Québec ont complété un auto-questionnaire qui évaluait la demande psychologique, l’autonomie professionnelle et le support social au travail. Cette étude a donc utilisé le modèle tridimensionnel de Karasek. La prévalence

67 d’usage de psychotropes était de 3,9% et une association significative a été observée entre la tension au travail et la consommation (OR=4,5 [1,7-12,2]). Le support social ne modifiait pas l’association. Une étude réalisée en Belgique en 2004 a évalué le lien entre le stress professionnel perçu et l’usage de benzodiazépines dans une cohorte de salariés grâce au modèle demande-latitude de Karasek (32). Une association significative a été observée principalement chez les hommes entre les benzodiazépines et un travail stressant (OR=1,9 [1,4-2,6]). Ici aussi, le lien avec le support social restait faible.

Il semble donc exister un lien entre les conditions de travail et l’utilisation de médicaments psychoactifs. Toutes ces études vont dans le même sens mais ne sont pas toujours d’accord avec le type de stress professionnel associé à la consommation. Ces discordances sont attribuables à des différences méthodologiques mais surtout au type de variable utilisé pour évaluer le stress. De plus, les auteurs ont recherché l’impact du travail sur les médicaments psychoactifs en général mais également sur un type de médicament en particulier. La majorité des études sur ce sujet ont cherché à évaluer l’impact du stress professionnel sur la consommation de médicament à l’aide d’études transversales (33, 50). Or, seule une étude longitudinale permettrait de répondre à la question posée. Quelques auteurs ont utilisé des études de cohortes (32, 58) mais aucun ne s’est intéressé aux facteurs responsables d’une initiation de la consommation. Dans l’étude que nous avons réalisée, nous avons donc voulu identifier les facteurs professionnels associés à une initiation d’usage de médicaments psychoactifs.

68 2. Travail de recherche personnel

2.1. Identification des facteurs associés à une initiation de la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés du Sud de la France : résultats de l’étude de cohorte VISAT (1996-2006)

2.1.1. Objectif du travail

Le but de ce travail était d’identifier les facteurs professionnels associés avec une initiation d’usage de médicaments psychoactifs dans une cohorte de salariés issue du Sud de la France.

2.1.2. Population et méthode

2.1.2.1.Critères de sélection Les sujets inclus dans ce travail devaient participer à l’étude de cohorte VISAT (cf. page 21) depuis 1996 et avoir été revus aux enquêtes intermédiaires : en 1999 et en 2001. Nous avons exclus les participants à VISAT qui étaient retraités en 1996 car nous voulions identifier l’effet des facteurs professionnels sur la consommation de médicaments psychoactifs.

2.1.2.2.Évaluation de l’état général de santé Nous avons évalué l’état général de santé des participants à l’inclusion (en 1996) à travers plusieurs variables : - la fréquence des arrêts de travail au cours des 12 mois précédents (oui/non), - les trois dimensions du Nottingham Health Profile (NHP) (59):  Énergie : 3 items,  Réactions émotionnelles : 9 items,  Isolement social : 5 items. Pour chaque dimension, nous avons obtenu un score en tenant compte de la quotation du questionnaire. Afin d’identifier les sujets présentant un score extrême (une faible énergie, une forte réaction émotionnelle, un fort isolement social), nous avons créé une variable dichotomique par dimension en utilisant le 3°quartile de la distribution : score>50/100.

69 - le stress perçu évalué à partir des 4 questions de l’échelle de stress de Cohen (18). Nous avons calculé un score global pour chaque sujet à partir duquel nous avons créé une variable dichotomique afin d’identifier les participants avec un stress perçu très élevé : score>10/20 (correspondant au 3° quartile de la distribution du score global).

2.1.2.3.Évaluation des facteurs de stress professionnels Dans cette étude, nous nous sommes surtout intéressés à certaines variables codant pour des facteurs de stress professionnels. Les deux méthodes les plus utilisées pour évaluer les facteurs psychosociaux en milieu du travail sont les modèles de « demande-latitude » de Karasek et du déséquilibre « effort-récompense » de Siegrist. Cependant, le questionnaire VISAT a été conçu au début des années 90 et ces modèles n’étaient pas encore validés dans leur version française. Afin de pallier ce problème, notre questionnaire contient 59 questions (en oui/non) se référant aux différentes dimensions des modèles de Siegrist et de Karasek. Dans une étude utilisant les données de l’enquête VISAT, Niezborala et coll. ont défini trois catégories de facteurs de stress professionnels grâce à une analyse en composante principale (60).

Les trois facteurs de stress identifié étaient: - Latitude décisionnelle-récompense : ce premier facteur de stress inclus 13 items reflétant la « latitude décisionnelle » défini dans le modèle de Karasek et la « reconnaissance » du modèle de Siegrist.  13 items du facteur 1 : le choix de son emploi, un travail qui permet d’apprendre quelque chose, un travail varié, le choix de procéder, avoir des moyens pour faire un travail de bonne qualité, avoir beaucoup de responsabilités, avoir de la reconnaissance professionnelle, la prise en compte de son avis, avoir l’avantage de l’expérience, communiquer son expérience aux plus jeunes, avoir de meilleures compétences, une évolution de carrière ou une meilleure reconnaissance dans l’avenir.

- Pénibilité physique : ce second facteur regroupe des questions évaluant la pénibilité physique du travail.  12 items du facteur 2 : avoir un travail posté, en horaires irréguliers, devoir se lever à 5h le matin, avoir des postures pénibles ou fatigantes, porter des charges lourdes ou faire des efforts physiques importants, être exposé à un bruit intense, à

70 des températures extrêmes, à des microbes, avoir à se maintenir en équilibre dans des situations dangereuses, travailler le week-end, dormir à des heures irrégulières, faire des gestes précis ou minutieux, côtoyer le risque ou le danger.

- Demande psychologique : ce troisième facteur se superpose assez bien avec la dimension « demande psychologique » du modèle de Karasek.  10 items du facteur 3 : faire des heures supplémentaires, avoir un travail qui demande de détecter des détails très fins, de retenir de nombreuses informations à la fois, de faire plusieurs choses à la fois, être souvent interrompu, être souvent obligé de se dépêcher, devoir supporter les exigences du public, travailler dans la promiscuité, avoir des difficultés à obtenir de l’aide, devoir s’adapter à des changements.

Pour ces trois facteurs de stress, nous avons attribué un score global en attribuant +1 pour la réponse « oui » et -1 pour la réponse « non ». Nous avons ainsi pu créer une variable dichotomique afin d’identifier : - une faible latitude décisionnelle-récompense : si le score était inférieur à 3 sur 13 (correspondant au 1° quartile), - une pénibilité physique élevée : si le score était supérieur à -4 (3° quartile), - une demande psychologique élevée : si le score était supérieur à 4 (3° quartile).

Dans ce travail, nous avons également tenu compte de l’insécurité professionnelle évaluée à l’aide de la question suivante : - « Avoir peur de perdre son emploi à long terme (dans l’avenir) » (oui/non),

2.1.2.4.Définition des nouveaux consommateurs de médicaments psychoactifs Nous avons défini une consommation de médicaments psychoactifs: - en 1996 : comme la prise d’au moins un médicament pour dormir, pour les nerfs ou comme remontant, - en 1999 et 2001 : comme la prise d’au moins un médicament appartenant à la classe :  des psycholeptiques (N05) : antipsychotique (N05A), anxiolytique (N05B) ou hypnotique (N05C),  des psychoanaleptiques (N06) : antidépresseur (N06A), psychostimulant (N06B), psychoanaleptique (N06C) ou psychodysleptique (N06D).

71 A partir de ces données, nous avons identifié 2 groupes de sujets selon leur consommation de médicaments psychoactifs entre 1996 et 2001 : - un groupe de « non consommateurs » : pas de consommation de médicaments psychoactifs en 1996, 1999 ni en 2001. - un groupe de « nouveaux consommateurs » : consommation d’au moins un médicament psychoactif :  en 1999 et maintenue en 2001 (mais pas de consommation en 1996),  ou uniquement en 2001. Dans cette étude, nous n’avons donc pas analysé les sujets qui n’appartenaient ni au groupe des non consommateurs, ni au groupe des nouveaux consommateurs. Ces sujets appartenaient aux groupes qualifiés d’« anciens consommateurs », de « consommateurs transitoires » ou de « consommateurs chroniques » qui ne nous intéressaient pas pour répondre à notre objectif (Figure 4).

Figure 4 : Groupes de salariés selon la consommation de médicaments psychoactifs au cours du suivi

72 2.1.3. Analyse statistique des données L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel SAS version 9.1.

2.1.3.1.Analyse descriptive Une analyse descriptive nous a permis de caractériser notre population d’étude à l’inclusion selon des variables socio-démographiques et professionnelles. Nous avons réalisé un test du Chi2 pour comparer les variables qualitatives entre les hommes et les femmes. Dans la seconde partie de notre analyse nous avons mis en évidence l’incidence de la consommation de médicaments selon plusieurs variables socio-démographiques et professionnelles. Enfin, les principales caractéristiques des nouveaux consommateurs et des non consommateurs ont été décrites et nous avons réalisé un test du Chi2 pour mettre en évidence l’existence d’une association selon la consommation au cours du suivi.

2.1.3.2.Analyse multivariée Afin de répondre à notre objectif, nous avons réalisé une régression logistique multivariée en utilisant une sélection descendante au seuil de significativité égal à 0,10. Nous avons créé un modèle global puis nous avons séparé les hommes et les femmes. La variable à expliquer dans ces modèles était le groupe de consommateurs (nouveaux consommateurs versus non consommateurs) et les variables explicatives étaient les facteurs de stress professionnels : - une faible latitude décisionnelle-récompense (LD-R), - une pénibilité physique élevée (PP), - et une demande psychologique élevée (DP). Nous avons inclus les variables dont la valeur de p au test statistique était inférieure à 0,05 lors de l’analyse bivariée (entre nouveaux consommateurs et non consommateurs) comme des facteurs de confusion possibles. Nous avons évalué la qualité de l’ajustement à l’aide du test de Hosmer et Lemeshow.

2.1.4. Résultats de l’étude

Les résultats de cette étude ont été soumis à publication dans Pharmacoepidemiology and Drug Safety et sont détaillés dans l’article présenté page 76.

73 2.1.5. Synthèse générale

A notre connaissance, cette étude est la première à identifier les facteurs de risque d’une initiation de consommation de médicaments psychoactifs en milieu du travail à partir d’une cohorte. Nous avons ainsi pu mettre en évidence - d’une part, l’incidence de la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés : 5,4% des sujets ont débuté une consommation au cours du suivi, principalement des femmes, - d’autre part, grâce à notre schéma d’étude, nous avons pu mettre en évidence une association entre l’initiation d’une consommation de médicaments psychoactifs et certains facteurs comme le genre féminin, l’âge, la séparation maritale, un stress perçu élevé et une faible latitude décisionnelle-récompense.

Jusqu’à présent, aucune étude ne s’était intéressée aux facteurs responsables de la mise en place d’un usage de médicaments en milieu du travail. La plupart des auteurs avaient recherché les associations existantes entre certains facteurs de stress professionnels et la prise de médicaments déjà initiée principalement des études transversales moins coûteuses, plus courte et plus simples à mettre en place.

De plus, dans notre travail, nous avons analysé nos données séparément entre les hommes et les femmes, ce qui nous a permis d’identifier les facteurs spécifiques associés à une initiation de la consommation selon le genre : - chez les femmes, l’initiation de la consommation de médicaments psychoactifs était associée avec une faible latitude décisionnelle et récompense, - chez les hommes, nous n’avons pas mis en évidence d’association entre les conditions de travail et la consommation de psychotropes.

Ces différences peuvent s’expliquer :

- d’une part, par le fait que nous avions très peu d’hommes qui ont débuté un usage de médicaments au cours des 5 années de suivi (n=26). Nous n’avions peut-être pas assez de puissance pour mettre en évidence une association,

74 - d’autre part, par le fait que les femmes sont peut-être plus sensibles que les hommes aux conditions de travail difficiles et développent alors davantage de pathologies mentales (anxiété, dépression, insomnies...) associées à une prise de médicaments,

- ou enfin, par le fait que les hommes sont aussi sensibles que les femmes aux conditions de travail difficiles mais utilisent d’autres moyens pour y faire face comme la consommation d’alcool ou d’autres substances.

75 ORIGINAL ARTICLE Title Page Factors associated with a initiation in a sample of workers in France: results of the VISAT cohort study

O. Boeuf-Cazou, MSc1, M. Niezborala MD2, J.C. Marquie PhD3, M. Lapeyre-Mestre MD/PhD1

1Université de Toulouse; UPS, Unité de Pharmacoépidémiologie EA3696, Faculté de Médecine Purpan, 37 Allées Jules Guesde; F- 31000 Toulouse, France 2 Service Médical Interentreprises de Toulouse, 9 rue du Docteur-Delerm; F-31200 Toulouse, France 3 Laboratoire Travail et Cognition UMR 5263 CNRS, Université de Toulouse, France

Correspondence to: O. Boeuf-Cazou, Université de Toulouse; UPS, Unité de

Pharmacoépidémiologie EA3696, Faculté de Médecine, 37 Allées Jules Guesde; F- 31000

Toulouse, France. E-mail: [email protected] - Tel.: +33-5-61145918 - Fax: +33-5-61145928

No conflict of interest was declared.

Key words - psychotropic drugs; workplace; cohort studies; gender; pharmacoepidemiology

Key points:

• Few studies have investigated the factors involved in initiating psychoactive drug use.

• Psychoactive drug initiation concerned 5.4% of workers in the VISAT cohort study.

• Factors associated with psychoactive drug initiation were different according to gender.

• In men, factors associated were mainly emotional factors. No professional factor was

associated with starting consumption. In women, psychoactive drug initiation was related

with the age and the lack of job control and reward.

• Women seem to be more sensitive to working conditions than men.

76 Acknowledgements and conflict of interest statement

No conflict of interest was declared. This study has received support from MILDT/AFSSAPS

(Mission Interministerielle de la Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie/Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) and from the French Research Agency (ANR:

Agence Nationale de la Recherche) – Agreement 06 SEST 041.

This study has been already presented as an oral communication at the 24th International

Conference on Pharmacoepidemiology and Therapeutic Risk Management (Copenhagen, 17-

20 August 2008). Abstract in Pharmacoepidemiology and Drug Safety, 2008;17:S1-S294.

This study will be presented in the 13th Congress of the French Society of Pharmacology

(Marseille, 15-17 April 2009).

Running title: Factors associated with psychoactive drug initiation

Word count: 3462

77 Abstract

Purpose: To identify which professional factors are associated with the initiation of psychoactive drug use in a cohort of healthy French workers.

Method: This study used data collected from the VISAT (‘Vieillissement, Santé, Travail’) cohort which included workers aged 32, 42, 52 and 62 years in 1996 with a follow-up during

5 years. Data were collected through interviews and 5 standardized questionnaires during the annual occupational medical examination in 1996, 1999 and 2001. We defined new consumers of psychoactive drug according to their answer during the follow-up and compared their psychosocial and working characteristics to non consumers. A multivariate logistic regression analysis was performed to investigate factors related to a psychoactive drug initiation.

Results: Among 1533 subjects, 5.4% began consuming psychoactive drugs during the follow- up with a twofold rate for women than for men. Factors related to psychoactive drug initiation were different according to gender. In men, initiation was mainly found in participants who were separated, showed high emotional reactions score and were member of the white-collar working class. We did not find any other occupational factor associated to psychoactive drug initiation in men. By contrast, among women, drug initiation was more frequent in participants who were 52-years old and over and whose job control-reward level was lower.

Conclusions: Psychoactive drug initiation concerned 5.4% of workers within the 5 years interval in this study. The weight of psychosocial environment was more important in men, whereas age and work-related psychosocial factors were the main factors associated to new consumption among women.

78 Manuscript text

INTRODUCTION

During the past several years, many studies have focused on the patterns of psychoactive drug consumption in the general population 1-3. These drugs are widely prescribed and used in countries of Western Europe. Estimated prevalence rate of psychotropic drug consumption in the European population ranges from 5.9% (in Germany) to 19.2% in the French population 3, 4. Most of these studies underlined that France presents the highest consumption of psychoactive drugs in Europe with 8.7 million of consumers in

2005 4-5. and are the main drugs consumed 6. Some studies showed that the use of psychoactive drug was associated with female gender, old age, medium social class, loneliness, but also with health status, professional work difficulties and environmental or social factors 6-9.

In developed countries, working conditions have changed over the last decades of the

20th century due to increased international competition, intensification of work, workload and also organizational downsizing… 10-12. On another hand, several data underline a relationship between working conditions and health status 13, 14. In France, the prevalence of psychoactive drug use among workers was estimated at 13% for men and 23% for women 15. This prevalence has often been used as an indicator of mental disorders or difficulty to adapt to poor working conditions 16. Some professional factors have been associated with psychoactive drug use: perceived job difficulty, time constraints, low autonomy, excessive workload… 17,

18. Generally, the working population tends to exhibit better health than the general one, called “healthy worker effect”. However, this population is exposed to increased physically or psychologically stressful conditions. Psychoactive drugs are often consumed with a medical prescription for the treatment of anxiety, sleep or depressive disorders. These can also be self-administered for other purposes. In a recent study, this behavior was called

79 “professional doping” because workers used drugs in order to face up to work related problems 18. Most studies have focused on identifying and quantifying the factors associated with psychoactive drug consumption in the general and working population, but none studies have investigated the factors involved in initiating drug use. By using a prospective design it is thus possible to identify new consumers of psychoactive drug. Actually, working conditions might be responsible for it through an initiation of medical treatment or a self-medicated drug use.

The aim of this study was to identify which professional factors are associated to the initiation of psychoactive drug use in a cohort of healthy French workers.

80 METHODS

Study population and data collection

The present study is part of a longitudinal French study called VISAT (Vieillissement,

Santé, Travail) 19. It is a prospective cohort study whose aim was to underline the long-term impact of working conditions on health and aging. The protocol has been previously described in detail elsewhere 19. VISAT study included initially 3,237 subjects (current or recently retired workers) born in 1934, 1944, 1954 or 1964 at baseline (1996). Participants were randomly drawn from the subject’s lists of 94 volunteer occupational physicians in three regions of southern France. Data were collected through interviews during the annual medical examination by occupational physicians in 1996 and 2001. Five standardized questionnaires were administered during each evaluation to collect data on demographic and occupational characteristics, medical conditions, cognitive efficiency, lifestyle and supplementary medical tests. An intermediate evaluation realized in 1999 collected data concerning drug use.

For the purpose of this study, we included subjects who were interviewed at the two follow-up dates (1999 and 2001), and we excluded the workers retired in 1996, which gave

1,533 participants. General health status at baseline (1996) was evaluated through the reported frequency of sick leave during the previous 12 months, and three dimensions of the

Nottingham Health Profile (“energy”, “emotional reactions” and “social isolation”) 20. We defined a dichotomous variable for each dimension to obtain an extreme value corresponding to the third quartile (score>50/100). In VISAT questionnaire, all subjects filled-in a short version of the Cohen et al. perceived stress scale 21 that was interpreted through a general score (from 4 to 20 points). We defined the participants with a score>10 (3rd quartile) like subjects who perceived a high stress. Other dichotomous variables were also used: daily consumption (yes / no), tobacco consumption (current smoker / non-smoker or former smoker) and perceived job insecurity if the subject was afraid to lose his job in the future (yes

81 / no). To evaluate the association between professional factors and psychoactive drug initiation, we used three factors for coding job stressors 22: (1) the “job control-reward” factor

(JC-R), (2) the “physical strain” factor (PS) and (3) the “psychological demand” factor (PD).

