L’eau : usages, risques et représentations

Habiter et aménager l’espace au bord de l’eau dans le piémont occidental des Pyrénées durant l’Antiquité. Quelques points de repères

François Réchin avec la collaboration de Laurent Callegarin, Christian Darles, Jean-Marie Martin, Aurélien Sartou

Dans le cadre de cette rencontre, il nous a paru espaces méditerranéens. Cette contribution insistera intéressant d’interroger les rapports que les habitats sur les profits scientifiques que peut procurer cette des Pays de l’Adour pouvaient entretenir avec l’élé- démarche, à la suite des travaux entrepris dans ce ment aquatique, tant du point de vue de leur localisa- sens-là lors des chantiers archéologiques préventifs liés tion, que des aménagements dont ils ont bénéficié. à la construction du tronçon de l’autoroute A 65 entre Dans ce cadre, nous avons choisi de rassembler Pau et Langon. Pour limitées que puissent paraître les quelques exemples concrets d’insertions d’établisse- observations dont nous voudrions faire état, celles-ci ments antiques dans l’hydrosystème, afin d’avancer se rapportent à un échantillon d’établissements assez dans la réflexion que l’on peut mener aujourd’hui sur variés dans leurs fonctions et assez bien répartis dans les interactions existant entre les espaces et les sociétés le territoire considéré pour que l’on puisse leur qui les ont modelés. Certes, dans cette région, la accorder une certaine exemplarité (fig. 1) : aggloméra- documentation existante, notamment celle qui se tions urbaines (-Beneharnum et Oloron-Iluro rapporte aux données hydro-sédimentaires, n’a pas dans les Pyrénées-Atlantiques, Tarbes-Turba dans les une ampleur comparable à celle qui a pu être établie Hautes-Pyrénées), villae (Lalonquette et Jurançon,) et dans le sud-est de la , grâce aux grands travaux établissements plus modestes (structure d’accès à un d’infrastructures qui y ont été réalisés ces dernières ruisseau à Miossens, Pyrénées-Atlantiques). années et à la qualité des équipes impliquées 1. Aussi, l’absence de véritables travaux géomorphologiques à visée archéologique en Aquitaine méridionale nous Cette réflexion s’inscrit dans le cadre spécifique empêchera à plusieurs reprises d’approfondir nos d’un piémont occidental des Pyrénées profondément analyses. Mais on ne devra justement pas s’arrêter à marqué par l’action de l’Adour et de ses affluents. Ce ces difficultés si l’on veut améliorer nos connaissances fleuve s’écoule sur une distance de 325 km, depuis sa en la matière, et les données que nous tenterons de source au col du Tourmalet (2115 m d’altitude) jusqu’à réunir permettent de porter l’attention sur une région son débouché actuel à 2. Le régime de ce océanique où la gestion de l’eau pose des problèmes fleuve montre une certaine originalité en ce qu’il très différents de ceux qui apparaissent dans les

1- La référence française en la matière reste van der Leeuw et al., éd. 2003. On se rapportera aussi à la synthèse de Ph. Leveau dans ce même 2- Rappelons que, jusqu’au xive s., l’Adour se jetait dans l’Océan, volume et aux travaux rassemblés récemment dans Bedon 2009. non pas à Bayonne, mais plus au nord, à Capbreton, à 17-18 km de là. 218 L’eau : usages, risques et représentations

l’Adour, l’effet de la marée et la fonte précoce des neiges. Les crues de l’Adour, de type complexe, sont en N effet assez violentes pour provoquer de notables érosions des berges et le transport de grandes quantités d’alluvions et de déchets flottants. De même, comme 3 Océan le soulignait Ausone , l’Adour et ses affluents sont affligés d’un régime parfois imprévisible. En effet, le Atlantique débit de ce fleuve peut varier en un même point de 1 à 1000 m3/s, en liaison avec les apports de ses affluents, Lalonquette de leurs profils et de leurs aménagements.

Adour Mais ces indications ne doivent pas faire illusion Aquae Tarbellicae car l’Adour et ses affluents ne sont pas soumis aux gave de Pau Lalonquette grandes crues catastrophiques que pourrait laisser gave d’Oloron Taron Beneharnum Miossens supposer son régime. Parmi les facteurs qui concou- rent à cela, il faut d’abord retenir en priorité le fait que Garonne Jurançon Turba Iluro les zones inondables sont restées jusqu’à une date Lugdunum Convenarum récente finalement peu occupées et donc peu aména- gées 4. De cette façon, les champs d’expansion de crues sont encore assez nombreux. Or, les données archéo- logiques qui se rapportent à l’Adour et aux gaves,

0 100 km

Limites approximatives de 3- Insanumque ruens per saxa rotantia late in mare purpureum, dominae Chefs-lieux de cités l’Aquitaine “ethnique” tamen ante Mosellae Numen adorato, Tarbellicus ibit Aturrus, soit : “Et Autres établissements Limites approximatives des cités ce fleuve furieux dont la course fait tournoyer les rocs, l’Adour des Tarbelles, n’ira au loin dans la mer vermeille qu’après avoir, ô Moselle, ——— sa souveraine, adoré ta divinité” (Ausone, Mosella, vers 466-468). Fig. 1. Emplacement des principaux établissements cités dans le texte Voir aussi Tum profugum in terris, per quas erumpit Aturrus Tarbellique (carte administrative hypothétique du Haut-Empire). furor pertrepit Oceani, soit : “Alors ce fut la fuite au pays où se précipite ——————— l’Adour et où gronde la fureur de l’Océan des Tarbelles” (Ausone, Parentalia, IV, Caecilius Arborus Avus, v. 11-12). 4- Ce sont en particulier les barthes (= bartas) encadrant une bonne part des rivières de cette zone. Les barthes constituent le lit majeur de l’Adour dans sa partie aval et dans celle des Gaves Réunis. Larges bénéficie d’un triple approvisionnement impliquant d’environ 70 m, très plates, elles sont tapissées de fins limons très trois types de crues différents : fertiles. À l’origine, zone régulièrement inondable, les barthes ont été partiellement protégées des inondations et aménagées dès le xviiie s. – La zone montagnarde fournit au fleuve des crues pour être utilisées à des fins agricoles ou sylvicoles. Il s’agit donc avant tout d’un milieu anthropique, mais les risques d’inondation pluvionivales à la fin du printemps et à l’automne. ont interdit le développement d’une agriculture intensive. L’intérêt Dans ce secteur, la crue et la décrue s’effectuent des barthes provient de l’imbrication des milieux naturels extensifs rapidement. de type prairies humides, aulnaies, saussaies, chênaies, refuge d’une avifaune et d’un faune variées. Plus près des cours d’eaux sont les – Le moyen Adour, jusqu’aux confluents des gaves, saligues (= saligas). Celles de l’Adour constituent une partie de son lit majeur. Leurs galets de granulométrie variable sans cesse mis en est le plus régulièrement touché par les crues, à la fin mouvement leur permettent d’abriter une végétation qui se caractérise de l’hiver. La crue et la décrue sont lentes et sont par la diversité et l’instabilité des milieux. Les divagations de la rivière accentuées par les affluents. entraînent un rajeunissement régulier des milieux allant d’herbiers immergés jusqu’aux chênaies, en passant par divers stades pionniers, – Le bas Adour est soumis toute l’année à un herbacés et arbustifs. Les saligues permettent un étalement des crues qui contribue à leur écrêtement. La diversité des milieux et leur accès risque de crue résultant de la concomitance de difficile sont les garants d’une richesse biologique importante, autant plusieurs facteurs : les crues des affluents et celles de pour l’avifaune que pour la faune terrestre (http://www.eau-adour- garonne.fr/lexique.asp, consulté le 31/07/10). Voir aussi Lerat 1963, 28-29 et 41-42. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 219

laissent penser qu’une situation équivalente régnait de quelques exceptions riches en enseignements. De durant l’Antiquité 5. surcroît, la prise en compte du contexte topographique et de l’analyse des limites parcellaires est souvent aussi Une dernière caractéristique propre à l’ensemble très révélatrice. Nous examinerons donc la position du bassin de l’Adour mérite enfin d’être retenue : son de quelques établissements vis-à-vis de l’eau, avant réseau hydrographique est très dense. Il comporte en d’aborder les risques d’inondation que peut faire effet plus de 20 000 km d’affluents pour un territoire peser sur certains d’entre eux la proximité qu’ils entre- tout de même réduit. Ceux qui sont situés en rive tiennent avec cet élément. droite ont nettement moins d’influence que les autres sur le régime général du bassin. Notamment dans le bas Adour, les affluents de rive gauche — les Gaves Quelles contraintes pour l’occupation Réunis, d’origine montagnarde — ceux qui nous humaine ? concernent le plus ici — lui donnent un régime plus La réputation d’aménageurs infaillibles associée turbulent et ils couvrent un tiers de la surface du aux “Romains” conduit parfois à négliger les condi- bassin versant, tout en drainant deux fois plus d’eau tions relativement peu propices dans lesquelles les que l’Adour lui-même. Au regard de ce qui précède, habitats ont parfois été créés. Les exemples qui suivent on mesure donc aisément le niveau de contrainte contribueront donc sans doute à nuancer un peu ce imposé aux aménageurs par la présence de l’eau dans cliché. le cadre géographique retenu.

Nous avons choisi d’examiner les réponses appor- • Les agglomérations urbaines tées par les sociétés locales à cette situation, en Si des agglomérations comme Saint-Bertrand-de- cherchant d’abord à définir les rapports physiques Comminges-Lugdunum Convenarum (Haute-Garonne) existant entre les établissements pris en compte et ou Oloron-Iluro, placées sur des terrasses alluviales l’élément aquatique. Nous voudrions ensuite bien drainées et pentues de la Garonne et du gave, examiner comment les groupes ont réagi, dans leurs semblent ainsi s’être soustraites à nombre de efforts d’aménagement, aux contraintes, voire aux contraintes liées à l’eau, hormis celle, capitale, de dangers qui leur ont été imposés par la nature. Mais il l’approvisionnement 6, d’autres ont été confrontées à demeure que, loin de toujours représenter une des situations plus délicates. Il en est ainsi de Tarbes- contrainte, l’élément aquatique a parfois constitué un Turba et de Lescar-Beneharnum. allié précieux lorsqu’il s’est agi d’exploiter les espaces ruraux et de valoriser les implantations humaines. Tarbes L’agglomération est implantée sur les alluvions fluvio-glaciaires de la rive gauche de l’Adour, à bonne s’instaLLer auprès de L’eau ou en zone distance du fleuve, dans un espace de basse terrasse Humide humide où, si l’on en croit les délibérations munici- e Si, dans l’espace considéré, les rapports existant pales du xviii s., subsistaient encore à cette époque quelques fonds marécageux, à proximité immédiate entre les installations humaines et les réseaux 7 hydriques ont été peu explorés sous l’angle de la des habitats (fig. 2). Les conditions topographiques géomorphologie, il est toutefois possible de faire état locales confirment assurément cette situation. En effet, le cœur de l’agglomération antique, si l’on en

5- À cet égard, les données enregistrées sont très discontinues, mais, par exemple, à hauteur de Lescar-Beneharnum, hormis l’agglomération, la basse terrasse du gave semble en effet très peu occupée (Réchin 6- L’étude de l’aqueduc de Saint-Bertrand-de-Comminges montre 2008, 124, fig. 1). Plus à l’ouest, l’implantation de la villa de toutefois que dans un piémont occidental des Pyrénées bien doté à Peyrehorade (Landes), sur une terrasse dominant la grande barthe en eaux de source et bénéficiant d’un réseau hydrographique très de l’Adour semble aussi assez exemplaire d’une situation générale capillarisé, cette contrainte ne semble pas avoir entraîné des travaux très (bibliographie dans Boyrie-Fenié 1994, 113). Les rivières moins considérables, d’autant que les besoins en eau étaient proportionnés puissantes semblent avoir eu un effet de répulsion moindre, comme à des agglomérations de dimensions généralement limitées (Bailhache dans les petites vallées du Gabas et des Luy du nord du territoire de 1972). Beneharnum (Plana-Mallart & Réchin 2004, 248-255). 7- Berthe et al. 1982 ; 1983. 220 L’eau : usages, risques et représentations

Adour ——— Fig. 2. Tarbes antique : périmè- tre approximatif de la ville et principaux lieux de découvertes (d’après Coquerel 1968, pl. 93). ———————

N

Périmètre urbain approximatif

500 m

juge par les découvertes effectuées depuis la fin des Lors des surveillances de travaux effectuées durant années 1950, était essentiellement placé entre les les années 1960 et 1970, R. Cocquerel semble avoir courbes de niveau 308 et 310 m, ce qui donne une rencontré à plusieurs reprises des chenaux fossiles, bonne idée du faible dénivelé du site et des possibilités parfois aménagés à l’époque moderne, au sein même particulièrement limitées de tirer avantage d’un de zones de forte densité de découvertes d’époque drainage naturel. Au-delà de la courbe de niveau 308 romaine, mais plutôt en périphérie de l’agglomération qui correspond approximativement à la limite septen- antique 9. Il en est ainsi au croisement de la rue trionale de la ville antique, R. Coquerel ne semble Ramond et du cours Reffye, sans doute assez près de plus avoir rencontré que des zones humides qu’il la limite méridionale de l’agglomération. À cet qualifie de “bourbier” 8. endroit, est apparue la trace d’un cours d’eau canalisé à l’époque moderne (fig. 2, n°6). Celui-ci était bordé La zone urbaine antique semble avoir été parcourue par un puissant mur antique (un mètre de fondation, par de nombreux ruisseaux, canalisés selon des un mètre d’élévation), fondé sur une sablière basse qui modalités qui nous échappent pour l’essentiel, et dont avait conservé son madrier de chêne. L’élévation était on pouvait encore voir dans les années 1960, la trace liée au mortier rose, ce qui indique assurément un domestiquée. Au Moyen Âge ces cours d’eau divagants, rôle hydraulique et très probablement une origine affluents de l’Adour, ont été réunis progressivement antique 10. pour former finalement “l’Ayguerote” (Aiguerota), le “canal oriental” et le “canal occidental” qui bordaient encore au xixe s. la partie ouest et sud de la place de Verdun, aujourd’hui centrale dans le tissu urbain (fig. 2, secteur du n°13). 9- Fig. 2. Présence de “canal fossile” ou de “bourbier” aux n°2, 6, 10, 26 (Coquerel 1968, 210, 121, 218, 228). Des opérations archéologiques ultérieures devront toutefois tenter de distinguer les canaux ou zones humides antiques des fossés défensifs médiévaux que R. Coquerel a pu confondre à certains endroits, compte tenu de la difficulté des surveillances archéologiques des années 1960-1970. Il demeure que ces fossés défensifs ont toutes les chances d’avoir utilisé des chenaux plus anciens. 8- Coquerel 1975, 14. 10- Coquerel 1968, 204-206 ; 205 fig. 4-5 et 208-209 fig. 9. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 221

