Thérèse Renaud : Écrire Le « Refus Global »
Thérèse Renaud : écrire le « refus global » Claudine POTVIN Université de l’Alberta Au début des années 40, quinze artistes québécois, réunis autour de Paul-Émile Borduas, vont repenser pendant près d’une décennie le contexte social, culturel et religieux du Québec d’alors, gouverné par Duplessis et l’Église catholique. À part Claude Gauvreau, le seul écrivain du groupe, poète, dramaturge, pamphlétaire, ce sont avant tout des peintres qui se rencontrent soit chez Borduas lui-même soit chez quelqu’un d’autre pour discuter de l’atmosphère étouffante qui entoure la production et l’enseignement artistiques, discussions qui donneront lieu à la rédaction d’un manifeste qui dénonce le conservatisme et l’idéologie du clergé québécois, les valeurs traditionnelles basées sur la foi, la famille, le respect de analyses, vol. 6, nº 1, hiver 2011 l’autorité, les politiques dictatoriales. Le manifeste propose une transformation sociale totale, l’ouverture des frontières mentales, l’abolition de toutes les peurs qui assaillent l’homme au nom de la spontanéité et de la liberté, enfin une esthétique « automatique » qui vise à renouveler la pensée. Lancé à la Librairie Tranquille le 9 août 1948, le Refus global va créer une série de remous dans l’univers culturel québécois. À ce sujet, il est remarquable qu’André Beaudet écrive en 1981 que « nous n’avons pas encore commencé à penser avec Borduas. Les trente années qui nous en séparent n’y auront pas suffi. Nous sommes, affirme-t-il encore, en deçà de sa nuit étoilée » (Leduc, 1981, p. 25). Trente ans plus tard, le Refus global aura été relu à maintes reprises (voir Lapointe, 2004) et réexaminé comme emblème paradoxal du sentiment identitaire (voir Lamoureux, 2001, p.
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