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Histoire Québec

Le 21 mai 1832, sur la Rue du Sang Gilles Boileau

Entre la mémoire et l’oubli Volume 6, numéro 3, mars 2001

URI : https://id.erudit.org/iderudit/11344ac

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Éditeur(s) La Fédération des sociétés d'histoire du Québec

ISSN 1201-4710 (imprimé) 1923-2101 (numérique)

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Citer cet article Boileau, G. (2001). Le 21 mai 1832, sur la Rue du Sang. Histoire Québec, 6(3), 8–12.

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HISTOIRE QUEBEC MARS 2001 PAfiE i consacre cinq lignes dans Une histoire mi­ 21 mai 1832, il y eut le 14 décembre litaire du Canada 1608-1991... 1837 «En 1832, le sang coula lors d'une Entre le 23 avril, date de l'ouver­ émeute électorale à Montréal: des officiers ture du poil, et le 22 mai, au moment de sa britanniques furent emprisonnés sous l'in­ fermeture, 1 378 citoyens iront voter en 23 culpation de meurtre. Les tribuns patrio­ jours. Au cours des six premiers jours, on tes enjolivèrent l'incident à leur profit en enregistra 751 votes, soit 55% du total des suggérant que les Habits rouges, assoiffés votes qui seraient donnés au total. Par la de sang, avaient délibérément massacré suite, le nombre de votes ira s'amenuisant d'innocents Canadiens français». sans cesse, les deux partis épuisant gra­ Quoi d'étonnant alors que devant duellement le bassin de leurs partisans. ces deux dernières interprétations des faits, Durant ces six premiers jours, M. Tracey l'on soit d'accord avec Denis Monière reçut 420 votes et M. Bagg 331, laissant (1987) quand il écrit dans Ludger Duvernay une majorité de 89 en faveur de M. Tracey er que... au soir du 1 mai. À compter de ce jour, «L'élection de 1832 marque indu­ la lutte deviendra de plus en plus incer­ bitablement un point tournant dans l'évo­ taine. lution idéologique des Patriotes qui n'ont C'est dans La Minerve que nous d'autre choix que de radicaliser leurs po­ pouvons suivre le mieux l'évolution de cette Monseigneur Jean-Jacques Lartigue, sitions». évêque du diocèse de Montréal en élection. En dépit de ses orientations poli­ Mais il faudrait surtout se souvenir 1836. Archevêché de Montréal tiques évidentes et de son appui incondi­ que les trois victimes du 21 mai 1832 tionnel à M. Tracey, le rédacteur du jour­ avaient nom : François Languedoc, Pierre senter le Quartier Ouest; il a des droits aux nal se rend compte de la position de plus Billet, Casimir Chauvin. Ils sont morts sur suffrages des électeurs et nous espérons en plus fragile du candidat du Parti natio­ la rue Saint-Jacques, que même Mgr Lar­ qu'ils ne seront point méconnus». nal. D'une parution à l'autre, le pessimisme tigue appelait à l'occasion la RUE DU SANG. Selon ses partisans, M. Daniel est de plus en plus évident et il en vient Le Quartier Ouest de Montréal en­ Tracey avait toutes les qualités requises même à douter de la victoire finale. globait cette partie de la ville