We defined a low JC-R if JC-R-score<3 (1st quartile), a high PS if PS-score>-4 (3rd quartile) and a high PD if PD-score>4 (3rd quartile).

Measure of psychoactive drug consumption

All participants were asked about the use of any drug. In the baseline questionnaire (1996), the exact drug name was not asked, only the therapeutic class was requested: drug use for depression, anxiety, sleep disorders, digestive problems or for any reason during the previous three months. In follow-up interviews (1999 and 2001), occupational physicians asked for the name of each used during the previous month. All drugs were recorded in the interviews using brand names and coded according to the Anatomical Therapeutic Chemical

(ATC) classification system. In 1996, psychoactive drug users were defined as subjects reporting drugs for depression, anxiety or sleep disorder. In the following interviews, we identified users using the ATC code: N05 (, and drugs) and

N06 (, psychostimulant, psychoanaleptic and psychodysleptic drugs). In this study, we looked into the new psychoactive drug consumers. We defined two categories of psychoactive drug users according to their consumption during the follow-up: (1) non- consumers (no psychoactive drug consumption in 1996, 1999 and 2001) and (2) new consumers (psychoactive drug consumption in 2001 and/or 1999).

82 Statistical analysis

Data analyses were conducted using SAS statistical software®. We performed analyses in the whole population sample and separately for each gender. All variables included in the analysis were defined from data collected at the baseline.

A descriptive analysis investigated sociodemographic and professional characteristics as well as the health status of the study sample. Pearson’s chi-squared test for categorical variables (with a significance level of p<0.05) was used to examine bivariate associations between non-consumers and new consumers.

We performed a multivariate logistic regression analysis using a backward selection

(with 0.10 significance level) to investigate factors related with a psychoactive drug initiation.

Odds ratios (OR) are presented in tables with their 95% confidence intervals (CI). We evaluated the goodness-of-fit with the Hosmer-Lemeshow test. Separate analyses were performed for men and women.

83 RESULTS

Characteristics of the sample

Main characteristics of participants are shown in Table I. A total of 1,533 subjects were included in our study with 772 men (50.5%) and 764 women (49.6%). Men and women differed on many socio-demographic and occupational factors: women were significantly more often separated (widowed or divorced) than men (16.9% versus 8.5%, p<.0001), more often reactively depressed (15.4% versus 4.4%, p<.0001), had more frequent periods of sick leave during the previous year (32.6% versus 22.8%, p<.0001), perceived lower energy

(17.5% versus 8.8%, p<.0001), lower emotional reactions (9.3% versus 4.8%, p<.001) and, on the contrary, higher stress (30.6% versus 19.0%, p<.0001) than men. With regard to professional characteristics, women were more likely to hold down a job with low control and reward (25.1% versus 16.3%, p<.0001) and high physical strain (23.1% versus 18.8%, p<0.05). In our sample, 14.9% of subjects were afraid to lose their job in the future without gender difference.

Prevalence of psychoactive substance use differed significantly by gender. Daily alcohol consumers and smokers were found more often in men (respectively 38.3% versus

13.7% in women, p<.0001 and 35.2% versus 27.6%, p< 0.001). In 1996, 10.7% of workers declared to have consumed at least one psychoactive drug during the previous week corresponding to 13.1% of women and 8.3% of men (p<0.01). In the whole sample, the prevalence of psychoactive drug use remained stable during the follow-up (8.4% in 1999,

9.3% in 2001).

Incidence of psychoactive drug use during the follow-up

Table 2 presents the incidence of consumption among workers according to psychoactive drug classes: 5.4% of participants began consuming psychoactive drugs during

84 the follow-up with a twofold difference in favour of women (7.5% versus 3.4%, p<0.001).

The incidence of use was very similar for the different classes of drugs, with a higher use in women: anxiolytics (3.7% in women versus 1.9% in men), hypnotics (3.1% versus 1.4%), (3.4% versus 1.3%). The rate of new consumers was higher in the 52-year group (7.3% versus 3.5% in the 32 year group and 5.4% in the 42 year group), and seems higher among white-collars, with 7.1% of new users, even though there was no statistical difference between professional categories.

Comparison of new psychoactive drug consumers and non-consumers

Table 3 compares characteristics of new psychoactive drug consumers to non- consumers during the 5-year follow-up. We observed significant differences between these groups: subjects who initiated consumption were older (44.6% in 52 years versus 20.5% in 32 years, p<0.01), more frequently separated (25.3% versus 10.9%, p< .0001), more frequently depressed (24.1% versus 5.9%, p< .0001) and presented higher perceived stress score (38.6% versus 20.3%, p< .0001) compared to non-consumers. They presented more frequently low energy levels (18.1% versus 10.0%, p< 0.05), impaired emotional reactions (13.3% versus

4.7%, p< 0.01) and a high social isolation (6.0% versus 1.9%, p< 0.05). As for occupational characteristics, there were more employees than in the non consumers group (48.2% versus

34.8%, p< 0.05) and more frequent imbalance between job control and reward (36.1% versus

18.8%, p< .001) in the new consumer group than in non-consumer groups. By contrast, we did not find any difference between groups concerning the perception of job insecurity.

Factors associated with a psychoactive drug initiation among workers

Results of the multivariate analysis are presented in Table 4. All variables with p<0.05 at the time of the comparison of new psychoactive drug consumers and non-consumers were

85 included as possible confounding factors: age-group, gender (for the first model), marital status, occupational group, Nottingham Health Profile’s dimensions (to evaluate general health status), perceived high stress and also variables coding for job stressors (JC-R, PD,

PS). The depression was not included because there was a high correlation between this variable and the variables coding for the three dimensions Nottingham Health Profile. The first model investigates factors related to psychoactive drug initiation among all workers. The variables remaining in the first model were female gender (OR=2.19 [1.34-3.58], p<0.01), age of 52 years and over (OR=1.99 [1.07-3.69], p<0.05), separated status (OR=1.85 [1.06-3.24], p<0.05), high perceived stress (OR=1.93 [1.19-3.12], p<0.05) and low job control-reward ratio (OR=1.97 [1.21-3.20], p<0.01).

Secondly, we performed two models to identify the specific factors depending on gender. The factors related to psychoactive drug initiation were different between men and women. In men, the factors observed in the statistical model included the separated status

(OR=3.74 [1.35-10.35], p<0.01), high emotional reactions (OR=9.17 [3.14-26.74], p<0.0001) and belonging to the white-collars group (OR=2.81 [1.12-7.06], p<0.05). We did not find any occupational factors implied in psychoactive drug initiation. In women, drug initiation was more frequent among the 52-years and over group (OR=2.59 [1.26-5.31], p<0.05), especially when job control-reward ratio was low (OR=2.03 [1.14-3.68], p<0.05).

86 DISCUSSION

The main aim of our study was to identify which professional factors were associated with psychoactive medication initiation among healthy workers. We identified 5.4% of workers who had begun psychoactive drug use during the 5-year follow-up with a higher incidence in women (7.5%) than in men (3.4%). To our knowledge, few studies have attempted to investigate the relation between initiating psychoactive medication use and working conditions. Most previous studies were interested in factors associated with a current use. In our sample, 10.7% of workers reported to consume a psychoactive drug at baseline, with a higher prevalence among women. Our findings are in agreement with those of studies in general population where women appeared to be heavier consumers than men for all drugs but especially for psychoactive medications 1-4. However, we observed a prevalence of psychotropic drug use lower in workers than in the French general population 4, which could be explained by the “healthy worker effect”.

Workplace represents an interesting environment because subjects are exposed to particular conditions. Many authors focused on the impact of organizational and psychosocial constraints in workplace on health 13, 14, 23-26 and several job stressors were defined. The most frequently used methods for assessing the stress at work are Karasek’s Job Demand-Control model and Siegrist’s Effort-Reward Imbalance model. A recent study using data from the

VISAT cohort 22 (which did not include all the questions of these models because they were not validated at the time of the VISAT construction in the early 90’s) defined three categories of job stressors from 59 questions by using a principal component analysis: job control and reward, physical strain and psychological demand. The analysis gave the same results whatever the occupational class. Through this method, we obtained three factors comparable to several dimensions of Karasek’s or Siegrist’s models. Social support was included in the

87 psychological dimension and was not evaluated independently like in Karasek’s model. This method allowed us to identify workers exposed to occupational constraints.

Several factors were identified as related to psychoactive drug use initiation in our study. Firstly, initiation of use was associated with demographic (female gender, old age and separated status) and a high perceived stress. We also found an association with one occupational dimension: lack of job control and reward. This suggests that workers with low decision latitude associated with a low-level of reward would be more disposed to initiate psychoactive drug consumption. This new consumption may be a consequence of stress. In recent years, several studies were conducted to evaluate the impact of working conditions on health and more specifically on mental health 23-29. A European study has positioned “stress” as the first occupational health problem in Europe after back pain, musculoskeletal disorders and tiredness. Actually, 20% of European workers reported to suffer from health problems related to stress at work 30. Currently, the problem is found in all sectors of activity. Stressful job conditions appear when workers feel that there is an imbalance between what they are asked to do and the resources available. Job stress can be either physical or psychological 31.

A prolonged stress is harmful to the health of workers and could be responsible for mental disorders 23, 25-28, 32, 33. Workers must adapt themselves to these stressful conditions which can make their work difficult. Yet, a recent study 6 underlined the impact of work hardness on psychoactive drug consumption. More than half of workers suffering from occupational stress had presented sleep disorders during the previous week, 5.6% reported having had suicidal thoughts and 8.6% had suffered a depressive episode during the year 15. Niedhammer and al.

34 also underlined that low decision latitude, low social support and high psychological demand in workplace were responsible for the emergence of depressive symptoms in the

GAZEL cohort. But this new consumption may also reveal a doping behaviour to stay in good form at work or relax after a hard day’s work. Moreover, women seem more exposed to this

88 behaviour than men 18. To confront stressful conditions, some workers eat more than usual and other use psychoactive substances such as tobacco, alcohol, psychoactive drugs or illegal substances. We were able to evaluate the perceived job insecurity through one question about the fear to lose his job. However, this factor was never found as a factor associated with psychoactive drug use initiation in either gender while many studies raise the question of involvement of this factor in workers mental health. Rugulies and al.27 identified job insecurity as predictive of severe depressive symptoms among men. In fact, the reorganization of work has changed employment patterns and revealed job insecurity problems.

Consequences of this insecurity on psychological and physical morbidity, mortality or sickness absence have been thoroughly studied. Several authors considered job insecurity as a chronic stressor responsible for the increase in psychological morbidity and musculoskeletal disorders 14.

Secondly, we identified different pattern of associations for men and women. This is a very interesting result, which underlines the importance of gender separate analyses when studying psychoactive drug consumption. Factors associated with a psychoactive drug initiation in men were mainly emotional factors: separation from their wife (widower or divorced), high emotional reactions. Neither working conditions nor age were associated with starting consumption. Several studies identified that widows, widowers and divorced subjects tended to use more psychoactive drugs than single or married subjects 35 . Appelberg and al.36 underlined that the use of tranquilizers and hypnotics was associated with a recent interpersonal conflict at work but only among men. In women, factors associated to psychoactive drug use initiation were remarkably different. They included primarily age. The odds ratio increased with age, reaching 2.59 in women aged 52 and over. Previous studies on psychoactive drug consumption had already shown that age represented a risk factor only for women 7. We can suppose that age is a stress factor greater among women as they initiate

89 psychoactive drug consumption with age. In our study, we found another factor associated with use initiation among women: lack of job control and reward. So, we underlined that decision latitude but also work reward seemed to be more essential factors for women mental stability. These findings are surprising compared with data from the literature because in the present study job stressors were more important in women and psychological factors were risk factors more important in men. In fact, Empereur and al. 7 found that occupational factors explained an increase in psychoactive drug use in men aged 50 and over. Psychosocial work stressors could be responsible for mental disorders 29, 37 and a low job control associated with high demand in the Karasek’s model could be responsible for health problems. A longitudinal study 25 showed that in both genders, high job demand and low social support at work were predictive of increased depressive symptoms. Moreover, Godin and al.26 reported that cumulative job stress had strongest effects on mental health in women.

Working conditions influence the risk for initiating psychoactive drug consumption, especially in women. But, despite this evidence, the study suffers from several limitations.

Firstly, our data are based on psychoactive drug utilization and not on the evaluation of mental health. Many studies have shown that women used more psychoactive drugs than men.

In our study, only 26 men initiated psychoactive drug consumption during the follow-up. We must interpret our results with great caution because the statistical power may be too low to observe an association with working conditions among men. But, it is also reported that men could use other substances to face work constraints, such as alcohol, tobacco 18… Secondly, as in all studies evaluating the relationship between health and working conditions, a selection bias is possible. There is a self-selection of workers that excluded, for example, those exposed to the most stressful conditions or those suffering from a serious psychiatric disorder. This selection leads to a “healthy worker effect” that may be responsible for the underestimation of psychoactive drug use and for the relation between drug consumption and working

90 conditions. Moreover, subjects who perceived a high stress (but non-consumers at inclusion) may have been lost during follow-up when they began a psychoactive drug consumption, which leads again to an underestimation of the effect. Comparison of baseline characteristics of included and not included subjects (data not shown) showed that included subjects were younger, less often separated, consumed less alcohol or psychoactive drugs and presented higher job insecurity than not included. We did not observe any difference regarding the other variables analyzed in the study. Thirdly, as in most studies on drug utilization, we evaluated drug exposition with a questionnaire. We asked the workers to report all the medications used during the month preceding the survey. Therefore, we have a possible recall bias. This bias is all the more important because we analyzed psychoactive drug use which, by definition, affects cognitive functions such as memory. Finally, we did not really assess constraints at work but rather subjects’ perception of their workplace environment. Subjects answered several questions aimed at identifying current exposure to occupational stressors.

91 CONCLUSION

Psychoactive drug initiation concerned 5.4% of workers. The weight of psychosocial environment (mainly social relationships) was more important in men, whereas age and work hardness were the main factors associated to new consumption in women. In this study, we underlined a relationship between work difficulty and the initiation of medical treatment or a self-medicated psychoactive drug use especially among women who seem more sensitive to working conditions than men. This consumption allows the worker to face up to job strain but could also reveal another problem.

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96 Table 1. Characteristics of study population at the date of inclusion (1996)

All sample Men Women n=1533 (%) n=772 (50.5%) n=764 (49.6%)

Age-group 32 years 490 (32.0) 230 (29.8) 260 (34.2) 42 years 533 (34.8) 280 (36.3) 253 (33.3) 52 years 510 (33.3) 262 (34.0) 248 (32.6) Marital status Separated (widowed, divorced) 194 (12.7) 66 (8.5) 128 (16.9)*** Health status Depression 151 (9.9) 34 (4.4) 117 (15.4)*** Sick leave 424 (27.7) 176 (22.8) 248 (32.6)*** High perceived stress 380 (24.8) 147 (19.0) 233 (30.6)*** Low energy§ 201 (13.1) 68 (8.8) 133 (17.5)*** High emotional reactions§ 108 (7.1) 37 (4.8) 71 (9.3)** High social isolation§ 39 (2.5) 14 (1.8) 25 (3.3) Occupational group Executives/managers 172 (11.5) 132 (17.6) 40 (5.4)*** Technicians/Supervisors 470 (31.4) 258 (34.3) 212 (28.5)* White-collar 549 (36.7) 125 (16.6) 424 (57.0)*** Blue-collar 305 (20.4) 237 (31.5) 68 (9.1)*** Occupational characteristics Low job control-reward# 317 (20.7) 126 (16.3) 191 (25.1)*** High physical strain# 321 (20.9) 145 (18.8) 176 (23.1)* High psychological demand# 221 (14.4) 117 (15.2) 104 (13.7) Perceived job insecurity 228 (14.9) 125 (16.2) 103 (13.6) Alcohol daily 400 (26.1) 296 (38.3) 104 (13.7)*** Current smoker 482 (31.4) 272 (35.2) 210 (27.6)** Psychoactive drug consumption 1996 164 (10.7) 64 (8.3) 100 (13.1)** 1999 128 (8.4) 39 (5.1) 89 (11.7)*** 2001 142 (9.3) 49 (6.4) 93 (12.2)*** *p<0.05, **p<0.001, *** p<.0001 § Nottingham Health Profile’s dimensions # Job stressors factors 22

97 Table 2. Percentage of new consumers by psychoactive drug classes according to gender, age-group and occupational group

New consumers n Psychoactive drug Anxiolytic Hypnotic Antidepressant n=83§ (5.4%) n=43 (2.8%) n=35 (2.3%) n=36 (2.3%) Gender Men 772 26 (3.4) 15 (1.9) 11 (1.4) 10 (1.3) Women 764 57 (7.5)** 28 (3.7)* 24 (3.1)* 26 (3.4)* Age-group 32 years 490 17 (3.5) 8 (1.6) 6 (1.2) 6 (1.2) 42 years 533 29 (5.4) 18 (3.4) 12 (2.3) 14 (2.6) 52 years 510 37 (7.3)* 17 (3.3) 17 (3.3) 16 (3.1) Occupational group Executives/managers 172 10 (5.8) 5 (2.9) 4 (2.3) 3 (1.7) Technicians/Supervisors 470 18 (3.8) 11 (2.3) 7 (1.5) 7 (1.5) White-collar 549 39 (7.1) 20 (3.6) 17 (3.1) 17 (3.1) Blue-collar 305 14 (4.6) 5 (1.6) 5 (1.6) 7 (2.3) p<0.05, ** p<0.001 § Sum does not equal 100% because a subject may initiate the use of several psychoactive drugs at the same time

98 Table 3. Comparied characteristics of new consumers and non-consumers of psychoactive drugs (205 consumers not presented because they were not new consumers) Non consumers New consumers P value n=1245 n=83 Gender Women 573 (46.0) 57 (68.7) <.0001 Men 672 (54.0) 26 (31.3) <.0001 Age-group 32 years 417 (33.5) 17 (20.5) 0.01 42 years 444 (35.7) 29 (34.9) 0.89 52 years 384 (30.9) 37 (44.6) 0.22 Marital status Separated (widowed, divorced) 135 (10.9) 21 (25.3) <.0001 Health status Depression 74 (5.9) 20 (24.1) <.0001 Sick leave 312 (25.1) 26 (31.3) 0.20 High perceived stress 253 (20.3) 32 (38.6) <.0001 Low energy 125 (10.0) 15 (18.1) 0.02 High emotional reactions 59 (4.7) 11 (13.3) 0.002 High social isolation 23 (1.9) 5 (6.0) 0.03 Occupational group Executives/managers 139 (11.5) 10 (12.3) 0.88 Technicians/Supervisors 394 (32.5) 18 (22.2) 0.06 White-collar 422 (34.8) 39 (48.2) 0.01 Blue-collar 259 (21.3) 14 (17.3) 0.39 Occupational characteristics Low job control-reward 234 (18.8) 30 (36.1) <.001 High physical strain 256 (20.6) 20 (24.1) 0.44 High psychological demand 173 (13.9) 10 (12.1) 0.64 Perceived job insecurity 183 (14.7) 11 (13.4) 0.75 Alcohol daily 332 (26.7) 21 (25.3) 0.79 Current smoker 401 (32.2) 19 (22.9) 0.08

99 Table 4. Multivariate logistic regression analysis according to gender (OR [Odd Ratio] with their Confidence Interval [CI])

Logistic regression* All sample Men Women (reference non- consumers) n=83 n=26 n=57 OR (95% CI) OR (95% CI) OR (95% CI) Gender Men 1 Women 2.19* 1.34-3.58 Age 32 years 1 1 1 42 years 1.46 0.78-2.74 - 1.75 0.83-3.72 52 years 1.99* 1.07-3.69 - 2.59* 1.26-5.31 Marital status Married/single 1 1 1 Separated (widowed, divorced) 1.85* 1.06-3.24 3.74** 1.35-10.35 - Occupational group Technicians/Supervisors 1 1 1 Executives/managers - 1.49 0.43-5.17 - White-collar - 2.81* 0.94-8.43 - Blue-collar - 0.81 0.24-2.77 - Emotional reactions Normal 1 1 1 High - 9.17*** 3.14-26.74 - Perceived stress Normal 1 1 1 High 1.93* 1.19-3.12 - - Job control-reward Normal 1 1 1 Low 1.97* 1.21-3.20 - 2.03* 1.14-3.61 *Adjustment on: age-group, gender (for the general model), marital status, occupational group, Nottingham Health Profile’s dimensions, perceived high stress, job control-reward, physical strain, psychological demand.

