Le Projet De La Beat Generation
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Délivré par UNIVERSITE DE PERPIGNAN VIA DOMITIA 544 Préparée au sein de l’école doctorale Et de l’unité de recherche CRESEM Spécialité : Littérature générale et comparée Présentée par Julien Ortéga : le projet de la Beat Libérer l’écriture Generation Soutenue le 22 Mai 2018 devant le jury composé de M. Timothy D. ALLMAN, journaliste et écrivain M. Antoine COPPOLANI, Professeur d'Histoire contemporaine, Université Paul Paul Valéry, Montpellier III Mme Anne-Marie MAMONTOFF, Professeur de sociologie, UPVD, Perpignan M. Frédéric MONNEYRON, Professeur de littérature générale et comparée, UPV UPVD, Perpignan Mme Élisabeth RALLO, Professeur émérite de littérature comparée, Université ded de Provence, Aix-en-Provence (rapporteur) M. Frédéric ROBERT, Maître de conférences HDR de civilisation américaine, U Université Jean Moulin, Lyon III (rapporteur) 1 2 Remerciements Près de dix ans viennent de s’écouler depuis la découverte d’On the Road et le point final de cette histoire. Malgré les nombreuses embûches et le temps qui court, la fougue du voyage est toujours là, vivante. Nommer ici l’ensemble des personnes ayant contribué à bâtir cette entreprise serait une tâche vaine. Elles seules savent l’ampleur de leur présence dans ma vie et c’est la raison pour laquelle je les en remercie en priorité. Néanmoins, je tiens à exprimer ma reconnaissance à Monsieur Frédéric Monneyron, mon directeur de thèse, qui a accompagné ce projet de son éveil à son envol. Je veux rendre également hommage à ma famille, sans qui jamais le chemin n'aurait été clairement délimité. Merci tout particulièrement à mon oncle Jonathan, à sa richesse intellectuelle et à ses nombreux conseils quand la voie est devenue trop sombre. Merci à ma mère, Hélène, à sa relecture et son goût inestimable pour les phrases claires et précises. Avant d’embarquer dans des régions lointaines et mystérieuses, j’ai eu la chance de rencontrer d’authentiques hobos et je me suis fait la promesse de leur dédier l’ensemble de mes recherches. Christophe B…, Édouard M…, Guillaume J…, plus que des hommes, les Gardiens d’une mémoire. Je garde vos visages, vos sourires et l’étincelle dans vos yeux au plus profond de mon cœur. Un dernier mot pour toi, lecteur, avant de t’aventurer au hasard de ses pages. Ce présent travail est conçu pour te permettre d’avancer à ton rythme à travers les époques et les légendes. Si tu es brave et curieux, la route te montrera ses trésors. Puisses-tu ressentir le souffle de la liberté et répondre à l’appel de l’inconnu. À présent suis-moi, la piste est encore fraîche… 3 « Consolez-nous enfin des espérances vaines : La route infructueuse a blessé nos pieds nus. Du sommet des grands caps, loin des rumeurs humaines, Ô vents ! Emportez-nous vers les Dieux inconnus ! » Charles Leconte de Lisle, Poèmes Antiques « Time past and time future What might have been and what has been Point to one end, which is always present ». Thomas Stearns Eliot, Four Quartets « The other man, just as lonesome as I am In this empty universe » Jack Kerouac, Book of haikus 4 Sommaire ● Prologue …............................................ page 5 ● Introduction ........................................... page 6 ● Partie I. Down Beat 1) Le « Grand Roman Américain : mythe et réalité …........ page 18 2) Les hobos de Jack London : sur le vif ............................. page 60 3) Au nom d’une Génération Perdue …............................... page 102 ● Partie II. On the Beat 1) À l’aube d’une révolte …............................................... page 145 2) Écrire pour se libérer …................................................. page 186 3) Beat et hippie, d’une révolution l’autre …..................... page 228 ● Partie III. And the Beat Goes On 1) Dystopie moderne et scandale sur écoute : la fin du rêve américain ............ page 270 2) To Bop or Not to Beat : une contestation musicale ….................................. page 312 3) After-beat : vers une libération prochaine ? …………………………......... page 354 5 ● Conclusion …........................................ page 395 ● Annexes Bibliographie …........................... page 407 Index des Noms ………………... page 424 6 Prologue Nous sommes dix. Des hommes affamés et fatigués, voyageant seuls ou parfois accompagnés. Nous nous ressemblons tous, un sac en bandoulière et les yeux chargés de remords. D’où viennent-ils ? Fuient-ils la vie comme moi ? Ils n’ont pas d’âge, pas d’identité mais se laissent porter par leurs rêves. « Donne-moi la main et je te montrerai où aller », m’avait-on dit il y a longtemps. Sans doute pour le pire mais surtout pour le meilleur. La route c’est ma raison de vivre. Nul ne peut comprendre sans y avoir goûté, pas même toi qui lis ces lignes tracées à la hâte avant qu’il ne fasse trop sombre. Masqués par la nuit, rôdeurs silencieux, nous sommes réunis pour apprendre et découvrir. Soudain, du changement dans le compartiment. Ils s’activent et déballent leurs affaires. Certains s’en vont dormir dans leur coin, d’autres roulent une cigarette et les voix s’élèvent. C’est la vie de nomade, se rencontrer pour mieux s’entraider. La confiance est peut-être notre seule défense face à l’autre ; si tu ne la mérites pas, passe ton chemin. Autour d’un feu et d’une casserole, des centaines de souvenirs se serrent les uns contre les autres pour se tenir chaud. Une bouteille de tord-boyaux circule ; l’alcool est le remède à tous les maux. Le ventre plein, repus, je m’allonge sur les planches. Sous mon oreille, à peine quelques centimètres plus bas, les rails défilent à grande vitesse. Là, perdus dans ce wagon battu par les vents, nous partons. Où ? au loin ; pour combien de temps ? l’Éternité. À l’aube, une terrible vague de froid s’engouffre dans le wagon. Frigorifié, je cherche vainement une source de chaleur autour de moi. Vite, le feu n’est peut-être pas tout à fait mort. Il n’y a plus de braises, de nourriture ni de présence. Je suis seul. Ils sont partis comme ils sont venus, sur la pointe des pieds. Des remords au cœur mais aucun regret, l’essentiel est de regarder droit devant. Peu à peu, le train ralenti à mesure que nous nous rapprochons d’une station. Je regarde par la porte entrouverte. Le soleil se lève à l’horizon. Dans le ciel, des oiseaux accompagnent ma course. La journée sera belle. Je crois à toutes les possibilités offertes par le hasard ; je crois en l’avenir de l’homme au sein des grands espaces. Je crois. Je serre fort mon cahier, mon fidèle ami et saute dans le vide. C’est le moment… 7 Introduction « Il faut être absolument modernes » Arthur Rimbaud, Une saison en enfer 8 Ce qui ne se vend pas ne peut perdurer. Le temps, c’est de l’argent qui se dénombre : quelques pièces par seconde, une journée pour une liasse de billets et des millions chaque année. Imaginer, produire, distribuer, récolter, détruire et tout recommencer, l’Histoire est sans fin. Victime d’un progrès élaboré par ses soins, l’homme est condamné à se réinventer perpétuellement, à proposer toujours plus afin de battre la concurrence et piétiner ses semblables dans la foulée pour se hisser à des niveaux inaccessibles. Celui qui atteint le sommet exerce les pleins pouvoirs sur les autres, une place de choix dans un monde arriviste. Tu travailles, je prends ; je commande, vous subissez. Plus dure sera la chute ? Le dicton ne se vérifie pas ici, en l’occurrence lorsque le sage se prémuni au préalable contre sa perte prochaine. À l’heure actuelle, le marché promet l’impossible pour que le consommateur trouve son bonheur sans avoir besoin de sortir de chez lui : livraison de courses à domicile, repas prêts à être réchauffés, surabondance de technologie, connexion en haut débit sur la surface du globe, informations en continue sur smartphone. Du mensonge en boîte, du paraître virtuel, la vie est une longue suite de faux-semblant. Aujourd’hui, tout s’achète, se monnaye et s’échange à prix d’or. La valeur des produits est surannée par rapport à ce qu’elle représente en réalité ; posséder ou se faire posséder, la place est vacante. Le commerce est sans aucun doute l’un des fléaux les plus destructeurs qui ait vu le jour depuis la fondation de la civilisation humaine. Malgré un aspect bénéfique dans l’exportation des matières premières entre les Nations – en temps de guerre ou bien en cas de graves pénuries, par exemple –, l’argent ne contribue pas au bonheur de celui qui en fait usage. Écran de fumée, pourvoyeur de plaisirs factices, il génère l’envie, l’avarice et la solitude. Depuis l’apparition des premières monnaies d’échange aux grandes spéculations boursières de Wall Street, on meurt pour lui, on délocalise pour sous-payer la main-d’œuvre et on promet beaucoup pour donner au final moins encore. Dans cette jungle où les fauves sont rois, l’astucieux fait la différence. Où trouver sa place au sein d’une société de consommation excessive ? Comment parvenir à s’élever si l’on ne partage pas les perspectives d’avenir promise par l’évolution ? Il est difficile de nos jours d’exister par soi-même, l’unicité ne fait plus recette depuis bien longtemps. À qui émerge au-dessus des autres, la méfiance est de rigueur, on regarde de haut une bête curieuse évoluant hors de la modernité. De l’indifférence au mépris, le couperet ne fait pas de distinction : vous n’existez pas. Mieux, votre voix n’a aucun poids dans la mise en place des règles servant à gouverner l’ensemble de la population. 9 Or, dans cette course éperdue au succès, nombreux sont ceux qui refusent une modernité imposée à contre-courant des valeurs anciennes dans lesquelles ils ont été élevés.