Joe Dassin, le grand frère sympa

Autor(en): Bofford, Jacques

Objekttyp: Article

Zeitschrift: Générations : aînés

Band (Jahr): 31 (2001)

Heft 3

PDF erstellt am: 01.10.2021

Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-828306

Nutzungsbedingungen Die ETH-Bibliothek ist Anbieterin der digitalisierten Zeitschriften. Sie besitzt keine Urheberrechte an den Inhalten der Zeitschriften. Die Rechte liegen in der Regel bei den Herausgebern. Die auf der Plattform e-periodica veröffentlichten Dokumente stehen für nicht-kommerzielle Zwecke in Lehre und Forschung sowie für die private Nutzung frei zur Verfügung. Einzelne Dateien oder Ausdrucke aus diesem Angebot können zusammen mit diesen Nutzungsbedingungen und den korrekten Herkunftsbezeichnungen weitergegeben werden. Das Veröffentlichen von Bildern in Print- und Online-Publikationen ist nur mit vorheriger Genehmigung der Rechteinhaber erlaubt. Die systematische Speicherung von Teilen des elektronischen Angebots auf anderen Servern bedarf ebenfalls des schriftlichen Einverständnisses der Rechteinhaber.

Haftungsausschluss Alle Angaben erfolgen ohne Gewähr für Vollständigkeit oder Richtigkeit. Es wird keine Haftung übernommen für Schäden durch die Verwendung von Informationen aus diesem Online-Angebot oder durch das Fehlen von Informationen. Dies gilt auch für Inhalte Dritter, die über dieses Angebot zugänglich sind.

Ein Dienst der ETH-Bibliothek ETH Zürich, Rämistrasse 101, 8092 Zürich, Schweiz, www.library.ethz.ch

http://www.e-periodica.ch Photo Dalle Joe Dassin, le grand frère sympa Il était le plus américain l'Amérique qu'il considérait comme faisaient signer des autographes. Il une terre promise à l'instar de son était vêtu d'un jean et d'un pull des chanteurs et on gros français grand-père, émigré russe, qui avait à col roulé qui lui donnaient l'allure l'appelait le «crooner en quitté Odessa au 19e siècle. d'un jeune homme décontracté, et il Joe Dassin savait des s'efforçait en souriant de dire mot baskets». Fils du cinéaste Jules composer un tubes, comme on enfile des perles. aimable à chacun. Dassin et de la violoniste Mais son extraordinaire succès ne lui Béatrice Launer, Joe Dassin était pas monté à la tête. Il avait su La meilleure équipe garder son naturel bon enfant, avec était né en 1938 à . un côté grand frère sympa, serviable, J'avais attendu que la séance de et il était resté simple et lucide. «Un signatures soit terminée, puis je ~W~ oe Dassin avait vécu une par- chanteur n'est jamais qu'un type qui m'étais présenté. «C'est gentil d'être t tie de son enfance à Los fabrique des bulles de savon. Et venu», m'avait-il dit en posant son U Angeles et San Francisco les bulles de savon, ça finit par bras sur mon épaule comme si nous avant de partir pour l'Europe avec crever», m'avait-il dit un jour. C'était le étions de vieux copains. Il m'entraîna son père, suspecté de prosoviétisme 16 novembre 1977. Le lendemain, il vers une table où l'attendaient Claude pendant les sinistres années du devait participer à l'émission «En Lemesle, son parolier préféré, et maccartisme. Il avait passé son bac à questions» et il m'avait invité à dîner Christine Delvaux, sa fiancée. «On va , puis il avait décroché un dans un restaurant genevois. se marier le 14 janvier prochain, à doctorat d'ethnologie à An Arbor, Lorsque j'étais arrivé, une dizaine Cotignac, dans le Var», m'avait-il l'université du Michigan. Il aimait de personnes l'entouraient, qui lui annoncé avec, à la fois, une assurance

