Il viaggio in Dall’antichità ai nostri giorni a cura di Aldo Ferrari, Sona Haroutyunian, Paolo Lucca

Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Gaṙni Anahide Kéfélian University of Oxford, UK

Abstract Nestled in lush greenery and an area of outstanding geological interest, the archaeological site of Gaṙni has aroused enthusiasm from travellers over the centuries. By analysing travel literature, this paper shines new light on how travellers’ writings can improve our knowledge of Gaṙni. This study is divided into three parts. The first part focuses on archaeological data and the preservation of Gaṙni throughout the centuries. The second part examines the sources used by the travellers to draw up their narrative. The last part deals with their methodology and their approach while contextualising the rise of Archaeology as a scientific field.

Keywords Gaṙni. Armenia. Travel literature. Western travellers. Rise of archaeology, 17th to 19th centuries.

Sommaire 1 Introduction. – 2 Du récit aux vestiges archéologiques. – 3 À la recherche des sources : de l’imaginaire collectif aux sources littéraires anciennes. – 4 Les récits de voyages : témoins de l’essor de l’Archéologie. – 5 Conclusion.

1 Introduction

Situé à l’écart des grands axes, le site arménien de Gaṙni est l’un des rares vestiges antiques très bien conservés pendant de nombreux siècles. Il est re- lativement peu abordé dans les récits de voyageurs comparés à d’autres sites historiques et archéologiques de la plaine de l’Araxe tels qu’Artašat et Ēǰmia- cin. Cette raréfaction dans les sources provient en grande partie du fait de l’isolement du site, placé en hauteur et difficile d’accès. L’Arménie n’étant plus un état depuis la chute du Royaume de Cilicie en 1375, il est par conséquent plus difficile d’identifier le territoire de l’Arménie ancienne, partagée entre les empires ottoman et perse, puis, plus tard, entre

Eurasiatica 17 e-ISSN 2610-9433 | ISSN 2610-8879 ISBN [ebook] 978-88-6969-497-4 | ISBN [print] 978-88-6969-498-5 Edizioni Ca’Foscari Peer review | Open access 63 Submitted 2020-09-02 | Accepted 2020-10-30 | Published 2021-07-12 © 2021 bc Creative Commons 4.0 Attribution alone DOI 10.30687/978-88-6969-497-4/005 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni les empires ottoman et russe.1 Les appellations et transcriptions du site de Gaṙni renforcent, elles aussi, la difficulté du dépouillement du fait de leur singularité. Gaṙni est à la fois connu sous l’appellation de ‘trône de Tiridate’, ‘Gurney’ ainsi que par différentes transcriptions de ‘Gaṙni’. En 1683, Jean Chardin est le premier voyageur à mention- ner le temple de Gaṙni sous l’appellation de ‘Tact-Terdat’ et sa traduc- tion ‘trône de Tyridate’. Il en est de même pour James Morier qui, en 1818, retranscrit la même appellation de la manière suivante ‘Takht Tiridate’. Ce n’est que trois années plus tard, lors de la publication de Sir Robert Ker Porter, que l’appellation ‘Tackt‑i‑Tiridate’ et celle de ‘Gaṙni’ – sous la forme de ‘Gurney’ – sont associées. Par la suite, le site est alors dénommé ‘Gaṙni’ et est retranscrit phonétiquement selon la langue d’origine des voyageurs. C’est pourquoi les transcrip- tions de Frédéric Dubois de Montperreux, John Telfer et Henry Finnis Blosse varient sous les formes – ‘Karhni’, ‘Gharny’, ‘Garni’. La présente étude étant fondée sur le genre littéraire des récits de voyages, elle ne tient pas compte, par conséquent, des autres genres littéraires tels que les études d’Alishan ou de Saint Martin sur la lit- térature et l’histoire de l’Arménie, publiées au XIXe siècle. La théma- tique de cette recherche étant dédiée aux voyageurs occidentaux, la présente étude ne prend pas non plus en considération la vision de Gaṙni dans la littérature arménienne.2 En tenant compte de ces cri- tères, seuls sept voyageurs occidentaux ont visité le site de Gaṙni : Jean Chardin au XVIIe siècle, James Morier, Sir Robert Ker Porter, Frédéric Dubois de Montperreux, John Telfer, Ernest Chantre et son épouse ainsi qu’Henry Finnis Blosse Lynch au XIXe siècle.3 Étudier les récits de voyage permet de nous interroger sur leur apport dans la connaissance du site de Gaṙni. Ainsi, ces récits sont alors étudiés à travers le prisme des données archéologiques : deux exempla dont l’un sur la conservation du site et l’autre sur l’apport de

1 Les ouvrages relatant du passage en Arménie des voyageurs peuvent amener à va- rier considérablement dans leur titre : ainsi, Jean Chardin intitule son ouvrage Voyage en Perse dont l’Arménie fait partie en tant que province. D’autres voyageurs emploient le terme de Caucase ou Transcaucasie tels que John Telfer ou Frédéric Dubois de Mont- perreux qui intitulent leur ouvrage The and Transcaucasia ou encore Voyage dans le Caucase. En revanche, James Justinian Morier, Sir Robert Ker Porter, Madame B. Chantre, Henry Finnis Blosse Lynch mentionnent dans leur titre leur passage dans le territoire arménien, réparti alors entre les empires ottoman, perse, puis, russe. Les noms des lieux et des auteurs sont translittérés selon la forme scientifique mise en place par Hübschmann-Meillet-Benveniste (HBM). Une exception est faite pour les rois et dynastes afin de faciliter la compréhension du lecteur et leur association avec les termes employés par les voyageurs. À titre informatif, Tiridate s’écrit Trdat et Tigrane/ Tigran selon la translittération HBM. 2 Cet élément pourrait faire l’objet d’un second article complémentaire à ce pre- mier opus. 3 Voir l’annexe n° 1 qui permet de faire état de manière succincte des différents voyages cités.

Eurasiatica 17 64 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni ces récits sur un ancien itinéraire routier sont alors traités. Ces élé- ments nous conduisent à étudier dans un second temps les sources de ces voyageurs qui puisent à la fois dans la mémoire collective ainsi que les sources historiques. Outre la question des sources, la ques- tion des méthodes, en plein bouleversement du XIXe siècle, est éga- lement traitée en dernier lieu.

2 Du récit aux vestiges archéologiques

Au même titre que les strates archéologiques, ces sources consti- tuent des superpositions de strates de récits qui témoignent des vi- cissitudes du site. Le premier voyageur à nous rapporter des informa- tions sur le temple de Gaṙni est Jean Chardin, un marchand proche du Shah Abbas II, qui visite l’Arménie orientale en 1672 (Howgego 2003, 1 : C102). Il rattache alors la présence du Tact‑Terdat ou ‘trône de Tiridate’, daté de 1300 années, au site d’Artašat (Artaxata) :

Ils appellent cette ville Ardachat, du nom d’Artaxerxes que les Orientaux nomment Ardachir, & qu’on voit parmi ces ruïnes celle du palais de Tyridate, qui fût bâti il y a 1300 ans. Ils diſent de plus qu’il n’y a une face du Palais qui n’eſt qu’à demi-ruïnée, qu’il y reſte quatre rangs de Colonnes de marbre noir de neuf chacun, que ces colonnes entourent un grand Monceau de marbres ouvragés, & que les colonnes ſont si groſſes que trois hommes ne les ſauroient embraſſer. On appelle ce lieu où eſt cét amas de ruïnes Taċt-Ter- dat, c’eſt-à-dire le Trône de Tyridate.4

