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Séquences La revue de cinéma

Wyatt Earp, États-Unis, 1994, 190 minutes Maurice Elia

Number 173, July–August 1994

URI: https://id.erudit.org/iderudit/59440ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this review Elia, M. (1994). Review of [Wyatt Earp, États-Unis, 1994, 190 minutes]. Séquences, (173), 38–39.

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Mais c'est là que réside toute la L'homme s'est-il soudain métamorphosé Auteuil (Henri de Navarre), Jean-Hugues magie de Hollywood: le défi lancé et en parasite assoiffé de vengeance? A-t-on Anglade (Charles IX), Vincent Perez (LaMole) , relevé,à tou s lesniveaux . vraiment voulu nous faire croire qu'il y Virna Lisi (Catherine deMédicis) , MiguelBos e (DeGuise) ,Jean-Claud e Brialy (Coligny), Pascal Néanmoins, Wyatt Earp reste à la fois avait là matière à parallélisme avec les Greggory (Anjou) — Prod.: PierreGrunstei n — un bon film et un film important. Il atrè s conflits duvingtièm e siècle,o ù l'oeil-pour- France / Allemagne / Italie — 1994 —16 4 visiblement été réalisé avec des moyens oeil-dent-pour-dent qui règne en maître minutes—Dist. :C/FP . techniques considérables sans jamais absolu en Irlande par exemple,o u alorsa u donner dans la superproduction. On Liban? C'est cet aspect auto-justificatif qui Wyatt Earp reconnaît là la touche de Lawrence m'a dérangé. Même si l'ampleur de la Kasdan:de s portraits de groupe avec âme, production et la recherche qu'elle a Aurions-nous accordé autant des mouvements de coeur bien entraînée sur le plan historique peuvent d'importance à Wyatt Earp s'il n'était pas échafaudés, des scènes admirablement nous inciter à penser que la vérité accompagné des noms prestigieux de enlevées — bref, tout le charme dont le historique n'a pasét étro p malmenée, iles t Kasdan, Costner, Hackman ou Quaid? cinéaste avait enrobé The Big Chill, cependant certain qu'en restant à Probablement pas. Après tout, la fameuse Silverado ou Grand Canyon. C'est l'intérieur des événements, les auteurs histoire d'Earp et de ses frères a déjà fait pourquoi, même si les scènes de foules et semblent vouloir justifier un peu trop l'objet de nombreux films (dont Gunfight les mouvements spectaculaires y sont facilement certains de ceux qui y ont pris at the O.K. Corral, Doc et plus récemment abondants (et parfois même impression­ part. Impossible pour Hollywood de Kevin Costner nants), c'est un film intimiste, psycho­ résister àl'attitud e quelque peu idylliqueà logique,mêm es'i l évoquede sévénement s donner aux bons face aux méchants. Car qui semblent, de prime abord, mal se comment expliquer au cinéma américain prêter à l'analyse des caractères. Après ce que signifient les expressions «prendre tout, héros légendaire ou pas, il s'agit bel du recul», «faire oeuvre documentaire et bien d'un western dans la plus pure plutôt que romanesque», «laisser parler les tradition dugenre . événements plutôt que les gens»? L'oeuvre est construite de façon Cependant, si discutable soit-il, Wyatt chronologique, depuis l'enfance du héros Earp est un film dont l'honnêteté ne peut jusqu'à son départ en bateau vers l'Alaska pas être mise en doute. Il y a là, qu'on le en compagnie de sa deuxième femme et veuille ou non,un e profonde confiancee n les détails, écrits sur l'écran, sur les l'homme ettout e l'amertume quedégagen t dernières années de sa vie. Kasdan a lescause sdésespérées . C'es t égalemen t un cependant voulu centrer son épopée de beau film, où chaque séquence, chaque l'Ouest sur un certain nombre de scènes plan bénéficient d'une attention qui seveulen t significatives tour àtou r sur méticuleuse, où la couleur et ses nuances le plan psychologique, moral et prennent toute leur signification. idéologique. C'est ainsi qu'on assiste à la Splendeur despaysages ,écla t des lumières mort de sa première femme, à l'arrivée de tant dans les grandes étendues que dans Wyatt Earp à Dodge City, aux premiers lesplu sobscur s saloons, indéniable beauté moments de l'amitié qui le liera à Doc plastique. Il est aussi agréable, en matière Holliday, à son départ pour Tombstone et de western, d'assurer des souvenirs au célèbre règlement de comptes qui clôt anciens,d e réviser certains jugements.Ca r la plupart des autres versions traitant du toute la mythologie du genre est ici mêmesujet . amplement étalée, même si on n'y a pas Les problèmes apparaissent dans la inclus la scène classique où, la nuit troisième heure où les intentions de tombée, le cowboy bercé par le l'équipe de production apparaissent hululement des coyotes éteint son feu de clairement. Kasdan a voulu faire une camp avec un reste de café et se couche oeuvre où la volonté humaniste fût sous sabâche : saloons enfumés, méchants évidente et décisive, même si la à la gâchette facile, importance donnée vraisemblance ou la vérité devaient en beaucoup plus aux chevaux qu'aux souffrir. Tous les épisodes mettant en femmes par exemple, maladresse des vedette le pèred eWyat t (Gene Hackman), cowboys en compagnie de ces dernières, surtout dans le premier tiers du film, ont grandeur etdécadenc ede sshérifs.. . leur pendant dans le dernier tiers, qui Précisons que la présence de Gene relève d'une vision beaucoup trop Hackman, de Dennis Quaid ou même de humanistico-sentimentale pour être vraie. Bill Pullman au générique parvient à

