UNIVERSITE PARIS VIII – VINCENNES A SAINT-DENIS UFR « Arts, Philosophie, Esthétique » Département de Musique

RESONANCE ET PERCEPTION DES HARMONIQUES ATURELLES

Julien GILI

Mémoire de maîtrise réalisé sous la direction de M. Philippe MICHEL Année universitaire 2004 – 2005

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Avant-propos

L’élan qui a motivé ce travail pourrait se résumer à une curiosité permanente qui s’est amplifiée au fur et à mesure que je creusais le sujet des vibrations sonores et de l’acoustique naturelle. L’étude des musiques du monde et des instruments peu communs m’a fait prendre conscience que dans les cultures les plus éloignées, aussi bien historiquement que géographiquement, on retrouve des points communs surprenants, des coïncidences qui, au fond ne sont sans doute pas le fruit du hasard. Parmi ces principes universels, je me suis particulièrement penché sur le phénomène de la résonance et celui de la série des harmoniques naturelles. Je tenterai de les rapprocher dans ce mémoire en mettant en évidence leurs effets et leurs utilisations. Il n’y a pas de réel commencement à cette curiosité, mais plutôt une série de découvertes plus ou moins importantes qui, par étapes, m’ont encouragé à en savoir toujours plus. La première phase significative fut franchie grâce au travail de l’ethnomusicologue Trân Quang Hai, qui m’a d’ailleurs accordé un précieux entretien. Dans un documentaire vidéo réalisé par Hugo Zemp, il présente ses recherches sur le chant diphonique. Ce chant, qui fait entendre deux sons simultanément, m’a particulièrement intéressé et l’approche pédagogique de T.Q.Hai m’a encouragé à le développer sur ma propre voix. Après environs deux ans de travail vocal, j’ai ainsi pu réellement ressentir qu’il m’était impossible d’émettre d’autres notes, d’autres intervalles que ceux constituant la série des harmoniques. Parallèlement, en observant quotidiennement mon comportement ainsi que celui des autres, je m’étais souvent fait la réflexion que l’écoute de la musique et des sons influençait particulièrement notre humeur, notre mentalité, notre corps (etc.). Après m’être intéressé à ces effets, la question de la santé est devenue incontournable. C’est pourquoi, en toute logique, je me suis penché sur ce que l’on appelle aujourd’hui la « musicothérapie ». Mais, avec déception, je constatais que cette étude, bien que déclinée selon plusieurs pratiques, ne s’appuie que trop souvent sur des musiques occidentales classiques, des musiques new age et des chansons de variétés. Je ne fus pas étonné de voir que ces médecins, à la culture musicale très restreinte, pouvaient être si sectaires. De plus, je n’étais pas spécialement attiré par cette idée de « guérir » ou de « soigner » par la musique (comme les auteurs S.Halpern et L.M. Savary, par exemple,

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prétendent le faire1). Mon intérêt se portait simplement sur les effets produits par les sons, les vibrations et la musique. J’ai effectivement cherché à savoir si l’on peut être malade à cause d’un son, d’une musique ou des harmoniques. Je voulais savoir, plus généralement, si elles peuvent susciter en nous un effet particulier. Or, constater et comprendre comment les vibrations sonores agissent sur notre être (physique et mental), aussi bien dans un sens positif que négatif, est à distinguer, selon moi, de la musicothérapie actuelle. Par ailleurs, il se trouve que certains musicothérapeutes, plus ou moins reconnus, se sont penchés sur le phénomène des harmoniques naturelles ce qui correspondait plus précisément à mes objectifs de travail. Je me suis donc attelé à l’étude de leurs pratiques, en tentant de comprendre leur origine, leur intérêt et leur fonctionnement.

1 S.Halpern et L.M. Savary, Guérir par les sons , Genève, Reuille, 1986. 3

Introduction

Depuis quelques années, un phénomène collectif s’est progressivement développé en Occident autour d’un intérêt particulier, voire d’une fascination, concernant la mise en résonance des harmoniques, les musiques et les instruments qui l’utilisent 2. Pourquoi ces intervalles si singuliers soulèvent-ils autant d’intérêt ? Pourquoi la plupart des instrumentistes qui jouent avec cette série dans leurs musiques traditionnelles sont-ils tant impliqués soit dans un contexte naturel (bergers, montagnards, forestiers, etc.), soit dans un contexte sacré (religions, rituels, shamanisme) ? Pourquoi voit-on parallèlement apparaître des thérapies alternatives qui utilisent les mêmes instruments, les mêmes phénomènes sonores ? Peut-on tirer profit des propriétés de la série des harmoniques pour se recentrer au niveau de notre santé émotionnelle et psychologique, mais aussi au niveau corporel, musculaire, organique, comme certains chercheurs et thérapeutes l’affirment ? Est-il possible d’établir un rapport entre ces harmoniques et d’autres phénomènes que l’on peut observer dans la nature, selon un aspect symbolique parfois très marqué (en référence avec le nombre d’or, la spirale d’ADN, les figures géométriques de Chaldni, les clichés du Dr Emoto), selon une relation avec le domaine sacré de certaines cultures, ou plus généralement à travers celui de la spiritualité, évoqué dans un très grand nombre d’ouvrages ? Ce premier travail, qui en appellerait d’autres, ne prétend pas traiter toutes ces questions, mais tente de les aborder par la présentation et la description des phénomènes, des techniques, et des instruments qui utilisent la série des harmoniques naturelles et leur résonance. Pour certains sujets, il s’appuie sur les articles de l’encyclopédie Wikipédia 3 (même si j’ai bien conscience du caractère réducteur de cette référence récurrente) mais aussi sur une sélection d’ouvrages et de disques spécialisés. De plus, mon étude se base également sur les informations que j’ai pu recueillir auprès de différents praticiens 4 et sur des terrains divers 5.

2 On voit effectivement apparaître de plus en plus de festivals réunissant des passionnés des harmoniques, en France, Le Rêve de l’Aborigène , par exemple organisé par l’association Vent du Rêve . Ce festival de didgeridoo , guimbarde et chants diphoniques a lieu près de Poitiers, à Airvault, le premier week-end de Juillet et réunit depuis quatre ans plus de 2000 personnes. Ce type de festival est également observable en Suisse, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon etc. 3 Informations recueillies sur le site : www.wikipédia.com . N’étant pas de formation « scientifique » je n’ai pas pu directement aborder de manière efficace les divers ouvrages en acoustique ni même interpréter les informations des acousticiens qui ont tenté de m’aider. L’lencyclopédie ainsi que les cours de M. Laliberté, R. Jacobsohn, G. Beller. présentent certains sujets de manière plus accessible. 4 J’ai pu rencontrer des musiciens (Jérôme Desigaud, Pierre-Yves Voisin, Steve Kindwahl, Lewis Burn, Tserendavaa, etc.), des acousticiens (Philipe Bougon, etc.), des ethnomusicologues (Trân 4

Mes recherches sont basées sur les études et témoignages de musiciens, acousticiens, scientifiques, psychologues, ethnomusicologues et autres passionnés ayant travaillé aussi bien sur la résonance du son, de la musique et de leurs effets, que sur le phénomène des harmoniques naturelles. Le sujet aborde la perception et la reconnaissance d’un ensemble de sons ne pouvant suivre que les intervalles de la série des harmoniques. Une musique d’harmoniques ; celle de la guimbarde, de l’arc en bouche, des chants diphoniques, des trompes naturelles comme le cor des Alpes etc. J’ai été amené à distinguer les harmoniques au sens mélodique (en relation avec les intervalles qui les séparent), des harmoniques au sens plus spectral du terme, qui créent des timbres et, par conséquent, d’autres effets. Lorsque je parle d’effets, c’est, d’une part, sur un plan de sensibilité sur le corps par le phénomène de résonance (certaines études comme celles de John Beaulieu, ou bien Philippe Barraqué, que l’on peut éventuellement juger empiriques, font correspondre les notes avec les organes, les méridiens, les chakras etc.), et, d’autre part, sur un plan plus mental qui concerne la psychologie de l’auditeur, notamment en psycho-acoustique. Je commencerai par exposer, dans le premier chapitre, les phénomènes de la résonance et de la série des harmoniques. Le second chapitre visera à approfondir les systèmes de perception et de réceptivité des différentes fréquences et vibrations sonores. Je tenterai, au cours des troisième et quatrième chapitres, de dresser une liste, que j’espère aussi complète que possible, assortie de définitions des instruments et techniques vocales utilisant fondamentalement et mélodiquement les harmoniques. Je ferai un rappel, dans un cinquième et dernier chapitre, des diverses approches de la musicothérapie classique pour enfin analyser les différentes pratiques thérapeutiques et symboliques des harmoniques et de leurs musiques, en relation avec certaines croyances et traditions issues notamment d’Asie (acupuncture, yoga etc.). Je proposerai également, pour illustrer ce travail, un ensemble de graphiques, tableaux, photographies (etc.), ainsi qu’une sélection d’extraits sonores présentés sur un CD en annexe.

Quang Hai, John Wright…), des musicothérapeutes (Anne-Marie Duvivier, Michel Bon, Oriane Robidou, Jonathan Cope, Barbara Blakmore etc.) ainsi que beaucoup d’autres passionnés des harmoniques et de leur résonance. 5 J’ai assisté au festival Le Rêve de l’Aborigène (op. cit.) à quatre reprises, ainsi qu’aux Noces Harmoniques (dernier week-end de d’Août 2005, au Thoronet) organisées par Jaques Dudon. J’ai également pu observer l’utilisation des instruments à cordes sympathiques en Inde (principalement à Bénarès, voyage en Avril 2001) la pratique de plusieurs instruments au Viêt-Nam (bols sacrés, guimbardes H’mong, Dàn Bàu etc. voyage en Juillet 2003) ainsi que celle du didgeridoo et du shakuhachi au Japon (Kyoto, voyage en Juillet 2004). 5

I Les lois naturelles du son

1. La série des harmoniques naturelles

11. Définition d’une harmonique Les harmoniques sont observables en acoustique mais aussi en physique et en électricité. Le mot « harmonique » s'utiliserait au féminin dans le domaine acoustique et musical, au masculin notamment en physique. Avant de s’intéresser à la série elle même, il me semble important de définir précisément le terme « harmonique » qui, pour être utilisé dans plusieurs domaines, laisse parfois la porte ouverte à de nombreuses interprétations. Ecartons tout de suite cette fréquente confusion avec la notion « d’harmonie » qui est certes apparentée aux harmoniques, notamment par son étymologie 6, mais qui renvoie, en Occident, à une succession d’accords dans un système musical précis (le tempérament égal notamment). Les harmoniques dont nous allons parler n’ont pas de lien direct avec la notion « d’accord ». Elles se trouvent dans le son musical lui même.

Selon l'encyclopédie Wikipédia, une harmonique en acoustique, est un élément constitutif d'un phénomène périodique et vibratoire. En physique, un harmonique correspondrait à une fonction trigonométrique sinusoïdale (sinus ou cosinus) dont la fréquence est un multiple de la fréquence de la fonction périodique décomposée. Ces définitions relativement proches semblent faire référence au même phénomène. Bien que l’approche physique nous soit utile, nous nous pencherons davantage, pour cette étude, sur le phénomène décrit en acoustique.

Les travaux de Fourier 7 nous apprennent que tout phénomène périodique peut être décomposé en une série de fréquences, composée d'une fondamentale et des fréquences composant celle-ci.

6 XIIe s. Berger ( armonie ) « sons agréables » / harmonique, Oresme, lat. harmonicus , du gr. harmonikos , 1361 7 Voir annexe 1 p. 2, Les personnages historiques des harmoniques , Joseph Fourier 6

Partons d’une fréquence simple :

Ce son très particulier est appelé un son « pur » ; i représenté par la sinusoïde sur l’oscilloscope par exemple. Je n’ai pu trouver aucun instrument acoustique capable de produire un tel son ; le diapason émet un son relativement proche mais semble encore se distinguer de celui très cru que produit l’oscilloscope. Les sons que nous connaissons dans la nature et en musique possèdent en général une fréquence fondamentale qui est enrichie par au moins une autre fréquence additionnée. En acoustique, on parle alors de son « impur ». Un son est donc composé par :

• une fréquence fondamentale f0 (sinusoïde)

• un ensemble d’autres fréquences composantes additionnées ( f1, f2, f3 etc.).

Il y a alors deux systèmes différents pour nommer ces composantes, la distinction se faisant en fonction de leur rapport avec la fréquence fondamentale :

• Soit les fréquences composantes se trouvent dans un rapport complexe avec la

fondamentale, on parle alors de partiels ( f0 est également appelée premier partiel). • Soit les fréquences composantes se trouvent dans un rapport simple avec la fréquence fondamentale, on parle alors d’harmoniques . Ce rapport simple suit la logique suivante :

f1 (= 2 x f0)

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C’est à dire que chaque fréquence composante est un multiple entier de la fréquence fondamentale :

f 0 (2 f 0,3 f 0,..., 3/2 f 0, 1/3 f 0, ...)

Un son composé d’harmoniques possédant une hauteur fixe est alors considéré comme étant « musical ». Dans tous les autres cas, on parle uniquement de partiels. Par exemple, les instruments à percussion, instruments qui n'ont généralement pas de hauteur fixe, ne comportent que des partiels. Les « transitoires d’attaque » (observées par Carl Stumpf dans les années 1930), c'est-à-dire des composantes du son qui ne sont pas entretenues, tel un claquement, un choc, le crissement de la colophane sur la corde d'un violon au tout début du son, sont tous des phénomènes que l’on appelle également inharmoniques et qui ne peuvent se décomposer qu'en partiels (2,576 f 0, 5,404 f 0, ...). Cette distinction entre partiels et harmoniques fait naître à l’oreille les phénomènes d’harmonicité et d’inharmonicité : Nous verrons que, dans la pratique, la plupart des instruments acoustiques participe de ces deux phénomènes et mettent en évidence leur relativité 8.

12. Le timbre d’un son et le spectre harmonique Ce qu’on appelle le timbre est le résultat perçu par l’oreille humaine de la superposition des innombrables harmoniques (ou partiels) aux rapports plus ou moins simples avec la fondamentale. Les différences de timbres sont donc dues, en dehors des périodes d’attaques et de l’extinction du son, à la présence ou l’absence de certaines harmoniques. On dit souvent du timbre qu’il détermine la couleur du son, car, tout comme les innombrables nuances de couleurs, il est différent pour chaque type de source sonore. Le timbre permet de différencier, à l’oreille, deux sons qui auraient strictement la même fréquence (fondamentale) et le même volume sonore. Chaque harmonique possède une intensité qui évolue dans le temps. Cette évolution, qui fait varier l'amplitude des différentes harmoniques, est responsable, par exemple, du fait qu’un violon ne va pas sonner comme une flûte. On dit alors de ces instruments qu’ils n’ont pas le même timbre. Prenons l’exemple caractéristique du timbre de la clarinette dont la fondamentale ne laisse entendre que ses harmoniques impaires. Ainsi, une note

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(fondamentale) jouée à la clarinette ne comportera que les harmoniques 3, 5, 7, 9 (etc.), le résultat à l’oreille donnant ce timbre si particulier. Un son de hautbois, par contre, serait plus riche en harmoniques que de son fondamental 9. Les quatre formes d’ondes les plus couramment utilisées en électroacoustique analogique sont, dans l’ordre de croissance de leur richesse harmonique : sinusoïde, triangle, dent de scie et carré.

Schéma des formes d’ondes 10

On remarquera que plus la courbe possède des angles, plus le son est chargé en harmoniques. Depuis la « théorie physiologique de la musique » d’Helmholtz 11 , ce qu’on appèle le spectre harmonique révèle l'ensemble des fréquences qui déterminent le timbre de chaque instrument. La décomposition spectrale des sons est formée, comme nous l’avons déjà vu plus haut, d’harmoniques, pour les sons musicaux, ou de partiels, pour tous les autres.

8 Voir chapitre III : Les instruments harmoniques.

9 Maela & Patrick PAUL, Le chant sacré des énergies , présence, 1893. 10 R.E.Jacobsohn manuel d’initiation à l’Ingénierie du Son , Université Paris 8, Département Musique. 11 Voir annexe 1 p. 2, Les personnages historiques des harmoniques , Hermann Von Helmholtz. 9

13. La série des harmoniques : Ce que l’on appelle aujourd’hui « la série des harmoniques » décrit la suite linéaire formée par les intervalles de chaque harmonique. Son aspect consonant (en ce qui concerne les premiers harmoniques) en ferait une référence universelle en matière d’échelle musicale. Certains ouvrages, comme celui de Maela et Patrick Paul, ont choisi de présenter cette série en prenant l’exemple d’une corde tendue mise en vibration. Le repérage de ces rapports peut se faire par le découpage de cette corde en segments proportionnels: « Prenons une corde fixée en ses deux extrémités (comme celle d’un violon). La vibration de la corde (mais le fait est identique dans un tuyau), en arrivant à l’extrémité, se réfléchie et revient sur elle-même. La superposition des vibrations issues de la source et des vibrations réfléchies, donne naissance à des ‘‘ondes stationnaires’’. »

« Les ondes (incidentes et réfléchies) vibrent au maximum dans le ‘‘ ventre’’ : ce sont les ondes stationnaires. Elles se neutralisent au nœud (la corde reste fixe). »

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« Les fréquences doubles, triples, quadruples, sont des harmoniques du son fondamental. Si on laisse la corde vibrer librement, et si on l’attaque à un endroit quelconque, elle produira simultanément un son fondamental et ses harmoniques.» 12

Cette représentation est l’une des nombreuses manière de concevoir et surtout de visualiser cette fameuse série. J’ai rassemblé pour cette étude quelques autres représentations, comme celle de Jocelyn Godwin, plus commode pour les musiciens, qui redessine les sons harmoniques sous forme de notes écrites sur une portée. Voici un extrait de son livre, Les harmonies du ciel et de la terre : « Au début de l’époque moderne, on ignorait en général que la série des harmoniques correspondait aux vibrations qui peuvent caractériser n’importe quel corps musicalement résonnant. Mais on connaissait la séquence des intervalles sous la forme des divisions intégrales d’une corde (1/2, 1/3, 1/4 1/5 ...). De surcroît, elle était facilement audible dans les notes de la trompette naturelle, l’instrument sans piston qui a inspiré des compositions à Bach et à Haendel. Les notes accessibles à la trompette naturelle accordée en do sont les quelques seize harmoniques de sa fondamentale.» 13

On remarquera que, dans un souci de précision, il est nécessaire d’instaurer certains codes d’altération. Cette fameuse série des harmoniques à donc été représentée sous des formes très variées (tableaux de proportions, partitions, graphiques, calculs arithmétiques etc.). Lorsque j’ai voulu la représenter moi même sur le papier afin d’en tirer un support visuel, une aide pour le repérage de chacune des harmoniques et un reflet concret de ma perception, j’ai tracé et segmenté une demi-droite (voir annexe 3 p.174 : frise de la série des harmoniques) dont le point de départ indique la

12 Textes et schémas issus de l’ouvrage de Maela & Patrik Paul, Le chant sacré des énergies , op. cit.

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manifestation sonore de la fréquence fondamentale, c’est à dire le déclenchement du son, et le reste, la ligne, un espace théoriquement infini sur lequel s’accumulent les rapports de plus en plus fins des harmoniques.

Cette représentation, comme celle qui peut être dressée sur une portée, met en évidence le fait que les intervalles se resserrent et se multiplient à chaque nouvelle octave supérieure. On est alors amené à penser que cette série suit une progression logarithmique. Or, selon une unité de mesure différente, on peut également constater une progression linéaire, comme nous le précise R.E.Jacobsohn dans son manuel d’initiation à l’ingénierie du son . Voici effectivement un autre exemple de représentation, non pas selon la déclinaison des intervalles, mais plutôt en faveur de l’unité des fréquences et du diapason occidental actuel (440 Hertz) qui décline les harmoniques de manière linéaire. Choisissons donc comme note fondamentale un La 0, égal à 55Hz et qui constituerait le premier harmonique appelé « H1 »14 .

La série pourrait alors s’écrire comme suit :

H1 la fréquence fondamentale, soit 55 Hz ……………Unisson H2 le deuxième harmonique, soit 110 Hz (55+55) + octave juste H3 le troisième harmonique, soit 165 Hz (110+55) + quinte juste H4 le quatrième harmonique, soit 220 Hz (165+55) + octave juste H5 le cinquième harmonique, soit 275 Hz (220+55) + tierce majeure H6 le sixième harmonique, soit 330 Hz (275+55) + quinte juste H7 le septième harmonique, soit 385 Hz (330+55) + petite septième mineure H8 le huitième harmonique, soit 440 Hz (385+55) + octave juste (diapason) H9 le neuvième harmonique, soit 495 Hz (440+55) + seconde majeure H10 le dixième harmonique, soit 550 Hz (495+55) + tierce majeure etc.

A force de travailler avec les harmoniques issues de différentes sources sonores et différentes techniques instrumentales ou vocales, j’ai petit à petit appris à les

13 Jocelyn GODWIN: Les harmonies du ciel e de la terre , Albin Michel, 1994. 14 L’abréviation H1,H2,H3 (etc.) pour désigner les harmoniques est utilisée en acoustique et en ethnomusicologie, notamment par Trân Quang Hai dans ses travaux sur le chant diphonique. Je suivrai cet exemple dans la présente étude car cette notation très pratique permet de désigner chacune des

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reconnaître. Cette étude m’a amené à penser que leur manifestation si particulière n’est pas comparable aux notes ou aux intervalles. Les harmoniques ont besoin, selon moi, lorsqu’on les utilise consciemment, d’une appellation appropriée. Pouvoir nommer clairement cette perception propre à chaque harmonique en toutes circonstances est bien plus commode avec ces simples abréviations (H1, H2, H3 …) car les autres systèmes (échelle de fréquences, intervalles, notes tempérées plus ou moins altérées) ne sont pas toujours précis ou transposables. Ainsi, lorsque l’on mentionne qu’un instrument joue sur H4, H5 et H8 par exemple, il faut comprendre qu’il s’agit des intervalles de tierce, de quinte et d’octave, ou bien, par rapport à une note (fréquence) fondamentale, par exemple Do, il serait question des notes, Mi, Sol et Do. En faisant correspondre à la valeur ajoutée (par exemple : 55 Hz) une distance fixe en segments de droite, j’ai retracé sur le papier les rapports des harmoniques sous la forme d’une spirale (1+1, 2+1, 3+1 etc. selon un angle de 90°, voir annexe 4 p.174 : spirale de la série des harmoniques). Cette visualisation permet de mieux se rendre compte de la progression linéaire des fréquences, malgré la différence des intervalles. On peut en effet remarquer que la spirale conserve la même distance à chaque cycle. Pour représenter ce phénomène théoriquement infini, nous disposons donc d’une vision linéaire qui fait s’accumuler des intervalles toujours plus petits d’une part, et une vision en spirale d’autre part qui, au contraire, va s’élargir à partir de la fondamentale et qui désignera les harmoniques selon des proportions toujours plus grandes. La représentation qu’en fait Alain Daniélou dans son traité de musicologie comparée 15 souligne le même phénomène. Elle présente les harmoniques accumulées selon une superposition de lignes qui correspondent aux octaves supérieures et attribue à chaque harmonique un nom de note et une fréquence. « En partant d’une note donnée, la troisième octave ne contient que quatre harmoniques différents, mais la huitième en contient 128 et la seizième 32.768 . Les harmoniques les plus proches du son fondamental sont les seules que l’oreille humaine perçoive aisément, en tant qu’intervalles ; les harmoniques supérieures forment un ensemble de son confus qui ne sont perçus que comme une couleur qu’ils donnent au son.

harmoniques, en conservant leurs rapports respectifs, quelle que soit la fréquence fondamentale (do=32 Hz, la=440 Hz, etc.). 15 Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée , Hermann, 1959. 13

L’intervalle entre deux harmoniques consécutifs représente toujours une différence de fréquence égale à la fréquence du son fondamental, c’est à dire 32 vibrations par seconde pour les harmoniques d’Ut dans l’échelle des physiciens (Ut = puissance de 2). Mais comme nous l’avons déjà remarqué, notre oreille ne perçoit pas les différences de fréquences égales comme équivalentes (on pourrait aisément concevoir un organe auditif autrement constitué qui le ferait), mais seulement des rapports. Les intervalles de l’échelle des harmoniques nous apparaissent donc tous comme différents, devenant de plus en plus petits à mesure que la fréquence augmente (que le son est plus élevé). Cette échelle s’encombre très vite d’intervalles basés sur des chiffres premiers supérieurs à 5 et qui forment des intervalles qui dépassent nos limites de discrimination et ne peuvent donc être utilisés mélodiquement. Nous donnons ici, en partant de l’Ut des physiciens, c’est à dire Ut0 = 32, un tableau des premiers trente deux harmoniques dans l’ordre ou ils apparaissent ; les harmoniques en italique sont ceux qui ne sont pas pratiquement utilisés en musique. »

Le tableau dressé laisse entrevoir une pyramide graphique dessinée par un ensemble de colonnes plus ou moins hautes (voir annexe 5 p.173 : Représentation de la série des harmoniques par Alain Daniélou ). On remarquera par ailleurs que la hauteur de ces colonnes est relative à la consonance de leurs intervalles respectifs 16 .

J’ai rassemblé, dans les documents annexes (6-9, p.174-177), un ensemble d’autres représentations diverses de cette série des harmoniques, chacune livrant des informations supplémentaires : • La version de l’encyclopédie musicale : « new grove » décline les 25 premières harmoniques selon leurs intervalles mesurés en octaves et en cents (le cent est utilisée en ethnomusicologie : soit une octave = 1200 cents).

• Une autre, tirée du site « khoomei »17 qui présente la série sur deux portées selon une fondamentale Do = 65,4 Hz.

16 Voir chapitre II, Le cerveau traite, consonances / dissonances. 17 http://khoomei.com/harmonic.htm 14

• La représentation suivante est similaire mais prends pour fondamentale un La 55 Hz, ce qui permet de faire une comparaison avec l’exemple de R. E. Jacobsohn cité plus haut.

• Enfin, le site de tunesmithy, dans une étude appelé « Why two notes of the harmonic series sound well together » (pourquoi deux notes de la série des harmoniques sonnent bien entre elles), propose des représentations (voir annexe 8 p.176 : Représentations de la série des harmoniques) avec des harmoniques marquées par des points de couleurs, ordonnés sur des portées 18 . Ces points sont parfois placés volontairement entre les lignes et les interlignes, afin de se démarquer des notes de la gamme tempérée. Le site met à disposition des extraits sonores (format MIDI) qui illustrent ces représentations (voir annexe CD : série des harmoniques midi).

14. Instruments de mesures des harmoniques

141. Le monocorde (env.570 av J.C)

Représentation d’un monocorde 19

Les propriétés de l'onde sonore ont été mises en valeur par les Grecs qui ont été les premiers « expérimentateurs » des relations numériques entre longueur de la corde vibrante et hauteur du son. Dans cette expérience, la vibration est mathématiquement reliée à la hauteur du son par des valeurs numériques. De façon totalement empirique, les pythagoriciens ont découvert cette notion essentielle de rapport entre fréquences, à l'aide de cette corde tendue le long d'un résonateur, instrument qui sera appelé par la suite, monocorde. Cet instrument aurait donc été un des premiers dispositifs de « recherche musicale ».

18 Notons qu’aucune clé ne figure, peut-être pour souligner le fait que la note fondamentale n’a pas besoin d’être nommée, car le même phénomène est observable pour chaque fréquence. 19 Image tirée du livre de John Beaulieu, Music and Sound in the Healing Arts , Station Hill Press, 1987. 15

142. Les résonateurs d’Helhmoltz (XIX ème siècle) Dans sa « Théorie physiologique de la musique » Helmholtz présente une nouvelle théorie de la perception, en s’appuyant sur la mise en évidence des harmoniques d’un son périodique et le calcul de leur intensité au moyen de résonateurs.

Models originaux en verre Reproductions modernes en laiton 20

Il utilisait ces sphères creuses (appelées depuis résonateurs d'Helmholtz) munies de deux cols courts tubulaires diamétralement opposés. Lorsque le son contenait une harmonique de fréquence égale à la fréquence de résonance de la cavité du résonateur, ou voisine de celle ci, cette harmonique était amplifiée, ce qui permettait de l'isoler. Grâce à une série de résonateurs de ce type, Helmholtz put déterminer l'intensité des harmoniques d'un son naturel. Il aurait développé l'idée que la consonance d'un intervalle était d'autant plus grande que les battements entre harmoniques proches l'une de l'autre étaient peu rapides. L’appareil de Koenig rassemble plusieurs résonateurs du même type, selon une mécanique qui permet de visualiser, par l’intermédiaire de petites flammes et d’un miroir, quels résonateurs sont mis en vibration. Depuis l’invention de ces résonateurs, les instruments d'expérimentation utilisés en acoustique musicale ont évolué, notamment grâce à l'amélioration des techniques de visualisation du spectre sonore. Si bien qu’en faisant entendre un son composé, pour étudier les harmoniques de ce son et leur intensité relative, on promènera le corps sonore devant les ouvertures des résonateurs, et l'on verra certaines flammes agitées, tandis que les autres restent au repos.

20 Images recueillies en Septembre 2005 sur le site : http://www.inrp.fr/she/instruments/instr_aco_resonnateurs.htm

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143. Les sonagraphes et sonagrammes (XXème siècle) Issu de recherches sur la parole, la conception du sonagraphe remonte aux années 1940. Créé dans les laboratoires de la compagnie de téléphone Bell ( Bell Laboratories ) cet instrument de mesure fut le plus important pour appréhender la visualisation de la décomposition du spectre sonore. Seul le sonagraphe, appareil de représentation graphique de la totalité des dimensions du phénomène sonore (temps - fréquence - amplitude) permettait de suivre un spectre évolutif, c'est-à-dire dont l'intensité de chaque harmonique variait dans le temps. Un sonagramme représente l’image de la décomposition d'un spectre sonore en fréquences harmoniques ou inharmoniques.

Exemple de sonagramme en deux dimensions Exemple de sonagramme en trois dimensions Fréquence sur les ordonnées, temps sur les T : Temps A : Amplitude F : Fréquence abscisses et couleurs pour l’amplitude

15. Formation des gammes naturelles par le découpage de l’octave Cette partie expose la théorie des gammes dites « naturelles » in extenso . Selon l’encyclopédie Wikipedia, une gamme naturelle est : « une gamme musicale fondée sur le choix d'harmoniques simples du son fondamental . ». On parlerait également, selon cette définition, de gamme des physiciens . Pour obtenir ces harmoniques, nous avons vu qu’il fallait diviser les longueurs d’une corde ou d’un tuyau selon des proportions équidistantes. La première découpe d’une fréquence fondamentale en deux segments équidistants révèle la notion fondamentale de l’octave. En ethnomusicologie, on observe que cet intervalle est perçu et reconnu dans toutes les cultures. L’Homme ne serait d’ailleurs pas le seul à le reconnaître. Ainsi certaines espèces animales comme le rat y seraient également

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sensibles 21 . De ce principe universel découle une série d’autres intervalles fondamentaux qui vont constituer une base pour l’élaboration de différentes échelles musicales. Les intervalles de la série des harmoniques dans une octave peuvent donc être utilisés comme un moyen de reconstruire cette « gamme naturelle ». Or il existe plusieurs façons de procéder au découpage de longueur d’une corde (ou d’un tuyau), ce qui entraîne plusieurs types de gammes naturelles. La construction de ces gammes consisterait donc à diviser l'octave, de la manière la plus régulière possible, en utilisant pour intervalles les rapports rationnels (au sens mathématique du terme) les plus simples possibles. Ces rapports sont manifestés par les harmoniques qui renvoient à une infinité de proportions. Les intervalles des harmoniques formeraient un premier élément déclinant tous les rapports musicaux. Ainsi, selon Alain Daniélou : « Tous les rapports sonores possibles sont compris théoriquement dans la série indéfinie des harmoniques. Il n’existe donc pas de combinaison harmonique ou mélodique qui ne soit impliquée dans la structure même d’un son unique, puisque la série des harmoniques n’est autre que la série des nombres. »22 L’auteur met alors également en évidence le fait qu’il est possible de retrouver tous les intervalles musicaux selon les rapports des harmoniques entres elles : « Bien que la série des harmoniques contienne implicitement tous les intervalles utilisables en musique, la plupart sont surtout un rapport entre harmoniques et non avec le son fondamental. Ils ne constituent pas à proprement parler une gamme musicale. Ainsi le ton majeur (Ut Ré = 9/8) est-il le rapport du huitième au neuvième harmonique, le ton mineur (Ré Mi = 10/9) le rapport du neuvième au dixième harmonique, le demi ton mineur (25/24) est le rapport du vingt-quatrième au vingt- cinquième harmonique, etc. Le demi-ton tempéré peut- être exprimé par l’intervalle du 1.000.000.000 e au 1.059.463.094 e harmonique. »23 Les intervalles ainsi étudiés sont souvent présentés sous la forme d’une fraction. Un système très fiable qui est utilisé notamment par Daniélou. Il existe une infinité de rapports de type n/m (n et m étant des nombres entiers) donnant des valeurs comprises entre 1 (la tonique ou fondamentale) et 2 (l'octave). Pour définir les intervalles naturels, il a donc fallu choisir, dans cet ensemble infini de possibilités, les rapports les plus appropriés.

21 Cité par R.E. Jacobsohn , initiation à l’ingénierie du son , op. cit. p. 26. 22 Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée , Hermann, 1959, p.32. 23 Idem. 18

Sur le monocorde, par exemple, le rapport entre la longueur totale et le segment de corde pincée établit des relations qui correspondent à des intervalles musicaux :

1/2 = octave ; 2/3 = quinte ; 3/4 = quarte ; 4/5 = tierce majeure ; 5/6 = tierce mineure Les gammes naturelles proposées par Pythagore et Zarlino (voir annexe 1 p.164 : Les personnages historiques de harmoniques .) constituent des références importantes dans l’évolution de la musique occidentale. Elles sont assez complexes et ne correspondent pas directement au phénomène étudié dans ce mémoire, c’est pourquoi elles ne seront que survolées.

Pythagore, Zarlino et le cycle des quintes : Pythagore a construit une gamme naturelle à partir d'un intervalle harmonique particulier : la quinte ; puis par des montées successives de quintes, correspondant au nombre de fois nécessaires pour parcourir une octave complète. C’est ce qu’on appelle depuis « le cycle des quintes ».

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Cette méthode a été largement contestée pour les raisons suivantes 24 :

• les sons obtenus sont des harmoniques de plus en plus complexes du son fondamental. • l’intervalle de la quarte qui est pourtant issu d’un rapport harmonique très simple (4/3) est absente. • le problème du comma : au bout du cycle des 12 quintes empilées, l’octave n’est finalement pas exactement retrouvé : la différence entre le Si # et le Do détermine cet intervalle que l’on nomme alors « comma pythagoricien », ce qui interdit certaines combinaisons de notes et certaines modulations. Ce problème était, à cette époque, résolu faute de mieux, par ce que l’on appelle en musicologie la « quinte du Loup». • certains intervalles très intuitifs (et particulièrement la tierce majeure par exemple : Do / Mi) ne seraient pas générés de façon parfaite, et sonneraient, en réalité, assez faux.

D'où les tentatives des théoriciens pour mettre en œuvre d'autres méthodes, basées sur d'autres considérations. Gioseffo Zarlino (1517–1590) élabore ainsi à son tour une des multiples gammes naturelles possibles en reconnaissant une place plus importante à l'intervalle de tierce « juste ». On appelle alors « comma syntonique » l'intervalle existant entre la tierce majeure « juste » (5/4 = 1,25) et la tierce pythagoricienne (3 4/2 6 = 1, 265625) : sa valeur correspond à 81/80, soit 1,0125 légèrement inférieure au comma pythagoricien. Par ailleurs, l’encyclopédie précise que dans la gamme proposée par Zarlino, on trouve un ton majeur et un ton mineur de valeurs différentes dans l'intervalle entre ces deux tons : cet écart vaudrait également 81/80, c'est pourquoi il est aussi appelé « comma zarlinien ».

Les gammes très précisément reconstruites sous forme de nombreuses fractions peuvent paraître assez complexes.

Voici une réduction simplifiée à 7 notes des deux gammes naturelles ainsi comparées :

24 Informations recueillies en septembre 2005 sur le site : www.wikipedia.com

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UT RE MI FA SOL LA SI UT Pythagore 1 9/8 81/64 4/3 3/2 27/16 243/128 2 Zarlino 1 9/8 5/4 4/3 3/2 5/3 15/8 2

La majeure partie des systèmes de formation des gammes naturelles joue sur la succession d’intervalles harmoniques plus ou moins simples qui, une fois empilés, créent des modes relativement complexes. Mon expérience auprès de Philippe Bougon, qui travaille sur les modes anciens, m’a fait comprendre que ces gammes naturelles s’éloignent parfois bien loin de leur origine : la série des harmoniques. La gamme qui, selon moi, serait la plus naturelle, pourrait se résumer aux harmoniques allant de H8 à H16. Dans son traité de musicologie comparée, Alain Daniélou aborde cette même gamme en la déclinant de la manière suivante :

« Les intervalles harmoniques sont, dans un certain sens les plus naturels. Si nous prenons comme base l’Ut, et en considérant seulement les seize premiers harmoniques parmi lesquels huit sont des notes distinctes et les autres des octaves supérieures, nous obtenons une gamme de huit tons formés par des intervalles suivants 25 »

Do Ré Mi Fa¼ Sol La-- Sib Si Do 8/8 9/8 10/8 11/8 12/8 13/8 14/8 15/8 16/8 Rapport 1 5/4 3/2 7/4 2

Sensiblement proche de la gamme majeure occidentale, elle paraît souvent très fausse à l’oreille, sans parler des deux « si » qui en font une gamme à 8 notes. Dans l’histoire de la musique occidentale, les 7e et 11e harmoniques étaient systématiquement évitées, parfois sous le prétexte qu’elles n’apparaissent pas dans le cycle des quintes. Daniélou explique à ce sujet que la musique n’utilise que les harmoniques dont les rapports ne contiennent pas un nombre premier supérieur à 5 26 .

Il s’agirait alors des harmoniques : H1, H2, H3, H4, H5 et de leurs multiples par 3 et par 5 : H9, H15 et H25. Le 7è harmonique (sib = 7/4) est donc mis à l’écart. Son rapport naturel de 7/4 = 1.75 est alors perçu comme une dissonance et remplacé par les

25 Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée , op. cit.

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rapports de 27/16 = 1,6875 (selon Pythagore soit 3 quintes accumulées) ou 9/5 = 1,8 (selon Zarlino) afin de faire entendre une septième mineure plus consonante et utilisable en musique. L’intervalle du 11è harmonique : 11/8 = 1,375 présente le même problème et semblerait d’autant plus rejeté par les musiciens qu’il peut être comparé à l’intervalle du triton considéré dès le Moyen-Age, comme musicalement proscrit, et ce jusqu’au XIXème siècle où on le décrivait comme « l’intervalle du diable » ( si contre fa es diabolus in musica 27 ). Dans la gamme tempérée, le Fa# fondé sur le rapport 7/5 = 1,4 est une note beaucoup plus consonante que les valeurs déduites par Pythagore : 729/512 = 1,422838125 et Zarlino : 45/32 = 1,40625.

Un cours de Martin Laliberté « Mutation technologique » soulignait le fait que l’histoire de la musique occidentale semble avoir suivi chronologiquement la série des harmoniques dans son approche de la consonance, si bien que les intervalles des harmoniques H2 / H3 étaient déjà considérés au Moyen-Age et à la Renaissance comme des consonances parfaites, le rapport H4 / H5 installant, de plus, les tierces majeure (5/4) et mineure (6/5) et le questionnement de leur consonances. Notons ensuite que les rapports H4 / H7 et H9 peuvent être comparés aux accords de septième et neuvième de dominante des périodes Baroques et Classiques, les rapports H8 / H13 , H14 et H15 correspondraient à l’intégration du chromatisme à travers la musique romantique. Les harmoniques supérieurs à H16 et leurs rapports avec la fondamentale (mais également entre elles mêmes), seraient enfin une référence dans la musique moderne, à travers les musiques micro-tonales.

La musique contemporaine explore ainsi des voies nouvelles (micro-intervalles, sons inharmoniques). Des intervalles plus éloignés que les premiers rapports simples rentrent peu à peu dans le champ des consonances musicales, mais comme des consonances relatives.

26 Voir chapitre II, le cerveau traite, consonances et dissonances. 27 Information recueillie suite à une conversation téléphonique avec Jean-Paul Rigaud, spécialiste en chant de la Renaissance et du Moyen-Age. 22

C’est d’ailleurs derrière ce spectre harmonique et son infinie liberté d’intervalles que Schoenberg justifie certaines de ses œuvres parfois surprenantes comme Erwartung (1909). Ses oeuvres trouvent à travers les harmoniques des excuses formidables pour déployer ses dissonances. Il dira à ce propos que « Selon le spectre harmonique, il n’y a pas de dissonances, il n’y a que des consonances éloignées » 28 .

2. Sympathie acoustique et résonance

21. Présentation du phénomène Le son, en tant que manifestation vibratoire, véhicule sous forme d’ondes ce que l’on pourrait appeler une « énergie ». En acoustique, on remarque que cette « énergie » est due à l’alternance de compressions et de dépressions que subissent les molécules d’air (ou autre milieu dit élastique). Le cours d’initiation à l’ingénierie du son de R. Jacobsohn explique comment le message sonore circule comme des « vagues » et se propage dans l’air sphériquement, à une vitesse qui dépend de la densité de l’air, de la température et de l’humidité. Les vagues qu’il produit seraient amenées à rencontrer physiquement des « obstacles », soit solides, sur lesquels il va rebondir un certain nombre de fois jusqu'à ce que son énergie s’épuise, soit mobiles, comme le tympan ou une membrane de microphone. En ce qui concerne les obstacles mobiles, ce qu’il appelle le « front d’ondes » va leur communiquer : « une oscillation similaire à la vibration l’ayant produite, laissant sur la membrane mobile une copie exacte de la vibration d’origine par sympathie acoustique, l’énergie est absorbée en quelque

28 Phrase dictée par Mr Martin Laliberté lors du cours de « Mutation technologique » consacré aux musiques atonales. 23

sorte ». Pour ce qui est des obstacles solides, la vibration émise serait renvoyée sous forme de « vagues » cohérentes (écho) ou au contraire, de façon aléatoire (réverbération). Nous nous intéresserons davantage au premier cas qui concerne le phénomène de la résonance. R. Jacobsohn en fait cette description : « Cette résonance est l’augmentation de l’amplitude des oscillations d’un système électrique ou mécanique excité par une force externe, périodique dont la fréquence est égale à la fréquence propre du système. » Autrement dit, il serait possible d’exciter un solide avec un matériau sonore en faisant coïncider leurs fréquences respectives. Selon Jocelyn Godwin, « c’est le comportement normal de la matière sous l’influence d’ondes. Le résultat est le produit d’une accumulation d’énergie pendant un certain laps de temps. » 29 Nous pouvons établir un rapport entre les harmoniques naturelles et le phénomène de la résonance ; il est évident, lorsque l’on observe, par exemple, les expériences d’Helmholtz, que certaines structures physiques répondent distinctement à une onde sinusoïdale de fréquence particulière, alors appelée « fréquence propre du résonateur ». C’est manifestement ce qui se produisait avec les résonateurs qu’il faisait vibrer et sonner avec des sons. Ces sphères de verre évidées, munies de deux cols courts diamétralement opposés étaient dirigées vers une source sonore. Une harmonique de fréquence égale à la fréquence propre du résonateur était alors amplifiée et mise en évidence par celui-ci. L’encyclopédie Wikipédia souligne à ce sujet un phénomène intéressant dont nous reparlerons plus loin, notamment dans l’étude des instruments à cordes sympathiques : « la trace sonore de cette harmonique était même conservée prisonnière un court instant après l’arrêt de l’émission de la source sonore. » Ce phénomène ne serait pas observable qu’au niveau sonore. La résonance, qui est avant tout un phénomène physique, toucherait également d’autres domaines. Ainsi, on parlerait également de la « résonance des marées », de la « résonance orbitale », ou encore de la « résonance dans des circuits électroniques ». On trouve plusieurs utilisations du phénomène, comme celle des récepteurs de radio et de télévision qui, par l'intermédiaire d’une antenne, captent toutes les ondes électromagnétiques émises par les nombreuses stations. Pour écouter une seule station, on doit accorder la fréquence propre du circuit RLC avec la fréquence de l'émetteur en choisissant une station ou une

29 Jocelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre , op. cit.

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chaîne particulière. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) utilise quant à elle la résonance des protons d'un organisme pour fabriquer des images. Le corps humain étant composé d'une grande quantité d'eau, en plaçant le corps dans un intense champ magnétique, on excite les protons contenus dans ses molécules d’eau grâce à une émission électromagnétique (radio fréquence), jusqu'à les mettre en résonance. On mesure ensuite les énergies rendues par les protons lors de l'arrêt de l'excitation avec une antenne. Un ordinateur interprète les informations reçues et les traduit sous la forme d’une image. Le micro-onde utiliserait également la résonance en agissant sur les molécules d’eau contenues dans les aliments.

22. Théorie de la résonance La théorie est établie en 1701 par le physicien français Joseph Sauveur qui, selon J. Godwin, s’appuyait sur l’attirance que manifestent les fréquences proches dans leur ressemblance, pour parler à son propos de « vibrations par sympathie ». L’expression est depuis conservée et s’applique notamment en acoustique et en musique.