Cette mise en abîme de données sur Gaṙni, dans les propos tenus sur Artašat, provient du fait que Chardin ne se rend en personne ni à Ar- tašat, ni à Gaṙni, mais rapporte seulement des propos. Un extrait de l’Histoire de l’Arménie de Kirakos Ganjakecʿi, datée du XIIIe siècle, confirme l’association de l’appellation du trône de Tiridate à la for- teresse de Gaṙni :

Arrivé à la plénitude de la vieillesse, il [Machtots] se reposa glo- rieusement dans le Christ, et sur son corps, dépose dans le ci- metière de Garhni, en face du merveilleux trône de Trdat, l’on construisit une jolie église.5

4 Voir page 352 de l’édition d’Amsterdam, datée de 1686, tandis que pour l’édition de Londres, datée de la même année, voir page 261. Concernant l’édition parisienne, voir page 312. Se référer également à la carte de l’Arménie (annexe n° 2) illustrant l’itiné- raire des voyageurs. Cette carte permet ainsi de situer les deux sites anciens d’Artašat et de Gaṙni que Chardin confond. 5 Kirakos Ganjakec’i, Histoire de l’Arménie, 51, traduction issue de Brosset 1870, 1 : 43.

Eurasiatica 17 65 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

De même, les auteurs Sir Ker Porter et Madame B. Chantre emploient les deux appellations lorsqu’il relate de leur visite à Gaṙni.6 La des- cription de Chardin tend également à identifier le bâtiment décrit au temple de Gaṙni avec les mentions d’un monument datant du IVe siècle et possédant une colonnade sur le pourtour du bâtiment. Cette colonnade, qu’il qualifie de « marbre noir », renvoie justement à la colonnade périptère du temple de Gaṙni, en basalte bleu/gris, et le « grand Monceau de marbre ouvragé » doit très probablement faire référence à la « cella », entourée justement de la colonnade.7 Le récit de James Morier, qui visite le site d’Artašat le 14 octobre 1814 – soit un siècle et demi plus tard – renforce justement l’hypothèse de la confusion des deux sites par Chardin, car il se rend en personne sur le site où il constate alors l’absence des 4 rangées de 9 colonnes de marbre noir mentionnées par Chardin :

we took a rapid survey of the reputed remains of Artaxata, now called Ardasht, at one end of which is a high mound, called by the na- tives Takht Tiridat, or the throne of Tiridates. […] It is not necessary after this to say that we did not find the thirty-six columns of black marble which Chardin was told existed there. (Morier 1818, 316)

À l’intérieur de son récit, Chardin rapporte une information qui pa- raît pourtant anodine : ce trône de Tiridate, autrement dit le temple de Gaṙni, est en très bon état de conservation au XVIIe siècle car, se- lon l’auteur, « il y a une face du palais qui n’eſt qu’à demi-ruïnée ». Ainsi, par l’intermédiaire de cette information nous obtenons un ter- minus post quem concernant la date de destruction du temple. En re- vanche, lors de son déplacement sur le site de Gaṙni, le 26 octobre 1819, Sir Ker Porter décrit un temple en ruine avec des amoncelle- ments de pierres sur son pourtour. Par conséquent, nous obtenons une fourchette chronologique, 1672-1819, pendant laquelle le temple au- rait été détruit. Une information capitale, concernant la destruction du temple, se trouve dans l’Historiographie de Zakʿaria Kʻanakʻercʻi, datée du XVIIe siècle. Il nous rapporte que le 4 juin 1679 un tremblement de terre, dont l’épicentre était Gaṙni, détruisit de nombreux bâtiments :

In the year 1128 (1679), on June 4, God’s wrath fell upon the land of Ararat, for God, the Lord, cast his anger upon his creatures. On Tues- day, after the Ascension, at the seventh hour of the day, the earth suddenly began to rumble, as if it thundered, and after the rumble it become to shake violently. [...] This earthquake, which came from

6 Sir Ker Porter 1821-22, 2 : 624 ; Chantre 1892, 222. 7 Voir l’annexe n° 3. Il s’agit d’une photographie du temple de Gaṙni dont l’anastylose, datée des années 1970, a été réalisée par Alekʿsandr Sahinean.

Eurasiatica 17 66 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

the direction of Gaṙni toppled all buildings, beautiful homes, monas- teries, and churches. (Zakʿaria, Bournoutian 2003, 219-20)

Bien que Chardin ne se soit pas rendu sur place, son témoignage de- meure précieux car il nous transmet des indices sur le très bon état de conservation du temple au XVIIe siècle, six années avant que la région de Gaṙni ne soit frappée par un tremblement de terre qui en- dommagera, de manière profonde, la structure de l’édifice. Un second exemple confirme l’intérêt de ces récits dans l’étude du site. Cet exemple nous transmet des détails justement sur l’évolution des voies empruntées pour accéder à la forteresse de Gaṙni. C’est à l’intérieur du récit de John Telfer, qui parcourt l’Arménie au début des années 1870, que nous apprenons l’existence d’un double itinéraire pour se rendre à Gaṙni.8 Il emprunte l’itinéraire le plus récent et passe par les villages Dyervez et Ochtchapert, correspondant aujourd’hui aux villages de Ĵrvež9 et de Vołǰaberd,10 tout comme Ernest Chantre et son épouse qui nous livrent en détail leur itinéraire.11 Depuis Ere- van, les époux Chantre traversent les villages de Kanakir, Nork, puis Tchervez et Okhtchapert. Ces deux villages constituent toujours des étapes sur le chemin emprunté actuellement pour se rendre à Gaṙni. En 1819, Sir Ker Porter emprunta déjà cette seconde voie, plus prati- cable que le précédent chemin sinueux et étroit.12 De son côté, Telfer mentionne que l’ancien accès à Gaṙni et Gełard, situé en contrebas de la vallée, est en 1876 abandonné.13 Cet accès permettrait seulement de s’y rendre à dos de cheval, par opposition au nouveau chemin qui pou- vait accueillir une calèche. Cependant, bien qu’il paraisse abandonné

8 Aller Erevan-Gełard-Gaṙni. John Telfer, dans les années 1970 (cf. 1976, 1 : 210- 11) : « As we jogged over the desert and stony tract, we passed two miserable looking villages, Dyervez and Ochtchapert, the cliffs near the latter being perforated with crypts, and at four o’clock we alighted at Bash-Gharny at the cottage of the Emperor’s forester, where, thanks to his Excellency’s kind forethought, we found a good dinner awaiting us ». 9 Que l’on prononce phonétiquement ‘Jrvezh’, et que l’on écrit Ջրվեժ en arménien. 10 Il est en est de même pour Vołǰaberd que l’on prononce phonétiquement ‘Voghja- berd’ et que l’on écrit ainsi Ողջաբերդ en arménien. Voir l’annexe n° 2 qui reprend les itinéraires de Telfer, Lynch et Sir Ker Porter. 11 Chantre 1892, 220-1. La précision de la description de l’itinéraire permet de nous transmettre des données à la fois sur la durée du voyage, mais également sur l’altitude des villages traversés. 12 Aller Erevan-Gełard-Gaṙni. Ker Porter, dans les années 1810 (cf. 1821-22, 2 : 264) : « Not to lose time, I set off this morning at a very early hour, with a rather strong es- cort, into the wilds of the mountains. We crossed the main road north-east of the city ; and keeping in that direction, ascended gradually for nearly four hours. During this time we passed one or two tenantless villages, the inhabitants not having yet returned from their summer expeditions ». 13 Retour Gełard-Gaṙni. John Telfer, 1876, 1 : 221 : « We returned to Gharny by the same road as that on which we had travelled the previous evening, not caring to try the old and now abandoned bridle path at the bottom of the valley ».