comprise en­ pour devenir leur représentant à la Cham­ Devant la montée de l'intolérance tre l'actuelle rue Saint-Antoine (alors la rue bre d'Assemblée. Médecin d'origine irlan­ et la violence appréhendée, les magistrats Craig) et le fleuve, depuis l'actuelle rue daise et propriétaire du Vindicator, Daniel jugèrent bon d'intervenir. Le rapport qu'ils Saint-Sulpice et la Place d'/Armes à l'est, Tracey était arrivé au Canada en 1825. signèrent le 20 mai incite à la réflexion et jusqu'à la rue McGill et la Place des Com­ Emprisonné au début de 1832, en même laisse songeur. Il nous montre comment les missaires à l'ouest. La Rue du Sang était temps que Ludger Duvernay, pour atteinte magistrats ont accueiUi favorablement une au cœur de ce quadrilatère correspondant à la réputation des conseillers législatifs demande du «comité spécial de soutien à à une partie du Vieux-Montréal de l'an dont ils avaient dit qu'ils étaient des nui­ M. Bagg» demandant une protection par­ 2000. sances pubUques, Tracey était l'un des plus ticulière pour les amis de M. Bagg. Et parmi ardents défenseurs des droits des Cana­ les signataires de cette requête, il y avait L'heure des choix diens qui savaient reconnaître en lui son M. Bagg lui-même et Pierre-Edouard La Minerve, le 12 avril, publiait une lettre courage et son intégrité. Leclère, l'homme de la police. où plusieurs électeurs donnaient leur avis Le comité de soutien au candidat Parmi les personnages mis en cause quant au choix du prochain candidat pour Stanley Bagg était surtout constitué de ou concernés directement par ces incidents le Quartier Ouest: marchands et d'hommes d'affaires. On y du 21 mai il faut mentionner en premier «Mr Fisher, un des membres du trouvait entre autres Robert Armour, l'édi­ lieu l'officier rapporteur, M. Hippolyte St- Quartier Ouest, ayant résigné son siège à teur de la Gazette de Montréal, mais sur­ George Dupré; le grand connétable, M. la chambre, il est devenu nécessaire de le tout Pierre-Edouard Leclère, qui deviendra Benjamin Delisle; le greffier de la paix, M. remplacer. Depuis quelques jours on a un jour le surintendant de la police de John Delisle et le coroner, M. J.-C. parlé de plusieurs Messieurs comme devant Montréal. On retrouvera ce triste person­ Mondelet. se présenter. On a cité les noms de MM. nage le 14 décembre 1837, à la bataille de Parmi ces magistrats -chargés de Stanley Bagg, W. Phillips, Oliver Wait, Wm. Saint-Eustache, alors qu'ils sera à la tête faire respecter la loi et de maintenir l'or­ Walker, Jules Quesnel, D. Tracey, J.D. Fisher du Royal Rifles -avec le titre de dre- dont plusieurs portent des noms fort et quelques autres... À notre avis, de tous capitaine- pour combattre comme volon­ connus (Molson, Moffat, McGill-les «3M»), ces messieurs, D. Tracey, éditeur du taire sous les ordres de John Colborne, aux quelques-uns étaient soit conseillers légis­ Vindicator, serait le plus propre à repré- côtés des soldats britanniques. Après le latifs, soit représentants à la Chambre d'As-

