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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N°1405117 ______

SCI PARK DES MERLETTES AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ______

M. Grand Rapporteur Le Tribunal administratif de Melun ______

ème Mme Aventino-Martin (4 chambre) Rapporteure publique ______

Audience du 9 septembre 2016 Lecture du 7 octobre 2016 ______

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés le 27 mai 2014, le 12 novembre 2014 et le 9 juillet 2015, la SCI Park des Merlettes, représentée par Me Ramdenie, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté du 20 décembre 2013 par lequel le maire de Bussy-Saint-Georges a accordé à la SCI Bussy Centre Ville un permis de construire valant division parcellaire autorisant la construction de 191 logements collectifs, de commerces, de bureaux et d’une halle commerciale pour une surface de plancher de 18 090 m² sur un terrain situé avenue de l’Europe, lieu-dit ZAC du Centre ville à Bussy-Saint-Georges, ainsi que la décision du 27 mars 2014 par laquelle ce maire a rejeté son recours gracieux ;

2°) de mettre solidairement à la charge de la SCI Bussy Centre Ville, de l’Etat et de l’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de -la-Vallée (EPAMARNE) la de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI Park des Merlettes soutient que :

- elle justifie d’un intérêt à contre le permis de construire attaqué dès lors que, d’une part, le projet envisagé, compte tenu de son impact sur le trafic automobile, aura pour effet d’affecter les conditions d’exploitation et d’accès des locaux dont elle est propriétaire et qui sont situés à proximité du projet et que, d’autre part, le projet sera visible depuis ses locaux ; - son recours ne saurait être qualifié d’abusif ; N° 1405117 2

- en méconnaissance des dispositions de l’article R. 431-27 du code de l’urbanisme, le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas la copie de la lettre du préfet attestant du caractère complet du dossier de demande d’autorisation d’exploitation commerciale, alors que le projet en cause constituant un ensemble commercial au sens du I de l’article L. 752-3 du code de commerce, qui n’est pas implanté dans une zone d’aménagement concerté créée dans un centre urbain au sens du II du même article, était soumis à délivrance préalable d’une autorisation d’exploitation commerciale ; - pour les mêmes raisons, le permis attaqué, qui n’a pas été accordé après délivrance préalable d’une autorisation d’exploitation commerciale, méconnaît les dispositions de l’article L. 425-7 du code de l’urbanisme ; - le maire a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne s’opposant pas au projet litigieux sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, au regard de son impact sur le trafic routier ; - le projet, de par l’implantation des bâtiments 3, 4, 5, 6, 7 et 8, méconnaît les règles d’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques fixées par les dispositions de l’article UB 6 du règlement du plan local d’urbanisme, et les dérogations accordées à ces dispositions sont insuffisamment motivées et ne sauraient être qualifiées d’adaptations mineures au sens des dispositions de l’article L. 123-1-9 du code de l’urbanisme ; - la façade ouest du bâtiment n° 8 est implantée à une distance de la limite séparative inférieure aux exigences de l’article UB 7 du règlement du plan local d’urbanisme ; - les distances entre les bâtiments 3 et 4, entre les bâtiments 4 et 6 et entre les bâtiments 8 et 2 du projet ne respectent pas les dispositions de l’article UB 8 du règlement du plan local d’urbanisme ; - les futures voies et emprises publiques, dont la réalisation est induite par le projet litigieux, ne sauraient être prises en compte pour apprécier la régularité de l’implantation des constructions projetées au regard des règles fixées par le règlement du plan local d'urbanisme.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 5 septembre 2014 et le 20 février 2015, la SCI Bussy centre ville, représentée par Me d’Albert des Essarts, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SCI Park des Merlettes en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI Bussy centre ville soutient que :