Eurasiatica 17 67 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni selon les propos tenus par Telfer en 1876, Henri Lynch conseille aux voyageurs d’emprunter ce chemin dans les années 1890.14 Contrai- rement aux précédents voyageurs, Lynch se trouve dans la plaine de l’Araxe, puis au monastère de Xor Virap, avant de rejoindre la forte- resse de Gaṙni. D’après son récit, il conseille de remonter la rivière qui a creusé justement des gorges en contrebas de la vallée, avant d’atteindre les orgues basaltiques et la forteresse de Gaṙni. Le voyageur nous transmettant le plus de données sur cet ancien iti- néraire est Dubois de Montperreux qui se rend à Gaṙni en 1834. De re- tour d’Ēǰmiacin, il se repose quelques jours à Erevan avant de ne s’en- gager dans une excursion en direction de Gaṙni, Gełard et Artašat le 20 mars 1834.15 Dubois de Montperreux se rend à 18 km au sud d’Ere- van dans un village dénommé Akbache, anciennement Ałbaš (Աղբաշ), visible sur une carte russe du Caucase datée de 1903, sous la forme d’Agbaš (Агбашъ).16 Il correspond actuellement au village d’Arevšat, près d’Abovyan et de Lanǰazat, tous trois situés à l’entrée de la vallée du Gaṙni-Tchaï, dont le cours d’eau se déverse dans la plaine de l’Araxe. De l’entrée des gorges du Gaṙni-Tchaï, il faut alors parcourir environ 21 km pour accéder à la forteresse. Cependant, Dubois de Montper- reux ne semble pas parcourir la totalité de cette distance le long des gorges mais, d’après son récit, il semble quitter la gorge après 6,3 km de marche et l’ascension d’une longue coulée de lave.17 Ces récits té- moignent d’un axe routier bien plus ancien, oublié des contemporains. Il pourrait s’agir de l’un des axes antiques pour rejoindre la forteresse de Gaṙni depuis Artašat. Cette dernière servait de résidence d’été aux rois arsacides afin d’échapper à la chaleur écrasante de la plaine de l’Ararat. Ces deux exemples attestent de la nécessité de prendre en consi- dération ces récits de voyage, bien que ces derniers soient anciens et empreints d’inexactitudes.

14 Artašat-Dvin-Gaṙni. Lynch, dans les années 1890 (cf. 1901, 1 : 201) : « He will exa- mine the sites of Artaxata and Dvin, and, proceeding up the river, will reach the gorge with the basaltic columns, and the platform where once stood the temple of King Tiri- dates – a beautiful Greek shrine given to these solitudes, like the temple of Segesta to the lonely Sicilian hills ». 15 Erevan-Akbache-Gaṙni-Gełard-Artašat. Dubois de Montperreux, dans les années 1830 (cf. 1839, 3 : 382) : « Akbache est à 16 ou 17 verst d’Erivan, à l’entrée de la gorge par où la Karhni-Tchai débouche dans la plaine de l’Araxe. De la notre route nous me- na, pendant 20 verst, le long de ses rives jusqu’à Karhni. Elles sont encaissées d’abord par deux chaînes de collines de schiste de grès qui ont l’air recuits et altérés ; leurs couches sont redressées et rompues ». 16 Voir notamment la carte en accès libre : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Caucasus_map_(in_Russian,_1903).jpg#/media/File:Map-1903-.jpg. 17 Dubois de Montperreux 1839, 3 : 385 : « A 6 verst d’Akbache on aborde le pied d’une immense coulée de lave qui s’est traînée sur l’argile feuilletée, qui est ici un vrai tuf volcanique. Le torrent s’est arrêté tout à coup, et ses extrémités présentent des ta- lus à pic jonchés d’énormes fragments. Nous montâmes sur cette coulée de lave qui s’étend jusqu’au dessus de Karhni ».

Eurasiatica 17 68 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

3 À la recherche des sources : de l’imaginaire collectif aux sources littéraires anciennes

Pour étudier les données transmises dans ces récits, il faut remonter aux sources qui ont permis à ces voyageurs de compléter leur descrip- tion du site. Le récit de Jean Chardin, daté du XVIIe siècle, peut être considéré comme un ‘arrêt sur image’ de la mémoire collective sur le site de Gaṙni. Cependant, il est impossible d’évaluer dans quelle proportion cette image était le reflet de la culture populaire locale. Chardin s’appuie sur les propos des gens de païs, mais nous n’avons aucun indice sur l’identité de ces personnes à savoir s’ils sont des laïcs, des religieux, des notables ou des paysans. Par conséquent, on ne peut pas déterminer qu’il s’agit de ‘l’image que la population se faisait de Gaṙni’, mais seulement faire l’hypothèse qu’il s’agit de l’une des images véhiculées. S’agit-il d’un point de vue d’une personne qui s’est rendue sur place ou bien ces données témoignent-elles d’une mé- moire collective transmise ? Il paraît bien hasardeux de tenter d’y répondre et de statuer sur la question. Néanmoins, dans les récits de voyage et les propos rapportés par les gens du païs, le temple de Gaṙni est sans exception associé à l’ap- pellation du trône de Tiridate. D’ailleurs, la première description du temple est associée à l’appellation du trône de Tiridate et non à la localité de Gaṙni. Il semblerait donc qu’un glissement s’opère entre la fonction de résidence palatale des rois arsacides avec la notion de trône de Tiridate, alors associé au temple, entre le IVe et le XIIIe siècle. Le site ne cesse pas pour autant d’être occupé car une église circulaire tétraconque, datée à l’heure actuelle du VIIe siècle, est construite à proximité immédiate. Sous les Bagratuni (IXe siècle), la citadelle redevient un site important et où elle accueille une cha- pelle funéraire du catholicos Maštocʿ, et aux XIIe et XIIIe siècles, le site connaît également un renouveau sous la famille Zakarean.18 L’oc- cupation du site perdure donc jusqu’en 1638, date de l’abandon to- tale de la forteresse dans le cadre des guerres turco-russes (Aṙakʿe- lean 1968, 19). Ce qui semble frapper également dans les mémoires c’est l’état de conservation du temple qui est jusqu’à 1679 en très bon état, ain- si que sa beauté et ses dimensions, quitte à en déformer la réalité. C’est ainsi que Chardin tient ces propos : « Ils diſent […] les colonnes ſont si groſſes que trois hommes ne les ſauroient embraſſer » (Char- din 1696, 352). Dans la réalité, les colonnes ont un diamètre de 69

18 Pour l’histoire de Gaṙni, voir notamment Aṙakʿelean 1962 ; Alekseev, Aṙakʿelean 1968 ; Wilkinson 1982 ; Sahinean 1983 et plus récemment Magarditchian 2016-17 et 2018. Voir les articles de Magarditchian pour l’étude stylistique du temple. Pour un plan de la forteresse, voir Annexe n° 6b2 et Magarditchian 2016-2017, 203, fig. 1 ; 2018, 17.