100

PARTIE III : Impact d’une consommation à long terme de médicaments psychoactifs sur le fonctionnement cognitif.

101

1. Fonctions cognitives et médicaments psychoactifs

1.1. Définition générale de la « cognition »

La définition exacte du terme « cognition » fait l’objet de nombreux débats au sein de la communauté scientifique. Néanmoins, nous pouvons définir la cognition comme l’ensemble des processus mentaux d’acquisition, de traitement, de stockage, de récupération et d’utilisation des connaissances par un individu. Elle fait donc intervenir de nombreux processus mentaux mis en jeu lorsqu’une information est reçue par le sujet. Elle se compose de 4 grandes fonctions, dites ‘cognitives’ (61): - les fonctions réceptives, - la mémoire et l’apprentissage, - la pensée et le raisonnement - et enfin les fonctions expressives tels que le langage. L’ensemble des fonctions cognitives est assuré par le système nerveux central. La détérioration cognitive possède de nombreuses étiologies: elle peut être d’origine fonctionnelle, liés à l’âge physiologique, être secondaire à une maladie ou un traumatisme comme la démence ou les accidents vasculaires cérébraux (62). Cependant, avec l’apparition et les progrès de la neuroimagerie, certaines pathologies ont pu être exclues comme cause d’un déficit cognitif et ont permis l’émergence d’une nouvelle étiologie : la iatrogénie médicamenteuse. En effet, l’altération des performances cognitives, notamment chez des sujets âgés, est suspectée de posséder une origine dans le traitement pharmacologique. On parle alors de « déficit cognitif » lorsqu’on observe une certaine détérioration de la mémoire et des facultés intellectuelles mais aucune démence. Les personnes souffrant de déficit cognitif peuvent présenter un état stable pendant plusieurs années mais peuvent aussi évoluer vers une démence. Aujourd’hui, plusieurs études ont montré que le déficit cognitif léger (ou « Mild Cognitive Impairment ») constituait un facteur de risque de la maladie d’Alzheimer (63).

Dans ce travail, nous nous sommes intéressés à l’altération de deux fonctions cognitives en particulier : - la mémoire, - et l’attention sélective.

102 1.2. Les processus mnésiques

La mémoire est une fonction neurocognitive regroupant l’ensemble des processus anatomo-fonctionnels permettant trois grandes fonctions : - l’encodage, - le stockage, - et la restitution de l’information. La mémoire est donc une fonction indispensable à l’apprentissage.

Il n’existe pas une mais des mémoires. En effet, on distingue différents types de mémoires : - selon la durée de maintien de l’information (Figure 1):  la mémoire sensorielle (de l’ordre de la milliseconde),  la mémoire à court-terme (20 secondes),  et la mémoire à long-terme (toute la vie).

- selon le type de remémoration:  la mémoire explicite (consciente),  et la mémoire implicite (inconsciente).

Figure 1 : La mémoire selon le Modèle d’Atkinson et Shiffrin (1969)

103 1.2.1. La mémoire sensorielle

La mémoire sensorielle est l’étape qui précède la mémoire à court-terme. On parle plutôt de trace mnésique d’un stimulus sensoriel puisqu’elle conserve l’information pendant une période de quelques millisecondes (300-500ms). On peut dire que cette mémoire sert à stimuler la vigilance.

1.2.2. La mémoire à court terme

La mémoire à court-terme se définit par la durée de maintien de l’information de quelques secondes. Elle est également nommée « mémoire immédiate » ou « mémoire primaire ». Elle permet la reproduction immédiate d’une information. Néanmoins, elle possède deux grandes limites : la durée (de 30 à 90 secondes) et la quantité. Cette limite quantitative est mesurée par l’empan mnésique, c’est-à-dire le nombre d’éléments maximal pouvant être maintenu en mémoire. Cette limite a été portée à 7±2 éléments d’après les expériences de Miller en 1950. La mémoire à court-terme est le type de mémoire le plus sensible aux troubles attentionnels. On parle également de « mémoire de travail » car elle permet de manipuler les données nécessaires à la réalisation de tâches dans un temps très court. Elle s’organise comme un ensemble de processus maintenant activement l’information en distinguant trois modules (Figure 2): - le système phonologique (ou boucle articulatoire) qui traite les informations de type verbales, - le système visuo-spatial (ou agenda visuo-spatial) qui traite les informations de type visuo-spatiales, - et l’administrateur central (ou le contrôleur central) qui se charge de la gestion des informations traitées. Il sélectionne, coordonne et contrôle les opérations de traitement.

Figure 2 : Organisation de la mémoire à court-terme (Baddeley A. Les mémoires humaines. La recherche 1994; 267: 734)

104 La mémoire de travail permet donc de maintenir une information dans un temps limité afin de réaliser des tâches attentionnelles, de raisonnement ou d’apprentissage. Il existe une différence entre la mémoire à court-terme et la mémoire de travail. En effet, la mémoire à court-terme serait un système unitaire et homogène, contrairement à la mémoire de travail qui serait un système composite hiérarchisé.

1.2.3. La mémoire à long terme

La mémoire à long-terme, quand à elle, correspond au stockage prolongé de l’information au-delà de 60 ou 90 secondes. Ce type de mémoire est également appelé « mémoire secondaire » puisqu’elle se situe en aval de la mémoire à court-terme (Figure 3).

Figure 3 : Organisation de la mémoire à long-terme.

Tulving en 1985, puis en 2001, définit un modèle qui deviendra le modèle le plus souvent utilisé pour l’étude de la mémoire à long-terme. Il divise cette mémoire en deux systèmes: - la mémoire déclarative, c’est-à-dire consciente, est elle-même subdivisée en deux sous- types de mémoire :  la mémoire épisodique qui correspond à la mémoire autobiographique et des évènements personnels. Elle dépend de la charge émotionnelle vécue par l’individu lors de l’évènement qui s’inscrit alors dans un contexte spatial et temporel précis.  la mémoire sémantique qui correspond à la mémoire des concepts, à l’organisation du savoir et des idées. Elle est située hors contexte spatio- temporel.

105 - la mémoire procédurale est une mémoire non déclarative. C’est une mémoire inconsciente qui permet l’apprentissage d’habilités motrices, verbales ou cognitives et qui facilitent l’action.

1.2.4. Les bases neuroanatomiques de la mémoire

Karl Lashley, professeur de psychologie à Harvard, fut le premier à tenter de localiser la mémoire au sein du cerveau dans les années 1920. Il pensait que les souvenirs étaient stockés de manière permanente au sein d’un centre unique. Or, plusieurs années plus tard, sa théorie a été remise en question et Donald O Hebb, psychologue également, proposa l’existence d’échanges entre plusieurs structures cérébrales comme étant la clé des processus mnésiques. Aujourd’hui, la mémoire est dite largement distribuée au sein du cerveau avec l’implication privilégiée de différentes régions spécifiques. Le stockage d’une information présentera des zones différentes selon qu’il fait appel à la mémoire implicite ou explicite : - la mémoire implicite active les ganglions de la base, - la mémoire explicite met en jeu le système limbique.

Si nous nous intéressons à la mémoire explicite, le circuit hippocampo-mamillo-thalamo- cingulaire joue un rôle majeur dans le stockage et le codage des informations. Le lobe frontal est la première région impliquée dans les processus mnésiques. Il joue un rôle prépondérant dans le mécanisme de rappel. Il est constitué de trois parties : - la région dorsolatérale qui regroupe les zones motrices, prémotrices et préfrontales, - la région orbitofrontale, - et le gyrus cingulaire. La mémoire à court-terme est entièrement dépendante de cette région cérébrale et notamment des voies sous-cortico-frontales. Le lobe frontal participe activement à la sélection des informations pertinentes et joue donc un rôle dans le processus attentionnel. L’acquisition des informations se déroule alors au sein de la zone néocorticale qui la reçoit (cortex visuel, cortex auditif). En 1938, les travaux de Penfield, neurochirurgien, ont permis d’émettre l’hypothèse selon laquelle les informations mnésiques seraient stockées dans le lobe temporal du cerveau. Cette hypothèse fut confirmée par l’étude du patient H.M décrit par Brenda Milner.

106 Le stimulus sensoriel reçu par le lobe frontal va ainsi activer deux structures du lobe temporal : l’amygdale et l’hippocampe, grâce à un circuit particulier appelé le circuit de Papez (Figure 4). Ce circuit est un circuit bilatéral et symétrique indispensable dans le processus d’apprentissage. Il est formé de plusieurs structures cérébrales appartenant au système limbique et permettant de relier le cortex sensoriel, qui reçoit l’information, à l’hippocampe qui projette à son tour vers le septum et les corps mamillaires via le fornix. Ces derniers projettent alors vers le thalamus. La seconde structure impliquée dans le circuit de Papez est formée par les corps mamillaires dont la lésion entraîne le syndrome de Korsakoff défini par une amnésie antérograde et rétrograde, des problèmes de reconnaissances et une forte désorientation spatio-temporelle. Ce syndrome est du à une carence en vitamine B1 qui se met en place notamment lors d’un alcoolisme chronique. La mémoire présente également une forte composante émotionnelle due à l’activité du circuit amygdalien interconnecté avec le circuit de Papez qui reçoit alors des informations en provenance de l’hippocampe. Ce circuit renforce et stocke l’information sensorielle grâce à la projection du thalamus vers le cortex cingulaire. On parle alors de feedback renforçant.

corps mamillaires fornix amygdale

Figure 4 : Le Circuit de Papez

1.2.5. La pharmacologie de la mémoire

Deux hypothèses pharmacologiques, impliquant plusieurs neurotransmetteurs, coexistent pour expliquer la mémoire à court terme :

107 - 1° hypothèse : une facilitation ou une inhibition pré-synaptique pendant quelques secondes, - 2° hypothèse : une modification synaptique par potentialisation.

Un souvenir est en réalité stocké dans un réseau de plusieurs millions de neurones interconnectés les uns avec les autres. La mémoire à long terme, quant à elle, n’est possible qu’à travers un changement structurel des synapses et l’apparition de nouvelles connexions synaptiques. En effet, les neurones de l’hippocampe présentent une grande plasticité qui se manifeste par un phénomène appelée : la potentialisation à long-terme (PLT).

- Plusieurs neurotransmetteurs interviennent dans la mise en mémoire des informations dont le principal est le glutamate. Ce neurotransmetteur peut se fixer sur deux types de récepteurs post-synaptiques afin de créer des potentiels d’action qui permettent de répéter l’information à stocker :

 Le récepteur AMPA (α-amino-3-hydroxy-5-méthylisoazol-4-propionate) : Lors de sa fixation sur le récepteur AMPA, le glutamate provoque l’entrée de sodium à travers le canal ionique couplé au récepteur dans le neurone post-synaptique. Cette entrée d’ions chargés positivement provoque la dépolarisation du neurone et, si le seuil est atteint, le déclenchement d’un potentiel d’action.

 Le récepteur NMDA (N-methyl-D-aspartate) (Figure 5): Le récepteur NMDA est lui aussi couplé à un canal ionique laissant passer des ions calcium. Pour que le calcium pénètre dans le neurone post-synaptique, il faut déplacer le magnésium qui bloque initialement le canal. Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies : (1) le glutamate doit se fixer au récepteur NMDA, et (2) la cellule doit être dépolarisée suite à l’activation des récepteurs AMPA. L’entrée massive de calcium dans la cellule active une cascade enzymatique aboutissant à l’activation de différents gènes impliqués dans la synthèse de nouvelles protéines.

- Le second neurotransmetteur essentiel aux processus mnésiques est l’acétylcholine. L’hippocampe et l’amygdale ont des projections vers les ganglions de la base qui vont alors envoyer des fibres contenant de l’acétylcholine vers le cortex et le système limbique. C’est l’acétylcholine qui permet d’enregistrer l’information à travers un mécanisme de

108 renforcement entre plusieurs neurones. Cette capacité des cellules cérébrales est appelée la plasticité synaptique. Les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer présentent une altération de ce système.

Figure 5 : Rôle du magnésium et du calcium dans le fonctionnement du récepteur NMDA (Gazzaniga MS. In : Neurosciences cognitives / ed. De Boeck. Paris : 2001. - p.287)

1.3. L’attention sélective

Comme la mémoire, l’attention est un processus impliqué dans le traitement de l’information. Elle se définit comme la capacité à sélectionner, à traiter, à organiser et à acquérir des informations pertinentes. Elle appartient donc aux fonctions exécutives car elle nous permet d’exécuter une tâche selon l’information retenue. L’attention et la mémoire possèdent des liens complexes et on suppose que les processus attentionnels entrent en jeu après la mémoire sensorielle et avant la mémoire à court-terme.

1.3.1. Les propriétés de l’attention sélective

- La sélection : elle sélectionne les informations à traiter et le type de réponse à donner dans le but de clarifier l’information.

- Le filtre : elle traite une information en particulier plutôt qu’une autre. On parle alors de filtre (modèle de Broadbent, 1958) ou de modérateur de l’information (64). Cette propriété permet d’améliorer le traitement de l’information sélectionné au détriment des

109 autres informations qui sont alors ignorées. L’attention sélective permet une meilleure mise en mémoire des données. Néanmoins, elle possède une capacité de traitement limitée à un petit nombre d’informations à la fois. Ce système permet d’éviter la surcharge du système mental.

- Le contrôle : comme la capacité de traitement est limitée, il existe un système de contrôle sur le mécanisme de traitement de l’information.

1.3.2. Les bases neuroanatomiques de l’attention sélective

L’attention sélective est sous-tendue par plusieurs structures cérébrales : - le colliculus supérieur : Les neurones de la couche superficielle du colliculus supérieur répondent à des stimulations visuelles et sont inhibés par un stimulus à distance. Cette structure reçoit des connexions directes de la rétine et du cortex visuel primaire. - le pulvinar : possède des connexions privilégiées avec le cortex visuel. - le cortex frontal : est impliqué dans l’attention sélective à un niveau de contrôle et de supervision. - le gyrus cingulaire : appartient au système limbique et semble jouer un rôle motivationnel dans l’attention sélective. - le cortex pariétal : joue un rôle dans l’attention spatial notamment à travers l’activation des neurones de la région postérieure. Cette région possède des connexions avec le thalamus, les aires sensorielles, le gyrus cingulaire et les aires pré-motrices.

1.4. Consommation de médicaments psychoactifs et déficit cognitif : état des connaissances

1.4.1. Les limites de l’évaluation des médicaments psychoactifs lors des essais cliniques

Lors du développement d’un médicament, seuls ses effets aigus sont évalués. En effet, les essais cliniques testent les médicaments dans des conditions dites expérimentales, sur une population composée de faibles effectifs, en dose unique ou répétée et sur des périodes de courte durée. De ce fait, les études cliniques permettent d’identifier les effets indésirables les plus fréquents et survenant à court terme. Les psychotropes sont des médicaments qui agissent

110 sur le système nerveux central et sont connus pour entraîner des troubles du sommeil, une baisse de la vigilance et des troubles mnésiques lors des essais cliniques. Le médicament obtient ensuite l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et est alors à la disposition de l’ensemble de la population. Or, plusieurs études pharmacoépidémiologiques ont montré que les durées de consommation des médicaments psychoactifs dépassaient largement les recommandations de prescription décrites dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), notamment chez les sujets âgés (65-66). Les populations les plus à risque de consommer des anxiolytiques ou des hypnotiques, comme les benzodiazépines (BZD), de manière chronique sont des personnes présentant des maladies physiques et psychologiques, prenant plusieurs médicaments ou encore des femmes et des personnes âgées (67). Les sujets âgés sont donc plus sensibles pour développer des problèmes cognitifs à la suite d’une prise de médicament (68). Moore et coll. attribuent 11 à 30% des cas de delirium à la prise de médicaments chez des sujets âgés et hospitalisés (69).

Par conséquent, la question de l’impact d’une prise de médicaments psychoactifs au long terme peut se poser (70) ainsi que ses effets indésirables, notamment sur les fonctions cognitives.

1.4.2. Effets des benzodiazépines sur les fonctions cognitives

La France est un des pays les plus consommateurs de médicaments psychoactifs et on connaît aujourd’hui les effets néfastes des benzodiazépines sur le processus mnésique. De plus, ces médicaments sont les plus utilisés dans le traitement de l’anxiété ou des troubles du sommeil. La plupart des médicaments psychoactifs ont un effet négatif sur certaines composantes de la mémoire, et chaque classe pharmaco-thérapeutique n’induit pas le même type de trouble mnésique. De plus, dans une même classe, toutes les substances actives ne sont pas équivalentes.

Au début des années 1980, quelques équipes se sont intéressées à la relation entre la consommation de médicaments psychoactifs et le déficit cognitif. A cette époque, la majorité des auteurs ont utilisé des populations issues d’essais cliniques et se sont intéressés à un usage à court terme (71-74). Plusieurs études ont alors montré les effets indésirables lors d’une

111 administration aigue de benzodiazépines sur l’attention, la mémoire et la vitesse psychomotrice (75-77). La plupart des études pharmacoépidémiologiques évaluant l’effet des médicaments psychoactifs sur les fonctions cognitives se sont intéressées aux BZD et à des populations de sujets âgés (78), les plus à risque de consommer et de développer un déficit cognitif. De plus, les auteurs ont surtout utilisé des études transversales qui ne permettaient pas de distinguer les effets entre psychopathologie et consommation de médicament. Il existe un réel manque de données concernant les conséquences d’une exposition à des médicaments psychoactifs à long terme car les auteurs se sont initialement tournés vers l’étude des effets d’un simple usage de BZD (75,77).