La théorie entière est très complexe et sera donc résumée pour ce travail. Ce qui est important de souligner ici est le rapport entre la fréquence d’une vibration émise, son intensité et le résultat laissé par la résonance. La formule physique est très simplement exposée dans l’encyclopédie Wikipédia. Pour un système possédant une fréquence de résonance , l' intensité des oscillations I, quand le système est soumis à une oscillation ω, est donnée par l'équation :

.

Il s’agirait d’une fonction dite de « Lorentz », que l'on peut retrouver dans de nombreuses applications physiques relatives aux oscillations. Γ est un paramètre dépendant de l'oscillateur harmonique.

25

L'amplitude A vaut ainsi :

Plus la fréquence de ω est proche de celle de , plus l'intensité des oscillations est grande. L’encyclopédie illustre alors cette théorie par un exemple très parlant : « Ainsi, par exemple, une cantatrice capable d'émettre un son (vibration sonore) à la fréquence adaptée peut briser un verre de cristal . » Je m’étais interrogé sur ce phénomène que je considérais comme une simple rumeur. J’ai alors cherché des séquences filmées d’expériences qui pourraient illustrer cet exemple, notamment par le biais d’internet. De très courtes durées, ces extraits vidéos ne permettent pas de vérifier quoi que ce soit (voir annexes : CD / documents vidéos / wineglass.avi ) de plus, les sites qui les hébergent n’abordent pas la question des propriétés du verre, ou du matériau susceptible de résonner selon cette voix. La précision du verre « en cristal » demande certaines explications. Qui n’a pas déjà fait l’expérience de faire entrer en résonance un verre à pied (pas nécessairement en cristal) en le frottant régulièrement avec son doigt sur le bord préalablement humidifié ? On peut alors entendre un son qui semble planer autour du verre. Mais l’intérêt de mon étude est de découvrir, plus précisément, les effets d’un son quelconque (ou d’une harmonique) sur un corps tout aussi quelconque, sans qu’il n’y ait véritablement de contact physique entre l’émetteur et le récepteur.

23. La résonance des objets Est-ce possible avec un son autre que celui de la voix ? Avec un matériau autre que le verre ou le cristal, qui sont en fait des liquides figés ? En travaillant avec Philippe Bougon sur ce sujet, j’ai compris que cela n’était possible qu’en fonction de plusieurs paramètres ; ceux de la source sonore, relativement simples à déterminer, contrairement à ceux de l’objet qui présente des caractéristiques bien plus complexes. J’avais par ailleurs constaté que le volume sonore (ou bien l’amplitude), était un facteur capital à cette réaction, et j’étais convaincu que, poussé à une puissance importante, le son pouvait avoir des répercutions remarquables sur la matière.

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Afin donc de mettre en résonance un objet, les paramètres du son seraient ainsi : un timbre , qui contiendrait peu d’harmoniques, une durée , plutôt longue afin que l’objet puisse avoir un certain temps d’adaptation pour entrer en résonance (aussi court soit-il), une amplitude : un volume plutôt fort, une hauteur : accordée avec la fréquence propre du matériau, et enfin une distance : afin que les ondes sonores puissent accéder physiquement à l’objet avant d’épuiser leur énergie. L’apparition de la résonance serait relative à la forme physique de l’objet: on a vu par exemple qu’avec les résonateurs d’Helmholtz, la forme sphérique ouverte en deux endroits était particulièrement efficace. Cette forme contiendrait également la notion d’épaisseur du matériau (le pied plus épais du verre brisé reste intacte par exemple) mais aussi la masse ; le module élastique ; la structure cristalline ; le mode de vibration caractéristique du solide (phonon ) et son arrangement moléculaire . Ce sont les principaux paramètres que Philippe Bougon m’a aidé à mettre en évidence et à prendre en compte (sans parler d’autres paramètres que je n’ai su remarquer ou comprendre). Jacques Dudon (Atelier d’Expérimentation Harmonique), que j’ai pu rencontrer lors du festival des « Noces Harmoniques » en Août 2005, m’a également aidé à mieux comprendre ce phénomène en me précisant qu’un objet résonnant, mécanique, acoustique, ou électromagnétique, possédait en général plus d'une fréquence de résonance (en particulier les harmoniques de la résonance la plus forte). En pratique la fréquence principale de résonance est proche et légèrement supérieure à sa fréquence propre.

24. Les cordes sympathiques Le phénomène est facilement observable au niveau acoustique par l’exemple des cordes de luth, cité par Jocelyn Godwin, et constituant manifestement dans l’histoire de la musique, une référence remarquable pour beaucoup d’auteurs: « si l’on pince une corde de luth par exemple et dont la fréquence est accordé ou très proche de celle d’un autre corde voisine, cette dernière n’ayant pas été pincée, va se mettre à vibrer d’elle même. » 30

Descartes utilisait déjà le même exemple pour parler du phénomène :

30 Jocelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre , op. cit. 27

« Dans les cordes de luth, si on en pince une, celles qui sont plus élevées qu’elle d’une octave ou d’une quinte tremblent et résonnent d’elle même »31 . On peut en faire l’expérience également avec un piano en libérant les étouffoirs ; jouer une note permet d’entendre, au relâchement de la touche, certaines des cordes, ainsi libérées et mises alors en résonance. Ce sont uniquement les cordes dont la fréquence correspond aux harmoniques de la corde frappée qui se mettent en résonance, on dit qu’elles « vibrent par sympathie ». La série est alors relativement audible. Dans l’histoire de la musique occidentale, les interprétations de ce phénomène sont multiples, allant du phénomène acoustique observé scientifiquement jusqu’à des manifestations symboliques et mystiques (c’est le cas notamment avec Robert Fludd), en passant par la philosophie, comme le souligne Luc Breton 32 en citant G. de Venise pour son approche du phénomène : « La sympathie ressemblance apparaît finalement au principe même de l’Harmonie du monde car ‘‘toute chose entre elles même et par réciproque accords se répondent’’ ». Raymond Court 33 , décline trois formes de sympathies en fonction des différentes approches du phénomène et selon des personnages historiques : o la sympathie - ressemblance (Ficin) o la sympathie - mécanisme (Descartes 34 ) o la sympathie - altérité (Max Scheler)

De nombreux instruments anciens et actuels comportent des cordes sympathiques ; en occident, les gammes naturelles utilisées au Moyen-Age et à la Renaissance permettaient aux instruments à cordes de posséder ces cordes supplémentaires qui n’étaient, en principe, jamais directement jouées, mais qui permettaient de faire résonner leurs mélodies sur le mode harmonique. L’instrumentarium ancien comporte d’innombrables modèles à cordes sympathiques plus ou moins oubliés, comme la trompette marine, ou le Baryton. En Europe, jusque dans les pays scandinaves, et en Asie proche (notamment en Afghanistan et en Inde)

31 Texte de Descartes dans son abrégé de musique : Compendium musicae (1618) , recueilli dans l’ouvrage de J.Godwin , les harmonies du ciel et de la terre , op. cit. 32 Luc Breton, « Les instruments à cordes dans l’occident chrétien » in Amour et sympathie , l’ensemble Baroque de Limoges, 1995. 33 Raymond Court « Musique et sympathie » in Amour et sympathie , op. cit. 34 Voir annexe 1 p. 164 : Les personnages historiques des harmoniques , Descartes. 28

certains de ces instruments sont encore largement utilisés au sein de leur tradition musicale 35 .

25. La résonance des lieux J’ai réellement pris conscience de la résonance d’un lieu en constatant que celui ci était capable de « répondre » en quelque sorte à ma propre voix. Je me suis entraîné au chant dans des cages d’escalier entre autres, dont les murs très sobres, reflètent facilement les sons. L’une d’entre elles, par exemple, résonnait sur un lab un peu bas ; c’était sa fréquence, et elle ne voulait pas résonner sur une autre note. J’en ai conclu que ce lieu avait sa fréquence propre et que lorsque j’émettais celle-ci, il l’amplifiait. Une fois que l’on émet une des fréquences qui correspondent au lieu, le son va alors donner l’impression d’envahir tout l’espace. Le lieu résonne grâce à cette fréquence et l’amplifie par la même occasion. Philippe Bougon 36 connaît bien le phénomène qu’il m’a présenté sous le nom de « chant en résonance ». Il travaille notamment sur l’acoustique des Abbayes Cisterciennes dont l’architecture aurait été conçue selon des propriétés acoustiques de résonance. Nous verrons plus en détails les particularités de ce chant et de ses techniques au cours du troisième chapitre. Celles-ci sont d’ailleurs, et l’on peut supposer que ce n’est pas un hasard, des techniques de chant qui mettent en évidence les harmoniques de la voix. Ainsi, les voûtes des églises et leurs propriétés acoustiques pourraient être liées à la résonance de sons harmoniques.

26. Les inconvénients de la résonance

261. la résonance des ponts : L’encyclopédie Wikipédia évoque l’exemple d’un pont suspendu, dont le tablier est maintenu par des câbles, pouvant effectuer des oscillations verticales, transversales ou de torsion. À chacun de ces types d'oscillations, correspond une période propre. En 1850, à Angers, une troupe traversant au pas cadencé le pont suspendu sur la Maine (pont de la Basse-Chaîne) en aurait provoqué la rupture par résonance suite à quoi 226 soldats auraient été tués. Depuis cette date, le règlement militaire interdit de marcher au pas sur un pont.

35 Voir aussi chapitre III, Instruments à cordes sympathiques.

29

En 1940, des bourrasques intermittentes provoquèrent des vibrations de torsion du pont de Tacoma Narrows (USA) d'une amplitude telle que le pont s'effondra. Des précisions sont présentées sur un site intitulé : « pont et résonance »37 . Le pont aurait d’abord vibré en mode transversal avec une fréquence d’environs 36 hertz et une amplitude de 1,5 pieds. Mais, plus tard, il se serait mis dans un nouveau mode de vrillage , avec une torsion en deux segments pour une fréquence d’environ 14 hertz. Ce nouveau mode a causé l’effondrement du pont sous l’effet de la résonance provoquée par le vent, par un mécanisme appelé « vortex ». Une fois que le pont a commencé à se tordre, le vent a continué à le conduire vers la résonance, et l’amplitude de la vibration a augmenté pour finalement dépasser les limites de résistance du pont (voir annexes : CD / documents vidéos / tacoma.avi ). 262. La résonance des vagues : Dans un autre domaine, on parle aussi de la résonance de la houle des vagues qui provoque le roulis des navires. Ceux-ci sont construits de telle sorte que leur période propre vis-à-vis des oscillations dues au roulis soit nettement supérieure à la période moyenne de la houle : l'amplitude des oscillations forcées est alors faible, quelle qu'en soit la fréquence.

263. La résonance des véhicules : En voiture, certaines pièces mal fixées du moteur, ou de la carrosserie, peuvent entrer en résonance et émettre des vibrations sonores. Le véhicule lui-même, avec son système de suspension, constitue un oscillateur heureusement muni d'amortisseurs efficaces, évitant ainsi que le véhicule n'entre en « résonance aiguë ».

264. La résonance des infra basses : L’analyse de tous ces cas nous éclaire petit à petit sur les conditions nécessaires à la manifestation de la résonance ; le but étant de vérifier le fait qu’il soit réellement possible de mettre en résonance un système organique vivant (comme le corps humain) par le moyen d’ondes sonores. Le monde des infra-basses et des effets qu’il induit se heurte à beaucoup d’interprétations variées et souvent contradictoires. Il semble toutefois évident que ces infra-basses ne laissent pas indifférent le corps qui les reçoit.

36 J’ai rencontré Philippe Bougon à Aix en Provence, lors d’un stage sur l’harmonisation par les bols chantant, le didgeridoo et le chant diphonique.

30

Elles se manifesteraient aussi bien mécaniquement, au moyen d’appareils (hélicoptères, tanks, marteau-piqueurs, machines industrielles…) qu’acoustiquement. Or elles sont inaudibles à l’oreille humaine et extérieures aux bandes passantes des amplificateurs et enceintes traditionnels. Pour que le corps puisse être en contact avec ces vibrations très lentes, il est donc nécessaire de concevoir des machines qui soient capables de les reproduire. Selon Bernard Auriol 38 , certains organes vestibulaires (utricule, saccule, canaux semi-circulaires) seraient sensibles à de très basses fréquences et pourraient provoquer certains effets d’ordre psychologique : « mal des transports et troubles digestifs de 0 à 2 Hz ; dorsolombalgies, déplacements vertébraux, surventilation, baisse d’acuité visuelle (etc.) concernant les fréquences de 4 à 10 Hz 39 . La tête dans son ensemble, entrerait en résonance entre 10 et 20 Hz. Entre 25 et 40 Hz, puis entre 60 et 90 Hz, c’est l’œil qui se prend à souffrir »40 . Les chercheurs anglais John Barker et Mark Newbold, qui travaillent sur les effets des vibrations acoustiques, indiquent que les « très basses fréquences » commencent à être dangereuses en dessous de 14 Hz et sont extrêmement dangereuses à 7 Hz. Nous verrons dans le Vème chapitre comment certaines thérapies, comme celle de Marie-Louise Aucher, ont su retourner ce phénomène pour en tirer profit et comment certains sons pourraient, au contraire, être perçus positivement et utilisés comme un moyen de « soigner le corps » et de « diminuer le stress ». Plusieurs appareils à infra- basses auraient ainsi été conçus par ailleurs pour diminuer cette tension. Leur principe serait basé sur l’injection d'une onde rectangulaire de fréquence comprise entre 3 et 14 Hz. Un utilisateur de l’inducteur alpha témoigne : « Pendant la courte expérience qui n'a duré que 20 minutes environ je n'avais jamais ressenti un niveau de relaxation comparable. » On pourrait dès lors penser que ces pratiques et ces interprétations seraient dues à un amalgame entre plusieurs modes de fréquences et de résonance. Sur le plan des pulsions électriques, par exemple, les vibrations auraient de tout autres effets. Un article intitulé « Ondes Cérébrales »41 décrit les très basses fréquences en fonction des ondes

37 Informations recueillies en Septembre 2005 sur le site : www.ac-nice.fr/physique/Oscillateur/pont.html 38 Bernard Auriol, la clef des sons , érès, 1994 39 Idem (Delhaye, 1968 ; Woods, 1970) 40 Bernard Auriol, idem (Benitte, 1965) 41 Observé en Septembre 2005 sur le site : http://www.midi-plus.com/Sommeil_Profond.htm#projet 31

émises par le cerveau lors des « états modifiés de conscience » comme l’hypnose, la relaxation ou le sommeil.

Des ondes encéphalographiques ont été identifiées en rapport avec:

• la conscience extérieure: onde bêta , fréquence comprise entre 15 et 30 Hz (état éveillé ordinaire) • la conscience intérieure: onde alpha , 7 à 14 Hz (ondes découvertes les premières, d'où alpha , état de relaxation) • l'inconscience: onde thêta , 4 à 7Hz (sommeil, état exploité en hypnose) • onde delta , 0 à 4 Hz (3 à 4 sommeil profond, 1 coma, 0 mort) La pratique du yoga et de la méditation pourraient faire accéder consciemment à ces derniers états que les psychologues occidentaux ont peu étudié, connaissant peu ce genre de pratiques et encore moins leurs effets. Filmé pour un document vidéo de Arnaud Desjardins sur les pratiques du Zen, le moine japonais Sensei Deishimaru s’est prêté à des expériences qui consistaient à mesurer les ondes de son cerveau au moyen d’électrodes alors qu’il était plongé dans une profonde méditation 42 . Nous reviendrons sur ce sujet au cours du Vème chapitre, à travers les psychosynthèses. Avant cela, voyons quels sont les moyens que possède le corps humain pour recevoir et percevoir les ondes sonores.

42 Document vidéo : « Zen, ici et maintenant, partout et toujours » de Arnaud Desjardins. 32

II Capacité à percevoir les sons

Quels sont nos moyens de percevoir les vibrations sonores ? Quels sont nos moyens de les ressentir, de les traduire, de les interpréter, de les intégrer ou de les rejeter, ou bien encore de les manifester par telle ou telle action, telle ou telle réaction? Nous avons manifestement notre corps, nos oreilles, notre système nerveux et notre cerveau. Ce sont les organes qui réagissent principalement à la réception, la perception et l’interprétation d’un message sonore. Mais nous verrons comment la peau ainsi que tous les autres organes du corps peuvent aussi participer à cette communication. Nous avons vu comment les fréquences infra-basses peuvent agir sur le corps, et nous savons aussi que les harmoniques d’un son peuvent s’étendre vers les aigus, au delà de nos capacités de perception. Or, si nous ne les percevons pas consciemment, nous pourrions être amenés à les recevoir, inconsciemment. Ce chapitre cherche à mettre en évidence le fait que l’on entendrait pas qu’avec les oreilles ; pensée qui, dans certaines musicothérapies ou bien dans certaines cultures du monde (c’est le cas de l’Inde par exemple), est considérée comme un fait véritable. Rappelons, avant de nous intéresser aux moyens de perception que possède notre corps, les propriétés que possède tout évènement sonore.

Attributs perceptibles du son : La psychoacoustique qui est amenée à répertorier tout type de sons au cours de diverses séances d’écoute, définit la nature d’un son selon son volume (fort / faible), sa hauteur (grave / aigu), son timbre (perçant / feutré) et sa durée (court / long) comme le décrit le tableau suivant 43 :

Le volume sera appelé amplitude et mesuré en décibels (dB) La hauteur sera appelée fréquence et mesurée en hertz (Hz) Le timbre sera appelé spectre et son matériau de base sera la forme d’onde La durée sera appelée enveloppe et son matériau de base sera le trapézoïde

43 Issu du manuel de Ricardo E. Jacobsohn, Initiation à l’Ingénierie du Son , op. cit.

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Ces paramètres sont identifiables par l’oreille ou plutôt par les oreilles, car comme le fait remarquer A.Tomatis, « s’il est vrai qu’il existe deux oreilles répondant à des structures anatomiques semblables et obéissant à des lois acoustiques analogues, il n’en est pas moins vrai qu’elles se différencient essentiellement dans leur fonction autorégulatrice. En effet, l’une d’entre elle est privilégiée et mérite le nom d’oreille directrice. C’est elle seule qui permet de contrôler, de viser le son. Elle est à droite chez le droitier, à gauche chez le gaucher »44 . Or le spécialiste explique également que cette oreille directrice n’est pas pour autant indépendante. L’oreille opposée, quant à elle, tiendrait un rôle important dans la notion de relief , et de directivité d’un son. En suivant cette remarque, et pour l’étude actuelle qui peut concerner des écoutes dont la source serait plus ou moins éloignée du corps, j’ajouterai, comme paramètre du son, l’élément de la spatialisation qui permet de qualifier la localisation de l’émetteur par rapport au sujet récepteur (droite, gauche, haut, bas, éloigné, proche voire directement en contact avec la peau, etc.). La spatialisation pourrait donc être appelée relief , elle serait mesurée en fonction de la distance et évaluée sur trois dimensions. En suivant ces données, il est évident qu’un long son fort, proche, grave et feutré aura un impact totalement différent de celui d’un son court, faible, lointain, aigu et strident. Comme nous serons amenés dans cette étude à définir la qualité de plusieurs sons ainsi que leur effets, je propose une notation qui nous permettra de donner un aperçu des conditions d’écoute de certaines musiques. Observons grâce aux tableaux suivants, deux exemples volontairement opposés des qualifications d’un son perçu. Ce système, bien qu’approximatif, permettra de distinguer et de regrouper les différents instruments et musiques étudiés selon une condition d’écoute relativement neutre.

Exemple d’une berceuse : Berceuse   Volume faible O fort Hauteur grave O aigu Timbre feutré O perçant Durée court O long Spatialisation proche O lointain

44 Alfred Tomatis, l’oreille et la voix , R.Laffont, 1987. 34

Exemple d’un son qui fait sursauter 45 : Son surprise   Volume faible O fort Hauteur grave O O O aigu Timbre feutré O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O lointain

1. L’oreille capte

L’anatomie et le fonctionnement de l’oreille ont été décrits dans de nombreux ouvrages, de manière plus ou moins détaillée. N’ayant pas réellement besoin, pour cette étude, d’approfondir cette partie, je ne ferai qu’un bref rappel sur le fonctionnement global de l’oreille externe, moyenne et interne, en m’appuyant sur des informations recueillies chez A.Tomatis, B.Auriol et R.E. Jacobsohn.

11. L’oreille externe Correspondant principalement à la partie visible de l’organe, l’oreille externe est en communication directe avec l’extérieur. Tomatis explique que l’oreille externe joue un rôle d’amplificateur et de filtre, en privilégiant la diffusion de certains sons sur l’oreille interne. Ce sont les aigus qui seraient tout spécialement sélectionnés. Bernard Auriol 46 précise que la forme du pavillon permet de collecter les sons et d’augmenter le niveau sonore de 10 à 15 décibels sur une gamme de fréquence entre 1500 et 7000 Hz, avec une résonance à 3 kHz. Le rôle localisateur du pavillon concernerait essentiellement les fréquences supérieures à 2000 Hz. Auriol ajoute que le pavillon comporte une multitude de points dont les particules électriques semblent liées au fonctionnement des autres parties de l’organisme ; ces points seraient notamment utilisés en acupuncture. L’auriculothérapie, née des travaux de P.Nogier utilise l’oreille externe selon des principes similaires.

45 Pour des raisons de commodité, j’ai rassemblé selon deux directions (indiquées par les flèches), les qualifications relatives à chaque paramètre du son. Les cases marquées par un petit cercle désignent ainsi sur quatre niveaux des conditions d’écoute générale pour chaque évènement sonore. Ainsi, le « Volume » de la « berceuse » par exemple sera « plutôt faible ». Il est possible que plusieurs cases de la même ligne soient marquées, comme c’est le cas pour la « Hauteur » du « son surprise » : les trois marques indiquent donc que le son émis se répand globalement sur des registres allant du « moyennement grave » à l’ « aigu ». 46 Bernard Auriol, la clé des sons , Shaw, 1974, p. 19. 35

12. L’oreille moyenne A travers le fonctionnement de l’oreille moyenne, nous voyons se manifester le phénomène de la résonance : la vibration, captée par le pavillon, parcours le conduit médian jusqu’au tympan, une membrane souple qui vibre alors par sympathie selon les oscillations de l’air et qui marque l’entrée dans la zone de l’oreille moyenne. C’est ainsi que nous pouvons constater très concrètement le phénomène qui nous intéresse au sein même du corps humain. Cette zone est reliée à l’arrière gorge par la trompe d’Eustache et permet notamment par la déglutition ou par les bâillements, d’ajuster les variations de pression atmosphérique du milieu extérieur. Or l’activité de l’oreille moyenne concerne essentiellement le rôle des trois osselet : le marteau , lié par son manche au tympan, l’enclume et l’étrier qui lui est solidaire de la membrane qui obture ce qu’on appelle « la fenêtre ovale» (une ouverture de 3 mm² recouverte d’une membrane) 47 . L’étrier va alors transmettre la vibration à un organe de mécano-réception en forme hélicoïdale de deux tours et demi, appelée cochlée .

13. L’oreille interne L’étrier va transmettre les oscillations plus exactement à la périlymphe du vestibule , contenue dans la cochlée et qui se propagerons ensuite à la périlymphe de la rampe supérieure et de celle ci à l’endolymphe de la rampe moyenne , à travers la fibre membranaire qui les sépare, appelé membrane de Reisner . Cette membrane communiquera à son tour les vibrations, au liquide interne contenu dans la cochlée. A l’intérieur de la cochlée, il existe deux types de neurones modifiés : les cellules de l’organe de Corti , au nombre de 3500 pour les cellules cillées internes (sensorielles) disposés tout le long de la membrane basilaire de la cochlée et les 12000 cellules cillées externes (motrices) disposés en trois rangées en forme de chevrons. C’est à ces cellules que va revenir la délicate tâche de traduire l’énergie mécanique des vibrations de pression du liquide interne en impulsions d’énergie électrique, seules utilisables par le cerveau. En d’autres termes, cette étape marque un changement de nature dans le cheminement de l’information : la vibration, qui était véhiculée par sympathie acoustique, est ainsi transformée en énergie électrique, dès lors capable de parcourir, de synapses en synapses, les 30 000 fibres du nerf auditif. Nous verrons plus loin comment le message devenu électrique sera analysé par le cerveau.

47 Voir annexe 12 p. 180 : schéma de l’oreille . 36

Chaque vibration, perçue par une oreille en bonne santé, observe ce processus d’analyse et de transformation. C’est un organe qui fonctionnerait sans relâche. Nous percevrons toujours et à chaque instant des sons. En ce sens, j’affectionne particulièrement l’idée qui souligne que « l’oreille n’a pas de paupières ». Les oreilles reçoivent donc en continu des informations vibratoires, des pressions et dépressions d’air au niveau des tympans. La résonance ce fait donc au niveau des tympans mais aussi au niveau de la membrane de Reisner . De plus nous sommes encore une fois amenés à penser qu’elles ne sont pas les seules à le faire. La peau pourrait aussi être considérée comme une sorte de membrane qui, elle aussi, transmet des informations électriques au cerveau par l’intermédiaire des neurones du système nerveux.

2. Le corps ressent

21. Hyper-sensibilité tactile Dans certains domaines, comme en psychophonie 48 , on pense qu’au delà de l’oreille, les vibrations diverses qui nous entourent sont perçues par notre corps à différents niveaux, qu’on en soit conscient ou non. En allant dans ce sens, on peut penser que le toucher est un sens relativement proche de l’audition. Le dictionnaire usuel 49 définit le toucher comme un sens réagissant à cinq types de sensations : le contact , la pression , la chaleur , le froid et la douleur . Chaque sensation pouvant être ressentie selon un degré de perception plus ou moins sensible. Or, cela est très subjectif, et d’autant plus lorsqu’il s’agit de travailler avec précision, si bien que différents individus peuvent être amenés à ressentir des effets différents, voire totalement opposés pour une même information. Le seuil de douleur par exemple varie, d’une personne à l’autre, selon les contextes et l’accoutumance, tout comme la sensation de différentes températures (etc.). En ce qui concerne les ondes sonores et leur réception au niveau de la peau et parmi les cinq sensations décrites plus haut, il serait plutôt question de contact , ou plutôt d’une approche sensible d’un contact indirect. Ce contact se ferait suivant le milieu ambiant (habituellement par l’air) qui, par la manifestation d’une vibration, communique au corps et à la peau des pressions et dépressions. Tous nos sens et nos

48 Marie-Louise Aucher, les plans d’expression , épi.1983. 49 Dictionnaire le petit Larousse illustré , définition du mot : « toucher ». 37

organes seraient alors des instruments de perception des sons. La psychophoniste Marie Louise Aucher 50 explique : « L’homme à l’état d’écoute perçoit par son corps entier les vibrations qui lui parviennent, et son système nerveux conduit jusqu’aux centres de l’audition, puis au cerveau les perceptions captées. Cette réception sensorielle va se faire surtout par le truchement du tact, l’un des sens dont nous n’usons guère que très grossièrement, faute d’entraînement musical sonore. » Il existe des exercices, notamment à travers la pratique du yoga, qui visent à aiguiser nos sens de perception, en développant une certaine « hyper-sensibilité » de nos organes sensoriels. On peut par exemple concevoir qu’un non-voyant finit par atteindre un niveau de perception de l’ouïe et du toucher plus sensible que celui d’un voyant. Ces exercices pourraient se résumer à une attention accrue, ainsi qu’une grande concentration portée au niveau d’un sens en particulier ou bien de plusieurs à la fois. J’ai personnellement appris, depuis environs 5 ans, à travailler en ce sens, notamment avec l’aide du kinésiologue 51 O. Fraysse, et en fonction de différents instruments et sources sonores. J’ai pu conclure que, pour ressentir un son au niveau tactile, l’événement sonore doit répondre à des critères particuliers. Voici une représentation graphique d’un exemple de son facilement perceptible au niveau tactile 52 : Son tactile   Volume faible O O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O O O perçant Durée court O O O O long Spatialisation proche O lointain

Le son devra donc être diffusé avec un volume assez important et la source devra être plutôt proche de l’auditeur, ou même d’une partie de son corps. Les sons graves sont plus aisés à ressentir, mais on peut supposer que les sons plus aigus peuvent également être perçus plus subtilement par le corps.

50 Le terme « psychophoniste », est utilisé par M.L.Aucher : il est dérivé de la « psychophonie » qui correspond aux recherches thérapeutiques sur le chant et la résonance de celui-ci dans le corps même du chanteur. 51 La kinésiologie est une médecine qui est basée sur les maux du corps en relation avec l’état psychique et émotionnel du patient ; elle utilise volontiers le patrimoine des médecines traditionnelles chinoises et indiennes et par le « test musculaire » permet de communiquer directement avec les cellules du corps.

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Il existe, dans divers ouvrages comme ceux de M.L. Aucher, et d’autres encore n’ayant pas spécialement de lien direct avec la musique et la perception des sons 53 , plusieurs petits exercices qui permettraient d’aiguiser notre perception du toucher. L’idée souvent développée est de relâcher le système intellectuel et critique avant de commencer l’expérience, puis de se concentrer sur une partie de notre corps, la main pour prendre un exemple simple, et, dans un environnement calme, tenter de ressentir quoi que se soit en s’approchant très lentement d’une surface comme une table, sans jamais réellement la toucher. Certains peuvent alors ressentir la chaleur de leur propre corps réfléchie, globalement très perceptible, ainsi que d’autres sensations plus subjectives et personnelles s’éloignant quelque peu de notre sujet actuel. Les livres qui abordent ce sujet décrivent le phénomène de manière plus ou moins scientifique. Il navigue ainsi entre le milieu ésotérique qui parle « d’aura » (déclinée sous plusieurs couches de perception et souvent en relation symbolique avec divers états psychologiques et émotionnels) et un milieu plus scientifique, comme dans l’ouvrage de Cyril W. Smith & Simon Best 54 qui met en évidence des phénomènes électromagnétiques. Barbara Ann Brennan, dont l’approche scientifique du phénomène est tout aussi prononcée, parle dans son ouvrage de « Chant d’Energie Universelle » : « Il sature tout l’espace, tous les objets animés et inanimés, connecte tous les objets et s’écoule de l’un à l’autre. Sa densité est inversement proportionnelle à la distance de sa source. Il obéit aussi aux lois d’induction harmonique et de résonance sympathique. On observe ce phénomène lorsqu’on heurte un diapason. Si un autre diapason se trouve à proximité, il se met à vibrer à la même fréquence et produit le même son. » 55 On retiendra les travaux de recherche dites « scientifiques » du russe Semyon Kirlian qui, en 1939, a mis au point un système pour photographier cette « aura » en noir et blanc. De nos jours, grâce aux progrès technologiques, des chercheurs ont mis au point un matériel qui permet de reproduire, selon le même principe, des images en couleurs et en animations 56 . Cet exemple est souvent utilisé en musicothérapie pour convaincre les plus septiques et les plus insensibles.

52 Lorsqu’une ligne entière est marquée, cela signifie que l’évènement sonore peut être émis de manière indifférente selon le paramètre concerné. Ainsi, selon l’exemple, un « son tactile » peut être facilement perçu avec n’importe quel timbre et aussi bien selon une durée brève que longue. 53 Par exemple l’ouvrage de David Servan-Schreiber, Guérir , Robert Laffont, 2003. 54 Cyril W. Smith & Simon Best, L’homme élecrto-magnétique , Marco Pietteur, 2002. 55 Brennan Barbara Ann, Le pouvoir bénéfique des mains , Paris, éditions sand, 1993. 56 Voir aussi annexe 20, p. 31 : photos kirlian d’une pomme tranchée et d’une feuille coupée . 39

Appareil kirlian et photographies de l’ aura Photographie kirlian des pieds et des doigts 57 d’une feuille d’arbre 58

On peut voir sur ces photos une représentation du phénomène en question autour d’un corps vivant, comme une prolongation subtile de celui-ci. Cette approche, plus ou moins empirique (car vraisemblablement non reconnue), constitue toutefois une piste non négligeable concernant la sensation de perception tactile des sons à distance. Nous serons également amené, à approfondir ce sujet selon les traditions indiennes et chinoises, celles-ci étant manifestement utilisées par beaucoup de musicothérapeutes 59 . Ce « champ de force », qui en France est le plus souvent appelé « énergie » (« prana » en Inde et « Qi » en Chine), constituerait un système de circulation subtile dans l’organisme et autour de celui-ci, selon les méridiens d’acupuncture ou encore selon sept centres principaux le long de la colonne vertébrale appelés « chakras » en Inde. Nous verrons donc par la suite, plus précisément, comment ce système de perception peut être mis en relation avec la musique, le chant, la résonance et les harmoniques. Selon cette approche, le son est en relation tactile avec l’aura. Sans pour autant parler d’aura ou d’ondes électromagnétiques, j’ai pu personnellement expérimenter de nombreuses fois cette sensation tactile du son. Dans la pratique, il suffit par exemple d’approcher la main à quelques centimètres d’un bol tibétain 60 en vibration pour en sentir très concrètement et tactilement la manifestation vibratoire. Le même phénomène est observable plus couramment par les haut-parleurs qui diffusent des vibrations pouvant êtres fortement amplifiées.

57 Images recueillies en Octobre 2005 sur le site : http://www.kleurenpunctuur.nl/prod.htm 58 Idem sur le site : http://home.earthlink.net/~johnrpenner/Articles/Auras.html 59 Tels que : John Beaulieu, M.L.Aucher, O.Robidou, J.Cope etc. 60 Voir aussi chapitre IV , les instruments harmoniques, bol en métaux. 40

22. Les basses amplifiées et le corps C’est donc dans le phénomène du son amplifié que l’on peut nettement expérimenter la sensation tactile du son. Les organisateurs de concerts de musique amplifiée sont souvent amenés à sonoriser une vaste salle ou bien un espace extérieur important, afin que le public (ou récepteur) puisse profiter de l’événement sonore dans de bonnes conditions. Les ingénieurs du son comme Tony Lheureux 61 travaillent pour que la sonorisation d’un public soit optimisée selon les nombreux paramètres comme le vent (en extérieur) ou la température, les obstacles de la salle, la réverbération naturelle (etc.) Le niveau d’écoute pour l’auditeur dépend également du bruit ambiant de la salle qui, dans certains concerts, est très élevé. On peut d’ailleurs observer, depuis les dernières décennies, une tendance à sur-sonoriser . J’ai pu recueillir, dans différents types de concerts, les témoignages d’auditeurs, d’ailleurs généralement âgés de plus de 30 ans, qui constatant de plus en plus ce phénomène. « Le son est trop fort ». Les organisateurs distribuent même parfois des protections auditives au public dans leurs propres concerts 62 . Or, une majorité du public semble toutefois manifester un réel plaisir à cette sur-sonorisation. Comme je l’ai compris, lors d’un stage dans les studios de Opus Systèmes, il s’agirait d’un procédé qui viserait à apporter un certain dynamisme au concert, (l’ingénieur du son ou le Dj joue véritablement avec le volume sonore tout le long du concert ou d’un même morceau). Peut-être cette sur-sonorisation reflète-t-elle un nouvel intérêt collectif et social, conscient ou non, pour la sensation tactile du son. Les enceintes disposées lors de certains événements sont parfois démesurées ou en nombre important (concerts, soirées à Dj , festivals musicaux, free party , installations sonores expérimentales, etc.). La puissance des amplificateurs et des enceintes se compte alors en kilo watt et l’on parle de « mur de son », soit une série d’enceintes gigantesques poussées à un volume pour certains insupportable à l’oreille nue. Mais alors pourquoi ? Connaissant bien ce même phénomène dans des milieux très variés, ainsi que l’esprit général des personnes qui y participent, l’effet induit par les fréquences basses pourraient, selon moi, être un élément de réponse car, une fois amplifiées, elles semblent attirer l’intérêt du public, à travers ces membranes monstrueuses. J’ai pu d’ailleurs constater, dans plusieurs soirées de ce type, un phénomène comportemental

61 Tony Lheureux, « la sonorisation » in le livre des techniques du son , Denis Mercier, fréquences, 1998.

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plutôt révélateur : les auditeurs se regroupent devant les enceintes comme devant une scène, sous forme de rangs, et lorsqu’une personne du premier rang libère sa place, la personne située dernière s’avance pour pouvoir profiter à son tour (car il semble alors beaucoup apprécier) du contact direct avec le son. Certaines personnes du public attendent ainsi leur tour pour prendre, si l’on peut dire, une « douche sonore ». Il pourrait s’agir, comme beaucoup de personnes le pensent, d’un comportement anormal, comme c’est parfois le cas lors de ces manifestations, au quel cas d’autres critères entreraient en jeu. Mais n’excluons pas pour autant l’hypothèse d’une autre forme d’attirance peut-être plus sensible et instinctive. Les enceintes qui diffusent ces fréquences basses à même le corps semblent attirer l’auditeur réceptif, toujours plus proche d’elles, comme si son corps y était

aimanté. Exemple d’un « mur de son »

Ceci est remarquable pour certains styles de musique. Il s’agit le plus souvent de musiques binaires, répétitives et très dansantes (les musiques techno : house , hardtech , trance etc.) ou des musiques plus calmes mais dont le volume reste très élevé (Reggae , Dub, trip-hop , ambiante , électro etc.). Notons également que le public du rap , de la drum’n bass et surtout du ragga manifeste également cette attirance pour les basses, leurs répétition et, pourrait-on dire, leur « texture ». Certaines musiques expérimentales contribuent volontiers à ce phénomène lors de leur représentation, parfois dans des galeries d’art sonore 63 . Aussi bien dans les courants minimalistes que maximalistes, la perception tactile du son donne naissance à de nouvelles installations sonores. On remarquera que ces styles de musiques correspondent aux critères établis dans le tableau concernant l’exemple du « son tactile ». Sans parler seulement des musiques amplifiées, les basses d’un orchestre (cordes et cuivres) tiendraient, semble-t-il, un rôle comparable. Il semble tout à fait envisageable d’écouter n’importe quel type de musique de manière tactile, sachant que

62 C’était le cas par exemple lors du 16eme Festival de Marne, Choisy-le-Roi, octobre 2002. 63 Par exemple, la représentation expérimentale de Richard D. James, au Palais de Tokyo en Février 2004 qui répartissait une vingtaine d’enceintes dans plusieurs galeries, et faisait entendre en continue plus d’une heure de sons éléctro-ambiante au volume relativement poussée. Le public était silencieux et attentif, certaines personnes s’allongeaient près des enceintes pour mieux apprécier les sons. 42

pour obtenir un résultat satisfaisant, une protection auditive est toutefois conseillée (pour s’aider à écouter avec la peau, plus que pour se protéger réellement du volume), ainsi qu’un choix de musique qui contiendrait des fréquences basses. L’écoute tactile des harmoniques peut être une très bonne occasion d’en faire l’expérience. Une forte fondamentale assez grave et ses harmoniques conviendraient parfaitement à ce type d’expérience ; c’est d’ailleurs dans cette optique que, lors de leurs séances d’écoute, des musicothérapeutes comme Oriane Robidou visent une certaine « harmonisation » du corps 64 . En approfondissant le thème des vibrations tactiles du son, je me suis demandé si, avec cette sensibilité tactile et par d’autres moyens plus matériels, il nous était possible d’aller jusqu’à reconnaître véritablement une mélodie sans l’entendre, mais uniquement en la ressentant tactilement, par l’intermédiaire d’un matériau résonateur. Dans cette approche, le son tactile prend alors une dimension de contact réel avec le corps.

23. Conductibilité du son L’oreille elle même est parfois mise en contact physique avec des matériaux conducteurs de vibration qui peuvent avoir les propriétés d’amplifier celle-ci. Inventé par Laennec en 1817 65 , le stéthoscope du médecin, par exemple, utilise la réflexion des ondes sonores pour écouter et amplifier la respiration et les battements de cœur des patients. Il transmet les informations vibratoires grâce à une membrane capable de les recevoir et de les communiquer dans un conduit « réflecteur » ; ce dernier amplifie naturellement le son. Sans l’aide de membranes ou d’amplificateurs, l’expérience tactile du son peut également s’expérimenter grâce à la conductibilité de certains matériaux. C’est ce qui se passe lorsque, par exemple, l’on colle son oreille sur des rails afin d’estimer la distance qui nous sépare d’un train. C’est une question de vitesse de déplacement du son à travers les molécules d’une structure. Pour certaines structures, les vibrations circulent plus ou moins vite selon le milieu ambiant (température, pression, humidité etc.). Par exemple, la vitesse du son dans l’air est proportionnelle à la racine carrée de la température. De plus, le son subit des déformations plus ou moins importantes dans

64 Sujet développé dans le chapitre V. 65 Jonathan Sterne, The Audible Past, cultural origins of sound reproduction, duke, 2003.

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l’eau, à travers le bois, les murs (etc.). La structure filtre le son et retransmet une image sonore relativement fidèle à la vibration source. Voici quelques exemples de la vitesse de propagation des sons audibles d’une fréquence comprise entre 15 Hz et 15 Khz à une température de 20°C 66 :

Célérité du son Matériaux en (m/s)

Air 343

Eau 1480

Glace 3200

Verre 5300

Plomb 1200

PVC (mou) 80

PVC (Dur) 1700

Béton 3100

Hêtre 3300

Le verre semble particulièrement plus efficace à la conductibilité des vibrations sonores, ce qui pourrait expliquer pourquoi il est si sensible à la résonance. Remarquons par ailleurs que l’eau fait circuler le son bien plus rapidement que l’air ; on pourrait alors penser que la sensibilité tactile peut s’accroître en milieu aquatique ; or, cela dépend de nombreux paramètres. Le 67 , instrument à tubes métalliques frottés, créé par

Richard Waters, permet de jouer de la musique dans l’eau et en faisant résonner des harmoniques naturelles.

Malheureusement, les descriptions de l’instrument 68 , qui utilise un certain volume d’eau à l’intérieur même de ses résonateurs, ne précisent pas les différences de jeu et de perception des sons entre le milieu aérien et le milieu aquatique.

66 Tableau issu de l’encyclopédie Wikipédia. 67 Voir chapitre III, les instruments harmoniques modernes. 44

Quoi qu’il en soit, l’expérience de poser la main sur une surface vibrante peut nous faire comprendre à quel point le toucher est capable de traduire une information sensible des vibrations. La communication d’une vibration sonore pourrait donc aussi se faire par le contact réel , grâce à une matière conductrice, comme le bois ou le métal, qui serait capable de transmettre les vibrations tactilement. A défaut de l’usage des tympans, la propagation du son à travers des matières conductrices solliciterait d’autres moyens de perception. Nous pouvons par exemple remarquer que notre corps est très réceptif et sensible aux vibrations par le contact avec les ongles, les dents et parfois même, mais plus subtilement, par les cheveux. Peut-être serait-ce parce qu’ils appartiennent aussi bien à l’anatomie externe qu’interne? Nous pouvons d’ailleurs illustrer cette pensée avec l’exemple populaire de Beethoven qui, devenu sourd et habitué à sa représentation mentale de la musique, avait recours à la perception vibratoire appelée « vibro-tactile » par le Professeur Guberna, à l'origine de la Verbo- Tonale 69 . Ainsi, pour vérifier la musicalité de ses créations, le compositeur mordait une pièce de bois reliée à la table d'harmonie du piano, et sa tête s'emplissait de vibrations par conduction osseuse. Certains musiciens utilisent le diapason acoustique en le plaçant sur une partie osseuse du corps ou bien même sur les dents, afin de ressentir la fréquence plus nettement et de manière interne.

Nous pouvons également, afin de mieux comprendre les rapports entre le corps et le son, nous intéresser aux sensations de personnes qui ne peuvent écouter et ressentir les sons que de manière tactile.

24. La musique des sourds

La musique, chez la plupart des personnes atteintes de surdité, serait réellement perceptible. Leur perception dépend de leur degré de surdité mais également du domaine de leur handicap. Une surdité est définie par un audiogramme donnant des indications sur la fonction de détection des sons par l'oreille.

Selon Martine Boyer , il existe trois types de surdité :

68 Informations et photos recueillies sur le site de Richard Waters en Septembre 2005 : http://www.richardawaters.com/waterphone 69 Informations recueillies dans le mémoire de Martine Boyer : la musique chez les enfants sourds, le 26 / 10 /05 sur le site : http://atelieroptiona.free.fr/moires/mabo.html

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• une surdité de perception, qui correspond à une atteinte de l'oreille interne ou des voies nerveuses souvent importante et provoquant des troubles du langage.

• une surdité de transmission, provenant de troubles de fonctionnement de la trompe d'Eustache, dus à des maladies infectieuses nécessitant un traitement médical (cependant certaines de ces surdités ont besoin d'un appareillage) ; les incidences sur le langage sont souvent inexistantes.

• une surdité mixte, dont les causes, origines et sièges auront une incidence vis à vis du son musical.

Il faut savoir que le sourd de naissance et le devenu sourd, en tenant compte de l'âge d'apparition de la surdité, ont des cultures musicales différentes.