178 145

151 179 Lescourre LESCAR Vialèr 183 148 Lit actuel du Gave 153

146 Cours d'eau secondaire

147 Bief

157 Côteaux des poudingues de Jurançon

146 Haute terrasse 0 100 km

Escarpement de terrasse 157 154 156 Cône de déjection

Basse terrasse 158 N

Gave Escarpement secondaire 276 500 m

P. Pailhé 2006 Saligue

——— Fig. 3. Le site de Lescar-Beneharnum (d’après Pailhé 2008, ig. 1). ———————

Plus récemment, un énorme bourbier et un canal (fig. 2, n°13 et fig. 14, tirées de Martin 1992, 10-11 et antique, déjà observés par R. Coquerel 11, ont pu être 36-37 ; fig. 32a, 32b et 33). fouillés, à la périphérie orientale de l’agglomération antique, par l’équipe de J.-M. Martin, au cours du Lescar chantier archéologique préalable à la construction du On notera d’emblée que la ville a été implantée, parking de la place de Verdun (1991-1992). Cet comme Tarbes avec l’Adour, très à l’écart du gave de aménagement sera examiné plus loin, mais sa largeur, Pau dont le lit ordinaire s’écoule aujourd’hui à environ 3,50 m, témoigne au moins de l’importance des flux deux kilomètres de là (fig. 3). De ce fait, elle n’est qui devaient être pris en compte par les aménageurs soumise qu’à la menace de très modestes affluents de antiques. En outre, la fouille a livré la coupe de fossés cette rivière. Toutefois, l’agglomération antique est ou de ruisseaux dont il n’est pas aisé de déterminer implantée en contrebas du plateau du Pont-Long. Ce l’ancienneté, mais qui ont été finalement colmatés à glacis alluvial, marécageux jusqu’au xxe s., constituait l’époque moderne, après avoir servi de fossés défensifs un véritable réservoir d’eau, en théorie particulière-

11- Coquerel 1968, 210. 222 L’eau : usages, risques et représentations

ment menaçant qui, s’il est drainé principalement par attestés avec certitude par l’archéologie (fig. 4). Il est des cours d’eau orientés est-ouest parallèles à la vallée possible d’en suivre le tracé avec une certaine confiance du gave, trouve à distances régulières des exutoires en mêlant les éléments des différentes rives antiques latéraux en direction de la vallée du gave sous la forme repérés en fouille (trait continu marron), l’emplace- de combes. Au débouché de celles-ci se sont souvent ment assuré des lits (trait large continu bleu) et les formés de petits cônes de déjection et c’est sur l’un reliefs anciens liés aux rives du cours d’eau qui ont été d’entre eux qu’a été construite Beneharnum. Les opéra- fossilisés dans le cadastre (trait bleu discontinu). tions archéologiques de ces dernières années permet- tent de découvrir un peu les conditions d’implanta- — Au nord : une zone humide mal connue tion de la ville au regard de l’hydrosystème. Une seconde série d’observations a permis d’entre- voir d’autres zones humides au-delà de la limite nord — Au sud : un gros ruisseau marqué par de fortes crues de l’agglomération antique, mais sans que nous ayons Les travaux de surveillance archéologique et les pu restituer avec beaucoup de précision leur tracé et la fouilles préventives menées dans la basse-ville de logique du réseau hydrographique auquel elles appar- Lescar ont permis de repérer le tracé d’un petit cours tenaient. C’est ainsi qu’un profond creux d’au mois d’eau qui bordait l’agglomération au sud. 1,5 m de profondeur, rempli de terre bleue encore très humide, a été entrevu lors d’une surveillance de Du côté ouest de l’agglomération, une fouille travaux réalisée en 1998, en arrière du 1 de la rue du préventive, menée en 1996 dans le quartier du Vialèr, Bialé, au pied du talus de la haute terrasse (fig. 4, H1). domaine de l’ADAPEI (fig. 4, H9), a été l’occasion de Si les conditions dans lesquelles a été réalisée cette tracer une tranchée de 48 m de long sur 2 m de large, surveillance archéologique ne permettent malheureu- depuis la limite méridionale de l’espace bâti, vers sement pas d’en savoir davantage, ces sédiments l’extérieur de l’agglomération antique. Cela a permis révèlent l’existence, durant au moins une partie de de recouper à la fois le lit d’un petit cours d’eau, la l’Antiquité, de secteurs insalubres à la périphérie large zone où il a périodiquement débordé et le terrain immédiate de la ville. vague intermédiaire qui bordait la zone bâtie. La rive droite de ce cours d’eau avait été repérée en 1982 dans •À l’est : une zone basse inondable un sondage pratiqué plus à l’ouest par M. Bats, toujours à l’intérieur du domaine de l’ADAPEI 12 Les traces d’inondations qui ont été découvertes 13 14 (fig. 4, H10 ; fig. 10). lors de surveillances de travaux en 1997 et en 2001 à la périphérie orientale de la ville antique sont Du côté est, en 2001, lors d’une surveillance de concordantes dans leur succession stratigraphique, travaux, rue Sainte-Catherine (fig. 4, H7, H8), de très mais rien ne permet de restituer un véritable cours puissants niveaux d’argile bleue, exactement d’eau, comme cela a été possible pour celui qui borde semblables à ceux qui ont été repérés en 1996 dans la l’agglomération antique au sud. Une hypothèse diffé- fouille du domaine de l’ADAPEI, ont aussi été rente pourrait rendre compte de la situation antique observés sur une largeur comparable à celle des lits de ce secteur (fig. 4, quartier Maubec, en bleu). D’une mis en évidence dans cette dernière fouille. Les obser- part, si les coupes stratigraphiques, qui seront présen- vations faites lors des mêmes travaux, presque 40 m tées de façon plus détaillée plus loin, montrent que la plus au sud, au niveau du 7 de la rue Sainte-Catherine, zone était initialement assez basse et qu’elle a subi juste avant son intersection avec la rue du Hiaà, n’ont plusieurs inondations (fig. 5), elles n’ont recoupé en revanche livré que des niveaux de graves, ce qui aucune rive. La bordure occidentale de cette sorte de permettait de repérer approximativement la place de marécage semble effectivement bien suivre les limites la rive gauche de ce cours d’eau. cadastrales si l’on en juge par les découvertes effec- De plus, ce gros ruisseau a laissé dans le cadastre tuées en 2000, rue des Frères Rieupeyrous. Entre les actuel une empreinte qui est parfaitement compatible n°7 et 11 de cette petite artère, une zone, qui a alors avec les éléments de structure urbaine antiques,

13- Rue Maubec, Fr. Réchin. 12- Bats & Bui-Thi-Mai 1984. 14- Rue des Frères-Rieupeyrous, Société HADÈS. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 223

LA HORQUIA

LA LANUSSA

Captage

EMBARRATS Ruptures M6 M5 de la de relief R21 Écoulements

haute terrasse M4 H1

VIALER

rue Vié Grande

rue du Bialé R12 Thermes Canal

Égout H2 H3

M8 R11 M7 LYCÉE H4 M3 M1 H10 R13 R22

Égout rue Rieupeyrous H5 R14 M2 MAU BEC

R15 (DEVATH L’ARRIU) tuileau 1036 tuileau

H9 Site n° 30 Sép.15 rue Maubec (campement)

H6

SAINT-JULIEN

H7 H8 HIAR rue du Hiaa Cours d’eau antique

rue Sainte-Catherine

N Trame A, axe assuré Trame A, axe probable Zone de vase antique 0 100 m Trame A, axe assuré HIAR Lieux-dits Trame B, axe probable

——— Fig. 4. Lescar-Beneharnum, principaux vestiges archéologiques (M. Roudier & Fr. Réchin). ——————— 224 L’eau : usages, risques et représentations

été interprétée comme une ancienne mare vaseuse, a enclos et peut-être à des installations légères, qui y a été repérée sur 32 m de long (fig. 4, H2). Son remplis- prévalu à partir de la seconde moitié du ier s. p.C. sage, constitué de vase noire compacte à la base, On ajoutera que la zone dont il vient d’être recélait beaucoup d’éléments organiques (brindilles, question est séparée du cours d’eau qui borde l’agglo- graines, noisettes, feuilles d’arbres) et un mobilier mération antique au sud par un bourrelet de grave, datable de la période tibérienne. Il a été proposé que probablement non anthropique et assez étroit, qui se cette zone, après avoir servi de dépotoir, avait fait trouve exactement sur l’axe prolongé de la rue antique l’objet d’un comblement intentionnel à cette époque, R13 (fig. 5, carrefour des rues Maubec et Sainte- et les fouilleurs ont noté que son abandon définitif est Catherine). À cet endroit se trouvait donc presque matérialisé par un comblement important de galets en inévitablement l’entrée orientale de la ville, entre le surface… Il faut ajouter que plusieurs pièces de bois secteur humide situé au nord et le cours d’eau du sud. travaillées semblaient avoir été jetées pêle-mêle dans cette zone 15. Comme en bordure méridionale de •Au centre : une topographie défavorable l’agglomération antique (quartier du Vialèr, domaine de l’ADAPEI), cette zone humide a servi de dépotoir La topographie locale n’a sans doute pas amélioré aux habitants qui en occupaient les abords, on en la situation qui vient d’être décrite. En effet, les conclura qu’à la différence de la rue Maubec, ce Anciens fréquentaient probablement une surface plus secteur ne devait pas être placé très loin de la rive. plane qu’aujourd’hui, ce qui n’a pas contribué à une D’autre part, les traces cadastrales anciennes délimi- évacuation aisée des eaux de ruissellement. Ainsi, tent à cet endroit un espace bas, en complète rupture dans le quartier de l’église Saint-Julien et de la rue des avec les orientations du reste du tissu urbain plus Frères Rieupeyrous, les altitudes des niveaux de occidental (fig. 4). Ces observations concordent pour substrat antique ne varient que de 0,86 m entre la définir une zone basse, initialement très humide, limite méridionale de l’agglomération et le pied du 16 soumise elle aussi à plusieurs inondations importantes coteau . De plus, les aménageurs ont choisi et probablement restée non bâtie durant l’Antiquité. d’implanter leur ville sur le petit cône de déjection qui Celle-ci couvrait la périphérie orientale de l’agglomé- se trouvait au débouché d’une échancrure naturelle ration sur un espace correspondant presque entière- du revers de plateau, sans doute pour faciliter l’accès ment au vic de devath l’arriu (quartier sous le ruisseau), à la haute terrasse du Pont-Long, ce qui dirigeait tel qu’on le nommait à l’époque moderne (fig. 4, zone immanquablement le produit des crues du ruisseau 17 teintée en bleu). Mais cette partie du paysage urbain qui s’y écoulait vers leur lieu d’habitation . Toutefois, n’est pas restée figée puisqu’elle a été progressivement il n’est pas interdit de penser que les zones humides colmatée à la suite de plusieurs fortes inondations et colmatées d’argiles sombres, repérées à l’est et au nord de la canalisation des eaux qui y dévalaient auparavant de l’agglomération, puissent correspondre à des par la combe reliant la basse et la haute terrasse. Pour épanchements latéraux du cours d’eau venu du autant, elle n’a pas été urbanisée, et cela peut-être plateau, rejeté de part et d’autre du faible relief formé pour deux raisons complémentaires. Il est d’abord par le cône de déjection sur lequel est implantée la probable que l’humidité a persisté à cet endroit — à ville. moins que l’on ait jugé que sa vulnérabilité à l’égard des inondations était encore un handicap rédhibi- • Les villae : Lalonquette toire. Ensuite, il est manifeste que les besoins réduits Le cas des villae est traité en détail par S. Cabes de l’agglomération en espace, surtout à une époque dans ce même volume, ce qui nous dispense de revenir où l’impulsion urbaine augusto-tibérienne ne faisait de façon approfondie sur la question de leurs rapports plus guère sentir ses effets, ont dû s’additionner à cela à l’eau. Nous examinerons toutefois l’exemple de celle pour limiter l’extension de la ville de ce côté-ci. Aussi, de Lalonquette, en s’attardant sur les aspects qui c’est une occupation établie sur une surface grossière- complètent le mieux notre propos. ment assainie par des épandages de cailloux, liée à des

16- Gangloff 2001, 11 et 22. Fig. 4 : entre le quartier Saint-Julien au sud et le début de la rue Vié Grande au nord. 15- Gangloff 2001, 14. 17- Pailhé 2008, 24. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 225

a) 4, rue Maubec

b) 37, rue Maubec

Captage

EMBARRATS M6 M5 Ruptures de relief R21

M4 Sens des écoulements H1 de la haute terrasse

VIALÈR

rue Vié Grande

rue du Bialé R12 Thermes Canal

H2 Égout H3

R13 M8 R11 M7 LYCÉE M3 ADAPEI H4 M1 H10 Égout R22

rue Rieupeyrous R14 H5 M2 MAU BEC

R15 (Vic de Devath l’Arriu) tuileau 1036 tuileau

H9 Site n° 30 Sép.15

rue Maubec

H6

SAINT-JULIEN

H7

HIAR rue du Hiaa H8 Cours d’eau antique

rue Sainte-Catherine

c) Carrefour des rues Maubec et Sainte Catherine

e) 3, rue Sainte Catherine

——— Fig. 5. Lescar-Beneharnum. Zone humide des d) 1, rue Sainte Catherine rues Maubec et Sainte-Catherine, coupes stratigraphiques. ——————— 226 L’eau : usages, risques et représentations