38 Séquences effacer celle de Kevin Costner. À lui seul, un gested e connivence dramatique. Àce t les quelques plans en Technicolor Dennis Quaid, en Doc Holliday tuber­ instant précis, lespectateu r comprend qu'il constituant laparti econsacré ea uCarnava l culeux et très visiblement amaigri, vaut le serae n présenced'un e oeuvre mystérieuse de Rio. Welles en aurait fait une étude déplacement. et jubilatoire, aussi mystifiante que ethnomusicologiquede s plu serotique s ! Maurice Elia révélatrice. On pardonne alors, au film, l'assem­ Bien que Krohn, Wilson et Cie aient blage parfois peu inspiré des plans tournés retrouvé les vestiges filmés de ce projet par Welles (ce dernier aurait sûrement WYATT EARP - Real.: - avorté, ils ne pourront pas recréer le film conçu un montage plus dynamique) et Scén.: Dan Gordon et Lawrence Kasdan — que Welles avait en tête, mais seulement l'utilisation parfois sirupeuse de la Phot.:Owe nRoizma n — Mont.: CarolLittleto n nous donner à voir leur fiction de ce qui musique, des airs folkloriques brésiliens —Mus. : James Newton Howard — Son:loh n Pritchett — Dir. art.: Ida Random — Cost.: fut peut-être et aurait pu devenir It's All malheureusement édulcorés par des Lesegmen t Colleen Atwood— Int.: Kevin Costner (Wyatt True. En cela, l'oeuvre donne raison à arrangements demusak . Un non-sensv u le intitulé Four Men Earp), Dennis Quaid (Doc Hollyday), Gene Godard qui continue à clamer que le ona Raft Hackman, Isabella Rossellini, Mark Harmon, documentaire fait une fiction de la réalité. leff Fahey — Prod.:Ji mWilson , KevinCostne r et Lawrence Kasdan —États-Uni s — 1994 — Etdevan t la tournure que prend le film — 190 minutes — Dist.:Warne r Bros. certains passages pourraient figurer à l'émission 60Minutes ,d'autre s relèventd e l'expérimentation et de la poésie la plus Its All True pure —, Welles lui-même en serait fier parcequ'ell e perpétue sonmythe . Par delà son autopsie et sa Par delà ces aspects ludiques, It's All reconstruction d'une oeuvre inachevéepa r True est aussi très émouvant. On assisteà Orson Welles, It's All True se présente la lente reconstitution d'une oeuvre comme un de ces films mystificateurs massacrée, oubliée, écartelée, ainsi que auxquels le Maître aimait s'associer. Ffo r d'une réputation bafouée, dans certains Fake, bien sûr, mais aussi ses apparitions milieux. Et, par-dessus tout, le film nous comme magicien ou comme narrateur de offre le chaînon manquant de l'esthétique pseudo-documentaires, et ces nombreuses wellesienne. Ainsi, comment Welles en entrevues filmées qu'il accorda durant sa est-il venu à passer du tournage en plans carrière: des documents filmiques et séquences, avec mouvements de caméra télévisuels où le cinéaste nous donne à complexes (Citizen Kane, The Magnifi­ professionnalisme et le soin apportés à la voir la construction de son personnage; le cent Ambersons), à un style plus découpé confection dec efil m unique. Welles que Welles a imaginé aux cours et expressionniste (The Stranger, Othello), Desannée s après sadisparition , Orson des années. Le documentaire qu'ont proche parent des compositions Welles continue