En 1980 l’Organisation Mondiale de la Santé a établi à Genève une classification internationale des déficiences auditives. Les degrés de déficits s’échelonnent sur six degrés :

 la déficience auditive légère  la déficience auditive moyenne  la déficience auditive moyenne sévère  la déficience auditive sévère  la déficience auditive profonde  la perte auditive totale

Le degré de surdité est calculé en faisant la moyenne des pertes à 500Hz, 1000Hz, 2000Hz. On prend la valeur précise à chaque fréquence, puis on les additionne et on divise par 3. Les réactions aux vibrations sonores, selon les cas peuvent alors varier considérablement. La notion d’espace est également très importante, les ressentis pour un même volume variant considérablement selon que l’on soit plus ou moins proche de la source sonore. Voici le témoignage de Martine Boyer, qui partage ses expériences avec des enfants sourds dans le domaine de la perception de la musique : « Lorsque les vibrations du son ne passent pas par l'oreille, elles peuvent être perçues à travers une résonance de la boîte crânienne ou d'une autre partie du corps. Le corps tout entier peut être impliqué. La personne sourde peut recevoir des

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vibrations à travers le massif osseux spongieux de la mastoïde ou par les membres inférieurs, ou à la hauteur du plexus par exemple. La sensation vibratoire doit exister pour donner la dimension sensorielle au son. C'est ainsi que lors de la séance d'écoute au Centre Grosselin j'ai pu voir que certains enfants mettaient les mains ou leurs orteils sur les hauts parleurs, d'autres se servaient d'un conducteur comme le ballon de baudruche, des cônes en carton ayant servis dans les usines de bobinages de fils. Avec le groupe de 7 enfants de 6 à 13 ans, sourds et en difficulté scolaire de Florence Moleux, nous proposons de s'installer autour d'une table où un magnétophone est posé. Les enfants sont invités à écouter un morceau musical et pour faciliter leur écoute on leur a donné des ballons de baudruche, des cônes. Ils savent d'où vient la source sonore mais ne sont pas satisfaits : ils veulent ressentir le son. Ils mettent les mains sur les haut-parleurs, prennent les ballons qu'ils approchent des haut-parleurs posent leurs mains ou leur oreille, de la même façon ils expérimentent avec les cônes ; ils sont en recherche pour une meilleure écoute, ils établissent un contact avec la musique. Quand ils ont trouvé leur meilleur confort d'écoute, ils prennent la véritable dimension de leur ressenti et accompagnent la musique qu'ils entendent de frappes de mains, de balancements, de mouvements corporels.

Prenons une autre séance vue dans une classe lors d'un stage. Le groupe est composé de 5 enfants sourds profonds et sévères de grande section maternelle. Les enfants sont dans une salle aménagée spécialement pour l'activité musicale et disposant d'un plancher vibrant. La salle est dans une semi-pénombre. Les enfants vont écouter une cassette vidéo des "Tambours du Bronx". Chacun s'installe selon son ressenti : l’un reste debout, alors que les autres s'allongent en s'étirant comme s'ils ne voulaient épargner aucun muscle, aucune partie du corps et ils écoutent en regardant la cassette. Un des enfants réagissait à chaque changement de rythme, d'intensité ; sa tête se rentrait dans ses épaules quand les musiciens manifestaient leur colère, son visage se crispait quand il a entendu l'orage, et une sérénité est apparue lors des sonorités douces. Deux autres frappent sur le plancher en même temps que les musiciens et leurs gestes reproduisent ce qu'ils entendent. Les autres vivent la musique visuellement.

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Troisième expérience. Les enfants sont dans une salle bien aménagée, de bonne acoustique, à la décoration qui rappelle les musiques que l'on écoute (en l'occurrence, ici, tapis au décor naïf africain) et un matériel hi-fi de bonne qualité. La pièce est mise dans le noir, des gants blancs ont été distribués, la musique est mise en route et les enfants traduisent leur écoute par une expression corporelle axée aux mains, bras et doigts. La magie est totale, les enfants s'expriment. Les mouvements sont amples, les doigts bougent rapidement quand la musique est forte, et ils se recroquevillent pour exprimer le doute, des nuances de crescendo et de decrescendo peuvent apparaître chez certains mais l'adulte a une télécommande et quand il stoppe la musique les enfants font la statue, le silence est marqué par l'inaction.

Analysons le jeu des boites de graines . Il faut remplir des petits pots (style yaourts) de sucre en poudre, de sucre en morceaux, de cailloux, de grosses pâtes en quantité égale dans ces boîtes destinées à former une paire et bien refermer. Visuellement les boîtes doivent se ressembler. Chaque enfant essaie de reconstituer une paire en secouant les boîtes. Ce jeu est très intéressant car la sensation tactile et l'audition s'aident. Mais nous avons constaté qu'il faut donner des graines, des objets qui se différencient très nettement car des enfants sourds perçoivent difficilement des différences de ton peu importantes »70 .

Ces expériences nous montrent combien les enfants sourds, selon leur degré et domaine d’handicap, sont réceptifs aux vibrations sonores et à la sensation musicale. Les mélodies sont moins bien ressenties que les rythmes évidemment, mais, pour certains, il y a une réelle distinction des intensités et des registres de fréquences graves/aiguës.

25. La vibroacoustique, un phénomène tactile

251. Présentation du soundbeam project : Une équipe de chercheurs anglais a mis au point des appareils permettant de faire ressentir des vibrations sonores directement sur le corps ; ce concept à pris le nom

70 Témoignage recueilli le : 26 / 10 /05, sur le site : http://atelieroptiona.free.fr/moires/mabo.html 48

de « vibro-acoustique » et fait office d’un type très particulier de musicothérapie et de thérapie par le son. Le soundbeam project 71 , de John Barker et Mark Newbold, regroupe quatre appareils : les soundbed , soundchair , soundbox et la minibox (qui est une version plus petite de la sound box ).

sound bed sound chair sound box

Ces appareils vibroacoustiques permettraient à toute personne, y compris les sourds et les malentendants, de ressentir les vibrations physiques de la musique par le corps. Ils peuvent être utilisés de manière à combiner les effets des vibrations physiques avec ceux d’une musique de relaxation aux basses fréquences variées, pour en tirer un intérêt thérapeutique remarquable. « En s’allongeant, s’asseyant, ou en touchant ces appareils, on peut ressentir les vibrations physiques des basses fréquences de la musique. Elles sont perçues fortement autour de 250 Hz ; on les perçoit jusqu’à environs 600 Hz et peut-être même jusqu’à 1kHz. Les vibrations physiques les plus agréables proviennent des sons à basses fréquences de 27 Hz à 440 Hz environs. » Témoignage des chercheurs : « D’après les résultats des récentes expériences sur notre équipement vibroacoustique, de nombreux utilisateurs ont trouvés des intérêts supplémentaires en écoutant des CD et cassettes audio de musiques aux styles variés (parfois rythmiques et stimulants, le plus souvent relaxants). Ce genre d’expérience vibroacoustique est maintenant devenu - pour beaucoup y compris pour les personnes souffrant d’autisme -

71 Informations recueillies et traduites du document pdf disponible sur : http://www.soundbeam.co.uk/ 49

un amusement précieux et même essentiel qui apporte des changements bénéfiques sur la santé et le comportement. » 72

522. Quel style de musique ?

Plusieurs utilisateurs en écoles ou institutions auraient découvert qu’une musique, précautionneusement sélectionnée (pulsation lente pour la relaxation, ou plus rapide, une pulsation forte pour la stimulation), apporte un plaisir certain aux personnes handicapées (ou, pour tout autre personne). Cela exercerait « un certain apaisement, une réduction de l’exigence ou d’un comportement indésirable stéréotypé. »73 Une variété de sons a été utilisée avec succès auprès d’enfants et d’adultes malentendants, ainsi qu’à d’autres infirmes aux symptômes variés. Par exemple, certaines chansons pour enfants, des chants d’oiseaux, le son du vent, de l’eau et autres sons naturels, la voix même de l’utilisateur, les voix des autres, ainsi que toute autre musique dont la pulsation rythmique est justement choisie. Pour les autres, une catégorie de musique de leur propre choix peut être utilisée afin de vivre une expérience musicale entièrement nouvelle et profonde. L’expérience serait à tenter avec des musiques qui utilisent précisément les harmoniques naturelles 74 pour étudier les effets de certains instruments et de la série des harmoniques. Ce matériel relativement récent est toutefois très coûteux et difficilement accessible.

523. Quelle partie du corps ? La meilleure partie du corps pour faire l’expérience des vibrations physiques du son s’étendrait du milieu jusqu’au bas du dos ; ceci dit, toute partie du corps est capable de ressentir l’effet « vibro-tactile ».

524. Volumes ? Les volumes plutôt faibles seraient préférables pour des effets physiques agréables et relaxants. Dans tous les cas, les inventeurs précisent qu’il faut commencer par installer un certain confort, avec un volume à zéro, puis augmenter progressivement le volume en observant les réactions, jusqu’à un niveau d’écoute et de vibration

72 Informations recueillies et traduites du document pdf disponible sur : http://www.soundbeam.co.uk 73 Idem. 74 Voir aussi chapitre V. 50

physique confortable. Cela permet de juger quand et pendant combien de temps l’utilisateur pourra rester seul en contact avec l’appareil (mais non sans surveillance). Presque invariablement, les premiers niveaux d’écoutes deviendront rapidement trop forts pour l’utilisateur et auront besoin d’être abaissés. 525. Combien de temps ? Le temps optimal d’une séance de vibroacoustique varierait considérablement d’un utilisateur à un autre. Presque tous les utilisateurs du Horizon Trust Departement of Vibroacoustic Therapy trouvent que 20-30 minutes suffisent ; temps recommandé également par Olav Skille. A l’école Lambert de Stratford-on-Avon , en Angleterre, certains utilisateurs, parmi les chercheurs du professeur Phil Ellis, ont apprécié des séances de 45 minutes et plus. Un observateur doit regarder attentivement le visage de l’utilisateur et relever tout signe d’inconfort. Il est mentionné également que personne ne doit utiliser les appareils vibroacoustiques sans surveillance. Encore une fois, il est parfaitement envisageable d’utiliser ces appareils en ne diffusant que des harmoniques naturelles. Nous verrons comment, en combinant ce genre de technique avec les effets des harmoniques, on peut obtenir des résultats encore plus convaincants. Or, au delà du corps, qui ne fait que recevoir les informations, par ses sens, ses organes, nous avons un système bien plus complexe qui va relativiser et influencer fortement les effets des vibrations, notamment harmoniques, sur le corps.

3. Le cerveau traite Nous verrons dans cette partie une approche occidentale de la cognition du son et du travail d’analyse du cerveau que les chercheurs ont su mettre en évidence. Ce sujet est très complexe et, malgré les progrès de la science, beaucoup de questions semblent être encore à éclaircir. C’est pourquoi nous n’entrerons pas dans les détails pour nous intéresser plutôt à certaines fonctions basiques, comme la répartition des informations perçues, ou les concepts de dissonance et de consonance, qui correspondent plus précisément au sujet des harmoniques et qui nous permettrons d’autre part, de mieux comprendre l’aspect psychologique de la perception musicale et des différentes thérapies par le son.

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31. Perception et cognition 75

311. Quel hémisphère ? Une fois qu’un son est perçu, que ce soit par l’oreille ou par le corps lui même, l’acquisition intellectuelle du stimulus sonore va se spécialiser selon deux types de perception :

• la perception auditive non conceptuelle (musique purement instrumentale) qui va se produire dans plusieurs régions des lobes temporales et pariétales de l’hémisphère droit,

• la perception des musiques vocales textuelles (également dans le texte déclamé ou le poème chanté) qui peut véhiculer un message conceptuel. Cette perception sera décodée par l’hémisphère gauche.

Les musiques qui nous intéressent dans cette étude sont majoritairement instrumentales ou sans message textuel volontaire. Nous verrons que les techniques vocales qui permettent l’émission isolée et organisée des harmoniques empêchent généralement toute formulation de mots articulés. Elles n’utilisent pas à proprement parler de langage. C’est alors au niveau de l’hémisphère droit que va se situer la réception de la plupart des musiques que nous allons étudier et qui font entendre distinctement des harmoniques. Toutefois, au sein d’un même morceau de tradition vocale (musique populaire mongole, chant tibétains etc.), ont peut effectivement entendre des textes, souvent récités plus que chantés ; mais il faudra que l’auditeur soit capable de comprendre la langue en question pour que l’hémisphère gauche se mette réellement à travailler.

312. Le cortex auditif On appelle « cortex auditif » la partie du cerveau qui reçoit et traite tous les sons. Bernard Auriol 76 nous indique qu’il est située en profondeur : « au niveau de la

75 Informations recueillies dans l’ouvrage de Bernard Auriol, la clef des sons , op. cit. 76 Bernard Auriol, la clef des sons , op. cit.

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face insulaire de la première circonvolution temporale, enfouie dans la scissure de Sylvius ».

La radiation auditive et sa terminaison dans le gyrus temporal transverse, ses rapports avec la radiation optique sur une coupe frontale schématique de l’hémisphère gauche.

On trouve, au niveau de cette aire corticale, cinq régions (représentées sur le schéma ci-dessus par les zones : 52, 41, 42, 22 et insula). D’après Auriol, trois d’entre elles sont porteuses d’une représentation de l’échelle des sons et reçoivent les informations des deux oreilles. Chacune des régions reçoit aussi des messages des deux autres, et de l’hémisphère opposé. L’ensemble de ces informations va déclencher ensuite, dans la conscience, la reconnaissance et la mémorisation d’un phénomène sonore avec son contenu émotionnel éventuel. Le cerveau fournit donc un travail d'analyse pour distinguer, reconnaître et évaluer les sons, selon les paramètres que nous avons déjà abordé : hauteur, timbre, amplitude, et plus particulièrement selon leur durée ou plutôt leur évolution au cours du temps. Ce qui est directement lié avec la notion de mémoire des sons. Cette mémoire serait elle-même étroitement liée avec les différentes émotions que peuvent nous transmettre les sons. Il semblerait, mais le débat est toujours 53

virulent, qu'une grande partie du travail effectué par le cerveau soit apprise et non innée. Ainsi, la perception du timbre, et même de la justesse peut varier d'une personne à une autre, indépendamment de ses goûts personnels, non seulement à cause de la dégradation de son système auditif, mais également en raison d'une altération de ses facultés neurologiques.

313. L’isosonie On peut également ajouter à cela l’ isosonie phénomène décrivant la perception par le cerveau de deux sons de même intensité, mais de fréquences différentes à des volumes différents. Le graphique ci-dessous représente les courbes d'égale intensité sonore perçue pour l'appareil auditif humain. On observe que, globalement, l'oreille perd une grande partie de sa sensibilité dans les basses fréquences.

Courbes d'égale intensité sonore pour l'oreille humaine 77 en abscisses : la fréquence en hertz et en ordonnées : l'intensité en décibels.

Ces courbes ont été tracées pour une population moyenne. Même si elles traduisent assez fidèlement les variations de sensibilité de l’oreille, il existe de grandes disparités entre les individus. Plusieurs facteurs influencent directement l'audition comme l'expérience des musiciens ou des ingénieurs du son, par exemple, mais aussi l'exposition au bruit, l'âge (etc.).

77 Schéma recueilli en novembre 2005 sur le site : www.wikipédia.fr 54

314. Les harmoniques dans le timbre Je n’ai malheureusement pas trouvé de travaux qui traitent précisément de la perception cognitive des harmoniques en temps que sons isolés, pouvant former une mélodie. Intéressons nous donc à ce qui pourrait s’en approcher le plus : la perception des timbres. Comme nous l’avons déjà vu, c’est en effet à travers le spectre sonore que les harmoniques se manifestent indirectement. A ce sujet, nous pouvons nous pencher sur les travaux du Laboratoire d'Acoustique Musicale. Suite aux travaux d’Helmohltz (notamment ceux concernant les partiels inharmoniques ), et de Carl Stumph (nous avons aussi parlé des transitoires d’attaques ) ceux du LAM, dirigé par Emile Leipp dans les années 70, ont montré que bien des composantes du son (nommée alors « discrètes » et « continues ») ne sont en fait que des composantes psychologiques, psychoacoustiques, qui ne prennent place qu’au niveau cérébral, neuronal de la reconnaissance du timbre. L’étude des modes de jeu de certains interprètes révèlerait par exemple que la phase stationnaire est continuellement différenciée et varie perpétuellement au cours de l’exécution d’une oeuvre. Beaucoup de composantes timbrales seraient donc des éléments vivants, dynamiques : même si notre oreille ne peut les reconnaître intuitivement , elle saurait le faire inconsciemment . D’autres éléments, physiquement simples à décrire, ne sont qu’intuitivement perçus comme influençant notre perception du timbre, et l’importance de leur rôle au sein du champ de cette reconnaissance est difficile à appréhender. La brillance, les formants, par exemple, mais aussi le vibrato ou la texture sonore. A ce sujet, Bernard Auriol explique l’incroyable capacité que possède le cerveau à dégager des informations intéressantes alors même qu’un microphone capterait un ensemble sonore parfaitement noyé. Ceci serait lié à la capacité de réduire plus ou moins au silence les régions spectrales les plus riches en bruit et d’utiliser le reste, grâce à la redondance, quand elle existe. Le cerveau aurait-t-il donc une préférence pour « l’harmonicité » (les sons musicaux) qu’il distinguerait de «l’inharmonicité » (les bruits) ? Rien ne nous permet réellement de le dire, nous pouvons juste constater qu’il en fait une distinction. Auriol met également en évidence le phénomène inverse qui est celui de la reconstruction de la partie signifiante dans ce qui a été éliminé : « Un témoignage nous est connu qui se multiplie de tous les patients soumis à l’audition de musique filtrée. Ils reconnaissent parfaitement des œuvres dont ils entendent essentiellement les harmoniques au-delà de 8000 Hz ! L’esprit semble – et

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il le fait – reconstruire les fondamentaux, tellement bien que la restitution ultérieure des graves aboutis à des sons tous nouveaux pour le sujet.» 78

Le fonctionnement du cerveau (ou bien de « l’esprit », comme Auriol semble le préciser ) serait donc suffisamment adapté à la suite des harmoniques pour qu’il lui permettent de reconstituer des notes fondamentales inexistantes. Cette adaptation, tout comme la distinctions entre l’harmonicité et l’inharmonicité, serait directement liée à notre perception des consonances et des dissonances.

32. Consonances / dissonances En musique, la consonance (lit. : sonner avec , ou bien sonner ensemble) désignerait selon l’encyclopédie musicale The New Grove 79 , « la concordance d’un ensemble de sons, accord ou intervalle produisant un résultat ‘‘agréable à l’oreille’’ ». Il semblerait toutefois important de faire une distinction entre les sons agréable / désagréable à l’oreille et les sons consonants / dissonants , qui relèvent tous deux d’un travail cérébral, mais l’un sur le plan acoustique (capacités cérébrales) et l’autre sur le plan esthétique (émotionnel). C’est pourquoi nous verrons dans cette partie les deux cas séparément.

321. Consonance acoustique par la pureté des intervalles La pureté d'un intervalle se produit lorsque deux notes entendues sont dans un rapport de fréquence simple. Le rapport le plus simple est celui de l'octave = 2/1, dont la consonance est si parfaite que l'on peut souvent douter de la présence de deux notes différentes. Ceci est dû au fait que toutes les harmoniques de la note plus aigue sont déjà présentes dans la note plus grave. La quinte = 3/2 est l'intervalle distinct le plus consonant et semble être utilisée dans pratiquement toutes les musiques. Son renversement, la quatre = 4/3, est légèrement moins consonante. La tierce majeure pure = 5/4, est à son tour un peu moins consonante (mais bien plus que la tierce impure

pythagoricienne = 81/64 ou celle du tempérament égal = qui présentent des rapports encore bien plus éloignés). Pour les intervalles suivants, il devient difficile de parler de pureté, car ils contiennent un battement (notion expliquée dans le paragraphe suivant) relativement audible subsistant, même pour des rapports simples tels que la

78 Bernard Auriol, la clé des sons , op. cit. 79 The new Grove, Dictionary of MUSIC & MUSICIANS , Stanley Sadie, 1980.

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tierce mineure = 6/5 et le ton majeur = 9/8. C’est donc à partir des intervalles purs, issus des harmoniques H2, H3 et H5, qu’apparaît au cerveau la notion de consonance. Comme nous l’avons déjà vu, les harmoniques H7 et H11, bien que faisant partie des premiers harmoniques, sont perçus comme dissonants, et ce parce que leur rapports n’est pas formé avec des nombres premiers supérieurs à 5 (ou leur multiples). Ainsi la septième majeure H15 = 15/8 c’est à dire : 5x3/2²(3), est perçue comme une consonance alors que H7 = 7/4, qui n’est divisible ni par 2, 3 ou 5, sera perçue comme une dissonance. Cette considération du cerveau possèderait certaines limites : le nombre 3 ne peut être multiplié au delà du cinquième degré et le nombre 5 ne peut l’être au delà du troisième. Les puissances de 2 sont limitées diversement selon les cas. Helmholtz a tracé, selon la pureté de ces intervalles, une courbe de consonance en fonction d’une note fondamentale (note constante qui sert de référence pour différents intervalles que l’on appelle alors « bourdon »).

Schéma de la courbe de la consonance selon un bourdon en Do 80

322. Dissonances et battements Par opposition, la dissonance naît des intervalles dont les rapports ne sont pas perçus comme simples par le cerveau. Il apparaît alors un phénomène de battements plus ou moins perceptibles selon le degré de dissonance. Ces battements se manifestent à l’oreille lorsqu’un intervalle se rapproche d’une consonance sans réellement s’y

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accorder. Ils sont représentés, sur le schéma, par les pics de la courbe. Notons que les battements sont d’autant plus grands que l’intervalle qu’ils avoisinent est pur. Ainsi autour de l’octave et de l’unisson, la courbe présente les battements les plus perceptibles ; on peut aisément entendre ce frottement de fréquences en accordant deux cordes d’un instrument (comme la guitare) selon ses harmoniques.

323. Justesse et esthétisme sonore Malgré cette référence basée sur les capacités cérébrales et le rapport simple des harmoniques, la question de la justesse d’une note ou d’un accord est délicate car elle renvoie à un critère esthétique et émotionnel propre à chaque auditeur. Il est en effet impossible de donner une définition basée sur un système de références absolu. On peut considérer que la justesse tend vers un maximum de consonance, or le système tonal actuel, auquel nous sommes culturellement très habitués, ne fonctionne pas selon des rapports simples. Et pourtant, il nous semble juste. Une oreille musicienne éduquée ne fonctionne manifestement pas qu’en fonction de ces rapports simples, mais surtout par un phénomène de mimétisme. C'est donc un phénomène comparable à celui de la mode, qui ne regarde pas la valeur intrinsèque de l’objet sonore, mais sa conformité avec la norme, fût-elle en évolution constante. Cette évolution se fait selon des paramètres sociaux-culturels qui peuvent prendre parfois des proportions telles, que l’esthétique sonore va alors totalement à l’encontre des règles acoustiques de la consonance. On peut facilement trouver des personnes qui chantent dans une sorte de parlando , et leurs auditeurs sont encore ravis. Notons également l’apparition de certains courants comme le dodécaphonisme, le sérialisme, la musique concrète, qui ont fascinés de nombreux auditeurs, ou encore plus récemment, des musiques difficilement écoutables pour certains comme le minimalisme, et même le bruitisme 81 où c’est l’esthétique du bruit lui même qui est alors apprécié. On atteint là une autre limite : celle de la perte totale de consonance. N’oublions pas pour autant que les traditions extra-européennes trouvent leurs références musicales à travers les caractéristiques acoustiques de leurs instruments et leurs cultures respectives. Ce qu’on appelle la « tierce royale », par exemple, est

80 Schéma issu du livre de François Auboux, L’art du raga, la musique classique de l’Inde du Nord , Minerve, 2003. 81 Courants de musiques électroniques récent utilise de manière extrême, des sons ou des bruits simples ou complexes souvent issue de machines diverses, par exemple les musiques de Rioji Ikeda (+/-

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considérée, dans la musique savante arabo-persane, comme une note juste intégrée dans un mode précis ; certaines oreilles y trouverons du charme et d’autre une dissonance. Cet intervalle pourrait d’ailleurs être manifesté sur la courbe, par le petit creux entre le Ré et le Mib. Prenons maintenant l’exemple du cor des Alpes qui utilise uniquement la série des harmoniques naturelles pour jouer ses mélodies. Bien que ces intervalles soient unanimement considérés comme « faux » par des musiciens classiques (plus précisément à cause de H7), ils n'en constituent pas moins une référence musicale qui serait utilisée par les habitants de ces vallées pour le chant 82 . C’est précisément ce qui nous intéresse dans cette étude, car il existe encore des instruments de ce type, intégrés dans une culture musicale dont l’esthétique semble obéir aux lois acoustiques d’une gamme naturelle qui serait composée des harmoniques et qui utiliserait leur mise en résonance.

Touch/TO:30, 1996) en minimalisme et de Masami Akita & Russell Haswell ( satanstornade , WARPCD666, 2002) en maximalistes bruitistes ( electro-noise ). 82 Information recueillit sur : www.wikipédia.com en septembre 2005. 59

III Les chants harmoniques et leurs effets

A partir de ce chapitre, nous allons entrer plus précisément dans le domaine de la musique, tout en conservant le thème des harmoniques naturelles et de leur mise en résonance. Les chants que nous allons aborder utilisent effectivement ces deux phénomènes. Je tenterai de les présenter en m’appuyant sur les travaux des chercheurs qui les ont étudié mais aussi en fonction des effets éventuels qu’ils peuvent provoquer. Nous serons effectivement amenés à nous intéresser particulièrement à la résonance de ces chants (sur le plan physique, dans le système phonatoire ou dans les lieux clos, mais aussi sur le plan émotionnel), aussi bien chez l’interprète que chez l’auditeur, selon leur contexte et leur culture.

1. Présentation du chant diphonique

1.1 Plusieurs appellations pour un seul phénomène J’ai découvert la technique du chant diphonique par l’intermédiaire d’une vidéo réalisée en 1989 par Hugo Zemp, intitulée « le chant des harmoniques »83 . On y découvre les recherches de l’ethnomusicologue Tran Quang Hai portées sur une technique vocale venant de Mongolie qui est alors appelée «chant diphonique» 84 (diphonie = deux sons). Cette appellation semble avoir été conservée depuis 1971, bien que T.Q. Hai ait tenté de préciser le phénomène par d’autres termes (chant diplophonique 85 , chant biformantique 86 ). Ce chant, parfois appelé « voix guimbarde »87 , qui présente de nombreuses variétés de styles d’origine extra- européenne et qui a fasciné et inspiré beaucoup d’oreilles occidentales, comme David Hykes et son Harmonic Choir (Etats-Unis, 1983), Christian Bollmann (Allemagne, 1985), Bodjo Pinek (Yougoslavie, 1987), Thomas Clements (France, 1990) etc.

83 Le film est disponible en vidéo au CNRS audiovisuel, 1, Place Aristide-Briand, 92795 Meudon, Voix du Monde (1997) est distribué par Harmonia Mundi. 84 Selon Trân Quang Hai , l’appellation « chant diphonique » a été instaurée par Emile Leipp et Gilles Léothaud en 1971. 85 Le terme diplophonie , d’origine médicale, désigne l’existence simultanée de deux sons de hauteur différente dans le larynx. 86 Chant à deux formants. 87 Le terme de « voix guimbarde » a été utilisé en 1973 par Roberte Hamayon et Mireille Helffer. 60

1.2 Une seule appellation pour plusieurs phénomènes Au cours des années 1980, les interprétations, les imitations et les évolutions, de ces techniques vocales ont donné naissance à une approche occidentalisée du phénomène, ainsi qu’à de nouveaux styles ; approche qui rassemble toutes ces appellations par celle plus générique et plus commode, de « chant harmonique »88 . Ce dernier terme est tout à fait vernaculaire et s’emploie plus de manière commerciale que scientifique. Par commodité, il représenterait une famille plus vaste incluant toutes les variantes des différents chants diphoniques observés en ethnomusicologie, ainsi que toutes les techniques vocales utilisant des harmoniques, de façon à ce que l’on puisse les distinguer et les dissocier d’une ou plusieurs note fondamentale chantée et du reste du spectre. Il inclurait également les phénomènes de résonance de la voix, notamment à travers ces harmoniques, comme c’est le cas, par exemple, pour ce qu’on appelle le « chant en résonance 89 » pratiqué dans les anciennes églises cisterciennes. J’utiliserai de manière générale le terme de « chant diphonique », lorsqu’il s’agira de parler des techniques vocales déjà étudiées en ethnomusicologie ; je choisirai le terme de « chant harmonique » pour parler du phénomène pratiqué en Occident sous cette appellation, mais aussi pour désigner, de manière générale, plusieurs techniques vocales apparentées aux chants diphoniques.

1.3 Description du chant diphonique La dénomination « chant diphonique » désigne une technique vocale selon laquelle une seule personne est capable de chanter deux sons simultanément : un bourdon (fréquence fondamentale), généralement plutôt grave et émis naturellement par les cordes vocales, ainsi qu’un autre son, qui est en fait une des harmoniques du bourdon, volontairement amplifiée. Les différentes techniques vocales permettent la sélection d’harmoniques dans le spectre du son fondamental.

Par conséquent, il est possible de reproduire volontairement une mélodie formée ainsi par les harmoniques du bourdon.

88 Cette appellation souligne un problème de non-sens selon les ethnomusicologues (tout chant possédant des harmoniques) mais qui s’utilise malgré tout par les chanteurs-spécialistes et chanteurs-thérapeutes (David Hykes, Philippe Barraqué, Patrick Torre etc.). On peut supposer que ce terme est issu d’une simplification du titre de la vidéo de T.Q.Hai et de Hugo Zemp : ainsi, le « chant des harmoniques » deviendrait le « chant harmonique ».

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Les chants diphoniques sont connus et étudiés en Occident depuis les travaux d’Aksenov qui, en 1964 a publié un article considéré d’après T.Q.Hai, comme : « le premier article sur le chant diphonique d’une grande valeur scientifique »90 . Les traductions en allemand et en anglais de cet article ont donné lieu en Occident à de multiples autres études et recherches comme celle de G.Léothaud qui, en 1989, explique ce phénomène vocal dans sa genèse acoustique du chant diphonique dont voici un extrait : « L’appareil phonatoire, comme tout instrument de musique, se compose d’un système excitateur, ici le larynx, et d’un corps vibrant chargé de transformer l’énergie reçue en rayonnement acoustique, le conduit pharyngo-buccal. Le larynx délivre un spectre harmonique, le son laryngé primaire, déterminé en fréquence, d’allure homogène, c’est à dire dénué de formants notables - donc de couleur vocalique - et dont la richesse en harmoniques varie essentiellement en fonction de la structure vibratoire des cordes vocales. (...) Cette fourniture primaire traverse les cavités pharyngo-buccales, y subissant d’importantes distorsions : le pharynx et la bouche se comportent donc comme des résonateurs d’Helmholtz, et cela pour toutes les fréquences dont la longueur d’onde est supérieure à la plus grande dimension de ces cavités.(...) Les paramètres déterminant la fréquence propre des cavités phonatoires peuvent varier dans des proportions considérables grâce au système articulateur, notamment par la mobilité de la mâchoire, l’ouverture de la bouche et la position de la langue. Celle-ci surtout peut diviser la cavité buccale de deux résonateurs de plus petit volume, donc de fréquence propre plus élevée. En d’autres termes, les cavités buccales peuvent continuer a se comporter en résonateurs d’Helmholtz même pour des harmoniques très aiguës du spectre laryngé, ceux dont la longueur d’onde est petite, en tout cas inférieure à la longueur du conduit pharyngo-buccal. L’émission diphonique consiste pour le chanteur à émettre un spectre riche en harmonique, puis à accorder très finement une cavité phonatoire sur l’un des composants de ce spectre, dont l’amplitude augmente ainsi fortement par résonance ;

89 Terme utilisé notamment par Igor Reznikoff, qui reprend les techniques de chants diphoniques pour faire résonner les voûtes des églises. 90 D’après les informations exposés par Trân Quang Hai dans son article Recherches introspectives sur le chant diphonique et leurs applications recueilli sur le site : http://tranquang.free.fr 62

par déplacement de la langue, le volume buccal peut varier, donc la fréquence propre, et sélectionner de cette façon différents harmoniques »91 .

1.4 La mise en résonance du chant diphonique Dans sa comparaison avec les résonateurs d’Helmholtz, Léothaud souligne le fait que les harmoniques se manifestent par le phénomène de la résonance. Cette résonance se fait en fonction du volume de la cavité buccale et d’une fréquence harmonique de la note fondamentale chantée. Les sons alors entendus possèdent un timbre très particulier (si toutefois on peut parler du timbre d’une harmonique - sic.). La résonance met en évidence un son relativement aigu qui semble effectivement très pur, et, en ce sens, comparable à une sinusoïde. Ainsi, on retrouve dans le chant diphonique un effet similaire à celui du verre à pied que l’on frotte avec le doigt. Le son prend une certaine ampleur dans l’espace et semble planer au dessus de la tête du chanteur. Lorsque j’ai voulu observer des mélodies de chant diphonique au moyen d’un sonagraphe, j’ai constaté que les harmoniques sélectionnées dans la mélodie n’étaient pas totalement isolées mais entourées d’autres harmoniques plus ou moins faibles en amplitude, selon la qualité du chant.

Sonagramme d’une mélodie au chant diphonique 92

Une technique bien maîtrisée permet une sélection très précise de chaque harmonique et fait alors entendre un son clair. Tout réside non seulement dans la qualité du timbre du son fondamental émis par les cordes vocales (qui doit être très riche en harmoniques), mais aussi grâce aux nombreuses techniques très fines faisant appel au système respiratoire, aux muscles de la gorge, à la cavité buccale et aux résonateurs de la tête et du reste du corps.

91 D’après le dossier de H.Zemp et T.Q.Hai, « recherches expérimentales sur le chant diphonique » in cahier des musiques traditionnelles , N.4 la voix . Atelier d’ethnomusicologie, Genève, 1991, p. 28. 92 Nous pouvons observer la mélodie ‘‘ A la claire fontaine’’ dans la partie supérieure, et le bourdon accompagné d’autres harmoniques moins prononcées dans la partie inférieure. Le sonagramme est issu du programme : R.S frequency . 63

2. Les chants diphoniques traditionnels

21. Touva et Mongolie

Les premières recherches en matière de chant diphonique, ont porté sur la pratique des Mongols et des Touva. Avec leurs techniques vocales, ceux-ci mettent parfaitement en évidence les propriétés acoustiques dont l’appareil phonatoire est pourvu. Leur répertoire très vaste fait entendre de manière évidente les harmoniques naturelles à travers la voix, ce qui fait de cette culture musicale un exemple incontournable. D’après Aksenov 93 , les Touva formeraient le centre de la culture turco-mongole du chant diphonique, puisqu’ils ne pratiquent pas seulement une, mais quatre variantes stylistiques : kargiraa, bogbannadir, sigit, ezengileer , toutes regroupées sous le terme générique de khoomei (issu du terme mongol khöömii : « pharynx, gorge »94 ). Avec les peuples voisins, Mongols, Oirats, Kharkass, Gorno-Altaïs, Bashkirs etc., les variantes se sont multipliées selon des techniques plus ou moins distinctes jouant principalement sur le timbre du bourdon vocal, mais faisant toujours chanter une véritable mélodie supplémentaire, volontairement structurée par la sélection des harmoniques. Nous résumerons toutes ces techniques en deux grands styles de chants diphoniques : le chant sigit, plutôt aigu, et le chant kargiraa , plutôt grave. Ceux-ci sont généralement accompagnés par un luth à deux cordes (ainsi que d’autres instruments traditionnels ou d’autres chanteurs) et comportent, le plus souvent, des textes chantés et récités en alternance avec les mélodies diphoniques. Nous laisserons les textes associés à ces chants de coté pour ne nous intéresser qu’aux techniques de chants diphoniques.

211. le style sigit et ses effets Le chant sigit (parfois écrit aussi sygyt ) fait entendre des harmoniques très aiguës résonnant comme une flûte, ou un sifflement ( sigit signifie littéralement sifflement). Son principe est basé sur un système de résonance « à double cavité »95 , qui sépare donc, par le placement de la langue contre le palais, la cavité buccale

93 Cité par T.Q.Hai (1973). 94 Information recueillies dans l’article de H.Zemp et T.Q.Hai, « recherches expérimentales sur le chant diphonique » in cahier des musiques traditionnelles , op. cit.

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(résonateur) en deux cavités d’une résonance plus petite. Les mouvements maîtrisés de la langue peuvent reproduire ainsi des mélodies, générées par les harmoniques du son fondamental. Le répertoire sigit désigne des chants populaires transmis oralement chez les paysans musiciens des plaines de Mongolie et de Sibérie. T.Q. Hai explique que la plupart de ces chants présentent des mélodies jouées sur les harmoniques H9, H10 et H12, parfois sur H8, H9, H10, H12, H13, avec un bourdon plus ou moins marqué. Selon la virtuosité du chanteur, les harmoniques aiguës peuvent résonner très fortement, ce qui dissimule par conséquent le son de la fondamentale (extrait de chant sigit sur le CD, plage 09). Dans cet extrait, on peut remarquer une sorte de « bourdon harmonique » très aigu situé entre deux et trois KHz. Il a été parfois dit qu’une troisième voix pouvait être produite. Selon T.Q.Hai, qui confirme le phénomène grâce aux sonagrammes, on ne peut pas dire que la troisième voix soit contrôlée. Elle résulterait plus de la personnalité de l’exécutant que d’une technique particulière. Thomas Clément 96 parle de chant « triphonique » et explique qu’il est possible lorsqu'un son très grave est émis (par exemple, à une fréquence de 70 hertz), que le chanteur puisse alors créer deux formants qui sélectionneront chacun une harmonique. Par exemple, on peut chanter en mode triphonique avec un formant dans la zone de fréquence comprise entre 400 et 1 000 hertz, et un autre dans la zone au-dessus de 2 000 hertz. On remarque en effet que certains chanteurs vont presque jusqu’à éliminer le son fondamental au profit des deux formants. T.Q.Hai recommande les performances des chanteurs Mongush, Mergen, Tumat Kara-ool, Chuldum-ool Andrej. Si les recherches en ethnomusicologie ont pu percer et approfondir le secret acoustique de ces phénomènes, on ne parle manifestement pas des effets voulus ou constatés par ce chant. Lors du festival « le Rêve de l’Aborigène »97 j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs chanteurs et musiciens Mongols ; je leur ai alors posé la question directement. Lors d’un court entretien avec un jeune chanteur qui était invité en France avec sa troupe par l’intermédiaire de l’association franco-mongole « Archipel Nomade » (en Vendée), j’ai pu communiquer avec le chanteur par des mélodies de chant sigit (ma médiocre imitation l’a d’ailleurs beaucoup amusé) car il ne comprenait que quelques mots de français. Malgré la présence d’un traducteur, je n’ai pu obtenir de

95 L’appellation « double cavité » est employée par T.Q.Hai pour désigner la technique de chant diphonique khoomei expliquée par G.Léothaud dans la citation. 96 La voix en corps / Une réconciliation, Revue "SOMATO", Octobre '98. 97 Festival de didgeridoo , guimbarde et chant diphonique, organisé depuis 2001 tous les premiers week- end de Juillet par l’association parisienne Vent du Rêve à Airvault, près de Poitiers, op. cit. 65

vraie réponse quand au sujet des effets des harmoniques sur ce chanteur et ses auditeurs. Selon lui, le chant khoomei serait à la base un chant religieux, proche de la nature, des plaines, des steppes et des chevaux ; il peut être mis en rapport avec le shamanisme pratiqué en Mongolie, mais plus généralement, le chant diphonique est un divertissement, qui accompagne le quotidien des paysans mongols et touvains. Ces derniers se produisent de plus en plus en concert en Europe et aux Etats-Unis, où ils rencontrent un énorme succès afin de faire entendre leur chant si « mystérieux » et si apprécié par les oreilles occidentales. La fascination pour cette technique « impressionnante » et « étrange » est le premier sentiment que j’ai pu noter chez les auditeurs intéressés. Notons d’ailleurs que de plus en plus d’occidentaux se mette à tenter de reproduire ces techniques. Plusieurs personnes de mon entourage se sont à leur tour entraînées à faire résonner ces harmoniques après avoir constaté que moi-même je pouvais y parvenir. Ne serait-ce pas là une autre forme de résonance sympathique ? Sur ce même principe, de nombreux musicothérapeutes et artistes se sont mis à intégrer dans leurs pratiques ce chant qui, prononcé avec des mots sacrés de diverses religions 98 , revêt d’autant plus une certaine valeur « mystique ». Si des effets positifs existent, d’autres, par ailleurs bien moins appréciables, peuvent se faire sentir. Pour arriver à un résultat aussi saisissant, les chanteurs mongols et touvains doivent charger le son fondamental chanté le plus possible en harmoniques. Le son doit être chanté relativement fort, presque crié mais avec un certain contrôle, celui du souffle. Cette technique les oblige à contracter fortement les muscles de la gorge et de l’abdomen, mettant alors en vibration forte leurs résonateurs corporels, si bien qu’ils avouent ne pas pouvoir chanter trop longtemps tant la technique est éprouvante. J’ai appris récemment que le célèbre chanteur mongol Tserendavaa avec qui j’ai suivi un stage d’initiation au chant, aurait été victime d’un accident pour avoir trop forcé sur ses capacités. Le chant sigit provoque donc, chez le chanteur, des tensions fortes que l’on peut d’ailleurs retrouver, à une autre échelle, chez certains auditeurs : les fréquences les plus aiguës peuvent être perçues de manière stridente, agaçante, ou assourdissante. Ce qui ponctue les mélodies, c’est la respiration. Le chanteur est parfois encouragé à faire durer son chant le plus longtemps possible, ce qui ralentit

98 Les travaux de Philippe Barraqué par exemple marient la kabbale, le soufisme, le shamanisme, le yoga (etc.) avec les chants diphoniques. 66

considérablement sa pulsation cardiaque. En fonction du rythme de la mélodie, les inspirations sont parfois prises rapidement, alors que les expirations sont plus souvent faibles en débit d’air et plutôt longues. J’ai personnellement ressenti des effets d’étourdissement lors de longues séances de chant sigit , dus manifestement à cette respiration inégale et à l’ampleur des vibrations qui résonnent dans le crâne. Le chanteur doit donc respecter certaines limites pour mieux pouvoir apprécier cet état d’ivresse.

212. le style kargiraa et ses effets Le terme « kargiraa » fait référence à un phénomène vocal et sonore très distinctif du chant sigit, notamment au niveau du son fondamental : il est marqué par un son extrêmement grave et très riche en harmoniques. T.Q.Hai a mesuré les fréquences de cette technique entre 55 Hz et 65 Hz. Le kargiraa est une technique générale qui regroupe de nombreuses variantes, déclinées selon les régions, les chanteurs. Le timbre, puissant et lourd, est généré par la mise en relation de la fréquence des cordes vocales avec celle des mouvements des parois ventriculaires du larynx. Par la résonance des deux fréquences en phase, on obtient alors un son correspondant à l’octave inférieure du son réellement chanté par les cordes vocales. En chantant un La2, par exemple, on entend un la1. La diphonie a bien lieu dans le sens où, à partir du son fondamental extrêmement riche, vont être sélectionnés des harmoniques ; mais il s’agit cette fois-ci, d’une technique à simple cavité : la langue ne fonctionne pas à la manière du chant sigit ; elle reste relativement plate, et joue sur l’espace buccal d’une seule cavité de résonance. L’ouverture de la bouche, ainsi que le mouvement des lèvres, sont les facteurs qui permettent la sélection des harmoniques ; la plupart des mélodies interprétées le sont dans un registre plutôt grave et ne dépassent pas H16. Cette technique est exclusivement réservée aux voix graves, principalement masculines ; cependant il existe quelques rares femmes étant capables d’accéder à cette résonance (extrait de chant kargiraa sur le CD, plage 10). Tout comme pour le chant sigit , les effets du chant kargiraa n’ont pas été véritablement étudiés. La même fascination apparaît systématiquement lorsque l’on découvre ce chant qui sonne presque de manière « inhumaine ». Or, la puissance du timbre a tendance à repousser certains auditeurs non avertis qui peuvent se sentir dérangés, effrayés, voire agressés. Les battements des parois ventriculaires sont lents, comparés à ceux des cordes vocales, mais ont quelque chose de violent et cela peut se 67

manifester dans l’écoute. Le côté envoûtant du chant kargiraa est tout de même ressenti chez la plupart des auditeurs, du moins lorsque la technique est bien amenée. Lorsque j’utilise cette technique, le premier effet que je peux constater est celui d’un plaisir dû à la sensation de déclencher cette résonance, et de la ressentir en soi, puis celui de parvenir à sélectionner d’autres résonances harmoniques en atténuant le son fondamental. Celui-ci, toujours présent, ébranle d’autant plus les résonateurs du crâne et peut finalement se ressentir dans tout le corps. Le pharynx émet une forte vibration qui se répand dans le crâne ; c’est un chant éprouvant qui nécessite une bonne hydratation (la gorge s’assèche rapidement) et un assouplissement du larynx, sans quoi cela peut être fortement douloureux. Tout comme pour le sigit , la respiration de ce chant est souvent prolongée par les longues phrases mélodiques, selon moi, ce type de chant n’étant réellement appréciable que sur des notes tenues, le plus longtemps possible, ce qui peut mener le chanteur dans un état second.

22. Les chants sacrés du Tibet Chez les moines tibétains des monastères Gyütö et Gyüme , on retrouve une technique vocale qui, à l’oreille, est très similaire du chant kargiraa . T.Q.Hai nous explique comment le chant des tantras (écritures bouddhiques), et des mantras (formules sacrées), les mudras (gestes des mains), et des techniques permettant de se représenter mentalement des divinités ou des symboles, se pratiquent régulièrement. Cette tradition vocale aurait été instaurée par le fondateur de l’un des quatre courants du bouddhisme tibétain, Tzong Khapa (1357-1419), avec un style propre de méditation. Le chant diphonique de ces monastères est lié à l’effrayante divinité protectrice Maha Bhairava qui possède plusieurs visages, dont le principal est celui d’un buffle en colère. Le chant de ces prières, très grave et très puissant, est ainsi comparé au beuglement du taureau. Les tantras prononcés pendant les chants ne sont pas récités en Tibétain ; ils ont une valeur symbolique renforcée par la résonance des chants.