1.4.2.1.Études n’ayant pas mis en évidence d’effet sur le fonctionnement cognitif lors d’une consommation de benzodiazépines à long terme Lucki a été l’un des premiers auteurs à rechercher l’effet des médicaments anxiolytiques de type BZD sur la mémoire lors d’une consommation à long terme (71). Il a donc comparé un groupe de patients anxieux prenant des BZD avec un groupe de patients anxieux prenant de la buspirone. Les auteurs n’ont pas mis en évidence d’association entre la consommation de BZD à long terme et les performances aux tests de mémoire proposés. Néanmoins, ils ont souligné un possible effet transitoire des BZD sur la mémoire car ils ont observé une altération du rappel de mots différé chez les consommateurs de BZD seulement si le test était administré très rapidement après la prise du médicament. De même, dans une étude qui a suivi 1200 sujets âgés de 65 ans ou plus pendant 6 ans, Dealberto et coll. n’ont pas montré d’association significative entre le déclin cognitif et un usage chronique de BZD après prise en compte de la variable dépression dans l’analyse multivariée (79). Cette étude met donc en évidence la relation entre la diminution des fonctions cognitives et la dépression chez des sujets âgés. Cependant, il faut noter que l’exposition au médicament n’a été évaluée que deux fois : à l’inclusion (en 1982) et 6 ans plus tard (en 1988). Il est donc très difficile de considérer les consommateurs de BZD aux deux recueils comme des consommateurs chroniques. De plus, dans cette étude, le test utilisé pour mesurer la modification des performances cognitives était le SPMSQ (Short Portable Mental Status Questionnaire) qui est un outil de dépistage de la démence chez le sujet âgé et donc très peu sensible aux variations des performances cognitives (80). Enfin, Allard et coll. ont trouvé des résultats similaires avec les deux précédentes études concernant la consommation à long terme de BZD (81).

112 1.4.2.2.Études ayant mis en évidence un effet positif sur le fonctionnement cognitif lors d’une consommation de benzodiazépines à long terme Nous n’avons retrouvé qu’une seule étude ayant mis en évidence un effet positif sur les fonctions cognitives lors d’une consommation de BZD à long terme. En 1999, Fastom et coll. ont mis en évidence, après 3 ans de suivi, une plus faible incidence de la maladie d’Alzheimer chez des consommateurs de BZD âgés de 75 ans ou plus (82). Les auteurs suggèrent donc un effet protecteur des BZD sur la démence qu’ils tentent d’expliquer par un rôle protecteur de la transmission GABAergirque contre la neuroexcitotoxicité du glutamate. Cependant, nous pouvons noter que dans cette étude les non consommateurs de BZD regroupaient également les consommateurs anciens ou passés.

1.4.2.3.Études ayant mis en évidence un effet négatif sur le fonctionnement cognitif lors d’une consommation de benzodiazépines à long terme Golombok fut un des premiers à mettre en évidence une association entre la prise de BZD, qualifiée de chronique, et la diminution aux tests visuo-spatiaux et évaluant l’attention (83). Une seconde étude publiée en 1995 a examiné 28 sujets consommant de faibles doses de diazepam (13,6 mg par jour en moyenne) depuis 5 à 20 ans (84). Ce groupe de sujets a été comparé à deux autres groupes (un groupe d’anxieux sans BZD et un groupe de volontaires sains). L’usage chronique de diazepam était alors associé avec des performances plus faibles au niveau des fonctions cognitives et psychomotrices. De même, McAndrews a mis en évidence une diminution des performances aux tests évaluant l’attention et la vitesse d’exécution chez le sujet âgé avec une réversibilité à l’arrêt (85). D’autres auteurs se sont intéressés à l’impact des BZD sur l’apparition de démence. Ils ont alors mis en évidence une association entre la prise de BZD et l’apparition de démence dans une cohorte de sujets âgés (86). Mais c’est en 2002, que Paterniti publia la 1° étude longitudinale mettant en évidence un impact négatif d’une consommation à long terme de BZD sur les fonctions cognitives (87). Les données utilisées étaient issues de la cohorte EVA (Epidemiology of Vascular Aging) qui a permis de suivre 1176 sujets nés entre 1922 et 1932 sur 4 ans. Dans cette étude, la dépression et l’anxiété ont également été pris en compte dans l’analyse multivariée. Les auteurs ont réalisé deux types d’analyse statistique : une régression linéaire puis une régression logistique en utilisant un seuil définissant le déclin cognitif. Les consommateurs chroniques de BZD présentaient une forte augmentation du risque de déclin cognitif au

113 MMSE (Mini-Mental State Evaluation) qui permet de donner une mesure globale de la cognition (β=-0,49), au DSST (Digit-Symbol Substitution Test) (β=-5,39) qui évalue la vitesse d’exécution et au FTT (Finger Tapping Test) (β=-5,87) qui mesure la vitesse psychomotrice. L’usage de BZD à long terme semble donc représenter un facteur de risque du déclin cognitif chez des sujets âgés. C’est donc la première étude longitudinale montrant un effet négatif de l’usage de BZD à long terme sur le fonctionnement cognitif chez des sujets âgés indépendamment du genre, de l’âge, de l’éducation, de la consommation d’alcool, de tabac, de l’anxiété, de la dépression et de la consommation d’autres psychotropes. Contrairement à la majorité des études cliniques aucun effet n’a été observé sur la mémoire lors d’une consommation chronique (71). Une des explications serait que les usagers à long terme de ce type de médicament développeraient une certaine tolérance aux effets mnésiques des BZD (83). L’association entre usage et fonction cognitive n’est pas due à un facteur de confusion psychopathologique puisque les auteurs ont pris en compte dans leur analyse l’anxiété et la dépression (83-84).

Une récente étude vient confirmer les résultats obtenus par Paterniti. En effet, Bierman et coll. mettent en évidence un effet négatif d’une prise chronique de BZD sur la mémoire à long terme et la rétention chez des sujets issues de la cohorte LASA (Longitudinal Aging Study Amsterdam) âgés de 55 à 85 ans et suivis pendant 9 ans (88). Les auteurs évaluent la mémoire à l’aide de l’Auditory Verbal Learning Test (AVLT) et incluent dans l’analyse multivariée l’anxiété et la dépression comme facteurs de confusion possibles.

1.4.2.4.Synthèse des études sur le fonctionnement cognitif et la consommation de BZD à long terme Plusieurs études se sont donc intéressées à l’impact d’une consommation de BZD à long terme mais les résultats obtenus sont très hétérogènes. Certains auteurs n’ont pas observé d’association entre cognition et consommation chronique, d’autres ont montré un effet néfaste sur les fonctions cognitives et certains ont souligné un possible effet protecteur sur la démence.

Aucune donnée actuelle ne permet donc d’établir un lien causal entre consommation de BZD et déclin cognitif. Les différences de résultats observées entre les études pourraient être expliquées par des limites méthodologiques comme :

114 - Schéma général de l’étude : Afin d’identifier un effet à long terme, le schéma d’étude le plus adapté semble être une étude longitudinale. Mais certains auteurs utilisent des études transversales et évaluent simultanément la durée d’exposition et les performances cognitives (85).

- Nombre de sujet : Dans l’étude de Dealberto, seulement 31 sujets suivis étaient consommateurs de BZD (soit 2,2%) (79). Nous pouvons donc nous questionner sur la puissance de cette étude qui pourrait être responsable de l’absence d’une association.

- Facteurs de confusion : Paterniti dans une étude publiée en 1999 a montré l’importance de prendre en compte l’anxiété et la dépression comme facteurs de confusion dans ce type d’études (89). Or, plusieurs auteurs n’incluent pas ces variables dans l’analyse multivariée (79). D’autre part, dans certaines études, ces facteurs de confusion sont pris en compte en utilisant des groupes souffrant d’une anxiété (71) ou de problèmes de sommeil (85).

- Exclusion de sujets avec un déficit cognitif à l’inclusion : Certains auteurs excluent les sujets présentant un déficit cognitif, une démence ou des comorbidités médicales à l’inclusion (81,85). D’autres ne discriminent pas l’état cognitif à l’inclusion (79,87) ou ont étudié des populations composées exclusivement de sujets présentant une démence (86).

- Mesure de l’exposition : La définition de l’exposition à long terme aux médicaments psychoactifs est différente dans chaque étude : par exemple, Dealberto classe les sujets consommant aux deux enquêtes (1982 et 1988) comme des consommateurs « continus » (79). De même, McAndrews identifient les consommateurs de BZD à long terme si les sujets consomment depuis plus de 6 mois. Cependant, très peu d’études incluent le dosage ou la fréquence d’utilisation dans leur analyse (85).

- Tests psychométriques : Certaines études ont utilisé le SPMSQ (Short Portable Mental Status Questionnaire) (79) qui est un test utilisé en gériatrie pour évaluer la démence. Ce test se compose de 10 items et permet l’obtention d’un score (0-2 erreurs : fonctions cognitives normales, 3-4 erreurs : altération légère, 5-7 erreurs : altération modérée et 8 erreurs ou plus : altération sévère). Ce questionnaire ne semble donc pas approprier pour évaluer des changements des fonctions cognitives au cours du temps. De plus, il faut

115 nécessairement un test psychométrique différent pour mesurer chaque grande fonction cognitive comme la mémoire ou l’attention.

Quelques hypothèses sont émises pour expliquer le déficit cognitif lors d’un usage de BZD à long terme mais aucune ne prédomine largement. Il existe un lien étroit entre la transmission GABAergique et glutamatergiques. En effet, le précurseur du GABA est la glutamine qui est synthétisée dans les cellules gliales à partir du glutamate. Des changements pharmacodynamiques et pharmacocinétiques ont lieu lors du vieillissement entraînant une diminution du stockage des métabolites actifs dans les graisses et une accumulation dans les tissus comme le cerveau. De plus, avec l’âge les médicaments sont moins vite métabolisés. Donc ces métabolites actifs stockés dans le cerveau continueraient d’agir sur la cognition beaucoup plus longtemps que chez des personnes plus jeunes.

1.4.3. Effets des antidépresseurs sur les fonctions cognitives

L’impact négatif des antidépresseurs tricycliques (TCA) sur les performances cognitives et notamment la mémoire est aujourd’hui bien documenté (90-91). Le déficit cognitif a été attribué à l’effet anticholinergique de ces médicaments. Mais depuis les années 90 une nouvelle génération d’antidépresseurs est apparue sur le marché afin de pallier ce problème. Ils sont devenus les antidépresseurs les plus prescrits dans le traitement de la dépression. Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRSS) ont un meilleur profil de sécurité (92) et présentent moins d’effets indésirables à court et à long terme (93). De plus, ces médicaments sont dépourvus d’effets anticholinergiques. Cependant, la sérotonine est un autre neurotransmetteur impliqué dans le processus de la mémoire et l’hippocampe est une structure riche en récepteurs sérotoninergiques. Quelques cas d’altération des fonctions cognitives et notamment de la mémoire ont été rapportés (94- 95). La majorité des études se sont intéressées à une population âgée ou féminine. Comme pour les benzodiazépines, les résultats sont très contradictoires. En 2004, Zobel a mis en évidence une augmentation de la mémoire de travail et épisodique après 4 semaines de traitement sous citalopram (96). Les auteurs suggèrent une possible hyperactivité du système impliqué dans la dépression. Contrairement à Zobel, une récente étude (97), dont l’objectif était d’évaluer l’impact de l’usage des IRSS sur les performances cognitives parmi une population de travailleurs a montré des résultats différents. L’évaluation cognitive a été réalisée avant et après le travail

116 mais également en début et en fin de semaine. Les auteurs ont inclus 17 consommateurs d’IRSS et 17 sujets témoins ajustés sur l’âge, le sexe, le quotient intellectuel et le statut mental. Ils n’ont montré aucun effet psychomoteur (93). Cependant, ils ont mis en évidence l’existence d’une altération de la mémoire épisodique ou sémantique. Les consommateurs d’IRSS semblent présenter des effets négatifs sur la mémoire notamment lorsque le sujet est fatigué. Néanmoins, il faut noter que le dysfonctionnement de la mémoire est une des caractéristiques de la dépression (98), il est donc possible que cet effet négatif des IRSS soit également du à un manque d’efficacité du traitement antidépresseur.

2. Travail de recherche personnel

2.1. Consommation de médicaments psychoactifs à long terme et performances cognitives chez des sujets sains

2.1.1. Objectif du travail

Dans cette étude, notre objectif était d’évaluer les effets d’une consommation à long terme de médicaments psychoactifs (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs) sur les performances cognitives chez des adultes suivis pendant 10 ans.

Nous avons choisi d’étudier une population de travailleurs, donc relativement jeune, afin d’évaluer l’impact des médicaments psychoactifs avant l’altération cognitive qui se met en place au cours du processus normal de vieillissement.

2.1.2. Population et méthode

Les données utilisées pour répondre à cet objectif étaient issues de la cohorte VISAT (cf. page 21).

117 2.1.2.1.Critères de sélection Les sujets devaient participer à l’enquête VISAT depuis 1996 et avoir été revus aux deux enquêtes de suivi (2001 et 2006). Nous avons exclus les sujets ayant présenté des problèmes psychiatriques qualifiés de sévères dans le passé ou au cours du suivi.

2.1.2.2.Antécédents médicaux Dans la littérature, nous avons trouvé un grand nombre de facteurs médicaux associés à un risque de déclin cognitif. Afin de prendre en compte l’ensemble de ces facteurs de confusion dans notre analyse, nous avons créé plusieurs variables codant pour les antécédents médicaux (en 2006 ou avant) : - la dépression, - le diabète (insulinodépendant et non insulinodépendant), - l’hypercholestérolémie, - les traumatismes crâniens, - les problèmes thyroïdiens, - les troubles du sommeil (du mal à s’endormir, se réveiller pendant la nuit, du mal à se rendormir, du mal à se réveiller plus tôt), - et les pathologies cardiovasculaires (hypertension artérielle, accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire, infarctus du myocarde, angor).

2.1.2.3.Exposition aux médicaments psychoactifs En 1996, les consommateurs de médicaments psychoactifs étaient définis comme les sujets ayant pris au moins un médicament pour dormir, pour l’anxiété, comme remontant ou dans le cadre d’un traitement pour la dépression. En 2001 et 2006, nous avions accès au nom de la substance active codée grâce à la classification ATC. Nous avons donc identifié les consommateurs de médicaments psychoactifs comme l’ensemble des sujets prenant au moins un médicament anxiolytique (N05B), hypnotique (N05C) ou antidépresseur (N06A). De plus, nous avons utilisé une question supplémentaire au cours de ces 2 enquêtes qui nous permettait d’évaluer la durée du traitement : « Le traitement est-il suivi depuis un an au moins ?».

A partir de ces données, nous avons défini 3 groupes de sujets selon leur consommation de médicaments psychoactifs au cours du suivi :

118 - un groupe de « non consommateurs » : pas de consommation de médicaments psychoactifs en 1996, 2001 ni en 2006. - un groupe de « consommateurs à long terme » : une consommation d’au moins un médicament psychoactif pendant une durée d’1 an minimum ou au cours de 2 enquêtes successives (1996 et 2001, 2001 et 2006 ou 1996, 2001 et 2006). - un groupe de « consommateurs occasionnels » : une consommation d’au moins un médicament psychoactif pendant une durée de moins d’1 an, au cours d’une seule enquête ou en 1996 et 2006.

2.1.2.4.Évaluation des performances cognitives Pour cette étude, nous avons utilisé l’ensemble des tests psychométriques présents dans le questionnaire VISAT (cf. annexes): - Test du rappel de mots immédiat, - Test du code ou Digit Symbol Substitution Subtest (DSST), - Test de l’attention sélective, - Test du rappel de mots différé, - Test de reconnaissance des mots.

2.1.3. Analyse statistique des données

Nous avons réalisé une analyse séparée selon le genre car les hommes et les femmes ont des profils de consommation de médicaments psychoactifs et des performances aux tests psychométriques très différents.

2.1.3.1.Analyse descriptive La première partie de notre analyse consistait à décrire les principales caractéristiques sociodémographiques et médicales de la population d’étude. Nous avons également évalué la prévalence de la consommation de médicaments psychoactifs au cours du suivi d’abord de manière globale puis par classe de médicaments (anxiolytiques, hypnotiques et antidépresseurs). D’autre part, nous avons décrit les scores cognitifs, hommes et femmes séparément, au cours du suivi et selon le groupe de consommateur. Les différentes variables ont été comparées grâce à un test du Chi2 pour les variables qualitatives ou un test de Student pour les variables quantitatives.

119 2.1.3.2.Analyse analytique Pour répondre à notre objectif, nous avons réalisé une analyse de covariance univariée (résultats non présentés) suivie d’une analyse de covariance multivariée chez les hommes et les femmes séparément, ajustée sur l’ensemble des facteurs de confusion connus dans la littérature : - le sexe, - la classe d’âge, - la valeur du score au test cognitif à l’inclusion, - le niveau d’éducation, - les antécédents médicaux : diabètes, dépression, hypercholestérolémie (99), traumatismes crâniens, pathologie cardiovasculaire (100), troubles du sommeil et problèmes thyroïdiens (101-102), - le stress perçu élevé en 2006 (> 4 sur 16 points), - la pratique d’une activité sportive au cours du suivi, - la vie en couple en 2006, - la prise d’un médicament antiépileptique en 2006, - la consommation de tabac ou d’alcool en 2006, - l’indice de masse corporelle en 2006 (103-104), - et le travail posté en 2006. Le groupe des « non consommateurs » a été choisi comme groupe de référence dans cette analyse. Le coefficient beta (β) indique pour chaque variable la quantité de variabilité des scores aux tests cognitifs entre 1996 et 2006. L’ensemble de l’analyse statistique a été réalisée sur le logiciel statistique SAS version 9.1.

2.1.4. Résultats de l’étude

Les résultats de cette étude ont été soumis à publication dans British Journal of Psychiatry et sont détaillés dans l’article présenté page 123.

2.1.5. Synthèse générale

Pour répondre à notre objectif, nous avons utilisé les données issues d’une cohorte de salariés du Sud de la France. Nous avons ainsi suivi 1251 sujets âgés de 32 à 62 ans pendant une période de 10 ans. A notre connaissance, cette étude est la première à évaluer l’effet de

120 la consommation de médicaments psychoactifs à long terme sur les fonctions cognitives chez des sujets de moins de 62 ans. En effet, la plupart des études se sont intéressées à l’impact des psychotropes chez des sujets âgés. Or, nous savons que la consommation de ce type de médicaments débute avant 60 ans et se poursuit dans le temps. Les fonctions cognitives étant très sensibles aux phénomènes de vieillissement, nous avons voulu évaluer les variations des performances aux différents tests psychométriques indépendamment de l’âge et surtout chez des sujets en assez bonne santé mentale pour pouvoir occuper leur emploi pendant les 10 années de suivi. Nous avons ainsi montré qu’une consommation de médicaments psychoactifs à long terme était associée avec un impact négatif sur les performances cognitives et que le type de fonctions altérées par la prise de médicament était dépendant du genre mais également de la classe de médicament utilisée.