L’implantation de cette demeure se présente à Lors des fouilles coordonnées par l’équipe de première vue de façon très défavorable, sur la rive l’université de Pau, deux sondages reliant le bâti de la limoneuse et à pente douce, d’une des vallées dissy- villa à la rive actuelle de la rivière ont été pratiqués métriques du piémont occidental des Pyrénées, face dans le but de caractériser les interactions existant au talus septentrional abrupt et caillouteux (fig. 6). entre les deux éléments (fig. 7). Plus précisément il Plus précisément, la villa est implantée sur la rive s’agissait de repérer la rive antique et le niveau atteint concave d’un méandre du Gabas, directement sur sa par l’eau à cette époque, tout en détectant les éventuels basse terrasse d’alluvions récentes, ce qui l’expose, aménagements mis en place pour valoriser la rive et/ plus que toute autre situation, aux crues de la rivière. ou se défendre des sautes d’humeur du cours d’eau. Si Sans être rare en Aquitaine méridionale, cette situa- le lit ordinaire du Gabas n’est plus restituable à cet tion est toutefois peu habituelle dans la partie nord du endroit en raison de son encaissement et de l’érosion territoire de Beneharnum où les grands établissements de sa rive, il a été possible de découvrir un petit chenal ruraux sont davantage placés sur les sommets de secondaire de deux à trois mètres de large, placé à collines ou sur les versants occidentaux des vallées 18. l’extérieur de sa courbe (fig. 8 et 9). Sur la coupe sud (fig. 7, sondage 1995 et fig. 8), la berge gauche de ce

——— Fig. 6. Villa de l’Arribèra deus Gleisiars à 18- Laüt 1990, 79 ; Laüt 1992, 203 ; Laüt 2006. Dans le département Lalonquette (Pyrénées-Atlantiques). Contexte des Landes, la répartition entre les villae implantées en plateau, à flanc topographique et hydrographique (cl. P. Le Doaré). de coteau et en vallée est à peu de choses près égale (Cabes 2006, 152- ——————— 154). On ne peut pas non plus tirer une règle générale à cet égard des études de Balmelle et al. 2001, 221-222 et Balmelle 2001, 94-95. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 227

Sondage 10

Sondage 7

Sondage 1995

——— Fig. 7. Villa de l’Arribèra deus Gleisiars à Lalonquette (Pyrénées-Atlantiques). État de la in du ive s. et du début du ve s. et emplacement des sondages reliant le bâtiment au Gabas. ——————— 228 L’eau : usages, risques et représentations

Villa

1031 1016 0 1 2 m. 1027 1053 Haut-Empire 1041 Fin IIIe / début IVe s. e Gabas Courant IV s. ? 1051 Fin IVe / début Ve s.

——— Fig. 8. Villa de l’Arribèra deus Gleisiars à Lalonquette (Pyrénées-Atlantiques). Coupe stratigraphique sud. ———————

S-O N-E Villa 5131 5132 M 5101 5042 5136 5041 F 5137 5122 5130 5045 5138 5043 5148 5128 5150 Gabas V 5125 5138 5129 5121 5140 5146 5124 5120 5121 5147 IV 5128 5135 5126 5127 5139 5122 II III 5139 5123 5044 5046 5047 5047 5044 5141 5123 5047 5135 5123 5134 5046 5047 5134 5135 I 5046 5052 5133 0 1 m 5133

——— Fig. 9. Villa de l’Arribèra deus Gleisiars à Lalonquette (Pyrénées-Atlantiques). Coupe stratigraphique nord (en chiffres romains, emplacement des lits successifs du chenal parallèle au Gabas) (période V : rouge ; période IV : vert ; période III : jaune ; période II : vert ; période I bleu). ——————— Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 229

chenal, abrupte et caillouteuse (rive concave sapée par de confronter le risque potentiel aux effets réels des le courant) et la rive droite sablonneuse (rive convexe éventuelles inondations, sur la base d’observations où se disposent les alluvions) résultent d’une forte archéologiques concrètes. érosion, liée à un courant assez vif et à la courbure de La tranchée tracée en 1996 perpendiculairement à la rivière à cet endroit. Ce chenal était tapissé par un la limite méridionale de l’agglomération antique dont niveau d’argile bleue, déposée en milieu anaérobie, il a été question précédemment a mis en évidence une probablement durant sa période finale d’activité. Il a série de quatre séquences stratigraphiques assez carac- été possible de prouver, grâce au mobilier qui y a été téristiques, accumulées à certains endroits sur plus de découvert et aux relations stratigraphiques établies deux mètres d’épaisseur (fig. 10). Chacune d’elles avec le secteur bien daté de la villa, que ce chenal était associait une couche de limon à un niveau de galets en activité au ier s. p.C. et qu’il a ensuite été comblé à placé à sa base. Les galets, plus lourds, se sont déposés l’occasion de l’aménagement de l’espace situé entre la au fond du cours d’eau et de la zone d’épandage dès demeure et le lit principal du Gabas, sans doute vers la fin de la phase de grosses eaux, tandis que le limon la fin du iiie s. L’observation du niveau du lit ordinaire de débordement s’est décanté plus progressivement. Il de ce chenal a permis de proposer l’hypothèse selon est tout à fait caractéristique de constater que le laquelle le Gabas s’est encaissé d’un bon mètre depuis module des galets diminue progressivement en s’éloi- l’Antiquité 19. La présence de ce chenal constituait à gnant du lit mineur du cours d’eau, jusqu’à atteindre l’évidence une contrainte pour le développement de celui de simples cailloux, disposés toutefois en un lit la villa vers l’est et entretenait l’humidité de ce secteur. bien repérable en stratigraphie. Plusieurs éléments Toutefois, elle pouvait aussi présenter des avantages, confirment la violence des crues (torrentielles ?) en dans la mesure où, dans les sociétés traditionnelles de question. Il en est ainsi du module des galets qui ont la région, ces chenaux ont longtemps été mis à contri- été charriés (jusqu’à 10-15 cm de diamètre), des épais- bution pour de multiples usages domestiques : piéger seurs de limons déposés (de 20 à 55 cm selon les des poissons, chasser le gibier d’eau, récupérer des niveaux de crue à hauteur du lit ordinaire du cours sédiments (sable, gravier, limon), puiser de l’eau et d’eau) et de la largeur du lit d’inondation (une abreuver les animaux 20. trentaine de mètres sur la rive droite, à partir de l’axe Si l’exemple de Lalonquette ne doit sans doute pas du ruisseau, pour l’inondation la plus récente). être généralisé, il demeure qu’une partie notable des L’absence de traces de micro-mollusques familiers des demeures aristocratiques rurales répondaient à des milieux stagnants dans le limon qui a été déposé à ce situations comparables et partageaient la même vulné- moment-là confirme aussi la brutalité de ces événe- rabilité. Que dire, en effet, de la situation de la villa du ments 21. Elle semble prouver que le dépôt sédimen- Pont-d’Oly, à Jurançon, dont la partie résidentielle taire a été très rapide et que, par conséquent, un était séparée en deux corps de bâtiments par l’impé- écosystème lacustre n’a pas eu le temps de se mettre en tueuse petite rivière du Neez, que ses origines monta- place. Tout indique donc que ces quatre séquences gnardes et une vallée assez étroite poussent à adopter stratigraphiques sont la marque laissée par une série en toutes circonstances un débit assez vif avant de de très fortes crues, voire de sévères inondations. rejoindre le gave de Pau (fig. 1 et 17). Celles-ci ont colmaté l’essentiel du lit d’inondation de ce petit cours d’eau dont le lit ordinaire, incisé chaque Implantation humaine et risque d’inondation fois dans les limons des crues précédentes, a pu être approché pour la plus ancienne séquence et la plus Nous venons de voir que la petite agglomération récente : 6 à 7 m de large et probablement moins d’un de Lescar-Beneharnum cumulait des conditions que mètre de profondeur. Par la suite, plus aucun événe- l’on peut juger défavorables sur le plan du risque ment comparable ne s’est apparemment produit dans d’inondation. C’est donc un cas d’espèce qui permet le secteur et cette petite rivière a vu sa taille très tôt réduite pratiquement à celle du simple fossé actuel.

19- Profondeur plausible, au regard de ce qui a été constaté dans d’autres lieux, par exemple à Javols-Anderitum (Ferdière & Poupet 2005, 167). 21- Échantillons de sédiments prélevés et examinés par J. André 20- Palu 2004, 381, fig. 3. (Université de Montpellier II). 230 L’eau : usages, risques et représentations

c

a Berme est d

b

e Nord-Est Sud-Ouest

0 1m

f

Berme ouest ——— Fig. 10. Lescar-Beneharnum. Quartier du Vialèr, domaine de l’ADAPEI. Tronçon méridional de la coupe stratigraphique perpendiculaire au cours d’eau qui limite l’agglomération au sud. ———————

Les couches d’alluvions contenaient quelques abattu entre 53 et 68 p.C. selon la dendrochono- poteries et bois gorgés d’eau qui ont permis de dater logie 22, alors que la dernière phase est datée par des leur dépôt entre l’époque d’Auguste-Tibère et la fin de sigillées, gauloises et hispaniques, flaviennes et par la période flavienne ou le début du iie s. soit, comme une planche de bois taillée dans un arbre abattu entre nous le verrons plus loin, durant la majeure partie de 67 et 97 p.C. 23. l’occupation de la partie basse de l’agglomération La coupe observée au n°37 de la rue Maubec antique. Plus précisément, si la phase d’alluvionne- (fig. 4, H6 et fig. 5), et le sondage stratigraphique ment la plus ancienne mise au jour ne contenait réalisé entre les n°9 et 11 de la même artère (fig. 4, aucun objet, la seconde a livré un mobilier aisément datable (notamment des amphores Dr. I et Pascual I) qui permet de la rattacher à la phase initiale augusto- tibérienne de l’occupation romaine du site. À la 22- Analyse par B. Szepertyski (société LAE, Bordeaux). troisième phase était associé un piquet de chêne 23- Selon B. Szepertyski, la datation se situerait plutôt dans la partie la plus basse de la fourchette. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 231

H4), résument bien l’histoire sédimentologique de ce terre laissée par la dernière inondation antique secteur de l’agglomération où nous avons proposé de jusqu’au niveau de galets qui était à sa base. S’y voir une zone basse humide non construite, aux portes trouvaient aussi de nombreux galets de grès jaunes mêmes de l’agglomération 24. En effet, la succession absents à l’état naturel dans le secteur, mais abondam- stratigraphique mise en évidence à ces endroits se ment utilisés dans les constructions antiques des retrouve, à quelques nuances près, partout sur le tracé époques tibérienne et flavienne. On relèvera toutefois de ce véritable transept nord-sud ouvert par une pose qu’aucune trace de construction n’a pu être relevée d’égout 25 (fig. 5). sur cette surface. La base de la séquence était marquée par la Directement au-dessus, se trouvait la rue de galets, présence d’une couche d’argile marron clair, assez probablement construite en 1812 26, puis la rue sablonneuse, posée sur ce qui semble être le substrat asphaltée des années 1950-1960. de galets de la basse terrasse du gave. Sur ce niveau initial s’est accumulée une couche Comme dans le secteur de la rue Maubec, à la suite d’argile grasse de presque 80 cm d’épaisseur, manifes- du colmatage provoqué par des inondations très tement déposée en milieu anaérobie, si l’on en juge marquées et probablement aussi grâce à des travaux par sa couleur bleutée. Comme pour les niveaux d’assainissement considérables, une occupation assez équivalents mis au jour dans le quartier du Vialèr lâche, peut-être sous la forme de constructions très (fouille du domaine de l’ADAPEI), l’épaisseur de la légères ou d’enclos, a pris la suite d’une zone basse couche et son absence de stratification semblent bien humide restée jusque-là libre d’aménagements. indiquer qu’elle a été déposée en une seule fois, au Toutefois, la proximité immédiate d’un canal construit cours d’un événement assez violent. Il a été impos- plus à l’ouest et la position de cette zone humide sible, dans les conditions de cette surveillance de pourraient laisser penser qu’elle était initialement travaux, de véritablement vérifier si un niveau de l’exutoire privilégié du ruisseau qui devait dévaler de galets marquait, comme on peut le supposer, la base la haute terrasse par la grande trouée aboutissant au de ce dépôt. centre de la ville antique par l’actuelle rue Bié Grande Au-dessus de cet épais niveau, se trouvait une (Vía Grana, la grand-rue), avant d’avoir été canalisé séquence associant une couche d’argile bleue très lorsque l’agglomération a été véritablement équipée foncée à noire d’environ 20 cm d’épaisseur, limitée à en réseaux d’assainissement. sa base par une couche de cailloux (2-3 cm) et de galets Les datations des phases d’inondation qui ont pu (10-15 cm) que tout porte à considérer comme le être mises en évidence convergent avec celles des résultat d’une nouvelle inondation. Toutefois, celle-ci niveaux dont il vient d’être question pour les fouilles a sans doute été moins violente que la précédente, à du domaine de l’ADAPEI : moins qu’elle n’ait été davantage canalisée ou repoussée vers le sud par l’élévation des niveaux de Quelques tessons de céramique, généralement sols provoquée par la sédimentation qui a eu lieu lors découverts en rapport avec le dernier niveau antique, de l’épisode précédent. permettent de fixer une fourchette de datation à l’inté- rieur du ier s. p.C. : amphores catalanes (Pascual I et/ Le sommet de cette accumulation antique est ou Dr. 2/4), sigillées précoces du groupe de Montans, marqué par une dernière couche de galets d’environ céramiques communes de même époque. 15 cm d’épaisseur. Cette couche supérieure constituait un niveau de fréquentation désormais stabilisé par le Une série de piquets de bois, fichés en terre à colmatage de toute la zone, à la suite des deux grosses partir du dernier niveau antique, permet de proposer inondations précédentes. Elle était constituée d’un des datations plus précises pour fixer le terme de ces cailloutis hétérogène, jonchée de fragments de tuiles événements hydrographiques. Dans le sondage des et de poteries, et ponctuée de piquets plantés dans la 9-11 de la rue Maubec (fig. 4, H4 et fig. 5), deux

