Alain Mimoun, une légende s’en est allée | Le site de tout l'Athlétisme | Fédération Française d'Athlétisme

Le champion olympique du en 1956 s’est éteint jeudi soir, à l’âge de 92 ans. C’est une légende de l’athlétisme et, bien plus largement, du sport tricolore, qui nous a quittés. La famille de l’athlétisme est en deuil.

C’était un enfant de l’athlétisme, né un an après la naissance de la Fédération française d’athlétisme. On se souvient encore de l’émotion de la salle lorsque, fin 2010, à l’occasion de l’anniversaire des 90 ans de la FFA, Alain Mimoun s’était avancé sur l’estrade d’un pas lent mais décidé. Il avait sorti de sa poche une grande feuille passablement froissée, tout en affichant un petit sourire de connivence avec son auditoire. Raconter sa course, son histoire, sa légende à toutes les générations, c’était la mission que s’était assigné le natif d’El Telagh, près d’Oran, en Algérie.

L’acmé de ce parcours, c’est bien sûr le marathon des Jeux olympiques de en 1956, lors duquel le fondeur d’un mètre soixante-dix va entrer dans le cœur des Français. En 2h25 exactement. En Australie, Alain Mimoun porte le dossard numéro 13. La veille du départ, il apprend que son épouse vient de donner naissance à une petite fille. Il la prénomme Olympe. Un Tricolore s’est imposé lors du marathon olympique en 1900 et en 1928. Pour ce coureur tant attaché aux signes, il n’y a pas de hasard.

Au départ de la course, le Français, déjà médaillé d’argent aux JO sur 10 000 en 1948 et sur 5000 m et 10 000 m en 1952, n’est pas le grand favori. Il s’agit en effet de sa première tentative sur la distance des 42,195 km. On attend donc plutôt sur la plus haute marche du podium la locomotive tchèque Emil Zatopek. Sous une chaleur étouffante (36°C à l’ombre), Alain Mimoun commence par observer prudemment ses principaux rivaux. A mi-course, l’Australien Kelly accélère. Le Tricolore lui emboîte le pas puis, quelques centaines de mètres plus loin, attaque à son tour. Il se retrouve rapidement seul dans la fournaise de Dandenong Road, l’artère qui ramène les athlètes vers le stade olympique. Au trente-cinquième kilomètre, c’est l’heure de la défaillance. Mais il s’accroche et franchit en vainqueur la ligne d’arrivée sous les yeux de 100 000 spectateurs, avec 1’32’’ d’avance sur le Yougoslave Mihalic.

Immense fierté pour cet amoureux de la , grand admirateur du Général de Gaulle et fervent croyant, qui s’était engagé quelques années plus tôt dans l’armée française, au début de la seconde guerre mondiale. Blessé gravement au pied par un éclat d’obus lors de la bataille du Mont Cassin, le 28 janvier 1944, Alain Mimoun avait échappé de peu à l’amputation de sa jambe gauche. Aîné d’une fratrie de sept enfants, élevé au sein d’une famille modeste d’agriculteurs, garçon de café après la guerre 39-45, il louait inlassablement sa patrie d’adoption, sous les couleurs de laquelle il avait gravi les échelons de la gloire.

Encore aujourd’hui, son palmarès sportif fait référence. Avec quatre-vingt cinq courses sous le maillot bleu, il détient toujours le record de sélections en équipe de France. Quadruple médaillé olympique, il remporta trente-deux titres de champion de France, sur piste et en cross. Le fruit d’une incroyable longévité de vingt années au plus haut niveau. Il avait été élu à la fin des années 1990 champion du siècle par les lecteurs d’Athlétisme Magazine, devant Marie-José Pérec, Guy Drut ou encore .

Après sa carrière, ce passionné de course à pied avait continué d’effectuer, tant que ses jambes le portaient, son footing quotidien dans les allées du . Il y croisait souvent les jeunes talents du sport français, auquel il racontait son histoire, désormais immortelle.

A sa famille et à ses proches, la Fédération française d’athlétisme adresse ses plus sincères condoléances.

Bernard Amsalem, président de la FFA : « C’est un grand champion attachant, à la forte personnalité, qui nous a quittés. Il avait des convictions très fortes et il les exprimait, parfois avec véhémence, sur l’athlétisme ou le respect de l’adversaire. C’était un homme d’engagements, qui a combattu dans les Forces Françaises Libres pour défendre les valeurs de la République. Il était aussi un symbole de l’intégration, lui qui avait grandi dans le sud de l’Algérie. Alain Mimoun avait l’amour du drapeau et du maillot de l’équipe de France. Nous sommes très tristes aujourd’hui et nous pensons à sa fille, Olympe, ainsi qu’à son petit-fils. »

Ghani Yalouz, directeur technique national : « On perd un grand monsieur du sport français. Alain Mimoun était plus qu’une légende. Il disait : Sans Zatopek, Mimoun n’existait pas. C’est cette humilité que j’essaye de transmettre à nos athlètes. Ici, à Mersin (ndlr : où se déroulent les Jeux Méditerranéens, tous les gamins sont affectés et connaissaient Alain Mimoun. C’est révélateur de l’empreinte qu’il a laissée dans le monde du sport. Les Mondiaux de Moscou lui seront dédiés, on se battra pour lui. »

Un passionnant documentaire, réalisé par Benjamin Sarrat, a été consacré à Alain Mimoun il y a quelques années. Retrouvez-en un formidable extrait, avec le récit par le principal intéressé du marathon olympique de 1956, en cliquant ici