221. Le monastère Gyüto Les moines tibétains du monastère Gyüto récitent les tantras en chœur et à l’unisson. Un groupe de lamas est dirigé par l’abbé du monastère qui chante parfois seul. Le chant lui même se fait entendre par un bourdon extrêmement grave avec lequel les tantras sont récités ; le rythme s’accorde alors avec le découpage syllabique de la

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prière. Parfois, une note est tenue plus longtemps et fait résonner une tierce majeure et une octave au dessus de la fondamentale. Or, nous ne savons pas réellement de quel harmonique il s’agit. Je pensais, comme l’explique l’ouvrage Bouddhisme Tibétain 99 , que la tierce majeure entendue était issue d’une technique de gorge similaire au kargiraa des mongols, chant où la note fondamentale entendue n’est en fait que le reflet de l’octave supérieur réellement chanté par les cordes vocales. Dans ce cas, l’harmonique entendue correspond à la première tierce : H5 (c’est par ailleurs, lorsque je chante sur le même ton, l’harmonique la plus grave que je puisse émettre). Or, après en avoir discuté avec T.Q.Hai au Musée de l’Homme, j’ai compris qu’il pouvait en être autrement : l’ethnomusicologue pense plutôt que la fondamentale entendue est bien la fondamentale chantée. Les moines seraient ainsi capables d’atteindre des notes extrêmement graves avec leurs cordes vocales réelles et sans artifice (sic). Ce qui est saisissant, c’est l’ampleur avec laquelle ils parviennent à faire gronder la note bourdon ; c’est alors l’harmonique H10 qui résonnerait. En chantant cette note réelle, extrêmement grave, et en prononçant la voyelle « O » avec la bouche allongée et les lèvres arrondies, ils parviennent a une technique de chant diphonique tout à fait singulière. Lorsque le groupe entier chante cette syllabe prolongée, chaque moine semble prendre des rythmes respiratoires différents selon le principe de tuilage 100 , afin de pouvoir prolonger l’harmonique commune (extrait de chants tibétains du monastère Gyüto sur le CD, plage 11). Des instruments rituels (cymbales, trompes, tambourins, cloches etc.) sont utilisés en plus des chants et apportent une structure supplémentaire aux récitations. Dans la symbolique tibétaine, on dit que le chant des moines Gyüto correspond à l’élément Feu.

222. Le monastère Gyüme Je n’ai jamais entendu de chant de ce monastère mais T.Q.Hai explique que les moines y produisent un bourdon grave semblable à celui du monastère de Gyüto et l’harmonique H12 équivalant à la quinte au dessus de la 3ème octave du bourdon. Ce chant exprimerait l’élément Eau.

99 Ivan Vandor, musique du Bouddhisme tibétain, Buchet Chastel, 1976, Chapitre Musique vocale.

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223. Effets des chants tibétains Comme nous l’avons vu, ces chants ont un caractère sacré très profond et sont liés à une cérémonie complète qui comporte bien d’autres aspects comme le lieu, la durée de la récitation, les vêtements, les autres instruments, le pouvoir qui est attribué aux tantras , les paroles sacrées, ainsi que la foi religieuse qui anime chaque chanteur. Ainsi, parler de l’effet des chants sacrés en dehors de tout contexte religieux semble délicat ; je n’ai pu trouver de témoignage d’aucun moine qui aurait pu expliquer (selon lui) la portée de ces chants. Nous ne pouvons donc nous intéresser qu’aux effets observés sur les auditeurs. De manière générale, les occidentaux semblent assez réceptifs, au regard de la progressive commercialisation (notamment dans les boutiques ésotériques) d’une série de disques de ces chants traditionnels, pour la détente et comme support à la relaxation, la méditation. Le phénomène semble aller plus loin encore. Certains moines, comme les chanteurs mongols que j’ai pu rencontrer, se déplacent en effet dans le monde entier pour des représentations en concert (sic). Si les disques et les concerts apaisent et procurent une certaine sérénité à certains occidentaux, d’autres n’y semblent pas du tout réceptifs. Bien que sacrés, l’aspect de beuglement de taureau que revêtent parfois ces chants peuvent les rendre sans intérêt ou réellement repoussants pour certains auditeurs. Les facteurs qui semblent faire toute la différence dépendraient de la sensibilité de l’auditeur au contexte social et religieux de ces chants, ainsi que sa réceptivité ou sa disponibilité à l’écoute.

23. La Sardaigne : la quintina En Sardaigne, pendant la semaine sainte, de nombreux chanteurs se réunissent pour former un phénomène acoustique très particulier et très similaire au chant diphonique. Selon les travaux de l’ethnomusicologue Bernard Lortat-Jacob 101 , c’est à Castelsardo, au sein de la confrérie de la Sainte Croix, que se réunit chaque année un grand nombre de chanteurs, religieux et profanes, dans le but d’être sélectionnés parmi l’un des trois chœurs de Pâques. Le prieur est chargé de sélectionner seulement 12 de

100 Système observé en ethnomusicologie, et connu des compositeurs et orchestrateurs symphoniques.

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ces chanteurs afin de constituer les ensembles polyphoniques de quatre registres : du grave vers l’aigu ( bassu, contra, boghe, falsittu ). Un chanteur se spécialise dans une partie correspondant à la tessiture naturelle de sa voix.

231. Le mystère d’une cinquième voix En écoutant ces hommes interpréter les chants religieux, il apparaît parfois, aux oreilles des auditeurs attentifs, une cinquième voix, plus féminine et très aiguë. C’est la « Quintina », la « petite cinquième », résultant de la fusion des harmoniques de chacune des voix. Cette voix n’est pas un miracle, ni le fruit du hasard ; elle est même volontairement recherchée par les chanteurs qui, pour la faire apparaître, doivent former un ensemble vocal irréprochable. C’est, en effet, grâce à une entente idéale entre des voix parfaitement dosées les unes par rapport aux autres en volume, en qualité de timbre et en justesse harmonique, que le prieur va orienter sa sélection. Cette mystérieuse petite voix n’apparaît effectivement que lorsque les voix, précisément accordées, sont en parfait équilibre. Elle serait surtout produite par la superposition des voix les plus graves ( bassu et contra ) en rapport de quartes ou de quintes ; mais la participation de la boghe , qui est décrite comme la voix principale du chœur, renforcerait considérablement le formant harmonique. La falsittu qui, elle, est plutôt dans l’aigu, se distingue du reste du chœur par son timbre nettement plus nasal et qui, par contraste, met en valeur la douceur de la quintina . Bernard Lorat-Jacob précise dans son article 102 que les textes chantés brouillent les harmoniques par leurs consonnes et que la présence de la cinquième voix est d’autant plus forte lorsque les chanteurs s’attardent sur les voyelles.

323. La réponse acoustique Ce phénomène sonore s’explique donc par la superposition de plusieurs notes fondamentales, plutôt graves, et ayant des harmoniques en commun. Prenons par exemple une note basse sur La1 ( bassu) , chantée avec un Mi1( contra) ; on peut remarquer que ces deux notes on comme harmonique commune Mi3. En effet, la sixième harmonique de La1 est de deux octaves + une quinte supérieur (H6/La1 = Mi3) et la quatrième harmonique de deux octaves justes (H4/Mi1= Mi3), ce qui forme, sur

101 Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en parler » in Cahiers de musiques traditionnelles vol.3 : musique et pouvoir , Genève, GEORG, 1990.

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un sonagramme, un formant sur la fréquence du Mi3. Ajoutons à cela une troisième voix sur la note Mi2 ( boghe) qui va alors renforcer d’autant plus ce formant, car possédant également, parmi ses harmoniques, le même Mi3 (H2/Mi2 = Mi3). La composition de ces chants est ainsi fondée sur des harmonies, avec une utilisation systématique de l’accord parfait majeur en position fondamentale et en position renversée. Avec de nombreuses quintes et quartes parallèles, le phénomène du formant, et donc de la quintina , va se manifester sous forme de mélodie et recréer une cinquième voix distincte, parfaitement audible (dans une zone 700-1000 Hertz) et visible au sonagraphe.

Sonagramme et partition d’un extrait de polyphonie de Sardaigne 103

324. Les effets d’une résonance harmonique Lorsque les chanteurs sont parfaitement accordés et que la cinquième voix se manifeste, celle-ci semble flotter dans l’air comme une voix fantôme et devient ainsi comparable au son pur et volatile qui apparaît lorsqu’on frotte un verre à pied. C’est effectivement par la résonance des harmoniques superposées que le son se manifeste, et donne un résultat proche de celui du chant diphonique. Outre le fait qu’il s’agisse de quatre chanteurs pour cinq sons, et non pas d’un chanteur pour deux sons, comme dans le cas du chant diphonique, les deux techniques font appel aux mêmes phénomènes

102 Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en parler » in Cahiers de musiques traditionnelles . op. cit. p.16.

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acoustiques. Cependant, Trân Quang Hai les distingue nettement et nous explique la nuance : « Il faut donc faire la distinction entre le chant diphonique (chant créant une mélodie d’harmoniques) et le chant à résonance harmonique (chant accompagné par moments par des effets harmoniques) »104 Ce qui, dans notre travail, pourrait rassembler les deux phénomènes, serait les effets souvent similaires qu’il peut déclencher sur l’auditeur. La quintina est un phénomène plutôt impressionnant lorsqu’on parvient à bien la percevoir. Et si les chants des hommes qui la produisent présentent des timbres et des successions d’accords qui ne séduisent pas forcément, le son produit par la résonance des harmoniques est néanmoins parfois considéré comme miraculeux. Bernard Lortat-Jacob indique d’ailleurs au cour de son article, qu’en Sardaigne, la quintina est parfois interprétée comme étant la voix de la sainte vierge105 .

24. Autres traditions vocales Dans ces recherches sur le chant diphonique, T.Q.Hai a rassemblé quelques autres exemples de techniques vocales plus ou moins connues. 241. Rajasthan Un enregistrement en 1967 par John Levy, fait entendre un chanteur rajasthanais imitant la guimbarde et la flûte double satara. La technique utilisée serait proche du style sigit touva ; or cet enregistrement est l’unique trace que les ethnomusicologues possèdent de ce chant diphonique du Rajasthan. Nous pouvons rapprocher cette technique, qui semble s’être perdue, avec la musique de la flûte rajasthanaise nar (elle aussi aurait peut-être déjà disparu). Le nar est une longue flûte oblique joué par un souffle généreux en harmoniques et chanté simultanément par l’instrumentiste qui ajoute un bourdon à ses mélodies. Le bourdon lui même fait entendre des harmoniques vocales assez discrètes et laisse parfois place à un texte de ponctuation (extrait de flûte nar du rajastahan avec bourdon vocal sur le CD, plage 06).

103 Document recueilli au sein de l’article de Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en parler » in Cahiers de musiques traditionnelles, op. cit. 104 Propos de T.Q.Hai recueillis dans son article « Recherches introspectives sur le chant diphonique et leurs applications » op. cit. 105 Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en parler » in Cahiers de musiques traditionnelles, op. cit.

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242. Afrique du Sud En Afrique du Sud, les Xhosa pratiquent également le chant diphonique, surtout chez les femmes. Une chanteuse se serait inspirée du bruit du coléoptère placé devant la bouche et utilisé comme bourdon. Cette technique s’appelle umngqokolo ngomqangi (ngomqangi est le nom du coléoptère) imitant l’arc musical umrhube . Elle modulait la cavité buccale pour faire varier les harmoniques produits. Dave Dargie 106 a découvert ce type de chant diphonique chez les Xhosa en Afrique du Sud en 1983.

243. Formose A Formose (Taiwan), les Bunun , une des minorités ethniques taiwanaises, chantent les voyelles dans une voix très tendue et font sortir quelques harmoniques dans un chant à l’occasion de la récolte des millets ( Pasi but but ). Est-ce bien un style de chant diphonique semblable à celui pratiqué par les Mongols et les Touvains ? Faute de documents sonores et écrits, les ethnomusicologues ne peuvent poursuivre leurs recherches. Les harmoniques apparaissent dans certains types de chants où l’émission des voyelles est prolongée et avec un timbre très chargé. En Sardaigne encore, mais dans un contexte différent de la quintina , j’ai remarqué une voix extrêmement grave dans des polyphonies populaires, et dont la technique semble très proche de celle du kargiraa . T.Q.Hai reconnaît ces techniques également à travers le chant bouddhique japonais shomyo , certains chants bulgares, ainsi que des chants polyphoniques d’Europe de l’Est.

106 Présenté par Trân Quang Hai, dans son article « Recherches introspectives sur le chant diphonique et leurs applications » op. cit. 74

3. Approches des chants diphoniques en Occident

31. Le chant en résonance

En Occident, il existe une autre approche du phénomène des harmoniques et du chant diphonique semblant renouer avec la musique vocale ancienne qui utilisait les gammes naturelles dont nous avons déjà parlé. Nous avons également vu que les abbatiales cisterciennes possèdent des propriétés acoustiques remarquables et particulièrement adaptées à la résonance de certains chants.

Les moines de Cluny, d’après J.Godwin auraient effectivement construit leurs églises selon « des proportions musicales afin d’enrichir leur plain-chant et les mettre en relation avec les dimensions cachées du son »107 .

Jean-Yves Haymoz, de l’association Pro Bonio Monte, fait une description du phénomène acoustique de l’église cistercienne de Bonmont :

« la résonance du son est maintenue par un effet de rotation sonore dans la rondeur de la voûte ; puis il est enrichi des harmoniques propres de l’église. Rien d'étonnant à ce que le chant grégorien - qui était la musique de l’époque de la construction de l’église - sonne magnifiquement bien dans ce lieu ! En revanche la musique composée par une acoustique plus simple et plus sèche, comme par exemple la musique de chambre des XVIIIe et XIXe siècles, y sonne très mal : ses harmonies changent trop rapidement pour souffrir d’être superposées par la résonance» 108 .

Les propriétés acoustiques de l’église ont effectivement conservé leur résonance aux sons et aux modes naturels ; c’est pourquoi le chant diphonique semble si adapté à ces lieux. Une union entre les chants mongols et les chants grégoriens, voilà comment

107 Godwin Jocelyn, Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit. 108 Pro Bonio Monte - association des amis de l'abbaye cistercienne de Bonmont - 1275 Chéserex – en Suisse, J.-P. Felber, P.-R. Monbaron, A. Rochat, J. Haldy et P. Tanner. Texte recueilli en Octobre 2005 sur le site : http://www.probonomonte.ch/abbaye/acoustique_pbm.html 75

on pourrait définir la musique de chanteurs comme David Hykes 109 ou Iegor Reznikoff 110 . Dans le chant diphonique, nous avons vu que les mélodies étaient effectuées par les harmoniques à partir d’un son fondamental chanté à la manière d’un bourdon ; or dans le chant en résonance, la note fondamentale est amenée à faire elle même des mélodies. Les intervalles de chaque note qui composent ces mélodies (fondamentales) seraient comme guidés par la résonance des voûtes. En effet, lorsqu’on est amené à chanter une mélodie dans une église cistercienne, pour obtenir une résonance sur chaque note fondamentale (ainsi que leurs harmoniques respectives), on doit employer des rapports d’intervalles précis qui correspondent aux modes anciens. Les voûtes seraient donc sensibles aux intervalles naturels. C’est grâce à Philippe Bougon que j’ai pu comprendre l’univers du chant en résonance. En effectuant des recherches précises entre les modes anciens et les voûtes des églises cisterciennes, il est parvenu à établir des liens entre cette résonance des différents modes (Tellurique, Lunaire, Solaire et Lumière) selon certains endroits de l’église et le long de la nef . J’ai eu la chance, grâce à lui, de pouvoir essayer mon chant diphonique dans les églises cisterciennes de Silvacane et du Thoronet, et si je n’ai pas entièrement compris ses explications concernant les modes anciens, j’ai su, instinctivement selon lui, reproduire ces modes aux rapports naturels (extrait d’une improvisation vocale inspirée du chant en résonance de David Hykes sur le CD, plage 24).

Avec Philippe Bougon, nous avons recueilli plusieurs témoignages parmi les différentes personnes qui ont été amenées à nous entendre. Avant même que nous allions leur demander, ils sont venu nous faire part de leurs émotions. Si le chant diphonique paraît souvent impressionnant aux oreilles occidentales, la résonance d’un tel lieu procure un aspect d’autant plus profond.

32. Trân Quang Hai Si ce n’est Trân Quang Hai qui a découvert la technique du chant diphonique, c’est essentiellement par lui que le phénomène s’est répandu en France. En réalisant le film « le chant des harmoniques » avec Hugo Zemp, ainsi qu’en proposant de nombreux stages de formation et de sensibilisation au chant diphonique, Trân Quang Hai,

109 David Hykes, The harmonic Choir , Ocora, 1989. 110 Iegor Resnikoff, Le Chant de Fontenay , le souffle d’or SARL.

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participe à l’expansion d’une nouvelle mode « harmonique » qui toucherait l’Europe, les Etats Unis, l’Australie, ainsi que le Japon. A l’aide du sonagraphe, il a développé de nombreuses techniques vocales spectaculaires en imitant les techniques que nous venons d’aborder.

Lors de mon entretien avec lui, qui s’est déroulé sur son lieu de travail, au Musée de l’Homme, en Mars 2003, il m’a fait une démonstration de l’ambitus de sa voix qui a manifestement été entraînée à descendre dans les graves, uniquement avec les cordes vocales (sans aucune technique de travestissement vocal), aussi loin que pour les chants kargiraa . Le chercheur suppose ainsi que les moines de Gyüto chantent en voix réelle. T.Q.Hai a également fait des expérimentations sur les rapports entre la fréquence fondamentale et la voix harmonique : il parvient par exemple à faire varier le bourdon tout en conservant un formant sur la même fréquence, ou bien en effectuant un mouvement contraire entre fondamentales et harmoniques.

Expérimentation d’un « bourdon harmonique » dans l’aigu, avec variation du fondamental par Trân Quang Hai. Technique à deux cavités. Voix fortement nasalisée. Contraction pharyngienne et abdominale. Echelle montante des fondamentaux La1 (135 Hz), Ré2, Mi2, La3 (270 Hz), et redescente. Le « Bourdon Harmonique » de 1380 Hz est réalisé successivement par H12, 9, 8, 6, 8, 9, 12.

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Expérimentation d’un mouvement contraire entre bourdon et mélodie d’harmoniques, par Trân Quang Hai. Technique à deux cavités. Voix fortement nasalisée. Contraction pharyngienne et abdominale. Echelle diatonique ascendante des fondamentaux du La1 (110 Hz) au La2 (220 Hz) et redescendante. Echelles d’harmoniques en mouvement contraire, descendante de H19 au H4 et remontante à H19 111 .

Il m’a fait part d’un concours en Sibérie dont il présidait le jury 112 et qui réunissait les chanteurs diphoniques les plus virtuoses. Il aurait ainsi pu concourir avec ces chanteurs traditionnels en effectuant trois fois de suite une mélodie traditionnelle au cours d’une seule expiration ou encore en écrivant un mot avec les harmoniques de sa voix (sic). L’exploit n’est véritablement qu’un jeu avec le sonagraphe. J’ai compris que ce n’est réellement possible qu’avec les lettres qui s’écrivent de gauche à droite comme N, M, U, V, W, mais aussi I et L (le Y et le J sont plus difficiles). Par un clin d’œil humoristique, il propose (car c’est bien plus commode) de ne présenter que « le minimum de cette technique » qu’il m’a également fait partager, et qu’à mon tour j’ai pu réalisé. Ainsi il fait apparaître sur le sonagraphe le mot « M I N I M U M ».

111 Sonagrammes issus de l’article de H.Zemp et T.Q.Hai, « recherches expérimentales sur le chant diphonique » in cahier des musiques traditionnelles , op. cit. 112 Ce concours est également abordé lors d’une interview de T.Q.Hai par Michel Giroud, Regards, 1998. 78

Nous voyons par cet exemple que le chant diphonique peut être appréhendé de diverses manières (et même très ludique) en Occident. Ainsi, lors des différents stages proposés dans ce domaine, comme on peut le voir sur la vidéo de Hugo Zemp et comme j’ai pu en faire moi-même l’expérience avec Tserendavaa, le chant diphonique est un jeu qui encourage l’expression de la voix par l’extériorisation de ses voyelles prolongées et de ce timbre très âpre. C’est généralement très amusant de s’observer les uns les autres, entre stagiaires, émettre des sons qui peuvent nous faire paraître ridicules dans un premier temps, mais qui avec un peu d’encouragement, nous invitent à nous extérioriser véritablement en nous amusant.

C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’une thérapie active par le chant 113 et c’est ce qui rend cette pratique utile aux personnes atteintes de bégaiements par exemple. Au delà de l’aspect ludique, lorsque les chanteurs occidentaux parviennent à un semblant de résultat, ils ressentent très souvent une grande satisfaction due au succès, d’une part, mais peut être aussi due à un effet de résonance plus subtile qui s’opèrerait sur le corps du chanteur lui même, comme certains musicothérapeutes l’admettent. Nous observerons cet aspect thérapeutique du chant diphonique plus en détail au cours du cinquième chapitre.

113 Nous verrons dans le chapitre cinq les différents aspects de la musicothérapie dont la distinction entre thérapie active et réceptive.

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IV Les instruments harmoniques et leurs effets

Comme nous avons pu le constater, il est question de distinguer et regrouper des instruments de musique peu communs en occident. L’appellation « instrument harmonique » suscite souvent chez les musiciens et musicologues beaucoup de questionnements. Elle s’utilise assez rarement dans ces milieux-là et peut être interprétée différemment selon le contexte dans lequel on l’emploie : acoustique, musique classique occidentale ou thérapies alternatives par les sons et la musique. Je ferai alors une distinction entre ces différentes interprétations, pour tenter de dégager une définition adaptée aux instruments qui ont l’intérêt de musicothérapeutes 114 et de musiciens occidentaux passionnés par les harmoniques. Je dresserai alors une liste de ces instruments qui, loin d’être exhaustive, pourra permettre d’illustrer cette définition.

1. Présentation et distinction des instruments harmoniques

11. Définition Le mouvement de fascination créé par la découverte des chants diphoniques a conduit certains musiciens occidentaux à utiliser des instruments reposant sur un principe et un effet similaire, et avec lesquels ils pourraient ressentir cette même émotion. J’ai moi-même cherché à rassembler le plus d’instruments possibles de ce type ; mais encore faut-il pouvoir définir de quoi il est réellement question. Quel est donc le point commun entre un didgeridoo , un bol tibétain, une guimbarde et un sarangi ? S’il fallait redonner 115 une définition aux « instruments harmoniques » selon le récent mouvement musical, je les présenterais en m’appuyant sur le phénomène du chant diphonique. J’inclurais alors, dans cette famille, tout instrument qui, à partir d’une note fondamentale audible ou non, impose comme unique échelle une succession de notes organisées selon les intervalles de la série des harmoniques naturelles. Or, cette définition ne décrit, en réalité, qu’un certain type d’instruments que l’on pourrait qualifier de « strictement harmoniques » ; en Occident, c’est le cas du cor de chasse, par

114 Je n’ai réellement pu trouver en France qu’un seul cas de musicothérapie qui emploie délibérément, à l’écrit le terme « d’instrument harmonique », il s’agit de Oriane Robidou. Sur le site : www.voyelle.net . Nous verrons par la suite que ces termes sont surtout utilisés oralement dans un milieu précis. 115 Car l’appellation est en effet déjà employée pour parler de certains instruments occidentaux classiques et populaires, voir paragraphe suivant. 80

exemple, ou bien de la trompette sans piston que l’on appelle aussi « trompette naturelle ». Alain Daniélou en fait mention dans son traité de musicologie comparée : « Certains instruments à vent, les cors et les trompettes en particulier, ne peuvent donner que les harmoniques de leur fondamentale » 116 . Seulement il n’existe que très peu d’instruments « strictement harmoniques ». Les conditions nécessaires à l’émission d’une série d’harmoniques sont très précises et généralement, l’instrument finissant par être jugé très pauvre, subit rapidement un aménagement par divers mécanismes humains.

D’autres instruments, possédant une plus grande liberté, reproduisent le même principe. Ils sont apparentés aux instruments strictement harmoniques par leurs effets, leur contexte, la symbolique 117 à laquelle ils renvoient. Il faut donc ajouter à ces instruments le principe de la résonance, mettant en évidence un autre point commun : les bols chantants, par exemple (instruments principalement inharmoniques), ainsi que les instruments à cordes sympathiques, ne reproduisent pas spécialement les notes contenues dans la série des harmoniques ; or ils les utilisent indirectement par la résonance. Le phénomène d’un son qui est déclenché indirectement à partir d’un autre, comme l’apparition d’un son aigu issu du son principal d’un bol chantant, donne un effet sonore qui représente assez bien les instruments de cette famille. On devrait alors parler d’ « instruments à résonance harmonique », ce qui semblerait un peu plus juste. Or, en France, on simplifie l’appellation à « instrument harmonique », du moins dans le milieu où il est utilisé oralement.

12. Une appellation justifiée ? Dans le langage musical occidental conventionnel, lorsque l'on dit qu'un instrument est « harmonique », cela signifie que cet instrument est capable de jouer au moins deux sons simultanés 118 . C’est le cas des instruments à clavier (piano, accordéon, orgue etc.) ainsi qu’un certain nombre d’instruments à corde (guitare, harpe, etc.). Par opposition, les autres instruments tels que la flûte, le violon, ou encore la clarinette, sont considérés comme des « instruments mélodiques ». Le terme harmonique est dans

116 Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée , op. cit. 117 Nous verrons dans le Vème chapitre comment ces instruments et leur musique peuvent être symboliquement interprétés et ainsi mis en relation avec, entre autres, la nature et le sacré. 118 Définition de l’encyclopédie Wikipédia.

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ce cadre, issu de la notion d’ harmonie et correspond à l’art de succéder les accords ; ces instruments sont utilisés généralement pour accompagner d’autres instruments mélodiques. Cela n’a donc rien à voir avec ce qui nous intéresse, car nous ne sommes pas dans l’ harmonie mais dans les harmoniques .

Peut-on dire que ce terme est bien employé ? Peut-on dire qu’il est mal employé ? Selon un raisonnement d’acousticien, il paraît évident comme pour le « chant harmonique » que tout instrument qui produit un son musical peut être qualifié d’ instrument harmonique, dans le sens où les sons qu’il fait entendre comportent des harmoniques, rendant cette appellation injustifiée ( comme nous l’avons vu pour le chant harmonique ), ce qui ne fait guère progresser notre recherche. Lorsque j’ai interrogé des ethnomusicologues ou des acousticiens, le sujet paraissait les déranger. Selon eux, le terme est mal employé ; il renvoie à un milieu trop « fantaisiste » pour être reconnu scientifiquement. Bien que n’ayant pas été officiellement nommés au cours d’une étude sérieuse, plusieurs de ces instruments donnent lieu à des regroupements, des festivals, des stages, des recherches, de nouvelles lutheries et de nouvelles thérapies. 119

Or, ces instruments se désignent de plus en plus par le terme « harmonique » qui, dans ce cas, fait référence, non pas à l’aspect spectral du son, mais plutôt aux mélodies ou aux sons créés à partir des harmoniques. L’appellation vernaculaire « instrument harmonique » qui, pour certains, peut sembler absurde, apparaît cependant bien commode pour les désigner. Elle semble également proche de celle d’autres instruments voisins qui utilisent le même principe : les flûtes sans trous de jeu par exemple que l’on nomme communément « flûtes harmoniques ». Elle trouve également une justification issue de la traduction anglaise : « harmonic instruments » qui désigne, dans la musique classique, (comme en Français) les instruments accompagnateurs ; mais il existe également le terme « overtone » qui se traduit, faute de mieux, en français, par « harmonique » et qui désigne précisément le phénomène qui nous occupe. Derrière le terme « overtone instrument », il n’y a pas de confusion ; on sait qu’il s’agit d’instruments qui résonnent et qui n’émettent que le son des harmoniques.

119 Nous verrons dans ce chapitre ainsi que dans le chapitre suivant comment et par qui ces instruments sont utilisés.

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J’utiliserai ainsi, au risque d’encourager cette confusion, l’appellation « instruments harmoniques » comme elle est employée oralement dans les milieux où les passionnés occidentaux les utilisent.

13. Instrument harmonique ou instrument inharmonique ? A partir de quels facteurs peut-on dire qu’un instrument est harmonique ou inharmonique ? Nous avons vu, dans le premier chapitre, que l’harmonicité d’un son était due au fait que les composantes d’une note fondamentale étaient des multiples entiers. Dans la pratique, ces deux notions se recoupent par leur relativité ; car parler d'un son faiblement inharmonique revient à parler d'un son relativement harmonique ... En effet, si le cas du piano ou de la cloche est caractéristique de l'inharmonicité, la plupart des instruments présente une inharmonicité relativement faible, qui peut être négligée, mais jamais totalement nulle.

Dans un son inharmonique, les partiels sont généralement plus hauts que les multiples entiers du fondamental, et ce, d'autant plus que leur rang est élevé 120 . Cette caractéristique affecte le timbre du son, et se vérifie par l'examen de son spectre harmonique. Ce phénomène peut donner l'illusion de plusieurs hauteurs simultanées, comme pour la cloche. La distinction d’une frontière entre les instruments harmoniques et inharmoniques pourrait être comparée à la mise en vibration autour d’une note justement accordée dans la résonance. Les instruments qui suivent ne sont donc pas « harmoniques » du point de vue des acousticiens, et ne sont pas toujours non plus « strictement harmoniques » du point de vue de la définition basée sur leur gamme naturelle. En revanche, ils sont en relation avec la résonance de certaines harmoniques, mais aussi avec un aspect naturel et simple de la musique (aucun n’est tempéré par exemple) déclenchant chez les personnes qui y sont sensibles une certaine émotion.

120 Informations recueillies dans l’encyclopédie Wikipédia. 83

2. Liste des instruments harmoniques

J’ai donc regroupé ici un certain nombre d’instruments très riches en harmoniques, se rapprochant des instruments strictement harmoniques, ou offrant une forme de résonance. Loin d’être exhaustive, cette liste présente surtout des instruments acoustiques, traditionnels et modernes, qui correspondent ou se rapprochent de la définition citée plus haut. Les instruments que j’ai pu découvrir trouvent leur origine dans le monde entier ; c’est pourquoi la liste est classée par catégories selon la méthode des ethnomusicologues ( , aérophones, membranophones et cordophones ).

21. Idiophones

211. La guimbarde La guimbarde est un instrument harmonique par excellence : une fréquence fondamentale, et d’innombrables variations dues aux harmoniques. Le souffle intervient mais ce n’est pas réellement un instrument à vent ; le son est émis par le pincement d’une lamelle qui vibre entre deux fines parois en métal (plus généralement) ou parfois en bambou. Comme pour le chant, c’est le corps de l’instrumentiste, et plus particulièrement tous les résonateurs de la boîte crânienne, qui vont amplifier le son et faire ressortir si clairement les harmoniques. La fondamentale est relative à la forme de la lamelle (taille, poids etc.) ; les changements de timbre et la variation des harmoniques sont directement reliés au système phonatoire et à la cavité buccale. La question de l’origine de l’instrument reste encore posée. D’après le livre de John Wright et Geneviève Dournon les guimbardes du musée de l'homme, édité en 1978, la guimbarde n'est considérée comme autochtone ni en Afrique, ni en Amérique du Sud. On y trouve des arcs musicaux qui utilisent la bouche, mais les premières guimbardes auraient été amenées par les colons. J’ai eu l’occasion de rencontrer John Wright, qui m’a confié que l’origine de la guimbarde en Europe remonterait au 16éme siècle. Le plus plausible serait une origine asiatique, au sens large. Sans doute avec des instruments végétaux, en bois ou en bambou, éventuellement en os. La guimbarde

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aurait transité de l'Asie/Pacifique vers le Nord (Sibérie, Mongolie...), puis vers les pays Scandinaves, puis serait repartie vers le Sud, en Europe centrale et occidentale. Instrument populaire, instrument de berger, la guimbarde est principalement un instrument rythmique qui fait jouer un grand nombre d’harmoniques et offre des variations techniques surprenantes. Son jeu est très sensible ; chaque micro-mouvement de la bouche et du système respiratoire va entraîner une sélection particulière de certaines harmoniques. Le souffle est un élément important dans le jeu de la guimbarde : il permet d’effectuer certaines variations d’intensité et de timbre, et ajoute ainsi au pincement souvent régulier de la languette, des effets rythmiques d’une grande richesse et d’une grande variété. Avec des techniques très précises, on peut faire en sorte d’accentuer certaines harmoniques plus que d’autres. La maîtrise de celles-ci rend possible, comme pour le chant diphonique, la reproduction volontaire des mélodies. La voix peut également être utilisée, et permet de multiplier les effets sonores. Plus on fait chanter les harmoniques aiguës, plus la technique de l’instrumentiste doit être fine. En Inde du Sud, les guimbardes sont parfois jouées en duo, trio et quatuor, leur accordage est sélectionné selon l’intervalle des premières harmoniques d’une tonalité donnée (bourdon délivré par le ou la tempura 121 ). La superposition des harmoniques ainsi créée apporte un relief impressionnant dans la pièce musicale (extrait d’un trio de guimbardes sur le CD, plage 05). En Mongolie, les joueurs de guimbarde utilisent l’instrument pour entrer en communication avec la nature dont ils imitent certains bruits. L’extrait proposé sur le CD plage 04, fait entendre un joueur de guimbarde yakoute (appelée khomou en Yakoutie), qui donne un aperçu de la diversité des sons imités de la nature (gouttes d’eau, chants d’oiseaux, galop du cheval etc.). « Le chuintement du vent mais aussi le bruissement des herbes hautes, le clapotis de la rivière, le chant des oiseaux et les cris des animaux sont autant de sources d’inspiration pour le chasseur ou le berger des régions montagneuses. Le répertoire de Narantsogt est capable d’imiter le coucou adulte, le jeune coucou, deux coucous qui se répondent, la huppe ordinaire, le pigeon ramier, le grand coq de Bruyère, et avec sa flûte ‘‘cuur’’, le tétras-lyre, parmi beaucoup d’autres imitant aussi bien les hommes que les animaux. Bien sûr ces imitations sont actuellement dépouillées

121 Instrument à corde de la musique classique indienne qui forme la base harmonique des ragas. Le morceau de guimbardes carnatiques plage 05 sur le CD, fait entendre une tempura électronique qui constitue un repère tonal constant par la note sa (fondamentale du raga ), ses octaves et sa quinte.

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de toute connotation shamanique. Cependant, on ne peut nier la place importante du coucou dans la mythologie des autres peuples altaïques ». 122

Guimbarde   Volume faible O fort Hauteur grave O O O aigu Timbre feutré O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O O lointain

Comme l’indique le tableau ci-dessus, la guimbarde est un instrument assez intime, dans le sens où il faut être proche pour l’entendre ; les joueurs de guimbarde que j’ai pu rencontrer m’ont avoué qu’il jouent très souvent seuls, pour eux-mêmes ou pour le lieu dans lequel ils se trouvent. L’effet de cet instrument me semble plus sensible pour l’instrumentiste que pour les auditeurs (mais il est difficile d’en juger) ; le rythme et les vibrations qui résonnent dans la tête du musicien invitent facilement celui- ci à la transe. Un long morceau peut-être vécu comme « un voyage » ; c’est pour cette raison que le tableau ci-dessus indique une durée « plutôt longue », car écouter de la guimbarde n’est réellement appréciable qu’en prenant le temps de se laisser toucher par son rythme et par son timbre.

212. Le verre frotté Comme nous l’avons vu lors du premier chapitre, le son du verre frotté, très particulier, est pauvre en harmoniques. Il ne laisse entendre généralement que deux ou trois des premières harmoniques du son fondamental (généralement H2 et H4). Il existe, comme l’indique , une grande variété d’instruments dérivés de ce principe ayant vu le jour mais étant aujourd’hui plus ou moins oubliés (le seraphim , le , le verillon ou encore le ). Voici un aperçu historique décrit dans le livret d’un disque de glass harmonica : « Déjà connu des Perses, des Chinois (Shui Chan), des Japonais (Hi) et des Arabes (le Tusut est cité en 1406), le principe des bols plus pou moins remplis d’eau pour en faire varier la hauteur du son, subit une mutation déterminante lorsqu’en

122 Texte extrait de l’article de Bernard Lorat-Jacob « La dimension orphique de la musique mongole », in Cahiers de musiques traditionnelles vol. 3, musique et pouvoir, Genève, GEORG, 1990.

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1743, l’Irlandais Richard Puckeridge imagine non plus de les frapper avec des baguettes, mais d’en frotter les bords avec les doigts mouillés. Les verres étaient alors posés sur une table. Benjamen Franklin découvre cet instrument dénommé orgue angélique, puis plus tard, verres musicaux et séraphin – dont le compositeur Glück joue - à l’occasion d’un concert donné par le virtuose anglais Delaval. »123 On accorde les verres musicaux selon leur volume et leur contenance en eau, ce qui détermine la fréquence de la fondamentale. Les joueurs de verres accordent leurs instruments en fonction de la pièce à exécuter, il est tout à fait possible de reproduire une gamme dodécaphonique classique. Toutefois, l’accordage selon les harmoniques naturelles semble plus adapté à cet instrument, car il peut mettre ainsi en valeur la résonance naturelle qui se produit comme pour les cordes sympathiques. Le glass harmonica possède des disques en verre, trempant dans un bassin d’eau et tournant sur eux-mêmes ; ceux-ci sont frottés par le bout des doigts de l’instrumentiste. Ces disques étaient sculptés selon une forme qui correspondait à chaque note fondamentale avec un accordage proche de celui du clavecin (non tempéré) et permettaient ainsi d’interpréter plusieurs œuvres des grands compositeurs baroques et classiques.

Verre frotté   Volume Faible O fort Hauteur Grave O O O aigu Timbre Feutré O O perçant Durée Court O O long Spatialisation proche O lointain

Il est remarquable qu’un timbre comme celui du glass harmonica peut émouvoir par sa clarté et sa pureté, tout comme il peut déclencher un certain malaise. Le timbre de cet instrument aurait un potentiel presque dangereux. « ‘‘ Son doux et pur’’ ... 1762 baptisé Glass Harmonica ... Paganini : ‘‘ quelle céleste voix’’... dictionnaire instrumental : ‘‘sons d’une douceur presque céleste, mais (...) peuvent causer des spasmes’’. Traité des effets de la musique sur le corps humain (J.M.Roger, 1803) ‘‘son timbre mélancolique nous plonge dans un profond abattement

123 Informations recueillies dans le livret du disque de Thomas Bolch, Glass Harmonica , Naxos, 2001. 87

(...) au point que l’homme le plus robuste ne saurait l’entendre pendant une heure sans se trouver mal .’’» 124 Cela soulève la question du temps d’écoute, et par conséquent les différents effets ressentis selon la répétition d’un événement sonore et le niveau d’accoutumance propre à chaque auditeur.

213. Les bols chantants en métaux Plus connus sous le nom de bols tibétains (mais on en trouve dans beaucoup d’autres pays d’Asie : Népal, Chine, Japon, Viet-Nam, etc.), les bols en métaux provoquent en Occident un phénomène de fascination et de mode souvent porteur de mystères et de nombreuses interprétations. Vendu comme instrument sonore de divertissement dans les brocantes ou les boutiques ethniques, on peut en trouver de différentes qualités. L’origine et l’utilité des bols restent encore mystérieuses ; Eva Rudy Jansen 125 pense qu’ils étaient simplement utilisés comme ustensiles ménagers. Les bols sont utilisés dans toute l’Asie comme instrument sonore d’invocation des dieux, dans les temples (Bouddhistes, Taoïstes, Confucianistes, Shinto etc.) Lors d’un voyage au Viêt-Nam en Août 2003, j’ai pu observer des pratiquants qui utilisaient ces bols pour solliciter l’attention de la divinité par le son. Les bols des temples sont avoisinés généralement d’une cloche de bois qui tient vraisemblablement le même rôle. Il existe des bols de tailles diverses, allant d’environ 7 cm de diamètre jusqu’à 70 cm ; l’épaisseur, la composition et le fait que le bol a été forgé à la main ou industriellement, va donner au son toute sa singularité. Il n’existe pas deux bols identiques ; on pourrait même aller jusqu’à dire qu’un même bol ne peut pas sonner deux fois de la même manière, tant les harmoniques qu’il fait entendre varient selon la sensibilité de la frappe. Les bols sont effectivement très riches en harmoniques ou plutôt en partiels car, comme les cloches, ils sont souvent très dissonants et donc inharmoniques. On peut également les frotter, à la manière des verres en cristal ; leur vibration est alors entretenue, et s’amplifie si on sait répondre à la sensibilité du bol.

124 Informations recueillies dans le livret du disque de Thomas Bolch, Glass Harmonica , Naxos, 2001. 125 Eva Rudy Jansen, bols chantants , Binkey Kok, 1990.

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Pour conserver la résonance, la vitesse de rotation n’est pas plus déterminante qu’un bon rapport entre la régularité du mouvement et la pression exercée. Il est possible, une fois le bol apprivoisé , de changer le sens de rotation tout en conservant la vibration.

Un bol possède une note fondamentale basse qui est remarquable lorsqu’on frotte avec une mailloche recouverte de cuir. Les sons frappés, avec des mailloches en bois, sollicitent les harmoniques aiguës. Lorsqu’on joue du bol, on remarque que ces harmoniques vont et viennent, parfois, suite à des mouvements involontaires, si bien qu’on a souvent l’impression d’inviter le bol à chanter. Tenter de le maîtriser totalement semble improbable. Comme chaque bol possède un spectre qui lui est propre, ses harmoniques principales (pour les plus audibles) décrivent son identité. Pour s’entraîner à faire vibrer fortement un bol de taille moyenne, on peut y ajouter de l’eau, et observer visuellement les vibrations qui se dessinent sous forme de petites ondes à la surface de l’eau. Ces mouvements suivent la rotation de la mailloche frottée en quatre points équidistants. Lorsqu’on change le sens de rotation, les quatre points d’ondes changent également de sens. Une fois la vibration maîtrisée, on peut alors augmenter la pression et, proportionnellement, la vitesse de rotation, tout cela de manière très subtile et continue, afin de ne pas perdre la vibration en cours. Les passionnés disent que le jeu de cet instrument reflète nos sentiments et nos émotions. J’ai moi-même parfois eu le sentiment que le bol était capricieux ; il faut savoir lui parler , pour qu’il nous laisse entendre sa résonance et pour qu’on puisse, par la suite, augmenter celle-ci. Avec une vibration très intense, on remarque que l’eau qui est placée au centre du bol réagit en conséquence: elle s’agite fortement et va même jusqu’à jaillir hors du bol sous forme de petites gouttelettes frémissantes.

Bols en métaux   Volume faible O O fort Hauteur grave O O O aigu Timbre feutré O O O O perçant Durée court O (frappé) O O (frotté) long Spatialisation proche O O O lointain

Si la pratique religieuse utilise les bols dans les temples d’Asie, les adeptes d’Occident l’interprètent à travers l’ésotérisme et la thérapie sonore comme support

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pour la méditation. Le son du bol permet de focaliser l’attention sur une vibration riche en harmoniques, résonnant en nous-mêmes à travers le corps, comme un frisson. Certains sont utilisés par les musicothérapeutes pour des séances de « massage sonore » avec des dizaines de bols. J’ai moi-même fait plusieurs fois cette expérience avec ma propre collection de bols et sur plusieurs personnes qui ont toutes ressenti des impressions relaxantes et très agréables. Selon la pratique d’Oriane Robidou, avec qui j’ai pu suivre un stage « d’harmonisation par le son des bols chantants », on différencie les bols dit « consonants » des bols « dissonants » selon le degré de consonance de leurs harmoniques. Les intervalles vont générer à l’oreille des réactions très subjectives, variables selon les individus (et selon le contexte général). Un bol harmonique (rapports simples) est dit « consonant » et aura alors un effet « relaxant » ; un bol inharmonique (rapports complexes) va être considéré comme dissonant, et aura donc un effet « dynamisant ». Les bols en métaux sont très efficaces pour se sensibiliser à la vibration tactile. En approchant la main (par exemple) à quelques centimètres de la paroi d’un bol en vibration, on ressent très distinctement cette pression de l’air qui vibre en déclenchant parfois des frissons, et une impression d’apaisement, de douceur, mais aussi parfois de picotement, de fourmillement pouvant être amusants pour certains et désagréables pour d’autres. Anneke Huyser 126 raconte que pour les « vrais » bols (tibétains), il est question d’un mélange des 7 métaux (or, argent, mercure, cuivre, fer, étain et plomb) dont le dosage précis crée une alchimie sacrée.

214. Le bol taoïste Il s’agit cette fois d’un instrument très rare, qui reprend les principes des bols en métaux et ceux des verres frottés : le contact corporel offre un résultat sonore très riche en harmoniques et en vibrations. J’ai découvert cet instrument au festival « le Rêve de l’Aborigène 127 » grâce à un sitariste dénommé Narayana qui exposait l’instrument et faisait parfois quelques démonstrations. Le bol taoïste est d’origine chinoise, on le dit très ancien. Il ne se serait fait connaître en Occident que depuis environ deux ans (2003). L’instrument se présente sous la forme d’une bassine en métal (principalement

126 Anneke Huyser, le bol chantant , Binkey Kok, 1999. 127 Festival le « Rêve de l’Aborigène », par l’association Vent du Rêve , op. cit. 90

du cuivre, mais d’autres métaux y seraient ajoutés) avec deux sortes de poignées soudées sur les bords intérieurs de la bassine.