24- Réchin 2008, 131-136. 26- Procès-verbal d’adjudication pour le pavage de la rue Maubec en 25- Gangloff 2008. date du 24 juin 1812. 232 L’eau : usages, risques et représentations

piquets ont été datés respectivement de 49 (BDD connaît un net recul de la forêt au profit des terres 2311) et 54 p.C. (BDD 2312). Devant le 4 de la même labourées et des landes 31. Les mises en culture, l’abat- rue, le dernier cerne d’un piquet, prélevé dans les tage de bois d’ouvrage pour la construction de l’agglo- mêmes conditions, date de 78 p.C. (BDD 2313) 27. mération et des villae environnantes ont à l’évidence Devant le 3 de la rue Maubec (fig. 4, H3 et fig. 5), considérablement modifié l’environnement de la l’intervalle chronologique minimum d’abattage d’un région. Ce “forçage anthropique” a manifestement piquet a été fixé entre 62 et 66 p.C. (BDD 2308) 28. favorisé les écoulements, contribuant à les transformer en crues ; celles-ci ont mis à mal la stabilité des berges Il demeure toutefois une différence de taille avec par sapement latéral, tout en provoquant une mise à les observations effectuées plus à l’ouest, dans le nu de bien des sols désormais davantage soumis à domaine de l’ADAPEI, quartier du Vialèr. Rue l’érosion. Autant de phénomènes dont on peut sans Maubec, seuls deux niveaux d’inondation ont été doute retrouver la trace dans les séquences stratigra- déterminés contre au moins quatre dans le premier phiques de la périphérie de l’agglomération antique. site. De surcroît, la datation des piquets pourrait Après cette phase de fortes modifications, et compte montrer que le secteur était stabilisé un peu plus tôt, tenu des conditions climatiques peut-être déjà plus peut-être vers le milieu du ier s. p.C., alors qu’une sèches, le milieu a retrouvé un certain équilibre qui se dernière inondation a encore marqué le sud de traduit par des conditions moins favorables à des l’agglomération à la fin de l’époque flavienne. Cette crues décennales très marquées. En même temps, le basse zone humide, périodiquement mise en eau à couvert végétal semble s’être bien reconstitué, si l’on l’occasion des crues, était peut-être moins sensible à en croit les quelques analyses anthracologiques celles-ci que la petite rivière méridionale. disponibles 32. Il ressort donc que, durant le début du Haut-Empire, Beneharnum était soumise à un risque Éviter le risque 33 permanent d’inondation. Cette accumulation de fortes séquences d’inondations résulte sans doute de Les conditions environnementales ont imposé aux deux facteurs concomitants. Une part considérable implantations humaines, inscrites dans l’espace consi- est sans doute d’abord attribuable au facteur clima- déré ici, des contraintes spécifiques face auxquelles les tique. En effet, on s’accorde aujourd’hui à penser aménageurs ont adopté des solutions dont on ne qu’une crise hydrologique pluriséculaire s’est déroulée perçoit aujourd’hui que quelques éléments dispersés. durant la période du Haut-Empire 29. Les stigmates en Ces informations permettent tout de même d’avoir sont évidents à Beneharnum. De même, à la phase une idée de la perception qu’avaient les sociétés générale de stabilisation et d’embellie climatique qui locales des risques environnementaux et des choix suit, amorcée dès le iiie s., pourrait assez bien corres- qu’elles ont opérés dans ce domaine. Beneharnum pondre à l’absence de nouvelle inonda- Peu d’établissements du piémont occidental des tion, tant dans le secteur occupé au sud par la petite Pyrénées semblent avoir connu des dépôts alluviaux rivière que dans la zone humide qui occupe l’agglomé- comparables à ceux qui ont été mis en évidence par ration à l’est. Il faudrait toutefois admettre ici une exemple dans les petites villes des Alpes, alors que les plus grande précocité de ce phénomène dans le 30 conditions hydroclimatiques et topographiques que Sud-Ouest aquitain . Une autre part, compatible avec nous venons d’évoquer auraient pu laisser penser le ce qui précède, est probablement liée aux défriche- contraire. L’examen précis de différents établissements ments qui ont eu lieu après la conquête. En effet, les permettra d’expliquer cet état de fait et d’approcher études paléoenvironnementales menées à Lescar un peu la logique des stratégies d’implantation et démontrent qu’à partir du règne d’Auguste, le milieu

27- Cet échantillon a toutefois des chances d’être un peu plus récent 31- Bats & Bui-Thi-Mai 1984 ; Bui-Thi-Mai 2000, 103-106. dans la mesure où aucun cerne d’aubier n’était plus conservé. 32- Bats et al. 2008. 28- Datation société LAE. 33- Le terme de risque est considéré ici comme le résultat de la 29- Berger 1996, 312-316 ; Berger et al. 2001, 377 ; Magny 2001, 361. relation existant entre l’aléa et la vulnérabilité (selon Dauphiné 2003, 30- Magny 2001, 361 ; Berger et al. 2001, 378 et 401. 24-25 et Ledoux 2006, 16). Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 233

d’équipement mises en œuvre par les aménageurs risque. Plus tard, durant le Bas-Empire, alors que la pour réduire les aléas hydrologiques 34. surface urbaine de la basse-ville s’était considérable- ment rétractée par rapport à celle du Haut-Empire, les Une faible vulnérabilité 35 grandes habitations qui demeurent paraissent avoir été construites préférentiellement en retrait des secteurs humides, davantage vers le pied du plateau 36. • Lescar-Beneharnum Dans cette agglomération, les secteurs bâtis ne Ces facteurs ont contribué à éviter que l’agglomé- semblent jamais avoir été inondés durant l’Antiquité. ration ne soit implantée sur la haute terrasse pour la Comme cela a déjà été souligné, cette situation est mettre à l’abri de tout danger d’inondation. De ce fait, d’abord liée à l’éloignement du gave dont les divaga- elle a pu tirer avantage de plusieurs atouts complé- tions pouvaient présenter un danger bien réel. mentaires. D’une part, elle a joui d’un approvisionne- Ensuite, outre les travaux d’édilité d’une assez grande ment en eau assez abondant et doté d’une pression qualité qui seront évoqués plus loin, deux séries de convenable, issu des eaux de ruissellement et d’infil- conditions semblent avoir été remplies pour parvenir tration du plateau. D’autre part, elle a pu s’établir à ce résultat. dans l’axe d’une combe qui permettait d’accéder facilement au plateau du Pont-Long et à ses pacages Il apparaît d’abord qu’une connaissance intime du humides, tout en facilitant le passage de la grande voie milieu a permis aux aménageurs de s’implanter assez Bordeaux-Saragosse qui aboutit à cet endroit en plein près du cours d’eau dont il a déjà été question et à un centre-ville. Enfin, et peut-être surtout, Beneharnum niveau supérieur de seulement deux mètres au-dessus était ainsi placée au plus près du terroir de plaine que de sa surface. Comme le prouvent la largeur du lit ses habitants exploitaient directement depuis leurs majeur du ruisseau et la présence de zones humides maisons de ville, comme l’indiquent à la fois la ouvertes à l’est de l’agglomération antique, de très morphologie de ces bâtiments, les traces parcellaires larges zones d’épandage des eaux existaient au moment qui quadrillent de façon préférentielle la vallée du où a été construite la ville neuve de Beneharnum. Or, gave, et la rareté des vestiges d’époque romaine ces secteurs ont été soigneusement évités lors des dispersés dans ce secteur 37. aménagements urbains et dans le quartier du Vialèr (domaine de l’ADAPEI) : l’agglomération se situe à • La villa de Lalonquette environ 50 mètres de l’axe du cours d’eau, pour un lit de débordement de 30 mètres au moins à cet endroit. La proximité de la rivière, sa forte activité et une L’archéologie permet aussi de constater que les aména- position défavorable du côté de sa rive concave n’ont villa geurs ont effectué des choix d’implantation très clairs pourtant pas conduit à faire subir à la d’inonda- en n’urbanisant que les zones surélevées de galets et de tion repérable par la fouille. Un phénomène semblable villa graves bien drainés. a pu être constaté sur le site de la du Pont-d’Oly, à Jurançon, pourtant encore plus exposé que celui de Ensuite, un facteur déterminant réside sans doute Lalonquette, ce qui laisse penser que l’exemple pris ici dans la modeste taille de l’agglomération, tout au plus peut avoir une portée assez générale. Cet état de fait 15 ha. Cela a permis, d’une part de n’occuper que les peut découler de plusieurs facteurs. parties protégées du site, et d’autre part de limiter l’ampleur des aménagements visant à contenir Le premier tient au dénivelé qui existait entre l’expansion des cours d’eau et les ruissellements ce l’habitat et le niveau du Gabas. Celui-ci atteignait en qui, en retour, a contribué à éviter les effets pervers de effet environ 2 m à 2,50 m, ce qui s’est avéré suffisant villa ces dispositifs qui finissent parfois par accentuer le pour mettre la à l’abri des inondations. Lors des fouilles menées dans les années soixante, J. Lauffray avait d’ailleurs remarqué que lors des grandes crues, le Gabas trouvait un exutoire secondaire dans un petit 34- Aléa est pris au sens de “probabilité d’occurrence d’un phénomène” (selon Dauphiné 2003, 19). 35- La vulnérabilité est définie par B. Ledoux comme la plus ou moins grande propension des “enjeux” (biens et personnes exposées aux inondations) à subir des dommages en cas de submersion (Ledoux 36- Réchin 2008, 153-157. 2006, 16). 37- Réchin 2008, 161, fig. 38. 234 L’eau : usages, risques et représentations

talweg, aujourd’hui marqué par un fossé, qui eau de la partie thermale constituait-elle une exigence contourne à l’ouest la villa, mais sans que celle-ci soit impérative ? Mais bien d’autres villae situées différem- submergée 38. ment ont réglé autrement cette question, sans pour autant partager cette localisation en fond de vallée. Le second est sans doute lié à une atténuation du régime fluvial du Gabas après le ier s. p.C., au moment où l’établissement devient progressivement un Aménager l’espace véritable palais campagnard. On remarque en effet Compte tenu de ce qui vient d’être dit, il apparaît que, sous la pression d’aménagements dont il sera que les établissements sud-aquitains dont il a été question plus loin, le chenal, très mobile à la hauteur question étaient assez peu vulnérables aux événements villa de la partie nord de la , a eu tendance à s’éloigner de type inondation de plaine ou inondation par crue en plusieurs étapes de la demeure, tout en voyant le torrentielle. C’est aussi ce que tend à confirmer la fond de son lit s’élever progressivement (fig. 8 et 9). Si discrétion des aménagements de rives que nous ce déplacement a été voulu par les propriétaires de la voudrions maintenant évoquer. En revanche, l’inon- villa , il n’a manifestement été rendu possible, à cet dation par ruissellement peut toujours constituer un endroit particulièrement délicat d’une courbe de la aléa notable que des mesures concrètes d’aménage- rivière, que par un débit inférieur, résultant des ment ont visé à réduire par le biais de canalisations et nouvelles conditions environnementales évoquées peut-être aussi au moyen des voiries urbaines. précédemment à propos de Lescar-Beneharnum.

On peut ajouter à cela que, comme à Beneharnum, • De discrètes consolidations de rives la villa a été précédée durant un laps de temps difficile Comme nous l’avons vu, il a été parfois possible de à définir (plusieurs mois à quelques années ?) par un repérer les berges de cours d’eau dans leur état antique. grand campement dont les occupants ont alors pu Cela nous permet d’envisager la question des aména- éprouver le degré de vulnérabilité. De même, les gements qui leur ont été consacrés dans des termes premiers bâtiments, datés de l’époque augusto- concrets, tant en milieu urbain (Lescar-Beneharnum) tibérienne, sont prudemment situés à environ 30-40 m qu’à la campagne (Lalonquette). du lit mineur du Gabas et ils reposent sur un terrasse- ment soigné du paléosol, lequel adopte de surcroît Lescar une légère convexité dans le secteur de la cour centrale. Ce type d’aménagement n’a été, pour l’instant, Cette configuration facilite ainsi l’évacuation des repéré qu’à la limite méridionale de l’agglomération, eaux, aidée par des fossés de drainage dont la trace a sur le domaine de l’ADAPEI, quartier du Vialèr. été retrouvée (fig. 12). Il n’est donc pas interdit de penser qu’initialement les occupants de la villa ont Le plus perceptible est apparu lors des fouilles de pris des précautions qui leur ont paru inutiles au M. Bats (1982, fouille 4) : en avant d’une petite cours des aménagements ultérieurs, une fois acquise construction aux fondations de galets (la seule repérée une bonne connaissance des conditions hydrologiques jusqu’à présent en bordure du cours d’eau limitant locales. l’agglomération au sud) se trouvait un alignement de trous de piquets facilement détectables dans le limon On constate donc, dans cet établissement comme que l’on retrouve dans tous les milieux humides de à Beneharnum, que le choix du site a fait l’objet de l’agglomération (fig. 4, H10 ; fig. 11). Il est probable spécifications de base exigeantes, reposant sur un que cette structure témoigne de la présence d’une parfait repérage des contraintes locales. On se gardera ligne de fascines destinée à limiter l’effet de sape du de définir quels étaient les impératifs qui ont pu cours d’eau sur la berge ou sur la construction qui imposer un emplacement si délicat, alors que la villa était placée en arrière. D’ailleurs, sur la face du voisine de Taron, à quelques kilomètres à l’est, a été bâtiment placée du côté du cours d’eau, on constate implantée sur une terrasse nettement plus en retrait que deux murs se sont succédé. Celui qui était placé de la petite rivière du Lasset. L’approvisionnement en en arrière portait des signes manifestes de déstabilisa- tion. Le second, implanté en avant, était particulière- ment bien fondé, au regard de ceux qui ont pu être 38- Lauffray et al. 1973, 126. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 235

