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Séquences La revue de cinéma

Alain Corneau L’homme-orchestre Janine Euvrard

Tendances du cinéma contemporain Number 270, January–February 2011

URI: https://id.erudit.org/iderudit/63642ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this document Euvrard, J. (2011). : l’homme-orchestre. Séquences, (270), 21–21.

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Alain Corneau L'homme-orchestre Acteur, réalisateur, scénariste, producteur, dialoguiste, Alain Corneau nous a quittés le 29 août 2010, emporté par un cancer du poumon à l’âge de 67 ans. Il occupait la scène cinématographique depuis 1970.

Janine Euvrard (paris, novembre 2010)

é le 7 août 1943 à Meung-sur- fera plus tard Le Nouveau Monde (1995). Loire, musicien de formation et A l’époque il joue à la batterie et il se Ndiplômé de l’IDHEC, il devient en produira en semi-pro face aux soldats 1970 premier assistant de Costa-Gavras dans des casernes yankees. Son diplôme sur L’Aveu. Il y rencontre de l’IDHEC en poche, il part en 1966 à New qu’il dirigera dans trois films. Assistant York, fréquente des musiciens, dont Archie de Nadine Trintignant pour Ça n’arrive Shepp, Ornette Coleman, Albert Ayler... qu’aux autres, il coécrit avec elle Défense Corneau aime les acteurs, il leur est de savoir en 1973. Cette même année, il fidèle : trois films avec Montand, trois films réalise son premier film,France Société avec Depardieu, deux films avec Sylvie Anonyme. Entre polar et science-fiction, Testud, deux films avec PatrickTimsit... ce long métrage déroute et sera interdit Son dernier film,Crime d’amour, aux moins de 16 ans. Corneau trouve sa actuellement à l’affiche à Paris, met voix dans le registre policier. En 1976, diaboliquement aux prises deux femmes inspiré du personnage de l’inspecteur dans l’univers glacé du capitalisme moderne. Harry, il réalise , un Carrière un peu en dents de scie, polar superbement interprété par Yves entre films intimistes et superproductions Montand. ils collaborent à nouveau sur (, 1984); Corneau a toujours (1977) et Le Choix des armes fonctionné au coup de foudre pour un livre (1981), deux perles du cinéma noir à ou un pays : « Il faut attendre qu’un sujet la française. s’impose, disait-il, je ne travaille jamais Puis il signe en 1979 l’adaptation de Série Noire, de l’écrivain avec une idée derrière une autre. À chaque fois, je repars de , un maître du polar qu’il affectionne; une date zéro ». Grand lecteur (il admirait Raymond Roussel), il tombe et sans doute son meilleur film, tourné avec l’aide de l’écrivain sous le charme d’un livre de Pascal Quignard consacré à la , dans lequel le regretté nous offre musique baroque du 17e siècle, et décide avec lui de l’adapter. une prestation unanimement saluée. (1991) est un beau film, original et austère, qui remporte un très grand succès. Ce film surprend, vu Tous les matins du monde le sujet : la viole de gambe et le conflit esthétique entre le maître, (1991) est un beau film, original Sainte-Colombe, et l’élève prodige, Marin Marais. Guillaume et austère, qui remporte un très Depardieu y fait ses débuts, en bonhomme plein de santé, grand succès. Ce film surprend, romantique et charnel. Le regard de Corneau ne s’est pas uniquement tourné vers vu le sujet : la viole de gambe la France et les États-Unis, il connaît bien le Maroc et le Sahara et le conflit esthétique entre le (Fort Saganne), toute l’Asie, où il tourne maître... et l’élève prodige... (1989), avec Jean-Luc Anglade, Stupeur et tremblements (2003) avec , qui y est magnifique. Cette dernière œuvre, Corneau était fou de jazz, je me souviens de longues soirées d’après un roman autobiographique d’Amélie Nothomb, décrit passées ensemble dans les boîtes de jazz de l’époque, et chez l’inadaptation totale d’une jeune fille belge dans le monde moi rue du Cherche-Midi, à écouter des disques jusqu’au petites du travail japonais. Alain Corneau avait lui-même quelque heures du matin. Son enthousiasme était communicatif; très chose d’asiatique dans le regard, le masque souriant. Quoique rieur, il avait toujours des histoires passionnantes à raconter sur jovial, il était plein de retenue. Il aimait citer cette pensée de le cinéma ou sur le jazz . Il avait grandi à la lisière culturelle des Pessoa: « Nous avons tous deux vies: la vraie, celle dont nous avons États-Unis. Son père, vétérinaire, l’emmenait très jeune voir des rêvé enfant et que nous continuons à vivre de façon souterraine, et films, surtout américains, westerns ou polars. Tout près de chez la fausse, celle que nous vivons tous les jours et qui nous mène au lui, près d’Orléans, s’installe après la guerre une base américaine, cercueil. » Ainsi, Corneau aura su à travers ses films exprimer cet univers franco-américain le marque profondément, il en une partie de sa vie.

Séquences 270 | janvier — février 2011