48 Souvenirs tranquille et une petite lueur de bonheur travaillant et en essayant d'apprendre différence entre une chansonnette dans le regard. Puis il avait mon métier le mieux possible, j'avais facile et une belle chanson. Le enchaîné, en s'asseyant: «J'ai la sensation, au fond de moi-même, disque qu'il avait composé pour sa toujours eu beaucoup de chance. Aussi quelque part, que j'étais une espèce belle-mère, Mélina Mercouri, l'avait bien dans ma vie privée que dans mon de dilettante.» prouvé. Il avait aussi l'intelligence et métier, car j'ai autour de moi une la pudeur de ne pas se poser en équipe merveilleuse. Parce la victime de succès et il n'hésitait que Le cinéma de papa son chanson, vue de l'extérieur, c'est un jamais à assumer ses responsabilités: monsieur qui se promène sur une Avant d'enregistrer son premier «Il faudrait avoir le courage de dire scène et dont on voit la tête sur des 45 tours, Joe avait travaillé dans le non, m'avait-il avoué, mais dans ce pochettes de disques. Mais on oublie cinéma. Il avait été l'assistant de son milieu de requins, on vit dans une que c'est une collaboration industrielle père, et il avait également joué dans telle peur qu'on cède le plus souvent comme une autre. Moi, très tôt plusieurs films, Topkapi, Lady L., à la panique et aux pressions. Cela dans ma carrière, j'ai trouvé un chef avec Sophia Loren et le Trèfle rouge, dit, je suis très content d'avoir vendu d'orchestre, des musiciens, un directeur avec Eddie Constantine. des millions de disques et d'être un artistique et un imprésario avec «Mon père est un monsieur qui ne chanteur populaire, même si certains lesquels j'ai pu travailler dans les veut jamais se donner la peine de critiques m'ont perfidement reproché meilleures conditions. Ils savent que distribuer ses petits rôles. Alors si vous, de ne pas défendre des thèses sur je suis exigeant et ils l'acceptent vous passez un jour sur le plateau et la musique dodécaphonique, ce qui parce que je le suis aussi avec moi.» que votre tête ressemble un peu au aurait été sans doute plus digne d'un «On dit même que vous êtes personnage, vous allez vous retrouver professeur d'ethnologie. Mais ces perfectionniste...» «C'est vrai. Mais Willy devant la caméra. C'est comme perfidies, je les ai balayées, le jour Brandt a eu un jour un mot ça que j'ai fait du cinéma avec mon où je me suis aperçu que les seules merveilleux. On lui demandait: Comment père. Ce n'était pas du tout préparé, chansons que j'arrivais à retenir se fait-il que vous, les Allemands, ni voulu. jouait dans étaient Milord et la Vie en rose. Ce vous soyez tellement organisés? Il a Topkapi. Mon père m'a observé et, jour-là, j'ai pris la décision de tenter répondu: parce que nous n'avons pas un jour, il m'a demandé: «Est-ce que de devenir une vedette populaire, ce assez de génie pour improviser. Moi, tu voudrais jouer un flic dans le film que je crois avoir réussi. Les intellectuels c'est pareil. Je suis obligé de travailler que je prépare?» J'ai évidemment ont toujours un métro de retard. beaucoup, car je ne suis ni Jacques dit oui, parce que Peter Ustinov est Ils n'ont reconnu Piaf qu'à la fin de Brel, ni Georges Brassens.» un homme extraordinaire. Passer une sa vie. Alors je ne m'inquiète pas Claude Lemesle était alors intervenu soirée en sa compagnie, c'est fantastique. trop de ce qu'ils pensent, même s'ils avec humour: «Ce que Joe Alors passer trois mois avec m'agacent souvent. Ce qui m'intéresse, oublie de dire, c'est que non seulement lui, ça ne se refuse pas » c'est le vrai public qui aime la il n'est ni Brel, ni Brassens, Contrairement à son père, Joe Dassin chanson, qui n'a pas honte de mais qu'il a beaucoup de mal à être n'était pas un artiste engagé. Il reprendre un refrain et qui ne se Joe Dassin.» Tout le monde avait ri. avait toujours refusé de l'être, et les contente pas d'applaudir du bout des Tandis que Joe s'était plongé dans critiques lui reprochaient ses chansons doigts les soirs de première. Peut- la carte des vins, car il était un «faciles». Or, ce reproche de être que les intellectuels me grand amateur de bordeaux, Claude facilité le hantait à tel point qu'il reconnaîtront après ma mort » Lemesle s'était penché vers moi avait essayé de glisser dans chacun Il ne s'était pas douté que la mort pour me glisser sur le ton de la confidence de ses albums des titres un peu plus l'emporterait si vite... 17 à été : «J'ai parfois l'impression que «costauds», selon sa propre expression, Le juillet, Cannes, il avait Joe est devenu chanteur malgré lui, comme par exemple Mademoiselle victime d'un léger malaise qui l'avait un chanteur honteux qui aurait raté de déshonneur, qui est un obligé d'annuler sa traditionnelle sa vocation universitaire. C'est pour véritable petit chef-d'œuvre. Mais son tournée d'été. Hospitalisé pendant cela qu'il est resté modeste et qu'il public boudait généralement ce cinq jours à l'Hôpital américain de n'aime pas trop qu'on parle de lui. Il genre de chansons, et Joe, qui, sous Neuilly, il en était ressorti rassuré: fait partie de ces gens qui préféreraient ses dehors tranquilles et confiants, «Je n'ai pas été terrassé par une crise être souris quand on leur fait était un perpétuel inquiet, en souffrait cardiaque comme des journalistes des compliments et qui vous font du beaucoup, jusqu'à, parfois, s'en l'ont écrit. J'ai simplement eu le bien en s'arrangeant pour qu'on ne le rendre malade. Il pouvait même se tournis pendant quelques secondes.» sache pas.» montrer cynique, lorsque des journalistes Persuadé qu'il allait rapidement Joe avait entendu Claude, mais il lui parlaient de ses échecs et retrouver sa meilleure forme, il était avait pris le temps de commander un déclarer avec une parfaite mauvaise aussitôt parti pour Tahiti où il possédait excellent Saint-Estèphe avant de foi que la Marie-Jeanne était une une propriété. Mais quelques répondre: «Tu as raison. C'est vrai chanson cent fois moins bonne que semaines plus tard, alors qu'il venait que je suis devenu chanteur sans Voilà les Dalton. de jouer au golf et qu'il allait passer vraiment m'en apercevoir. J'ai à table, il s'était effondré, victime enregistré d'un infarctus. Il avait 42 ans. mon premier disque à 25 ans, Populaire et inquiet en 1963. Mais je me suis seulement excellent musicien, rendu compte que j'étais chanteur Homme cultivé et entre 1970 et 1974. Avant, tout en il savait pourtant bien faire la Jacques Bofford

49