HISTOIRE QUEBEC MARS 2001 PAfiE 9 semblée ou encore fonctionnaires de l'État. sacre de trois Canadiens, malgré les ca­ pour le Conseil législatif parus dans La Comment pouvaient-ils envisager l'arrivée nons braqués en face du lieu du poil, le Minerve et le Vindicator. Il joua un rôle de en Chambre d'un adversaire? tout à la demande des partisans de l'autre premier plan, en tant que magistrat, dans candidat, M. Tracey a été élu le vingt-troi­ les émeutes du 21 mai 1832. Sa conduite Le sang a coulé sième jour du poil. fielleuse à l'égard de tout ce qui était fran­ Le 24 mai, La Minerve titre «LE çais est légendaire. Qu'il suffise PARTI NATIONAL L'A EMPORTÉ de rapporter les paroles de Char­ MAIS LE SANG A COULÉ». Militai­ les Poulett Thomson, le succes­ res et connétables ont pris une part seur de Colborne, qui disait de active au massacre du 21 mai. Ces Moffat en 1840 qu'il était «la tête connétables étaient loin d'être im­ de cochon la plus obstinée et la partiaux. On sait d'ailleurs, grâce brute la plus hargneuse des Ca­ aux diverses listes contenues dans nadas». les documents Viger, pour qui ils ont Répondant à l'invitation des voté. j\insi, selon Jacques Viger, 335 magistrats, ce sont le Ueutenant- connétables spéciaux auraient été colonel Mcintosh et le capitaine assermentés. 82 auraient respecté Temple qui avaient ordonné aux une stricte neutralité. Des 253 troupes de faire feu sur les parti­ autres, 213 ont favorisé le candidat sans du Dr Tracey -trop bruyants Bagg et 40 seulement auraient mar­ aux yeux de certains- à leur sor­ qué leur préférence pour M. Tracey. tie du poil. Arrêtés deux fois, Donc les connétables-voteurs ont Mcintosh et Temple ne furent ni choisi Stanley Bagg dans une pro­ emprisonnés et surtout jamais portion de 84%. De tels chiffres condamnés. viennent contredire tous les dis­ Les incidents tragiques de la cours officiels, autant ceux du Gou­ rue St-Jacques provoquèrent ins­ verneur Aylmer que ceux des ma­ tantanément la plus vive indigna­ gistrats et autres personnages offi­ tion dans de nombreuses parois­ ciels. ses des alentours de Montréal. Des Au lendemain des malheu­ assemblées de protestation furent reux incidents du 21 mai, Papineau, Stanley Bagg tenues entre autres à Saint-Benoît dans une pressante et respectueuse -point névralgique de la rébellion invitation au Gouverneur, fait son devoir Pour son enquête, le coroner reçut de 1837 dans les Cantons du Nord- ainsi et donne à Aylmer l'occasion de montrer des dépositions, dont celle de John Jones qu'à St-Rémy de Napierville, Chambly, son intérêt pour le sort des Canadiens et et de George Moffat. John Jones était le Saint-Hyacinthe, L'Assomption, etc. Mais la surtout il lui donne la chance de manifes­ neveu de Pierre-Edouard Leclère, grand première eut heu à St-Athanase, du moins ter sa magnanimité et son sens de la jus­ animateur du comité de soutien à Stanley c'est de cette dernière dont les journaux tice. Presque tous les journaux reproche­ Bagg et l'un des grands responsables de la firent mention et rapportèrent les résolu­ ront ce geste à Papineau. Même L'Ami du police de Montréal. C'est chez John Jones tions. Peuple -qui ne paraîtra qu'en juillet- trou­ que l'ultra-loyaliste curé Jacques Paquin, Ces nombreuses assemblées de pro­ vera le moyen de fustiger l'orateur de l'As­ de Saint-Eustache, publiera en mai 1838 testation tenues dans les campagnes au len­ semblée pour ce geste qu'il qualifie de son Journal historique des événements ar­ demain du massacre du 21 mai provoquè­ «partisan et intéressé». Il faut dire que rivés dans le comté du Lac des Deux-Mon­ rent la colère des autorités et des journaux les MM. de Saint-Sulpice, grands patrons tagnes. Les deux hommes devaient bien du parti bureaucratique. Les journaux du de ce journal, ne portaient pas M. Papi­ s'entendre... le sabre au secours du gou­ parti national en firent largement mention neau dans leur cœur. pillon! et quelques-uns leur consacrèrent plu­ Le parti national l'a emporté sur Né en Angleterre en 1787, George sieurs colonnes. Le Canadien, journal de la faction anti-canadienne. Malgré la con­ Moffat était un homme d'affaires. Il entra Québec, souhaitait (le 11 juin) que l'exem­ duite faible et partiale de l'officier rappor­ au Conseil législatif du Bas-Canada en ple de St-Athanase soit suivi. En vérité, teur, malgré la violence, les menaces, la 1831. Il fut l'un de ceux qui insistèrent le c'est au Gouverneur que ces réunions po­ corruption, le parjure, contre lesquels M. plus pour faire incarcérer Ludger pulaires déplurent surtout. Tracey a eu à lutter, malgré la force mili­ Duvernay et Daniel Tracey au début de Bien que battu, le candidat Stanley taire envoyée contre lui, malgré le mas­ 1832, suite à des articles peu flatteurs Bagg ne semble pas avoir été très affecté