Dans notre population, la prévalence de la consommation à long terme de médicaments psychoactifs était de 9,5% entre 1996 et 2006 avec une forte majorité de femmes. Concernant l’usage à long terme d’anxiolytiques et d’hypnotiques, nous avons mis en évidence des prévalences plus faibles que celles retrouvées dans la littérature puisque Paterniti a identifié 7% de consommateurs chroniques de BZD chez les plus de 70 ans suivis pendant 4 ans (87) et Bierman a identifié 8,5% de consommateurs chroniques chez les 55-85 ans suivis pendant 9 ans (88). Cependant, notre échantillon était plus jeune et au travail. Néanmoins, nous savons que l’environnement professionnel peut représenter un facteur favorisant la consommation de médicaments psychoactifs (40). Hormis les antidépresseurs, qui sont des médicaments avec des prescriptions généralement sur de longues durées, nous avons identifié 4,8% d’utilisateurs à long terme d’anxiolytiques et 4,0% d’hypnotiques. Or, selon les recommandations de l’Afssaps (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé), la durée de prescription ne devrait pas excéder 4 semaines pour un hypnotique et 12 semaines pour les anxiolytiques. Il existe donc un réel problème dans les habitudes de prescriptions de ces médicaments dont les plus prescrits sont les benzodiazépines. Or, le risque de dépendance lié à une consommation à long terme de benzodiazépines est bien documenté (105). Dans cette étude, nous avons choisi d’analyser les classes de médicaments séparément plutôt que les benzodiazépines versus les non benzodiazépines comme la majorité des études car les anxiolytiques et les hypnotiques sont prescrits pour des pathologies différentes elles-mêmes associées à des déficits cognitifs spécifiques. Nous avons ainsi pu mettre en évidence des résultats intéressants différents selon le type d’indication principale.

121 Les principaux médicaments cités par les utilisateurs prolongés d’anxiolytiques ou d’hypnotiques étaient des benzodiazépines ou apparentés. D’après les données de la littérature, nous retrouvons donc des résultats en accord avec plusieurs auteurs ayant mis en évidence des effets négatifs lors d’une utilisation de benzodiazépines à long terme (83-85, 87- 88). Néanmoins, dans cette étude, nous avons pu mettre en évidence la spécificité de l’impact de ces médicaments selon le genre : - chez les hommes : une altération de la mémoire lors d’un usage d’anxiolytiques à long terme et une altération de la mémoire et de la vitesse d’exécution lors d’un usage d’antidépresseurs à long terme, - chez les femmes : une altération de l’attention sélective lors d’un usage d’hypnotiques à long terme.

En conclusion, cette étude montre que la mise en place d’une consommation de médicaments psychoactifs sur de longue durée concerne près d’un sujet sur 10 avant l’âge de 62 ans. Elle représente l’une des premières études à mettre en évidence l’impact des médicaments psychoactifs sur le fonctionnement cognitif chez des sujets d’âge moyen dépourvu de démence avec l’avantage de discriminer les effets cognitifs selon le genre.

122

Title page:

Gender differences in impact of long-term psychoactive drug use in cognitive functioning: the VISAT cohort

Olivia Boeuf-Cazou1 (MSc), Bienvenu Bongue2 (PhD), David Ansiau3 (PhD), Jean-Claude Marquié4 (PhD), Maryse Lapeyre-Mestre1 (MD)

1- Université de Toulouse; UPS, Unité de Pharmacoépidémiologie EA3696, Faculté de Médecine Purpan, 37 Allées Jules Guesde; F-31000 Toulouse, France

2- CETAF, Centre technique d’appui et de formation des centres d’examens de santé, 67-69 Avenue de Rochetaillée, BP167; F-42012 Saint-Etienne Cedex 2, France

3- International University of Monaco, 2 avenue du Prince Albert II; MC-98000 Principality of Monaco, Monte Carlo

4- Laboratoire Travail et Cognition UMR 5263 CNRS, Université de Toulouse II, 5 Allées Machado; F-31058 Toulouse Cedex 9, France

Correspondence to: Dr Maryse Lapeyre-Mestre, Unité de Pharmacoépidémiologie EA3696, Faculté de Médecine Purpan, 37 Allées Jules Guesde; F-31000 Toulouse, France

Tel: (33)5-61-14-59-03 Fax: (33)5-61-25-59-28 E-mail: [email protected]

Words count: 3501 Number of references: 29

123 ABSTRACT

Background: Few studies have investigated long-term effects of psychoactive drug use among a population aged less than 50.

Aims: To underline the impact of psychoactive drug use on cognitive functions in a population of workers according to gender.

Method: This study included 1251 French workers from the VISAT (Aging, Health and

Work) cohort. Cognitive scores obtained after a 10-year follow-up were investigated among three categories of psychoactive drug users: none (82.1%), long-term (9.5%) and occasional

(8.4%) with analysis of covariance models adjusted for several potential confounders.

Results: In men, we found an alteration in delayed recall and recognition tests among anxiolytic users, and an alteration in the recognition test and the digit symbol substitution subtest among antidepressants users. In women, we observed an alteration in the selective attention test among hypnotic users.

Conclusion: Long-term use of psychoactive medication could impair different cognitive functions depending on gender and type of drugs.

Declaration of interest: This study has received support from French Research Agency

(ANR: Agence Nationale de la Recherche).

124 Introduction

Psychotropic drug use is common in industrialized countries and particularly in France.1 This high prevalence of use is also observed in the context of work environment,2-4 and several job and social constraints lead to a chronic use of these medications.5-6 Beside the risk of abuse as well as road or work injuries related to psychoactive drug use,7-8 another major public health issue is to know whether long-term use may induce permanent cognitive deficits.

Experimental and clinical studies have documented the acute effects of psychoactive drugs on cognitive performances, showing alteration of vigilance and memory with .9

Moreover, several studies showed that the duration of psychoactive drugs use exceed the recommended duration of therapy, especially in the elderly. Many patients are under a long- lasting treatment which can reach several years. The effect of chronic psychoactive drug use has been explored in the elderly: some studies reported a lower risk of cognitive decline or no association,10 whereas other studies found an increased risk of cognitive decline or dementia in psychotropic drug users.11-14

The aim of the present study was to investigate the effects of psychoactive drug use along a period of 10 years on cognitive efficiency in a population of adult workers according to gender. The study was based on data from the VISAT study, a large age-stratified cohort of workers currently employed or recently retired. Because they included an assessment of memory, speed and attention abilities and self-reported drug use, these data offer the opportunity to examine the potential relationships between use of psychoactive drugs and alteration of cognitive functions in adults.

125 Method

Presentation of the VISAT cohort

Details regarding the population sampling in the VISAT study (Aging, Health and Work) have been described elsewhere.15 A total of 4258 current and former salaried workers were randomly selected from the workers list of 94 occupational physicians in 3 areas of South of

France in 1995. Among them, 3237 subjects agreed to participate in a prospective cohort study. The sample consisted in 1660 men and 1577 women aged 32, 42, 52 and 62 when selected. Recruitment and data collection were done during the annual and compulsory medical examination by the occupational physician, who was trained for this survey. Data were collected at 3 cross sectional times in 1996, 2001 and 2006. For the purpose of this study, we used data collected from the sample of subjects seen at the 3 dates. We excluded subjects with former and current serious psychiatric disease at baseline. In total, we included

1251 subjects from the VISAT cohort study with a 10-year follow-up.

Personal and medical history

In each survey, questionnaires regarding former and current medical conditions were administered by physicians. Subjects were interviewed at baseline (in 1996), at 5 years (in

2001) and at 10 years (in 2006). A self-administered questionnaire was also completed regarding the subject’s social, familial and occupational status and lifestyles. Workers were categorized according to their current occupation, and retired subjects according to their last occupation. Educational level (number of years of schooling) was divided in 3 categories :

<10 years of schooling; 10-13 years, and >13 years. Subjects who reported the use of alcohol at least daily were defined as daily alcohol consumers. Smoker status was categorized as

“current smoker” or “non-smoker” (for subjects who never use tobacco or for past smokers).

We used the marital status question to identify the subjects involved in cohabitation (yes/no).

126 In the same way, we created dichotomous variables: from the Likert scale assessing physical activities (yes/never) and from shiftwork (current/no current). Medical history was self- reported and subjects had to show their medical prescriptions if any. Exposure to psychoactive drugs was defined from data collected in 1996, 2001 and 2006. In 1996, there were specific questions about the use of drugs for depression, anxiety and sleep disorders during the previous 3 months allowing to define psychoactive drug users. In 2001 and 2006, subjects reported all drugs taken during the previous month, and these drugs were then classified according to the Anatomical, Therapeutic and Chemical Classification. In 2001 and

2006, psychoactive drugs belonged to N05B (hypnotic drugs), N05C (anxiolytic drugs) and

N06A (antidepressant drugs). In the questionnaire, there was also a question to know if subjects used these drugs for at least one year. In 2006, we assessed the respective histories of depression, diabetes, hypercholesterolemia, trauma, thyroid disease and cardiovascular disorders (at least one of following diseases: high blood pressure, cerebrovascular accident, ischemic attack transient, angor pectoris or myocardial infarction).

According to the answers at the different times of the study, we defined three exclusive categories of psychoactive drug users: (i) “non-users” (no reported use in 1996, 2001, 2006);

(ii) “long-term users” (reported use in two or three successive surveys, or during at least 1 year in 2001 or 2006) and (iii) “occasional users” (reported use at anytime during less than 1 year).

Evaluation of cognitive functions

All subjects were free of medical diagnosis of dementia at baseline. Cognitive function was assessed in 1996, 2001 and 2006 through the same cognitive tests. Five tests were administered in the following order:

127 − Immediate Free Recall: a word-list learning in three recalls, each followed by immediate

free recall, adapted from the Rey auditory verbal learning test.16

− Digit Symbol Substitution Subtest (DSST) of the Wechsler Adult Intelligence Survey,17

− Visual search speed: a selective attention test derived from the Sternberg test, 18 composed

of two subsets: the first one was to scan as quickly as possible a line of 58 alphabetic

characters to find a target letter shown in the margin and then cross it out. This task was

repeated six times. The second subset included also six lines of 58 characters, but the

memory load was greater because the target was to locate one of the four letters shown in

the margin.

− Delayed free recall: the subjects had to write down all the words they could remember

from the word list given in the first test.

− Recognition test: the participants had to find the 16 words previously learned from a list

of 32 words.

Results regarding word list learning tests, delayed free recall and recognition task are given as a mean number of cited words, results regarding the DSST as a mean score, and results regarding the selective attention test as a mean time spent to perform the test (given in minutes). Thus, in all analyses, a better performance corresponds to a higher score for word lists and DSST, whereas it corresponds to a lower score (short time) for the selective attention test. All tests were run by physicians specifically trained for this study.

Analysis

Analyses were made separately for men and women because of gender differences in cognitive functioning and psychoactive drug use.19 A descriptive analysis investigated the socio-demographic and medical characteristics of the study sample and the prevalence of psychoactive drug exposure during the follow-up. Paired t and χ2 tests were used to compare

128 the sample’s characteristics according to gender. In this study, we focused on anxiolytic, hypnotic and antidepressant drugs. Then, we performed a multivariate analysis of covariance to evaluate the impact of psychoactive drug classes through changes in cognitive scores after

10 years of follow-up. Non-user group was the reference group. We included in the model all variables identified as expected confounding factors: gender, age, value of the cognitive test in 1996, education level, medical history (depression, diabetes, hypercholesterolemia, trauma, cardiovascular and thyroid disease), physical activities, cohabitation life, tobacco use, BMI

(Body Mass Index),20 alcohol use and shiftwork. We also included antiepileptic drug use, defined as reporting use of drugs belonging to N03 (except benzodiazepines included in

N05B class). The beta (β) coefficient for each variable indicates the amount of change one could expect in various cognitive test scores given a one-unit change in the value of that variable. Statistical analyses were done with SAS® version 9.1 statistical packages.

Results

Study sample characteristics

Table 1 presents the demographic, professional and social characteristics of the study sample at the baseline which included 654 men and 597 women. The age classes of 32 and 42 years were the most represented ones (2/3 of the sample) and one third had a high education level.

In 1996, twenty percent were current smokers, 28.9% reported daily alcohol consumption and

9.0% were psychoactive drug users.

Cognitive performance

Table 2 gives the means of cognitive scores at the baseline for men and women. Performances

129 were significantly better for women except for the selective attention test which was not different.

Psychoactive drug use

Table 3 presents the repartition of three psychoactive drug consumer categories during the follow-up: 9.5% of subjects were considered as long-term users with 1.5 fold more of women

(11.6% of women; 7.7% of men, p<0.05) and 8.4% were occasional users (11.7% of women;

5.4% of men, p<0.0001) between 1996 and 2006. We observed a higher prevalence of long- term users among women for all kind of drugs: 6.0% of women versus 3.7% of men for anxiolytics (p<0.01), 5.0% of women versus 3.1% of men for hypnotics (p<0.01) and 4.9% of women versus 2.6% of men for antidepressant drugs (p<0.0001). Anxiolytic or hypnotic long- term users consumed mainly benzodiazepines and related substances such bromazepam (22 citations in 2006), prazepam (5 citations) and alprazolam (5 citations) for anxiety, and zopiclone (13 citations) and zolpidem (12 citations) for hypnotics. We also found consumers of hydroxyzine or buspirone among users of anxiolytics and (2 citations) among consumers of hypnotics. As for antidepressants, the selective inhibitors of serotonin reuptake were the most commonly used including fluoxetine and paroxetine (8 citations in 2006). We also found a antidepressant in 3rd position (amitriptyline, 5 citations), inhibitors of the reuptake of serotonin and norepinephrine (venlafaxine, 5 citations) and related imipraminic antidepressants (, with 3 citations).

Impact of psychoactive drug use on cognitive functions

Table 4 presents results of the multivariate models of covariance analysis for each score in

2006 according to gender and to the class of psychoactive drug use. In all models, scores at

130 baseline, age and education level were the strongest associated factors explaining the value observed in 2006. We also found other factors (data not shown) in addition to cognitive score, age and education level associated to cognitive performances. For all drug use in men, cohabitation life improved results in the recognition task and selective attention test, physical activity improved results in immediate free recall and DSST, and shiftwork improved results in the selection attention test. Conversely, hypercholesterolemia impaired the recognition test and cardiovascular diseases impaired scores in DSST as well as tobacco. In women, cardiovascular diseases impaired the selective attention test and tobacco the DSST. In all models, we did not find any impact of depression on cognitive scores. In men (Table 4a), anxiolytic long-term users presented a significant alteration of scores in delayed free recall

(β=-0.87, p<0.05) and in recognition test (β=-0.93, p<0.05), whereas long-term users of antidepressant drugs presented a more severe alteration of scores in recognition test (β=-2.20, p<0.05) and in DSST (β=-5.41, p<0.05). We did not observe any significant difference between hypnotic drug users and non-users. In women (Table 4b), we found a significant increase of executive time of selective attention test for long-term (β=1.22, p<0.01) and occasional (β=0.89, p<0.05) users of hypnotic drugs. Occasional users of hypnotics (β=-1.09, p<0.05) and antidepressant drugs (β=-0.57, p<0.05) presented an alteration of score in delayed free recall. We did not found any significant difference according to anxiolytic drug.

Discussion

Summary of results

The aim of this study was to investigate the impact at 10 years of follow-up of psychoactive drug use (in particular long-term use) on cognitive functions in a healthy adult population of workers.

131 To our knowledge, this is the first study investigating the evolution of cognitive performances according to psychoactive drug use along 10 years of follow-up in a large sample of healthy adult subjects younger than 62 years of age. Indeed, most studies have focused on the impact of psychotropic drugs in elderly patients,12-13 whereas psychoactive drug consumption begin often before the age of 60 and continues after this age. Cognitive functions being very sensitive to the phenomena of aging, it would be important to assess changes in performance in several psychometric tests regardless of age and especially among patients in a mental health good enough to perform their job during the 10 years of follow-up.

This longitudinal data collection has provided various data and several psychometric tests, assessing the efficiency of different cognitive resources in a large sample of apparently healthy subjects. We could analyze different categories of drug use taking into account other psychosocial and behavioural variables, such as tobacco use, cohabitation life or medical history, which may be important potential confounders in the relationship between drug use and cognitive functions. We observed that a long-term consumption of psychoactive drugs was associated with a negative impact on cognitive performance and the type of cognitive functions affected was gender-dependent.

Limitations of our study

Some limitations of our study must be discussed. The first limitation is that the VISAT population was not strictly population-based, even if the overall distribution into socioprofessional categories was close to the distribution observed at the national level in

France.15 Due to the way data were obtained from the medical examinations conducted by occupational physicians, we were led to restrict the subjects pool to wage earners still working or just retired. This eliminated other categories of people who were out of work when the sample was set up, non-salaried workers and non-working individuals of working

132 age. The second limitation is related to attrition. Of the 3237 subjects initially in the VISAT cohort, 1986 were not included in our analysis (because of lack of follow-up or presenting a serious psychiatric disease). Subjects lost to follow-up were overall older, fewer technicians or supervisors, consumed more psychoactive drugs and presented a lower educational level at the baseline. However, their cognitive performances were similar at the baseline. Thus, because the prevalence of psychoactive drug use at baseline differed between subjects in the sample and subjects lost to follow-up (respectively 9.0% and 13.4%), there was a self- selection of workers that leads to a “healthy worker effect” and therefore a possible underestimation of the impact of psychoactive drug use on cognitive functions. Patterns of drug use in our sample were similar to that observed in other studies.2, 5 Although the collection of drug use was different in 1996 (details on the specific name of drugs were not collected), the evolution in the prevalence of use confirms the characteristics of the French consumption of psychoactive drugs.3 We defined the category of drug use (non-users, long- term or occasional users) as it was already done in other studies investigating cognitive decline and drug use in the elderly.11, 13 We put forward the hypothesis that people reporting a psychoactive drug use during the month (or the 3 months in 1996) preceding the interview during 2 surveys or reported treatment for at least one year would be classified as long-term users because the prescription recommendations for anxiolytic and hypnotic drugs must not exceed respectively 12 and 4 weeks in France.21 This hypothesis about the longitudinal use of drug extrapolated from 3 data collection times could lead to a misclassification bias. On the other hand, the overall prevalence of psychoactive drug use in 1996 has been probably overestimated because subjects did not report the exact name of the drug: we cannot exclude that some patients reporting a depression with a specific treatment were not exposed to an antidepressant drug belonging to the N06 ATC class, but were exposed to a drug.

Despite these limitations, we believe that the misclassification bias probably did not greatly

133 affect our group of long-term users because these patients reported the same drug or a similar drug in 2001 and/or 2006, suggesting strongly a chronic use. In addition, it is difficult to distinguish between an immediate and a long term effect on cognitive functions. Then, we did not know for occasional users the time elapsed between the last intake of psychoactive drugs and the cognitive testing. We could not conclude on whether the associations observed were secondary to the acute effects of drugs on cognitive functions or caused by the irreversible effects of long-term exposure. However, the long-term effects seemed to be the most important compared the occasional effects and especially among women who presented an alteration of selective attention more important when hypnotics were used at long-term (table

4b).