d'exercer un magnétisme réalisé Bill Krohn, Richard Wilson et d'Eisenstein ?'' La réponse tient dans son étonnant. It's All True laisse même Myron Meisel débute justement sur un de expérience de cinéaste indépendant au supposer qu'il a laissé, parmi nous, ici et ces petits bijoux. Orson Welles, Brésil. Abandonné de tous, et sans là, des fragments de lui-même lui chiquement vêtu et parfaitement cadré nouvelle rentrée d'argent d'Hollywood, permettant de créer par-delà la mort. devant une volute de fumée, dans un Welles partit avec un cameraman L'oeuvre et l'homme sont destinés à nous décor de salon factice, s'adresse à la européen et un équipement archaïque étonner encore longtemps. On ne saurait lentille d'une caméra de la BBC, dans les tourner ce qui devait s'intituler Four Men s'enplaindre . années 50, pour nous raconter (nous faire On a Raft, lesegmen t clé d'It's Ail True. Il un conte de) sa mésaventure brésilienne. le tourne forcément en extérieurs avecde s johanne Larue Elle scella, pour lui, le début de la fin à acteurs amateurs. Sans matériel de Hollywood. Cette sagaqu i met envedette , support, Welles ne peut concevoir de (1) Bien sûr, Touch of Evil (195» devait marquer chez Welles la synthèse de ces deux approches stylistiques. Est-ce une outre le cinéaste, les anciens puis les mouvements de caméra complexes. Sans coïncidence si te iilm correspond aussi avec son retour a nouveaux dirigeants de la RKO (circa acteurs professionnels, il ne peut pas non Hollywood (bref) où les ressources techniques permettaient aux cinéastes (choyés) une grande liberté 1942), Nelson Rockefeller, des membres plus s'adonner aux longues prises que d'expression esthétique? du gouvernement américain et brésilien, prisaient ses compagnons du Mercury ainsi que Jacaré, un héros populaire, Theater. Il a cependant des visages inou­ IT'SAL L TRUE - Real, et Prod, original: Orson Orson Welles la réduit en une anecdote bliables, marqués par le vent et les Welles —Real. :Richar d Wilson, MyronMeise l aussisaisissant equ'improbable , celled e sa épreuves;de s regardsdon t il voudra brûler et Bill Krohn— Scén. :Richar d Wilson, Myron rencontre avec un prêtre voudou. Selon le la pellicule, ainsi que la mer, son énergie Meisel et Bill Krohn — Phot.: George Fanto Welles dudocumentair e dansl edocumen ­ et la beauté cruelle de son roulement (pour Four Men on a Raft), Gary Carver — taire, c'est ce chaman qui lui signifia la impérieux. Les plans retrouvés par Krohn Mont.: EdMar x —Mus. :Jorg eArriagad a— Son:Jean-Pierr e Duret — Narrateur: Miguel mort de son projet cinématographique, en et ses comparses témoignent à la fois de Ferrer — Prod.: Régine Konckier, Richard transperçant son scénario d'une longue cette oeuvre unique (où Welles «invente» Wilson, Bill Krohn, Myron Meisel, Jean-Luc épingle. Cette dernière information nous le néo-réalisme avant l'heure) et du Ormières— Brésil/États-Unis/Franc e — 199 3 — est livrée en gros plan, après que Welles tournage de ce segment ! C'est un 85min . — Dist.: Paramount. s'est penché vers la caméra immobile, en document stupéfiant. Tout comme le sont

No 173— Juillet/août 1994 .W