- la requérante n’établit pas qu’elle a intérêt donnant qualité à agir dès lors qu’elle ne saurait être regardée comme voisine du projet compte tenu de l’autoroute et des constructions qui séparent son bien du projet contesté, que celui-ci n’est pas visible depuis le bien de la société requérante, que le projet ne porte pas atteinte aux conditions d’exploitation de son bien et qu’elle ne saurait contester un permis de construire en se prévalant uniquement de son intérêt commercial ; - située dans l’hyper-centre de la ville nouvelle, la ZAC du centre ville constitue une zone d’aménagement concerté créée dans un centre urbain au sens du II de l’article L. 752-3 du code de commerce de sorte que le projet litigieux, implanté dans son périmètre, ne devait pas être précédé d’une autorisation d’exploitation commerciale et n’entrait donc pas dans le champ d’application des dispositions des articles L. 425-7 et R. 431-27 du code de l’urbanisme ; - le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme est inopérant dès lors qu’il ne concerne que les risques pour la sécurité et la salubrité publiques, ceux concernant les accès et la circulation n’étant visés que par l’article R. 111-5 du même code, inapplicable en l’espèce dès lors que la commune de Bussy-Saint-Georges est couverte par un plan local d’urbanisme et, en tout état de cause, la société requérante n’établit N° 1405117 3 pas en quoi la voie d’accès au projet présenterait un risque pour la sécurité des usagers, ni en quoi il n’aurait pas été pris en compte par la commune lorsqu’elle a instruit la demande de permis de construire litigieuse, ni en quoi les accès directs au projet seraient sujets à des difficultés de circulation ; - le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UB 6 du règlement du plan local d’urbanisme doit être écarté ; - l’article UB 7 du règlement du plan local d’urbanisme est inapplicable à la façade ouest du bâtiment n° 8 puisqu’elle est implantée à l’alignement d’un jardin destiné à être intégré au domaine public ; - les dispositions de l’article UB 8 du règlement du plan local d’urbanisme ne trouvent pas à s’appliquer entre les bâtiments séparés par des futurs voies et emprises publiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2014, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient que :

- la société requérante est dépourvue d’intérêt à agir contre les décisions contestées dès lors qu’elle n’établit pas que le projet sera visible de sa propriété, où ses locaux se situent à plus d’un kilomètre du projet, que les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de ses biens ne seront pas affectées par le projet, que son intérêt commercial à agir contre le permis de construire n’est pas établi, et que le projet en cause n’aura pas d’influence substantielle sur le trafic automobile de nature à aggraver sa situation ; - le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 425-7 et R. 431-27 du code de l’urbanisme doit être écarté dès lors que la ZAC du centre ville doit être regardée comme une zone d’aménagement concerté créée dans un centre urbain au sens du II de l’article L. 752-3 du code de commerce, de sorte que le projet litigieux, situé dans son périmètre, ne devait pas être précédé d’une autorisation d’exploitation commerciale ; - l’impact du projet sur le trafic routier ayant déjà été pris en compte et différents aménagements des accès étant déjà prévus à ce titre, le permis litigieux ne pouvait être refusé sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ; - les futurs espaces et voies destinés à intégrer le domaine public communal conformément à la convention relative à la remise en gestion et en propriété des équipements communs du P1 destiné à accueillir le projet doivent être pris en compte pour déterminer les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme applicables, notamment l’article UB 6, lequel est, dans ces conditions, respecté par le projet ; - le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté ; - le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UB 7 du règlement du plan local d’urbanisme doit être écarté ; - dans la mesure où les bâtiments sont séparés les uns des autres par des futurs emprises ou espaces publics, les dispositions de l’article UB 8 du règlement du plan local d’urbanisme ne trouvent pas à s’appliquer.

N° 1405117 4

Par un mémoire en intervention, enregistré le 23 juillet 2014, l’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (EPAMARNE), représenté par Me Ghaye, conclut au rejet de la requête.

L’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée soutient que :

- la société requérante est dépourvue d’intérêt donnant qualité à agir dès lors qu’elle n’est propriétaire d’aucun bien sur le territoire de la commune de Bussy-Saint-Georges ni à l’intérieur de la ZAC du centre ville, que la parcelle dont la société requérante est propriétaire est située à plus de 544 mètres du terrain d’implantation du projet et dans un tissu urbain totalement distinct et que le projet contesté n’aura pas d’impact sur le trafic automobile ; - la requête, concomitante à celle de l’association « Observatoire indépendant du cadre de vie », présente un caractère abusif et il revient au tribunal d’infliger à la SCI Park des Merlettes une amende pour ce motif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code de l’urbanisme ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Grand ; - les conclusions de Mme Aventino-Martin, rapporteure publique ; - les observations de Me Mariage, représentant la SCI Park des Merlettes ; - et les observations de Me Ghaye, représentant l’établissement public d’aménagement de Marne-la-Vallée.