Prevalence of long-term psychoactive drug use among workers

In our population, the prevalence of long-term psychoactive drug consumption was 9.5% between 1996 and 2006 with a higher prevalence in women. The main drugs consumed by long-term anxiolytic or hypnotic users were benzodiazepines or related substances (zolpidem, zopiclone). Except for antidepressants, usually prescribed over long periods, we identified

4.8% of long-term users of anxiolytics and 4.0% for hypnotics. According to the French recommendations of the AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de

Santé), the prescription period should not exceed 4 weeks for hypnotics and 12 weeks for anxiolytics.21 There is therefore a real problem in the habits of prescription for these drugs, the most prescribed of which are benzodiazepines or apparented substances. However, the risk of dependence associated with a long-term consumption of benzodiazepines is well documented.22 In this study, we chose to analyze the classes of drugs separately rather than the usual benzodiazepines versus non benzodiazepines, because anxiolytics and hypnotics are prescribed for different diseases, which themselves are associated with specific cognitive

134 deficits.

Comparisons with previous studies

We observed a slight significant improvement of cognitive test scores between 1996 and

2006: this surprising result could be explained by the young age of the sample and also by a phenomenon of learning and increased familiarization with the test during the follow-up. It is well-known that repeated practice of cognitive tests can offset the expected time-related cognitive decline.23 Cognitive functions were always better in women than in men.19 Several studies suggest that men and women have important differences in specific cognitive functions. Men show superior spatial memory while women demonstrate superior verbal memory and rely on emotional content to a greater degree in the processing of information.

Bremner et al.23 found different pattern of activation of brain regions among the women compared with the men during remembrance of emotional words. Other studies focused on the impact of sexual hormones on cognitive functioning and decline.24 All those gender differences could explain our results, even if we tried to take into account potential confounders (hormonal therapy in women did not have any effect and was not included in the multivariate analysis), but the lower impact of drug use in women remains surprising and needs further investigations.

According to the literature, we found results in agreement with several authors underlining a negative effect on cognitive functions in case of a long-term use of benzodiazepines.13, 25-26 In 2002, Paterniti et al. 13 performed the first longitudinal study that identified the negative impact of a long-term consumption of benzodiazepines in elderly. The authors used data from the cohort EVA (Epidemiology of Vascular Aging), which included

1176 subjects aged from 59 to 69 years followed-up for 4 years and identified that the long-

135 term use of benzodiazepines seemed to be a risk factor for cognitive decline. Bierman et al. 26, in a 9-year follow-up, cohort study (Longitudinal Aging Study Amsterdam), confirmed the negative impact on long-term memory and word retention among subjects aged 55 to 85 years. In a meta-analysis of clinical studies with a minimum exposure time of one year, Barkers et al.27 found that long-term use of benzodiazepine modified all the available cognitive domains. The major limitation of these studies were the use of data from elderly populations because in the elderly, it remains difficult to distinguish whether people use drugs as a response to cognitive impairment, or whether long-term use of these substances increases age-related cognitive impairment. In our study, about 2/3 of the population was aged 42 or less at inclusion, and only 159 were aged 62.

Finally, we identified factors associated with cognitive performance according to gender. In men, cohabitation life, physical activity and shiftwork improved cognitive functions and hypercholesterolemia and cardiovascular impaired them. As far as shiftwork is concerned, since shift workers are still working after 40 years old, they are also supposed to have a better health than subjects with a standard working day. Several studies have also shown an association between vascular problems or HDL-cholesterol level and cognitive performance.27-29

In conclusion, our study underlined that long-term psychoactive drug use begins during adult life, even if its prevalence increases with age. This long-term use concerns about

10% of the middle-aged healthy population at work. It was the first study that evaluated cognitive performances according to gender in adult population and showed that a long-term psychoactive drug exposure leads to several decline in cognitive functioning with specific cognitive alteration in men and in women. Whether or not these alterations could be related to dementia in older age needs further investigation on a longer period of observation.

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140 Table 1: Demographic, professional and social characteristics of the study sample in 1996

Total Men Women n=597 n=1251 n=654 (52.3%) (47.7%) Age at baseline N (%) 32 years 396 (31.7) 201 (30.7) 195 (32.7) 42 years 413 (33.0) 208 (31.8) 205 (34.3) 52 years 283 (22.6) 151 (23.1) 132 (22.1) 62 years 159 (12.7) 94 (14.4) 65 (10.9) Occupational status N (%) Executives 141 (11.3) 107 (16.4) 34 (5.7)*** Technicians/Supervisors 368 (39.4) 197 (30.1) 171 (28.6) White collar 417 (33.3) 99 (15.1) 318 (53.3)*** Blue collar 294 (23.5) 231 (35.3) 63 (10.6)*** Education level N (%) < 10 years 309 (24.7) 189 (28.9) 120 (20.1)** 10-13 years 544 (43.5) 270 (41.3) 274 (45.9) > 13 years 398 (31.8) 195 (29.8) 203 (34.0)

Cohabitation life N (%) 1018 (81.5) 556 (85.0) 462 (77.4)** Shiftwork N (%) 222 (17.8) 112 (17.1) 110 (18.4) Physical activity N (%) 1110 (88.7) 547 (83.6) 563 (94.3)*** Body Mass Index (BMI) mean (SD) 24.7 (4.0) 25.6 (3.3) 23.7 (4.3)*** Current smokers N (%) 263 (21.0) 154 (23.6) 109 (18.3)* Daily alcohol consumption N (%) 361 (28.9) 279 (42.7) 82 (13.7)*** Psychoactive drug consumption N (%) 113 (9.0) 44 (6.7) 69 (11.6)*** *p<0.05, **p<0.01, ***p<0.0001

141 Table 2: Mean cognitive scores (standard deviation) at the baseline and after 10-year follow-up for men and women

Total Men Women n Mean (SD) n Mean (SD) n Mean (SD) Immediate Free Recall 1996 1247 8.1 (2.1) 652 7.7 (2.1) 595 8.5 (2.0)*** 2006 1230 8.6 (2.1) 642 8.1 (2.1) 588 9.1 (2.1) Delayed Free Recall 1996 1237 7.7 (2.8) 647 7.1 (2.7) 590 8.4 (2.8)*** 2006 1232 8.1 (2.9) 642 7.5 (2.8) 590 8.7 (2.9) Recognition Test 1996 1235 13.0 (2.5) 644 12.5 (2.7) 591 13.6 (2.2)*** 2006 1226 13.4 (2.3) 637 12.9 (2.4) 589 13.9 (2.1) DSST 1996 1251 50.8 654 48.2 597 53.6 (14.6) (13.8) (14.9)*** 2006 1236 53.4 645 50.7 591 56.3 (18.1) (16.6) (14.7) Selective Attention Test 1996 1246 3.5 (1.6) 651 3.6 (1.7) 595 3.5 (1.6) 2006 1229 3.4 (1.5) 642 3.5 (1.5) 587 3.4 (1.5) *p<0.05, **p<0.01, ***p<0.0001 (comparison between men and women)

142 Table 3: Prevalence of use according the psychoactive drug class in VISAT cohort during the 10 years follow-up

Total Men Women (n=1251) (n=654) (n=597) Psychoactive drugs non-users 1027 (82.1) 569 (87.0) 458 (76.7)*** long-term users 119 (9.5) 50 (7.7) 69 (11.6)* occasional users 105 (8.4) 35 (5.4) 70 (11.7)*** Anxiolytic drugs non-users 1135 (90.7) 612 (93.6) 523 (87.6) long-term users 60 (4.8) 24 (3.7) 36 (6.0)** occasional users 56 (4.5) 18 (2.8) 38 (6.4) Hypnotic drugs non-users 1148 (91.8) 616 (94.2) 532 (89.1) long-term users 50 (4.0) 20 (3.1) 30 (5.0)** occasional users 53 (4.2) 18 (2.8) 35 (5.9) Antidepressant drugs non-users 1093 (87.4) 608 (93.0) 485 (81.2) long-term users 46 (3.7) 17 (2.6) 29 (4.9)*** occasional users 112 (9.0) 29 (4.4) 83 (13.9) *p<0.05, **p<0.01, ***p<0.0001

143 Table 4: Results of multivariate covariance analysis according to gender

4a: Results of multivariate covariance analysis in men Men Immediate Delayed free Recognition Digit symbol Selective free recall recall test substitution attention subtest test Anxiolytic drugs non-users 0 0 0 0 0 long-term users -0.43 (0.31) -0.87 (0.44)* -0.93 (0.39)* -2.01 (2.12) 0.31 (0.31) occasional users 0.42 (0.35) 0.48 (0.48) 0.07 (0.44) -4.91 (2.46) 0.40 (0.30) Hypnotic drugs non-users 0 0 0 0 0 long-term users 0.15 (0.34) 0.06 (0.46) 0.43 (0.43) 3.89 (2.30) 0.11 (0.31) occasional users 0.16 (0.36) 0.03 (0.49) 0.27 (0.45) 0.73 (2.40) -0.12 (0.31) Antidepressant drugs non-users 0 0 0 0 0 long-term users -0.17 (0.43) -0.07 (0.50) -2.20 (0.93)* -5.41 (2.62)* 0.39 (0.33) occasional users -0.09 (0.33) 0.16 (0.39) 0.14 (0.94) -1.81 (1.90) 0.07 (0.26) Adjusted on: cognitive score at the baseline, age, education level, BMI (2006), cohabitation life (2006), current smoking (2006), shiftwork (2006), physical activity (2006), history of depression, diabetes, hypercholesterolemia, thyroid disease or cardiovascular disorders, antiepileptic drug use during the follow- up.

4b: Results of multivariate covariance analysis in women Women Immediate Delayed free Recognition Digit symbol Selective free recall recall test substitution attention subtest test Anxiolytic drugs non-users 0 0 0 0 0 long-term users 0.46 (0.27) -0.19 (0.37) 0.12 (0.28) -2.90 (2.64) 0.01 (0.21) occasional users -0.38 (0.26) -0.39 (0.36) -0.29 (0.27) -2.37 (2.55) 0.22 (0.20) Hypnotic drugs non-users 0 0 0 0 0 long-term users -0.05 (0.29) -0.92 (0.57) -0.02 (0.32) -4.69 (5.66) 1.22 (0.47)** occasional users 0.14 (0.27) -1.09 (0.48)* -0.14 (0.28) -0.83 (5.63) 0.89 (0.44)* Antidepressant drugs non-users 0 0 0 0 0 long-term users 0.15 (0.29) -0.19 (0.40) 0.35 (0.32) 0.81 (6.91) -0.21 (0.23) occasional users -0.08 (0.18) -0.57 (0.25)* -0.06 (0.19) 0.93 (4.66) 0.02 (0.14) Adjusted on: cognitive score at the baseline, age, education level, cohabitation life (2006), current smoking (2006), shiftwork (2006), history of hypercholesterolemia or cardiovascular disorders, antiepileptic drug use during the follow-up, drug*age.

144

PARTIE IV : Cas d’une autre substance psychoactive : l’alcool.

145

1. Alcool

1.1. Généralités sur l’alcool

Une boisson alcoolisée est par définition une boisson contenant de l’éthanol. L’éthanol est un alcool produit par fermentation alcoolique et possédant la structure chimique suivante :

CH3-CH2-OH. Il est soluble dans l’eau et inflammable. Il se consomme uniquement dilué sous la forme de boissons dites alcooliques qui se définissent par leur degré alcoolique, en d’autres termes, le pourcentage d’alcool pur contenu dans le liquide (106). L’éthanol est une petite molécule absorbée par simple diffusion au niveau gastrique (70 à 80%) mais également au niveau de l’intestin grêle (10 à 20%). L’absorption de l’éthanol serait modifiée selon le genre : certaines études ont montré que pour un même repas, le délai de vidange gastrique était plus important chez les femmes (107). Après avoir été absorbé, l’éthanol est très rapidement distribué dans l’organisme notamment au niveau du cerveau, des poumons et du foie avec une demi-vie de distribution égale à 7-8 minutes (108). Il est ensuite éliminé par deux voies distinctes : l’oxydation enzymatique essentiellement au niveau du foie et l’excrétion sous sa forme initiale (109). Le métabolisme de l’éthanol se déroule selon trois étapes. Tout d’abord l’alcool est transformé en acétaldéhyde à l’aide de trois voies métaboliques faisant intervenir l’alcool déshydrogénase (ADH) cytosolique (c’est la voie la plus utilisée), le système microsomal d’oxydation de l’éthanol (MEOS) lors d’une consommation aigüe massive ou chronique faisant intervenir le cytochrome P450 2E1 et une catalase. La seconde étape du métabolisme de l’éthanol est la transformation de l’acétaldéhyde en acétate à l’aide de l’acétaldéhyde-déshydrogénase (ALDH). Enfin, la troisième étape est l’incorporation de l’acétate dans le cycle de Krebs. Les boissons alcooliques (que nous désignerons par la suite sous le terme d’alcool) peuvent être responsables d’une toxicité fonctionnelle mais également lésionnelle. La toxicité fonctionnelle apparaît uniquement pendant que l’alcoolémie est élevée et se manifeste par les effets aigus de l’alcool comme les troubles du comportement (110), les troubles cognitifs (111-112)... La toxicité lésionnelle, quant à elle, apparaît lors d’une prise chronique de la substance et perdurent dans le temps : problèmes vasculaires, traumatiques, métaboliques, hépatiques (113)...

L’alcool possède des propriétés psychoactives responsables d’une modification de

146 l’état mental. En effet, il agit au niveau de la synapse en se liant à de nombreux récepteurs comme les récepteurs glutamatergiques NMDA, GABAA, sérotoninergiques et nicotiniques. La fixation de l’alcool sur le récepteur GABA va provoquer une diminution de l’activité neuronale en permettant aux ions chlore (Cl-) de pénétrer plus longtemps dans le neurone post-synaptique. Les effets de l’alcool sont différents selon le type de consommation (Figure 1): - En prise aiguë, l’alcool provoque une diminution de la transmission glutamatergique et une potentialisation de la réponse GABAergique d’où un effet dépresseur du système nerveux central. - En prise chronique, l’alcool va provoquer une « hypersensibilité » des récepteurs NMDA

et une « désensibilisation » des récepteurs GABAA. D’où des effets excitateurs et neurotoxiques.

Figure 1 : Récepteurs GABAA selon le type d’usage (sans alcool, prise aiguë ou prise chronique) (M.EC : Milieu extracellulaire ; M.IC : Milieu intracellulaire)

1.2. Consommation d’alcool en France

La France se caractérise par une importante consommation d’alcool qui la classe en tête des pays de l’Union Européenne malgré une baisse progressive des indicateurs depuis plus de quarante ans (Figure 2) principalement due à une baisse de la consommation de vin (114).

147

Figure 2 : Consommation d’alcool en France en litres d’alcool pur par an et par habitants de 15 ans ou plus (1961-2006).

En 2003, la France occupait le 11ème rang mondial et le 2ème rang pour la consommation de vin après le Luxembourg (Figure 3). Les indicateurs de consommation d’alcool sont aujourd’hui relativement stables en France, que ce soit pour la consommation, l’ivresse ou la consommation problématique. L’alcool est la substance psychoactive de loin la plus consommée après le tabac : seuls 2,5% des français déclarent n’en avoir jamais bu, 29% en consomment seulement occasionnellement, 42% au moins une fois par semaine, 21% tous les jours. La consommation quotidienne est plutôt masculine (20,3% de consommateurs quotidiens chez les hommes contre 7,3% chez les femmes) et fortement associée avec l’âge (115). De même, les hommes qui déclarent consommer de l’alcool boivent en moyenne 2,6 verres dans la journée contre 1,8 verre chez les femmes.

148

Figure 3 : Comparatif européen du niveau de consommation en 2003 (en nombre de litres d’alcool pur par adulte).

1.3. Consommation d’alcool en milieu du travail

Dans une récente étude (116) visant à identifier les populations à risque, les auteurs ont mis en évidence différents facteurs associés avec la consommation d’alcool comme par exemple le genre, l’âge, le contexte familial, l’emploi ou encore la région d’habitation. Le milieu professionnel peut donc être un facteur de risque de la consommation d’alcool mais aussi un milieu particulièrement dangereux pour un consommateur régulier (42). Le fait que certaines personnes consomment des substances comme l’alcool de façon abusive n’est pas nouveau. Néanmoins, cette consommation abusive peut avoir des répercussions importantes sur le travail (117). L’étude de Demortière menée auprès de médecins du travail avait indiqué que 8,2% des salariés vus au cours de la visite médicale étaient des consommateurs d’alcool à risque ou problématique (118). Aujourd’hui, pour exécuter plusieurs activités, il faut de l’attention et des réflexes rapides et précis. Une altération de ces facteurs peut provoquer de graves accidents et perturber la bonne marche du travail. L’abus de substances peut avoir

149 plusieurs conséquences : effets résiduels de l’abus, absentéisme, baisse de la productivité, consommation d’alcool sur son lieu de travail, des effets psychologiques comme le stress... Le médecin du travail joue donc un rôle essentiel pour identifier les consommateurs à risque.

1.4. Alcool et fonctions cognitives

L’alcool agit sur le système nerveux central et son action sur les fonctions cognitives lors d’une consommation aiguë est bien décrite (119). Les deux syndromes cognitifs les plus connus et attribués à l’alcool sont : - le syndrome de Wernicke-Korsakoff : combinant une encéphalopathie de Wernicke (paralysie oculomotrice, troubles de la conscience et ataxie-hypertonie) à un syndrome de Korsakoff (altération importante de la mémoire antérograde, confusion, aphonie). Le syndrome de Wernicke-Korsakoff constitue une complication fréquente de l’intoxication alcoolique qui doit être rapidement traitée pour éviter le coma et la mort du sujet. - la démence alcoolique principalement retrouvée chez le sujet âgé (120).

Depuis quelques années, les recherches se sont focalisées sur la relation entre la consommation d’alcool et le fonctionnement cognitif. Beaucoup d’études ont démontré que boire de l’alcool était associé à une diminution des performances aux tests cognitifs. Chez le sujet âgé, l’abus d’alcool semble altérer les fonctions cognitives et serait, en effet, responsable du développement de démence (121-125). Plus récemment, de nombreuses études ont exploré l’effet d’une consommation légère à modérée d’alcool sur les fonctions cognitives et soulèvent la possibilité d’un effet protecteur contre la démence particulièrement chez les femmes (126-129).

De nos jours, les effets délétères d’un abus d’alcool sur le fonctionnement cognitif sont donc des faits bien établis, mais l’impact d’un usage quotidien et modéré n’est pas clairement défini. La quasi-totalité des études réalisées sur ce sujet ont utilisé des populations âgées (126, 130-132). Or, il est difficile de distinguer les effets issus du vieillissement cognitif normal et du vieillissement cognitif pathologique du à l’absorption d’une substance. Afin d’éclaircir cette question, nous avons voulu étudier l’effet d’un usage modéré et à long terme d’alcool sur les performances cognitive dans une population relativement jeune (≤52 ans à l’inclusion).