Eurasiatica 17 69 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni cm mais cette image démontre que les mémoires ont été frappées par les dimensions de cet édifice antique. Les voyageurs qui ont décrit avec détails le site de Gaṙni ne sont pas contentés de décrire les bâtiments mais ont également puisé dans les sources textuelles arméniennes et gréco-romaines grâce à aux études arménologiques alors en effervescence. En effet, l’imprimerie, le travail notamment des pères mékhitaristes de Venise et le dévelop- pement des études arméniennes constituent autant de facteurs qui ont favorisé la propagation et l’intérêt des sources arméniennes telles que Movsēs Xorenacʿi qui fait alors l’objet de traductions arméniennes, la- tines, françaises notamment à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle.19 Movsēs Xorenacʿi est l’auteur arménien le plus cité dans ces récits de voyages ; les deux extraits, en référence au site de Gaṙni y sont mentionnés : le tout premier renvoie à l’étymologie du nom du site,20 tandis que l’autre fait état de la construction de la forteresse par Ti- ridate pour sa sœur.21 Dubois de Montperreux, Telfer et Madame B. Chantre, à l’exception de Ker Porter, reprennent justement l’étymo- logie de Gaṙni par Movsēs Xorenacʿi dans leur introduction dédiée à la forteresse. Dubois de Montperreux (1834) puise dans les Mémoires historiques et géographiques de l’Arménie,22 publiées par Saint Mar- tin en 1818-19, comme tend à l’indiquer la similitude des transcrip- tions des noms et des lieux, qui se distingue nettement de ceux de la traduction latine des frères Whiston (1736) :

Cette ville, si l’on s’en rapporte aux traditions des Arméniens, fut fondée environ deux mille ans avant notre ère, par un de leurs an- ciens princes appelé Kegham, qui de son nom l’appela Գէղամէ Ke- ghamé. Ce fut Karhnig, petit-fils de ce prince, qui lui donna le nom qu’elle porte encore actuellement. (Saint Martin 1818-19, 1 : 145)

En revanche, pour Telfer, dont l’ouvrage est publié en 1876, il renvoie non pas à Saint Martin, comme pour l’étymologie de Gaṙni, mais à la traduction latine de Movsēs Xorenacʿi par les frères Whiston comme le confirment la citation latine et le renvoi à la page correspondante.23

19 Mahé 1993, 10-18. Voir également Nichanian, Sordet 2012. 20 Movsēs Xorenacʿi, Histoire de l’Arménie, I, 12 (édition de Whiston, William & George datée de 1736, 34). 21 Movsēs Xorenacʿi, Histoire de l’Arménie, II, 90 (édition de Whiston, William & George datée de 1736, 224). 22 Dubois de Montperreux 1839, 3 : 386 : « nous étions dans la Grande-Karhni, qui fut fondée de 2000 ans avant J.-C. par Khegham, qui lui donna d’abord son nom de Kheghame ; son petit-fils Karhnig lui donna ensuite le sien, qui s’est conservé jusqu’à nos jours ». 23 Telfer 1876, 1 : 221 : « Two thousand years before the birth of Christ, so say the Ar- menian chroniclers, a prince founded a city which he named Keghame, after himself ; the name was afterwards changed by Kharnig, the grandson of Keghame, to Kharny,

Eurasiatica 17 70 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

De son côté, Madame B. Chantre consulte à la fois Dubois de Mont- perreux, dont elle se sert comme référence pour la description de Gaṙni, mais également de la traduction de Movsēs Xorenacʿi publiée par Victor Langlois en 1879.24 Le second extrait de Movsēs Xorenacʿi utilisé par les voyageurs renvoie aux travaux effectués par Tiridate pour sa sœur.25 Le récit de voyage de Sir Ker Porter puise dans la traduction latine de Movsēs Xorenacʿi, publiée par les frères Whiston en 1736. La transcription du nom de l’auteur sous la forme Mose of Chorone corrobore cette hypothèse.26 De son côté, Telfer consulte à la fois la traduction latine des frères Whiston qu’il cite, ainsi que l’ouvrage de Saint Martin, au- quel il fait référence à plusieurs reprises dans son ouvrage.27 Quant à Dubois de Montperreux, il semble à nouveau puiser dans l’ouvrage de Saint Martin sans pour autant consulter l’édition latine de Movsēs Xorenacʿi.28 Madame B. Chantre – par l’intermédiaire d’une citation renvoyant au chapitre 90 du livre 2, renvoie directement à la traduc- tion de Victor Langlois, publiée trois années auparavant.29 Les An- glais, Sir Ker Porter et Telfer utilisent de leur côté la version latine en opposition à Dubois de Montperreux qui a recours à l’ouvrage de Saint Martin en français. Néanmoins, Telfer renvoie également à plu- sieurs reprises à l’ouvrage de Saint Martin, mais il choisit, pour ce passage, de renvoyer directement à la traduction latine de Movsēs Xorenacʿi (Telfer 1876, 1 : 222).30 Telfer est le seul voyageur à faire référence à une autre source arménienne : l’Histoire de l’Arménie par Kirakos Ganjakecʿi. Ceci s’explique par le fait que cette publication

and is now Gharny, or Bash-Gharny, ‘upper Gharny’ ». Movsēs Xorenacʿi, Histoire de l’Arménie, II, 90 (édition de Whiston, William & George datée de 1736, 224). 24 Madame B. Chantre 1892, 221 ; Movsēs Xorenacʿi, Histoire de l’Arménie, I, 12, (édition de Whiston, William & George datée de 1736, 34). Voir ci‑dessous le passage concernant la seconde référence à Movsēs Xorenacʿi. 25 Movsēs Xorenacʿi, Histoire de l’Arménie, 2 : 90. 26 Sir Ker Porter 1819, 2 : 628-9 : « Moses of Chorone particularly mentions, that Tiri- dates built a castle on the river Gurney ; which, he adds, was strongly fortified ; and in the midst of it, he raised a splendid palace for his favourite sister, while he caused the embattled walls of the place to be marked with his own name in Roman characters ». See Whiston W., Whiston G. 1736, 224. 27 Telfer 1876, 1 : 222 : « Moses Chorenses, the Armenian chronicler of the fifth cen- tury, relates that Tiridates king of Armenia, who constructed the fortress of Kharny which became his favourite residence, caused a handsome palace to be erected within it for his sister Khosrovitouikhd, and that an inscription in Greek characters recorded the dedication ». See Whiston W., Whiston G. 1736, 224 ; Saint Martin, 1818-19, 1 : 145. Pour une mention de Saint Martin par Telfer, voir Telfer 1876, 1 : 223. 28 Dubois de Montperreux 1839, 3 : 388. Voir Saint Martin 1818-19, 1 : 145. 29 Chantre B. 1892, 221-2. Movsēs Xorenacʿi, Histoire de l’Arménie, I, 12 (édition de Whiston, William & George datée de 1736, 34). 30 Telfer 1876, 1 : 222.

