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L’auteur et le studio Cape Fear de Jean-Claude Marineau

David Cronenberg Number 59, Winter 1992

URI: https://id.erudit.org/iderudit/23323ac

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review Marineau, J.-C. (1992). Review of [L’auteur et le studio / Cape Fear de Martin Scorsese]. 24 images, (59), 67–67.

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L'AUTEUR ET LE STUDIO par Jean-Claude Marineau

ans les années 50, quelque part du fera bel et bien partie du voyage. D côté du 8 r arrondissement à Paris, n'a toujours, à sa sottie de prison, qu'une naquit une théorie qu'on connut plus tard seule idée en tête, celle de rendre infernale sous le nom de Politique des auteurs. La la vie familiale bourgeoise de l'avocat qui suite de l'histoire est un peu mieux connue : n'a pas su le faire acquictet dans une affaire ceux qui avaient revendiqué ledroi t d'aimer d'agression sexuelle quatorze ans plus tôt. même les films les plus ordinaires de leurs Cady arrivera à créer cet enfer servi dans sa cinéastes préférés se mirent à leur tour à tâche par un de Niro mérhodique faire des films. C'est àparti r de ce moment- dans son délire er caricatural dans ses Ledémoniaqu e Max Cady () là qu'on se mit vraiment àparle r de cinéma manies. Caricatural au point où l'on se d'auteur. demande si le sens de l'excès qui caracté­ Cette petite idée, on le sait mainte­ rise le plus souvent les films de Scorsese n'a s'embarrassait pas de nuances entre les nant, a fait son chemin jusqu'à nous pour pas été d'une quelconque façon évacué du notions de bien et de mal, le remake, lui, devenir ce qu'il est convenu d'appeler une plan fofmel pour se trouver reporté princi­ fourmille de zones d'ombre et d'ambiguïtés idée reçue. C'est ainsi qu'on attend toujours palement sut la petsonne de de Niro — qui finissent par dresser un portrait beau­ le Scorsese nouveau dans le même érat de tatouages, accent et petits numéros com­ coup plus inquiétant et tordu, donc intéres­ fébrilité, presque déjà heureux à la seule pris. Quand je parle d'excès formels chez le sant, de la société américaine. idée de pouvoir sous peu replonger dans le cinéaste, jepens e au mouvement frénétique Bien sûr, l'horrible Max Cady de Scor­ courant avec lui. Car ses films sont un long de sa caméra dans After Hours, à sa vision sese finira par sombrer lui aussi dans les fleuve agité qui nous mènent toujours quel­ syncopée du geste de peindre dans son eaux boueuses du Cape Fear dans la sé­ que part. Son remake de Cape Fear ne fait sketch de New York Stories, ou encore aux quence apocalyptique de la fin, maisa u prix pas exception sur cepoin t : un e même fébri­ miracles rendus visibles par des moyens cette fois d'un vétitable dérèglement des lité parcourt le film d'un bout à l'autre. strictement cinématographiques dans The sens et des valeurs de la famille concernée. Alors d'où vient le malaise partagé par Last Temptation of Christ. Des moments En bout de ligne, c'est peut-être là surtout plusieurs face à cefilm ? pat lesquels le cinéma nous permet d'accé- que lagriff e de Scorsese retrouve le mordant Cape Fear crée le même effet sur le det à une forme inédite de l'expérience du qui le caractérise comme auteur depuis spectateur qu'un produit de studio bien visible en déchirant letiss u des conventions Mean Streets et Taxi Driver. Ne serait-ce maîtrisé, et non celui d'un film signé Scor­ qui font de Scorsese l'un des seuls véritables que pour cette raison, on attendra encore sese. Bien sûr, on y retrouve quelques-uns auteurs du cinéma américain. avec intérêt son prochain film, sans toute­ de ses tics préférés: caméra fulgurante, De tels moments, il y en a peu dans fois pouvoir désormais fixer cecre artente montage de choc, ralentis subtils et autres Cape Fear. J'en fus déçu au premier vision­ sur des repères précis. Cequi , au fond, n'est effets créant une intensité. Mais l'ensemble nement, mais déjà beaucoup moins au peut-être pas un mal, la vie étant faire de de ces «touches Scorsese» sont cette fois second, puisque jen e m'attendais plus alors tant d'imprévus. • organisées de manière à assagir, et donc à à voir d'abord un film de Scorsese, mais engloutir dans le coûts du récit, ces usages surtout un bon thriller qui, au passage, immodérés du cinéma qui attirent forcé­ mine de l'intéfieuf plusieuts valeurs qu'on CAPE FEAR ment le regard quand Scorsese livre de la dit fondatrices de la nation américaine. E.-U. 1991. Ré.: Martin Scorsese. Scé.: Wesley grande marchandise. C'est d'ailleurs sans doute sur ce plan que Strick. Ph.: Freddie Francis. Mont.: Thelma Schoonmaker. Mus.: Elmer Bernstein. Int.: Cela dit, Cape Fear estfidèle a u projet le travail d'adaptation de Scotsese l'éloigné Robert De Niro, Nick Noite, , Joe annoncé par son titre et par l'original de le plus — et à son avantage — du modèle Don Baker, , . 121 1962 réalisé par J. LeeThompson : la peur original. Là où le Cape Fear de 1962 ne minutes. Couleur. Dist.: Universal.

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