Le principe est très simple, on verse de l’eau dans le bol jusqu’à environ sa moitié, on se place devant, et après avoir trempé ses mains dans l’eau, on peut commencer à jouer de l’instrument en frottant les paumes et les doigts humides contre les poignées. Les sons qui sont alors produits sont un festival d’harmoniques et semblent varier de manière aléatoire ; comme pour les bols chantants, on peut difficilement les contrôler. La fondamentale, un son plutôt grave, est obtenue en frottant la paume creusée dans le sens de la poignée, les aigus étant plus distincts lorsque les mains sont ouvertes et que l’on ne frotte qu’avec le bout des doigts. L’intensité du son dépend de la pression du frottement, bien que l’on puisse aussi avoir quelques surprises ! Il est particulièrement difficile d’essayer de faire ressortir volontairement une harmonique précise volontairement (hormis la fondamentale) ; tout se passe comme si les harmoniques se révélaient d’elles-mêmes sans être sensibles aux mouvements grossiers de nos mains. L’eau placée au centre du bol est également en vibration ; elle ondule en quatre points du bol vers le centre et très rapidement lorsque la vibration s’intensifie, elle jaillit comme une petite fontaine. Le phénomène, déjà observable avec les bols en métaux, est ici d’autant plus flagrant qu’il est facilement réalisable.

Bol taoïste   Volume faible O O fort Hauteur grave O O O O aigu Timbre feutré O O O perçant Durée court O long Spatialisation proche O O lointain

Instrument très mystérieux, les informations sont rares quant à son utilisation originelle. Les interprétations actuelles penchent vers la thérapie par les sons, en accord étroit avec la médecine traditionnelle chinoise ; certains perçoivent cet instrument comme le reflet sonore de notre être, dans le sens où l’on ne peut réussir à le faire réellement chanter que dans un état de lâcher-prise, comparable à la méditation. Le bol réagit aux mouvements purement instinctifs du corps, des bras, des mains et des doigts ; l’instrumentiste lui-même, complètement détaché de son propre jeu, se laisse porter par les vibrations. C’est une sorte de cercle vertueux : un premier frottement, et la vibration

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créée va déclencher un effet chez l’instrumentiste qui va réagir par d’autres mouvements de manière intuitive, et relancer d’autres vibrations, etc. Il est possible de placer le bol sur un résonateur (grande bassine retournée ou calebasse) comme j’ai pu le noter lors de son exposition 128 , ce qui a pour but d’amplifier certaines fréquences et de laisser respirer le son sous le bol. J’ai pu en faire moi-même l’expérience ; mais je conseillerais plutôt de s’asseoir en tailleur le plus proche possible des bords du bol, (les pieds et les chevilles, placés à quelques millimètres de celui-ci sans le toucher pour autant) et si possible à même le sol. On ressent alors très concrètement les vibrations conduites par le sol dans les cuisses, les fesses et le bas du dos ; c’est une sensation très spéciale.

215. Le chaudron harmonique 129 En suivant toujours ce principe de frottement d’un récipient humide, j’ai découvert par l’intermédiaire de John Wright et de Bernard Lalanne-Cassou 130 une tradition bretonne que l’on appelle « tirer le jonc ». Il s’agirait d’une technique nécessitant la participation d’au moins deux personnes, d’un chaudron contenant de l’eau et d’une tige de jonc. La tige, humidifiée, est pressée contre la paroi externe du chaudron par la première personne et tendue par l’autre qui va la frotter avec ses doigts. La friction met alors en vibration la tige, et se répand par transmission dans le chaudron. Ce dernier va alors vibrer fortement et, par suite, faire jaillir l’eau à la manière évoquée plus haut. On peut imaginer, au niveau sonore, une énorme fondamentale qui résonne selon la taille du chaudron, accompagnée par ses harmoniques dont l’émission comme pour le bol taoïste, devrait dépendre de frottements subtils et hasardeux.

Concernant sa fonction, les interprétations sont variées ; il aurait été utilisé pour la Saint-Jean comme moyen de communication entre plusieurs villages ; la coutume parle également de « purification » de l’eau ou du village tout entier (sic). Mais si un

128 Le musicien Narayana était installé sur le terrain du festival « le Rêve de l’Aborigène » (op. cit.) et présentait un bol taoïste disposé sur un tapis en extérieur ; les visiteurs intrigués pouvaient s’essayer à l’instrument. 129 J’ai du improviser ce terme pour nommer ce mystérieux instrument dont je n’ai pu trouver davantage d’informations. 130 M. Lalanne-Cassou est un musicien très impliqué dans le jeu des guimbardes Touva (très rares en Europe) avec qui j’ai eu l’occasion de discuter des phénomènes dus aux harmoniques durant le festival « le Rêve de l’Aborigène » en 2005.

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instrument de signalisation doit être entendu d’un village à l’autre, il doit pouvoir sonner avec une importante intensité, à la manière d’un cor des Alpes ou d’une conque. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en faire l’expérience personnellement, mais si le résultat est comparable à celui du bol taoïste, je pense que très prochainement les musicothérapeutes vont s’approprier la technique et l’utiliser pour « harmoniser » les corps, les objets et les lieux.

216. Les percussions harmoniques / inharmoniques Les harmoniques déclenchées le sont généralement dans un rapport complexe et ne présentent donc pas le phénomène recherché dans cette étude ; tout cela dépend de la forme du matériau. Voici quelques exemples classés selon leur complexité harmonique :

Les formes de type cymbale : la forme est très ouverte et le métal est conçu pour être très riche en harmoniques. Elles ont la puissance des cuivres et leur timbre est surchargé de partiels et d’harmoniques aiguës, indissociables à l’oreille. Elles sont utilisées pour donner une ponctuation musicale ou un rythme, et leur effet peut être parfois très fort ; le timbre est saturé d’harmoniques dont les rapports sont extrêmement complexes. Ce sont des instruments inharmoniques qui ont malgré tout une forte résonance, ainsi qu’une valeur sacrée dans certaines musiques rituelles comme au Tibet.

Les formes de type bol : observent une résonance plus identifiable avec malgré tout plusieurs harmoniques superposées, qui varient selon la baguette utilisée ou l’endroit percuté. Cette forme résonne très bien encore une fois avec différents types de métaux ; une simple casserole peut sonner de manière très claire et avec des harmoniques dont le rapport est simple. En fait, tout bol dont la fabrication est industrielle, symétrique et précise aura des harmoniques aux rapports simples et consonants, en revanche les bols qui ont été martelés par l’homme, présentent des imperfections qui se manifestent, au niveau sonore, par des rapports d’harmoniques plus ou moins complexes. Parmi les bols chantants d’Asie, les Japonais sont réputés comme étant les plus fins et les plus harmoniques. J’en possède quatre de petite taille ; trouvés dans une boutique à Kyoto, ils semblent avoir été fabriqués industriellement et sont effectivement très consonants.

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Les formes de type cloche : Leur forme et leur matière invitent le son à résonner le plus longtemps possible. Dans nombre de cultures, leur symbolisme est très fort, souvent associé au sacré et au religieux. Les cloches sont utilisées dans toutes les églises chrétiennes et dans tous les temples d’Asie. Le rapport des harmoniques (mais il s’agirait plutôt de partiels comme nous l’avons déjà vu) varient selon la qualité des cloches, généralement fondues ; leur symétrie est relative. Tout l'art du fondeur consiste donc à réaliser une cloche dont les harmoniques sont accordées, afin d'obtenir la plus belle sonorité. Les premières harmoniques (graves) sont souvent plus stables que les aiguës, mais elles ne sont pas à l’abri des interférences qui peuvent intervenir, au cours de la résonance, sous forme de frottements ou de rythmes.

Les formes de type tube : la fréquence propre d’un tube résonne lorsqu’on percute celui-ci ; en l’ouvrant quelque peu, il est possible d’accentuer le rendu sonore. C’est le principe des carillons, ces instruments qui sonnent au contact du vent (bambou ou métal), souvent utilisés en musicothérapie ainsi que dans le Feng Shui 131 comme des instruments « d’harmonisation » ayant le pouvoir d’éloigner les « mauvaises ondes ». Leur son est généralement apaisant, et le fait que ce soit le vent lui-même qui en soit le déclencheur, ajoute une touche naturelle à l’instrument qui séduit généralement beaucoup. Les bambous ont un son plutôt étouffé et complexe alors que les tubes de métal, généralement fabriqués industriellement, sonnent durablement et avec des rapports d’harmoniques simples.

Les formes de type plaque : comme les vibraphones dont les harmoniques résonnent longtemps après l’attaque, et donnent un effet comparable à celui des verres frottés. Ces instruments sont très utilisés en musicothérapie pour leur son pur, mais aussi pour leur facilité d’accès.

131 Pratique d’origine chinoise qui attribut entre autres, un sens particulier à la disposition des objets et de leur symbolique dans un espace afin de pouvoir favoriser ou non la circulation de différentes énergies subtiles. 94

22. AEROPHONES

221. Les trompes La famille des trompes regroupe tous les instruments à vent dans lequel l’instrumentiste utilise la vibration de ses lèvres pour en faire résonner le corps, et joue avec cette technique pour sélectionner d’autres notes sans jamais faire appel à un système de trou ou de piston quelconque. Les instruments à coulisse, comme le trombone, ne sont que potentiellement harmoniques, dans le sens ou les variations de fondamentales sont relatives à des intervalles trop souvent influencés par le tempérament égal. Les trompes sont très sonores ; elles sont utilisées traditionnellement comme des instruments fonctionnels (appel, signalisation etc.). Le son des trompes naturelles correspond à une mise en vibration d’un tube, et ne permet de jouer que sur les harmoniques de la fréquence fondamentale propre à ce tube. Il faut tendre les lèvres pour jouer dans les aiguës et détendre les lèvres pour jouer dans les graves. La note la plus grave que l’on peut jouer (H4) n’est pas la vraie fondamentale (H1), si bien que les harmoniques H1, H2 et H3 sont considérées comme des « harmoniques inférieures ». Les harmoniques supérieures commencent donc sur H4 et peuvent atteindre H16 et plus, selon la virtuosité technique de l’instrumentiste et les caractéristiques acoustiques de l’instrument lui-même. Il est tout de même courant de pouvoir jouer sur la gamme naturelle (bien que mélodiquement plutôt limitée) de H4 à H16. La famille des cuivres, dans la musique occidentale, a longtemps utilisé la série des harmoniques selon ce principe ; or, elle s’est éloignée de celle-ci pour élargir son ambitus, par le biais de pistons ou de systèmes à coulisse.

2211. La corne et la conque Dans la famille des trompes, la corne et la conque sont des instruments très simples et très naturels 132 , car il suffit de tailler une embouchure dans une corne d’animal ou dans un coquillage, pour obtenir l’instrument fini. Ce sont des instruments d’appel et de communication ; le son est généralement prolongé, une note tenue qui résonne dans le lointain ; il est possible de sélectionner les harmoniques supérieures, mais cela demande une certaine maîtrise technique. De vraies mélodies sont rarement

132 Nous utiliserons le terme « naturel » pour parler des instruments qui demandent généralement peu d’aménagements humains. Leur musique est d’ailleurs très souvent en rapport intime avec la nature ou le sacré, nous serons amenés à développer cette idée dans le prochain chapitre. 95

jouées ; cependant, certains parviennent à faire sonner un grand nombre d’harmoniques, comme dans l’exemple d’une corne Touva proposé sur le CD, piste : 02. Corne & conque   Volume Faible O fort Hauteur Grave O O O aigu Timbre Feutré O perçant Durée Court O long Spatialisation Proche O lointain

La conque est considérée en Inde comme un instrument sacré ; elle est une des armes de Vishnou, l’un des trois grands dieux de l’Hindouisme. Les notes qu’elle fait résonner prennent une certaine ampleur ; il est ainsi préférable d’en jouer en extérieur et dans un large espace naturel, pour en apprécier l’effet.

2212. Le cor de chasse. Le Cor est à la base de la famille de cuivres (Tuba, Trombone, Trompette etc.). Il était utilisé à l’origine pour la chasse. Il est le plus souvent dans la tonalité de ré. Il est l'ancêtre du cor d’harmonie. Il existe toute une série de sonneries qui sont des morceaux de musique spécifiques utilisés lors de la chasse. Le cor de chasse, aussi appelé pibole est un instrument ne permettant l'émission que d'un seul son, soit une des harmoniques de la fréquence fondamentale de la trompe. Sa taille ne dépasse pas 60 centimètres linéaires.

Cor de chasse   Volume faible O O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O O lointain

L’instrument faisait généralement résonner ses harmoniques dans le milieu naturel de la forêt.

2213. La trompette naturelle Au 18è siècle, Mozart n’utilisait encore pour ses trompettes que les notes des harmoniques ; des techniques de déformation du son par les positions de la main dans le pavillon permettaient de changer de tonalité et de s’accorder aux autres instruments

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d’orchestre. La trompette sans pistons a de nombreux ancêtres et de nombreuses déclinaisons ; comme nous le précise Luc Breton, son histoire est étroitement liée aux grandes cérémonies, mais aussi au christianisme : « La ‘‘descendance d’Adam 133 ’’ représenté dans la ‘‘Mère des Hystoires’’ (Paris, 1488) nous montre le Verbe créateur sous les traits de l’ancien des Anges. Le Verbe éternel, lieu des possibles, dont aucune idée, au sens platonicien, peut ne pas procéder, est ici entouré d’anges musiciens dont la signification est considérable. En haut, deux d’entre eux sonnent des instruments à vent : Shofar et ‘hassar, soit un cor à deux tons et une trompette métallique comparable aux trompes d’argent qui devaient accompagner l’Arche d’Alliance dans l’Ancien Testament. Ces deux instruments manifestent la puissance divine, tout comme le son qui plonge les Hébreux dans la terreur lorsque Moïse monte au Sinaï et reçoit les Tables de la Loi. Cor et trompe ne font que produire ces sons harmoniques, sans qu’il y ait de rapport visible avec des nombres, comme c’est le cas sur une corde vibrante. »134 La symbolique religieuse de la trompette naturelle place une fois de plus à un rang sacré la famille des instruments aux harmoniques naturelles.

2214. Le cor des Alpes Le cor des Alpes est un long cor en épicéa, utilisé principalement en Suisse. On le trouverait aussi en Pologne et en Roumanie ; son apparition remonte au XIVè siècle. Généralement en fa #/sol b, il mesure environ 340 cm et se scinde en deux ou trois parties. Certains peuvent mesurer jusqu'à 13 mètres. Il était utilisé pour prévenir un village d'un danger, ou pour appeler les villageois à l'église ; en effet le son peut parcourir des

longues distances, et générer des échos dans les vallées. Joueur de cor des Alpes135

Cor des Alpes   Volume Faible O O fort Hauteur Grave O aigu Timbre Feutré O O perçant Durée Court O long Spatialisation proche O lointain

133 Voir annexes 13 p. 181, Les trompes naturelles shofar et ‘ hassar, image recueillie dans « Amour et sympathie » op. cit. p.25. 134 Texte recueilli de l’article de Luc Breton, « Les instruments à cordes dans l’occident chrétien » in Amour et sympathie , l’ensemble Baroque de Limoges, 1995. 135 Image recueillie sur : http://www.cmtra.org/entretiens/archivelettres/lettre32/CorAlpes.html 97

L’instrument se joue également en groupe et construit alors des accords constitués d’harmoniques. La note qui fait entendre H11 (fa#-) ne semble pas déranger les musiciens ni les auditeurs de cette tradition.

2215. Le didgeridoo Le didgeridoo est un instrument à vent utilisé initialement par les aborigènes du nord de l'Australie. Son usage est très ancien ; l’ethnomusicologue Alice Moyle estime qu’il a plus de 2000 ans, d’après des représentations dessinées sur des pierres anciennes. Le Didgeridoo, qu'on peut également écrire didjeridoo ou didjeridu , est un mot d'origine onomatopéique, inventé par les Occidentaux. Les aborigènes nomment cet instrument différemment en fonction de son origine. Lloyd C.L. Hollenberg explique, dans son article The acoustic of the didjeridu 136 , que l’instrumentiste fait partie intégrante de l’instrument, dans le sens où il y fait intervenir sa propre voix en interaction avec le bourdon de l’instrument ; avec des chants, des cris d’animaux, et d’autres effets respiratoires. Le didgeridoo est fabriqué à partir d'une branche d'arbre, de l'eucalyptus traditionnellement, creusée naturellement dans toute sa longueur par des termites. Aujourd'hui, les didgeridoos sont souvent faits en bambou, mais peuvent être façonnés à partir de branches de la plupart des essences d'arbres, creusées à la main ou à la machine, obtenant ainsi un long tube qui laisse passer l'air d'un bout à l'autre de l'instrument. Le didgeridoo mesure normalement entre un mètre et un mètre cinquante, mais on peut en trouver également de plus de deux mètres cinquante de long. Traditionnellement, il décoré par des peintures représentant des scènes de la mythologie aborigène, ou des motifs claniques

L ’embouchure est souvent recouverte de cire d'abeille pour mieux s'adapter à la forme de la bouche. Pour jouer du didgeridoo , le musicien fait vibrer ses lèvres comme pour un cor ou une trompette. Une des particularités du didgeridoo , réside dans le fait que la plupart des joueurs utilisent la technique dite du « souffle continu », ou « respiration circulaire ». Celle-ci permet de maintenir constamment un souffle d'air et de pouvoir

136 Lloyd C.L. Hollenberg, “The acoustic of the didjeridu” in The didgeridoo Phenomenon , David Lindner, Traumzeit-Verlag, 2004.

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jouer de l’instrument sans s'arrêter pour l'inspiration. La variation du volume d'air dans les joues ainsi que les contractions du diaphragme permettent des accentuations rythmiques. Les harmoniques du didgeridoo peuvent se faire entendre de deux manières différentes : par amplification, à partir de mouvements des lèvres et surtout de la langue (ce qui se traduit par un balayage des harmoniques du bourdon lui-même), et par la technique de l’« overtone » qui permet de faire résonner les harmoniques supérieures de la fréquence fondamentale, en faisant vibrer les lèvres plus rapidement. Ce sont deux techniques qui mettent en valeur la série des harmoniques de façon bien distincte, l’une se situe dans le timbre même du bourdon, et l’autre double la fréquence de ce bourdon pour en faire résonner les harmoniques supérieures (extraits de musiques du didgeridoo proposé sur le CD, piste : 14). Les recherches sur l’acoustique du didgeridoo sont très délicates, en raison des différents diamètres, tailles et formes naturelles ; les premières ont été menées pas Neville Fletcher et Graham Wiggins en 1995. Elles nécessitent l’utilisation d’outils informatiques et, jusqu’à nos jours, les informations se précisent et s’accélèrent grâce aux machines de plus en plus performantes. Mais comme le précise Lloyd C.L. Hollenberg, cela ne nous permettra d’observer qu’une partie réduite du phénomène, complète au sens matériel, mais insuffisante pour approcher la nouvelle vague culturelle et les appréciations traditionnelles.

Les overtones du didgeridoo 137 Didgeridoo   Volume faible O fort Hauteur grave O O O aigu Timbre feutré O perçant Durée court O long Spatialisation proche O lointain

137 Figure issue de l’article de Lloyd C.L. Hollenberg, “The acoustic of the didjeridu” in The didgeridoo

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Fig.1 : tube cylindrique

g.2 : tube en bouleau Harmoniques du didgeridoo 138

Il existe aujourd'hui des didgeridoos creusés manuellement, à partir de deux pièces de bois collées par la suite, ou en matière synthétique, en PVC notamment. La figure ci-dessus nous indique que les didgeridoo en bois ont des harmoniques complexes (partiels), alors que les tubes industriels, (comme pour les bols chantants) présentent des rapports plus simples.

Le didgeridoo est un instrument qui a été largement répandu en Occident au cours des années 1990 ; il a déclenché une vague d’intérêt aussi bien auprès des musiciens que des mélomanes. Il a séduit notamment par son aspect « tribal» 139 , relativement simple d’accès et par la fascinante technique du souffle continu. Cette technique, lorsqu’elle est effectuée durablement, peut plonger le joueur dans un état particulier qui diffère selon les joueurs et les morceaux. L’état de transe est souvent évoqué par les musiciens car il faut rappeler que l’instrument est essentiellement rythmique et souvent accompagné par des claves qui frappent régulièrement la pulsation ; celle-ci est parfois amenée à s’accélérer progressivement jusqu’à la fin du morceau (extraits de musique du didgeridoo proposé sur le CD, piste : 15). De plus, le joueur est constamment en contact avec la vibration forte de l’instrument qu’il tient entre ses mains, contre sa bouche et le plus souvent posé au sol ;

Phenomenon op. cit. Cette figure représente les oscillations des notes fondamentales ainsi que des 4 premiers overtones , le digeridoo utilisé est un simple tube cylindrique, l’embouchure étant située sur la gauche ; à droite, les points plus ou moins serrés, représentent les zones de pression. 138 Figure issue de l’article de Lloyd C.L. Hollenberg, “The acoustic of the didjeridu” in The didgeridoo Phenomenon op. cit. 139 Terme très utilisé dans le milieu d’une génération d’Occidentaux qui, au vu des conditions de la société actuelle, appelle à un retour aux sources naturelles, dans la musique mais aussi à travers une certaine idée de l’écologie et d’une vie communautaire. 100

la conduction des vibrations se fait alors continuellement dans de nombreuses parties du corps. Je n’ai pu trouver d’ouvrage qui présente le phénomène acoustique à travers ses applications traditionnelles en Australie ou bien à travers ses effets en Occident. Les informations que j’ai pu recueillir auprès d’associations 140 et de joueurs de didgeridoo , tant aborigènes 141 qu’occidentaux, indiquent que l’instrument était utilisé traditionnellement pour soigner certaines maladies, et pour purifier le corps, mais aussi les habitations et voire les villages. On parlerait de « digeridoothérapie ». L’instrument est originellement issu d’un contexte très naturel, intégré dans des rituels, au cours desquels les aborigènes forment des cercles en chantant des paroles sacrées, sur des rythmes parfois très complexes.

222. Les flûtes harmoniques Si le terme « d’instrument harmonique » est encore employé avec hésitation, on parle plus facilement de « flûtes harmoniques 142 » pour présenter un type de flûte très minimaliste, qui ne fait varier que les harmoniques de la fréquence fondamentale par paliers de souffle, selon un tuyau ouvert ou fermé. Elles possèdent généralement peu de trous de jeu ou de variation ; une flûte strictement harmonique n’en possède pas du tout. J’ai reproduit l’une d’elles qui se présente sous la forme d’un simple tube d’aluminium. Alors que je m’entraînais par ailleurs à la technique de souffle de la flûte oblique iranienne ney , j’ai eu l’idée de m’exercer avec ce tube d’aluminium. Le tube, dont l’embouchure n’est que très peu évasée, permet de faire ressortir le son des harmoniques très clairement. La technique de souffle est très précise et permet de sélectionner : H3, H4, H5, H6, H7, H8 (difficilement plus 143 ). Le diamètre du tube et sa longueur sont les principaux facteurs qui déterminent la fréquence fondamentale de l’instrument. En bouchant l’extrémité du tube avec le doigt (pour peu que la taille et le diamètre de l’instrument le permettent) on obtient la résonance du tube mais à la quinte naturelle, avec évidemment toute la série d’harmoniques qui en découle. En alternant avec cette extrémité ouverte ou bouchée, et après avoir maîtrisé la technique du souffle

140 Comme l’association Aix Elan, Art aborigène d’Australie ( www.aix-elan.org ), l’association Vent du Rêve , à Paris ( http://ventdureve.blogspot.com ). 141 J’ai rencontré lors du festival « le Rêve de l’Aborigène » en 2005, plusieurs joueurs aborigènes, dont Lewis Burn, qui réside actuellement aux USA, ( http://www.lewisburns.com ). 142 Le terme est employé par exemple sur le site : http://perso.wanadoo.fr/jp.minchin/vents.html (consulté en Octobre 2005). 143 H1 et H2 sont vraisemblablement difficiles voire impossibles à faire résonner, car elles demandent un souffle très faible en débit d’air et pourtant très fort en pression mais surtout très régulier. 101

oblique, il est possible de recréer une gamme uniquement constituée des harmoniques de la fréquence du tube et celles de sa quinte (extrait de l’ambitus d’une flûte harmonique en aluminium proposé sur le CD, piste : 22).

Flûte harmonique   Volume faible O O fort Hauteur grave O O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O long Spatialisation proche O O O lointain

Cet instrument surprend par la richesse de son timbre (qui découle principalement de la technique du souffle) et par le nombre de notes et de mélodies qu’il est possible de jouer, malgré l’absence de trous de jeu. Dans ce sens, il rejoint la simplicité du didgeridoo ; certains d’ailleurs reprennent des airs, des rythmes et des techniques de didgeridoo à la flûte harmonique. Elle existe dans des traditions musicales diverses, à l'origine simple tuyau de roseau ou d'écorce, elle est l'instrument des bergers dans plusieurs régions du monde.

2221. La seijfloyte Dans la tradition musicale de Norvège, on joue de la flûte harmonique : la seijfloyte, un simple tube en bois possédant un conduit d’air aménagé afin de faciliter le jeu entre la fondamentale et la quinte par le fait de boucher ou de laisser ouvert l’extrémité de la flûte. Un petit trou de jeu supplémentaire n’altérant la fréquence que de quelques commas est essentiellement utilisé pour les fioritures. C’est une flûte dont le registre est plutôt aigu (extrait de musique de Seijfloyte proposé sur le CD, piste: 08).

Seijfloyte   Volume faible O O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O long Spatialisation proche O O lointain

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2222. La Fujara La Fujara est une autre flûte harmonique que l’on trouve dans les Balkans, et plus précisément en Slovaquie. Elle se présente en deux parties : le corps, une pièce de bois généralement de plus d’un mètre qui contient quatre trous de jeu et l’aménagement du conduit d’air ainsi que l’embouchure qui y est reliée permettant à l’instrumentiste de pouvoir se rapprocher des trous de jeu malgré la grande taille de l’instrument. Il se tient verticalement, et demande une position de doigté particulière (les trous sont bouchés avec les phalanges et non avec la pulpe des doigts) pour pouvoir accéder aux trous de jeu. On peut considérer cette flûte comme harmonique, malgré ses 4 trous de jeu, car le principe reste le même ; il est question de varier l’intensité du souffle pour faire varier les harmoniques. L’instrument est suffisamment complet pour être joué avec un seul doigté. Cela dit, si l’on tolère, dans le cas de la Seijfloyte, le fait de boucher l’extrémité de la flûte pour varier les harmoniques de la quinte, on peut très bien calculer les intervalles naturels, comme la quinte ou la tierce majeure, en perçant des trous de jeu, afin de pouvoir les jouer avec leur harmoniques respectives.

Fujara   Volume faible O O fort Hauteur grave O O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O lointain

Cette flûte connaît en Occident, notamment en Angleterre et en Allemagne, un intérêt particulier qui semble suivre la mode du didgeridoo . Elle est parfois jouée selon une façon plus occidentale et accompagnée par divers instruments, comme la guimbarde, le chant diphonique, certaines percussions mais aussi des instruments tempérés comme la guitare : extrait de musique de Fujara et guitare acoustique proposé sur le CD, piste : 16 .

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En Amérique latine, j’ai pu identifier d’autres types de flûtes harmoniques, notamment la flûte yapurutu du sud de la Colombie, suivant le même principe que la fujara Slovaque (extrait de musique de yapurutu proposé sur le CD, piste : 07).

2223. Le Shakuhachi La flûte Shakuhachi du Japon, n’est pas à proprement parler une flûte harmonique, car, comme la fujara , elle possède des trous de jeu. Cependant son embouchure exceptionnelle lui donne un son très riche en harmoniques. C’est une flûte droite en bambou et à encoche comme la quena du Pérou, à la différence que son encoche est tournée non pas vers l’intérieur mais vers l’extérieur. Son timbre est donc très caractéristique, très profond. Importé de Chine, (ancêtre : dong xiao ) elle n’était jouée que par certains moines Zen au cours de méditations du souffle ( suizen) . Cette pratique (qui n’était pas réellement considérée par les moines comme de la musique) se faisait dans les temples, mais aussi en rapport très intime avec la nature (en forêt, en montagne, près d’un ruisseau, d’une cascade etc.).

Les sons et les mélodies du Honkyoku (premier répertoire de pièces traditionnelles pour shakuhachi ) font référence aux bruits de la nature (feuilles dans le vent, cheminement de l’eau, oiseaux, et divers animaux) et visent un épanouissement personnel à travers leurs interprétations. Après la chute du Shogun 144 (1868), ce sont les anciens Samurais qui se mettront a jouer du shakuhachi, se faisant passer pour des « komuso » (moines sans identité, mendiants cachés derrière un large casque d’osier). Ce n’est que durant le XIXè siècle que l’instrument sera intégré parmi les instruments de la musique de cour. Il existe aujourd’hui des shakuhachi en bambou, en bois et en plastique de tailles différentes (la traditionnelle mesure 55cm). C’est un instrument plutôt rare et très cher. La pratique du shakuhachi est très ardue ; elle exige une grande précision ne serait-ce que pour émettre le son principal.

144 Général militaire japonais qui dirigeait les samouraïs ; la chute du Shogun marque le retour de l’empereur au pouvoir (la restauration Meiji). 104

J’ai pu me procurer une flûte ancienne 145 chez un luthier de Kyoto, et j’ai alors découvert après de nombreuses heures de jeu, que si l’on prête attention simplement au timbre de la flûte, avec une seule et même note, on peut percevoir des harmoniques aux rapports simples. C’est lorsqu’on tente de concentrer précisément le souffle sur l’encoche, sans mettre en vibration la fondamentale elle même, que l’on peut entendre des variations d’harmoniques déclenchées de manière involontaire. Par cette technique extrêmement précise au niveau du positionnement du souffle et du débit d’air, qui doit être très lent et pourtant relativement fort en pression, les harmoniques chantent d’elles- mêmes, il est théoriquement possible de les contrôler afin de jouer volontairement une mélodie mais la précision requise est telle que cela semble vraiment irréalisable. La musique semble alors aléatoire et rejoint ainsi le type de jeu du bol chantant ou du bol taoïste. Elle invite l’instrumentiste à se concentrer sur son interaction avec les harmoniques et sur sa respiration (extrait de musique des harmoniques du shakuhachi proposé sur le CD, piste : 26). Le tableau suivant est dressé uniquement pour le jeu harmonique du shakuhachi :

Shakuhachi   Volume faible O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O perçant Durée court O long Spatialisation proche O lointain

23. MEMBRANOPHONES

Un tambour harmonique ? Je ne pense pas qu’il existe un tambour par lequel il serait possible de faire résonner les harmoniques de la vibration fondamentale d’une même peau. Le seul tambour qui ferait entendre distinctement au moins deux harmoniques à partir du son fondamental (fréquence de la peau), serait, je pense, le tabla indien. Cette percussion digitale dont la richesse sonore et la tradition musicale sont remarquables, offre un nombre de frappes élevé et des variations de timbres très variées. La fréquence de la peau elle-même, lorsqu’elle est bien accordée, résonne sur la frappe dite « tun » qui est

145 Les flûtes de moines sont très rares, même au Japon on ne trouve presque que des shakuhachi modernes.

105

déclenchée par l’index au centre de la membrane, sur la pastille noire. Or, lorsqu’on frappe fortement et très précisément avec le même index sur le bord de la membrane, presque sur la partie qui recouvre le bois de la caisse, on obtient le son « na » qui résonne une sixte majeure au dessus du « tun ». En termes d’intervalle harmonique, il pourrait s’agir de : tun = H8 et na = H13. Ces notes sont amenées à résonner bien plus que les autres frappes, et que la plupart des autres percussions qui ne font entendre que des sons inharmoniques. Les tablas sont considérés comme des instruments sacrés dans la musique classique d’Inde du Nord. Ils se marient très bien en Occident avec les instruments harmoniques ; ils sont utilisés fréquemment, par exemple, pour accompagner des morceaux au didgeridoo , à la guimbarde, au chant diphonique (etc.).

24. CORDOPHONES 241. L’arc en bouche Cet instrument ne présente qu’une seule corde tendue sur un arc de bois, frappée avec une baguette. Les harmoniques sont amplifiées et sélectionnées un peu comme avec la guimbarde, grâce à la cavité buccale de l’instrumentiste, dont la bouche ouverte est placée à proximité de la corde. L’arc en bouche est considéré en ethnomusicologie comme étant le premier instrument à corde : il serait dérivé de l’instrument de chasse. Il existe des techniques de frappe avec la baguette qui font également varier les harmoniques : percussions plus ou moins fortes et effectuées à différents endroit sur la corde, plus on s’éloigne du centre de la corde, plus on sollicite les harmoniques aiguës. Le jeu de la baguette tiens un rôle essentiellement rythmique. Comme pour la guimbarde, l’instrumentiste travaille avec précision les multiples mouvements de sa cavité buccale : ouverture des lèvres, de la mâchoire, position de la langue, utilisation volontaire des résonateurs de la gorge, du nez etc. Il est possible de chanter tout en jouant, ou bien encore de frotter la corde avec un archet mais c’est en frappant la corde et en se concentrant sur les minutieuses techniques de résonance buccale que l’on discerne mieux le phénomène de cette musique des harmoniques. L’arc en bouche est notamment joué traditionnellement en Centrafrique, comme dans l’extrait proposé sur le CD, piste : 03.

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Arc en bouche   Volume Faible O fort Hauteur Grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O lointain

Lors de mes entretiens avec le musicothérapeute Jonathan Cope 146 , j’ai pu découvrir une nouvelle facture d’arcs en bouche fabriqués par des luthiers occidentaux. Il semblerait que ces instruments suivent le même chemin que les didgeridoo, les guimbardes et les bols tibétains. Leur effets sont manifestement très similaires.

242. Le monocorde Le monocorde, comme nous l’avons déjà vu, est un instrument dont l’unique corde a permit l’étude des harmoniques. Selon Luc Breton, le monocorde était utilisé depuis l’antiquité « comme support à la spéculation philosophique, Pythagore lui- même, dit-on, aurait recommandé à ses disciples, sur son lit de mort: ‘‘travaillez le monocorde !’’ ». Or, si son utilisation a eu une approche très mathématique dans l’antiquité grecque, elle fut très religieuse par la suite. L’instrument était également utilisé dans la chrétienté par Boèce et St Augustin, et à leur suite, par tous les moines médiévaux, sous forme de monocorde régulateur du chant.

Monocorde   Volume faible O fort Hauteur grave O O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O O lointain

Dans une série de planches pédagogiques, Robert Fludd 147 propose diverses représentations de monocordes ; ces planches nous montrent combien l’instrument a laissé cours à de nombreuses pensées cosmiques liées au divin. Il est représenté comme

146 Jonathan Cope est un musicothérapeute d’origine anglaise et spécialisé dans les sons harmoniques et les instruments qui les produisent. ( www.soundforhealth.com ). 147 Cité dans l’article de Luc Breton « Les instruments à cordes dans l’Occident chrétien » in Amour et sympathie , op. cit. 107

un lien entre « Ciel et Terre »148 , (voir annexe 14 p. 182) associé selon plusieurs symboles : l’élément Terre figure, sous le chevalet, puis l’Eau, l’Air et le Feu, viennent ensuite les planètes parmi lesquels le soleil prend la place du centre de la corde (H2) et enfin le Ciel Empyrée, marqué par une rangée d’étoiles, qui illustre, comme le précise Luc Breton, trois divisions attribuées aux neuf hiérarchies angéliques (Séraphins, Chérubins, Trônes, Dominations, Principautés, Puissances, Vertus, Archanges et Anges).

243. Le Dàn Bàu, Cet instrument d’origine vietnamienne est une sorte de cithare monocorde se jouant sur le bout des doigts. L’unique corde est attachée à une caisse de résonance en bois laqué d’une part et à un petit résonateur fixé sur une baguette flexible. L’instrumentiste tient la baguette d’une main et contrôle ainsi la fréquence de la corde par des mouvements de va-et-vient. L’autre main va percuter la corde avec un petit plectre, tout en effleurant cette même corde avec la pulpe des doigts sur des endroits précis de la corde. Ces endroits correspondent aux rapports de longueurs qui font ressortir les harmoniques. L’effet est remarquable et bien connu des guitaristes, lorsque l’on effleure du doigt une corde en son centre géométrique, ou à un autre endroit qui divise la corde en segments équidistants, on étouffe la fondamentale tout en faisant ressortir l’harmonique voulue. Grâce aux variations de la main qui tient la baguette, l’instrument est tout a fait capable de s’adapter aux tempéraments divers, il demande une grande maîtrise de jeu. Un extrait de musique dàn bàu est proposé sur le CD, piste : 13.

dàn bàu   Volume faible O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O long Spatialisation proche O lointain

148 Notion employée par Luc Breton ; le « Ciel et la Terre » doivent être entendus ici comme étant des principes naturels sacrés, tels qu’on peut les trouver dans la culture traditionnelle chinoise.

108

Le dàn bàu a été aménagé par un système électro-acoustique, ce qui permet de percevoir encore plus distinctement les harmoniques. Il n’est pas encore très connu en Occident mais pourrait bien être l’un des prochains centres d’intérêt des passionnés d’harmoniques et autres musicothérapeutes.

25. Les instruments à cordes sympathiques Certaines cultures ont cultivé dans leur musique cette sensibilité des harmoniques à travers les cordes sympathiques. L’Inde principalement, qui ne connaît pratiquement pas d’instrument à corde sans cordes sympathiques, mais aussi la Scandinavie et l’Occident dans son passé, qui a conçu un nombre important d’instruments de ce type dès le Moyen-Age. D’où viennent ces instruments et quels sont les chemins qu’ils ont pris pour se répandre ainsi ? Pour les chercheurs, la question reste posée. D’après François Auboux 149 , cette famille très spéciale d’instruments à cordes serait d’origine afghane. Le principe est très simple, car si le nombre total de cordes peut paraître impressionnant (plus de 30 cordes pour le sarangi par exemple) on ne joue véritablement que sur très peu d’entre elles, ce qui rend ces instruments beaucoup plus accessibles qu’il n’y paraît. Le sitar et le sarod qui sont des luths, ne possèdent que trois cordes de jeu mélodique, les autres, sont rythmiques ou sympathiques. Ces cordes sont toujours métalliques, afin d'augmenter la durée de résonance. Elles passent sur un chevalet, mais à une hauteur différente, sous les autres cordes, afin qu'elles ne soient pas touchées par mégarde. Pour obtenir la résonance souhaitée, il faut prendre le temps de bien accorder toutes les cordes sympathiques afin de s’adapter à tout type de jeu induit par les cordes mélodiques. Certaines notes jouées trouveront alors un écho, une réponse, soit par une corde sympathique accordée sur cette même fréquence soit par une autre corde plus grave, mais dont une des harmoniques correspond à cette fréquence. L’effet se révèle très particulier pour l’instrumentiste qui, en quelque sorte, peut entendre son propre instrument répondre à la musique qu’il joue. Le phénomène ne peut se ressentir que lorsque l’on est proche de l’instrument. En écoutant la musique d’un sarangi jouée intimement dans une pièce, un proche m’a confié : « il semblerait que le son vienne de loin, même lorsqu’on est juste à côté ». Envoûtement, charme, c’est

149 François Auboux, l’art du Raga , minerve, 2003. 109

d’après ce sentiment qu’en Occident, on baptisa la vièle à cordes sympathiques, « viole d’amour ». Je ferai une brève présentation des principaux instruments à cordes sympathiques d’Occident, d’Inde et de Scandinavie.

251. La trompette marine La trompette marine, malgré son appellation qui soulève encore bien des questions, n’est pas une trompette à bouche et n’a rien à voir avec la mer. C’est bien d’un instrument à corde qu’il s’agit, et même à corde frottée. Une seule corde frottée, et d’autres, cachées sous la table d’harmonie, résonnant par sympathie. L’instrument est aujourd’hui très rare (je n’ai encore personnellement jamais pu en entendre). « Nous avons donné ce nom à un instrument à vent : on joue de celui-ci avec l’archet, il n’a qu’une grosse corde que le joueur presse à propos du poulce de la main gauche, dans différents endroits sur le manche pour lui donner différents tons, qui ressemblent parfaitement à ceux de la trompette, ce qui lu fait donner le nom de trompette marine, c’est qu’on s’en sert sur la mer sans se fatiguer .» 150 C’est donc par les notes jouées sur l’instrument qui reproduisent vraisemblablement les « sons de la trompette » et donc les harmoniques naturelles, que l’on sait que la trompette marine est jouée comme pour le monocorde, selon des mélodies aux intervalles harmoniques. Cela justifie d’autant plus la présence des cordes sympathiques qui se mettent à vibrer par contagion uniquement sur le mode harmonique. Randle Holme III 151 mentionne les cordes sympathiques en faisant référence à la trompette marine de M.Prin : « Dans le corps il y a 4 cordes, qui sont accordées à la même hauteur que la grosse corde, les cordes donnent de l’écho à la grosse corde quand on en joue, ce qui suscite l’admiratio n» 152 . M.Prin qui a consacré sa vie à l’instrument, va jusqu’à augmenter leur nombre jusqu’à 25 cordes de laiton.

150 Texte cité par C. Besnainou et M. Castellengo dans l’article « De la résonance, une étude acoustique du phénomène sympathique » in Amour et sympathie , op. cit. Filippo Bonanni parle de la trompette marine dans son Gabinetto armonico, Rome, 1723 LXIV, Trompette Marine. 151 Randle Holme III (1627-1699) : historien, généalogiste, peintre, franc-maçon, maire de Chester, et contemporain de M.Prin. 152 Texte cité par C. Besnainou et M. Castellengo dans l’article « De la résonance, une étude acoustique du phénomène sympathique » in Amour et sympathie , op. cit. 110

Trompette marine   (Estimations) Volume faible O O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O long Spatialisation proche O lointain

Vers 1760, le musicographe français Dom Caffiaux définit la trompette marine comme « un instrument dont le son aigre est insupportable ». Un siècle plus tard, Charles Dickens évoque dans son Olivier Twist la voix de l’horrible Bates « qui tenait du mugissement d’un taureau furieux et des accents d’une trompette marine »153 . Mais, vu les propriétés de l’instrument, on peut présager, si toutefois l’intérêt pour les harmoniques se confirme et persiste en Occident, que des luthiers se lancent dans quelque reproduction de trompettes marines et qu’on se remette à en jouer ; d’ailleurs on pourrait presque comparer sa taille, sa forme et sa position de jeu à celles du didgeridoo (voir annexe 15 p.24).

252. Le baryton Appelé aussi viola di Bardone ou Bardone , le baryton est un instrument à cordes du XVIII siècle (voir annexe 16 p.185). Il a plus ou moins la taille d'un violoncelle et son accord est : La, Ré, Fa, La’, Ré’, Fa’. Soit les notes d’un accord parfaitement adapté à la recherche de la résonance. En plus des six cordes de jeu, se trouvent, à l'arrière du manche creux, sept à neuf cordes sympathiques. L'accord de ces cordes est en principe diatonique. La douceur du son le faisait apprécier en période pré-classique. Joseph Haydn composa pour son maître le prince Nicolas Esterhazy, qui jouait lui-même avec passion du baryton, plus de 170 oeuvres (solos, trios et divertissements). Après 1800, l'instrument est presque tombé dans l'oubli. Baryton   Volume faible O fort Hauteur grave O O O O aigu Timbre feutré O O O O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O O lointain

153 Informations recueillies dans l’article de C. Besnainou et M. Castellengo « De la résonance, une étude acoustique du phénomène sympathique » in Amour et sympathie , op. cit.

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253. Le violon d’amour Le violon d'amour est un violon muni de quatre cordes sympathiques en laiton passant sous les cordes en boyau et la touche (voir annexe 16 p.185). C’est une version simplifiée de la viole d’amour, difficile à jouer avec ses sept cordes.

254. Le sarangi Le sarangi est considéré comme l'instrument à cordes frottées le plus important de la tradition classique hindoustani de l'Inde. Il comporte un large manche sans frète et habituellement trois cordes en boyaux, plus une en métal (l’équivalent de la chanterelle du violon) jouées principalement avec les ongles, et non avec le bouts des doigts. L'instrument comporte un grand nombre de cordes sympathiques en métal, couramment onze, parfois plus de trente. Il est employé, traditionnellement, surtout comme accompagnement du chant, mais depuis les exploits du virtuose Ram Narayan, il est considéré comme un véritable instrument soliste.

Cordes frottées d’Inde   Volume faible O O Fort Hauteur grave O O Aigu Timbre feutré O O Perçant Durée court O O O long Spatialisation proche O O lointain

Les instruments à cordes frottées dans cette région du monde sont innombrables et présentent presque tous des cordes sympathiques. On trouve par exemple en Afghanistan un instrument similaire appelé rabab . Au Rajasthan, la vièle populaire et cousine du sarangi s’appelle le kamayatcha . J’ai également découvert dans une région rurale de l’Inde aux alentours de Gwalior, un instrument similaire qui accompagne les chants populaires ; il s’agit de la ravanahatta , vièle à une corde en crin et 14 cordes sympathiques, dont une corde basse et une corde rythmique. En l’expérimentant, j’ai accordé chaque corde selon la gamme naturelle qui correspond aux harmoniques de H8 à H16 pour en écouter la résonance. Puis j’ai décidé de ne plus jouer sur la corde de jeu selon les intervalles imprécis pincés par la main gauche, pour ne jouer finalement qu’avec la corde frottée à vide et le timbre produit. Les variations de résonances des harmoniques se font selon la force, la vitesse de l’archet et sa position sur la corde, plus ou moins éloignée du chevalet. J’ai tenté par la suite de frotter directement les cordes 112

sympathiques pour les entendre résonner entre elles, dans une sorte de musique d’harmoniques instinctive et aléatoire ; j’en propose un aperçu sur le CD, piste : 25. 154

Photo d’un rabab afghan 155 255. La hardingfele C’est dans la région du Hardanger , en Norvège, que se pratique l’instrument populaire hardingfele (violon du Hardanger ). Il s’agit d’un violon, généralement richement décoré, possédant des cordes sympathiques (voir annexe 16 p.186). Selon Reidar Sevag 156 , on l’utiliserait surtout pour des musiques de danse dont le style se base sur un principe de bourdon enrichi, où l’archet fait parfois sonner les quatre cordes à vide, afin d’obtenir le bourdon tantôt au-dessus, tantôt en-dessous de la mélodie. L’accordage se fait, pour une grande majorité des morceaux, en « la - ré’ - la’- mi’’ » qui, à lui seul, s’emploierait dans 80% des transcriptions. Il vise alors à accorder au moins trois, sinon ses quatre cordes à vide au même accord parfait. Dans ce contexte, l’apport des cordes sympathiques, augmente la puissance du son et donne au timbre un certain brillant. Or l’instrument se joue également selon des occasions bien précises, c’est pourquoi l’instrumentiste adapte l’accordage des cordes à vide (et par conséquent, celui des cordes sympathiques) selon les morceaux qu’il doit interpréter. De plus, contrairement à celui du violon, le jeu de la hardingfele autorise, avec son manche plat, le frotté des cordes simultanées, ce qui peut donner l’impression que le joueur n’est pas seul (extrait de musique de hardingfele proposé sur le CD, piste : 12).

La hardingfele   Volume Faible O O Fort Hauteur Grave O O O Aigu Timbre Feutré O O O Perçant Durée Court O O long Spatialisation Proche O O O lointain

154 l’extrait fait entendre par moment des sons très aigus de grelots ; en effet la ravanahatta qui est un instrument très rythmique au Rajasthan, possède traditionnellement une série de petits grelots fixés sur l’archet, qui marquent la pulsation du rythme selon des aller-retours dynamiques. Sur cet extrait (qui s’éloigne nettement du jeu traditionnel), les grelots ont été laissés libres de sonner selon un rythme instinctif et non-mesuré. 155 Photo recueillie sur le site : http://www.asza.com/afganreb.shtml 156 Article de R. Sevag « La Hardingfele » in Amour et sympathie , op. cit. p.273.

113

Les différents accordages portent des noms bien particuliers qui relèvent parfois du surnaturel : par exemple le troll-stille (accord du charme magique), ou bien le huldre-stille (accord de la nymphe). Si la hardingfele procure les effets de charme habituels des instruments à cordes sympathiques elle présente aussi un aspect mythologique qui lui est propre, comme nous l’indique Reidar Sevag :

« Plusieurs airs portent un nom faisant allusion à la mythologie, la magie, la religion, ou encore à des événements singuliers. (…) Dans la Saga de Bose qui remonte au XIVè siècle, on y fait mention en attestant son pouvoir magique. Les aspects historiques et folkloriques de cette famille d’airs sont traités par Levy (1974) qui, d’ailleurs, en établit par la suite, une importante analyse structurelle (1989). »

Il existe en Scandinavie d’autres instruments à cordes sympathiques étant encore joués de nos jours, comme la nyckelharpa , une sorte de violon suédois à clavier. (voir annexe 16 p.186).

3. Les instruments harmoniques modernes

31. Instruments d’eau et de cristal

311. Les bols en cristal Le bol en cristal de quartz est un dérivé des bols en métaux, mais d’une taille plus importante (entre 40 et 70 cm de diamètre) ; il est également issu du principe des instruments à verre frotté, comme le glass harmonica . Le bol en cristal, que l’on peut frotter, mais aussi frapper avec une mailloche en silicone, dégage nettement des harmoniques, en plus d’une fréquence fondamentale. On perçoit aisément la tierce (H5) qui flotte comme une illusion sonore. Un bol en cristal de quartz fait entendre des harmoniques différentes selon la vitesse de rotation exercée et selon son intensité de frottement. Bien qu’il n’offre que très peu de liberté de variation au sens musical, on peut en jouer véritablement, avec un coté « rythmique », ou plutôt l’équivalent du rythme qui n’est, en réalité, que le résultat d’une altération cyclique, causée par des nuances, selon la

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pression exercé pendant le frottement. C’est un instrument qui a une puissance telle que l’on peut sentir tactilement ses vibrations en approchant les mains à quelques centimètres de la paroi du bol.

Bol en cristal   Volume faible O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O O O long Spatialisation proche O O lointain

Des musiciens comme Tillmann Rainer vont s’en servir pour recréer une véritable pièce musicale, mettant en avant leurs vertus thérapeutique. Leur but est d’apaiser les tensions et le stress accumulés dans un organisme. C’est un son qui « décape », comme le précise la musicothérapeute Oriane Robidou au cours de ses stages de sensibilisation aux instruments harmoniques. Son pouvoir est dit effectif, selon la théorie qu’à chaque être humain, correspond un potentiel de résonance qui lui est propre, et qu’en soumettant à un individu un instrument dont la vibration correspond à la fréquence de résonance de cette personne, il est possible de soigner certains maux 157 .

312. Le didgeridoo de verre et de cristal Oriane Robidou a fait construire, pour ses séances de massage sonore en musicothérapie, des didgeridoo en verre. Elle a marié ses deux instruments les plus efficaces au niveau thérapeutique (didgeridoo et bol en cristal) pour n’en faire qu’un. J’ai remarqué que le timbre avait perdu en harmoniques, le son paraît beaucoup plus plat qu’avec un didgeridoo en bois, en bambou ou même en PVC. L’équipe du crystal sanctuary à également mis au point un didgeridoo en cristal : « Tandis que le verre ordinaire contient 50% de silice, le didgeridoo de cristal est fabriqué à partir d'un cristal de haute qualité qui contient plus de 80% de silice. Ceci confère au didgeridoo de cristal un son exceptionnel doté d'harmoniques extraordinaires et clairs et une tonalité très pure. Le didgeridoo de

157 Nous verrons plus précisément, au cours du chapitre V, comment les musicothérapeutes harmoniques travaillent selon cette théorie. 115

cristal est donc avant tout un instrument thérapeutique qui aide à éliminer les tensions et le stress du corps, tout en stimulant la force vitale interne. » 158

313. Le Depuis le glass harmonica (18ème siècle) personne n’avait réellement entrepris la conception et la réalisation d’un instrument reprenant le système du verre frotté. Bernard et François Baschet ont mis au point en 1952 un instrument de ce type qu’ils nommèrent le cristal Baschet. Son clavier est composé de 54 tiges de verre accordées chromatiquement que l’on frotte avec les doigts mouillés. La vibration va alors se répandre à travers des tubes métalliques dont la longueur correspond à la fréquence de chaque note ; un système de larges cônes en plexiglas permet l’amplification du son (voir aussi annexe 18 p. 189).

314. le Waterphone Le Waterphone a été inventé et breveté par Richard Waters. Il est constitué de plusieurs tiges d’acier inoxydable et de bronze monolithique, et reprend le principe d’émission du son selon la résonance des harmoniques par friction, comme pour le Cristal Baschet . Il est tenu par un poignée centrale et frotté avec les mains et les doigts humides. Il peut également être utilisé avec un archet ou être percuté avec des maillets. Les tiges sont accordées différemment selon les modèles. Il fait partie des rares instruments qui utilisent de l’eau à l’intérieur même de leurs résonateurs, afin de déformer les tonalités suite à l’inclinaison de l’instrument. Le son qu’il produit a été comparé au chant des baleines ; Richard Waters aurait employé avec succès plusieurs pour appeler différents cétacés. Ils sont également très facile d’accès, comme pour le bol taoïste, tout le monde peut s’y essayer et créer des sonorités sans trop de difficulté. (Voir annexe 18 illustrations p. 188.)

158 Texte recueilli en Octobre 2005 sur le site : http://www.crystalsanctuary.com/Mine_fr_eng/accueil.htm

116

32. Des percussions harmoniques

321. Le hang 159 Le hang est un instrument à percussion très récent (janvier 2000) qui se joue avec les mains. Il a été développé par Félix Rohner et Sabina Schärer dans la fabrique d'instruments Panart à Berne (hang en dialecte bernois signifie "main"). Inspiré du steel-drum ou steel-pan de Trinidad et du udu pot indien, (connu aussi sou le nom de « gatham ») Le hang est le résultat de 25 années d'expériences acquises dans la construction de steelpans et de recherche en acoustique et en métallurgie de ces jeunes instruments de Trinidad. Le hang comprend neuf notes : une au centre et huit autres réparties en cercle. Les tonalités standards sont en gammes majeures, mineures, blues ou pentatoniques, mais le fabriquant précise que des systèmes d'accordage personnalisé peuvent être choisis librement à la commande. Chaque timbre est constitué de trois sons harmoniques qui peuvent être obtenus différemment en fonction de la technique de frappe. La fondamentale peut être étouffée avec le majeur de la main gauche et les harmoniques peuvent être obtenues en frappant avec le pouce de la main droite sur les côtés de la note. Lorsqu'on joue plus fort, on peut amener les autres notes à entrer en résonance par sympathie, ce qui enrichit considérablement le timbre. La note basse au centre est

accordée une quinte ou une quarte en-dessous de la note la plus grave de la gamme. Si on la joue en étouffant le métal, on obtient un son grave qui est produit par la vibration de l'air contenu dans la cavité de l'instrument (comme avec le udu ). On peut varier la note en fermant l'ouverture avec les genoux ou avec une main. (Démonstration vidéo du jeu de l’instrument en annexe, sur le CD : documents vidéos/demo_hang.avi 160 ) Hang   Volume faible O O fort Hauteur grave O O O O aigu Timbre feutré O O O O perçant Durée court O long Spatialisation proche O O lointain

159 Photo et informations recueillies en novembre 2005 sur le site de l’instrument : www.hang.ch. 160 Vidéo recueillie sur le site : http://www.hang.ch/ 117

322. Percussion harmonique Il existe certainement des instruments anciens comme nouveaux faisant résonner les harmoniques d’une fréquence propre par percussion. J’ai découverts par exemple, lors du festival « les Noces Harmoniques »161 , un instrument dérivé d’une cruche en terre cuite qui aurait été comme éventrée , enroulée sur elle-même et résonnant fortement lorsqu’on la frappe à mains nues. Les variations sur les harmoniques sont possibles en frappant sur différents endroits de la cruche (voir annexes 18 p. 188). Cet instrument à été créé pour ses sonorités harmoniques, ou plutôt pour ses sons qui résonnent mais qui ne sont probablement que des partiels.

323. Un tambour monocorde Lors du même festival, j’ai également pu découvrir un grand tambour sur cadre (environs 1.20M) sur lequel était tendue une corde surélevée par un chevalet. Cette corde était frappée par des baguettes à différents endroits, et faisait résonner ses harmoniques, amplifiées par la peau (voir annexes 18 p. 188). L’instrument se prêtait facilement à de longues séances d’écoute méditative, ainsi qu’à diverses collaborations avec d’autres instruments et voix (chants diphoniques, didgeridoo, guimbardes etc.).

33. Les harmoniques du vent

331. Les Tuyaux Harmoniques (whirlies ) Ce sont des instruments très modernes et plus sonores que réellement musicaux. Ils peuvent cependant être utilisés en concert comme instruments d’ambiance et parfois même en soliste 162 . Ils ont été découverts et répandus dans leur fonction musicale notamment par l’Australienne Sarah Hopkins qui s’y est beaucoup intéressée dans le domaine thérapeutique 163 , Comme pour le tube d’aluminium présenté plus haut, les tuyaux harmoniques (c’est ainsi que j’ai traduit le terme whirlies d’origine anglaise) sont des tuyaux de plastique, initialement des gaines, tuyaux isolant ou servant de conduit aux fils électriques ; de simples tuyaux d’aspirateurs ou de vidange de machine

161 Organisé par Jacques Dudon, « les Noces Harmoniques » rassemblent dans le hameau des Camailles, au Thoronet, les passionnés de musiques micro-tonales et harmoniques. 162 C’était le cas lors d’un concert du Festival d'Antibes-Juan-Les-Pins, le 19 Juillet 1999 dans la Pinède Gould où le percussionniste Ciro Battista utilisait l’instrument au sein d’un groupe de jazz aux côtés de Herbie Hancock. 163 Sarah Hopkins à baptisé ces tuyaux whirlies . Nous verrons comment elle utilise ces instruments dans le chapitre suivant. 118

à laver peuvent également être utilisés. Certains de ces tuyaux peuvent émettre des harmoniques. Il est effectivement possible de les faire résonner selon leur fréquence propre (ou siffler sur une de leur harmoniques), en les faisant tourner à la manière d’une rhombe ou d’un lasso. Après quelques tests, ma conclusion fut que tout dépend du diamètre, de l’épaisseur, de la souplesse, de la forme des dentelures et de la longueur du tuyau. Selon ces paramètres, le volume, la fréquence fondamentale et l’ambitus des harmoniques vont varier.

Diamètre  résonne facilement entre 4 cm et 6 cm. Longueur  fréquence ou hauteur de la note fondamentale Souplesse / Epaisseur / type de plastique / Forme des dentelures  commodité de rotation et sélection des harmoniques

L’instrument a été commercialisé il y a quelques années, pour sa fonction sonore, dans des boutiques de divertissement. A une extrémité, on lui a ajouté un petit pavillon, de sorte que l’air qui y pénètre, lors de la rotation, se mette plus facilement en vibration. Le modèle utilisé est souvent coloré et accordé en si, d’une longueur de 50 cm et d’un diamètre de 4 cm ; les dentelures sont en forme de vagues et le plastique est fin et souple. Divers tuyaux harmoniques 164

Les tuyaux harmoniques sont un bon moyen de superposer plusieurs fondamentales et d’écouter se confronter leurs harmoniques respectives. Les rapports les plus consonants entre fondamentales ne génèrent pas forcément des échelles consonantes au niveau des premières harmoniques, tant et si bien que l’intervalle de la tierce mineure descendante, ou la seconde majeure ascendante, par exemple, produisent des échelles plutôt riches musicalement. Prenons comme référence la fondamentale

164 Photo prise lors du festival « les Noces Harmoniques » en Août 2005. Avec Jérôme Desigaud, nous avons découpé plusieurs longueurs de ces tuyaux pour en faire des instruments de sons harmoniques et de danse ; de nombreux enfants (mais aussi des adultes) sont instinctivement venus s’amuser avec ces tuyaux qui semblaient beaucoup leur plaire.

119

« do », pour en distinguer les échelles issues de la superposition des harmoniques d’un degré parent :

Harmoniques Tuyau 1 Tuyau 2 Tuyau 3 Tuyau 4 Tuyau 5

H8 La Do Ré Fa Sol H7 Sol Sib Do Mib Fa H6 Mi Sol La Do Ré H5 Do Mi Fa#- La Si H4 La Do Ré Fa Sol H3 Mi Sol La Do Ré H2 La Do Ré Fa Sol Degrés –> VI I II IV V

Echelle des tuyaux 1 et 2 :

Echelle des tuyaux 2 et 3 :

Echelle des tuyaux 2 et 4 :

Echelle des tuyaux 2 et 5 :

120

Un rythme est envisageable dans la mesure où les mouvements des bras (surtout des poignets) sont naturellement irréguliers et donnent des accents notamment lorsque le tuyau doit remonter dans sa trajectoire circulaire ; on donne instinctivement une force plus importante, ce qui a tendance à créer automatiquement un rythme. Il est possible d’exagérer ce rythme pour en faire une base musicale sur laquelle vont pouvoir improviser d’autres tuyaux par exemple. La maîtrise du rythme est aussi difficile que celle de la sélection volontaire des harmoniques, c’est un travail fin et épuisant, surtout pour les harmoniques aiguës. La rotation à main nue de ces tuyaux ne peut déclencher que les harmoniques des trois premières octaves ; les intervalles plus resserrés au sein du quatrième octave (H8/H16) offrent des combinaisons plus complexes entre les tuyaux de fondamentales différentes. Pour accéder à ces harmoniques plus aiguës, j’ai eu l’idée de faire résonner les tuyaux grâce au vent lui même ; or, pour trouver un vent régulier, la solution la plus simple était encore de monter en voiture et de placer le (les) tuyau(x) face au vent, par la fenêtre. La main droite du passager tient l’extrémité qui reçoit l’air à environ 30 cm de la fenêtre, la main gauche maintient l’extrémité qui émet le son vers l’intérieur du véhicule. Le son reste le même mais semble beaucoup plus épuré du fait qu’il n’y a plus aucun rythme : l’air pénètre dans le tube très régulièrement, c’est ainsi que je me suis rendu compte de l’importance de la vélocité du son, relative aux à-coups et aux défauts des mouvements circulaires à main nue. Les harmoniques H8, H9 et H10 sont particulièrement puissantes en volume et commencent à être presque dérangeantes à l’oreille. Les harmoniques se déclenchent donc les unes après les autres selon la vitesse du véhicule ; or, sur certaines vitesses, que je qualifierais d’intermédiaires, on entend un oscillement entre deux harmoniques avec un silence étouffé.

Plus l’harmonique sollicitée est aiguë, plus la période intermédiaire est longue. Au delà d’une certaine vitesse, je n’ai pu réussir a déclencher l’harmonique H 11, peut- être à cause de l’inclinaison de « l’embouchure » qui exigerait davantage de précision ou bien à cause de la période intermédiaire qui n’atteint pas la vitesse suffisante pour déclencher cette harmonique.

121

Harmoniques Km/h H10 150 H9 130 H8 120

H7 90

H6 80 H5 70 H4 60 H3 40

H2 30

Tableau du rapport entre la vitesse et le déclenchement des harmoniques

J’ai remarqué également qu’il était possible de sélectionner les harmoniques selon l’inclinaison de l’embouchure et avec un peu d’entraînement, j’ai pu reproduire volontairement une mélodie. L’expérience est très intéressante avec des tuyaux accordés entre eux, mais il est alors plus difficile de maîtriser indépendamment l’inclinaison de deux tuyaux ; les mélodies dévoilées contre le vent et plus ou moins aléatoirement, présentent une musique qui ne peut laisser indifférent ; on se rapproche très fortement du chant naturel du vent qui est parfois amené à souffler dans les tubes de métal ou de bambou.

Tuyaux harmoniques   Volume faible O O O O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O O long Spatialisation proche O O lointain

J’ai pu constater également que le tuyau renvoie dans le véhicule un puissant souffle qui est également relatif à la vitesse de conduite ; il peut être comparé au souffle d’un sèche-cheveux. Il est possible de diriger ce souffle qui comprend en lui-même la vibration harmonique générée par le vent, en orientant le tuyau vers telle ou telle partie du corps, bien qu’au delà de H10, les harmoniques ne semblent plus vouloir se révéler.

122

332. Harpes éoliennes La harpe éolienne trouverait son origine chez Anathanasius Kircher 165 qui aurait cherché, en la construisant, à mettre en évidence les phénomènes de sympathie. Avec cet instrument tout à fait particulier, c’est le souffle du vent qui devient l’interprète. Le principe est relativement simple : il suffit de tendre une ou plusieurs cordes face au vent, de leur prévoir une caisse de résonance afin d’amplifier le son, et de laisser le vent déclencher la vibration de la corde pour l’entendre résonner. Cette vibration n’est pas déclenchée par force mais par sympathie : le rapport entre la vitesse du vent et la fréquence propre de la corde dépendent de la mise en résonance de celle-ci. Plus les cordes sont courtes, plus il faut les rapprocher pour conserver l’interaction entre elles. Quand le vent fait vibrer les cordes, selon leur diamètre, elles émettent soit la note fondamentale, soit une ou plusieurs harmoniques. C’est le vent qui crée ce son riche qui monte, s’amplifie puis redescend en changeant de tonalité. Ce chant surprend bien souvent par son côté

changeant et doux à l’oreille. Harpe éolienne de Robert Valkenburgh 166 harpe éolienne   Volume Faible O fort Hauteur Grave O O O O aigu Timbre Feutré O perçant Durée Court O long Spatialisation Proche O Lointain

Au début des années 1990, Roger Winfield met au point plusieurs harpes éoliennes au design très moderne, reprenant les systèmes de lutherie des guitares et basses électriques avec donc, cette fois-ci, des cordes en métal amplifiées par des micros. Son disque « windsong, the Sound of Aeolian Harps » fait entendre des sons sans attaque, qui sont le résultat de la résonance des cordes par différents vents (nord, sud, est, ouest). La notice du disque ne décrit pas l’accordage. On peut se demander si ce résultat est seulement l’effet du vent ou bien si les sons ont été traités et mis en

165 D’après le livre Amour et sympathie, le baryton à corde une méthode de recherche en lutherie, Pierre Jaquier, op. cit. p.116. voir annexes p.18.

123

évidence en studio selon plusieurs registres (extrait des harpes éoliennes proposé sur le

CD, plage : 19).

34. Les cithares harmoniques Cet instrument moderne, révélé par Jean Pierre Croset 167 , possède environ 20 cordes de jeu, disposées parallèlement et fixées à un cadre, de telle sorte que les cordes ne sont pratiquement tenues que par les deux chevalets ; l’absence de caisse de résonance laisse sa place aux « micros guitares ». L’amplification électrique fait davantage ressortir les harmoniques de la cithare. Les cordes sont frappées avec un plectre (ou médiator ) d’une main, tandis que l’autre main effleure les cordes, comme pour le jeu du dàn bàu , de manière à en dégager les harmoniques (extrait de cithare harmonique proposé sur le CD, plage 18 ).

Cithare harmonique   Volume faible O O fort Hauteur grave O O aigu Timbre feutré O O perçant Durée court O long Spatialisation proche O O lointain

Jonathan Cope a eu l’idée de détourner la cithare traditionnelle chinoise Gu Qin pour en faire une cithare harmonique : il suffit simplement de repousser les chevalets aux extrémités et d’accorder au mieux les 13 cordes sur la même fréquence. En jouant par des allers-retours avec le bout des doigts ou avec un plectre, on obtient un son naturellement riche et volumineux de la même note. Les harmoniques sont naturellement accentuées et l’on peut les faire varier en pinçant les cordes plus ou moins proches des chevalets. Cet instrument, qui peut sembler plutôt limité techniquement, est un excellent support pour le chant, soit à la manière d’une tampura , soit pour accompagner un instrument soliste sur une musique modale. Au niveau thérapeutique, il est très efficace dans le sens ou il est facile d’accès, tout le monde pouvant facilement ressentir le phénomène de résonance sous ses doigts.

166 Robert Valkenburgh à fabriqué plusieurs models d’harpes éoliennes et les à exposées au festival de Berck sur Mer en 2000 (photo recueillie en Octobre 2005 sur le site : www.windgallery.com/wind.htm ). 167 Harmoniques du temps, Pierre Jean Croset, Radio France, 1988.

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On pourrait trouver encore beaucoup d’autres instruments de ce genre plus où moins connus ou aboutis, car, comme nous avons pu le constater, le domaine de la résonance et des harmoniques est très vaste et laisse libre cours à de nombreuses inventions sonores et musicales. On pourrait effectivement parler aussi des instruments de Jacques Dudon 168 et de 169 qui travaillent sur la micro-tonalité et le tempérament juste ; de musiciens et luthiers comme Jérôme Desigaud, qui pratique notamment le chant diphonique, le didgeridoo, d’autres instruments à bourdon et qui a fait d’un simple guidon de vélo en métal, une flûte harmonique exceptionnelle ; des artisans comme Michelle Marcus-Deardon qui a fabriqué une multitude de flûtes harmoniques en terre cuite. Alain Daniélou a même conçu un instrument électronique avec un clavier qui permet de jouer les sons des harmoniques : le Sémantic. Mais nous tâcherons de nous limiter à l’étude des instruments acoustiques.

168 Jacques Dudon participe à la recherche micro-tonale en France avec son association l’Atelier d’Exploration Harmonique ( http://aeh.free.fr ); il a également créé le festival « les Noces Harmoniques » qui ont lieu tous les ans depuis l’an 2000. 169 Harry Partch a mis au point de nombreux instruments à « intonation juste » selon les rapports des gammes naturelles, comme le zoomoozophone et le Harmonic Canon. 125

L’orgue à feu conçu par Pierre Joulain met en résonance des tubes thermiques qui laisse parfois échapper des harmoniques

Arcs en bouche modernes

Le décaphone Surak-Nat-Buzurg, de J.Dudon (1997)

Flûte harmonique/tambour

sur un cadre en terre cuite 170

Le sémantic d’Alain Daniélou

170 Lors d’une représentation au festival des « Noces Harmoniques » de 2005, le musicien qui figure sur la photo faisait du chant diphoniques contre la membrane transparente de l’instrument. 126

V Effets des musiques harmoniques et thérapie par les sons harmoniques

Ce chapitre vise à mettre en évidence les effets des sons et de la musique sur l’organisme humain, et plus particulièrement ceux des harmoniques naturelles. J’ai pu observer des effets dus aux harmoniques selon deux niveaux : un intérêt particulier manifesté par divers publics en général, et une approche thérapeutique plus approfondie. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je propose de faire un rappel sur les bases de la musicothérapie dite « classique ». J’ai regroupé dans ce rappel plusieurs notions qui pourront être nécessaires à l’étude de l’approche « harmonique » de la musicothérapie.

Rappel sur la musicothérapie La musicothérapie vise à soigner diverses pathologies par le biais de séances d’écoute et de pratiques musicales. Des courants très divers de la musicothérapie se sont développés, chacun possédant une approche particulière, que ce soit au niveau des pathologies à traiter, du choix des musiques que des conditions d’écoute. Ils présentent, malgré tout, des points de convergence, comme la distinction entre une musicothérapie active, réceptive, individuelle ou en groupe etc. Nous nous intéresserons également aux pshychosynthèses qui combinent la musicothérapie réceptive avec d’autres pratiques, comme la relaxation.

La musicothérapie réceptive : En musicothérapie réceptive, on place un ou plusieurs auditeurs dans des conditions d’écoute neutre et confortable. Le travail du thérapeute consiste à observer et analyser les réactions psychologiques et physiologiques du (des) sujet(s). Le Dr Jacqueline Verdeau-Pailles 171 , par exemple, soumettait à l’auditeur une fiche de renseignements décrivant son identité, sa réceptivité à la musique, son environnement sonore au quotidien, sa culture musicale, ses relations et conditions familiales (etc.). Elle tirait ensuite un diagnostic en fonction du comportement de l’auditeur pendant l’écoute et en fonction de ses réponses lors d’un entretien final. Selon ce type d’études, la

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musicothérapie a pu établir des liens entre pathologies et musique ; on choisit ainsi une sélection de compositeurs et d’œuvres en fonction des traitements : Haendel redonnerait confiance en soi, Mozart serait anti-dépressif et Bach clarifierait la situation 172 (etc.).

Les études, les recherches et les pratiques que j’ai pu aborder en musicothérapie générale se limitent à l’écoute de musiques classiques occidentales ou de chansons de variétés ; certains musicothérapeutes sont plus ouverts que d’autres dans leurs choix musicaux, mais les pratiques se sont surtout développées en fonction d’une population et d’une génération particulière et avec des pathologies bien précises : autisme, névroses, psychoses, handicaps physiques, sensoriels et mentaux, toxicomanie, alcoolisme, maladies psychosomatiques (cardiaques, respiratoires, spasmophilie) ; elles s’appliquent également, comme nous l’avons vu, avec les sourds, mais aussi en soutien dans les hôpitaux, auprès des grands brûlés ou des comateux.

La musicothérapie active : La musicothérapie active met le patient en situation de créateur de sons et de musique, un état qui vise à développer une confiance en soi par l’expression. Les instruments mis a disposition sont généralement assez faciles d’accès et permettent une satisfaction sonore immédiate. Le plus souvent, ce sont des percussions comme les xylophones, les cymbales, les claves, les hochets, le tambourin, les timbales, les carillons (etc.) ; les flûtes et les instruments à corde comme la harpe ou la cithare sont parfois utilisés, mais demandent un minimum de connaissance préalable. Un coté ludique est généralement développé, notamment pendant les thérapies de groupe, à travers divers jeux musicaux. Cette forme de musicothérapie vise essentiellement à soulager l’angoisse, améliorer la communication, notamment en levant les inhibitions, et à rééduquer les handicapés moteurs, sensoriels ou linguistiques.

Les psychosynthèses : La psychosynthèse, instaurée par Luigi Pereson 173 , ajoute à la musicothérapie réceptive d’autres pratiques, comme le Rêve Eveillé Dirigé (R.E.D) de Desoille, la

171 Verdeau-Pailles Jacqueline, le bilan psycho-musical , Courlay, J.M. Fuzeau, 1981. 172 Ces exemples sont des généralités de la musicothérapie classique cités par Alexandre Koehler dans son article « le son, la voix… et la musicothérapie » consulté en Septembre 2005 sur le site : www.buddhaline.net 173 Dr L. Bence et M. Mereaux, guide pratique de musicothérapie , St-Jean-de-Braye, Dangle, 1987 p.28. 128

relaxation à induction multiple de Michel Sapir, le réflexe de relaxation de Benson, la sophrologie de Thierry Loussouarn, ou bien les différentes techniques de respiration et de méditation par le yoga, le zen (etc.). Les musicothérapies qui utilisent les harmoniques et leur résonance sur diverses parties du corps, sont très souvent liées à d’autres pratiques comme les assouplissements, les massages, le do in , le qi kong , des jeux de vocalises, mais aussi l’utilisation du pendule. Ces pratiques sont généralement attachées à un mode de pensée en relation avec des traditions anciennes ou sacrées. Ce que je retiendrai du travail des musicothérapeutes classiques c’est leur utilisation de musiques bien précises (mais parmi un choix souvent restreint 174 ) pour soigner des troubles divers, plus ou moins importants. La musique peut être un moyen d’extérioriser ces troubles. Elle s’avère effectivement utile, par exemple, lors d’une accumulation de stress qui exige parfois, par compensation, une vibration qui devra être perçue de manière claire et calme, dans un environnement intime et confortable. Une forte colère, en revanche, peut avoir besoin d’être accompagnée par une vibration forte et agressive dans un environnement large et bruyant, de manière à pouvoir extérioriser au mieux son sentiment. D’après les longues discussions que j’ai pu échanger avec le musicothérapeute psychologue Michel Bon 175 , il s’agit là d’une catharsis au sens psychothérapeutique du terme. Or, cette approche n’est que très rarement admise en musicothérapie classique. Pour ce qui nous intéresse dans cette étude et avant de revenir à la question des harmoniques proprement dites, je retiendrai donc les études qui ont répertorié différents niveaux et contextes d’écoute ; j’aborderai enfin la distinction entre la musicothérapie et la thérapie par le son . Les descriptions seront complétées d’approches personnelles se basant sur mes expériences en musicothérapie analytique transpersonnelle 176 , sous la direction de Michel Bon.

174 La musicothérapie classique semble effectivement très hermétique à certaines musiques : si certaines pratiques tolèrent quelques musiques du monde (très souvent commerciales) et quelques musiques de jazz , d’autres, dénoncent toute forme de musique rock, et ne peuvent généralement admettre qu’une musique « non-classique » puisse être efficace sur le plan thérapeutique. Des musiques d’ambiance et de synthétiseurs sont parfois accompagnées d’une douce voix qui invite l’auditeur à des exercices de respiration et de relaxation. 175 Michel Bon, Mandala Sonores , Condé-sur-Noireau, Trismegiste, 2003. 176 Terme utilisé par Michel Bon dans son travail ; j’ai passé trois séjours d’une semaine avec ce psychologue de la musique pour tenter de mieux comprendre la musicothérapie et apprendre à développer une approche psychologique de la musique et du son, j’ai notamment assisté et participé à plusieurs séances d’écoute, seul et en groupe. 129

Les niveaux d’écoute La langue française fait une distinction entre « entendre » et « écouter » ; En développant l’idée de cette distinction selon plusieurs niveaux, nous pouvons ainsi constater des effets de portées différentes. a dénombré quatre niveaux d’écoute distingués par les verbes : ouïr, entendre, écouter et comprendre qu’il illustre par la phrase : « Je vous ai ouïe malgré moi, sans que j’ai écouté à la porte, mais je n’ai pas compris ce que j’entendais »177 . Nous pouvons ajouter à cela la perception inconsciente du son qui serait observable dans l’état de sommeil profond, par exemple, et soulève ainsi la question de la perception des vibrations sonores en temps que phénomène physiologique et non psychologique. A l’opposé, nous ajouterons également une certaine capacité à plonger dans un état de réceptivité à la musique et au son, qui dépasse la condition de concentration. Marie-Louise Aucher, Philippe Barraqué, Oriane Robidou, Denis Fargeot, et bien d’autres musicothérapeutes parlent d’un conditionnement d’écoute privilégiant, à la place du mental (jugement) et de l’attention (concentration), un état « d’ouverture d’esprit et de paix intérieure ». Il s’agit alors d’ « écouter en toute conscience », c’est à dire ressentir pleinement le son en s’ouvrant psychologiquement et sensiblement afin de l’intégrer comme une nourriture.

Les contextes d’écoute Nous regrouperons dans les contextes d’écoute, les conditions par lesquelles le message sonore va être reçu par l’auditeur. Les contextes d’écoute ont une influence directe sur les effets des vibrations sonores dans la réception musicale. Le fait de pouvoir réellement apprécier une écoute va dépendre de plusieurs paramètres : • le contexte extérieur : être dans un lieu, une ambiance et une compagnie (ou sans compagnie) qui permettent d’apprécier pleinement la musique reçue (pas nécessairement calme, seul, en état de relaxation etc.)

177 Phrase issue du traité des objets musicaux de Pierre Schaeffer, et recueillie dans l’ouvrage de Jacqueline Assabgui, La Musicothérapie , Paris, Jacques Grancher,1990.

130

• Le contexte intérieur : être réceptif, dans un état où l’écoute de la musique va pouvoir compenser un certain manque, atténuer un excès, ou amplifier un sentiment agréable.

Nous devons également distinguer l’écoute selon la répétition de celle-ci par un même auditeur. En effet, la première écoute d’une pièce musicale a généralement un impact bien différent si on la compare à la deuxième, ou la dixième écoute. Remarquons également que les effets de la musique peuvent être influencés par transmission, ce qui présente encore un contexte bien particulier : lorsque nous faisons découvrir une musique à une personne, nous l’influençons plus ou moins consciemment en y attachant une partie de nous-mêmes (plus précisément une représentation de nous-même par l’auditeur). Nous lui communiquons ainsi, en plus de la musique elle même, notre propre sentiment pour cette musique. Selon cette pensée, selon les innombrables contextes, intérieurs et extérieurs, et selon le choix du morceau et sa compatibilité avec l’auditeur et sa pathologie, les effets de la musique ne peuvent être objectivement répertoriés, tous ces facteurs étant très subjectifs et nécessitant une étude au cas par cas.

De nombreux tests sonores sur les genres minéral, végétal, et animal ont démontré que certains sons et certaines musiques génèrent des effets très contrastés (voir en annexe 2 : historique des tests sonores p.166 /173). Or, la musicothérapie se distingue principalement de ces tests sonores de par son utilisation des effets de différentes musiques, non seulement sur le corps, mais aussi sur les émotions de l’auditeur. Remarquons dans ce sens que, sans qu’il soit question de vibration, une personne qui détient les codes culturels pour déchiffrer sans peine une partition et comprendre ainsi la musique qu’elle est amenée à lire, peut recevoir à travers son oreille interne et son interprétation personnelle, des émotions provoquées par cette musique muette. Des émotions peuvant être remarquables sans aucun recours au moindre son, au sens physique du terme 178 . C’est pourquoi nous ferons une distinction entre la musicothérapie (qui agit sur les émotions) et la thérapie par le son (qui agit sur le corps). Nous verrons donc, par la suite, différentes techniques thérapeutiques soniques utilisant les sons harmoniques pour soigner le corps. Notons par ailleurs que

178 Nous pouvons, pour illustrer cette idée, nous référer par exemple à une scène du film Farinelli , dans laquelle le personnage de Farinelli sanglote d’émotion en lisant, dans le silence, une partition d’Haendel. 131

ces deux approches, bien qu’agissant sur des plans différents, sont très souvent indissociables. Les musiques qui mettent en évidence la résonance des harmoniques peuvent aussi générer, comme nous avons pu le remarquer, des effets émotionnels et affectifs auprès de publics très divers, notamment en Occident, où l’on peut constater un véritable phénomène de mode.

1. Les harmoniques, un phénomène de mode

11. Effets sur un public occidental : Depuis les années 1990, les techniques vocales, les instruments et les musiques que nous avons décrit trouvent effectivement, en Occident, de nombreux adeptes, pouvant être regroupés par générations, classes sociales ou modes de vie. Bien que n’ayant pas mené de véritable enquête sociologique (avec respect d’un protocole, etc.), j’ai notamment pu distinguer une génération plutôt jeune (18 – 30 ans), une plus ancienne (50 - 70 ans), souvent issue du mouvement libertaire des années 1970, une autre catégorie, que j’appellerais « bio »179 , généralement plus aisé financièrement, et enfin une population dispersée dans la norme qui représente de simples curieux plus que de vrais passionnés. Parmi ces personnes, des artistes, luthiers, musiciens, mélomanes, professionnels indépendants ou en groupe, associations musicales et interculturelles ou autres passionnés contribuent à ce phénomène (voir illustrations annexe 19, p.190). Nous pourrions également citer les chercheurs en acoustique et en ethnomusicologie, sans qui les découvertes de ces techniques et instruments ne prendraient pas une telle ampleur, mais qui semblent contribuer involontairement à cette mode. Chez la jeune génération, ce qu’on pourrait appeler la « mode des harmoniques » semble trouver sa source à travers le didgeridoo qui (avec le jumbé ) s’est répandu très rapidement en Occident. Le didgeridoo est joué et apprécié pour la distraction, la danse, l’animation de petits rassemblements en extérieur et de préférence

179 Ces personnes vivent effectivement dans un respect de la nature, aussi bien dans l’alimentation, le logement, les vêtements, la musique etc. J’ai pu apprécier leur compagnie dans la région d’Aix-en- Provence par exemple avec Marie-Thérèse Marin du Bard, Philippe Bougon, Josiane Chartier, Oriane Robidou, ou encore l’équipe de l’Exploration de Recherche Harmonique de Jacques Dudon aux hameaux des Camailles (Thoronet). 132

en pleine nature. Avec son timbre particulier et son amplitude sonore, il crée une sorte de lien communautaire entre plusieurs individus qui, dans une époque où haute technologie et loi du marché sont omniprésentes, manifestent un retour aux valeurs simples, naturelles et écologiques, notamment par l’ouverture d’esprit et le mélange des cultures auxquelles il renvoit.

Par ailleurs, l’instrument est plus accessible financièrement et techniquement qu’un violon, par exemple ; c’est aussi pourquoi les différents festivals de didgeridoo rassemblent autant de personnes 180 . Le didgeridoo, et plusieurs autres instruments « harmoniques », séduisent à travers les thèmes de la nature et du sacré, comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’en France, notamment à travers l’association Vent du Rêve , le chant diphonique et la guimbarde se sont progressivement ajoutés à cette mode, ce qui lui fait prendre une tournure d’autant plus symbolique et contemplative.

« En 1997, des joueurs de didgeridoo se sont unis pour jouer, partager et promouvoir la culture aborigène. L’association a grandi avec les années. Parce que le chant diphonique, la guimbarde et le didgeridoo, instruments aux harmoniques naturelles, se marient spontanément, que les apprentissages sont aisément transférables de l’un à l’autre… l’association a élargi en 2002 son activité à la promotion de la guimbarde et du chant diphonique.» 181 Depuis que l’association a ajouté ces nouveaux éléments, la population du festival le rêve de l’aborigène 182 s’est transformée et a mélangé dans un esprit communautaire 183 , diverses sous-cultures et plusieurs générations, toutes sensibles à la résonance des harmoniques. Un certain commerce se développe également, le plus souvent basé sur des instruments, des stages et des disques présentés la plupart du

180 On compte en France plus d’un millier de personnes par an pour le festival « le rêve de l’aborigène » et plus de 500 personnes pour « les Noces Harmoniques ». op. cit. Notons également les festivals en Suisse : Rainbow creation , en Allemagne : Dreamtime Didgeridoo Festival ou aux USA : jammin’ tree didgeridoo festival . 181 Texte figurant sur les prospectus de l’association vent du rêve à Paris, et sur le site officiel : http://www.ventdureve.net/data/documents/flyerVDR2.pdf 182 Festival du didgeridoo , guimbarde et chant diphonique de l’association vent du rêve, op. cit. 183 On peut comparer cet esprit à celui des « rainbow », mouvement post-hippies qui rassemble dans la nature plusieurs personnes autour du respect de la nature et des autres. 133

temps comme étant authentiques et traditionnels (car c’est généralement ce qui intéresse ou séduit le plus les clients). Ainsi, par exemple, j’ai pu observer, chaque année depuis l’été 2000, la pratique commerciale de Stéphane Voisin 184 qui tient un magasin ambulant d’instruments de musiques du monde. Son activité consiste a rapporter de ses divers voyages dans le monde, des instruments traditionnels, plus ou moins rares, pour les vendre en France. Les instruments les plus accessibles sont généralement les plus prisés : guimbardes, bol chantants (du Viêt-Nam d’origine industrielle, avec très peu d’harmoniques), didgeridoo etc. Stéphane Voisin propose également des instruments à cordes sympathiques, comme la ravanahatta du Rajasthan. Les concerts proposés par ce genre de festival mettent en scène des musiciens traditionnels spécialement invités 185 , mais aussi de plus en plus d’artistes occidentaux qui se sont inspirés des techniques traditionnelles et qui génèrent alors une musique différente issue de cette fusion. Steve Kindwahl, par exemple, originaire des Etats Unis, a produit plusieurs disques et concerts qui font entendre le jeu des guimbardes traditionnelles d’Inde, du Viêt-Nam, etc. Ainsi, il joue de la guimbarde H’mong 186 avec, non pas un, mais deux exemplaires à la fois, accordés sur la même fréquence et pincés entre ses lèvres. Les deux languettes jouées parfois alternativement, créent un effet qui fait cohabiter les harmoniques de deux fondamentales résonant à l’unisson dans une sorte de réverbération naturelle (extrait proposé en annexes : CD plage 17).

12. Les thérapies ésotériques En dehors des passionnés qui se réunissent lors des festivals, le phénomène touche encore un autre public par le biais des thérapies alternatives. Certaines approches du phénomène des harmoniques et de leur résonance s’allient avec d’autres pensées plus ou moins traditionnelles ou anciennes et souvent forts en symboles, autour du sacré et de la nature. Cette approche donne naissance à diverses psychosynthèses 187 et fait ainsi naître en Occident des thérapies nouvelles.

184 La boutique « tradi-son » de Stéphane Voisin est basée en région Lyonnaise. 185 C’est le cas de la troupe mongole dont nous avons parlé (association « Archipel Nomade »), du chanteur Tserendavaa ou encore de Lewis Burn (didgeridoo). 186 Le peuple H’mong vit dans les montages du Viêt-Nam, j’ai pu rencontrer plusieurs H’mong dans la région de Sappa, au cours d’un voyage en 2002. Ils pratiquent la guimbarde en laiton notamment à des fins de séduction et récitent avec le jeu de celle-ci, des poèmes charmeurs.

134

121. Un retour à la consonance naturelle Parmi les mouvements d’intérêt esthétique de la musique, j’ai pu constater une certaine tendance visant à remettre en question le système tonal actuel (tempérament égal à 12 demi-tons) et son diapason (440 Hz). Ainsi, le travail de Philippe Bougon, issu de ses recherches acoustiques sur les modes anciens et leurs résonances, manifeste bien cette remise en question des valeurs de la musique issue du dodécaphone tempéré. En comparant les fréquences des gammes tempérées et naturelles, il met en évidence la complexité du système tempéré tout en rattachant le phénomène vibratoire naturel avec son « symbolisme divin », plus approprié selon lui en termes de guérison par les sons (voir annexe 25, p.197 : le divin et les gammes). C’est peut-être aussi dans cette même intention, dans ce souci de l’origine, qu’on peut observer un intérêt grandissant pour les musiques traditionnelles du monde, qui rassemblent des sonorités et des instruments parfois bien éloignés de l’actuelle culture musicale occidentale. Cette tendance se retrouve particulièrement dans les thérapies par le son harmonique ; elle semble constituer d’ailleurs la base de celles-ci.

122. L’harmonisation 188 En musicothérapie, mais aussi en kinésiologie , en relaxation ou encore en sophrologie, le but recherché est très souvent appelé : « harmonisation ». « L’Harmonie est la base de toute guérison. Au sens étymologique cela représente l’action de joindre ensemble, des objets, des personnes, des concepts etc. qui étaient préalablement séparés. »189 Les pratiques de thérapie par les harmoniques établissent facilement un rapport entre l’harmonisation et les harmoniques. Elles utilisent notamment la symbolique des proportions parfaites par le découpage du monocorde, issu des pythagoriciens, et les mettent en relation avec le corps humain, comme on peut le constater sur les illustrations de Robert Fludd (voir annexe 14 p. 182), ou bien sur les figures harmonieusement symétriques des travaux de Chaldni, Hans Jenny et Emoto, qui suggèrent une dimension sacrée et mystique des sons (voir

187 Comme nous l’avons vu au cours du rappel sur la musicothérapie, les psychosynthèses définissent les pratiques qui ajoute à la musicothérapie réceptive une autre pratique complémentaire, comme la relaxation, le yoga, la radiesthésie etc. 188 Les informations concernant ce paragraphe sont issus des pratiques d’harmonisation par les sons harmoniques tels que Jonathan Cope, Oriane Robidou, David Hykes, Philippe Baraqué, John Beaulieu, Jill Purce etc. 189 traduction d’une citation de John Beaulieu, music and sound in the healing art , station hill press, Element and music. New York, 1987 p.42. 135

annexe 2 p.166 / 173). Les relations avec la nature, que l’on a pu établir avec certains chants diphoniques et certains instruments harmoniques, sont généralement mises en évidence lors de la pratique thérapeutique.

L’ harmonisation traduit le fait de se remplir d’une énergie positive, ce qui serait par conséquent source de bien être. L’harmonisation agirait sur le corps et au niveau des sons harmoniques par le phénomène de résonance sympathique ; ainsi, un son est supposé correspondre à une partie du corps. J’ai pu noter quelques approches linguistiques de la résonance, comme l’expression « être sur la même longueur d’onde », qui reflète assez bien le phénomène de la sympathie acoustique adaptée aux pensées humaines, ou bien encore « je suis parfaitement d’ accord 190 avec vous » qui renvoie à la notion d’ accord parfait en musique, et dont les notes sont issues, comme on le sait, des premières harmoniques. Ce type d’expression est souvent employé par les musicothérapeutes car il permet de mettre à l’aise et en confiance certains de leur patients, avant et pendant le traitement. L’harmonisation est décrite comme un objectif que l’on ne peut atteindre que lorsque l’on est en confiance avec la pratique, le thérapeute et les éventuels autres pratiquants. C’est donc le thérapeute qui est amené à placer le patient dans un état de relaxation et de réceptivité, loin de tout jugement critique et de toute réflexion intellectuelle. Cet état est très souvent appelé le « lâcher- prise » ; il constitue une autre base à la thérapie par les sons harmoniques. Sans lâcher- prise, il ne peut donc y avoir harmonisation ; c’est pourquoi l’approche intellectuelle et scientifique doit céder le pas, selon ces thérapeutes, devant des conceptions et des pratiques plus sensibles comme le yoga et la radiesthésie. Il existe également un marché de la thérapie par les sons harmoniques, notamment au moyen de disques de chants diphoniques 191 et de bols chantants 192 . Les enregistrements s’opèrent parfois dans des lieux symboliquement très forts comme avec Iegor Reznikoff qui a commercialisé une série de disques de chants effectués dans plusieurs églises

cisterciennes, ou encore comme Gaudry Normand, sur le Gaudry Normand jouant du bol en cristal disque Cristal Energie, qui a enregistré des musiques

190 Je souligne particulièrement le terme homonyme. 136

harmoniques sur le disque à l’intérieur de la pyramide de Kheops 193 , profitant ainsi de l’énergie cosmo-tellurique du lieu qui favoriserait l’harmonisation. Plusieurs thérapeutes fondent en effets leurs pratiques sur des théories que l’on pourrait qualifier d’empiriques, ce qui n’empêche pas d’autres chercheurs, à l’approche plus scientifique comme Philippe Bougon ou Trân Quang Hai, de pouvoir pratiquer cette thérapie par les harmoniques et d’en constater les résultats.

13. Inspiration de la culture indienne Les thérapies par les sons harmoniques puisent une partie de leurs théories dans la musique classique indienne qui est basée non pas sur des harmonies, comme en Occident, mais sur des modes autour d’une note fondamentale que l’on appelle : les ragas . « Ils furent entièrement associés aux traditions religieuses, et ne furent joués qu’à des heures bien définies de la journée. Il y avait ainsi le mantram 194 chanté avant la méditation du matin, celui que l’on chantait à midi, puis au moment du coucher du soleil, et chacun de ces chants étaient composés pour obtenir des effets spécifiques aussi bien pour le chanteur que sur les auditeurs de sorte qu’au cour des âges, la tradition religieuse est devenue si puissante dans l’Inde que personne n’eût imaginé qu’il puisse être possible de chanter l’hymne du matin à midi et encore moins à l’heure du coucher du soleil . »195 Ainsi, la musique modale de l’Inde attribue aux intervalles musicaux une valeur émotionnelle et religieuse qui s’exprime différemment selon des moments précis de la journée. Avec les ragas, la tonalité importe peu, ce sont les intervalles qui sont importants. La référence tonale est choisie en fonction de la tessiture de l’instrument ou du chanteur. Cette référence est appelée « sa » et correspond à la note fondamentale à partir de laquelle vont se décliner six autres notes ( re , ga , ma , pa , da , et ni ) dont les intervalles varient selon les ragas . On peut alors tout à fait nommer les intervalles de la

191 Par exemple : Denis Fargeot, La voix tibétaine, chant harmoniques sacrés , collection reliance, 2003. 192 Par exemple : Epanouissement des Chakras, Bols chantants pour équilibrer les centres d’énergie , Blinkey Kok, Pays-Bas, 2002. 193 C’est d’ailleurs le cas de l’extrait du bol en cristal et du chant diphonique thérapeutique plage 21sur le CD. Informations et extrait sonore recueillis sur le site de crystal sanctuary : www.crystalsanctuary.com 194 Le mantram correspond à un raga chanté. 195 « La Musique » Cyril scott p.181. 137

gamme issue de la série des harmoniques avec les notes : sa re ga ma pa da ni sa qui s’adaptent à toute fréquence fondamentale (voir annexe 3 p.174). Ragas Traduction Sentiments SHRINGARA (Volupté sexuelle) Béatitude spirituelle HASYA (Bonne humeur) Humour KARUNA (compassion) Tristesse, solitude RAUDRA (courroux) Colère, fureur VIRA (héroïsme) Héroïsme, grandeur BHAYANAKA (crainte) Terreur, frayeur BIBHATSA (dégoût) Dégoût ADBHUTA (Etonnement) Joie, surprise SHANTI (paix) Paix, repos, tranquillité

Tableau des relations entre ragas et états émotionnels 196

Pour la relaxation et le conditionnement à la perception des sons, certaines musicothérapies empruntent également à l’Inde ses techniques de respiration par le yoga, mais aussi leurs syllabes sacrées, les mantras qui sont parfois utilisées à travers les symboles qu’ils véhicules dans certaines pratiques thérapeutiques.

« La syllabe AUM, qui balaye le spectre sonore depuis le A guttural jusqu’au M nasal en passant par toutes les nuances du O et du U labial, est considérée comme la racine du langage, et réputée engendrer le monde lorsqu’elle est prononcée par le principe universel. »197 Enfin, selon les conceptions traditionnelles de l’Inde, la thérapie par les sons harmoniques se pratique en fonction de l’énergie qui circule dans le corps. Nous retrouvons ici le système de perception subtile que nous avions abordé au cour du second chapitre. Selon la tradition spirituelle indienne, le prâna (qui est généralement traduit par « énergie vitale ») circule selon des canaux subtils appelés nadis , décrites comme des sortes de « veines blanches et brillantes »198 qui, comme pour le système sanguin par exemple, se répand dans tout le corps et alimente tous les organes. Les milliers de nadis du corps humain, plus ou moins importants, se croisent selon des points de dynamisation dans l’organisme. Le même phénomène serait également observé en Chine avec les méridiens d’acupuncture. La tradition indienne dégage sept

196 D’après Avalon et Sridha. 1983 / B. Auriol, la clé des son , op. cit. p.109. 197 François Auboux, l’Art du raga , minerve, 2003.

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points principaux étant sont des centres d’énergie circulaires que l’on appelle chakras (roue en sanskrit). Chaque chakra possède une position le long de la colonne vertébrale, un nom, une couleur et un domaine émotionnel (il existe aussi beaucoup d’autres relations qui varient selon les interprétations).

Le chakra coronal (violet, autorité, spiritualité) Le troisième œil (indigo, intellect, clairvoyance) Le chakra de la gorge (bleu, expression, créativité) Le chakra du cœur (vert, amour universel) Le plexus solaire (jaune, relationnel) Le chakra sacré (orange, désirs) Le chakra racine (rouge, confiance en soi)

Système des chakras

Le système des chakras reflète (entre autre) la santé émotionnelle d’une personne ; lorsqu’un patient présente, par exemple un trouble d’élocution, cela signifie, selon les conceptions présentées précédemment, que son chakra de l’expression est faible en énergie ; la pratique du chant diphonique pourrait alors combler ce manque. Le système énergétique et les chakras que décrivent les cultures d’Inde et de Chine ne sont observables que par de très rares personnes qui sont appelées « clairvoyants » et qui peuvent observer les effets des sons directement sur les patients.

2. Les thérapies par le chant harmonique

« Les chamans du Tibet, de Sibérie et d’Amérique du Nord font résonner les harmoniques de la zone frontale, ce qui leur permet en effet de soigner avec la voix.C’est un chant magique, un secret des anciens chamans mongols, un yoga sonore

198 Description d’après Barbara Ann Brennan, le pouvoir bénéfique des mains , op. cit. 139

pratiqué par des moines tibétains pour atteindre l’illumination, un chant à pouvoirs, une vibration qui pénètre jusqu’aux cellules. C’est le fameux chant qui guérit. »199

Dans le cadre des thérapies par les harmoniques, les chakras sont mis en relation avec des fréquences vibratoires qui, lorsqu’ils sont accordés entre eux, sont susceptibles de résonner ensemble et de déclencher alors l’harmonisation. Le chant harmonique 200 est utilisé pour harmoniser les chakras d’un patient dans certaines approches de la musicothérapie. Il peut être effectué sur une personne passive et réceptive, comme un massage sonore, et par un balayage des harmoniques selon différents endroits du corps. Il est également utilisé en thérapie active, ou plutôt en auto-thérapie par le chant, où le chanteur est émetteur et récepteur des harmoniques qu’il produit. Nous verrons que les thérapies par le chant harmonique accordent aux chakras des notes différentes selon les interprétations.

21. Marie-Louise Aucher Les travaux et l’expérience de la chanteuse, musicothérapeute et psychophoniste 201 Marie-Louise Aucher constituent une référence importante dans la thérapie par le chant. Elle a effectivement mis en place un système de correspondances entre le chanteur et son « cocon énergétique »202 ; ce système décrit les liens de certaines parties du corps avec certaines notes, des points de résonance couvrant plusieurs octaves se répartissant de la plante des pieds au sommet de la tête (voir annexes 22 et 23 p. 193 / 194). On pourrait dès lors faire un lien entre les points de résonance et les chakras . Or Marie-Louise Aucher s’est vraisemblablement plus intéressée à la médecine traditionnelle chinoise (qui décline, en fonction des organes et des viscères, une série de méridiens constitués par des points de résonance) qu’au système des chakras lui-même. Nous voyons donc comment les thérapeutes occidentaux s’appuient sur des patrimoines culturels différents.

22. Interprétations populaires

199 Texte de Trân Quang Hai issu de l’article « le chant diphonique : nouvelle thérapeutique », recueilli sur le site : http://tranquang.free.fr 200 Il s’agit véritablement d’une technique occidentalisée du chant diphonique sigit , en thérapie par la voix, il est généralement beaucoup plus doux au niveau du son fondamental. 201 Terme issu de la psychophonie , et employé par Marie-Louise Aucher pour qualifier son travail vocal. Celui-ci s’est développé autour des relations entre le chant, les organes, les vertèbres, les méridiens etc. 202 Représentation de l’aura du chanteur selon Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression , Schéma de psychophonie, Paris, Epi, 1977. 140

Suite aux travaux de Marie-Louise Aucher, des correspondances entre les sons chantés et reçus ont été mis en rapport avec les chakras , eux-mêmes mis en rapport avec des couleurs, des émotions, mais aussi des planètes, des odeurs, des métaux, des saisons etc. Des croyances populaires semblent s’être ainsi répandues dans le milieu ésotérique (revues, conférences, stages etc.) et ont abouti à des suppositions parfois bien improbables. On trouve notamment une correspondance très simple entre les chakras et les notes de la gamme tempérée sur une octave. Cette interprétation bien commode peut être utilisée dans un but généralement commercial, s’adressant à un public prompt à se satisfaire d’une relation logique par rapport à ses repères culturels.

Si

La

Sol

Fa

Mi

Do

Système de correspondance des notes avec les chakras selon une interprétation populaire

La thérapie vocale peut avoir lieu malgré tout pour diminuer le stress, par exemple, car l’exercice est efficace dès que le processus de guérison est déclenché et que le patient se sent en confiance avec la pratique. 23. Oriane Robidou Admettant qu’un lien existe entre les chakras et les sons, certains thérapeutes des harmoniques et des chercheurs comme Philippe Bougon, ont acquis la conviction que ce lien ne peut exister, et être réellement efficace, qu’avec l’utilisation d’intervalles naturels, et non pas au moyen du système tempéré. Comme nous l’avons déjà vu à travers une citation de Barbara Ann Brennan 203 , l’énergie universelle qui anime les chakras obéit à des lois naturelles, et non pas en fonction d’une culture donnée. De plus, selon la corpulence du patient, ainsi que son état psychologique, la note

141

fondamentale, qui correspond à son système énergétique global, peut varier. C’est pourquoi, la relation entre harmoniques et chakras semble beaucoup plus envisageable. Nous verrons malgré tout se décliner plusieurs interprétations. Oriane Robidou utilise, pour ses séances d’harmonisation par le chant, un rapport avec les chakras en fonction de la fréquence propre du patient et des intervalles naturels qui en découlent.

« Tout corps possède une fréquence de résonance privilégiée : la note fondamentale. Celle-ci est d’autant plus grave que la masse vibrante est importante. Constante pour un objet, elle oscille d’environ un ton autour d’une valeur centrale chez l’homme (fa# pour un ténor ou une soprane) .» 204

septième

sixte

quinte

quarte

tierce

seconde

fondamentale

système de correspondance des intervalles avec les chakras selon Oriane Robidou Afin de trouver la note fondamentale qui correspond à une personne, Oriane Robidou utilise plusieurs techniques : en faisant chanter du grave vers l’aigu le patient, elle peut identifier une « note pivot » qui fait la jonction entre la voix de gorge et la voix de tête. Elle utilise également un pendule qui va réagir en fonction de la note concernée et précise que l’on peut également utiliser la technique du test musculaire pratiquée en kinésiologie. Elle distingue ainsi deux notes fondamentales : la « note de naissance », sensée correspondre à un individu toute sa vie, et la « note du moment » qui varie autour de la note de naissance et qui correspond à un état plus précis de la situation physique et psychologique du patient.

203 Voir chapitre II, Barbara Ann Brennan, le pouvoir bénéfique des mains , op. cit.

142

24. Philippe Bougon La version de Philippe Bougon reprend le principe de la note fondamentale attribuée à un patient tout en se rapprochant du point de vue de Marie-Louise Aucher. On voit effectivement décliner plusieurs octaves selon les centres d’énergies. Le chant harmonique est alors effectué sur tout le corps en commençant par la plante des pieds pour la fondamentale (H1) puis le coccyx (H2), le cœur (H4), la gorge (H8), et la couronne (H16).

H1 6 H8

H4

H2

H1

Système de résonance des octaves selon les chakras et les modes

25. Trân Quang Hai L’approche de Trân Quang Hai est encore différente, et joue sur la prononciation des voyelles qui correspondent aux chakras , et à certaines harmoniques du chant diphonique.

204 Oriane Robidou, texte issu d’un article parut dans le magazine « Objectif : notre santé » n°27 automne 2003. 143

voyelles chantées Harmoniques

« i » H12

« è » H10

« é » H9

« a » H8

« e » H6

« o » H5

« ou » H4

système de correspondance des harmoniques avec les chakras selon Trân Quang Hai

Selon cette interprétation, il est particulièrement difficile, au niveau technique, de pouvoir chanter les harmoniques en fonction des voyelles précises ; c’est pourquoi cette méthode ne peut être employée le plus souvent qu’en thérapie passive. On remarquera que les notes dissonantes (H7 et H11) on été évitées car, selon T.Q.Hai, elle ne participeraient pas à l’harmonisation.

« Chaque voyelle maîtrisée se trouve en relation sur le plan physique avec l’organe correspondant, et sur le plan subtil, avec un harmonique émis. Le souffle amène la pensée et l’intention aide à la libération. La pratique du chant diphonique s’avère complémentaire du magnétisme, d’un travail d’exorcisme, d’une transmission bénéfique d’énergies et de connaissances pacifiantes. Aider l’autre à se guérir, à se prendre en charge, c’est lui insuffler le désir légitime de retourner en soi, au divin de son être. »205 Il existe encore bien d’autres approches qui mettent en relation les chakras avec les harmoniques comme celle de Jonathan Cope, de Philippe Barraqué ou de Thomas Clément. Chacune de ces méthodes semble fonctionner plus ou moins bien selon les personnes et les contextes. Généralement, les plus sceptiques ne parviennent pas à des résultats convaincants, contrairement à d’autres qui, en se « laissant aller », obtiennent de réelles sensations de bien être voire de guérison. Véronique et Denis Fargiot travaillent selon des techniques de « yoga du son » et utilisent également

205 Texte de Trân Quang Hai, tiré d’un exposé de ces travaux sur le site : http://tranquang.free.fr 144

l’harmonisation sur leurs patients par « Le Chant Harmonique Sacré ». Les séances se déroulent pendant des stages de découverte du chant harmonique en thérapie réceptive et active ; plusieurs niveaux sont abordables. Afin de pouvoir se représenter l’efficacité de la pratique, considérons le témoignage d’un stagiaire :

« Chère Véronique et cher Denis, Aujourd'hui, j'ai envie de partager avec vous mon expérience relative aux 4 stages suivis avec vous 2. Grâce à votre enseignement du chant des voyelles, des exercices pratiqués en groupe ou à la maison, j'ai ressenti un grand nettoyage intérieur, j'ai évacué des fardeaux tout en parvenant de plus en plus à m'ancrer en terre, à alléger mon fonctionnement le plus souvent dominé par le mental... J'ai aussi desserré l'étau de l'anxiété qui pesait sur ma vie... car j'ai appris à me centrer ou me recentrer (selon les circonstances). Je vous remercie du fond du cœur pour votre vigilance et votre compassion dans votre accompagnement de chacun d'entre nous pendant les stages... aussi bien pour l'ensemble du groupe que pour chacun en fonction de ses besoins du moment... Avec ces stages, j'ai reçu de puissants outils pour travailler plusieurs années de suite... Il ne me reste plus qu'à travailler, travailler, travailler... Alec (59) 206 »

Ce résultat reflète le point de vue d’un stagiaire qui a su être réceptif à la pratique même et aux conditions psychologiques de celle-ci. Il nous permet de conclure que l’harmonisation par le chant diphonique peut effectivement s’avérer efficace au niveau thérapeutique. Or, si certains stagiaires se sentent encouragés et rassurés à travers le conditionnement symbolique et psychologique suggéré au cours des stages, d’autres y sont beaucoup moins réceptifs et peuvent au contraire être dérangés par cette approche, si bien que les effets soniques (objectifs) du chant, et des harmoniques, s’avèrent alors inefficaces. Alexandre Koehler parle d’ « harmonicothérapie » ; il semblerait que les appellations déclinées du terme « harmonie » soient particulièrement florissantes dans le milieu des thérapies alternatives. Voyons désormais par quels moyens peut-on « harmoniser » au moyen d’instruments « harmoniques ».

206 Témoignage d’un stagiaire de Véronique et Denis Fargeot, recueilli en Novembre 2005 sur le site : http://www.yogaduson.fr/accueil.htm 145

3. Les thérapies par les instruments harmoniques

Les thérapies qui utilisent des instruments harmoniques sont généralement plus rares que celles des chants harmoniques. On remarque tout de même une certaine parenté dans les pratiques, dans la mesure où les sonorités d’instruments, tels que les bols chantants par exemple, sont également associées aux chakras . Nous verrons que les instruments peuvent agir plus précisément que la voix, ceux-ci étant alors destinés à viser des endroits du corps , comme on peut le faire avec un didgeridoo, par exemple. En ce sens, un lien avec la médecine traditionnelle chinoise est souvent établi, selon le système de la circulation d’énergie à travers les méridiens et les points d’acuponcture précisément répartis sur le corps.

31. Acupuncture sonore Nous avons vu comment Marie Louise Aucher a pu établir des liens entre la résonance sympathique des sons chantés et le système des méridiens d’acupuncture. C’est en ce sens que, parallèlement, d’autres thérapeutes ont précisé ce lien par le biais de multiples diapasons à tempérament juste 207 . John Beaulieu est un musicothérapeute dont le travail est particulièrement basé sur les harmoniques et les rapports naturels des sons. Dans le texte ci-dessous, et dans ses pratiques, il met en évidence un type de sons qu’il désigne par « Sons sacrés », lesquels auraient la propriété de pouvoir résonner sympathiquement avec l’organisme humain. « Les courbes que forment une corde en vibration sont apparentées aux serpents du caducée. La différence est que les sons sacrés ont une suite descendante (involution, vers la matière) alors que la série des harmoniques est ascendante (évolution, vers le spirituel). Dans le Son Sacré, la fréquence fondamentale n’est pas une note avec une hauteur précise comme en musique. Elle est dans toutes les dimensions et dans toute chose y compris nous-mêmes. On ne peut pas trouver la fondamentale, elle se révèle d’elle même à travers l’écoute. La guérison est toujours un retour a cette fondamentale. Nous devons rechercher cette fondamentale partout dans nos vies. Si nous sommes

207 Les diapason ne sont pas décrits précisément, on est amené à penser qu’ils sont accordés selon des fréquences qui correspondent au système naturel et non pas tempéré comme le suggère la figure issu des travaux de Philippe Bougon, voir annexe 26 p. 198. 146

incapables de résonner avec une partie de nous-mêmes ou de notre environnement, alors nous devenons « dissonants » ou malades.

La fondamentale est le diapason, au sens étymologique ‘‘à travers tout’’ ; et le fondement cosmique de la création. ‘‘Wu Ch’i’’ en Chine, et ‘‘Om’’ en Inde. » 208 Nous retrouvons encore une fois les mêmes références aux traditions chinoises et indiennes, avec leurs systèmes de perception subtile et de circulation de l’énergie vitale dans l’organisme. Le système des méridiens est plutôt complexe car il regroupe bien plus de points principaux que les sept chakras dont nous avons parlé. Dans la médecine traditionnelle chinoise, on dénombre douze méridiens principaux : foie, rate/pancréas, poumons, cœur, reins, vésicule biliaire, estomac, gros intestin, intestin grêle, vessie, le maître-cœur et triple réchauffeur 209 plus deux autres méridiens qui longent la colonne vertébrale et dont certains points correspondent aux chakras ; ils sont appelés le « vaisseau gouverneur » et le « vaisseau conception ».

Le vaisseau gouverneur 210 Méridien de la vessie 211

Pour harmoniser certaines parties du corps humain, John Beaulieu utilise plusieurs diapasons en fonction des planches d’acuponcture de la tradition chinoise et selon les proportions harmoniques du corps humain (voir annexe 27 p. 200). Les diapasons sont en métal avec parfois une extrémité relativement pointue afin de pouvoir

208 Traduction d’un paragraphe du livre de John Beaulieu, Music of the Healing Arts , New York, Station Hill Press, 1987. 209 Ces méridiens relient et équilibrent les autres selon deux catégories (maître-cœur : yin / triple réchauffeur : yang ). 210 Figure issue du livre de Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression , op. cit.

147

appliquer très précisément les vibrations harmoniques 212 sur les points correspondants aux différents méridiens.

« Les diapasons à tempérament juste offrent une méthode simple et efficace pour activer la série des harmoniques en méditation ou pour un soin. Écouter les intervalles pythagoriciens purs est une méthode d’harmonisation par les Sons Sacrés. Ces intervalles sont inhérents à la nature et sont considérés par les Anciens comme faisant partie même de l’âme humaine et de son psychisme. Chaque intervalle peut potentiellement éveiller en nous un archétype universel profond. Nous comprendrons cela bien mieux en observant la théorie de la résonance. Les intervalles des diapasons créent profondément en nous-mêmes une résonance sympathique avec la qualité des Sons Sacrés. L’archétype commence par aligner nos pensées et notre corps physique autour de cette vibration. Par exemple, lorsqu’un diapason est frappé, on observe assez souvent un mouvement de la tête et du corps ajustés aux proportions du son. C’est une forme de résonance forcée. Notre corps et notre esprit deviennent une caisse de résonance pour les Sons Sacrés. Si nous regardons notre corps comme la manifestation d’un échantillon des Sons Sacrés, nous pouvons commencer a comprendre comment les diapasons peuvent être utilisé pour des soins. »213

John Beaulieu explique que les proportions harmoniques du corps peuvent être déterminées en divisant la distance (mesurée en pouces – inches en anglais) la plus petite avec la distance la plus grande, en relation avec les fractions des intervalles musicaux. Par exemple, dans le diagramme les harmoniques du corps (voir annexe 27 p. 200), la distance entre l’orteil et le coccyx est de 43.6 inches . Et la distance du coccyx au sommet de la tête est de 32.5 inches . En divisant 32.5 par 43.6 on obtient la proportion 0.745 ce qui, d’après Beaulieu, correspond musicalement à l’intervalle d’une « quarte juste ». Or la valeur : 0,745 ne correspond, à priori, à aucun intervalle musical ; il faut plutôt diviser 43.6 par 32.5 = 1,34 ce qui correspond effectivement à une quarte dans le tableau des échelles du son (voir annexe 10 p.178 : tableau des proportions de l’octave ). C’est donc le calcul inverse qu’il faut effectuer pour obtenir les rapports en

211 Idem. 212 Le diapason ne possède que très peu d’harmoniques comme nous l’avons déjà vu, H1 et H2, le timbre du son est très pur et proche de la sinusoïde.

148

question. L’analyse de Beaulieu se base sur l’alignement géométrique du corps physique, ce qu’il indique comme une méthode de guérison pour rendre à un individu « ses proportions de Sons Sacrés ». Ainsi, un bon observateur du corps pourrait repérer à l’œil nu les éventuels déséquilibres. En kinésiologie par exemple, la contraction involontaire des muscles d’un patient (épaules relevées par exemple) est effectivement interprétée comme un signe de stress 214 . Le thérapeute apprend à associer ces postures à des attitudes mentales et aux tendances pathologiques de certains organes. Connaissant l’acuponcture, Beaulieu serait alors à même de pouvoir dynamiser certains points affaiblis en énergie par les diapasons dont la fréquence correspond aux « proportions harmoniques du corps ».

J’ai rencontré à Exeter, en Angleterre, une musicothérapeute du nom de Barbara Blakemore qui, selon cette méthode, utilise ce type de diapasons. Je n’ai pas pu assister à une séance complète, mais j’ai pu expérimenter la fréquence vibratoire de ces instruments pointus, à plusieurs endroits du corps et en ressentir les effets. Il semblerait que cette technique ne soit réellement envisageable que par des médecins qui possèdent déjà une bonne connaissance du système des méridiens. Jonathan Cope m’a également présenté plusieurs gammes de ces diapasons harmoniques.

32. Thérapie réceptive

321. Allongé sur une cithare harmonique La société Saintenart (Suisse) a mis au point plusieurs instruments à cordes aux propriétés harmoniques. Marc Ramser, le luthier, a ainsi conçu un instrument qui réunit sur une large caisse de résonance en bois, de nombreuses cordes.

213 John Beaulieu, Music and Sound in the Healing Arts , Station Hill Press, 1987, p.89 214 J’ai pu observé ce type de pratique et de fonctionnement par l’intermédiaire du kinésiologue O.Fraysse, dont le cabinet est situé à Toulouse. 149

le polychord de Marc Ramser

Le « polychord » est une cithare harmonique triple. Il comprend d’abord 24 cordes à vide accordées sur la même fréquence qui font résonner, comme pour la harpe éolienne, ses harmoniques par sympathie acoustique ; ensuite, quatre cordes de jeu, également à vide, accordées selon le principe de la tempura et conservant ainsi le même effet sonore très riche en harmoniques ; enfin, vingt autres cordes sont présentées avec des chevalets amovibles, à la manière du koto japonais, ce qui permet de jouer sur les intervalles relevant d’un choix plus personnel. L'instrument est dit idéal pour la musique méditative et improvisée. Il serait particulièrement efficace pour étudier l'interaction des intervalles naturels et des proportions de cordes. Marc Ramser a développé l’instrument, qu’il présentait déjà comme un outil thérapeutique, pour en faire un véritable « lit harmonique ». Son sound bed est la version acoustique et harmonique de celui du soundbeam project dont nous avons parlé dans le chapitre concernant la perception du son. Selon Marc Ramser, ce principe trouverait son origine en Inde, où pendant des siècles un instrument similaire aurait été employé à des fins thérapeutiques. Le patient reste allongé sur l'instrument qui est joué du dessous par le thérapeute.

Le sound bed côté cithare Système réversible

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Jonathan Cope, qui a eu l’occasion d’essayer l’instrument, m’a confié que l'expérience acoustique est saisissante. Les vibrations sont physiquement ressenties par l’intermédiaire des diverses cordes dont le son agit directement sur le corps. Marc Ramser rappelle que les « sons parfaits », sous-entendu ceux possédant des intervalles naturels générés pas les harmoniques, peuvent « purifier les molécules d'eau pour perfectionner la beauté et l'harmonie » (sic.). Nous pouvons supposer qu’il s’appuie sur les travaux de Hans Jenny et d’Emoto, en affirmant ainsi que la thérapie se fait au niveau cellulaire. Les « ouïes » de l’instrument, si l’on peut dire, ont été disposées selon les chakras et les genoux d’une personne allongée.

Le sound bed côté lit

322. Massages sonores Anneke Huyser 215 , par son expérience avec les bols chantants, raconte comment les vibrations harmoniques émises par les bols peuvent être utilisées en thérapie réceptive. Des séances de perception du son des bols frappés et frottés se pratiquent de plus en plus. Plaçant le patient dans une position et dans un contexte plutôt confortable, le thérapeute va faire résonner un ou plusieurs bols, plus ou moins proches du corps. Elle parle ainsi de « massage sonore »216 . L’ayant expérimenté personnellement

215 Anneke Huyser, le bol chantant , Binkey Kok, 1999. 216 Cela nous renvoie à la perception tactile dont nous avons parlé au cours du chapitre II, notamment par l’intermédiaire des basses amplifiées. 151

plusieurs fois 217 , j’ai remarqué que les bols très graves était généralement mieux ressentis sous les pieds, le long des jambes et au niveau du bassin. On peut se permettre d’approcher sans gêne le bol du corps et parfois même le mettre en contact direct. On peut également utiliser les bols graves le long du dos en prenant soin de ne pas s’approcher trop près de la tête. Les bols plus aigus sont appréciables au niveau du buste et de la tête, en observant toujours une distance de sécurité, notamment au niveau des oreilles qui sont très sensibles aux sons aigus et métalliques, et qui troublent souvent la perception tactile des vibrations. Des protections auditives peuvent être très utiles lors de ces séances. Oriane Robidou pratique également lors de ses stages, des séances de massage sonore. nous avons vu lors du chapitre IV, que les bols aux harmoniques complexes étaient qualifiés de « dynamisants », ils auraient ainsi la propriété de « disperser les énergies stagnantes », alors que les bols consonants (harmoniques aux rapports simples) sont plus propices aux séances de relaxation. Oriane utilise également des bols en cristal qui sont très consonants et dont l’amplitude peut se répandre dans une large pièce et ainsi « harmoniser » les personnes qui s’y trouvent, ainsi que lieu lui-même, comme elle le précise au cours de la pratique. Le didgeridoo peut également être un instrument de massage sonore efficace. On peut effectivement diriger le pavillon de la trompe en direction d’une partie du corps du patient (par exemple les jambes) et lui faire ressentir la vibration générale ainsi que plusieurs harmoniques. La distance qui sépare l’instrument des différentes parties du corps du patient varie selon la sensibilité tactile de celui-ci ; c’est pourquoi le thérapeute doit toujours être très attentif, pendant le soin, à la moindre réaction du

217 Avant même d’avoir consulté les ouvrages qui décrivent cette pratique, j’avais plusieurs fois fait l’expérience sur moi-même et sur d’autres personnes avec divers bols en métaux acquis dans des brocantes et festivals spécialisés mais aussi au Japon et au Viêt-Nam. J’ai tâché de sélectionner une gamme de bols plutôt consonants. 152

patient, afin d’ajuster, en fonction de celle-ci, les différents paramètres tels que le volume, la distance, la durée etc.

Nous pouvons enfin considérer par exemple les tuyaux harmoniques comme étant potentiellement des instruments de « massage sonore harmonique ». Selon la méthode décrite dans le chapitre IV, en faisant circuler l’air à travers le tube et en générant ainsi une harmonique, l’air rejeté peut très bien être dirigé vers une partie du corps d’un patient. Le diamètre du tuyau étant d’environs 4 cm on obtient une précision suffisante pour suivre le tracé d’un méridien d’acuponcture, par exemple. Or il faudrait, pour obtenir un jet d’air conséquent, trouver un système de soufflerie (de préférence silencieux) qui permette au patient de ressentir concrètement la vibration des harmoniques.

33. Thérapie active

331. Un effet psychologique ? Les thérapies actives qui utilisent des instruments harmoniques seraient observables, d’après les conceptions et les expériences que nous avons pu aborder, sur chacun des musiciens qui utilisent des instruments harmoniques. Ils seraient ainsi sujets aux vibrations et à la mise en résonance des harmoniques, qu’ils en soient conscients ou non. On pourrait effectivement recueillir les témoignages des musiciens traditionnels jouant des guimbardes, flûtes harmoniques, monocordes, tempura , instruments à cordes sympathiques (etc.) et leur soumettre la question des effets que ces instruments leur procurent. La réponse pourrait sembler évidente, et comparable à celles de nombreux autres musiciens qui prennent plaisir à jouer de leur instrument « inharmonique » et tempérés (piano, guitare etc.). Pourtant il semble que ces musiciens se distinguent tout de même des autres comme le suggère le témoignage du joueur de flûte harmonique Jean-Pierre Yvert : « Je ne me sens pas tout à fait flûtiste, parce qu'incapable de bouger les doigts sur une flûte ! Ce qui me rattache à cette famille, c'est le souffle. Quand je rencontre des joueurs de cors des Alpes, par contre, ou même des gens qui font du chant harmonique, on a tout de suite un dialogue. Je trouve dans les harmoniques une dimension mystique. J'ai récemment travaillé sur mon ordinateur, à l'aide d'un logiciel

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qui fait des schémas, et en y rentrant un certain nombre de données concernant les harmoniques il m'est sorti une spirale rappelant celle des nautiles, ces coquillages à la géométrie très particulière et qui résistent si bien aux pressions extérieures. Le monde des harmoniques avec ses manières de penser, de raisonner, contraste avec le monde tempéré où tout est droit, égal... »

Jacques Mayoud et Jean-Pierre Yvert 218

La dimension « sonique » (effet physique du son) paraît capitale dans les effets et la perception des sons harmoniques et pourtant généralement peu approfondie par les « thérapies harmoniques » (pour ce que j’ai pu en observer 219 ). C’est pourquoi nous devons également prendre en compte une dimension psychologique qui intervient lorsque le musicien prend conscience du « pouvoir » de son instrument. Il semblerait que ces deux dimensions soient étroitement liées, et que les thérapeutes utilisent cette relation, consciemment ou non, au cour de leurs séances. Le terme « harmonique », les photos des figures de Chaldni et Jenny, les cristaux d’Emoto, les symboles antiques suggérés par les Pythagoriciens, le côté naturel et le côté sacré attachés à cette catégorie d’instruments sont autant de sujets de « fascination » qui peuvent être amenés à influencer considérablement un musicien au niveau psychologique. Ces arguments peuvent également s’avérer très efficaces pour inciter un mélomane à s’essayer sur l’un de ces instruments.

218 Jacques Mayoud et Jean-Pierre Yvert qui, en France sont des passionnés de flûtes harmoniques, forme un duo avec différents types de ces flûtes. 219 Il est le plus souvent question de résonance par sympathie sur les organes ou les cellules du corps mais tout cela reste globalement très superficiel. L’ intuition est préférée à l’intellect et c’est sans doute pour cela que ces pratiques, bien que pouvant être parfois très efficaces, ont du mal à trouver leur place dans le milieu scientifique. 154

La thérapie active doit être, rappelons-le, à la portée des non-musiciens afin qu’ils puissent jouir immédiatement du résultat sonore et, éventuellement, de leurs effets soniques. Les instruments harmoniques sont en ce sens assez facile d’accès. C’est pourquoi, en peu de temps, n’importe quelle personne pour peu psychologiquement conditionnée à recevoir les bienfaits des vibrations harmoniques, peut véritablement apprécier les effets générés par la pratique du bol en cristal, de la cithare harmonique (toutes les cordes à l’unisson) ou bien encore des tuyaux harmoniques.

332. Sons harmoniques et mouvements corporels Les tuyaux harmoniques constituent des instruments harmoniques exemplaires pour la thérapie active. Sarah Hopkins les utilisait initialement comme agréments pour la musique de son violoncelle, mais aussi pour d’autres instruments harmoniques comme le didgeridoo , ou encore des techniques de chant diphoniques (extrait de musique de violoncelle, chant tibétain et whiriles CD plage 20). Ce type de musique est présenté comme une musique thérapeutique 220 . Or, suite à sa rencontre en 1996 avec le « professeur spirituel et guérisseur » Mike Robinson, Sarah Hopkins prit conscience que les whirlies sont des instruments véritablement bénéfiques pour les personnes qui les pratiquent. Elle explique alors que, grâce à ses « qualités de clairvoyance », Mike Robinson pouvait voir comment les tuyaux dégageaient « un puissant pouvoir curatif sur l’aura même des pratiquants ». Tous deux ont ainsi répertorié les différents effets thérapeutiques des whirlies selon 24 tonalités différentes testées sur des individus et des groupes. Ils ont alors dressé un diagramme des vibrations curatives 221 qui détaille les effets thérapeutiques de 16 différents instruments sur les chakras , les méridiens, les points d’acuponcture et sur le « champ émotionnel ».

220 Informations recueillies sur le site de Sarah Hopkins : http://www.sarahhopkins.com

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Les instruments sont alors décrits comme tels:

« les whirlies possèdent un extraordinaire pouvoir d’harmonisation, allégeant les dépressions, nettoyant vos champs auriques et celui des autres, nettoyant votre maison ou votre lieu de travail où l’énergie ‘‘négative’’ stagne . » 222

Des sets de tuyaux harmoniques ont été employés et appréciés par beaucoup d'écoles, des groupes communautaires, des écoles spécialisées, des thérapeutes, des compagnies de danse et des individus à travers le monde. L’approche thérapeutique de Sarah Hopkins donne en effet à la pratique de ces instruments, une dimension d’expression sonore mais aussi d’expression dans l’espace. Si l’on peut faire tourner simplement un tuyau harmonique devant soi ou au-dessus de sa tête, en se concentrant sur le jeu et les effets des harmoniques, on peut également concevoir de se déplacer dans l’espace, en se laissant guider par les mouvements et les sons des whirlies . On est alors amené à penser que la thérapie se renforce d’autant plus lorsqu’elle est associée à une forme d’expression corporelle.

Parallèlement à cette pratique thérapeutique et après avoir expérimenté le côté sonore et musical de l’instrument, j’ai moi-même été conduit à développer la pratique « dansée » de ces instruments. Avec la précieuse participation du musicien et luthier Jérôme Desigaud, j’ai réuni et mis au point des tuyaux harmoniques de tailles et tonalités différentes (comme nous avons pu le voir au cours du chapitre IV) ainsi que des « bâtons-rhombes » dans le but de les faire tourner au cours d’un mouvement corporel. Ces bâtons reprennent le principe d’un instrument appelé « spirit catcher » qui était utilisé par les Amérindiens pendant certains rituels shamaniques 223 . Avec Jérôme Desigaud, nous avons organisés, pour le festival des Noces Harmoniques 2005 224 , une prestation de « jongle harmonique 225 » qui mettait en scène plusieurs danseurs ou jongleurs munis de tuyaux harmoniques accordés selon la gamme qui correspond à

221 Diagramme qui ne peut être consulté que suite à l’achat d’un jeu de whirlies . 222 Informations recueillies sur le site des whirlies : http://www.harmonicwhirlies.com 223 Information recueillie par un vendeur du magasin où j’ai pu trouver l’instrument, Boch et Pich, basé à Lyon, op. cit. Le spirit catcher est une sorte de longue crécelle en bois sur laquelle sont tendus plusieurs élastiques qui, en tournant, se mettent en vibration et font résonner les harmoniques en fonction de la vitesse de rotation. 224 Organisé par l’association AEH et dirigé par Jacques Dudon, op. cit. 225 La pratique qui consiste à faire tourner un objet régulièrement est apparenté à la danse et à la jonglerie mais n’a pas été nommé distinctement en France. En Angleterre elle est appelée : spinning. 156

l’échelle des tuyaux 1 et 2 (voir tableau des tuyaux harmoniques, chapitre IV) et de bâtons-rhombes. La performance a été effectuée en public, et sonorisée par cinq micros disposés autour d’une scène.

Photo de tuyaux harmoniques et bâtons-rhombes 226

Sans parler pour autant de thérapie, la pratique de ces instruments mariée aux mouvements corporels a révélé certaines émotions, aussi bien auprès des musiciens- danseurs qu’auprès du public 227 . On peut tout de même penser que cette activité mettant l’accent sur le lien entre expression corporelle et production active des harmoniques ouvre un champ à explorer, comme le suggère les travaux de Sarah Hopkins, au sein de ses pratiques thérapeutiques.

226 Photo prise lors du festival « Les Noces Harmoniques » en Août 2005. 227 Un enregistrement vidéo et audio de la performance a été effectué par l’association AEH et devrait être disponible par le biais du site officiel : http://aeh.free.fr/ 157

Conclusion

Notre travail a tenté de mettre en évidence que le phénomène acoustique des harmoniques et de leurs résonances soulève de nombreuses questions, aussi bien dans le domaine musical que dans les pratiques thérapeutiques. Nous avons également noté que le caractère prétendument sacré et naturel des techniques et instruments qui le mettent en évidence, ont fait naître en Occident un intérêt incontestable, observable lors des festivals organisés à cette occasion, et chez les musiciens et musicothérapeutes que nous avons pu découvrir au cours de cette étude. Ce caractère semble fédérer des communautés particulièrement sensibles à des principes philosophiques et esthétiques basés principalement sur un « retour aux sources naturelles » qui tendent à s’opposer aux valeurs de la société occidentale contemporaine et de la musique du monde moderne. Cet engouement a ainsi donné naissance à de nouvelles lutheries et à de nouvelles thérapies appuyées sur le patrimoine de plusieurs cultures (occidentale, asiatique, amérindienne, australienne etc.).

Ayant choisi d’étudier le phénomène acoustique qui relie ces mouvements de pensée, nous avons pu observer la manifestation de la résonance sous plusieurs angles. Selon le choix d’instrument lui-même en fonction du mode harmonique, et selon la longueur d’une corde ou le volume d’un résonateur. Nous avons également vu que les effets de cette résonance peuvent se faire au niveau physiologique, selon un mode de pensée particulier, sur différentes parties du corps. Il est enfin observable, de manière plus subtile, sur le plan psychologique et émotionnel. Serions-nous donc capables de percevoir les vibrations harmoniques par la peau, par les muscles, les os, les organes ? Pour les personnes qui pratiquent les expériences dont nous avons parlé au cours de cette étude, cela semble indéniable. Il faudrait désormais/maintenant confronter cela aux point de vue de scientifiques s’appuyant sur des protocoles d’étude rigoureux. Concernant les effets manifestés sur l’aspect émotionnel de l’auditeur, on rassemblera les réserves que nous avons pu émettre en une remarque fondamentale : encore faut-il qu’il soit réceptif. Nous avons vu comment cet état de réceptivité est conditionné par une certaine « croyance »228 en l’efficacité de la pratique même, et à

228 Cette croyance pourrait se résumer à l’état psychologique et physiologique de l’auditeur quant à la vibration sonore et la symbolique qu’elle véhicule. Elle peut être comparée à la foi religieuse à travers les émotions qu’elle soulève et les conséquences qu’elle peut entraîner. 158

travers la conception du « système énergétique ». Il nous semble donc impossible de ne pas tenir compte d’une dimension psychologique dans les effets de la musique et du son sur le corps. Cette dimension représente une condition qui paraît d’ailleurs toute aussi importante que celle qui concerne les effets purement soniques.

Nous aurions également pu prendre en compte le phénomène des harmoniques au sein de la musique spectrale 229 , au sein des musiques électro-acoustiques et électroniques, mais les limites de volume dans ce travail, nous ont imposé ce choix de remettre à d’autres travaux cet aspect de la question . Dans l’univers musical que nous avons présenté, la musique appelée électro trance 230 est particulièrement riche en effets sonores et utilisation des harmoniques ; elle est par ailleurs fortement attachée au caractère naturel et tribal que nous avons pu constater ainsi qu’à l’aspect mythologique et sacré de la culture indienne. Le dub occidental 231 manifeste également cet intérêt pour le métissage de la « musique ethnique » avec la musique électronique actuelle. La trance acoustique 232 est également un nouveau courant musical qui s’intègre bien dans ce phénomène global. On pourrait alors considérer, une fois de plus, les effets des harmoniques et de leur résonance dans un contexte non plus acoustique et thérapeutique, mais plutôt électronique et sociologique.

Enfin, au delà des aspects symboliques et soniques que nous avons pu remarquer dans travers le domaine des thérapies harmoniques, nous pourrions envisager une conception esthétique du son agissant également sur l’émotionnel, mais donnant lieu à d’autres effets, tant et si bien que la résonance des harmoniques pourrait ainsi être appréciable à travers la défonctionalisation de certains objets tout à fait étrangers aux contextes que nous avons pu évoquer. Certains appareils électriques par exemple

229 Musique principalement élaborée à partir du son et de ses différentes propriétés acoustiques, apparue au début des années 1970 et représenté par des compositeurs comme Gérard Grisey, Tristan Murail, Horatio Radulescu. Bruno Giner décrit les différents aspects du son exploités dans ses compositions : « Qu'il s'agisse de simulation de spectres, d'harmonies fréquentielles, de synthèse instrumentale, de "résonances sympathiques", d'hybridation de transitoires ou de simulation instrumentale de procédés électroniques, les axes de travail sont multiples, variés, mais ils puisent tous leur origine dans l'introspection du son lui-même . » 230 issue de la techno généralisante, elle se décline pendant les années 1990, selon différents courants musicaux ( goa, psyche, full on , progressive etc.). 231 Issu de la Jamaïque (disques de reggae mixés avec des effets de reverbe , chorus , flanger etc.) le dub prend en Occident une nouvelle route avec des groupes comme Hight Tone, Zenzile etc. 232 courant musical issu de la trance électronique (retour à l’acoustique) et des musiques ethniques, représenté en France, par exemple, à travers des groupes comme High Light Tribe ou Meï Teï Sho . 159

(ordinateurs, appareils électroménagers, radiateurs électriques, néons, générateurs etc.) émettent des vibrations qui sont considérées en musicothérapie (classique et harmonique) comme néfastes pour l’organisme et la santé émotionnelle. Elles sont d’ailleurs très souvent considérées par les thérapeutes comme étant la source principale des pathologies dues au stress urbain. Or, si l’on prête une attention à certaines de ces machines, on peut effectivement percevoir des sons qui résonnent en fonction d’une vibration fondamentale (audible ou non ) et reconnaître, encore une fois, les intervalles qui composent la série des harmoniques. On peut ainsi concevoir un certain esthétisme sonore, allant à l’encontre des thérapies harmoniques, et soulignant d’autant plus l’importance des conditions psychologiques dans le domaine de la perception des sons et de leur effets. Nous pourrions, par exemple, confronter ces sons harmoniques avec ceux que l’on trouve dans les instruments acoustiques, qui sont « si proches de la nature »233 pour sans doute en déduire la validité d’autres conceptions esthétiques et d’autres effets psychologiques. Mais c’est là une autre question.

233 La nature est ici entendue comme un symbole idéologique, pourtant on ne peut contester que les harmoniques générés par des machines électroniques suivent le même phénomène naturel. 160

- ANNEXES -

RESONANCE ET PERCEPTION DES HARMONIQUES NATURELLES

161

Annexe 1

LES PERSONNAGES HISTORIQUES DES HARMONIQUES

PYTHAGORE (env.570 av J.C / Grèce) Les travaux de Pythagore peuvent constituer une réelle base dans la recherche et l’analyse des harmoniques. A partir d’une simple corde tendue, Pythagore étudie et découvre les rapports de fréquences selon des proportions géométriques. Il met ainsi en évidence des intervalles fondamentaux.

PTOLEMEE (90 – 168 / Egypte) Ptolémée était un astronome et astrologue grec qui vécut à Alexandrie (aujourd’hui en Égypte). Il a également écrit les Harmoniques , un traité de musicologie de référence. Après une critique des approches de ses prédécesseurs, Ptolémée y plaide pour baser des intervalles musicaux sur des proportions mathématiques (contrairement aux partisans d'Aristoxène), soutenus par observation empirique (contrairement à l'approche purement théorique de l’École pythagoricienne). Il a présenté ses propres divisions du tétracorde et de l'octave, qu'il a dérivé avec l'aide d'un monocorde. L’intérêt de Ptolémée pour l’astronomie apparaît également dans une discussion sur la musique des sphères.

ZARLINO (1517 – 1590 / Italie) Dans ses Institutioni harmoniche , en 1558, il apparaît comme le premier théoricien de l’accord parfait. Sa vision du vertical annonce toute la musique baroque et la progression vers la tonalité. Son traité est contemporain du traité des proportions d'Albrecht Dürer (1528). Tous deux offrent à l'artiste un statut de chercheur, capable de diriger sa composition vers une perception particulière.

DESCARTES René (1596 - 1650 / France, Hollande, Suède) En suivant dans l’ensemble les Institutions harmoniques de Zarlino dans sa théorie mathématique des consonances, Descartes cherche fondamentalement la clé des phénomènes sonores dans la connaissances des intervalle harmoniques de la gamme ‘‘naturelle’’ et, par là, annonce directement le principe ramiste du primat de l’harmonie sur la mélodie ( Musicae Compendium. 1618).

SAUVEUR Joseph (1653 - 1716 / France) : En découvrant une méthode permettant de compter les vibrations d’un son, il a réussi à démontrer que derrière les rapports de longueur de cordes (déjà invoqués par les Pythagoriciens) il y a les rapport de vibration ou fréquences constituent le son physique lui-

162

même de sorte que les sons harmoniques possèdent une fréquence multiple de celle du son fondamental.

RAMEAU Jean-Philippe (1683 – 1764 / France) Il crée, par son Traité de l'harmonie restreinte à ses principes naturels (1722) la science harmonique, la science des accords. La théorie musicale de Rameau fonde la pratique de la composition : en expliquant le principe de renversement des accords, il démontre l'invariance de l’état fondamental. Cette évolution vers la simplification permit la mise en place de la basse continue et un nouveau traitement de la dissonance. Elle contient en germe les forces directrices de rationalisation de la tonalité mises en place à l'époque baroque : la réduction de l'accord à une superposition de tierces (accord parfait), permet de contenir l'ensemble de la gamme autour de trois accords pivots (I / IV / V).

CHLADNI Ernst Florens Friedrich (1756 -1827 / Allemagne) Auteur de travaux d'acoustique, il découvrit les vibrations longitudinales des cordes. Dès 1787, il montra qu'en faisant vibrer une plaque saupoudrée de sable, on observait une accumulation de sable suivant certaines lignes droites ou courbes, lignes indiquant les points où le mouvement vibratoire est nul. Ainsi sont obtenues sur la plaque les figures, dites de Chladni, mises en vibrations de plaques métalliques excitées par un archet et observation de figures dessinées par du sable, matérialisant les lignes nodales (de non vibration) des ondes stationnaires transversales.

FOURIER Joseph (1768 – 1830 / France) En étudiant la propagation de la chaleur, il découvrit un puissant instrument mathématique, les séries trigonométriques dites « séries de Fourier ». Les premiers travaux de Joseph Fourier sur la décomposition d’une fonction périodique en une somme de fonctions sinusoïdales simples avaient laissé penser que la solution du problème du timbre devait se trouver dans l'analyse harmonique du son. Son théorème démontre que tous les timbres, même les plus complexes sont, en réalité, des combinaisons d’ondes sinusoïdales simples qui diffèrent en amplitude et en phase.

HELMHOLTZ Hermann Ludwig von (1821 – 1894 / Allemagne)

Dans sa théorie physiologique de la musique il présente une nouvelle théorie de la perception, en s’appuyant sur la mise en évidence des harmoniques d’un son périodique et le calcul de leur intensité au moyen de résonateurs. Il découvre parallèlement les fréquences de partiels inharmoniques et observe leur importance dans la nature du son.

163

Annexe 2

HISTORIQUE DES TESTS SONORES Effet de la musique et du son sur le minéral : Message de l’eau par le Dr.Emoto : Formé par le Dr Lee H. Lorenzen (recherche sur la capacité de rétention et de stockage d’information par les micro-clusters dans l’eau) le Dr. Mazaru Emoto et son I.H.M. Général Research Institute ont photographié à la fin des années 90’, des échantillons d’eau de natures différentes sous forme cristallisé : parmi leur travaux, un test sonore a été soumis à plusieurs échantillons d’une même eau. Les premières questions posées sont : « Est-ce que l’eau ‘‘entend’’ les sons ? » et « Comment jouer de la musique à l’eau ? ». « Après de nombreux essais et erreurs, nous avons décidé d’adopter la procédure suivante : Mettre de l’eau distillée entre deux hauts parleurs et passer un morceau entier de musique a un volume normal. Tapoter le fond de la bouteille d’eau distillée et laisser reposer une nuit. Le lendemain, bien tapoter à nouveau avant de congeler l’eau pour obtenir la distillation. Photographier les cristaux. 234 » Ces expériences ont été réalisées dans des conditions de laboratoire, dans un contexte général très neutre, un même volume d’eau par échantillon, une même distance par rapport aux haut-parleurs etc. Les interprétations des chercheurs sont basées sur la formation d’un cristal plus ou moins parfait (figure hexagonale comme un flocon de neige) qui indiquerait manifestement le type d’effet reçu. Un cristal bien formé laisserait entendre une influence positive, alors qu’un échantillon dont le cristal à été brisé ou troublé, sous-entendrait que l’audition à été mal perçue. Mais au-delà des ces deux grandes directions, l’auteur précise que les résultats sont parfois de natures différentes pour le même échantillon et pendant la même écoute : les points communs de ces échantillons donnent alors des interprétations souvent très influencées par le caractère de la musique (plutôt triste, serein, dansant, violent) par son titre, ou encore par l’histoire de l’œuvre. Ainsi, le cristal de Heartbreak Hotel ressemblerait à un cœur brisé etc.

234 Emoto Mazaru, Messages de l’Eau , Hado publishing, 2001.

164

PHOTOGRAPHIES DES TESTS SONORES D’EMOTO Les cristaux sont présentés avec les morceaux correspondants à leur écoute.

La Pastorale de Beethoven Symphonie N° 40 Sol mineur de Mozart

Les Variations Golberg de Bach Les Adieux de Chopin

Musique thérapeutique Hado Un sutra tibétain

Kawachi , danse populaire Coréenne Heartbreak Hotel d’Elvis Presley

Musique heavy metal Une musique très populaire au Japon

165

Le Dr Emoto met en évidence ici que la réceptivité de la musique par les molécules d’eau, affecterait tous les organismes vivants, dans le sens où ces derniers sont constitués principalement d’eau. En parlant d’un œuf humain fertilisé par la rencontre d’un spermatozoïde et de l’ovule, il explique : « à cet instant, il est constitué de 95 % d’eau, autrement dit, ce n’est pratiquement que de l’eau. A l’âge adulte, l’eau constitue encore 70 % du corps humain. » Si l’eau est aussi sensible aux vibrations sonores que les expériences menées par ces chercheurs le laissent entendre, elle pourrait alors participer à notre système de perception des sons. Nous savons dès lors que tout sujet constitué d’eau va être sensible, consciemment ou non, à la réception d’un événement sonore.

Les figures de Chaldni 235 : En 1790, le juriste, musicien et physicien Ernst Chaldni expose des représentations graphiques obtenues à partir d’un son. Sur une fine plaque de métal élastique (cuivre ou bronze) fixée sur un pilier en son milieu, est disposée une certaine quantité de sable très fin, comme de la poudre de lycopode. Cette plaque est alors frottée sur un coté avec le doigt ou un archet.

Le sable s’éloigne alors naturellement des zones vibratoires les plus fortes. Nous voyons donc, sur ces illustrations, deux types de zones : celles qui vibrent (en blanc) et celles qui ne vibrent pas et où vont se regrouper les grains de sable (en noir). Des figures apparaissent alors en fonction de la fréquence propre de la plaque et de l’intensité de la vibration. Plus la fréquence est élevée, plus le dessin est compliqué et détaillé. Que signifie cette découverte ? Chaldni a démontré que le son affecte la matière physique et qu’à chaque fréquence correspond une figure géométrique spécifique

166

La Cymatique de Hans Jenny 236 En 1967, le Docteur Suisse Hans Jenny publie le livre : « Cymatics - The Structure and Dynamics of Waves and Vibrations » dans lequel il décrit les formes et les mouvements de diverses substances (sables, spores, particules métalliques, eau, substances visqueuses etc.) sur des plaques de métal ou autres membranes mises en vibration. Il mit au point un appareil appelé « tonoscope » lui permettant de sélectionner précisément la fréquence et l’amplitude des sons émis. Tout comme pour Chaldni deux siècles plus tôt, il put constater la formation des figures géométriques, mais cette fois ci, avec le tonoscope, il lui était possible de contrôler le développement de ces figures.

Ainsi nous pouvons remarquer, en six étapes, le développement d’une fréquence selon son amplitude avec du sable (à gauche), et six fréquences différentes photographiées à partir d’une goutte d’eau (à droite). Ces figures enchaînées correspondent à une mélodie. Ci-dessous des clichés en couleur et sur le CD joint, un extrait vidéo de ces expériences (voir annexes, CD : documents vidéos : cymatic.mov).

235 Informations recueillies sur l’encyclopédie musicale « the new grove » 17- Stanley Sadi ed. 1980. 236 Informations et images recueillies sur le site officiel : http://www.world- mysteries.com/sci_cymatics.htm, le 06/11/05.

167

Effet de la musique et du son sur le végétal :

Tests sonores sur les plantes de Tompkins et Bird 237 : Peter Tompkins et Christopher Bird ont réalisé de nombreuses expériences avec des plantes vivantes soumises à une musique bien audible. Ils ont rassemblé un ensemble d’exemples tendant à prouver que les plantes réagissent positivement à certains types de musique où, plus simplement, à des sons qui seraient joués dans leur entourage. Les expériences décrites se sont déroulées en Inde, au Canada et aux Etat- Unis et montrent que ces plantes ont germé et poussé plus rapidement, ou ont produit plus de fruits, en présence de sons aussi variés que des ragas indiens, retransmis par haut-parleur dans des rizières, la Rhapsody in Blue, interprétée continuellement jour et nuit, une émission continue de sons forts et aigus, ou sans hauteur particulière, un diapason électrique mis à vibrer pendant une demi-heure, à l’aube. Ils précisent en revanche que la note « fa », jouée huit heures par jour, ou des bruits aléatoires, peuvent retarder la croissance des plantes soumises à l’expérience, ou même les tuer. « S’il est évidemment impossible de formuler des généralités à partir des données éparses fournies par des chercheurs isolés, on peut dire que les plantes sont apparemment florissantes dans les circonstances qui précipiteraient un homme dans la folie. 238 » Nous voyons alors se profiler la polémique des différences de perceptions des sons et de la musique selon les sujets. Ces expériences nous fournissent des informations sur les rapports entre des sons émis et leur sujet récepteur, mais ne permettent pas de déduire les propriétés de tel ou tel son/musique de manière générale.

Tests sonores sur les plantes de Dorothy Retallack 239 : Les expériences de Dorothy Retallack, réalisées entre 1968 et 1971 au Temple Buell College (Colorado), s’appuient sur l’inclinaison des plantes vers les hauts parleurs au cours des tests sonores. Ces expériences visaient à mettre en évidence les

237 D’après Joscelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre , Albin Michel. 1994 , Tompkins et Bird, The Secret Life of Plants , (La Vie secrète des plantes), tr. L. Flournoy, Paris, Robert Laffont, 1975. 238 Commentaire de J.Godwin, , Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit. 239 D’après Joscelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit. Dorothy Retallack, The Sound of Music and Plants , Santa Monica, Californie, DE Vorss, 1973. 168

effets de certains styles de musique ; observons l’échelle des réactions qu’elle a enregistrée :

- La musique de sitar hindoue Les plantes - La musique classique occidentale des XVIIIè et XIX siècles s’inclinent vers - La Paloma jouée sur des instruments à cordes la source sonore - Jazz (Armstrong, Ellington)

Les plantes sont - le silence indifférentes à la - la musique Country and Western source sonore - quatuors à cordes de Schönberg, de Berg et de Webern

Les plantes se - La Paloma jouée sur des tambours d’aciers détournent - La musique pop à percussion ou « hard rock » de la source sonore

Les résultats de ces expériences ont déclenchés des réactions très fortes pour certains, défendant leurs styles musicaux, et pour d’autres qui se rangeaient défendaient plutôt du côté des plantes cobayes. Quoi qu’il en soit, ces résultats sont à comparer avec ceux du Dr Emoto. Ils semblent tous deux indiquer que les musiques classiques occidentales auraient tendance à déclencher des effets positifs et qu’au contraire les musiques « hard rock » et « heavy metal » (rythme et timbre très chargés) auraient des répercutions plus néfastes sur le sujet récepteur. La musique populaire et médiatisée suivraient les mêmes appréciations.

Effet de la musique et du son sur l’animal : Certains animaux utilisent leur aptitude à couvrir une large bande de fréquences à des fins diverses 240 :

• Les éléphants utilisent les infrasons pour communiquer à plusieurs kilomètres de distance.

• Les chauves-souris utilisent les ultrasons avec leur système d’écholocation leur permettant de se déplacer dans le noir total.

169

Le sonar des cétacés : Dans le monde animal, certaines espèces utilisent naturellement les propriétés du son par leur réfléchissement sur la matière comme un moyen de se repérer dans l’espace. C’est le cas des cétacés, en général, qui possèdent un sens de l’audition s’étendant bien au-delà des possibilités humaines. Joscelyn Godwin explique dans son ouvrage que « puisque le son circule loin dans l’eau et se propage à une vitesse quatre fois plus grande que sur terre, il est erroné de penser que l’océan est silencieux, ou de considérer que ses habitants sont aussi muets que des poissons d’aquarium .» 241 L’auteur précise ensuite que, tout comme pour les chauves souris qui repèrent leurs proie grâce aux ultra-sons, les cachalot, épaulards, dauphins et marsouins utilisent un organe qui localise les échos et transmet des données relatives à la distance, la taille, la forme, l’espèce, et même, paraît-il, les intentions des autres animaux. Le système du sonar nous permet de comprendre que les fréquences sonores, bien que non perçue par l’oreille humaine, sont porteuses d’informations. Seuls certains organes sont capables de déchiffrer ces hautes fréquences, mais selon certains paramètres, comme le volume, elles pourraient avoir des répercussions sur les sujets ne possédant pas un tel organe. Le sonar des dauphins, qui fonctionne par le recyclage et non l’expulsion d’air, leur permettrait également d’imiter les paroles humaines et serait potentiellement si puissant qu’ils pourraient s’en servir pour étourdir ou tuer les poissons dont ils se nourrissent.

Athanasius Kircher : « Athanasius Kircher relate comment il a vu attiré des espadons par la musique lors d’un voyage en Sicile en mai 1638. Les pécheurs attiraient leurs proies en faisant sonner des cloches et en entonnant une certaine chanson - aucune autre ne faisait l’affaire -, après quoi l’espadon se rapprochait assez pour être à porté de harpon. Au début nous dit Kircher, il croyait que la chanson était une incantation, qui provoquait l’effet voulu par l’entremise des démons. Mais après avoir réfléchi, il opta pour une explication naturelle qu’il préféra à l’explication superstitieuse. L’expérience lui avait appris que tout son se propage sphériquement depuis la source et que, lorsqu’il rencontre divers obstacles, la plupart ne répondrons pas tandis que certains se mettront en mouvement sympathique. Ainsi, comme pour l’expérience de deux luth, ou du pavé dessellé que faisait vibrer une note d’orgue spécifique, il supposa que certains animaux

240 Informations recueillies dans l’encyclopédie Wikipédia.

170

répondait peut-être à des sons spécifiques, parce que quelque chose contenu dans leur ‘‘ esprit animaux ou fantaisie’’ vibrait en sympathie. Dans certain cas, dit-il, le phénomène concerne une espèce toute entière ; tous les ours par exemple, adorent écouter la flûte. Dans d’autres, c’est l’individu qui est concerné, comme lorsque nous donnons des noms propres aux chiens, aux chevaux et aux autres animaux domestiques. Kricher avait même entendu parlé d’un dauphin nommé Simon et d’une mainate appelé Martin qui venaient toujours quant on les appelait par leur nom. Pourquoi les pécheurs Siciliens n’auraient-ils pas découverts les sons avec lesquels les espadons sont, en quelque sorte, accordés et auxquels, automatiquement, ils répondent ? »

Edith Lecourt 242 :

« Influence sur l’allaitement : Vaches : augmentation de la production qui passe de 15 a 20 % avec une musique agréable. Contrairement dans un environnement bruyant : production diminuée de 35 %. En fait, il est difficile de mettre en évidence l’effet réel du bruit et de la musique. La nocivité du bruit dépendrait de l’intensité et de la durée : études faites pour 60-90 décibels : résultats très variables qui consistent a penser que le bruit est stressant pour un individu déficient à un certain niveau. En effet, les expériences de laboratoires n’ont été faites que sur des animaux emprisonnés ; avec des animaux en liberté, les résultats sont beaucoup plus difficiles a interpréter. On prends des animaux déjà stressés (densité ou solitude, fixité, etc.) on sait que l’agressivité des souris est multiplié par 2.

241 Joscelyn Godwin, les harmonies du Ciel et de la Terre , op.cit. Savold David “how do whales catch their dinner?” in sciences 85, t. VI, n°4 (mai 1985), p. 26. 242 Lecourt Edith, la pratique de la musicothérapie, Paris, ESF, 1977.

171

Annexe 3 FRISE DE LA SERIE DES HARMONIQUES : progression logarithmique en fonction des intervalles

Fondamentale 8v . 5te 8v . 3ce 5te 7è 8v . 2d 3ce 4te 5te 6te 7è 7è+ 8v .

1 2 4 8

Harmoniques H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 H9 H10 H11 H12 H13 H14 H15 H16 Rapport 1/1 1/2 3/2 1/4 5/4 6/4 7/4 1/8 9/8 10/8 11/812/813/814/815/816/8 Notes Ut do Sol do mi Sol sib- do ré mi fa#- sol la sib- si do Raga sa sa Pa sa ga Pa ni sa re ga ma pa da ni ni sa

Annexe 4 SPIRALE DE LA SERIE DES HARMONIQUES : progression linéaire en fonction de la fréquence (incrément = 1)

Rapports des intervalles en fonction de la fondamentale (H1): H2 / H4 / H8 / H16 : octave H 9 : seconde H3 / H6 / H12 : quinte H11 : quarte augmentée H5 / H 10 : tierce H13 : sixte H7 / H14 : septième mineure H15 : septième majeure 172

Annexe 5

REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES PAR ALAIN DANIELOU

1 2

Ut Ut

(32) (64)

1/1 2/1

2 3 4

Ut Sol Ut

(64) (96) (128)

2/1 3/2 4/2

4 5 6 7 8

Ut Mi Sol Sib- Ut

(128) (160) (192) (224) (256)

4/2 5/4 3/2 7/4 8/4

8 9 10 11 12 13 14 15 16

Ut Ré Mi Fa¼ Sol La- - Sib- Si Ut

(256) (288) (320) (352) (384) (416) (448) (480) (512)

8/4 9/8 5/4 11/8 3/2 13/8 7/4 15/8 16/8

16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 Ut Réb Ré Mib Mi Fa- Fa¼ Solb- Sol Lab- La- - La+ Sib- Sib¼ Si si¼ Ut

(512) (544) (576) (608) (640) (672) (704) (736) (768) (800) (832) (864) (896) (928) (960) (992) (1024) 16/8 17/16 9/8 19/16 5/4 21/16 11/8 23/16 3/2 25/16 13/8 27/16 7/4 29/16 15/8 31/16 2/1

Les intervalles en italiques ne sont pratiquement pas utilisés en musique Alain Danielou , traité de musicologie comparée , Herman, 1959. p.37 (Reproduction)

173

Annexe 6

REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES PAR LE GROVE

les 25 premières harmoniques :

Harmonique Intervalle depuis la fondamentale Note Intervalle entre les Harmoniques

1 Do 1200 cents (octave) 2 1 octave do 701-96 cents (5 te juste) 3 1 octave + 701-96 cents sol 498-04 cents (4 te juste) 4 2 octaves do’ 386-31 cents (3 ce majeure) 5 2 octaves + 386-31 cents mi’ 315-64 cents (3 ce mineure) 6 2 octaves + 701-96 cents sol’ 266-87 cents 7 2 octaves + 968-83 cents 231-17 cents 8 3 octaves do’’ 203-91 cents (ton majeur) 9 3 octaves + 203-91 cents ré’’ 182-40 cents (ton mineur) ) 10 3 octaves + 386-31 cents mi’’ 165-00 cents 11 3 octaves + 551-32 cents 150-64 cents 12 3 octaves + 701-96 cents sol’’ 138-57 cents 13 3 octaves + 840-53 cents 128-30 cents 14 3 octaves + 968-83 cents 119-44 cents 15 3 octaves + 1088-27 cents si’’ 111-73 cents (demi-ton diatonique) 16 4 octaves do’’’ 104-96 cents (utilisé par J.Wallis) 17 4 octaves + 104-96 cents 98-95 cents (utilisé par J.Wallis) 18 4 octaves + 203-91 cents ré’’’ 93-60 cents (utilisé par J.Wallis) 19 4 octaves + 297-51 cents 88-80 cents (utilisé par J.Wallis) 20 4 octaves + 386-31 cents mi’’’ 84-47 cents 21 4 octaves + 470-78 cents 80-64 cents 22 4 octaves + 551-32 cents 76-96 cents 23 4 octaves + 628-27 cents 73-68 cents 24 4 octaves + 701-96 cents sol’’’ 70-67 cents (demi-ton chromatique) 25 4 octaves + 772-63 cents sol# ’’’

The new Grove, Dictionary of MUSIC & MUSICIANS , Stanley Sadie, 1980 (Traduction)

174

Annexe 7

REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES

traduction de l’anglais : Série harmonique, Fondamental = Do 2 + 15 harmoniques (H1 – 16) Fréquences (vibration par seconde) en Hz commençant à partir de Do 2 = 65,4 Hz Document recueilli en Septembre 2005 sur : http://khoomei.com/harmonic.htm

REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES

The first 12 partials of a harmonic series for the fundamental pitch A1 (ca. 55 Hz.).

traduction de l’anglais : Les 12 premiers partiels de la série de harmoniques pour une fondamentale en La1 (55Hz). Document recueilli en Septembre 2005 sur : http://cnx.rice.edu/content/m11118/latest

175

Annexe 8 REPRESENTATIONS DE LA SERIE DES HARMONIQUES

Série des harmoniques : les 5 premières octaves les harmoniques en rouge sont des notes utilisées en musique, les jaunes ont des rapports comme l’expliquait Daniélou, dont les chiffres premiers sont supérieurs à 5, et donc perçus comme étant « faux » à l’oreille humaine. (Exemple sonore sur le CD : série des harmoniques midi / harmonic_series_first_five_octaves.mid)

Les 500 premières harmoniques en accord arpégé Les lignes bleues qui suivent chaque harmonique représentent leur durée (Exemple sonore sur le CD : série des harmoniques midi / harmonic_series_500_as_chord.mid)

Documents recueillis en Septembre 2005 sur le site : http://www.tunesmithy.connectfree.co.uk/harmonic_series_notes_sound_well_together.htm

176

Annexe 9

REPRESENTATIONS DE LA SERIE DES HARMONIQUES

Document recueilli en Novembre 2005 sur le site : http://marc.terrien.free.fr/musique/lexique.php?mot=harmonique

177

Annexe 10

TABLEAU DES PROPORTIONS DE L’OCTAVE

Dodécaphone Rapport Cents Commas Harmoniques Naturelles Fréquence Tempéré Arithmétique

Do 1200 56 H2 (/4/8/16) 2 / 1 2 523 Hz

Si 1100 52 ------1.888 494 Hz

1110 50 H15 15 / 8 1.875 480 Hz

Sib 1000 47 ------1.782 466 Hz

980 45 H7 / H14 7 / 4 1.750 448 Hz

La 900 42 ------1.682 440 Hz

870 39 H13 13 / 8 1.625 416 Hz

Sol# 800 37 ------1.587 415 Hz

732 33 H3 / H6 / H12 3 / 2 1.500 392Hz

Sol 700 33 ------1.498 384 Hz

Fa# 600 28 ------1.414 370 Hz

555 25 H11 11 / 8 1.375 352 Hz

Fa 500 23 ------1.355 349 Hz

Mi 400 18 ------1.260 330 Hz

399 18 H5 / H10 5 / 4 1.250 320 Hz

Ré# 300 14 ------1.189 311 Hz

Ré 200 9 ------1.125 294Hz

199 9 H9 9 / 8 1.122 288 Hz

Do# 100 4 ------1.059 277 Hz

Do 0 0 H1 1 / 1 1 262 Hz

D’après les travaux d’Alain Daniélou et de Philippe Bougon

178

Annexe 11

Déclinaison des octaves et de leur manifestation selon l’échelle des fréquences

Document issu de l’ouvrage de Maela et Patrick Paul, Le chant sacré des énergies, présence, 1893.

179

Annexe 12

SCHEMA DE L’OREILLE

Document recueilli dans le manuel d’initiation à l’ingénierie du son , Ricardo Jacobsohn, Université Paris 8, Département Musique.

180

Annexe 13

Les trompes naturelles shofar et ‘ hassar Luc Breton, Amour et sympathie p.25, La Mère des Hystoires : descendance d’Adam, Paris, 1468, Bibliothèque Cantonale universitaire (Lausanne Suisse).

Trompes naturelles et trompette marine joués par des anges Max Engel, Amour et sympathie p.91 Hans Memling, Triptyque , Couvent des Bénédictines de Najera, 1488

181

Annexe 14

Représentation d’un monocorde par R. Fludd Luc Breton, Amour et sympathie , Godwin J. ; Robert Fludd, London, Thames & Huston Ltd, 1979, planche 45, p.45.

182

Représentation d’un monocorde par R. Fludd Luc Breton, Amour et sympathie, Godwin J. ; Robert Fludd, London, Thames & Huston Ltd, 1979, planche 48, p.47.

183

Annexe 15

Trompette marine Trompette marine Max Engel, Amour et sympathie , p. 94 Amour et sympathie , p.320 Filippo Bonanni : Gabinetto armonico (Rome 1723), Pl. LXI Paris, Musiée de la Musique E. 75, C. ancienne collection Clapisson.

Trompette marine Max Engel, Amour et sympathie , p.94 Giovanni Bracelli, 1599, in Georg Kinsky, katalog der Musikinstrumentenmuseen von Wilhelm Heyer in Cöln (Paris, 1912).

184

Annexe 16

Baryton de Simon Schödler Amour et Sympathie p.155

Violon d’amour, fin XVIIIè, Amour et sympathie , p. 170, Paris, Musée de la musique E. 512, C. 136. Collection de DrFaux

185

Hardingfele d’Andres Heldahl, Amour et sympathie , p. 329, Bergen, 1892, Collection de musique du Musée Historique de Bäle n°1972, 7608

Nickelharpa avec archet, non signée, Amour et sympathie , p. 330 Scandinavie, XIXè. Collection de musique du Musée Historique de Bäle n°1905, 462.

186

Annexe 17

Harpe éolienne Athanasius Kircher Amour et sympathie , p.116 Neue Hall-und Tonkunst , Nördkingen 1684, fac-similé Hanovre, 1983, p.106

Violon de fer, auteur inconnu, Amour et sympathie p.328, XVIIIè. Paris, Musée de la Musique E. 228, C. 766 Ancienne collection Clapisson

187

Annexe 18

Instruments harmoniques occidentaux modernes

le waterphone de Richard Waters images recueillies en Octobre 2005 sur le site : http://www.richardawaters.com/waterphone

tambour harmonique monocorde percussion harmonique en terre cuite

photos prises en Août 2005 lors du festival : les 5èmes Noces Harmoniques au Thoronet.

188

Instruments harmoniques occidentaux modernes

Thomas Bloc et le cristal Baschet Image recueillie en Octobre 2005 sur le site : http://www.chez.com/thomasbloch/engCHRIS.htm

Le Harmonic Canon de Harry Partch Image recueillie en Octobre 2005 sur le site : http://musicmavericks.publicradio.org/features/feature_partch.html

189

Annexe 19

Joueur de guimbarde

Joueur de flûte harmonique

Photos prises lors du festival « le Rêve de l’Aborigène » et recueillies sur en Septembre 2005 sur : http://www.ventdureve.net/pages/photos2005.htm

190

Annexe 20

PHOTOGRAPHIES KIRLIAN DU PHENOMENE DE L’AURA

Photographie kirlian d’une pomme tranchée

Photographies kirlian d’une feuille d’arbre

Résultat d'une expérience du biologiste de l’anglais Ruppert Sheldrake tendant à montrer l'existence des « Champs Morphogénétiques ». La feuille de gauche est entière ; sur l'image de droite, on a découpé le sommet de la feuille, la trace énergétique de la plante (en rouge) subsiste. Images recueillies en Septembre 2005 sur le site : http://www.swordmagick.com/science/kirlian.html

191

Annexe 21

Représentation des chakras vus de profil

Document issu des travaux d’Oriane Robidou

192

Annexe 22

Systeme de résonance du corps humain par la Psychophonie

Illustration de la résonance des sons selon la psychophonie de Marie-Louise Aucher Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, Schéma de psychophonie , Paris, Epi,1977.

193

Annexe 23

Systeme de résonance du corps humain par la Psychophonie

Illustration de la résonance des sons selon la psychophonie de Marie-Louise Aucher Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, Schéma de psychophonie , op. cit.

194

Systeme de résonance du corps humain par la Psychophonie

Le système sympathiques et ses correspondances sonores Schéma issu de l’ouvrage de Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, Schéma de psychophonie , op. cit.

Illustrations de la résonance des sons sur le corps selon la psychophonie Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression , op. cit.

195

Annexe 24 COUPLE MERIDIEN ORGANE

QUINTE NOTE YIN QUINTE QUINTE QUINTE NOTE YANG MERIDIEN YANG NOTE MERIDIEN NOTE MERIDIEN MERIDIEN YIN PAIRE ORGANE PAIRE IMPAIRE IMPAIRE ORGANE

12° 81/80 VESICULE Fond. Fondam. 1/1 7° Seconde 2187/1024 FOIE 19° 27/25

14° 256/225 ESTOMAC 2° Seconde 9/8 9° Tierce 6/5 RATE PANCREAS 21° 8000/6561

16° 32/25 GROS INTESTIN 4° Tierce 81/64 11° Quarte 27/20 POUMONS 23° 2187/1600

18° 36/25 INTESTIN GRELE 6° Quarte 729/512 1° Quinte 3/2 CŒUR 13° 243/160

20° 32000/19683 VESSIE 8° Sixte 8/5 3° Sixte 27/16 REINS 15° 128/75

22° 4000/2187 TRIPLE RECHAUFFEUR 10° Septième 9/5 5° Septième 243/128 MAITRE CŒUR 17° 48/25

24° 6561/6400 VAISSEAU CONCEPTION 12° Octave 81/80 13° Quinte 243/160 VAISSEAU GOUVERNEUR 25° 192/125

Document issu des travaux de Philippe Bougon

197

Annexe 25 LE DIVIN ET LES GAMMES

La3=440 Hz SEPTIEME=7/4=448 Hz NORMALISE SIXTE3=27/16=432 Hz Sol3=391,9955 FREQUENCE FREQUENCE EN OCTAVE EN GAMME GAMME Rang n QUINTE3=384 Hz Do n NATURELLE TEMPEREE Hz Hz

Do3=261,62573 16743,92 Do+9 14° 16384 FOND. 3=256 Hz

8371,97 Do+8 13° 8192

Sol3/Do3=1,498306 4185,99 Do+7 12° 4096 QUINTE3/FOND.3=1 ,5=3/2 2092,998 Do+6 11° 2048 ON NE SONNE PAS 10046,5 Do+5 10° 1024 ON SONNE

523,25009 Do+4 9° 512 261,62573 Do+3 8° 256

130,81294 Do+2 7° 128

65,406256 Do+1 6° 64

32,703294 Do 0 5° 32

16,351661 Do-1 4° 16 ON TEND 8,175365 Do-2 3° 8 ON VA VERS LE 4,0879222 Do-3 2° 4 VERS LE DIVIN # 1 2,0439268 Do-4 1° 2 DIVIN = 1 1,0219814 Do-5 0° 1

Document issu des travaux de Philippe Bougon

198

Annexe 26

document issu des travaux de Philippe Bougon la courbe continue représente la vibration naturelle, celle en pointillée désigne le tempérament égal.

199

Annexe 27 Les harmoniques du corps

Illustration tirée du livre de John Beaulieu, Music and sound in the Healing Arts, New York, Station Hill Press, 1987 p.88.

200

Annexe 28 - Liste des plages du CD -

CD : Résonance et perception des harmoniques naturelles

La plage 01 contient des fichiers vidéos et midi :

• documents vidéos : cymatic.mov ; demo_hang.avi ; tacoma.avi ; wineglass.avi. • série des harmoniques midi : harmonic_series_500_as_chord.mid ; harmonic_series_as_chord.mid ; harmonic_series_first_five_octaves.mid

Extraits sonores de techniques musicales utilisant les harmoniques

02. Mélodie à l’ amirge . Corne de chasse Tuva (extrait) TUVA Voices from the center of Asia , Smithsoninan folkways. 1990

03. Arc musical de Centrafrique Instruments de musique du monde , CNRS collection du musée de l’homme

04. Le Khomous des Yakoutes (Extraits) Musique de la Toundra et de la Taïga , Auvidis, 1987

05. Trio de guimbardes , musique carnatique de l’Inde River Yamuna , music of the world

06. Flûte nar et chant (extraits) Flûtes du Rajasthan , CNRS collection du musée de l’homme

07. Flûte yapurutu du sud de la Colombie Soleil Inca , playa sound.

08. Flûte de Norvège seijfloyte : Knut heddis minne Suède Norvège , Musique des vallées scandinaves , Ocora 1993

09. Chant sigit Tuva TUVA Voices from the center of Asia, Smithsoninan folkways. 1990

10. Chant kargiraa thème : Artii-Sayir TUVA Voices from the center of Asia , Smithsoninan folkways. 1990

11. Chant des moines de Gyüto , Initiation de Vajradhara Musiques sacrées du Tibet , Dewatshang. 1990

12. Musique de hardingfele Traditionnal sound of Norway , disque issu de la collection de Michel Bon.

13. Musique de tiêng dàn bàu par Thanh Thân, Dihavina. 201

14. Duo de didgeridoo : Paleisstraat 3PLE-D sur http://www.mt-yidaki.com

15. Duo de didgeridoo : Oanda Djalle 3PLE-D sur http://www.mt-yidaki.com

16. Duo de fujara et guitare Extrait recueilli sur : http://www.fujara.sk/audio_samples.htm#marco

17. Double guimbarde H’Mong Steve Kindwahl, floating words .

18. Cithare harmonique : danse pour une paix intérieure Harmoniques du temps , Pierre Jean Croset, Radio France,1988.

19. Harpe éolienne South wind , Windsong, Roger Windfield, saydisc.

20. Sarah Hopkins , musique pour violoncelle, chant tibétain et whirlie . Extrait recueilli sur : http://www.fujara.sk/audio_samples.htm#marco

21. Bol en cristal et chant diphonique Cristal Énergie, Gaudry Normand, extrait recueillie sur : http://www.crystalsanctuary.com

22. Tuyau harmonique Enregistrement au dans l’abbaye du Thoronet, 2003.

23. Flûte strictement harmonique : aperçu de l’ambitus d’une flûte sans trou de jeu. Enregistrement au dans l’abbaye du Thoronet, 2003.

24. Chants diphoniques en résonance : Improvisation vocale inspirée des chants de D. Hykes Enregistrement au dans l’abbaye du Thoronet, 2003.

25. Jeu de ravanahatta avec les cordes sympathiques libres et frottées Enregistrement à Paris, 2003.

26. Les harmoniques subtiles du shakuhachi Enregistrement à Paris, 2003.

27. Les sonorités du waterphone : one ocean Richard Waters, recueilli sur http://www.richardawaters.com/waterphone

28. Bols en métaux Epanouissement des Chakras, Bols chantants pour équilibrer les centres d’énergie, Binkey Kok Publication, 2002.

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206

TABLE DES MATIERES

Avant-propos ...... 2

Introduction ...... 4

I Les lois naturelles du son 1. les harmoniques naturelles 11. Définition d’une harmonique ...... 6 12. Le timbre d’un son et le spectre harmonique ...... 8 13. La série des harmoniques...... 10 14. Instruments de mesures des harmoniques ...... 15 15. Formation des gammes naturelles par le découpage de l’octave...... 17 2. Sympathie acoustique et résonance 21. Présentation du phénomène ...... 23 22. Théorie de la résonance ...... 25 23. La résonance des objets ...... 26 24. Les cordes sympathiques...... 27 25. La résonance des lieux...... 29 26. Les inconvénients de la résonance ...... 29

II Capacité a percevoir les sons Les attributs perceptibles du son...... 34 1. L’oreille capte 11. L’oreille externe...... 36 12. L’oreille moyenne...... 37 13. L’oreille interne ...... 37 2. Le corps ressent 21. Hyper-sensibilité tactile Les basses amplifiées et le corps...... 38 22. Les basses amplifiées et le corps ...... 42 23. Conductibilité du son ...... 44 24. La musique des sourds ...... 47 25. La vibro-acoustique , un phénomène tactile ...... 50 3. Le cerveau traite 31. Perception et cognition ...... 53 32. Consonances / dissonances ...... 57

III Les chants diphoniques et leurs effets 1. Présentation 11. Plusieurs appellations pour un seul phénomène...... 61 12. Une seule appellation pour plusieurs phénomènes ...... 62 13. Description du chant diphonique ...... 62 14. La mise en résonance du chant diphonique ...... 64 2. Les chants diphoniques traditionnels 21. Tuva et Mongolie...... 65 22. Les chants sacrés du Tibet ...... 69 23. La Sardaigne : la Quintina ...... 72 24. Autres traditions vocales : Afrique du Sud, Rajasthan, Formose...... 75 3. Approches des chants diphoniques en occident : 31. Le chant en résonance...... 76 32. Trân Quang Hai ...... 78

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IV Les instruments de musiques harmoniques et leurs effets 1. Présentation 11. Définition ...... 82 12. Une appellation justifiée ? ...... 83 13. Instruments harmonique ou instrument inharmonique ? ...... 85

2. liste des instruments traditionnels et anciens 21. Idiophones...... 86 22. Aérophones...... 97 23. Membranophones...... 107 24. Cordophones...... 108 25. Les instruments à cordes sympathiques ...... 111 3. Instruments harmoniques modernes 31. Instruments d’eau et de cristal...... 117 32. Des percussions harmoniques ...... 119 33. Les harmoniques du vent ...... 121 34. Les cithares harmoniques...... 126

V Effets des musiques harmoniques et thérapie par les sons harmoniques

Rappel sur la musicothérapie ...... 129 1. Les harmoniques, un phénomène de mode 11. Effets sur un public occidental...... 134 12. Les thérapies ésotériques ...... 136 13. Inspiration de la culture indienne...... 139 2. Les thérapies par le chant harmonique 21. Marie-Louise Aucher ...... 141 22. Interprétations populaire...... 142 23. Oriane Robidou...... 143 24. Philippe Bougon ...... 145 25. Trân Quang Hai ...... 145 3. Les thérapies par les instruments harmoniques 31. Acuponcture sonore ...... 148 32. Thérapie réceptive ...... 151 33. Thérapie active...... 155

Conclusion ...... 160

Annexes ...... 163

Bibliographie ...... 203 Discographie ...... 205 Références Internet ...... 206

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Remerciements :

Je tiens à remercier particulièrement M.Philippe Michel pour m’avoir soutenu et encouragé tout au long de ce travail ; Philippe Bougon pour m’avoir invité à partager sa passion pour la résonance des modes anciens dans les églises cisterciennes, mais aussi Josiane Chartier, Marie-thérese Marin du Bard et Oriane Robidou ; Michel Bon pour m’avoir reçu chez lui et conseillé dans mes recherches sur les effets psychologiques de la musique, pour m’avoir fait participer aux séances de « mandala sonore » et pour m’avoir tant encouragé ; M. Trân Quang Hai pour son accueil, son soutiens, son travail et sa générosité ; l’équipe de l’Exploration de Recherche Harmonique de Jacques Dudon aux hameaux des Camailles ; Jérôme Desigaud pour son idée de « jonglerie harmonique » et son aide dans la réalisation de celle-ci ; Nicolas Esco pour son soutiens et son aide dans l’expérimentation des tuyaux harmoniques ; Stéphane et Pierre-Yves Voisin pour leurs conseils et leur générosité ; l’association vent du rêve pour son festival, M. Tserendavaa pour ses conseils en chant Khoomei ; Mathieu Hezzart et la troupe de musiciens mongole qu’il a su accueillir en France ; Lewis Burn pour son accueil et sa représentation ; Jonathan Cope et Barbara Blackmore pour leur accueil, leurs conseils et leur générosité ; Jean Paul Rigaud, Iegor Reznikoff et John Wright pour les conversations qu’ils ont bien voulu m’accorder ; Talaron pour ses conseils concernant le didgeridoo, Nicolas Gégout pour l’enregistrement des performances sonores dans l’abbaye du Thoronet et chez lui même ; Olivier Fraysse pour tout ce qu’il a pu me faire partager dans le domaine énergétique ; Vincent Aumont ainsi que mes parents pour leur précieux soutient et pour leurs corrections.

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