Foret D'emeraude.Indd

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Foret D'emeraude.Indd La Forêt d’émeraude The Emerald forest de John Boorman FFICHE FILM Fiche technique Grande-Bretagne - 1985 - 1h55 Réalisateur : John Boorman Scénario : Rospo Pallenberg Image : Philippe Rousselot Musique : Brian Gascoigne Interprètes : Powers Boothe (Bill Markham) Meg Foster (Jean Markham) Charley Boorman Résumé aux dernières lumières du couchant, dans (Tomme) le luxuriant entrelacs doré. L’eau, ouvrant Rui Polonah Alors qu’il construit un immense barrage, par endroit des clairières de lumière, se (Wanadi) un ingénieur perd son fils en pleine jungle transformant ailleurs en d’étouffants maré- amazonienne. Après dix ans de recherches, cages. Les couleurs qui cachent ou qui il apprend qu’un jeune Blanc vit au milieu révèlent, scintillent ou se fondent : la forêt d’une tribu d’Indiens, les «Invisibles». Il d’émeraude s’ouvre, se referme, ses verts part à sa rencontre. (…) et ses bleus composent une parfaite unité, étrange, sans repères mais sans hostili- té. Il est question, dans le dernier film de Critique Boorman, d’un Monde qui rétrécit, d’un monde au cœur du monde dont le péri- Le vallonnement des fûtaies à perte d’hori- mètre s’amenuise. D’un monde que nous zon, et comme dans un doux cauchemar la réduisons à néant, ignorants qu’il est de rivière cernée de végétation qui s’enfonce la vie même, notre vie peut-être. Par là La L E F R A N C E www.abc-lefrance.com 1 D O C U M E N T S Forêt d’émeraude est proche d’Excali- en particulier Louisiana Story, ou le parti-pris astucieux, sur lequel repose bur bien davantage que de Délivrance, Tabou de Murnau, dont on retrouve les toute la réussite du film. Et qui va à contrairement à ce que la similitude de célèbres séquences de baignades dans l’encontre, me semble-t-il, de cette idée cadre pourrait laisser croire. Les légen- la cascade ; le même naturel émerveillé, assez répandue selon laquelle le film des arthuriennes, aux fondements d’une la même transparence, et le même souci raconterait l’initiation successive du fils culture, gorgées d’archétypes nous con- d’en faire reposer la nécessité sur une et du père. Il ne me paraît y avoir ici, au cernent intimement, mais si éloignées dramaturgie efficace. Sans nul doute, contraire, aucune initiation, c’est-à-dire en même temps, occupent la même sur ce point, grâce à l’importance qu’il aucun trajet, aux étapes réglées, qui place vis-à-vis de nous que la tribu d’In- lui accorde - Boorman est-il plus cohé- mènerait à la connaissance d’une autre visibles au cœur de la forêt d’Amazonie. rent que ses prédécesseurs. Grâce à réalité (ou vérité). (…) Il me semble que Ce qui, confiné dans une «mémoire cul- cette efficacité narrative, qui fait par la présentation de la forêt par Boorman, turelle» rétrécie, était éloigné dans le ailleurs de ses films les héritiers du la mise en scène de ses différences telle temps est ici éloigné géographiquement, grand cinéma-spectacle classique, grâce que nous l’avons décrite est précisé- confiné dans un espace «inculte». Il est à cette sûreté de la progression drama- ment incompatible avec l’idée d’une ini- question, dans La Forêt d’émeraude tique donc, il n’est plus besoin d’oppo- tiation. Le regard est trop facile, dans comme dans Excalibur, d’un monde qui ser formellement un monde à l’autre, cette forêt, pour que nous n’y sentions est notre passé et notre avenir, et que pour les réunir arbitrairement. La mise pas quelque affective relation, et avec nous affectons pourtant de considérer en scène y gagne bien sûr en liberté, la culture des hommes qui l’habitent comme totalement étranger. Le grand en simplicité, en évidence. La caméra une communauté plus fondamentale. talent de Boorman est dans cette pré- mobile entre les lianes, les rochers, suit D’où l’importance de la relation fami- sentation d’un univers qui conserve tout la course des animaux ou des guerriers, liale entre les deux hommes. Après la à la fois sa différence radicale et son s’élève au-dessus du cours d’eau, sans libération des femmes, à la lisière, ils accessibilité. C’est bien entendu le point s’astreindre à nous faire sentir l’étouffe- se séparent une dernière fois : l’un, sur lequel ont achoppé la plupart des ment de l’atmosphère, sans qu’une satu- ne possédant que l’insigne de son pou- films qui, de la période coloniale aux ration du cadre soit le signe obligatoire voir et les cendres des ancêtres, est le plus récentes décennies, ont tenté d’ap- de l’absence d’horizon. Et l’étroite com- fondateur d’une lignée, le garant d’un procher une autre culture