HISTOIRE QUÉBEC MARS 2001 PAfiE 10 par cette défaite. On le retrouvera dans les publié son premier numéro le samedi 21 cer un journal «ecclésiastique» eût échoué. mois suivants de plus en plus actif dans le juillet 1832. Se décrivant comme l'Ami du La Providence fait bien les choses! milieu des affaires et au sein des divers co­ Peuple, il se définissait également comme Au moment où est publié le premier mités constitutionnels dont les grands ob­ celui de la Religion. «Il sera l'organe de la numéro de L'Ami du Peuple, mourait à Mon­ jectifs étaient de soutenir la politique du vérité sur laquelle la religion est basée», tréal le député-médecin Daniel Tracey, élu Gouverneur et surtout d'assurer la survie écrivait Pierre-Edouard Leclère, son rédac­ le 22 mai. Il est décédé en combattant l'épi­ du Conseil législatif sous sa forme d'alors, teur... et aussi surintendant de police de démie de choléra qui ravageait Mont-réal. ce que combattaient le parti national et la Montréal. Mais le véritable directeur de ce L'Ami du Peuple a rapporté cette triste nou­ plus grande partie des représentants à la nouveau journal était en fait le sulpicien velle en neuf mots: «Décédé en cette ville, Chambre d'Assemblée qui souhaitaient un Vincent Quiblier, supérieur du Séminaire. mercredi dernier, Daniel Tracey écuyer». conseil élu par le peuple. Ce sont les MM. de St-Sulpice qui soute­ Le rejet de l'accusation contre les Alors que le calme semblait revenu- naient financièrement L'Ami du Peuple et militaires provoqua colère et déception. peu à peu à Montréal, les autorités décidè­ Quiblier en était l'inspiration et l'éminence La lecture attentive du jugement est des rent d'y augmenter le nombre de troupes grise. Quiblier, durant cette crise, se ser­ plus édifiantes. Même si le commentaire déjà en garnison aux casernes de Me Sainte- vit de ce journal pour appuyer le gouver­ vient de sources sympathiques au parti de Hélène. Serait-ce intimidation ou provoca­ neur. M. Daniel Tracey, on ne peut que s'interro­ tion? D'ailleurs, les journaux du temps fai­ Au moment où le sort des biens du ger sur ce type de justice qui fit en sorte saient très souvent mention des mouve­ Séminaire de Saint-Sulpice était toujours que tous les membres du jury étaient de ments de troupes à travers le Bas-Canada indécis, il est de bon ton de montrer toute langue anglaise et dont 10 sur 14 habitaient et des fréquentesmanoeuvre s et défilés des la confiance qu'on a envers l'administra­ à Lachine. Et le président, le dénommé miliciens dans les rues de Mont-réal. tion (et même le Conseil législatif) et sur­ Charles Penner, sera bien récompensé dans tout envers le roi, notre père... Ce journal, les années qui suivront, obtenant des auto­ L'opportunisme et la servilité des Sulpiciens par hasard, paraît deux mois à peine après rités reconnaissantes quelques privilèges L'Ami du Peuple, de l'Ordre et des Lois a que la tentative de Mgr Lartigue pour lan­ et belles fonctions...