150 2. Travail de recherche personnel

2.1. Impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur le fonctionnement cognitif

2.1.1. Objectif du travail

Le but de cette étude était d’évaluer l’impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur les performances cognitives chez des salariés du Sud de la France.

2.1.2. Population et méthode

La population d’étude est issue de l’étude de cohorte VISAT (cf. page 21) qui permet de suivre 3237 salariés du Sud de la France depuis 1996. Les sujets inclus devaient avoir réalisé les deux entretiens de suivi (en 2001 et 2006). Nous avons exclus les sujets ayant présenté des problèmes psychiatriques qualifiés de sévères dans le passé ou au cours du suivi.

2.1.2.1. Evaluation des performances cognitives Afin d’évaluer les performances cognitives des sujets au cours du suivi, l’enquête VISAT comportait plusieurs tests psychométriques que nous rappelons brièvement ci- dessous : - le test du rappel de mots immédiat permettant d’évaluer la mémoire à court terme, - le test du rappel de mots différé permettant d’évaluer à long terme, - le test de reconnaissance des mots permettant d’évaluer la stratégie de mémorisation, - le Digit Symbol Substitution Subtest (DSST) reflétant la vitesse d’exécution et de raisonnement, - le test de recherche visuelle spatiale évaluant l’attention sélective du sujet. Une amélioration des performances cognitives sera observée lors d’une augmentation générale des scores aux tests de mémoire et au DSST et d’une diminution générale des scores au test de la recherche visuelle spatiale.

151 2.1.2.2. Mesure de l’exposition à l’alcool Pour chaque recueil, la consommation d’alcool est évaluée à partir d’une question récurrente permettant de savoir si le sujet consommait de l’alcool quotidiennement. Nous avons ainsi défini 2 catégories de consommateurs chacune formée de 3 modalités:

- Consommateurs définis selon la chronicité d’usage :  Non consommateurs quotidien d’alcool : pas d’exposition aux 3 enquêtes (1996, 2001 et 2006).  Consommateurs chroniques: consommation quotidienne d’alcool à chaque enquête (1996, 2001 et 2006).  Consommateurs ponctuels: consommation quotidienne d’alcool au cours d’une enquête au minimum (1996 ou 2001 ou 2006).

- Consommateurs définis selon l’ancienneté d’usage :  Non consommateurs quotidien d’alcool : pas d’exposition aux 3 enquêtes (1996, 2001 et 2006).  Consommateurs anciens: consommation quotidienne d’alcool en 1996 et/ou en 2001 mais pas en 2006.  Consommateurs récents: consommation quotidienne d’alcool au moins en 2006.

Ces deux catégories d’exposition ont été analysées de manière distincte.

2.1.3. Analyse statistique des données L’analyse statistique des données a été réalisée sur le logiciel SAS® version 9.1.

Dans ce travail, nous avons analysé les hommes et les femmes séparément en raison des habitudes de consommation très différentes selon le genre. Dans un premier temps, nous avons décrit la population d’étude et la consommation quotidienne d’alcool au cours du suivi. Nous avons utilisé un test du Chi² afin de comparer les hommes et les femmes. Dans un second temps, nous avons évalué l’impact de la consommation quotidienne d’alcool sur les performances cognitives entre 1996 et 2006 à l’aide d’une analyse de covariance en tenant compte de l’ensemble des facteurs de confusion pouvant influer sur la prise d’alcool ou sur les performances cognitives. La variable à expliquer était la moyenne au score cognitif obtenue en 2006 à chaque test psychométrique.

152 2.1.4. Résultats de l’étude

Les résultats de cette étude ont été soumis à publication dans Alcoologie et Addictologie et sont détaillés dans l’article présenté page 154.

2.1.5. Synthèse générale

Nous avons étudié les effets à long terme de la consommation d’une autre substance psychoactive que les médicaments psychoactifs car l’alcool est très utilisé en France, notamment pour des raisons culturelles, et souvent de manière quotidienne. De plus, les données de la littérature sont très controversées sur ce sujet.

Dans notre échantillon, 28% des salariés étaient des consommateurs quotidiens d’alcool au cours de l’enquête de 2006 et 15% étaient qualifiés de consommateurs chroniques d’alcool au cours des 10 années de suivi, majoritairement des hommes. Ces résultats montrent que l’alcool reste une substance psychoactive très utilisée en France. L’objectif de notre travail était d’évaluer l’impact d’une consommation à long terme d’alcool sur le fonctionnement cognitif chez des sujets relativement jeunes et sans démence diagnostiquée avant ou pendant les 10 années de suivi.

Cependant, cette étude présente un biais d’information important car l’évaluation de la consommation d’alcool n’a été possible qu’à travers une seule question posée par le médecin du travail. En l’absence de données concernant le type de boisson consommé et la quantité prise quotidiennement par les sujets enquêtés, nous avons du émettre l’hypothèse d’une consommation d’alcool modérée afin d’interpréter nos résultats. Nous avons donc refait l’analyse en excluant les sujets considérés comme « buveurs excessifs » par le médecin du travail et nous avons retrouvé les mêmes résultats. Nous avons ainsi pu mettre en évidence les effets différents d’un usage quotidien et modéré d’alcool sur les performances cognitives selon le genre chez des sujets relativement jeunes (≤ à 62 ans à l’inclusion): - chez les hommes, un impact négatif sur la mémoire lors d’une consommation récente d’alcool, - chez les femmes, un impact positif sur l’attention visuo-spatiale après arrêt d’une consommation quotidienne d’alcool.

153 MÉMOIRE

Impact d’une consommation quotidienne d’alcool sur le

fonctionnement cognitif chez des salariés : résultats de l’étude VISAT

Mme Olivia Boeuf-Cazou, MSc*, Mlle Laure Pourcel, MSc*, Dr Maryse Lapeyre-Mestre

MCU-PH*

*Université de Toulouse; UPS, Unité de Pharmacoépidemiologie EA3696, Faculté de

Médecine Purpan, 37 Allées Jules Guesde; F-31000 Toulouse, France.

Auteur correspondant: Mme Olivia Boeuf-Cazou - Université de Toulouse; UPS, Unité de

Pharmacoépidemiologie EA3696, Faculté de Médecine Purpan, 37 Allées Jules Guesde; F-

31000 Toulouse, France. Tel.: +33-5-61145918; Fax: +33-5-61255928; E-mail: [email protected]

154 Titre de l’article: Alcool et performances cognitives

Résumé :

L’alcool est la substance psychoactive la plus consommée en France après le tabac. De nombreuses études ont montré l’impact négatif d’un abus d’alcool sur les fonctions cognitives. Cependant, un effet protecteur lors d’une consommation d’alcool faible à modérée est actuellement discuté. Nous avons évalué l’impact de la consommation d’alcool sur les performances cognitives de 1251 salariés issus de la cohorte VISAT (Vieillissement, Santé,

Travail) suivis pendant 10 ans. Les sujets ont été interrogés à l’inclusion (1996), à 5 ans et à

10 ans à partir de questionnaires standardisés. A chaque enquête, des tests psychométriques ont mesuré les performances mnésiques et attentionnelles. L’exposition à l’alcool a été mesurée selon la chronicité d’exposition ou son ancienneté. Les variations des scores cognitifs ont été évaluées par analyse de covariance après ajustement sur plusieurs facteurs de confusion. 14,9% des salariés, surtout des hommes, étaient consommateurs chroniques et

27,7% étaient consommateurs récents en 2006. Nous avons observé un impact négatif sur la mémoire chez les hommes lors d’un usage ponctuel d’alcool et une amélioration des performances attentionnelles chez les femmes lors d’une exposition ancienne.

Mots-clés :

Alcool – Cognition – Genre – Cohorte – Travail

155 Summary:

Impact of daily consumption of alcohol on cognitive functioning among workers: results of the VISAT study.

Alcohol is the most consumed psychoactive substance in France after tobacco. Many studies have underlined a negative effect of alcohol abuse on cognitive functions. Nevertheless, the protective effect of low-to-moderate consumption of alcohol is discussed. We evaluated the impact of alcohol consumption on cognitive performance among 1251 workers from the

VISAT cohort (Aging, Health and Work) with a 10-year follow-up. Subjects were interviewed at baseline (in 1996), at 5 years and at 10 years with standardized questionnaires. In each survey, psychometric tests measured memory and attentional performances. Alcohol exposure was measured according to chronicity or oldness. Changes in cognitive scores were evaluated by analysis of covariance after adjustment for several confounding factors. 14.9% of workers, mostly men, were chronic users and 27.7% were recent users in 2006. We observed negative impact of the occasional use of alcohol on memory in men and improvement of attentional performances in women with a past use of alcohol.

Key words:

Alcohol – Cognition – Gender – Cohort – Work

La France se caractérise par une importante consommation d’alcool qui la classe en tête des pays de l’Union Européenne malgré une baisse progressive des indicateurs depuis plus de trente ans (1-3). L’alcool est la seconde substance psychoactive la plus consommée et possède des propriétés psychoactives responsables d’une modification de l’état mental pouvant entraîner des conséquences néfastes sur le sujet lors d’une consommation avant ou pendant le travail et de surcroit si le travail nécessite une attention particulière. Dans une récente étude

156 (4) visant à identifier les populations à risque, les auteurs ont mis en évidence différents facteurs associés avec la consommation d’alcool comme par exemple le genre, l’âge, le contexte familial ou encore l’emploi. Le milieu professionnel représente donc un facteur de risque de la consommation d’alcool mais aussi un milieu particulièrement dangereux pour un consommateur régulier (5). L’étude de Demortière (6), menée auprès des médecins du travail, avait indiqué que 8,2% des salariés vus au cours de la visite médicale étaient des consommateurs d’alcool à risque ou problématique. En France, très peu d’études se sont préoccupées de l’impact d’une consommation régulière d’alcool chez des sujets en activité professionnelle. Or l’alcool agit sur de nombreux récepteurs du système nerveux central et donc sur les fonctions cognitives (7). En effet, des syndromes cognitifs ont été attribués à l’alcool comme le syndrome de Wernicke-Korsakoff responsable d’une amnésie et d’un dysfonctionnement exécutif, et la démence alcoolique principalement retrouvée chez le sujet

âgé (8). Depuis quelques années, les recherches se sont focalisées sur la relation entre la consommation d’alcool et le fonctionnement cognitif. Beaucoup d’études ont démontré qu’une forte absorption d’alcool était associée à une diminution des performances aux tests cognitifs notamment chez le sujet âgé (9-13). Mais actuellement, de nombreuses études se focalisent sur l’effet d’une consommation légère à modérée d’alcool sur les fonctions cognitives et soulèvent la possibilité d’un effet protecteur contre la démence particulièrement chez les femmes (14-17).

Le but de cette étude était d’évaluer l’impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur les performances cognitives chez des salariés du Sud de la France.

157 Matériel et méthode

Cohorte VISAT (Vieillissement, Santé et Travail)

Les données utilisées dans ce travail sont issues de l’étude de cohorte VISAT (Vieillissement,

Santé et Travail) conçue pour préciser comment la nature des tâches et l’organisation du travail modifient la qualité du vieillissement (18). Il s’agit d’une étude de cohorte fixe prévue pour 10 ans (1996-2006) et incluant 3237 salariés issus de trois régions du Sud de la France

(Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon) nés en 1934, 1944, 1954 et 1964. Ces sujets ont été tirés au sort parmi les effectifs des médecins du travail participants à la cohorte et ont été sollicités pour participer à l’étude et à son suivi à 10 ans. Tous les sujets ont été volontaires et ont signé un consentement éclairé. L’étude a été faite dans le respect de la réglementation et un respect strict de l’anonymat. L’inclusion a eu lieu lors de la visite médicale annuelle obligatoire et systématique dans le cadre de la médecine du travail ou au cours de la visite médicale d’embauche pour les nouveaux salariés. Les entretiens ont été réalisés par les médecins du travail à l’inclusion (en 1996), à 5 ans (en 2001) et à 10 ans (en

2006).

Population d’étude

Pour cette étude, les sujets inclus devaient participer à la cohorte VISAT depuis 1996 et avoir réalisé les deux entretiens de suivi (en 2001 et 2006). Nous avons exclus les sujets ayant présenté des problèmes psychiatriques qualifiés de sévères dans le passé ou au cours du suivi.

Recueil des données

A chaque recueil, les données ont été obtenues de façon identique à partir de questionnaires standardisés. Le questionnaire VISAT envisageait les caractéristiques générales et professionnelles du sujet, des données médicales et psychométriques, des données sur les

158 conditions de vie extraprofessionnelles et des mesures médicales réalisées par le médecin du travail.

Évaluation des performances cognitives

Le questionnaire comporte cinq tests psychométriques permettant d’évaluer l’évolution des fonctions cognitives :

- un test de mémoire adapté du REY Verbal Learning Test composé de 3 épreuves : un test de rappel de mots immédiat permettant d’évaluer la mémoire à court-terme, un test de rappel de mots différé permettant d’évaluer la mémoire à long terme et un test de reconnaissance des mots permettant d’évaluer la stratégie de mémorisation,

- le Digit Symbol Substitution Subtest (DSST) (ou test du code) tiré du Wechsler Adult

Intelligence Scale reflétant la vitesse d’exécution et de raisonnement du sujet,

- le test de recherche visuelle spatiale (dérivé du test de Sternberg) permettant d’évaluer l’attention sélective de type visuo-spatiale.

Une altération des performances cognitives est observée lors d’une diminution des scores aux tests de la mémoire et au DSST et lors d’une augmentation des scores au test de la recherche visuelle spatiale qui est défini par un temps d’exécution.

Mesure de l’exposition à l’alcool

Pour chaque recueil, la consommation d’alcool a été évaluée à partir d’une question récurrente permettant de savoir si le sujet consommait de l’alcool quotidiennement

(oui/non). Nous avons défini 2 catégories de consommateurs d’alcool chacune formée de trois modalités :

159 - Consommateurs définis selon la chronicité d’utilisation :

 non consommateurs d’alcool : pas de consommation quotidienne d’alcool au cours

des 3 enquêtes (1996, 2001, 2006),

 consommateurs chroniques : consommation quotidienne d’alcool à toutes les

enquêtes (1996, 2001 et 2006),

 consommateurs ponctuels : consommation quotidienne d’alcool au cours d’une ou

de deux enquêtes (1996 ou 2001 ou 2006).

- Consommateurs définis selon l’ancienneté d’utilisation :

 non consommateurs d’alcool : pas de consommation quotidienne d’alcool au cours

des 3 enquêtes (1996, 2001, 2006),

 consommateurs anciens : consommation quotidienne d’alcool en 1996 et/ou en 2001

mais pas en 2006,

 consommateurs récents : consommation quotidienne d’alcool en 2006.

Méthode statistique

Dans ce travail, nous avons analysé les hommes et les femmes séparément en raison des habitudes de consommation très différentes selon le genre. Dans un premier temps, nous avons décrit la population d’étude et la consommation quotidienne d’alcool au cours du suivi.

Nous avons utilisé un test du χ² afin de comparer les hommes et les femmes. Dans un second temps, nous avons évalué l’impact de la consommation quotidienne d’alcool sur les performances cognitives entre 1996 et 2006 à l’aide d’une analyse de covariance en tenant compte de l’ensemble des facteurs connus pouvant influer sur la prise d’alcool ou sur les performances cognitives. La variable à expliquer était la moyenne du score cognitif obtenu en

2006 à chaque test psychométrique. Les non consommateurs ont été utilisés comme groupe de référence. L’analyse statistique a été réalisée sur le logiciel SAS® version 9.1.

160 Description de la population d’étude

Notre analyse a porté sur 1251 sujets suivis pendant 10 ans (52,3% d’hommes et 47,7% de femmes) (tableau I). Nous avons mis en évidence des différences selon le genre : les hommes

étaient davantage cadres (16,4% versus 5,7%, p<0,0001) ou ouvriers (35,3% versus 10,6%, p<0,0001) alors que les femmes étaient plutôt des employés (53,3% versus 15,1%, p<0,0001).

D’autre part, les hommes étaient plus souvent en couple (85,0% versus 77,7%, p<0,0001) et fumeurs (23,6% versus 18,3%, p<0,05) alors que les femmes étaient plus stressées (51,4% versus 36,1%, p<0,0001) et prenaient davantage de médicaments psychoactifs (11,6% versus

6,7%, p<0,0001) que les hommes.

Dans notre population d’étude, 14,9% des salariés étaient des consommateurs chroniques d’alcool, majoritairement des hommes (23,4% des hommes et 5,5% des femmes, p<0,0001)

(tableau II). D’autre part, 28,7% étaient considérés comme des consommateurs ponctuels

(36,1% des hommes et 20,6% des femmes, p<0,0001). Si nous nous intéressons à l’ancienneté d’exposition, nous avons identifié 27,7% de consommateurs quotidiens d’alcool en 2006

(39,0% des hommes et 15,4% des femmes, p<0,0001) et 15,8% qui avaient arrêté au cours du suivi (20,5% des hommes et 10,7% des femmes, p<0,0001).

Évolution des performances cognitives au cours du suivi

Au cours du suivi, les performances aux tests psychométriques évaluant la mémoire ou la vitesse d’exécution ont montré une légère tendance à s’améliorer (tableau III). Ceci est généralement habituel dans les études longitudinales, suggérant un apprentissage du test cognitif au cours des enquêtes. Seul le test de la recherche visuelle spatiale est resté stable au cours des 10 ans de suivi. Par ailleurs, les résultats chez les femmes sont en moyenne meilleurs que chez les hommes, quelque soit le test (résultats non présentés).

161 Impact de la consommation quotidienne d’alcool sur les performances cognitives

Les résultats de l’analyse de covariance sont présentés dans le tableau IV. L’ajustement a été réalisé sur l’ensemble des variables statistiquement significatives (p<0,05) lors de l’analyse de covariance univariée (non présentée) :

- l’âge, le genre, le niveau d’étude et le score cognitif en 1996,

- sur le statut marital, le travail posté, l’indice de masse corporelle, l’absence d’activité sportive et le statut tabagique en 2006,

- et sur la prise d’un médicament psychoactif, d’un antiparkinsonien, une dépression, un diabète, une hypercholestérolémie, un problème thyroïdien, une pathologie cardiovasculaire dans le passé ou au cours du suivi.

Nous avons observé une diminution significative des performances chez les hommes au test du rappel de mots différé lors d’un usage ponctuel (β=-0,58 (0,20), p<0,05) ou ancien (β=-

0,58 (0,24), p<0,05) mais également au test du rappel de mots immédiat lors d’un usage récent d’alcool (β=-0,30 (0,15), p<0,05). Au contraire, chez les femmes, nous avons mis en

évidence une amélioration des performances au test de la recherche visuelle spatiale (β=-0,35

(0,17), p<0,05) lors d’un usage ancien d’alcool au cours des 10 ans de suivi. Nous observons donc un impact positif de l’arrêt d’une consommation quotidienne d’alcool sur les performances attentionnelle uniquement chez les femmes.