——— Fig. 11. Lescar-Beneharnum. Quartier du Vialèr, domaine de l’ADAPEI. Traces d’une protection de rive en fascines (cl. M. Bats). ———————

observés ailleurs dans la basse-ville antique. De plus, tration particulière de gros galets a pu être observée, une pièce de bois a pu être repérée sous la première ce qui peut laisser soupçonner la construction de assise de fondation de ce mur, ce qui pourrait indiquer protections sommaires dont la nature sera examinée qu’il reposait sur un réseau de poteaux. plus loin, à propos de la villa de Lalonquette (fig. 10f, zone cerclée). Pour le reste, la coupe pratiquée en 1996, dans ce même domaine de l’ADAPEI, entre la zone urbanisée Lalonquette et le cours d’eau placé plus au sud, n’a pas livré d’autres aménagements de rive qu’un piquet de chêne, Les deux sondages qui ont été décrits auparavant planté sur la rive au milieu du ier s. p.C. (arbre abattu ont en partie révélé l’aspect des berges du cours d’eau entre 53 et 68 p.C.) et une planche de très belles qui bordait la villa durant l’Antiquité. dimensions d’époque flavienne (chêne abattu entre Dans l’espace embrassé par le sondage implanté à 67 et 97 p.C.). L’isolement de ces découvertes interdit hauteur de la partie méridionale de la pars urbana, au de dire s’il s’agit d’un aménagement systématique début de l’histoire de la villa, le chenal, beaucoup courant tout au long de la rive ou d’une construction moins puissant et érosif que le lit ordinaire du Gabas, ponctuelle destinée, par exemple, à accéder au ruisseau et sans doute épisodiquement mis en eau, n’a fait ou à l’utiliser pour laver du linge. Sur ce tronçon, le l’objet d’aucun aménagement (fig. 8). Sa rive gauche, caractère isolé de cette trouvaille plaiderait en faveur relativement escarpée (environ deux mètres en de la seconde série d’hypothèses. surplomb par rapport au fond du chenal) mais consti- Par ailleurs, en bordure nord de l’un des lits du tuée de graves assez denses, a dû être jugée suffisam- cours d’eau dont il vient d’être question, une concen- ment stable et accessible pour rester telle quelle, alors 236 L’eau : usages, risques et représentations

même que la villa commençait à se développer à dix compacte que celle qui a été accumulée en arrière, à mètres en arrière. l’évidence, de façon à l’évidence à mieux résister à l’érosion. En revanche, il est impossible de restituer La coupe nord montre qu’à la même époque, un les aménagements éventuels réalisés au contact même calage de la berge gauche du chenal avait été sommai- de l’eau car ils ont fini par être arrachés par le courant. rement installé dans cette zone instable située près de Peut-être faut-il y supposer un dispositif de protection son débouché (fig. 9, encart du bas). Ce modeste comparable à celui qui a été retrouvé dans la coupe équipement utilisait notamment des piquets de nord, mais à l’échelle d’un cours d’eau plus puissant. châtaignier dont l’un a été daté par dendrochrono- Dans un second temps, entre la seconde moitié du ive logie entre 21 a.C. et 21 p.C. En arrière de ce cadre et le début du ve s., ils remanient la galerie-portique, avait été mis en place un remplissage de galets, au-delà recouvrent les structures placées entre elle et le Gabas duquel se trouvait le sol naturel. Il n’a cependant pas pour établir une nouvelle esplanade, plus haute et été possible de déterminer si cette structure était plus horizontale. destinée à offrir une protection contre l’effondrement d’une rive proche de la villa sans doute très fréquentée, La coupe nord, plus proche du débouché du si elle devait lutter contre l’érosion fluviale, ou s’il chenal, montre une séquence stratigraphique plus s’agissait d’un simple aménagement donnant accès à complexe qui témoigne qu’entre l’époque augusto- l’eau ? La première hypothèse semble toutefois la plus tibérienne et le début du ve s., le chenal connaît à cet vraisemblable étant donné la ressemblance de cette endroit au moins quatre lits successifs qui sont structure avec le “gabion”, dispositif traditionnel de progressivement repoussés de plus en plus loin de la protection de berge, encore en usage récemment dans villa et qui se trouvent chaque fois à un niveau la région 39. Il s’agissait probablement de stabiliser une supérieur au précédent. En fait, lors des différents rive qui était moins haute et composée d’un matériau remaniements de la villa, les matériaux de démolition moins compact que la partie située plus en amont, des états obsolètes, une fois triés, sont précipités dans repérée dans le sondage sud. Ce procédé, peut-être cette zone basse zone basse, qu’ils comblent progressi- aussi en usage à Beneharnum, pourrait donc avoir été vement, afin de constituer une esplanade et/ou un assez fréquent à l’époque romaine dans le bassin de jardin mieux adaptés à la réorientation de la villa vers l’Adour. En tout cas, il est frappant de constater, alors le Gabas. Si ce déplacement du chenal est bien que la villa montrait d’emblée une architecture très repérable et assez bien datable, il est en revanche plus soignée et des dimensions déjà notables 40, qu’aucune complexe de déterminer l’origine de son tracé. trace d’aménagement bâti ou même continu sur toute Résulte-t-il d’un mouvement spontané ? Le cours la berge n’a été repéré. d’eau désormais plus étroit et plus court — puisqu’il a été comblé en amont dès la fin du iiie s. — aurait alors Par la suite, notamment à partir de la fin du iiie ou retrouvé une place, adaptée à son débit, au sein des au début du ive s., quand une grande galerie de façade remblais. Mais il est tout aussi possible que son lit ait est construite face à la rivière, l’espace intermédiaire été entièrement creusé de main d’homme dans un entre le bâtiment et l’eau fait l’objet d’attentions plus secteur très remanié par les maîtres du domaine. En soutenues. tout cas, ce chenal sort de la séquence stratigraphique La coupe sud montre qu’après avoir comblé le conservée après le dernier remaniement de la zone, à chenal parallèle au Gabas, à la fin du iiie ou au tout la fin du ive ou au début du ve s., pour finalement début du ive s., les propriétaires font aménager une peut-être rejoindre le lit principal de la rivière, ce que première esplanade inclinée, dotée d’un accès couvert l’érosion de la rive nous interdit de vérifier aujourd’hui. à la rive, entre leur demeure et la rivière. On constate Pour partiels que soient les indices qui viennent que la partie du remblai posé à cette occasion, plus d’être évoqués, ils permettent au moins de souligner exposée au cours d’eau dans son lit ordinaire, est l’indigence des aménagements de rive mis en place au beaucoup plus dense en galets et en argile jaune plus près d’une villa dont les propriétaires n’ont pourtant, par ailleurs, guère lésiné sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer leur confort et leur 39- Palu 2004, 381-382 et fig. 4. agrément. Lorsque des remblais de plusieurs centaines 40- Callegarin et al. 2009, 111-118. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 237

de tonnes sont déposés pour gagner du terrain afin On n’insistera pas ici sur les aménagements informels, d’établir une esplanade au-devant de la galerie de sans doute très nombreux, mais encore malaisés à façade orientale qui est alors érigée, le chenal, repoussé contextualiser que l’on rencontre dans les habitats ou peu à peu vers le lit ordinaire du Gabas, ne fait l’objet à leur périphérie immédiate, en particulier dans les d’aucun aménagement spécifique. Et, dans la même villae. L’attention sera portée essentiellement sur les phase d’aménagement, la rive gauche du lit principal installations qui résultent de véritables programmes. de la rivière est sommairement renforcée sans qu’au- cune structure bâtie n’apparaisse. Il est manifeste, que Dans les villae passé le ier s. p.C., le Gabas, entré probablement dans L’étude des dispositifs d’assainissement des villae une période moins active et possédant des méandres reste à faire, notamment en Aquitaine méridionale. où les crues pouvaient s’épancher 41, présentait encore Mais les données disponibles montrent, comme on moins de danger qu’aux débuts de l’occupation du peut s’y attendre, que les établissements de cette site. En conséquence, il n’était pas (ou plus) un enjeu région ont été dotés d’équipements assez habituels et d’aménagement névralgique pour la survie d’une d’ampleur très variable, du plus improvisé au plus maisonnée aussi considérable que celle de la villa. Les élaboré. efforts de remblaiement de la périphérie orientale de la villa paraissent en effet avoir eu surtout pour objectif Dans la première catégorie, on comptera les rigoles de la valoriser par le moyen d’une combinaison sommairement creusées du type de celles qui ont pu galerie-portique/esplanade, plutôt que de garantir la être fouillées à Lalonquette. L’une, à l’ouest du sécurité de cet habitat, peu menacé par le cours d’eau bâtiment, date de son chantier de construction et a voisin. servi à assainir le terrain nivelé par les constructeurs (fig. 12c), l’autre, à l’est, est contemporaine de la villa du Haut-Empire et évacue les eaux de ruissellement (et Les deux exemples qui précèdent montrent que les usées ?) vers le chenal qui la borde (fig. 12d). Ces petits aménagements de berges identifiés sont généralement creusements complètent des canalisations générale- bien modestes. Ils sont en effet sans commune mesure ment très soignées, dès le premier état des années avec les dispositifs mis en place dans d’autres régions 10-20 p.C. (fig. 12a, parois en petits moellons calcaires de la Gaule 42, pour assurer la protection d’une agglo- liés au mortier et carreaux en terre cuite en fond) et mération pourtant modeste comme Javols-Anderitum 43 jusqu’à l’état final tardo-antique où un conduit ou d’un relais routier comme celui d’Ambrussum 44. maçonné évacue les eaux pluviales de la cour centrale, Comme nous l’avons vu, les aménageurs ont surtout rassemblées par des caniveaux de tegulae qui courent veillé à choisir des sites hors d’eau ; dans le cadre des tout le long du péristyle (fig. 12b). contraintes qui étaient les leurs et, disposant générale- À ces éléments on ajoutera des puisards, dont les ment de grands espaces au regard des établissements publications archéologiques ont rarement consigné la projetés, ils ont soigneusement évité d’exposer les présence dans les villae. À titre d’exemple, on signalera habitats et d’empiéter sur les lits majeurs des cours celui qui a été mis au jour dans la villa située aux d’eau. limites des communes actuelles d’Oloron et de Goès, sous l’angle d’un des murs du bâtiment 45. Celui-ci se • Canalisations et puisards présentait sous la forme d’une fosse d’environ 3 x 5m, Les conduites destinées à évacuer les eaux de creusée de 1,20 m dans le sol, entièrement remplie de ruissellement montrent potentiellement une variété galets et de tessons de poteries datables entre la fin du de formes et d’implantations considérables dont iiie et la première moitié du ive s. Au-dessus était étalé l’archéologie ne donne sans doute qu’un faible reflet. le remblai terreux qui servait d’assise aux murs de la villa (fig. 13). L’objectif des aménageurs consistait ici à faciliter l’infiltration des eaux dans la terrasse de galets sur laquelle était installée l’établissement. Ce procédé, 41- Ces méandres, aujourd’hui inactifs, sont encore très facilement repérables dans le paysage face à la villa, sur la rive droite du Gabas. 42- Le point dans Allinne 2007, 17-21. 43- Ferdière & Poupet 2005, 165-167. 44- Berger et al. 2004, 425-428. 45- Fouille de G. Fabre en 1989, puis sondage de Fr. Réchin, 1990. 238 L’eau : usages, risques et représentations

b) Conduite d’évacuation des eaux de pluie, angle sud-ouest de la cour à péristyle (état de la seconde moitié du IVe-début du Ve s.)

a) Égout contemporain du premier état

d) Rigole antérieure c) Rigole antérieure à la charnière des IIIe et Ve s. au premier état ——— Fig. 12. Villa de l’Arribèra deus Gleisiars à Lalonquette (Pyrénées-Atlantiques). Équipements hydrauliques (plan : J. Lauffray, IRAA-CNRS). ——————— Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 239

N

H G

0 1m

H G

US 1 (terre arable) US 2 (sol de circulation) mur 6

US 4 (remblai de construction)

US 9 (sol encaissant)

US 11 (remplissage du puisard)