Aylmer adressera également un message de satisfaction à Mcintosh, à Temple et aux soldats qui ont fait feu sur les Canadiens et tué Languedoc, Billet et Chauvin. La Presse 1937

HISTOIRE QUEBEC MARS 2001 PAfiE 11 L'Ami du Peuple se réjouit du ver­ deux militaires furent blanchis et relâchés marguilliers «de ne permettre qu'un sim­ dict du grand jury favorable aux militaires par suite d'interventions abusives des auto­ ple service de deux cloches». Selon et aux magistrats, Fallait-il s'en surpren­ rités. Quesnel -l'un des magistrats impliqués dre? Pouvait-il vraiment en être autrement Quelques mois plus tard, à Londres, dans la décision de recourir aux troupes compte tenu de la nature et des orienta­ le roi invita Mcintosh à sa table et le dé­ en cette malheureuse journée du 21 mai tions de ce journal et de ceux qui le rédi­ cora. Un tel geste permet de croire, avec 1832- ce service anniversaire avait pour geaient? raison sans doute, qu'on approuvait à Lon­ but évident «de créer et d'entretenir des dres les décisions prises au Parlement du animosités». Les marguilliers approuvè­ Les assassins invités à la table du roi Bas-Canada par le Gouverneur et ses con­ rent la proposition Quesnel-Quiblier mais À peine les jurés ont-ils fait connaître le seillers. le marguillier en charge, M. Leprohon, en résultat de leurs délibérations -l'acquitte­ En mai 1833, les Canadiens voulu­ raison des pouvoirs attachés à ses fonc­ ment de Mcintosh et de Temple- que le rent se souvenir en organisant une céré­ tions, passa outre à cette résolution et auto­ Gouverneur, Lord Aylmer, s'empresse monie en mémoire des trois victimes de la risa la cérémonie. d'adresser un message de félicitations aux Rue du Sang. Cette cérémonie a failli ne L'élection de 1832 dans le Quartier magistrats de Montréal où il approuve leur pas avoir lieu en raison de l'action con­ Ouest de Montréal préparait en quelque conduite lors des événements tragiques du certée du marguillier Jules Quesnel et du sorte le mouvement insurrectionnel de 21 mai. Cette façon de faire est inaccepta­ supérieur du Séminaire, M. Vincent 1837-1838. • ble aux yeux de La Minerve et du Cana­ Quiblier, qui proposèrent à l'assemblée des dien, mais elle réjouit L'Ami du Peuple. Aylmer adressera également un message de satisfaction à Mcintosh, à Temple et aux soldats qui ont fait feu sur les Canadiens et 6 septembre 1827 tué Languedoc, Billet et Chauvin. Mais les La Minerve documents en question ont été adressés en priorité aux journaux bureaucratiques. La Minerve a dû attendre... et traduire ces AJOHN SIMPSON, ECUYER, ALI COTEAU DU LAC précieuses missives en provenance du Châ­ Monsieur... H a paru dans La Gazette de Montréal imprimée et publiée sous l'Auto­ teau St-Louis. rité Royale par Robert Armour, imprimeur de la très Excellente Majesté du Roi À propos des messages plus que pour le District de Montréal, sous la date du 20 et du 23 d'août courant, une adresse sympathiques adressés par Aylmer aux aux électeurs du comté d'York qui porte votre nom. magistrats et aux militaires, La Minerve Comme ce document contient plusieurs allégués faux et attentatoires à no­ écrit... «Dans ces documents, le Gouver­ tre réputation et à notre caractère comme prêtres et curés, nous ne croyons pas neur qui jamais ne s'est donné la peine pouvoir le passer sous silence. d'enquérir sur le sujet, et qui ne connaît En conséquence nous vous requerrons par la présente de rétracter les allé­ que les représentations ex parte des cou­ gués en question et de les contredire par un autre document sous votre seing et qui pables, prend pour vrais tous les allégués sera aussi rendu public par la voie de la presse que l'ont été les accusations que du parti bureaucratique et base là-dessus vous avez portées contre nous dans l'adresse susdite. son commentaire». La Minerve a la certi­ À défaut par vous de vous conformer à notre présente réquisition sous huit tude que le Gouverneur approuvait la con­ jours de la réception de cette lettre, nous vous notifions que nous sommes décidés duite des magistrats et des militaires même à vous poursuivre dans toute la rigueur de la loi. avant le procès. Pourrait-on en douter? Mr Manseau est chargé de nous faire parvenir votre réponse. M. Joseph Roy est l'un des rares magistrats à s'être opposé à plusieurs des Comté d'York, 24e d'août 1827 décisions prises par ses collègues lors de la crise de mai. Il prit la courageuse déci­ J. Paquin, curé de St-Eustache sion de faire arrêter de nouveau le lieute­ P.J. De Lamothe, curé de Ste-Scholastique nant-colonel Mcintosh et le capitaine Tem­ PS. Archambault, prêtre, curé de St-Michel de Vaudreuil ple, ce qui lui attirera par la suite de nom­ J.Z. Caron, prêtre, curé de l'Isle Perrot breux ennuis, sans compter que les hauts A. Manseau, prêtre, curé des Cèdres responsables de la justice dans la province L.M. Brassard, prêtre, curé de St-Polycarpe anéantirent par des moyens parfois dou­ M.T. Félix, prêtre, curé de St-Benoît teux la tentative de ce magistrat de faire H. Hudon, prêtre, curé de Rigaud en sorte que justice soit bien rendue. Les

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