Eurasiatica 17 71 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni paraît en 1870-71.31 Il n’hésite pas à le citer et permet de confirmer ainsi que l’appellation de « trône de Tiridate » est bien associée à la forteresse de Gaṙni, et plus particulièrement au temple.32 Bien que nous observions qu’ils suivent les sources anciennes concernant l’étymologie de Gaṙni, ces trois auteurs prennent des li- bertés vis-à-vis de leurs sources : Ker Porter modifie le terme d’ins- cription à « caractères grecs » en « caractères romains » ; de son côté, Dubois en conclut qu’il s’agit d’artisans grecs du fait de la pré- sence d’une inscription de caractères grecs, tandis que Telfer ajoute les termes de « résidence préférée » suite à la consultation de l’ou- vrage de Brosset sur Kirakos Ganjakecʿi publié en 1870-71, qu’il cite ultérieurement dans le texte.33 Pour Dubois de Montperreux, Telfer, et Madame B. Chantre, ce sont les seules citations utilisées pour recontextualiser les vestiges décrits. Au contraire, Ker Porter ne se restreint pas uniquement à la littérature arménienne, mais puise également dans la littérature gréco-romaine pour y chercher des attestations de l’existence de ce site à des dates antérieures. Il rapproche la mention de Gornae dans Tacite avec la forteresse de Gaṙni et tente de recontextualiser l’épi- sode de l’usurpation du trône d’Arménie par Rhadamiste, neveu de Mithridate.34 Il essaie d’établir des parallèles entre le texte et les ves- tiges découverts sur place. La connaissance de l’Histoire de l’Armé- nie est à son balbutiement et les anachronismes ne sont pas rares. En effet, Ker Porter associe le roi du Pont Mithridate VI Eupator (IIe- Ier av. J.-C.) avec Mithridate d’Ibérie (Ier apr. J.-C.), en quête du trône arménien avec l’appui de Rome. L’auteur confond alors les différents Tigrane, Mithridate, et Tiridate qui se sont succédé en Arménie. Sir Ker Porter renvoie à un second texte gréco-romain ; il s’agit de l’Histoire romaine de Dion Cassius35 rapportant la venue à Rome de Tiridate Ier pour se faire couronner des mains de Néron, ainsi que le don d’argent et d’artisans par Néron à Tiridate Ier afin d’assurer

31 Kirakos Ganjakecʿi, Histoire de l’Arménie, 51, traduction issue de Brosset 1870, 1 : 43 note 1. 32 Telfer 1876, 1 : 223. 33 Kirakos Ganjakecʿi, Histoire de l’Arménie, 51, traduction issue de Marie-Félicité Brosset, 1870, 1 : 43 note 1. 34 Ker Porter 1819, 2 : 629. Il renvoie au XIIe livre de Tacite sur l’installation d’une garnison romaine en Arménie pendant le règne de Claude. Voir Tac. Ann. 12, 45-6. 35 Cass. Dio 63.6-7 : « Tiridate flatta l’empereur et s’attira ses faveurs avec la plus grande dextérité, ce qui lui valut de recevoir toutes sortes de présents dont on dit valoir 200 000 000 de sesterces, et obtint la permission de reconstruire Artaxata. De plus, il emmena avec lui de nombreux artisans de Rome, persuadant certains en leur promet- tant de leur offrir un salaire élevé. Cependant, Corbulon ne les laissa pas tous arriver jusqu’en Arménie, mais seulement ceux qui avaient été offerts par Néron ».

Eurasiatica 17 72 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni la reconstruction d’Artašat.36 Dans ce même passage, il associe Tiri- date Ier (Ier apr. J.-C.) à Tiridate IV (IIIe-IVe apr. J.-C.) dont il fait men- tion dans un extrait de Movsēs Xorenacʿi.37 Bien que Tiridate Ier soit rattaché au règne de Néron et, que le second, Tiridate IV, le soit au règne de Dioclétien, Sir Ker Porter ne cesse pour autant d’associer ces deux textes anachroniques. Ce passage démontre une nouvelle fois les difficultés rencon- trées – encore parfois aujourd’hui – lorsque l’on étudie l’histoire de l’Arménie ancienne et que les chercheurs tentent de rattacher les faits aux rois de lignées artaxiade ou arsacide dont les noms sont portés à plusieurs reprises. C’est notamment le cas de l’inscription de Gaṙni mentionnant un Tiridate et qui pourrait être rattachée soit à Tiridate Ier, de la seconde moitié du Ier siècle ap. ou de Tiridate IV, régnant quant à lui, fin IIIe-début du IVe siècle apr. J.-C. La première hypothèse est soutenue par l’analyse architecturale du temple, tan- dis que la seconde, par le temoignage de Movsēs Xorenacʿi.38

4 Les récits de voyages : témoins de l’essor de l’Archéologie

Au-delà du témoignage de la mémoire collective mais également de l’effervescence des études arméniennes en ce XIXe siècle, ces récits de voyage nous transmettent des données sur les méthodes des voya- geurs pour y décrire et analyser les ruines découvertes. Ce sont Ker Porter, Dubois de Montperreux et Telfer qui ont été les premiers à décrire et analyser la forteresse de Gaṙni. Ces récits sont intimement mêlés à leur contexte du XIXe siècle, interférant la vision et le dis- cours en entremêlant à la fois romantisme, orientalisme et dévelop- pement de l’archéologie en tant que science. De même, la qualité des informations est largement influencée par la formation et l’aisance du voyageur avec les domaines que sont l’architecture et l’archéologie. Dans le récit de Ker Porter, daté de 1819, les premières lignes re- latives à la forteresse reflètent l’exaltation de ses sentiments avec l’utilisation des superlatifs « boldest », « most extraordinary » et l’ex-

36 Ker Porter 1819, 2 : 628 : « As this prince, who was contemporary with the Empe- ror Dioclesian, (about the latter end of the third century of our era,) is said to have em- ployed Roman artists in the rebuilding of the overthrown Artaxata, it is likely the pre- sent highly adorned temple-remains, were the work of the same hands ». Pour ce pas- sage, Ker Porter puise à la fois dans Movsēs Xorenacʿi (2 : 82) qui renvoie à l’empereur Dioclétien et Tiridate IV et aussi dans l’Histoire romaine de Cassius Dion (63.6-7) qui rapporte la venue de Tiridate Ier et son couronnement des mains de Néron. 37 Movsēs Xorenac’i, Histoire de l’Arménie, 2 : 82 : « Terdat monta sur le trône la troi- sième année de Dioclétien et qu’il vint ici avec une nombreuse armée ». 38 La difficulté d’attribution se retrouve également dans la numismatique armé- nienne.

Eurasiatica 17 73 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni pression « that I ever beheld ». Tout comme sa comparaison avec la Chaussée des géants en Irlande, il relie ce lieu à la mythologie des temps antédiluviens en l’associant aux Titans. Ces expressions ain- si que ces thèmes reflètent une part de romantisme qui se mêle à une poétique des ruines. D’un autre côté, il existe bel et bien une conscience du clivage comme le transcrit Corinne Saminadayar-Per- rin « entre la rêverie romantique avec les ruines et le regard scien- tifique de l’archéologue » (2001, 125). Cette description romantique des vestiges laisse place à un travail de description, d’identification, d’analyse, de reconstitution et de remise en contexte pour Ker Porter et Dubois de Montperreux. L’auteur cherche désormais à comprendre et non plus à se contenter d’accumuler du beau matériel. Bien que l’ar- chéologie reste rattachée à la philologie, c’est justement qu’au début XIXe siècle que celle-ci s’émancipe en tant que discipline et connaît alors un mouvement progressif d’érudition et de spécialisation.39 De son côté, Lori Katchadourian (2008, 253) les qualifie « humanist an- tiquaries » et souligne que les textes régissent la forme que doivent prendre le monument et le paysage malgré, selon elle, l’avènement de l’archéologie en tant que science dans la première moitié du XIXe siècle. Or, le récit de voyage de Ker Porter a lieu en 1819 et la mise en place de l’Archéologie en tant que science se prolonge pendant tout le XIXe siècle. Comme le rapporte Corinne Saminadayar-Perrin,

autour de 1830, la démarche archéologique hésite entre deux at- titudes épistémologiques ; soit les realia ont pour unique fonction de compléter et de confirmer un savoir antérieur déjà transmis par les textes, soit, au contraire, les fouilles révèlent des pans de mémoire morte, les territoires de l’oubli historique. (2001, 129)

