99 NOTES DE BAS DE PAGE PRÉPARATOIRES À UN ARTICLE Une Actualité Inépuisable Actualité Une HYPOTHÉTIQUE QUIAURAITVOULU TENTER D’EXPLIQUER QUI FUT ROMAIN GARY
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Fichier Romain Gary 22 04 2014_Maquette fichier 2008 130 x 210.qxd 22/04/2014 14:59 Page 223 99 NOTES DE BAS DE PAGE PRÉPARATOIRES À UN ARTICLE Une actualité inépuisable actualité Une HYPOTHÉTIQUE QUIAURAITVOULU TENTER D’EXPLIQUER QUI FUT ROMAIN GARY 1. Romain Kacew et sa mère Mina Owczyńska, une comédienne d’origine juive, arrivent à Nice en 1928. Il aura 14 ans. Elle va y gérer une petite pension de famille fréquentée par l’aristocratie russe. 2. « Je suis le fils d’un homme qui m’a laissé toute ma vie en état de manque », phrase pourtant extraite de Pseudo, ne peut qu’évoquer ce départ du père. 3. Ce père inventé, en tout cas incertain, est Ivan Ilitch Mosjoukine, le grand acteur russe du cinéma muet (qui présente une ressemblance d’ailleurs frappante avec Romain) et non Arieh Leib Kacew. 4. « C’était pas jojo, de vivre avec elle, à Nice », explique Gary dans une interview. « Si quelqu’un lui avait “manqué”, il fallait qu’à treize ans, j’aille lui casser la gueule, au type. » 5. Ville lituanienne, natale, de Roman Kacew, Vilna. Pourtant, Gary n’évoque Wilno (nom polonais de la ville) qu’en à peine quelques mots, dans La Promesse de l’aube : lui et sa mère y étaient « alors, de passage ». Gary aura toujours été « de passage ». Fichier Romain Gary 22 04 2014_Maquette fichier 2008 130 x 210.qxd 22/04/2014 14:59 Page 224 224 99 NOTES DE BAS DE PAGE... 6. Gary s’essaye d’abord à la peinture, puis à la musique, avant de s’orienter vers l’écriture. 7. Ses premières œuvres sont écrites sous son vrai nom (francisé) de Romain Kacew. Il s’agit de deux nouvelles, L’Orage et Une petite femme, publiées en 1935 dans Gringoire, et d’un roman non publié, écrit en 1937, Le Vin des morts. 8. En 1935, Gringoire, nationaliste et anticommuniste, n’est pas le torchon antisémite qu’il deviendra sous l’Occupation. C’est le journal de Joseph Kessel, un écrivain qu’il admire et auquel on le comparera. 9. Sa première nouvelle, L’Orage, est une rencontre érotique qui débouche sur un suicide. 10. « J’écrivais comme un enragé », note Gary, qui cessera d’y collaborer quand le journal affichera trop exclusivement ses sympathies fascistes. 11. Il s’agit de pseudonymes « nobles » (Roland de Chantecler, Roland de Mysore, Roland Campeador, Armand de la Torre) ou russes (Alexandre Natal). Pour sa mère Mina : « Un grand écrivain français ne peut pas porter un nom russe. » 12. Quatre, au moins, si l’on veut bien considérer que Romain Gary est le pseudonyme de Roman Kacew. Les trois autres sont ceux de Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat (« le vagabond opulent » en russe) et bien sûr d’Émile Ajar. 13. Sur ce sujet complexe et controversé, on lira avec profit la très complète et fouillée biographie de Gary par Myriam Anissimov. 14. Le « Blenheim » est un bombardier britannique. Dans l’équipage, Gary, désormais membre des Forces Françaises Libres, est navigateur, celui qui guide le pilote vers l’objectif. 15. C’est en février 1941 que cette lettre lui est envoyée de Nice. Sa mère vient de mourir à 61 ans. Romain dit « cesser d’exister, ne plus rien avoir à perdre ». 16. Dans La Promesse de l’aube, la mère de Roman, Nina, ne meurt — pour lui — qu’à la fin de la guerre, par ce stratagème romanesque d’une correspondance post-mortem, pure invention de l’écrivain Gary pour la maintenir fictivement en vie. Fichier Romain Gary 22 04 2014_Maquette fichier 2008 130 x 210.qxd 22/04/2014 14:59 Page 225 HERVÉ LE TELLIER 225 17. Autre exemple de l’omniprésence de Nina : plus de vingt ans après son décès, Gary parle sans cesse d’elle au présent : « On m’a proposé de me présenter à l’Académie française [au fauteuil de Joseph Kessel]. Ma mère va être furieuse, mais c’est non. » 18. Les bombardiers d’attaque sont de type « Boston ». L’Angleterre en construira 7478 exemplaires. Robustes et rapides, ils vont bombarder l’Europe. 19. L’escadrille à laquelle appartient Gary, le groupe bombardier « Lorraine », sera bien plus que décimée. Cinq survivants, sur 113 membres. 20. L’un de ses camarades donnera son nom au personnage de Morel dans Les Racines du ciel. 21. En 1944, alors que son bombardier survole Saint-Omer, Romain est blessé. Il achève sa mission en héros dans un cockpit fracassé. Le sang sur son battle dress n’est pas français, écrit-il, « mais la France coule dans mes veines ». 