ou une autre munion entre l’homme et la nature, qui peuple qui renaît. L’autre, son père, en civilisation que la nôtre - comment, avec caractérise les peuples de la forêt, ne représente l’anéantissement. Au-delà un regard occidental, rendre compte nous est de ce fait non pas seulement des considérations ethnologiques, ou d’une réalité dont les mécanismes lui donnée à comprendre, mais aussi à sen- des retombées écologiques du conflit, échappent forcément ? Ici l’approche tir. L’étrangeté du lieu, parce qu’elle toute la beauté du film, la force et la est indirecte : elle se fait entièrement n’est pas outrée par la mise en scène - sensibilité du regard qu’il donne sur un sous le couvert de la fiction, et le rythme et aussi, peut-être, parce qu’elle évoque monde différent est dans cette dernière de la narration dépend de cette décou- des rêves paradisiaques - n’empêche étreinte, et cette séparation. Dans cette verte progressive. Raoul Ruiz remarquait pas celui-ci de nous paraître abordable. paradoxale et souveraine émancipation superbement à propos d’Excalibur : Tout concourt au contraire à nous ren- vers un monde inéluctablement condam- «Comment est-il possible que le coucher dre habitable la forêt magique. Il n’est né, depuis des générations, par la pro- de soleil soit narratif et que le destin du jusqu’à la magie même que nous ne pre ascendance du jeune chef. Dans ce roi Arthur soit poétique ?» (Positif, n° puissions comprendre : le vol de l’aigle, croisement de lignées intimement liées 247). C’est d’être toujours «narrative» les visions que permet la drogue, sont que le destin déchire. L’adieu du père et que la forêt se laisse découvrir avec assez habilement «rationalisés» pour du fils, à la lisière, redistribue, comme autant d’efficacité, caresser avec autant qu’ils ne choquent pas. Les pierres ver- d’un coup de dés, l’avenir,la mémoire, la de plaisir, sans que jamais l’on sente une tes comme la fenêtre de l’immeuble vigueur et la mort intrusion. Un décalage entre le regard et familial, retrouvés grâce à ce procédé, Vincent Amiel son objet. Ici, ce qui tient lieu de «cou- peuvent n’apparaître que comme des Positif n°293/294 - Juil/Août 1985 cher de soleil», c’est-à-dire l’ombre des souvenirs revitalisés, excités par la pou- sous-bois, le rideau de feuilles, la course dre inhalée. Rien en fait ne nous échap- du jaguar, est à la fois poétique et narra- pe, n’échappe à nos concepts (jusqu’aux tif. Il y a, dans la façon qu’a Boorman de sentiments amoureux des deux jeunes filmer cet univers, un lyrisme et une flui- Indiens, bien proches de la norme cultu- dité qui rappellent les films de Flaherty, relle occidentale) : c’est le résultat d’un L E F R A N C E SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 04.77.32.76.96 RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71 2 Fax : 04.77.32.07.09 D O C U M E N T S Entretien avec le réalisateur Depuis très longtemps. Excalibur est, çon ; et ils avaient des fusils parce qu’ils pour moi, l’expression définitive de étaient en contact avec le monde blanc. Des choses que vous avez utilisées dans cet intérêt, parce qu’il se rapporte à Le garçon a retrouvé la trace de son l’Hérétique, on les voit réutilisées dans un mythe et que ce mythe parle juste- père dans la ville. Dans l’histoire, il avait Excalibur et la Forêt d’émeraude. ment de la perte , de la magie : com- aussi un frère aîné. Le père et le frère Nous pensons au vol de l’aigle, qui ren- ment la race humaine a perdu ce lien aîné sont revenus avec des fusils et les voie au vol de Pazuzu, à la confrontation magique avec l’univers et les tentatives ont aidés à combattre leurs ennemis. de Tommy au gratte-ciel, qui renvoie à la pour le retrouver. Cette notion est pour Puis, ils leur ont laissé les fusils et ils confrontation de Regan au gratte-ciel… moi essentielle… Nous en sommes au sont partis. Voilà l’histoire. Nous l’avons …Et vous pouvez vous rappeler, quand point où nous avons perdu notre chemin suivie d’assez près en bien des points. le léopard jaillit de la bouche de et notre plus grand problème, c’est de Quand nous avons commencé à faire Kokumo : c’est très proche de l’utilisa- retrouver ce lien. On a cette idée dans des recherches, nous sommes tombés tion du jaguar dans la Forêt d’émerau- Délivrance, avec ces quatre hommes sur tant d’histoires analogues d’enlève- de. Thématiquement et visuellement, qui vont vers la forêt et qui, par leur ments d’enfants, que nous avons utilisé ces films ont de nombreuses corres- comportement, commettent réellement aussi d’autres sources.
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