Historique Du Parc Des Buttes-Chaumont
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A 175 Parc des Buttes-Chaumont Descriptif général HISTORIQUE DU PARC DES BUTTES-CHAUMONT Par Françoise HAMON, historienne, membre de l’équipe Grünig-Tribel Mai 2001. Publié en ligne avec l’autorisation de l’auteur. Reproduction interdite pour un usage commercial ou professionnel. Historique sous forme de trois chapitres présentés en annexe au descriptif général du concours. Annexe 1 : historique du projet des Buttes-Chaumont Annexe 2 : Liste de la documentation d’archives disponibles relative au parc des Buttes-Chaumont Annexe 3 : Chronologie du parc 1 A 175 Equipe GRUNIG-TRIBEL - Historique du Parc des Buttes-Chaumont, par Françoise HAMON, historienne. I. Annexe 1 : Historique du projet des Buttes Chau- mont a) La genèse Parc des Buttes-Chaumont Descriptif général ⇒ Les origines du jardin paysager Les traités anglais du XVIII˚ siècle consacrés aux jardins ne traitent que des parcs de châteaux et ne portent sur des questions d’esthétique : comment créer des paysages dignes d’être peints, c’est- à-dire pittoresques. En réalité, on cherche surtout, par une rupture subtile avec le paysage rural environnant, à mettre en valeur la demeure aristocratique ainsi que l’exige une société extrêmement hiérarchisée. Autant que les portraits de famille (conversation pieces) destinés à valoriser la lignée, l’aristocratie anglaise apprécie les portraits de maisons (voir le film Meurtre dans un jardin anglais) destinés à renforcer la présence territoriale de leur demeure et sa domination spatiale, dans une tradi- tion encore féodale. Le naturel du jardin paysager sera donc un naturel au second degré, identifiable comme naturel fabriqué. On peut ici jouer sur les mots car ce naturel fabriqué est fondé sur la présence de fabriques : outre les commodités qu’elle offre pour la vie sociale, la multiplication de ces pavillons d’agrément produit des fragments de paysages exotiques (à base de pagodes chinoises ou tentes turques) ou historiques (fondés sur le temple antique ou la ruine médiévale). En même temps qu’est valorisé le capital culturel du maître, les fabriques organisent un univers clos, complet et sur. Le jardin comme terre d’illusion… A la fin du XVIII s., le domaine anglais prend une dimension économique nouvelle avec le système des enclosures qui réintègre les terres cultivées dans la propriété noble. Ce sont désormais les bâti- ments agricoles de l’estate qui se transforment eux-mêmes en ornements du parc. Ainsi, les maisons destinées aux ouvriers agricoles seront organisées en élégants villages de fantaisie et participeront à cette mise en scène de la hiérarchie sociale. En France, on pratiquera un système analogue, celui de la « ferme ornée ». Les pelouses se peuplent alors de moutons blancs utilisés comme élément de décor des prairies vertes. C’est le principe du « parc agricole », variante utilitariste du parc paysager. Le travail de conception du paysagiste se fait alors sur des aquarelles représentant le paysage tel qu’il est, sur lesquelles se superposent des « retombes» représentant ce qu’il doit devenir. On mul- tiplie ainsi les variantes, à la recherche de points de vue privilégiés sur la maison et ses annexes (cf. Repton). Comme on le sait, toutes ces pratiques sont importées chez nous au cours du dernier tiers du XVIII° siècle et pendant le premier tiers du XIX°, avec des nuances propres à la France. Ce qui nous intéresse ici, c’est que ce type de jardin d’illusion va trouver au cours des années 1830- 40 une nouvelle destination. Succédant à l’intérêt pour le jardin des country houses, la réflexion va porter sur un nouvel usage social du jardin. Tandis que naît la notion de métropole, de ville immense et menaçante, le parc urbain va apparaître comme un élément de traitement des maladies sociales de la grande ville. ⇒ Le rôle social du parc urbain L’aspect social du parc urbain, tant du point de vue de l’hygiène que de la socialisation des classes laborieuses, a été moins théorisé en France qu’en G.B et aux USA. La France démocratique, qu’elle soit successivement orléaniste, bonapartiste ou républicaine, n’aborde pas les questions sociales de la même manière pragmatique que les anglo-saxons. Elle cherche des principes et des théories, mais pas des remèdes pratiques d’application immédiate. Le jardin est un de ces remèdes proposés par les anglais. Le phénomène a été bien étudié en G.B. tandis qu’il est mal connu et peu étudié en France que c’est une pratique d’importation. Napoléon III, esprit pratique de culture saint-simonienne,, introduit ce genre de notions en France en envoyant en G.B. dès 1851 des missions pour étudier les méthodes d’aménagement urbain, assainissement, voirie, plantations, traitement des sols, etc…qui sont pratiquées à Londres et dans les grandes cités industrielles. Parce que la question de l’objectif social est centrale pour les jardins parisiens et singulièrement pour le 2 jardin des Buttes-Chaumont, aménagé dans