0 1m

Coupe stratigraphique du puisard

——— Fig. 13. Villa d’Oloron-Goès, lieu-dit Borde Rouge. Puisard de la in du iiie s. - première moitié du ive s. p.C. ——————— 240 L’eau : usages, risques et représentations

selon les témoignages recueillis sur place au moment haute terrasse du Pont-Long, par l’échancrure naturelle de la fouille, était encore très vivant dans l’architecture qui débouchait directement sur la basse-ville (fig. 3 et vernaculaire pyrénéenne jusqu’à une date assez 4), et par laquelle s’écoule encore aujourd’hui le récente. ruisseau du Lescourre (l’Escorrèr), fortement canalisé à cet endroit délicat 49. C’est en tout cas ce que suggère Il est difficile de mesurer la fréquence de ce type de son emplacement, pratiquement dans l’axe du cours drainage, on mentionnera seulement la découverte d’eau actuel. Il est donc bien possible que ce canal ait d’un puisard semblable, mais plus petit, datable du récupéré les eaux qui se dirigeaient auparavant pour iie s. p.C., à la périphérie nord de l’agglomération l’essentiel vers la dépression vaseuse, placée immédiate- antique d’Oloron, malheureusement dans un contexte ment à l’est, et dont l’assèchement est antérieur au indéfini 46. premier état de cette conduite ou contemporain de En ville celui-ci. En effet, il est manifeste que le brusque change- ment de direction vers l’est, qui affecte aujourd’hui ce — Lescar ruisseau, n’est lié qu’à un aménagement récent qui en D’abord interprétée comme l’une des pièces d’un a repoussé le cours au-delà. L’objectif fut donc de rendre habitat 47, la conduite découverte à Lescar était bordée plus fréquentable ce secteur menacé par un cours d’eau à l’est par un espace ouvert garni de galets qui était à généralement vif en raison de la forte pente que lui l’évidence une rue d’au moins 10 m de large. On donne la différence d’altitude entre les deux terrasses ignore si celle-ci s’étendait aussi du côté ouest, ce qui qui structurent le site. est très possible, étant donné la largeur des autres L’abandon de cette conduite était d’abord signalée voies mises au jour dans cette agglomération, et il par un sédiment meuble, très sableux, comportant des serait dans ce cas probable que la conduite se situait fragments de tegulae et de vaisselle antique difficile- au centre de l’artère (fig. 15c). ment datable. Ce niveau résultait peut-être d’une Il a été possible de définir deux états pour cette phase finale durant laquelle l’entretien était mal construction, mais seul le second a pu être daté, par assuré. Mais, comme dans le cas des colmatages d’égouts observés ailleurs dans l’agglomération, il C14, entre les années 75-225 p.C., ce qui laisse penser que le premier état a très bien pu être mis en place à était recouvert par une grande masse de galets et de la fin du règne d’Auguste ou au début de celui de sables bruns, stériles, apportés là pour assurer la conti- Tibère, comme cela semble être le cas pour les égouts nuité de la circulation dans le secteur, après que la 50 de la ville. Cette véritable reconstruction a vu la mise conduite fut abandonnée . en place d’un revêtement intérieur formé de bipedales Plus en aval, vers le sud, on ne peut facilement (60 x 60 cm) portant chacun une estampille L(ucius) suivre le tracé de ce canal. Nous n’en avons, en tout V(alerius) VAL(erianus) ou L(ucii) V(alerii) VAL(eriani) 48. cas, pas trouvé le débouché lors des fouilles de 1996 L’édifice se présente dans son second état, le plus qui étaient implantées dans son axe. Il est donc aisément restituable, comme une structure de 3,20 m vraisemblable qu’après avoir croisé l’axe est-ouest de la de large, encadrée par deux murets et soigneusement rue 13, son tracé ait obliqué vers l’est pour mieux étanchéifiée au fond par des briques liées par un suivre la topographie du lieu et trouver plus facilement mortier de qualité. Elle est orientée en conformité un exutoire vers le cours d’eau qui borde au sud avec la trame de l’agglomération qui porte le système l’agglomération. C’est ce que pourrait laisser penser le d’égout découvert plus à l’ouest dans le domaine de tracé actuel des limites cadastrales sur lesquelles il est l’ADAPEI, quartier du Vialèr (trame rouge A). aligné et qui s’interrompent à hauteur d’un fossé dont Nous proposons de voir dans cet édifice un canal les eaux sont précisément canalisées vers le sud. La destiné à conduire les eaux qui s’écoulaient depuis la voie qui l’accompagnait rejoignait probablement la

46- Fouille préventive de Fr. Réchin, 1993, section BC 01, parcelle 258. 49- Actuelle rue Bié Grande (= Vía Grana), indiquée Vía Cava, soit 47- Gangloff 2008, 101-102. “rue creuse”, dans le censier de 1643. 48- Gangloff 2008, fig. 9, 102 ; Fabre 2004, 487-488. 50- Gangloff 2008, 102. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 241

rue 22 dont nous connaissons l’extrémité méridionale du fait des poussées latérales du terrain ; ils étaient (fig. 4). toutefois soigneusement construits en moellons calcaires appareillés en opus vittatum irrégulier sur Le témoignage épigraphique offert par les estam- 1,10 m d’élévation. Aucun revêtement ni radier n’en pilles imprimées sur les dalles céramiques du fond de tapissait le fond. Ces éléments, ainsi que la structure ce canal est d’un grand intérêt en raison de l’identité particulière de l’assise supérieure, semblent indiquer du personnage mentionné 51, membre de l’important à cet endroit la présence d’un canal d’assainissement clan familial aquitain et hispanique des Valerii qui, il à ciel ouvert édifié vraisemblablement en vue de faut le souligner, comprend le seul sénateur connu canaliser un cours d’eau naturel. Plus au nord, un jusqu’à présent au sud de la Garonne 52. Mais l’inter- segment de canal de 0,75 m de largeur et 1,10 m de prétation de ces inscriptions n’est pas aisée. Sommes- profondeur se raccordait perpendiculairement au nous simplement confrontés à l’achat, par la commu- canal nord-sud. Ce segment, peut-être une conduite nauté, de matériaux de construction à un grand d’égout, présentait la même mise en œuvre architectu- notable régional possédant par ailleurs un atelier dont rale que le canal principal et semblait donc contempo- les produits céramiques étaient couramment rain de celui-ci. Dans la partie méridionale du canal, marqués ? Ou doit-on plutôt admettre que la multipli- un décrochement a été observé, qui semble indiquer cation inhabituelle des estampilles témoignait d’une un changement de direction brutal vers l’ouest. évergésie, sans doute par ailleurs glorifiée par une Malheureusement, les conditions délicates de suivi du inscription plus accessible que ces mentions rendues chantier de terrassement dans cette partie-là ne le plus souvent illisible par les écoulements et les permettent pas d’être plus précis. Au nord du chantier, sédiments ? En conséquence, faut-il considérer Lucius une dalle en mortier de tuileau de 0,70 m d’épaisseur, Valerius Valerianus comme le principal notable lesca- retrouvée à une altitude identique à la base des murs rien, propriétaire de la seule villa repérée dans les du canal antique, constitue la seule trace de structure environs immédiats de Beneharnum 53 et bienfaiteur de antique découverte dans le secteur, hormis le canal. cette petite agglomération ? Son identité et son rang Peut-être s’agit-il des restes arasés des deux bassins permettraient alors de cerner de façon stimulante le jumeaux trouvés en 1883, place du Maubourguet 55. profil de l’initiateur de ces travaux hydrauliques. Cette Malheureusement aucune liaison n’a pu être établie seconde série d’hypothèses est particulièrement sédui- entre les deux structures et l’on se perd en conjectures sante, mais en l’état des connaissances, il convient de sur la fonction des bassins. demeurer particulièrement prudent sur le sujet, en attendant les nouvelles données qui complèteront ce Cette conduite est d’autant plus remarquable dossier. qu’elle parcourt ainsi une zone qui, bien que située sur la limite orientale de la ville antique, ne contient — Tarbes aucun habitat, ni bâtiments publics. Cela montre Les fouilles préventives entreprises en 1992 en l’ampleur du dispositif adopté très tôt dans cette petite plein centre de Tarbes, sur la place de Verdun, à l’occa- ville pour favoriser des écoulements préjudiciables 56. sion de la construction d’un parking souterrain, ont révélé un canal bâti et un fond de bassin maçonné, • Le rôle des voies urbaines utilisés jusqu’au début du iie s. p.C. 54. Le réseau de voierie semble avoir rempli, outre sa Le canal, d’une largeur constante de 3,50 m et fonction première de circulation, un rôle appréciable fondé directement sur les graves sous-jacentes (fig. 14), dans l’écoulement des eaux de ruissellement des a été suivi sur une cinquantaine de mètres de longueur. agglomérations. Il en est sans doute ainsi dans Ses murets montraient un léger fruit vers l’intérieur, l’exemple de Lescar-Beneharnum, où le soin apporté

51- Fabre 2004, 487-488. 52- CIL, XIII, 395. 55- Duffo 1933. 53- Villa du quartier Sent-Miquèu à 1,5 km à l’est de la haute-ville 56- Le comblement du canal contenait un mobilier qui fixait un antique. terminus ante quem au début du iie s. p.C., mais il est probable que sa 54- Martin et al. 1992. construction était bien antérieure. 242 L’eau : usages, risques et représentations

a) Détail de l’appareil

N Bassin

0 10 m

Canal

Égout ? b) Coupe de la conduite latérale antique

Place de Verdun

Quartier du XVIe siècle Canal et bassin antique Fossé médiéval Dépotoir antique

c) Tronçon du canal en cours de fouille

——— Fig. 14. Tarbes-Turba. Plan des vestiges archéologiques de la fouille de la place de Verdun et vues du canal d’époque romaine (documents J.-M. Martin). ——————— Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 243

aux conduites qui parcouraient les axes principaux et dalles qui en garnissaient le fond 60, ou s’il faut la structure des imposantes chaussées en témoignent. envisager une couverture en bois. Cette dernière hypothèse est sans doute la plus vraisemblable car, Le dispositif de canalisation le plus marquant est pour l’heure, on n’a retrouvé nulle part en remploi les constitué par un véritable réseau d’égouts dont deux dalles qui auraient pu être récupérées à cette occasion. tronçons perpendiculaires ont été mis au jour 57. Il demeure qu’une proportion importante des axes Le premier, de direction nord-ouest / sud-est était de circulation de la ville n’a pas été équipée d’égouts. construit dans l’axe de la rue 13. Il s’agissait d’une En effet, les sondages et les fouilles récentes ont conduite de 0,60 m de large, dont le fond était garni prouvé que quatre rues n’en comportaient pas (fig. 4, de bipedales de terre cuite (0,60 m de côté), encadrée R14, R15, R21 et R22) 61 et qu’une dernière montrait par deux murs de moellons de grès liés au mortier simplement au sol une sorte de rappel visuel d’un (fig. 4, R13 et fig. 15b) 58). Cette conduite se dirigeait égout factice, de même largeur que les autres et droit vers les thermes publics de l’agglomération. La construit avec les mêmes matériaux. À l’évidence, ces position de l’égout, à l’intérieur de la voie dans égouts participaient grandement à la qualification et à laquelle il était inséré, pose toutefois encore un la hiérarchisation des rues et des quartiers qu’ils problème d’interprétation en raison de l’étroitesse de traversent. Mais leur nombre et leur disposition la fouille qui avait pu être réalisée en 1973 et 1974. semblent aussi indiquer que les impératifs de drainage Le second, de direction nord-est / sud-ouest a pu ont sans doute au moins autant compté que ceux qui être mis en évidence sur une longueur de 22 m (fig. 4, viennent d’être évoqués dans les choix d’implantation R11 et fig. 15e) ce qui a permis de relever une pente de ces équipements. modérée de 0,8 cm / m 59. Ces égouts ont été abandonnés et comblés, dès la L’une des spécificités de l’équipement urbain des première moitié ou le milieu du iie s. pour ceux qui petites agglomérations du piémont occidental des parcourent la rue sud-est / nord-ouest 13, et à la fin du Pyrénées réside dans l’étonnante largeur des rues qui iiie ou au début du ive s. dans la rue sud-ouest/ les structurent. Ainsi, à Lescar, les voies dont il a été nord-est 11. Au moins dans ce dernier cas, le comble- possible de repérer les limites (rues 11, 15, 21 et 22) ment était assez soigné, probablement pour permettre mesurent de 18 à 20 m de large 62. Mais cette situation de continuer une circulation normale. Aussi, nous ne ne semble pas isolée, puisqu’à Oloron, les dimensions savons pas si, durant leur utilisation, ces égouts étaient relevées sont à peine inférieures – de 15 à 18 m dans à ciel ouvert, s’ils étaient fermés par le même type de l’emprise des fouilles de “l’Îlot Guynemer” 63. De plus, ces chaussées sont très solidement construites par d’épaisses couches d’assez gros galets. On a proposé d’expliquer cet apparent surdimensionnement par le caractère en quelque sorte semi-rural des aggloméra- 57- Un point plus complet dans Réchin 2008. tions concernées. Ainsi, leurs habitants auraient pu 58- Illustrations tirées de Bats 1975, 26 et 35. chercher dans ces larges voieries les dégagements 59- Une coupe stratigraphique, observée grâce à un sondage pratiqué sur le flanc de cette conduite, permet de mieux saisir la façon dont il a imposés par leurs activités agro-pastorales et par la été construit (fig. 15e) : La grave de la basse terrasse, fréquentée durant le règne d’Auguste et le tout début de celui de Tibère (sigillées italiques et gauloises précoces, amphores Pascual I), est rechargée de cailloux. Les dalles de grès gris du fond de l’égout sont posées au-dessus de la 60- Des conduites d’évacuation des eaux usées étaient encore surface ainsi formée (certaines se prolongent sous les murs), puis les construites exactement selon les mêmes principes et avec le même type deux murs délimitant la canalisation sont construits en élévation. Ces de dallage à Lescar au xixe s., à l’image de celle que nous avons pu murs sont bâtis en galets de grès jaune et de quartzite utilisés sous la mettre au jour lors de sondages d’évaluation sur l’oppidum du Bilaà forme de moellons liés au mortier de chaux. Ils mesuraient environ (=Vilar) entre le château de la famille d’Ariste et le rebord de la haute 45 cm de large (soit peut-être un pied et demi ?) et délimitaient une terrasse. conduite dont la largeur intérieure était de 68 à 70 cm sur une hauteur 61- Tronçons repérés respectivement par Fr. Réchin (1996), L. Wozny probable de 50 cm. (2006), Fr. Réchin (1997) puis M. Roudier (2009), Fr. Réchin (1996 et Un épais remblai, jusqu’à 45 cm d’épaisseur, est ensuite posé sur les 1999). flancs extérieurs des murs (US 11) afin de les épauler et de supporter 62- Réchin 2008, 144-146 et Wozny 2008, 114. les galets qui constituent l’essentiel de l’épaisseur de la rue. 63- Fouilles J.-Fr. Pichonneau (SRA Aquitaine) et L. Wozny (INRAP). 244 L’eau : usages, risques et représentations

a) Captage d’eau, b) Égout, Vialèr (fouilles 1973-1974 ; Côte Piteu Bats 1975, 35) (fouilles 1995 ; 0 5 m Réchin 2008, 156, fig. 30)

b) égout,

EMBARRATS ruptures de relief Vialèr (fouille 1973-1974) M6 M5

M4 R21

sens des écoulements H1 de la haute terrasse

VIALÈR

rue Vié Grande

rue du Bialé R12 thermes

H2 H3

R13 M8 R11 M7 LYCÉE M3 ADAPEI H4 M1 H10 R22

rue Rieupeyrous R14 H5 M2 MAU BEC

R15 (Vic de Devath l’Arriu) tuileau 1036 tuileau

H9 site n° 30 Sép.15

rue Maubec

H6

SAINT-JULIEN

H7 H8 HIAR rue du Hiaa cours d’eau antique

rue Sainte-Catherine

c) Canal de la rue Rieupeyrous d) Égout factice, Vialèr (fouilles 2001 ; (domaine de l’ADAPEI, Gangloff 2008, 102, fig. 8 et 9) fouilles 1999 ; Réchin 2008, 138, fig. 16)

e) Égout, Vialèr (domaine de l’ADAPEI, fouilles 1979 et 1993 ; Réchin 2008, 138, fig. 13)