En 1819, Sir Ker Porter est le premier voyageur à décrire et dessi- ner Gaṙni. Il débute sa description avec la forme du promontoire, puis de son enceinte qui l’amène à en déduire que ce sont des artisans ro- mains qui sont à l’origine de ces fortifications d’après l’aspect esthé- tique.40 Il est plus probable que la référence de Tacite, rapportant la présence d’une garnison romaine, le conduit à en conclure qu’il s’agit de l’œuvre de la présence romaine. Les autres bâtiments, au contraire, ne sont mentionnés qu’à une seule et unique reprise en tant que bâti- ments mineurs et le bâtiment nord n’est même pas cité. Cette focalisa- tion sur les bâtiments en grand appareil résulte de deux éléments : non

39 Schnapp 1993, 289, 321-4 ; Demoule, Geligny, Lehöerff, Schnapp 2002, 20-30. 40 Sir Ker Porter 1819, 2 : 625 : « To compensate for this lessening of the natural bulwarks, walls and towers have been substituted, formed of immense fragments of the rock, beautifully hewn, and put together with all the nicety of Roman workmen ; and such are understood to have been the architects ».

Eurasiatica 17 74 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni seulement, en ce début de XIXe siècle, l’archéologie classique prédo- mine encore largement, mais aussi elle paraît aussi bien plus familière à ces voyageurs occidentaux. De même, les ouvrages en grand appa- reil ont encore à l’époque bien plus de valeur que les constructions en petit appareil. La qualité du récit dépend également de la carrière et de l’affinité des voyageurs pour l’histoire, l’archéologie ou la géologie. Ker Porter détermine bien les différents composants découverts tels que les colonnes, l’entablement et mesure le podium et ainsi que le diamètre des colonnes. L’étude des ruines le conduit à émettre deux hypothèses : la présence soit d’une colonnade périptère, soit d’un fronton avec colonnes sur chacune des faces du bâtiment. La présence d’une plateforme et de la colonne le conduit à remettre en cause le lieu commun qui a conduit à appeler cet édifice « trône de Tiridate » au profit de l’hypothèse d’un temple. En revanche, il nie la présence du palais du roi Tiridate en l’absence de grand appareil ou de construction de prestige. Il repose également son hypothèse sur le manque de place et que la taille de la forteresse n’aurait vocation à être utilisée comme palais qu’en temps de siège. Ces recherches fruc- tueuses dans les sources gréco-romaines le conduisent à conclure que ce temple doit être l’œuvre d’artisans romains emmenés en Ar- ménie pour y reconstruire Artašat et Gaṙni après les guerres me- nées par Corbulon contre Tiridate Ier (Sir Ker Porter 1819, 2 : 625). Il faut saluer la qualité de ses dessins qui s’explique par sa forma- tion de peintre à la Royal Academy de Londres. Il est d’ailleurs nom- mé peintre historique officiel de la cour du tsar en 1804 (Barnett 1972, 19). Certains auteurs ont pu critiquer justement le travail de Ker Por- ter d’après les gravures publiées (Redgrave 1878 ; Armstrong 1962 ; Kariuth 2007, 6). Or, Richard Barnett a expliqué cette déperdition de qualité par le travail d’adaptation des graveurs en vue de l’impression (1972, 23). La consultation des dessins originaux permet de se rendre compte, à juste titre, de la qualité des dessins de Ker Porter.41 C’est justement à cette époque qu’une modification apparaît dans la repro- duction des vestiges avec plus uniquement la présence de vues cava- lières mais également de plans et de coupes (Schnapp 1982, 767). Ker Porter s’inscrit justement dans cette perspective avec la reproduction, en plan et en coupe, de l’entablement du temple et d’une des colonnes.42

41 Voir l’annexe n° 5a. La consultation et la publication de ces 100 planches inédites, conservées à la British Library, pourraient conduire à la découverte d’autres planches reproduisant le temple. Dans l’article de Richard Barnett, il est indiqué que c’est suite au contact avec le directeur du Musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg qu’il a pu avoir ac- cès notamment à cette planche. Or, après une longue enquête pour tenter d’établir son lieu de conservation, il s’avère que ces planches inédites sont conservées à la British Library. 42 Voir Annexe n° 5.

Eurasiatica 17 75 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Le récit de Dubois de Montperreux, datant de 1836, se démarque de celui de Ker Porter.43 Depuis l’ouvrage de Ker Porter, publié en 1818-19, les études arménologiques ont conduit à la publication de monographies importantes comme les Mémoires historiques et géo- graphiques de l’Arménie par Saint Martin.44 D’ailleurs, tout au long de son ouvrage, Dubois de Monteperreux ne cesse de puiser dans cette publication mais concernant les sources littéraires mention- nant Gaṙni, il ne se réfère qu’à Movsēs Xorenacʿi et aucune mention n’est faite aux sources littéraires gréco-romaines. Le récit de Dubois se distingue également de celui de Ker Porter car ce dernier suit une formation à l’Université de Berlin entre les années 1829 à 1831 où il suit les cours de l’helléniste August Böckh, du géologue Léopold von Buch et des géographes Alexander von Humboldt (aussi naturaliste) et Carl Ritter (Knoepfler 1988 ; 1998b ; De Reynier 2004). Dubois de Montperreux commence son récit en citant la tradition ar- ménienne, à travers le témoignage de Movsēs Xorenacʿi en rapportant à la fois l’étymologie de Gaṙni et la construction par Tiridate de la for- teresse de Gaṙni (1839, 3 : 388). Cependant, ces témoignages semblent être pris avec précaution comme le tend à le démontrer son détache- ment à travers les extraits « La tradition dit que » et « Voici la dispo- sition de cet édifice, et l’on jugera si ce pouvait être un palais » (388- 9). Ces références laissent place à une description plus raisonnée qui se traduit notamment par des relevés de mesures pour établir la taille de la forteresse et des blocs de grand appareil appartenant au temple afin de procéder à une anastylose, c’est-à-dire une reconstitution du temple. Cette tentative de reconstitution donne lieu à une représenta- tion de la façade principale du temple ainsi que de sa représentation en plan.45 Sur la reconstitution de la façade, Dubois de Montperreux, reproduit fidèlement et avec bon discernement la façade principale du temple, comme nous le confirment les études et l’anastylose pos- térieure du temple réalisée entre les années 1969 et 1975 (Magardit- chian 2016-17, 177-8). Du point de vue du plan, son travail ne reflète cependant pas avec exactitude la restitution du temple. Tout d’abord, l’état de conservation conduit les voyageurs à voir un plan carré de 34 pieds, soit 11,10 m environ, alors que le podium mesure 12,80 m de large sur 18,80 m de long (Sahinean 1983, 138). Dubois ne resti- tue les colonnes que sur deux faces du temple alors que Ker Porter en concluait leur présence sur le pourtour de l’édifice d’après le place- ment des décombres (1839, 2 : pl. 19). C’est suite à cette étude et no-

43 Dubois de Montperreux 1839, 3 : 386-90. Visite du site le 20 mars 1934. 44 Par exemple, voir Saint Martin 1818-19 en 2 volumes. En revanche, il ne peut ci- ter Kirakos Gandzakerts’i qui ne sera traduit en français par Brosset qu’en 1870-71. Voir Brosset 1870. 45 Voir Annexe n° 6.

