Avi Avital Meets Omer Avital Avi Avital Mandoline Omer Avital Oud, Double Bass Itamar Doari Percussion Yonathan Avishai Piano
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2019 20:00 23.10.Salle de Musique de Chambre Mercredi / Mittwoch / Wednesday Autour du monde Avi Avital meets Omer Avital Avi Avital mandoline Omer Avital oud, double bass Itamar Doari percussion Yonathan Avishai piano ~100’ without intermission D’Bazilleschleider Martin Fengel Un voyage intérieur sacré Guillaume Bregeras Le vent balaie une pleine aride et grignotée par le soleil. Au loin, une troupe de voyageurs s’étire en marchant lentement, d’un pas souple et économe, vers un océan que l’on visualise calme. Leur périple s’annonce long… Lorsque vrombissent les premières notes de la contrebasse d’Omer Avital sur le morceau « The Source and The Sea », leur amplitude donne à notre imaginaire un écran au format XXL. Le musicien est rapidement rejoint par Avi Avital dont la mandoline empêche tout repère temporel. Ce jeu de cordes, boisé et métallique, pourrait tout aussi bien prendre place au Moyen Âge que dans un futur délesté de tout superflu. Au Moyen-Orient bien sûr, mais également dans tout autre lieu où les hommes n’ont pas réussi à dompter une nature qui s’impose comme la toile de fond inamovible de leurs échanges. Omer et Avi parcourent leur destin artistique chacun avec une facilité d’éloquence musicale ahurissante. Et il faut les entendre ensemble pour comprendre ce que le terme de collaboration signifie vraiment. Trop souvent, lorsque deux joueurs de cette trempe se rencontrent, chacun tente d’attirer l’autre vers son terri- toire de prédilection alors qu’il faut savoir abandonner son égo pour arriver à produire une matière inédite et suffisamment inté- ressante pour capter une audience. C’est le cas ici. Ces deux monstres conversent avec une aisance déroutante. Une aisance qui nourrit leur œuvre commune, largement sublimée par les musiciens qui les entourent. Que ce soit Itamar Doari aux percus- sions ou Yonathan Avishai au piano, ces « ajouts » amplifient le discours des deux leaders, sans que l’on ne sache plus bien qui tire les ficelles. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter« Avi’s Song » dont la puissance générée par l’ensemble vient gommer toute notion de hiérarchie ou de leadership. 3 L’une des principales raisons à cet état de grâce est la capacité de l’ensemble des membres du quartet à improviser sur la base d’une musique écrite et pensée jusque dans ses moindres détails. Avi Avital navigue par exemple entre les deux mondes souvent opposés de la musique dite « libre » et celle « interprétée ». Il raconte d’ailleurs lui-même qu’il n’avait jamais eu l’idée même d’improviser avant que Giora Feidman ne le lui demande. À ce moment-là, Avi n’est qu’un enfant âgé de douze ans et lorsque le clarinettiste klezmer l’encourage dans ce sens, il ne comprend pas bien ce que cela signifie :« Je lui ai répondu que je ne savais pas improviser, mais devant son insistance je me suis lancé. J’ai donc fermé les yeux et pour la première fois de ma vie j’ai joué quelque chose qui n’était pas écrit. Cette rencontre m’a ouvert une fenêtre sur un nouveau monde et m’a permis de me lancer dans différents genres musicaux. Désormais, à chaque fois que je me retrouve sur scène avec des improvi- sateurs, je me remémore ce moment où il m’a forcé à faire le grand saut ! » Malgré cette prise de liberté, le joueur de mandoline continuer de s’appuyer sur l’écriture pour appréhender la musique d’autres artistes. Il avoue d’ailleurs « lire uniquement avec les yeux et sans son instrument à la main » afin de se familiariser avec la « silhouette » de l’œuvre qui défile sous son regard. Pour lui, même parfaitement conceptualisée dans ses moindres détails, une œuvre laisse une part prépondérante à l’imagination et il en revient à la « connaissance et aux compétences de l’interprète pour transporter le message initial ». Pour Omer Avital, cette omniprésence de la liberté ne peut être remise en cause : « Faire du jazz, c’est avoir la liberté d’être libre. Quand je créé une danse marocaine, je reste très open. Je veux que les gens soient eux-mêmes, autant que possible. » La ballade « Hijazain » traduit parfaitement ce postulat. Le canevas harmonique y est solidement posé, et ce sont de subtiles petites touches, tantôt de percussion ou de mélodies, qui entraînent le morceau dans une spirale hypnotique. Cette composition, qui pourrait tout à fait accompagner une troupe en quête spirituelle en traversant un paysage buriné par la chaleur souligne l’importance et la capacité des quatre musiciens à s’immerger dans un univers pour en faire jaillir sa quintessence. 4 À titre d’exemple, lorsqu’Avi Avital a enregistré un album consacré à « L’Été » des Quatre Saisons de Vivaldi, lui et ses compagnons passent du temps à Venise. Au total, ils seront restés trois semaines complètes dans la cité des Doges, soulignant une expérience qu’il qualifie« d’unique mais aussi frustrante. Vous devez parfois attendre de nombreuses heures pour circuler entre les marées basses et les marées hautes. Mais en même temps cette ville est si magique ! » La musique baroque italienne n’est pas forcément le terrain de jeu sur lequel on attend le groupe réunit ce soir… Même si certains titres, comme « Lonely Girl », pourraient tout à fait servir de bande son à un film se déroulant au début du 20e siècle en Sicile. Au détail près qu’aucun des protagonistes n’y a grandi ou vécu… C’est là que réside la force des quatre Israéliens. Plus que des musiciens, ce sont des metteurs en scène qui projettent leur histoire à travers des morceaux suffisamment puissants pour générer des milliers d’images à celui qui les écoute. En filigrane de leur schéma artistique, on retrouve toute la tradition musicale de leur pays. Avec moins d’exaltation mais plus de clarté qu’un John Zorn, ils content les tourments et les bonheurs d’un peuple, mais aussi les petites histoires qui se juxtaposent pour devenir un objet artistique. Le titre « Zamzama », par exemple, honore leur culture grâce à une mélodie composée en 7/4, signature des joueurs israéliens traditionnels. Cette manière de composer dresse un tapis favori- sant l’improvisation en spirale, qui emmène doucement et méthodiquement vers la transe ou la méditation. Une approche qui peut rappeler la filiation que ces musiciens entretiennent avec leur religion, comme l’explique Avi Avital : « Le mot hébreu ‹ omanut ›, qui signifie ‹ art ›, partage une racine commune avec les ‹ imun › (s’entraîner) et ‹ emunah › (croire ou destin). Cette connexion entre croire en quelque chose et s’entraîner, cette proximité avec l’art a une grande résonance en moi. En quelque sorte, jouer de la musique est comme une religion pour moi. » Moins prolixe sur le sujet, Omar Avital se définit davantage comme un voyageur « à la recherche de nouvelles formes musicales » à élaborer lui-même. À travers la pratique de leur art, ces jeunes gens n’oublient pas l’un des autres éléments essentiels de leur force : la joie. À trop vouloir intellectualiser la musique, l’on peut parfois perdre de vue son essence même qui 7 en est le plaisir de jouer. Avi Avital se souvient d’ailleurs de manière très précise le moment où il a ressenti ce sentiment pour la première fois. Il a un peu moins de dix ans et vient de rejoindre son premier orchestre, composé de joueurs de mando- line : « J’ai un souvenir très précis de la toute première répétition à laquelle j’ai participé avec ce groupe, raconte-t-il. Jouer comme un seul a pour moi été un moment de joie intense que je ne pourrai jamais oublier. » Pour trouver leur chemin, les deux artistes partagent également une vision commune de l’approche instrumentale. Pour faire passer leurs idées, ils entretiennent un rapport charnel à leur ins- trument. Une évidence étant donnée la proximité physique nécessaire pour les jouer, mais qui va un cran plus loin, comme l’exprime Avi Avital : « J’imagine la relation avec mon instrument comme celle d’un cavalier avec son cheval. Je connais très bien ma man- doline, mes mains se remémorent chacune de ses courbes et j’ai une compréhension très fine de la manière dont elle opère. Lorsque je suis sur scène, j’en oublie parfois que je la tiens entre mes mains. » On ne rappelle jamais assez le nombre d’heures qu’il faut pour arriver à ce niveau de maîtrise. D’ailleurs, le joueur de mandoline avoue n’avoir jamais fini d’en apprendre sur l’art musical, et continue de se perfectionner chaque jour. « Je travaille sur une pièce de Bach en particulier depuis 15 ans et à chaque fois que j’y reviens, elle m’apparaît comme un nouveau morceau. Continuer à aiguiser sa technique aide à mieux exprimer ses idées sans compromis. » Au-delà du rapport à l’instrument, les deux artistes entretiennent une relation particulière à la scène. Si certains s’expriment mieux à travers l’enregistrement en studio, ils préfèrent sans commune mesure délivrer leur message devant une audience attentive. Pour eux, un concert est « une expérience partagée », où la musique est délivrée au cours d’une cérémonie où chacun doit jouer son rôle. Ils parlent même de « codes » à connaître pour en tirer le meilleur, et permettre aux artistes de jouer dans les meilleures conditions. Qu’ils puissent ainsi mélanger ce qu’ils ont acquis durant des décennies d’apprentissage avec leur personnalité. 8 Omer Avital et Avi Avital photo: Christie Goodwin DG À ce niveau d’interprétation, il ne leur est plus possible de se travestir, leur musique n’est plus que le reflet entier et parfait de leurs traits de caractère, comme le résume Omer Avital : « La musique est une expérience commune.