Habiter Et Aménager L'espace Au Bord De L'eau Dans Le Piémont Occidental
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L’eau : usages, risques et représentations Habiter et aménager l’espace au bord de l’eau dans le piémont occidental des Pyrénées durant l’Antiquité. Quelques points de repères François Réchin avec la collaboration de Laurent Callegarin, Christian Darles, Jean-Marie Martin, Aurélien Sartou Dans le cadre de cette rencontre, il nous a paru espaces méditerranéens. Cette contribution insistera intéressant d’interroger les rapports que les habitats sur les profits scientifiques que peut procurer cette des Pays de l’Adour pouvaient entretenir avec l’élé- démarche, à la suite des travaux entrepris dans ce ment aquatique, tant du point de vue de leur localisa- sens-là lors des chantiers archéologiques préventifs liés tion, que des aménagements dont ils ont bénéficié. à la construction du tronçon de l’autoroute A 65 entre Dans ce cadre, nous avons choisi de rassembler Pau et Langon. Pour limitées que puissent paraître les quelques exemples concrets d’insertions d’établisse- observations dont nous voudrions faire état, celles-ci ments antiques dans l’hydrosystème, afin d’avancer se rapportent à un échantillon d’établissements assez dans la réflexion que l’on peut mener aujourd’hui sur variés dans leurs fonctions et assez bien répartis dans les interactions existant entre les espaces et les sociétés le territoire considéré pour que l’on puisse leur qui les ont modelés. Certes, dans cette région, la accorder une certaine exemplarité (fig. 1) : aggloméra- documentation existante, notamment celle qui se tions urbaines (Lescar-Beneharnum et Oloron-Iluro rapporte aux données hydro-sédimentaires, n’a pas dans les Pyrénées-Atlantiques, Tarbes-Turba dans les une ampleur comparable à celle qui a pu être établie Hautes-Pyrénées), villae (Lalonquette et Jurançon,) et dans le sud-est de la France, grâce aux grands travaux établissements plus modestes (structure d’accès à un d’infrastructures qui y ont été réalisés ces dernières ruisseau à Miossens, Pyrénées-Atlantiques). années et à la qualité des équipes impliquées 1. Aussi, l’absence de véritables travaux géomorphologiques à visée archéologique en Aquitaine méridionale nous Cette réflexion s’inscrit dans le cadre spécifique empêchera à plusieurs reprises d’approfondir nos d’un piémont occidental des Pyrénées profondément analyses. Mais on ne devra justement pas s’arrêter à marqué par l’action de l’Adour et de ses affluents. Ce ces difficultés si l’on veut améliorer nos connaissances fleuve s’écoule sur une distance de 325 km, depuis sa en la matière, et les données que nous tenterons de source au col du Tourmalet (2115 m d’altitude) jusqu’à réunir permettent de porter l’attention sur une région son débouché actuel à Bayonne 2. Le régime de ce océanique où la gestion de l’eau pose des problèmes fleuve montre une certaine originalité en ce qu’il très différents de ceux qui apparaissent dans les 1- La référence française en la matière reste van der Leeuw et al., éd. 2003. On se rapportera aussi à la synthèse de Ph. Leveau dans ce même 2- Rappelons que, jusqu’au XIVe s., l’Adour se jetait dans l’Océan, volume et aux travaux rassemblés récemment dans Bedon 2009. non pas à Bayonne, mais plus au nord, à Capbreton, à 17-18 km de là. 218 L’EAU : USAGES, RISQUES ET REPRÉSENTATIONS l’Adour, l’effet de la marée et la fonte précoce des neiges. Les crues de l’Adour, de type complexe, sont en N effet assez violentes pour provoquer de notables érosions des berges et le transport de grandes quantités d’alluvions et de déchets flottants. De même, comme 3 Océan le soulignait Ausone , l’Adour et ses affluents sont affligés d’un régime parfois imprévisible. En effet, le Atlantique débit de ce fleuve peut varier en un même point de 1 à 1000 m3/s, en liaison avec les apports de ses affluents, Lalonquette de leurs profils et de leurs aménagements. Adour Mais ces indications ne doivent pas faire illusion Aquae Tarbellicae car l’Adour et ses affluents ne sont pas soumis aux gave de Pau Lalonquette grandes crues catastrophiques que pourrait laisser gave d’Oloron Taron Beneharnum Miossens supposer son régime. Parmi les facteurs qui concou- rent à cela, il faut d’abord retenir en priorité le fait que Garonne Jurançon Turba Iluro les zones inondables sont restées jusqu’à une date Lugdunum Convenarum récente finalement peu occupées et donc peu aména- gées 4. De cette façon, les champs d’expansion de crues sont encore assez nombreux. Or, les données archéo- logiques qui se rapportent à l’Adour et aux gaves, 0 100 km Limites approximatives de 3- Insanumque ruens per saxa rotantia late in mare purpureum, dominae Chefs-lieux de cités l’Aquitaine “ethnique” tamen ante Mosellae Numen adorato, Tarbellicus ibit Aturrus, soit : “Et Autres établissements Limites approximatives des cités ce fleuve furieux dont la course fait tournoyer les rocs, l’Adour des Tarbelles, n’ira au loin dans la mer vermeille qu’après avoir, ô Moselle, ——— sa souveraine, adoré ta divinité” (Ausone, Mosella, vers 466-468). Fig. 1. Emplacement des principaux établissements cités dans le texte Voir aussi Tum profugum in terris, per quas erumpit Aturrus Tarbellique (carte administrative hypothétique du Haut-Empire). furor pertrepit Oceani, soit : “Alors ce fut la fuite au pays où se précipite ——————— l’Adour et où gronde la fureur de l’Océan des Tarbelles” (Ausone, Parentalia, IV, Caecilius Arborus Avus, v. 11-12). 4- Ce sont en particulier les barthes (= bartas) encadrant une bonne part des rivières de cette zone. Les barthes constituent le lit majeur de l’Adour dans sa partie aval et dans celle des Gaves Réunis. Larges bénéficie d’un triple approvisionnement impliquant d’environ 70 m, très plates, elles sont tapissées de fins limons très trois types de crues différents : fertiles. À l’origine, zone régulièrement inondable, les barthes ont été partiellement protégées des inondations et aménagées dès le XVIIIe s. – La zone montagnarde fournit au fleuve des crues pour être utilisées à des fins agricoles ou sylvicoles. Il s’agit donc avant tout d’un milieu anthropique, mais les risques d’inondation pluvionivales à la fin du printemps et à l’automne. ont interdit le développement d’une agriculture intensive. L’intérêt Dans ce secteur, la crue et la décrue s’effectuent des barthes provient de l’imbrication des milieux naturels extensifs rapidement. de type prairies humides, aulnaies, saussaies, chênaies, refuge d’une avifaune et d’un faune variées. Plus près des cours d’eaux sont les – Le moyen Adour, jusqu’aux confluents des gaves, saligues (= saligas). Celles de l’Adour constituent une partie de son lit majeur. Leurs galets de granulométrie variable sans cesse mis en est le plus régulièrement touché par les crues, à la fin mouvement leur permettent d’abriter une végétation qui se caractérise de l’hiver. La crue et la décrue sont lentes et sont par la diversité et l’instabilité des milieux. Les divagations de la rivière accentuées par les affluents. entraînent un rajeunissement régulier des milieux allant d’herbiers immergés jusqu’aux chênaies, en passant par divers stades pionniers, – Le bas Adour est soumis toute l’année à un herbacés et arbustifs. Les saligues permettent un étalement des crues qui contribue à leur écrêtement. La diversité des milieux et leur accès risque de crue résultant de la concomitance de difficile sont les garants d’une richesse biologique importante, autant plusieurs facteurs : les crues des affluents et celles de pour l’avifaune que pour la faune terrestre (http://www.eau-adour- garonne.fr/lexique.asp, consulté le 31/07/10). Voir aussi Lerat 1963, 28-29 et 41-42. HABITER ET AMÉNAGER L’ESPACE AU BORD DE L’EAU DANS LE PIÉMONT OCCIDENAL DES PYRÉNÉES 219 laissent penser qu’une situation équivalente régnait de quelques exceptions riches en enseignements. De durant l’Antiquité 5. surcroît, la prise en compte du contexte topographique et de l’analyse des limites parcellaires est souvent aussi Une dernière caractéristique propre à l’ensemble très révélatrice. Nous examinerons donc la position du bassin de l’Adour mérite enfin d’être retenue : son de quelques établissements vis-à-vis de l’eau, avant réseau hydrographique est très dense. Il comporte en d’aborder les risques d’inondation que peut faire effet plus de 20 000 km d’affluents pour un territoire peser sur certains d’entre eux la proximité qu’ils entre- tout de même réduit. Ceux qui sont situés en rive tiennent avec cet élément. droite ont nettement moins d’influence que les autres sur le régime général du bassin. Notamment dans le bas Adour, les affluents de rive gauche — les Gaves Quelles contraintes pour l’occupation Réunis, d’origine montagnarde — ceux qui nous humaine ? concernent le plus ici — lui donnent un régime plus La réputation d’aménageurs infaillibles associée turbulent et ils couvrent un tiers de la surface du aux “Romains” conduit parfois à négliger les condi- bassin versant, tout en drainant deux fois plus d’eau tions relativement peu propices dans lesquelles les que l’Adour lui-même. Au regard de ce qui précède, habitats ont parfois été créés. Les exemples qui suivent on mesure donc aisément le niveau de contrainte contribueront donc sans doute à nuancer un peu ce imposé aux aménageurs par la présence de l’eau dans cliché. le cadre géographique retenu. Nous avons choisi d’examiner les réponses appor- • Les agglomérations urbaines tées par les sociétés locales à cette situation, en Si des agglomérations comme Saint-Bertrand-de- cherchant d’abord à définir les rapports physiques Comminges-Lugdunum Convenarum (Haute-Garonne) existant entre les établissements pris en compte et ou Oloron-Iluro, placées sur des terrasses alluviales l’élément aquatique.