N° 026 027 Dossier LES ATELIERS D'artistes
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
LES ATELIERS D’ARTISTES ATELIERS LES DOSSIER N°026-027 Avril 2018 | N° 026027 Dossier LES ATELIERS D’ARTISTES Varia L’AMÉNAGEMENT INTÉRIEUR DE L’IRPA ENTRETIENS DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL L’ART D’ÊTRE ARTISTE CHEZ SOI LES ATELIERS DOSSIER D’ARTISTES DU XIXE SIÈCLE À BRUXELLES LINDA VAN SANTVOORT PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ DE GAND Façade de la maison-atelier du peintre Albert Cortvriendt (1900), rue de Nancy 6-8 à Bruxelles, arch. L. Sneyers (A. de Ville de Goyet, 2018 © BUP/BSE). COMME CAPITALE D’UNE JEUNE NATION, BRUXELLES CONNAÎT, DANS LE COURANT DU XIXE SIÈCLE, UNE FORTE PROSPÉRITÉ ÉCONOMIQUE ET CULTURELLE. CETTE PÉRIODE FASTE POUR LES ARTS VIT DE NOMBREUX ARTISTES VENIR S’Y ÉTABLIR ET PARTICIPER AU FLEURISSEMENT D’UNE DYNAMIQUE ARTISTIQUE. À la Belle Époque furent réalisées quelques habitations d’artistes spectaculaires qui pouvaient rivaliser avec des exemples de renommée internationale. Les ateliers d’artistes du XIXe siècle qui subsistent encore aujourd’hui à Bruxelles, ne sont qu’une infime fraction de ce qu’a connu jadis la Capitale en tant que métropole de l’art. Cet article issu du travail doctoral de l’auteure1 se focalise sur les habitations et/ou ateliers d’artistes construits par et pour ces derniers. L’accent est ainsi mis sur l’architecture et sur la spécificité du programme architectural afin de rappeler le souvenir de cette richesse et de dresser un cadre pour le patrimoine préservé. « Il y a deux manières d’être artiste tait l’illustre artiste pour contempler dant de la revue The Studio, Fernand chez soi... La seconde consiste à cette minuscule chose. Je ne me Khnopff connaissait bien la scène demander conseil à un architecte rendais pas compte que cette dis- artistique londonienne. Il n’y visita ayant du goût, mais la première proportion n’existait que pour moi pas seulement la Leighton House, consiste à en avoir soi-même »2. La et non pour ceux qui accordaient à mais fut surtout impressionné par culture de l’atelier est propre à la un tableau de Meissonier, quel qu‘en la maison-atelier de l’artiste fri- période de faste artistique du XIXe fût le format, l’importance des son Lawrence Alma-Tadema, éga- siècle. Les métropoles artistiques plus vastes toiles des plus grands lement établi à Londres. Dans une telles que Paris, Londres, Munich et artistes des siècles précédents. »4 série de conférences données à Vienne donnaient le ton. Paris fas- l’Académie Royale des Beaux-Arts cinait les artistes belges. Une visite Le luxe des ateliers de Londres5 de Bruxelles, Khnopff apporte un à la capitale française faisait, pour était encore plus imposant que celui témoignage au sujet de cette mai- eux, partie intégrante de leur for- de Paris. Holland Park était entouré son : « Ce qui charmait surtout, mation, et cela comprenait égale- d’une colonie d’artistes tels que c’était l’harmonie de l’ensemble et ment des visites à domicile chez des Frederic Leighton et bien d’autres. ce sentiment de composition qui se artistes. Dans sa jeunesse, en 1884, Ici, l’architecture allait de pair avec remarque chez l’artiste autant pour Henry van de Velde rendit ainsi visite un mode de vie artistique. La maison l’arrangement des objets familiers à l’incomparable atelier3 de l’ar- de Leighton – construite et transfor- que pour le choix des éléments de tiste français Jean-Louis Ernest mée d’après les plans de George ses œuvres. Ce sentiment de la par- Meissonier, où il s’étonna de la dis- Aitchison6 – réunissait l’atelier avec faite mise en scène »7. Khnopff se proportion entre l’œuvre minus- une fonction d’accueil. En guise de sentait touché par la mise en scène, 2018 AVRIL - N°026-027 cule de l’artiste et les dimensions cerise sur le gâteau, lui fut adjoint si propre à la culture de l’atelier, et incroyables de l’atelier. Van de Velde l’Arab hall, dans lequel Leighton a qu’il a également savamment orga- exprima son indignation à ce sujet intégré sa collection de carreaux nisée dans sa propre maison d’après dans ses mémoires et s’interrogea d’après un projet de Walter Crane. un projet de l’architecte Édouard d’emblée aussi sur les excès – à son La maison était également une Pelseneer8. Mais Khnopff fut inspiré sens – de cette culture d’atelier. « Il attraction du vivant de l’artiste, surtout par la villa de l’artiste muni- m’avait donc fallu traverser le hall qui accueillait tant la bourgeoisie chois Franz von Stuck, dont il pos- imposant, l’escalier monumental et que des artistes anglais et étran- sédait lui-même une œuvre exposée les grands salons du palais où habi- gers. En sa qualité de correspon- dans son atelier. La