——— Fig. 15. Lescar-Beneharnum. Équipements hydrauliques (documents : Fr. Réchin ; M. Bats et IRAA-CNRS, Bats 1975, 35). ——————— Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 245

circulation des troupeaux 64. Mais la disposition des grande maison tardo-antique qui marquait la limite rues de Lescar-Beneharnum montre qu’elles devaient occidentale de l’agglomération de Lescar-Beneharnum aussi jouer un rôle drainant considérable. Par exemple, (fig. 4, en arrière de M5). La forme de cette structure, c’était sans doute le cas de la voie 21, située parallèle- sa profondeur intérieure par rapport au sol extérieur ment et au pied du plateau qui domine la ville antique. de fréquentation, ainsi que la présence du petit canal La fouille préventive menée en 2009 sur son tracé qui en dérive vers le sud-est indiquent que cet ensemble occidental a montré qu’initialement, l’espace placé était une sorte de bassin destiné à canaliser une source entre cette voie et le relief était pratiquement vide recueillant les eaux qui filtraient de la haute terrasse d’occupation (fig. 4). Cette disposition, ajoutée à un dominant l’agglomération (fig. 15a). On constatera volume énorme de galets et à une inclinaison particu- qu’aucune trace de vanne ne restait inscrite dans le lière en direction du plateau, fait que cette rue mortier de cette construction, à la jonction du bassin remplissait toutes les conditions pour constituer un et de la conduite, là où l’on aurait pu s’attendre à la efficace glacis pouvant s’opposer aux ruissellements trouver. Si cette absence était bien réelle – une instal- qui menaçaient l’agglomération naissante, placée un lation rudimentaire en bois simplement bloquée peu en contrebas. Ce n’est que bien plus tard, au contre la paroi interne du bassin, et disparue au Bas-Empire, qu’une grande domus empiète sur la moment des fouilles, a toujours pu réguler le débit – bordure nord de la rue et vient occuper la zone inter- cela pourrait indiquer que le courant était continu à médiaire jusqu’ici libre de toute installation véritable- cet endroit. ment notable 65. Le reste des voies, disposées orthogo- Les témoignages d’habitants du quartier attestent nalement selon deux trames contemporaines diffé- la présence de plusieurs sources anciennes, placées rentes, a probablement aidé à compléter efficacement tout au long de cette jonction entre les deux terrasses ce dispositif en offrant une masse impressionnante de du gave. L’une de ces sources servait d’ailleurs encore galets dont les capacités drainantes sont bien connues à abreuver le troupeau de vaches qui paissaient dans dans l’architecture traditionnelle de la région. les parcelles du lieu, avant la construction du lotisse- ment qui a provoqué la fouille. Ce type de prise d’eau est resté largement utilisé jusqu’aux années 1960, utiLiser Les eaux fournissant une eau constante, fraîche, et correcte- Il serait injuste de ne décrire la cohabitation des ment filtrée, aux habitants du lieu. Pour autant la hommes avec l’hydrosystème que sous l’angle du fonction initiale exacte de cette structure n’est pas risque et des aménagements défensifs ou considérés connue : s’agissait-il d’un système destiné à alimenter comme tels. Aussi nous voudrions donner quelques les bains publics vers lesquels la conduite semble témoignages des dispositions originales, bien modestes effectivement orientée ? Devait-elle plutôt servir à pour certaines d’entres elles, plus élaborées pour vidanger les égouts ? Était-ce une fontaine construite d’autres, qui ont été mises en œuvre pour tirer profit pour fournir la ville en eau potable ? Il était tout aussi de la ressource aquatique, tant dans une perspective possible qu’elle réponde à plusieurs usages distincts. strictement utilitaire que, parfois, dans celle de Ainsi, la margelle assez basse de la structure ménageait renforcer l’attrait d’une demeure aristocratique. un accès direct à l’eau tant pour les hommes que, peut-être aussi, pour le bétail. Le résidu non consommé pouvait alors être dirigé vers la ville, à d’autres fins. Des captages d’eaux d’infiltration Il est important de noter que ce captage est 66 Un aménagement assez classique , destiné à antérieur à la construction de la domus qu’il desservait capter les eaux d’infiltration qui sourdent de la haute finalement (la conduite se dirige vers le centre de terrasse, a été découvert en 1995 en arrière de la l’habitation) 67. Il n’est donc pas impossible qu’une

64- Réchin 2008, 145. 67- La datation des charbons trouvés dans le comblement de 65- Fouille préventive de la société Hadès, Responsable d’Opération cette source montre qu’elle n’a été abandonnée que très tard (fortes M. Roudier. probabilités pour la fin du vie s.). Elle fonctionnait donc à l’époque où 66- Voir Adam 1984, 257-261. était habitée la maison 5. 246 L’eau : usages, risques et représentations

sorte de confiscation d’une source publique au profit tent un faciès de tradition indigène que l’on peut de l’habitation d’un notable local ait ainsi eu lieu à la plutôt assimiler à des campements plus ou moins fin de l’Antiquité. Mais il faut reconnaître qu’à cette durables. Aucun établissement véritablement perma- époque, la plus grande partie de la basse-ville était nent de type romain n’a été repéré dans les environs abandonnée, ce qui devait considérablement limiter immédiats, si l’on excepte la villa de l’Arribèra deus les besoins publics en eau, réduisant d’autant la gravité Gleisiars, à Lalonquette, à quatre kilomètres plus au de cette éventuelle spoliation. nord, et la petite concentration rurale de Sévignacq- Thèze (hameau ou village ?), à environ six kilomètres Par ailleurs, une source aménagée équivalente a au sud-est. été découverte à 1200 mètres à l’est de l’aggloméra- tion, au pied du rebord de plateau qui portait la villa L’opération, menée sur une surface de 2500 m2, a périurbaine du quartier Sent Miqueu, pratiquement à permis de mettre en évidence un ensemble de trois l’aplomb de ce bâtiment 68. Des travaux municipaux grands épandages de galets sur la rive ouest du ont en effet permis de repérer au sol des maçonneries ruisseau. Ces concentrations, d’axe est-ouest, sont d’aspect antique, un tuyau de plomb de même époque, perpendiculaires au ruisseau qui suit lui-même l’orien- ainsi que des fragments de tegulae qui ne laissent que tation générale nord-sud du plateau. Elles se succèdent peu de doute sur la datation de cette installation et du nord au sud sur environ quarante mètres et présen- attestent le caractère sans doute assez systématique de tent un plan similaire, caractérisé par un élargissement l’utilisation de ces eaux d’infiltration durant l’Anti- de la zone empierrée à l’approche de la rive, à l’empla- quité à Beneharnum. cement d’un niveau hydromorphe assez meuble. Les matériaux mis en œuvre sont constitués de galets de Un aménagement inédit : un gué ou un quartzite et de granit provenant certainement du lit point d’eau pour abreuver les troupeaux (?) du Gabas situé à environ deux kilomètres à l’est du site, en contrebas du plateau. Les modules employés La fouille menée en mars et avril 2009 au lieu-dit sont assez hétérogènes, mais les galets de grande “lande de Pouquet” à Miossens-Lanusse (Pyrénées- dimension (25 à 35 centimètres) semblent avoir été Atlantiques), à une vingtaine de kilomètres au nord privilégiés. de Pau, concerne un type d’installation rarement mis en évidence par l’archéologie (fig. 16) 69. Les vestiges Les contraintes réglementaires imposées au mis au jour sont implantés dans un environnement chantier n’ont pas permis d’approcher du cours actuel assez caractéristique, au bord du ruisseau du Tauzia du ruisseau, obligeant l’équipe de fouille à laisser une (Tausiar), au fond d’un petit vallon qui incise le vaste berme d’environ cinq mètres de large. Les dimensions glacis alluvial du plateau de Thèze, du sud-est au nord- des structures et leur aspect au contact du cours d’eau ouest. Cette zone, essentiellement occupée par des n’ont donc pas pu être déterminés avec toute la préci- landes et des pacages extensifs jusqu’à sa mise en sion voulue. Il a été toutefois possible de dégager la culture liée à l’adoption du maïs hybride dans les structure la plus méridionale sur environ 18 mètres de années 1960-1970, connaissait une densité très faible long et sur une largeur maximale de dix mètres en d’établissements à l’époque romaine. La plupart des direction du Tauzia. Les deux autres structures ont pu sites archéologiques, repérés en prospection être perçues sur environ 12 mètres de long pour programmée puis, plus récemment, lors des travaux environ sept à huit mètres de largeur. Cinq tranchées liés à la construction de l’autoroute A65, occupaient perpendiculaires ont toutefois été effectuées jusqu’à la bordure méridionale de cet espace, à l’aplomb de la environ un mètre du cours actuel du Tauzia. Cela a petite vallée du Luy de France 70. Mais ceux-ci présen- contribué non seulement à mettre en évidence le prolongement des empierrements jusqu’aux abords immédiats du cours d’eau mais aussi à percevoir ses déplacements latéraux au fil du temps. 68- Réchin 2008, 124, fig. 1, site n°36. La fouille a permis d’obtenir une chronologie 69- L’opération, menée sous la responsabilité d’A. Sartou (société EVEHA) fait suite à un diagnostic effectué entre septembre 2007 et relative de ces aménagements qui se sont déplacés du août 2008 par Fabrice Marembert (INRAP). Cette opération a précédé sud vers le nord au cours du temps. Le mobilier associé la construction de l’autoroute A65. à ces installations est très rare, mais la découverte, 70- Plana-Mallart & Réchin 2004, voir notamment la fig. 2, 223. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 247

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——— Fig. 16. Miossens-Lanusse (Pyrénées-Atlantiques). Installations de la “Lande de Pouquet” (A. Sartou, EVEHA). ———————

dans la structure la plus septentrionale, d’une La fonction de ces structures peut être envisagée de monnaie, qui semble avoir été frappée sous le règne de deux façons différentes. Soit il s’agissait de zones de Domitien, pourrait indiquer une utilisation de l’amé- stabilisation des abords du ruisseau, destinées à nagement durant la fin du ier s. ou le début du iie s. faciliter l’abreuvement des troupeaux, soit il faut les p.C. Les deux autres structures lui sont antérieures, envisager sous la forme de gués desservant des chemins mais rien ne permet d’en préciser la datation 71. Les d’axe est-ouest. similitudes qui existent dans la position et dans la La première hypothèse repose avant tout sur la mise en œuvre de ces installations pourraient configuration des structures et sur le contexte local. Il néanmoins plaider en faveur d’une succession rapide, existe en effet encore aujourd’hui, dans cette région durant une période assez resserrée. où le galet abonde, des aménagements sommaires de cette espèce, destinés à faciliter l’accès à l’eau des troupeaux. Assez faciles à mettre en œuvre malgré le poids considérable du matériau, ils ne nécessitent 71- Il faut noter la découverte d’un tesson d’amphore Dr. I, malheureusement mal rattaché aux structures. 248 L’eau : usages, risques et représentations

qu’un savoir-faire limité 72. Par ailleurs, la zone ne La mention sur le cadastre napoléonien d’un passage semble pas avoir fait l’objet, durant l’Antiquité, d’une à gué situé environ cinquante mètres au nord du site, mise en valeur agricole intensive, si l’on en juge par la pourrait indiquer le déplacement sur une centaine de rareté des découvertes réalisées sur le plateau lui-même. mètres d’une zone de franchissement beaucoup plus Aussi, l’hypothèse d’un élevage extensif paraît l’hypo- ancienne. Or, ce passage à gué servait de limite aux thèse à la fois la plus plausible et la plus étayée histori- paroisses de Miossens et de Lanusse et l’on sait que ce quement si l’on accepte de reporter sur la période type de limite a souvent été fixé au Moyen Âge sur des antique au moins une partie des réalités rurales qui itinéraires d’usage très ancien. On peut donc se ont prévalu ici, de la période médiévale aux années demander si les empierrements mis au jour ne corres- 1950. C’est donc bien dans ce contexte que ces pondraient pas à des passages à gué d’un même itiné- aménagements isolés au centre du plateau prendraient raire qui aurait été repris au Moyen Âge comme limite tout leur sens. On peut en effet s’interroger sur paroissiale. l’intérêt que pourrait présenter un aménagement de gué à cet endroit. Pourquoi construire successivement Mettre en scène sa demeure autour de l’eau trois passages d’une dizaine de mètres de large, alors même qu’aucun établissement ne se trouve à proxi- L’agrément que procure la vision d’un paysage mité et que les axes de circulation traditionnels (les aquatique, immobile ou mouvant, est une donnée poudges = podgas), tout comme la voie romaine non négligeable à l’heure d’examiner le choix de Bordeaux-Saragosse, sont orientés dans un sens l’implantation et des aménagements d’une villa 74. nord-sud ou nord-ouest / sud-est. Sur la commune Dans le secteur étudié ici, c’est surtout de l’époque du voisine de , le passage à gué de la grande voie Bas-Empire (ive-début du ve s.) que datent la plupart Bordeaux-Saragosse, sur un ruisseau équivalent à celui des constructions d’agrément liées à l’eau, particuliè- du Tauzia (la Brioulette, Vriuleta), mesure 10,40 m de rement discrètes jusque-là. 73 large . En admettant la présence d’un axe de circula- À Lalonquette, une galerie-portique latérale tion est-ouest à cet endroit, on peut douter qu’un couverte dont les extrémités adoptent un tracé cheminement aussi secondaire, traversant une zone e absidial, aménagée durant le iv s., s’étire sur environ aussi isolée, et qui ne serait par ailleurs doté d’aucun 30 m le long du Gabas, offrant une vue des plus revêtement, ait bénéficié d’un gué équivalent à ceux amènes sur des berges remaniées par la construction qui se trouvaient sur le tracé d’une voie interprovin- d’un jardin-esplanade et sur les méandres d’une rivière ciale. Ce gué aurait même été reconstruit à plusieurs (fig. 7). Cette appropriation de l’élément aquatique à reprises, sans qu’aucune trace patente de vétusté n’ait des fins esthétiques et ostentatoires est accentuée par été mise en évidence. On remarque aussi que, même la construction simultanée d’une cour à péristyle, s’il montrait une largeur supérieure à celle que l’on centrée sur une grande vasque de marbre blanc. De peut relever aujourd’hui, le petit ruisseau du Tauzia ne cette façon, l’eau, élément central du paysage extérieur représente pas un obstacle tel que l’on ait été contraint champêtre, domestiquée et valorisée par un dispositif de lui opposer de tels aménagements. luxueux de portiques et de mosaïques, devient à l’inté- La seconde hypothèse peut être néanmoins rieur de la demeure un élément central du confort et envisagée si l’on tient compte de la présence, dans des de la représentation sociale. niveaux postérieurs, de deux ornières comblées de Dans la villa du Pont-d’Oly à Jurançon (fig. 17), la galets reprenant le même axe que les empierrements. dimension esthétique est encore plus patente puisque deux ensembles résidentiels d’une même villa 75, se font face, séparés par une sorte d’“Euripe” de 15 m de 72- Une structure assez semblable, quoique plus modeste en taille, a largeur constitué par le Néez, dans lequel chacun se pu être fouillée par l’équipe d’Y. Henry (HADES) sur le site de la Cau à Billère (Pyrénées-Atlantiques) en 2006. Celle-ci donnait accès à une sorte de mare et était associée à un grand campement que l’on peut sans doute rattacher à une activité d’élevage extensif, en bordure du plateau humide du Pont-Long. 74- Cette question de l’agrément des demeures aristocratiques 73- Didierjean 2000, 246-247. Un exemple de gué, de morphologie placées au bord de l’eau a récemment été abordée par Bost 2007-2008 très différente, datable du haut Moyen Âge dans Pichot & Marguerie et Bedon 2007-2008 pour le nord de l’Aquitaine. 2004, 107 et 108, fig. 6. 75- Fabre 2006, 128. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 249

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——— Fig. 17. Jurançon (Pyrénées-Atlantiques), Villa du Pont-d’Oly (Fabre 2008, 125, ig. 1 ; Balmelle 1980, 147 à 158 et pl. LXXXIII). ———————

reflète 76, à l’image des structures doubles, érigées de vers des thèmes marins. Y figurent deux représenta- part et d’autre de l’Anio évoquées par Stace (Silves, tions du dieu Neptune au milieu de Néréides, des 1.3). Ce jeu de miroir est accentué par l’aménagement dauphins, des crustacés et autres mollusques. sensiblement symétrique des deux parties de la pars Cette pénétration de l’eau, réelle ou figurée, au urbana. L’ensemble situé sur l’ancienne rive gauche sein même des riches demeures rurales n’est certes pas accueille un impluvium (pièce E) et un balnéaire dont une spécialité aturaine. Ainsi, la villa du Palat à Saint- les mosaïques figurées sont exclusivement orientées Émilion (Gironde), à la fois pour sa position face à un immense bassin de façade et pour son programme décoratif utilisant des vertébrés aquatiques, témoigne 76- Fabre 2006, 129. 250 L’eau : usages, risques et représentations

ainsi d’une recherche similaire 77. Mais il demeure que ment occupé, en comparaison à d’autres régions cette esthétique prend dans le piémont occidental des méridionales. Pyrénées un caractère particulièrement affirmé et Dans ce cadre, l’attitude adoptée par les aména- parfois assez spécifique, comme en témoigne le traite- geurs peut sembler à bien des égards assez peu inter- ment de la mosaïque représentant le dieu Océan à ventionniste, aussi l’on se défiera ici des paradigmes Maubourguet (Hautes-Pyrénées) 78. trop facilement admis au sujet de l’œuvre des L’importance des travaux – l’esplanade de “Romains” dans ce domaine. Comme cela a été Lalonquette, créée en deux étapes, a nécessité la pose souvent souligné 81, ce comportement est assez général d’au minimum 400, puis 600 tonnes de terre 79 — et la durant l’Antiquité, eu égard aux moyens techniques qualité architecturale des réalisations — à l’instar de la disponibles à cette époque et aux ambitions finale- villa de Jurançon — montrent l’ampleur des moyens ment limitées des différents acteurs. Si les aménage- mobilisés pour ce projet privé. ments repérés dans les sites archéologiques pris comme exemples dans la zone d’étude sont en général de qualité et s’ils proposent une large gamme de concLusion réponses aux problèmes d’exploitation des ressources aquatiques et de cohabitation avec l’hydrosystème, Les considérations qui précèdent ont sans doute leur champ d’intervention est de fait limité, à la fois permis de lever un peu le voile sur certains aspects de dans leur objet et dans l’ampleur qui leur a été l’organisation des espaces des Pays de l’Adour durant conférée. Ils portent en effet très peu sur l’encadre- l’Antiquité et, à l’issue de cet exposé, il est possible de ment des cours d’eau qui a pourtant donné lieu formuler quelques remarques concernant les relations ailleurs à des travaux parfois considérables 82. En ayant existé entre les sociétés locales sud-aquitaines et revanche, les efforts ont bien davantage porté sur la l’hydrosystème auquel elles étaient confrontées. domestication des eaux de ruissellement, les disposi- La première de ces observations finales se rapporte tifs domestiques et agropastoraux, la qualification des à l’aléa hydrologique et à son évolution. Les coupes espaces urbains et la valorisation des habitats effectuées perpendiculairement aux cours d’eau aristocratiques. montrent assez clairement des traces de crues assez Dans ce pays sud-aquitain, marqué par la présence violentes et répétées au ier s. p.C., lesquelles coïncident de rivières impétueuses au régime particulièrement plutôt bien avec la situation générale. De même, tranché, la contrainte de l’eau semble avoir été intégrée conformément à ce que l’on observe ailleurs, une dès le départ et de façon assez efficace aux projets situation plus équilibrée l’emporte très vite, à partir d’aménagement ruraux et urbains 83. Globalement, les du iie s. La spécificité du profil sud-aquitain en la aménageurs ont avant tout adopté, dans la mesure du matière est surtout de ne présenter apparemment possible, une “stratégie d’évitement” vis-à-vis de aucun stigmate comparable à ceux qui ont été laissés l’hydrosystème. La proximité immédiate des cours par les grandes phases d’érosion et de colmatage en d’eaux n’a pas été recherchée à tout prix, car la rareté milieu méditerranéen 80. En même temps, les cours des voies véritablement navigables et le caractère d’eau semblent généralement dotés de lits peu limité, et dans tous les cas saisonniers, du trafic fluvial profonds, auxquels étaient associées de larges zones ne constituaient pas une contrepartie acceptable aux d’expansion et ils évoluent dans un paysage peu densé- risques d’inondations 84. Le parti a été pris de placer les habitats à distance plutôt que de canaliser et

77- Balmelle 2001, 404-405. 78- Balmelle & Doussau 1982. 81- Notamment par Ph. Leveau dans ce volume et dans Leveau 2006, 79- Réchin et al. 2006, 142 et 144. 297-302. 80- Les récentes fouilles préventives liées à la réalisation du tronçon 82- Allinne 2007, 7-14. d’autoroute Pau-Langon permettront peut-être de nuancer ce constat. 83- Comme le souligne E. Hermon à partir du témoignage des Les opérations réalisées sur les sites de Labarthe (la barta) à Argelos gromatiques (Hermon 2007-2008, 20-21), les opérations préalables de laissent ainsi penser qu’en certains endroits, de fortes solifluxions cadastration donnent aussi l’occasion de délimiter précisément les lits ont pu intervenir en milieu rural au début de l’Empire (diagnostic majeurs des cours d’eau. F. Marembert, INRAP). 84- Sillières 1992. Habiter et aménager L’espace au bord de L’eau dans Le piémont occidenaL des pyrénées 251

contraindre à outrance les réseaux fluviaux. Les aussi bien être révélateurs du rapport que les sociétés aménageurs ont donc avant tout tenté de réduire la locales entretenaient traditionnellement avec leur vulnérabilité des établissements, et d’établir un environnement. Ils pourraient, par exemple, être compromis acceptable, tenant compte d’impératifs rapprochés des options assez claires qui ont été tels que l’approvisionnement en eau et l’assurance de adoptées lors de la période initiale des grands aména- tirer profit d’un site favorable ou d’une position clé. gements ruraux du début de l’Empire. Ainsi, aux Par ailleurs, si la gamme des solutions techniques qui portes mêmes de Lescar-Beneharnum, le grand plateau est adoptée est large, elle est utilisée de façon plutôt marécageux du Pont-Long ne fait apparemment l’objet empirique et avec une grande économie de moyens, d’aucun drainage et ne reçoit ni occupation perma- en mettant à contribution des savoirs vernaculaires, nente, ni parcellaire orthonormé, à l’inverse de ce qui autant que ceux qui découlent de la savante hydrau- a été réalisé dans la plaine du Gave qu’il surplombe 86, lique romaine. et l’anthracologie montre la faible pression exercée sur ce milieu 87. Si le piémont occidental des Pyrénées fait Mais en définitive, il est possible de s’interroger l’objet d’un encadrement assez solide, grâce à des sur le fait que les aménagements hydrauliques les plus agglomérations modestes, mais bien réparties, et par aboutis remplissent des fonctions dont la dimension des villae imposantes et particulièrement pérennes, ostentatoire est importante, sinon déterminante. l’attitude adoptée face à l’hydrosystème révèle que Dans les villae, les cours d’eau sont utilisés comme des cette emprise est bien plus lâche que celle qui s’exer- éléments essentiels dans les dispositifs architecturaux çait à la même époque dans d’autres domaines géogra- qui confèrent à ces demeures une dimension palatiale. phiques, et qu’elle était appliquée selon des modes Il s’agit d’offrir au regard tous les signes d’une position d’exploitation du sol souvent extensifs 88. aristocratique bien assise, même si, comme à L’implantation des établissements et les dispositifs Lalonquette, l’essentiel des constructions, hormis les mis en place qui ont été examinés ici montrent que les thermes, est fait de galets, de terre et de bois. En ville, compromis adoptés par les différents acteurs impli- ceux qui étaient à l’initiative des travaux hydrauliques qués dans l’aménagement de l’espace tenaient d’abord tirent aussi un profit social considérable de ces équipe- compte de réalités régionales marquées par une assez ments et ne mobilisent guère leurs moyens pour faible densité d’occupation, un développement urbain aménager les berges. Lorsqu’ils agissent, c’est plutôt limité et, partant, probablement aussi une bonne dans le dessein de qualifier un espace urbain et de le capacité de résilience du milieu 89. hiérarchiser, ou d’offrir un approvisionnement en eau convenable au quotidien. À cet égard, ces aménage- Ainsi, le jugement porté sur l’organisation des ments sont, parmi d’autres, des éléments qui contri- espaces des Pays de l’Adour par le géographe S. Lerat, buent pleinement à définir les espaces urbains et les en 1963, à la veille de la révolution agricole qu’il identités socioculturelles. Les arbitrages qui ont été appelait de ses vœux, pourrait présenter une certaine réalisés confirment ici le caractère éminemment socio- validité pour les périodes antérieures : En maints culturel de la notion de risque et montrent que les endroits du Béarn et de la Chalosse, la variété des cultures, réponses adoptées ne peuvent être cantonnées dans la dispersion des fermes dans les parties les plus excentriques une dimension strictement technique. des finages, pourraient laisser croire à une prise de possession totale du sol et même à une certaine opulence de la région. Mais cette faiblesse des aménagements de protec- tion est sans doute aussi une constante dans les Pyrénées occidentales et leur piémont jusqu’au xixe s., moment où, sous la pression de facteurs qu’il serait enjeux dans le piémont provoquent, bien plus tôt (début du xive s.), hors de propos d’évoquer ici, les élites politiques et une forte mobilisation des autorités politiques (Tréton 2007, 5-9.). administratives mettent en avant la vulnérabilité des 86- Réchin 2008, 160-167 ; confirmé par le récent transect nord-sud 85 tracé lors de la construction de l’autoroute Pau-Langon. zones habitées et les risques qui les menacent . Les 87- Bats et al. 2008, 42-43. choix que nous venons d’étudier pourraient donc 88- Quelques hypothèses à ce sujet dans Réchin 2006. Le point sur la situation en montagne dans Leveau & Palet 2010, 178-183. 89- Alors que les études paléoenvironnementales n’étaient pas encore pratiquées par les archéologues, au moins dans le piémont des 85- Métailié 1993. La situation est très différente dans les Pyrénées Pyrénées, le médiéviste P. Tucoo-Chala avait très tôt attiré l’attention méditerranéennes, où les conditions climatiques et l’importance des sur le caractère très extensif de sa mise en valeur (Tucoo-Chala 1957). 252 L’eau : usages, risques et représentations

L’illusion est certaine et des observateurs avertis, au premier dû concentrer ses efforts et ses moyens de production sur une rang desquels nous plaçons Arthur Young, s’y sont laissé faible part du terroir, en tirant des landes la fumure indispen- tromper : de là des jugements erronés sur l’agriculture des sable aux terres cultivées. Aussi les campagnes aturiennes Pays de l’Adour. La réalité est différente. (…) Pour parvenir ont-elles toujours laissé aux observateurs attentifs l’impres- à des résultats à peine satisfaisants, elle [la paysannerie] a sion d’un aménagement inachevé 90.

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