Eurasiatica 17 76 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni tamment la mesure de la superficie de la plateforme qu’il est en me- sure de remettre en cause la tradition. Il en conclut tout comme Ker Porter qu’il s’agit d’un temple. Ce temple serait, selon lui, dédié à une divinité arménienne telle que Ardiment ou Anahit (1839, 3 : 389-90). Contrairement aux deux autres voyageurs, Dubois de Montperreux prend en considération l’ensemble des bâtiments de la forteresse, à savoir les fortifications, le palais ainsi que l’église tétraconque et la chapelle funéraire (390). Selon Dubois, ces bâtiments en petit appa- reil, victimes elles aussi du tremblement de terre, ont déjà fait l’ob- jet de pillage en 1836 contrairement au temple (388). Il identifie le palais de la sœur de Tiridate aux ruines situées « à quelques pas du temple » (390). Sa position est une fois de plus différente de Ker Porter qui ne pouvait concevoir que ces bâtiments en petit appareil puissent être l’opulent palais construit par Tiridate. Au contraire, Du- bois conçoit que ces ruines puissent être le palais bien que l’archi- tecture soit « bien plus simple ; les murailles ne sont que des lits de cailloux liés par un fort ciment » (390). Dubois déconstruit l’associa- tion grand appareil, opulence avec la notion de palais. Grâce à ces compétences d’archéologue, il rompt par conséquent avec Ker Porter avec un travail de terrain, de reconstitution, mais aussi un questionnement qui dépasse celui de Ker Porter, où les textes prenaient une part importante. En 1880, Aleksey Uvarov, lors du congrès d’archéologie russe arménien propose de reconstruire le temple de Gaṙni à partir du plan de Montperreux à Tiflis (Khatcha- dourian 2008, 254-6). Néanmoins, son travail démontre des inexacti- tudes et de nombreuses incompréhensions. Il faudra alors attendre la fin du XIXe et le début du XXe siècle pour que les archéologues Nicolai Marr, Babken Aṙakʿelean et son équipe étudient de nouveau le temple.46 Le récit de voyageur suivant date de 1876 et a été réalisé par John Buchan Telfer qui mena une carrière militaire dans la Royal Navy (1976, 1 : 221-4). Son intérêt grandissant pour les antiquités le pousse même à être membre de la Society of Antiquaries depuis 1875 et membre de la Royal Geographical Society.47 Son récit est plus suc- cinct car il ne consacre que trois pages au site de Gaṙni (1876, 1 : 221- 4). Ses aptitudes ne sont pas comparables à Ker Porter, peintre, ou Du- bois de Monteperreux. Son métier semble orienter quelque peu son propos et c’est grâce à son récit que nous possédons des détails sur les axes routiers pour se rendre à Gaṙni. Bien qu’il n’ait pas eu la for- mation nécessaire, il reproduit des éléments de l’entablement, du fron-

46 Lori Khatchadourian 2008, 247-78. 47 Voir « Obituary ». The Geographical Journal, 30(1), July-December 1907, 97-8. Il rapporta de ce voyage un morceau de l’architrave du temple de Gaṙni qu’il exposa lors de sa lecture à la Société des Arts. https://www.britishmuseum.org/research/col- lection_online/collection_object_details.aspx ?objectId=468681&partId=1&- searchText=garni&page=1 (2018-06-30). Voir Telfer, Hummel, Cotton 1891.

Eurasiatica 17 77 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni ton et du plafond ornementé, certes avec moins d’aisance et de qualité de Ker Porter.48 Sa description des ruines renvoie à un champ lexical dépréciatif tels que « melancoly », « confusion », « sore spectable », ou « chaos » (1876, 1 : 222). Contrairement aux deux précédents voya- geurs, Telfer se contente de décrire succinctement et ne donne aucune mesure ni précision. Son récit s’appuie avant tout sur les extraits de Movsēs Xorenacʿi. Il se sert également de la monographie de Saint Martin pour enrichir ses connaissances sur l’Arménie et n’hésite pas à faire appel à un autre auteur arménien du XIIIe siècle, Kirakos Gan- jakecʿi, jusqu’ici absent des récits de voyageurs car publié en 1870. Cet extrait de Kirakos Ganjakecʿi confirme alors l’association du ‘trône de Tiridate’ avec le site de Gaṙni. En revanche, il n’a pas connaissance de l’Historiographie de Zakʿaria Kʿanakʿercʿi qui mentionne le trem- blement de terre de Gaṙni bien qu’il en conclue par lui-même qu’un tel état ne peut s’expliquer que par « l’œuvre de la nature » et d’un trem- blement de terre (Zakʿaria, Bournoutian 2003, 219-20). Il prend néan- moins une liberté dans son récit et rompt avec l’appui sur les textes : il propose une interprétation sur les raisons qui ont poussé Tiridate IV à choisir un style classique. Selon lui, ce choix résulte d’une volon- té délibérée de Tiridate d’importer « a taste for higher art » (1876, 1 : 222). Le narrateur tient une fois de plus une posture démontrant la su- périorité de l’art classique. Bien que son récit date de 1876, John Telfer rompt avec les deux précédents narrateurs et se place plus dans la li- gnée des voyageurs, antiquaires dont l’archéologie n’avait pour but que de confirmer les textes.49 Cela provient en grande partie du fait de son parcours miliaire et de son manque de connaissances dans le domaine. Le dernier récit rapportant des éléments sur Gaṙni est publié dans la revue Tour du monde en 1892. Il est alors écrit par l’épouse d’Ernest Chantre qui suit son mari en voyage dans le Caucase. Ernest Chantre est à la fois un anthropologue, ethnologue, archéologue et natura- liste.50 Il se spécialise notamment dans l’archéologie préhistorique et protohistorique51 ainsi que dans l’anthropologie physique alors en vogue.52 Ernest Chantre, accompagné de son épouse, voyagea à plu- sieurs reprises dans les régions de l’Anatolie et du Caucase depuis les années 1880. Ces voyages dans le Caucase visent d’une part à décou-

48 Voir l’annexe n° 7. 49 https://www.britishmuseum.org/collection/object/W_1908-0509-1 (2018-06- 30). Voir également Telfer 1891, 567-87. 50 Manouvrier 1888, 198-221. Concernant les collections rapportées par Ernest Chantre au Musée d’archéologie national de Saint‑Germain‑en‑Laye, voir Lorre 1998, 163-8. Pour un article sur Ernest Chantre et son travail anthropologique, voir Vin- con 2008. 51 Voir notamment Chantre E. 1975 et 1892. 52 Voir notamment Chantre E. 1885-87.

Eurasiatica 17 78 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni vrir les us et coutumes (Chantre E. 1896) et, d’autre part, à décrire, mesurer et photographier la diversité ethnique et biologique obser- vée. C’est dans ce contexte que s’inscrit le récit de voyage de l’épouse d’Ernest Chantre. Leur récit témoignant de leur passage dans la ci- tadelle de Gaṙni est succinct ; à titre comparatif, l’itinéraire pour re- joindre la citadelle rapporte plus de détails que la description de la forteresse en elle-même. Leurs objectifs d’étude expliquent en grande partie la raison pour laquelle le site ne fait l’objet que de si peu d’atten- tion. Dans sa description du site, Madame B. Chantre renvoie surtout à la traduction française de Movsēs Xorenacʿi. par Victor Langlois et au récit de voyage de Dubois de Montperreux dont elle fait une sorte de compte‑rendu. Les rares éléments émergeant de sa description renvoient à un sentiment de désolation à la vue des ruines du temple et à la description du portique et de la muraille qu’elle date, d’après la présence de croix, postérieures à la christianisation de l’Arménie. Deux gravures, dont l’une des ruines de Gaṙni et l’autre de la vue sur le Gaṙni-Tchaï, sont publiées. Pour la première fois, ces gravures éma- nent de photographies prises lors de leur voyage.