maison person- BRUXELLES PATRIMOINES 007 L’ART D’ÊTRE ARtiste cheZ SOI Fig. 1a et 1b Villa-atelier de l’artiste peintre Fernand Khnopff (1900 - démolie en 1938), angle de l’avenue Jeanne et de l’avenue des Courses, Bruxelles-Extension Sud (adresse initiale), arch. E. Pelseneer. Fig. 1a : façade (L’Émulation, 1927, n° 3, p. 39) et fig. 1b: intérieur (extrait de LAILLET, H., « The home of an artist: M. Fernand Khnopffs villa at Brussels », in The Studio , vol. 57, n° 237, 1912, p. 205). nelle de Khnopff se voulait une sym- sont, en effet, les principaux ingré- d’exposition où visiteurs et clients biose de toutes ces impressions et dients dans la construction de l’es- pouvaient admirer l’œuvre d’art en sur le plan architectural, elle était pace de travail d’un artiste11. La toute quiétude. À la fin du XIXe siècle, fortement inspirée de la Sécession manière dont un atelier est organisé certains artistes disposaient égale- viennoise et du travail de l’architecte et aménagé est déterminée par l’art ment d’une chambre noire, parce Josef Hoffmann, à qui l’artiste vouait qui y est exercé. Il existe une diffé- qu’ils utilisaient la photographie une grande admiration (fig.1a et 1b)9. rence notable entre les ateliers des comme « outil » dans le processus peintres et ceux des sculpteurs. de création. Ces derniers sont confrontés à de LA TYPOLOGIE DE grands défis en termes d’acces- L’atelier se développa de la sorte en L’ATELIER D’ARTISTE sibilité, d’apports de matériaux et un programme complet. La com- d’organisation. Les sculpteurs se binaison entre travail et habitation Dans une étude relative à la vie voyaient ainsi contraints d’instal- était à cet égard une préoccupation quotidienne de l’artiste français au ler l’atelier au rez-de-chaussée, qui qui jouait un rôle important, surtout XIXe siècle, Jacques Lethève livre était souvent séparé de l’habitation. à la fin du XIXe siècle: les artistes une description de l’atelier qui cor- Les peintres, en revanche, optaient recherchaient un équilibre entre respond à l’image que nous nous plus souvent pour un atelier com- la vie privée et la vie publique et en faisons souvent spontanément : biné, voire même intégré dans la jouaient très consciemment de cette « L’atelier est une grande pièce rec- partie habitation. Dans les ateliers frontière, parfois très mince. Le tangulaire, au plafond beaucoup du XIXe siècle, il était plus que cou- statut social de l’artiste s’accrut et plus élevé que dans un logis ordi- tumier de prévoir toute une série le mythe du génie créatif fut ainsi naire. L’éclairage y vient de fenêtres de fonctions annexes autour du lieu conservé, voire délibérément mis hautes, situées d’un seul côté ou de travail proprement dit, comme en scène12. Les études sur l’archi- encore d’une verrière oblique d’où un espace de toilette pour les tecture des habitations et ateliers tombe le jour froid venu du nord ; modèles, un espace de rangement d’artistes doivent tenir compte de le soleil ne doit pas pénétrer pour pour les toiles achevées et inache- cette propension à la représenta- éviter les reflets et les taches de vées et pour les modèles en plâtre, tion qui joue un grand rôle dans les lumière. »10 Lumière et espace une petite (ou parfois grande) pièce sources iconographiques, telles les 008 N°026-027 - AVRIL 2018 AVRIL - N°026-027 Fig. 2 Société Palladio, projet de concours pour une habitation d’artiste, 1844, arch. Frédéric Vander Rit (© AVB, Plans Portefeuilles 2214). BRUXELLES PATRIMOINES 009 L’ART D’ÊTRE ARtiste cheZ SOI Fig. 4 Habitation du sculpteur Louis Jéhotte (1840, démolie), avenue des Arts 51 à Fig. 3 Saint-Josse-ten-Noode, arch. E. Lavergne (© archives communales de Saint-Josse- Maison-atelier de l’artiste peintre François-Joseph Navez (1824 - démoli en 1874), ten-Noode, Service d’Urbanisme, permis rue Royale 35 à Bruxelles, arch. T.-Fr. Suys (© AVB, TP 20815). d’urbanisme n°28, 1840). peintures et les photos d’ateliers. était abordé sous un angle « aca- dérait cet aspect comme subal- Les plans de construction – qui ont démique ». Libérés des entraves terne. Il n’existe aucun doute quant une fonction purement adminis- budgétaires ou autres, les jeunes au fait que tous ces projets visaient trative, mais qui ne sont hélas pas créateurs laissèrent libre cours à un concept néoclassique idéal, dont toujours disponibles – dévoilent en leur imagination dans leurs pro- l’ampleur et la finition étaient très revanche les circonstances réelles positions. L’habitation (côté rue) éloignées de la réalité (fig. 2). de l’organisation des ateliers et du était, dans tous les cas, associée à programme d’habitation et sont ici un atelier dans le jardin (à l’arrière Il ne faut pas s’étonner que Tilman- d’une valeur inestimable.