Discussion

A notre connaissance, cette étude est la première à évaluer l’impact d’une consommation modérée et à long terme d’alcool sur le fonctionnement cognitif chez des sujets relativement jeunes (≤62 ans à l’inclusion). De plus, nous avons analysé les hommes et les femmes séparément afin de souligner les différences existant lorsque l’on s’intéresse à l’usage

162 d’alcool (19). Cette étude présente néanmoins un biais d’information non négligeable puisque nous avons évalué la consommation quotidienne d’alcool à partir d’une seule question posée par le médecin du travail. Malgré l’anonymat des questionnaires, il existe donc un biais d’information responsable d’une sous-estimation de la consommation d’alcool car l’usage d’alcool reste une question sensible en milieu du travail (20). Malgré cette limite méthodologique, nous avons mis en évidence des résultats intéressants.

Tout d’abord, les consommateurs chroniques d’alcool étaient majoritairement des hommes.

Ces résultats confirment les données de la littérature, montrant une plus forte prévalence de consommation, chez les hommes (1-2). D’autre part, l’analyse des effets d’une exposition à l’alcool au cours du suivi sur les performances cognitives a permis là encore de mettre en

évidence des différences marquées entre les hommes et les femmes. Nous avons observé un effet négatif d’une consommation d’alcool modérée à long terme sur la mémoire explicite lors d’un usage récent ou ancien d’alcool chez les hommes uniquement et un effet positif sur l’attention sélective visuo-spatiale après arrêt d’une consommation quotidienne d’alcool chez les femmes uniquement.

L’impact négatif d’une consommation élevée d’alcool sur les facultés cognitives est aujourd’hui bien décrit dans la littérature (9-13). En effet, une intoxication éthylique semble

être associée avec un déficit cognitif. Saunders et coll. ont montré, à partir d’une étude longitudinale, que des hommes âgés de 65 ans ou plus avec une forte consommation d’alcool pendant au moins 5 ans présentaient un risque presque 5 fois plus important que les autres de développer une démence (21). D’autre part, plusieurs auteurs se sont intéressés aux performances cognitives chez des patients alcooliques. Ils ont alors mis en évidence des déficits cognitifs portant sur les performances visuo-spatiales, les fonctions exécutives et le

163 rappel de mots libre. Cependant, il existe de nombreux facteurs pouvant expliquer l’apparition de ces troubles cognitifs chez les patients alcooliques comme l’âge, les antécédents familiaux, la durée d’exposition ou encore la présence d’une dépression (22).

Mais depuis quelques années, de nombreuses recherches se sont intéressées à l’impact d’une consommation modérée d’alcool sur le fonctionnement cognitif. Certaines études ont montré une amélioration des capacités cognitives lors d’un usage modéré d’alcool chez des sujets

âgés de plus de 50 ans. Elias et coll. ont montré, à partir de la cohorte Framingham Heart study, qu’une consommation modérée d’alcool était positivement associée aux performances cognitives chez les hommes et les femmes (14). Dans ce travail les auteurs ne mettent pas en

évidence d’impact négatif entre la consommation actuelle ou ancienne d’alcool et les performances cognitives et suggèrent que les buveurs « sociaux » auraient une courbe de relation alcool et cognition en forme de J. Afin d’expliquer cet effet positif, les auteurs soulignent que les consommateurs modérés d’alcool sont moins stressés, moins anxieux et moins déprimés que les sujets consommant des quantités importantes d’alcool. Ruitenberg et coll. ont mis en évidence, dans une population âgée de 55 ans ou plus, que les sujets consommant jusqu’à 3 verres d’alcool par jour avaient moins de risque de démence que ceux qui ne prenaient pas d’alcool (23). Les auteurs soulignent donc le rôle protecteur d’une consommation modérée d’alcool notamment sur la démence vasculaire. Ils proposent plusieurs mécanismes possibles : comme un rôle direct de l’alcool sur la réduction de facteurs de risque cardiovasculaires par l’effet inhibiteur de l’éthanol sur l’agrégation plaquettaire (24) ou encore par l’altération du profil lipidique (25). Ils suggèrent également un rôle indirect de l’alcool notamment par une action sur la cognition à travers la libération d’acétylcholine dans l’hippocampe. Enfin, l’association entre la consommation d’alcool et le fonctionnement cognitif a également été évaluée chez des sujets âgés issus de l’étude longitudinale EVA

164 (Epidemiology of Vascular Aging) (19). Les auteurs ont alors montré une association positive entre la consommation modérée d’alcool et les performances cognitives seulement chez les femmes. Ils soulèvent également l’importance d’analyser les hommes et les femmes séparément dans des études s’intéressant à la consommation d’alcool puisque généralement les profils de consommation sont très différents. Ces différences concernent en effet non seulement le niveau de consommation mais également les facteurs associés.

La définition de la consommation modérée d’alcool est donc très importante. Dans notre

étude, nous n’avions pas d’information sur le type de boisson, ni sur la quantité consommée quotidiennement. Cependant, nous savons que la quantité quotidienne moyenne d’alcool bue par les français est inférieure à 3 verres/jour (1). De plus, nous nous sommes intéressés à une population de salariés suivie par la médecine du travail pendant 10 ans. Nous avons donc qualifié de consommation « modérée » l’usage quotidien d’alcool des salariés inclus dans cette étude. Afin de conforter notre hypothèse, nous avons refait l’analyse en excluant les 21 salariés qualifiés de « buveurs excessifs » par le médecin du travail et nous avons retrouvé les mêmes résultats.

Conclusion

Ce travail a donc permis de montrer les effets différents d’une consommation modérée d’alcool sur les performances cognitives selon le genre : un impact négatif sur le fonctionnement mnésique chez les hommes lors d’une prise modérée et récente d’alcool et un impact positif sur les capacités visuo-spatiale chez des femmes lors d’une prise modérée et ancienne d’alcool. Nous avons donc retrouvé des résultats similaires à l’étude de Dufouil (19) pour les femmes mais pas pour les hommes. Cette différence pourrait être expliquée par l’âge

165 des populations étudiées puisque notre population était beaucoup plus jeune que celle suivie dans la cohorte EVA.

Nos résultats suggèrent donc que l’association entre les performances cognitives et l’alcool est fortement dépendante de l’âge mais aussi du genre.

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169 Tableau I : Description générale de la population d’étude à l’inclusion

Population totale Hommes Femmes n=1251 (%) n=654 (52,3%) n=597 (47,7%) Age en 1996 32 ans 396 (31,7) 201 (30,7) 195 (32,7) 42 ans 413 (33,0) 208 (31,8) 205 (34,3) 52 ans 283 (22,6) 151 (23,1) 132 (22,1) 62 ans 159 (12,7) 94 (14,4) 65 (10,9) Catégorie socioprofessionnelle Cadres 141 (11,3) 107 (16,4) 34 (5,7)*** Intermédiaires 368 (29,4) 197 (30,1) 171 (28,6) Employés 417 (33,3) 99 (15,1) 318 (53,3)*** Ouvriers 294 (23,5) 231 (35,3) 63 (10,6)*** Vivre en couple 1018 (81,5) 556 (85,0) 462 (77,7)** Fumeurs 263 (21,0) 154 (23,6) 109 (18,3)* Absence d’activité sportive 269 (21,8) 130 (20,1) 139 (23,7) Stress perçu élevé 543 (43,4) 236 (36,1) 307 (51,4)*** Prise de médicaments psychoactifs 113 (9,0) 44 (6,7) 69 (11,6)*** Comparaison des hommes et des femmes : *p<0,05, ** p<0,01, *** p<0,0001

Tableau II : Description de la consommation quotidienne d’alcool au cours du suivi.

Population totale Hommes Femmes n=1251 (%) n=654 (%) n=597 (%) Chronicité d’exposition Absence de consommation 706 (56,4) 265 (40,5) 441 (73,9)*** Consommation chronique 186 (14,9) 153 (23,4) 33 (5,5)*** Consommation ponctuelle 359 (28,7) 236 (36,1) 123 (20,6)*** Ancienneté d’exposition Absence de consommation 706 (56,4) 265 (40,5) 441 (73,9)*** Consommation récente 347 (27,7) 255 (39,0) 92 (15,4)*** Consommation ancienne 198 (15,8) 134 (20,5) 64 (10,7)*** Comparaison des hommes et des femmes : *p<0,05, ** p<0,01, *** p<0,0001

Tableau III : Évolution des scores aux tests cognitifs au cours du suivi.

Total Hommes Femmes n=1251 n=654 n=597 1996 2006 1996 2006 1996 2006 Rappel immédiat § 8,1 (2,1) 8,6 (2,2)** 7,7 (2,1) 8,1 (2,1)** 8,5 (2,0) 9,1 (2,1)** Rappel différé § 7,7 (2,8) 8,1 (2,9)** 7,1 (2,7) 7,5 (2,8)* 8,4 (2,8) 8,7 (2,9)* Reconnaissance § 13,0 (2,5) 13,4 (2,3)** 12,5 (2,7) 12,9 (2,4)* 13,6 (2,2) 13,9 (2,1)* DSST 50,8 (14,6) 53,4 (16,6)** 48,2 (13,8) 50,7 (14,7)* 53,6 (14,9) 56,3 (18,0)* Recherche visuelle 3,5 (1,6) 3,4 (1,5) 3,6 (1,7) 3,5 (1,5) 3,5 (1,6) 3,4 (1,5) § REY Verbal Learning Test Comparaison par année : * p<0,05, ** p<0,001

170 Tableau IV: Évaluation de l’impact d’une consommation quotidienne d’alcool sur les performances cognitives. (β : β ajusté ; ET : écart-type)

Population totale Hommes Femmes β (ET) β (ET) β (ET) Rappel immédiat § Absence de consommation 0 0 0 Consommation chronique -0,01 (0,13) -0,20 (0,19) 0,13 (0,39) Consommation ponctuelle -0,05 (0,10) -0,27 (0,15) 0,18 (0,18) Consommation récente -0,05 (0,11) -0,30 (0,15)* 0,19 (0,22) Consommation ancienne -0,03 (0,13) -0,20 (0,18) 0,15 (0,23) Rappel différé § Absence d’usage 0 0 0 Consommation chronique 0,27 (0,23) 0,19 (0,25) 0,06 (0,55) Consommation ponctuelle -0,33 (0,16)* -0,58 (0,20)* 0,06 (0,24) Consommation récente 0,07 (0,15) -0,15 (0,21) 0,24 (0,30) Consommation ancienne -0,42 (0,18)* -0,58 (0,24)* -0,32 (0,32) Reconnaissance § Absence d’usage 0 0 0 Consommation chronique 0,23 (0,19) 0,19 (0,23) 0,07 (0,39) Consommation ponctuelle -0,10 (0,13) -0,28 (0,18) 0,07 (0,18) Consommation récente 0,05 (0,13) 0,01 (0,19) 0,15 (0,21) Consommation ancienne -0,21 (0,15) -0,34 (0,22) -0,09 (0,23) DSST Absence d’usage 0 0 0 Consommation chronique 0,68 (1,14) 1,28 (1,07) 0,69 (3,97) Consommation ponctuelle 0,84 (0,86) 0,98 (0,91) -0,10 (1,76) Consommation récente 0,56 (1,08) 1,51 (0,91) -1,04 (2,15) Consommation ancienne 0,54 (1,18) 0,36 (1,08) 1,15 (2,24) Recherche visuelle spatiale Absence d’usage 0 0 0 Consommation chronique -0,16 (0,12) -0,20 (0,15) 0,36 (0,30) Consommation ponctuelle -0,06 (0,08) -0,03 (0,12) -0,20 (0,13) Consommation récente -0,09 (0,09) -0,10 (0,12) 0,04 (0,16) Consommation ancienne -0,09 (0,10) 0,04 (0,14) -0,35 (0,17)* § REY Verbal Learning Test p<0,05 # Ajustement sur l’âge, le genre, le niveau d’étude et le score cognitif en 1996, sur le statut marital, le travail posté, l’indice de masse corporelle, l’absence d’activité sportive et le tabac en 2006 et enfin sur la prise d’un médicament psychoactif, une dépression, un diabète, une hypercholestérolémie, un problème thyroïdien, une pathologie cardiovasculaire dans le passé ou au cours du suivi.

171

CONCLUSION GÉNÉRALE

172

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le milieu du travail représente un environnement particulier pour le sujet pouvant être responsable de l’apparition d’un stress professionnel. Chaque salarié réagit différemment face à des conditions stressantes : certains vont y faire face sans difficulté, d’autres vont développer une pathologie mentale ou utiliser des substances psychoactives pour les aider à continuer à travailler.

Dans un contexte de réorganisation des conditions de travail, près de 19,6% des salariés enquêtés dans « Mode de Vie et Travail » consommaient de l’alcool quotidiennement en 2006 pendant leur journée de travail dont 28,6% seuls et 9,4% consommaient du cannabis, majoritairement des hommes. D’autre part, 6,1% des salariés inclus prenaient un médicament psychoactif avec une forte majorité de femmes. Dans cette première étude, nous avons identifié des profils de consommateurs intéressants. Tout d’abord, l’usage d’alcool pendant une journée de travail semblait associé à un emploi de type commercial, une satisfaction professionnelle et des repas d’affaire contrairement à l’usage d’alcool après une journée de travail qui semblait davantage associé à une insatisfaction dans la vie quotidienne du salarié indépendamment de son travail. Nous avons également identifié deux profils distincts de consommateurs de cannabis : un premier profil associé à des hommes satisfaits professionnellement mais soumis à une insécurité d’emploi et un second profil associé à des contraintes professionnelles élevées et à la prise d’autres substances psychoactives comme le tabac ou les médicaments psychoactifs. Nous avons ainsi souligné le rôle majeur des facteurs professionnels dans l’utilisation de ces substances. Depuis 1986, nous avons observé une diminution générale de la consommation de médicaments psychoactifs en milieu du travail, notamment des hypnotiques et des sédatifs. La prévalence d’utilisation est alors passée de 9,0% en 1986 à 6,1% en 2006. Dans ce travail nous avons donc souligné le rôle important des programmes de bon usage des médicaments développés en France. Néanmoins, la France est encore le pays Européen le plus consommateur de médicaments.

Dans une seconde partie, nous nous sommes intéressés à l’incidence de la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés. A notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée aux facteurs d’initiation de la consommation de médicaments psychoactifs en milieu du travail. Nous sommes donc les premiers à avoir identifier les

173 principaux facteurs associés à un début de consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés. Pour cela, nous avons utilisé les données d’une étude de cohorte, l’étude VISAT, qui nous a permis de suivre 1533 salariés du Sud de la France durant 10 ans. Nous avons ainsi pu estimer à 5,4% l’incidence de la consommation de médicaments psychoactifs chez des salariés. Ce travail a permis d’identifier des facteurs associés à l’initiation différents selon le genre : chez les hommes, l’initiation était associée avec la situation matrimoniale, la catégorie socioprofessionnelle et une forte réaction émotionnelle et chez les femmes, l’initiation était associée à l’âge et au facteur latitude décisionnelle-récompense. Nous avons donc mis en évidence une association entre les conditions de travail et la consommation de médicaments psychoactifs seulement chez les femmes. Les femmes pourraient donc être plus sensibles aux conditions de travail que les hommes. Cependant, nous savons aussi que les hommes utilisent d’autres moyens pour faire face aux contraintes professionnelles comme l’usage d’autres types de substances psychoactives.

Enfin, dans une dernière partie, nous avons évalué l’effet de la consommation de médicaments psychoactifs à long terme sur les fonctions cognitives chez des sujets de moins de 62 ans. Nous avons ainsi montré, pour la première fois dans une population relativement jeune et sans démence, qu’une consommation de médicaments psychoactifs à long terme était associée avec un impact négatif sur les performances cognitives et que le type de fonctions altérées par la prise de médicament était dépendant du genre mais également de la classe de médicament utilisée : une altération de la mémoire lors d’un usage d’anxiolytiques à long terme et une altération de la mémoire et de la vitesse d’exécution lors d’un usage d’antidépresseurs à long terme chez les hommes et une altération de l’attention sélective lors d’un usage d’hypnotiques à long terme chez les femmes. Nous avons réalisé la même démarche afin d’évalué l’impact de l’usage d’alcool à long terme sur les performances cognitives chez des sujets de moins de 62 ans et, comme pour les médicaments, nous avons montré des effets spécifiques selon le genre : un impact négatif sur le fonctionnement mnésique chez les hommes lors d’une prise modérée et récente d’alcool et un impact positif sur les capacités visuo-spatiale chez les femmes lors d’une prise modérée et ancienne d’alcool.

En conclusion de ce travail de thèse, nous avons mis en évidence de grandes différences selon le genre. En effet, les hommes et les femmes ne semblent pas réagir de la même façon face aux contraintes professionnelles. Les substances psychoactives consommées

174 sont elles aussi bien différentes. De même, l’usage à long terme de substances psychoactives présente des effets bien distincts selon le genre, le type de substance consommée et l’âge du consommateur. Ce travail souligne également l’importance d’étudier séparément les hommes et les femmes lorsque l’on s’intéresse aux substances psychoactives car les habitudes de consommation, les contraintes professionnelles et les performances cognitives sont très différentes selon le genre.

175

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Annexes

186

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 12

13 Title: Evolution of psychoactive drug consumption in workplace: impact in cognitive functioning

Abstract:

Over the past twenty years, the world of work has witnessed many changes. Wage earners have had to adapt to the newly induced stress conditions, namely by resorting to medicine. In the present survey, we described the evolution of drug consumption in work environment from 1986 onwards, which reveals behaviour changes in psychoactive drug use by workers. We also pointed out the association found between work strain and drug consumption start, especially in women. Lastly, we evaluated the impact of psychoactive drug and alcohol long-term use on worker cognitive abilities. Auteur : Olivia BOEUF-CAZOU

Titre : Évolution de la consommation de médicaments psychoactifs en milieu du travail : impact sur le fonctionnement cognitif

Directeur de thèse : Dr Maryse LAPEYRE-MESTRE

Lieu et date de soutenance : le 24 Juin 2009, Faculté de Médecine de Toulouse Purpan

Résumé :

Au cours des 20 dernières années, de nombreux changements ont affecté le monde du travail. Face à ces nouvelles conditions de stress, le salarié a du s’adapter, notamment par le recours aux médicaments. Dans ce travail, nous avons décrit l’évolution de la consommation de médicaments en milieu professionnel depuis 1986 montrant une modification d’usage des médicaments psychoactifs. D’autre part, nous avons retrouvé une association entre les contraintes professionnelles et l’initiation de consommation de ces médicaments, particulièrement chez les femmes. Enfin, dans une dernière partie, nous avons évalué l’impact de l’usage à long terme de médicaments psychoactifs et d’alcool sur les performances cognitives des salariés.

Mots-clés : pharmacoépidémiologie ; médicaments psychoactifs ; alcool ; tabac ; cannabis ; travail ; cognition.

Discipline administrative : Pharmacologie

Intitulé et adresse du laboratoire : Laboratoire de Pharmacologie Médicale et Clinique EA3696 – Unité de Pharmacoépidémiologie Université de Toulouse 37, allées Jules Guesde, F-31000 Toulouse