1. Considérant que, par arrêté du 20 décembre 2013, le maire de Bussy-Saint-Georges a accordé, au nom de l’Etat, à la SCI Bussy Centre Ville un permis de construire valant division parcellaire relatif à la construction de 191 logements collectifs, de commerces, de bureaux et d’une halle commerciale pour une surface de plancher de 18 090 m² sur un terrain situé avenue de l’Europe, lieu-dit ZAC du Centre ville à Bussy-Saint-Georges ; que, par un recours gracieux du 13 février 2014, la SCI Park des Merlettes a demandé au maire de la commune de Bussy-Saint-Georges de retirer cet arrêté ; que, par une décision du 27 mars 2014, le maire de la commune de Bussy-Saint-Georges a rejeté ce recours gracieux ; que par arrêté du 13 août 2014, le maire de Bussy-Saint-Georges a délivré à la SCI Bussy Centre Ville, au nom de l’Etat, un permis de construire modificatif ; que la SCI Park des Merlettes demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 20 décembre 2013 ainsi que la décision du 27 mars 2014 rejetant son recours gracieux ;

N° 1405117 5

Sur la recevabilité de l’intervention de l’Etablissement d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée :

2. Considérant que l’établissement d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, dont il ressort des pièces du dossier qu’il a conclu avec la SCI Bussy centre ville un compromis de vente, soumis à conditions résolutoires, relatif au terrain destiné à accueillir le projet litigieux, a intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu’ainsi, son intervention est recevable ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : « Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation » ;

4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; qu’il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu’il appartient ensuite au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu’eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ;

5. Considérant que les circonstances, invoquées par la SCI Park des Merlettes, que les locaux commerciaux qu’elle possède soient situées à environ 500 mètres du projet contesté et que celui-ci puisse être visible depuis ces locaux ne suffisent pas, par elles-mêmes, à faire regarder sa construction comme de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens que la société requérante loue à des exploitants commerciaux ; qu’eu égard à la distance et aux constructions séparant ses biens du projet litigieux, au nombre desquelles figurent un important échangeur autoroutier, la SCI Park des Merlettes ne saurait être regardée comme voisine immédiate du projet en cause ; que, si celle-ci fait également valoir qu’elle serait nécessairement exposée, du fait de la réalisation du projet litigieux, à une augmentation du trafic routier, déjà pourtant fortement perturbé dans le secteur situé à proximité de ses biens, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux, bien qu’il autorise la création de 191 logements, de 2 900 m² de surface de plancher à usage de bureaux et de 3 521 m² de surface de plancher à usage de commerces, induise une augmentation N° 1405117 6 du trafic routier et des encombrements telle qu’elle affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des locaux loués par la société requérante, quand bien même ceux-ci sont desservis en partie par le même échangeur routier avec l’autoroute A 4 ; qu’il résulte de tout ce qui précède que la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Bussy centre ville et le préfet de Seine-et-Marne, tirée de ce que la société requérante ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les décisions attaquées, doit être accueillie ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par la SCI Park des Merlettes doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

8. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Bussy Centre Ville, de l’Etat et de l’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la SCI Park des Merlettes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Park des Merlettes une somme de 750 euros à verser à la SCI Bussy centre ville en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E:

Article 1er : L’intervention de l’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée est admise.

Article 2 : La requête de la SCI Park des Merlettes est rejetée.

Article 3 : La SCI Park des Merlettes versera à la SCI Bussy centre ville une somme de 750 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SCI Park des Merlettes, au préfet de Seine-et-Marne, à la SCI Bussy centre ville et à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée.