Université de Montréal
Lire et penser le monde: une analyse numérique d’un long siècle de géographies imaginées dans l’imprimé de langue française (1700-1815)
par
François Dominic Laramée
Département d’histoire, Faculté des arts et sciences
Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur (Ph. D.) en histoire
Avril 2019
© François Dominic Laramée, 2019 Université de Montréal Département d’histoire, Faculté des arts et sciences
Cette thèse intitulée Lire et penser le monde: une analyse numérique d’un long siècle de géographies imaginées dans l’imprimé de langue française (1700-1815)
Présentée par François Dominic Laramée
A été évaluée par un jury composé des personnes suivantes
Thomas Wien Président-rapporteur Susan Dalton Directeur de recherche Lyne Da Sylva Membre du jury Léon Robichaud Examinateur externe Résumé
Les historiens tentent de déterminer ce que les francophones du long XVIIIe siècle lisaient depuis plus de cent ans. Pour ce faire, ils ont étudié les inventaires de bibliothèques individuelles, les permissions d’imprimer et les registres d’imprimeurs-éditeurs, mais ces sources sont fragmentaires et d’une représentativité incertaine. Cette thèse reformule la question en étudiant, à l’aide d’une combinaison de méthodes informatiques et de lecture rapprochée, de vastes corpus de textes numérisés qui constituent une approximation de l’ensemble de la production imprimée de langue française du long XVIIIe siècle. À l’aide de ces vastes corpus, la thèse propose et démontre qu’il est possible d’identifier des idées auxquelles les lecteurs ont vraisemblablement été exposés assez souvent pour que celles-ci aient influencé leurs mentalités, peu importe les textes précis à la disposition de chacun d’entre eux. Ainsi, la thèse démontre que le numérique constitue un outil majeur pour l’avancement de l’histoire de la lecture, y compris (sous certaines conditions) lorsque les seules données à la disposition des chercheurs sont constituées de résultats d’océrisation à forts taux d’erreurs. En guise d’étude de cas illustrative, la thèse se penche sur les géographies imaginées, c’est-à-dire les conceptions du monde produites par l’exposition à des textes qui transmettent des descriptions directes ou indirectes de territoires et de leurs habitants. Des concepts tirés de la psychologie, de l’économie comportementale et des études sur les médias viennent suggérer comment les lecteurs ont pu interpréter les messages transmis par les textes et produire leurs géographies imaginées personnelles.
L’étude des quelque 70 000 volumes de la collection du Hathi Trust publiés en français entre 1700 et 1815 démontre que l’Europe présentée par les textes s’étend vers l’est avec le temps, que l’Angleterre y occupe une place prépondérante et que les discours portant sur la plupart des puissances européennes sont à la fois remarquablement stables et centrés sur la question militaire et l’aristocratie. Les grands périodiques, les livrets populaires de la Bibliothèque bleue, les manuels de géographie et l’Histoire des deux Indes corroborent ces résultats. L’étude des 14 547 articles géographiques de l’Encyclopédie révèle un imaginaire urbain dont l’orientation bifurque en cours de publication, la géographie descriptive de