un secteur périphérique misérable, insalubre et mal des- A 175 Equipe GRUNIG-TRIBEL - Historique du Parc des Buttes-Chaumont, par Françoise HAMON, historienne. servi, on est conduit à examiner ici rapidement les théories et pratiques anglo-saxonnes pour éclairer la réalisation française. Le Parc de Réforme, terme par lequel nous traduisons la formule anglaise du Reform Park, est conçu pour répondre aux problèmes que posent les nouvelles métropoles, grandes villes nées de la révolu- tion industrielle. Ces cités manufacturières sont devenues des lieux d’enfermement et de contamination physique et morale, des coupe-gorge et des mouroirs, de véritables pourrissoirs sociaux. La fréquen- tation d’une nature civilisée permettra de resocialiser les ouvriers dont on dénonce régulièrement les mauvaises mœurs et l’alcoolisme en les sortant épisodiquement de leur condition misérable. Le parc est donc d’abord une alternative aux tavernes et aux bordels. Par ailleurs, la végétation productrice Parc des Buttes-Chaumont Descriptif général d’oxygène semble pouvoir régénérer l’air des villes vicié par les émanations industrielles. La dimension hygiéniste est parallèle à la dimension sociale. Ces intentions moralisatrices du parc urbain ont été bien analysées par Alessandra Ponte dans l’His- toire des Jardins de Mosser et Teyssot. A. Ponte rappelle comment Loudon, le célèbre concepteur de maisons rurales pittoresques et des logements décoratifs pour ouvriers agricoles, publie en 1829 un premier manifeste Breathing places for the Metropolis dans lequel il suggère de créer dans les nou- velles grandes cités industrielles des espaces d’aération physique et morale. Il y avait urgence car à Londres les grands féodaux propriétaires s’apprêtaient alors à clore et lotir les terrains libres encore ouverts le dimanche à la population ouvrière de la capitale, déjà forte de 1,5 million d’habitants. Loudon prévoyait des anneaux de zones vertes alternant avec des anneaux de zones habitées et industriali- sées. Son programme ne pouvait pas être réalisé à Londres, mais il fut programmé à Manchester vers 1840 et en partie exécuté à Liverpool de 1862 à 1872 . Ce qui est très nouveau, c’est que les parcs de Réforme sont équipés de jeux de cricket, de football, de course à pieds, et que ces zones non plantées peuvent devenir lieux de réunions publiques pour campagnes électorales ; des pelouses y sont réser- vées aux jeunes filles, aux bébés…etc. Le désir d’être vus « proprement habillés » et de côtoyer des groupes sociaux supérieurs, est considéré comme un puissant moteur de moralisation. Ces principes trouvent un écho considérable aux USA, notamment dans l’œuvre du premier grand paysagiste américain Olmsted, l’auteur de Central Park, qui projette en 1866-67 à Brooklyn, satellite populaire de New-York, le Prospect Park. Il veut en faire l’antithèse de la ville commerciale, un parc scientifiquement organisé pour la récréation morale et physique des travailleurs. Il réalise dans la même ville en 1867 le Washington Park dans lequel un open area for public meetings est destiné aux réunions électorales. Deux espaces libres, séparés mais communicants, sont réservés aux girls play ground et boys play ground ; un terrain est prévu pour les parades militaires (saluting battery) ainsi qu’un belvédère (site for observatory ). La question à résoudre dans ce genre de jardin, clairement perçue en Grande-Bretagne comme aux USA, c’est l’articulation entre les zones de jeux, les espaces de promenade et les sites de repos : com- ment juxtaposer ces fonctions différentes, voire contradictoires sans les détruire l’une par l’autre ? Les commentateurs français du XIX° siècle ne citaient jamais les auteurs anglais qui avaient écrit sur le rôle social de la nature et ils n’évoquaient pas ces parcs créés dans les grandes villes ouvrières. Ils ne se référaient explicitement qu’aux squares de Londres qui relevaient d’une logique aristocratique, celle du jardin urbain réservé à ses riverains, en soulignant évidemment combien les jardins voulus par l’Empereur étaient plus démocratiques que les squares londoniens. Il y a donc eu en France une sorte d’occultation sur les objectifs sociaux et politiques du parc urbain. Un autre type de parc urbain anglais répond à une tout autre logique : c’est le parc avec lotissement que l’on trouve à Londres, évidemment, avec la création au début du XIX° siècle, des terraces et des crescents à Régents Park, par exemple. La vente des luxueux lots de terrain qui bordent le parc paie l’aménagement du jardin. Dans ce système, modernisé par le célèbre paysagiste Paxton en 1845 (Bat- tersea Park) et également très utilisé aux USA, notamment à Chicago, les espaces publics et privés s’interpénètrent et se complètent. L’objectif est essentiellement la valorisation foncière du terrain. Le lotissement des bordures du parc Monceau sous Napoléon III et plus tard celui du Champs de Mars ou du parc de Sceaux exploiteront cette fructueuse complémentarité esthétique et économique.