22. Chaque nuit, entre deux missions, comme habité, Romain écrit son roman, Éducation européenne, qui recevra le Prix des Critiques en 1945. 23. Il sera d’ailleurs en 1962 l’un des cinq coscénaristes (avec James Jones, David Pursall, Cornelius Ryan et Jack Seddon) du film Le Jour le plus long. 24. À ce propos, lire A Tall Story, l’excellente et irrévérencieuse biographie de Gary par David Bellos, pas encore hélas traduite en français. 25. Ce mot revient plusieurs fois, en particulier dans cette page où Gary écrit : « [Ma mère] m’avait fait plusieurs promesses. [….] Tu seras Guynemer, tu seras Victor Hugo ». Il offre ainsi une autre lecture possible du titre, lui qui se voyait « constamment dans un regard passionné et éperdu comme unique, incomparable, doté de toutes les qualités et promis à la voie triomphale » et affirmait souffrir « du gouffre entre cette image de grandeur et [sa] piètre réalité ». La « promesse de l’aube » parlerait aussi de l’incapacité de la vie à accomplir les rêves de sa mère. 26. Le premier poste de Gary en 1946, comme diplomate, est celui de secrétaire d’ambassade à Sofia. Il n’a que 32 ans. Fichier Romain Gary 22 04 2014_Maquette fichier 2008 130 x 210.qxd 22/04/2014 14:59 Page 226 226 99 NOTES DE BAS DE PAGE... 27. Le stalinien Georgi Dimitrov prend le pouvoir, et, le 23 septembre 1947, fait pendre Nikola Petkov, chef de l’opposition agrarienne et ami de Gary. Le soir même, dit-on, Gary doit dîner avec Dimitrov. 28. Le mot est de sa femme, Lesley Blanch, l’écrivaine britannique et journaliste, épousée en avril 1945 : « spleen slave » le présente comme un pleureur compulsif (lire Romain, un regard particulier, récit, de Lesley Blanch, Actes Sud). 29. Il est nommé consul de France en Californie en 1956. Il aura entraîné sa femme de la Bulgarie à la Suisse, puis à New York et Los Angeles. 30. Couve de Murville (1907-1999), ministre des Affaires étrangères de de Gaulle (bien que Directeur des finances de Vichy jusqu’en mars 1943 — et qui rejoindra le général peu après que les Alliés ont débarqué en Afrique du Nord, et un mois après le tournant militaire de la victoire russe de Stalingrad), jugeait qu’un juif ne saurait représenter la France à l’étranger. 31. De même, Gary fut le seul, de toute sa promotion de l’École de l’Air, à ne pas obtenir le grade d’officier. « Français de trop fraîche date », écrit-il dans La Promesse de l’aube. 32. La promotion de l’ENA 2003-2005 porte le nom de Romain Gary. 33. C’est à tort qu’il se raconte désormais en Côte d’Ivoire que Gary s’est inspiré de la vie de Raphaël Matta, inspecteur en chef de la réserve de Bouna, protecteur exalté des éléphants, pour créer son personnage de Morel. Car Les Racines du ciel est commencé en 1952, publié en 1956, et Matta meurt assassiné par la tribu des Lobi en 1959. Au contraire, c’est Matta, fasciné par l’histoire de Morel, qui s’y est identifié. 34. Le premier titre que proposa Gary était L’Affaire Homme. Mais Gaston Gallimard trouvait le titre « détestable », et l’autre suggestion Amis de l’homme « banale ». C’est « sans hésitation » qu’il recommandait Les Racines du ciel, que Gary accepta à regret. Fichier Romain Gary 22 04 2014_Maquette fichier 2008 130 x 210.qxd 22/04/2014 14:59 Page 227 HERVÉ LE TELLIER 227 35. Des Racines du ciel, qui vient de recevoir le Goncourt, le critique et écrivain Kléber Haedens affirmera qu’il n’y a pas « d’ouvrage aussi lourdement incorrect dans toute l’histoire de la littérature française ». 36. Haedens, proche de l’Action française, secrétaire de Maurras pendant la guerre, collaborateur, second couteau de la littérature (bien qu’ami de Blondin), a bien des raisons de détester le métèque Gary. Gary en sourit : « J’étais à La Paz à cinq mille mètres d’altitude. Il a écrit deux critiques. Dans France Dimanche, il dit que c’est bien, dans Paris-Presse, c’est un éreintement. J’en ai eu des nuits d’insomnies. Je comptais les Kléber Haedens qui sautaient les barrières pour m’endormir.» 37. L’humour assassin de Gary est tout entier dans cette phrase sur Haedens : « Dès que j’entends dans la voix d’un homme cette souffrance haineuse, je me prosterne avec sympathie et jubilation. C’est un frère. » 38. On raconte même qu’Albert Camus a réécrit le texte des Racines du ciel. 39. L’Homme à la colombe, publié en 1958 sous le pseudonyme de Fosco Sinibaldi, ne se vendit qu’à quelques dizaines d’exemplaires. 40. C’est par devoir de réserve, qu’exige son statut de diplomate, qu’il adopte ce pseudonyme. Mais le nom de Sinibaldi est un hommage d’amitié, car c’est celui d’un de ses camarades du groupe de bombardement Lorraine (et non un Garibaldi dont il aurait caché le Gary).