5 Conclusion

Cette étude démontre que le temple de Gaṙni n’a cessé de marquer les esprits au fil des siècles. Cet impact se retranscrit non seulement dans la description de ces voyageurs européens, mais également dans l’imaginaire collectif arménien. Bien que ces textes soient empreints à des inexactitudes et profon- dément ancrés dans leur environnement, ces documents ne sont pas seulement utiles à titre historiographique. Au contraire, ces récits nous apportent des données précieuses sur l’évolution du bâtiment et confirment sa pérennité au fil des siècles, jusqu’à ce qu’un tremblement de terre ne détruise profondément la structure de l’édifice en 1876. Le récit, ainsi que la documentation et l’analyse qui en découlent, dépendent évidemment du siècle dans lequel le narrateur évolue, mais aussi de ses intérêts et de ses affinités. Néanmoins, ces témoi- gnages de voyageurs européens constituent une première approche d’archéologie classique en Arménie. Bien qu’ils ne soient pas à la pointe de l’archéologie, Ker Porter et Dubois de Montperreux ne sont pas seulement des simples antiquaires mais sont l’exemple de l’es- sor et de la mutation de l’archéologie dans le courant du XIXe siècle.53

53 Pour une histoire de l’archéologie et son émergence en tant que science au XIXème siècle, voir Schnapp 1982 ; 1993 ; Perrin-Saminadayar 2001 ; Lewuillon 2002 ; Gran-Ay- merich 2007 et les actes du colloque La Fabrique de l’archéologie, datés de 2009.

Eurasiatica 17 79 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Annexe n° 1 Récapitulatif des récits des voyageurs occidentaux mentionnant ou visitant le site de Gaṙni

Voyageurs par ordre Dates du passage Dates Appellations chronologique à Gaṙni de publication et transcriptions du site de Gaṙni Jean Chardin 1686 Tact-Terdat, Trône de Tyridate James Morier 10 juin 1814 1818 Takht Tiridate Sir Robert Ker Porter 26 octobre 1819 1821‑1822 Gurney, Tackt-i-Tiridate Frédéric Dubois de 20 mars 1834 1839-1843 Karhni Montperreux John Telfer 27ème et 28ème jour 1876 Gharny soit 8-9 juin 1854 selon le calendrier julien et 20-21 juin selon cal. grégorien Ernest et B.Chantre 19 juillet 1890 1892 et 1893 Bach-Garni Henry Finnis Blosse 25 septembre 1898 1901 Garni Lynch

Eurasiatica 17 80 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Annexe n° 2 Itinéraires empruntés par les voyageurs pour accéder au site de Gaṙni. Fond de carte par A2D2, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Relief_Map_of_Armenia.png?uselang=fr. Carte réalisée par Anahide Kéfélia d’après le croquis de Sir Ker Porter

Eurasiatica 17 81 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Annexe n° 3 Vues sur les gorges du Gaṙni-Tchaï d’après le croquis de Sir Ker Porter (2 : 624), et photographie de A. Kéfélian

Eurasiatica 17 82 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Annexe n° 4 Vue actuelle, de face, du temple de Gaṙni après anastylose. Photographie d’après A. Kéfélian

Eurasiatica 17 83 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Annexe n° 5 Exemple témoignant de la déperdition de qualité entre les dessins de Sir Ker Porter et les gravures publiées. A : vues de face et coupe, réalisées par Sir Ker Porter, provenant du temple de Gaṙni. Planches publiées pour la première fois dans Barnett 1972, pl. III a. © British Library Board : Add.14758 f31. B : gravure d’éléments architecturaux de Gaṙni, publiée dans le volume de Sir Ker Porter (2 : pl. 4)

Eurasiatica 17 84 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Annexe n° 6 Comparaison entre l’anastylose de Dubois de Montperreux et celle réalisée dans les années 1970. A : vue de face. A : 1) Dubois de Montperreux, Atlas, Serie III, Tav. XXXV ; 2) Photographie d’après A. Kéfélian. B : 1) plan du temple et de la forteresse. Dubois de Montperreux, Atlas, Serie III, Tav. XIX. 2) Magarditchian 2018, 17. Croquis par Astrig Balian d’après Sahinean 1983

Eurasiatica 17 85 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Annexe n° 7 Représentation de fragments architecturaux du temple de Gaṙni par Telfer (1 : 222)

Eurasiatica 17 86 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Bibliographie

Alekseev, V.P.; Ar̄akʻelean, B.N. et al. (1968). Contributions to the Archaeology of Armenia. Transl. by R.G. Klein, E.M. Shimkin and E.V. Prostov. Edited by H. Field. Cambridge (MA) : Peabody Museum. Russian translation series of the Peabody museum of Archaeology and Ethnology, Harvard University 3, 3. Armstrong, W. (1962). « The Many-Sided World of Sir Robert Ker Porter ». The Historian, 25(1), 36-58. www.jstor.org/stable/24438822. Ar̄ akʿelean, B. Առաքելյան, Բաբկեն Ն. (1962). [Gaṙni III] Գառնի III [Gaṙni III]. Erevan : Academy of Sciences of the Armenian SSR. Barnett, R. (1972). « Sir Robert Ker Porter : Regency Artist and Traveller ». Iran, 10, 19-24. Brosset, M.-F. (1870). Deux historiens arméniens : Kiracos de Gantzac : XIIIe s., Histoire d’Arménie ; Oukhtanes d’Ourha, Xe s., Histoire en trois parties. 2 vols. Saint-Pétersbourg : Imprimerie royale de l’Académie des Sciences. Chantre, B. (1892). « A travers l’Arménie russe ». Le tout du Monde : nouveau jour- nal des voyages, LXIII, 177-224. Chantre, B. (1893). A travers l’Arménie russe. Paris : Libraire Hachette & Cie. Chantre, E. (1975). Recherches archeologiques dans l’Asie occidentale : Mission en Cappadoce, 1893-1894. Paris : E. Leroux. Chantre, E. (1885-87). Recherches anthropologiques dans le Caucase. Paris : C. Reinwald ; Lyon : H. Georg. Chantre, E. (1892). Origine et anciennete du premier âge du fer au Caucase, par Ernest Chantre. Lyon : Impr. de A. Rey. Chantre, E. (1896). Les Armeniens : Esquisse historique et ethnographique. Lyon : Georg. Chardin, J. (1686). Journal du voyage du Chevalier Chardin en Perse. Ams- terdam : Jean Wolters & Ysbrand Haring ; Paris : Daniel Horthemels ; Lon- don : Moses Pitt. Demoule, J.-P. ; Geligny, F. ; Lehöerff, A. ; Schnapp, A. (éds) (2002). Guide des méthodes de l’archéologie. Paris : Éditions la Découverte. Demoule, J.-P. ; Landes, C. ; Institut national de recherches archeologiques et preventives (France); Institut national d’histoire de l’art ; et al. (2009). La fa- brique de l’archéologie en France. Paris : La Découverte. De Reynier, C. (2004). « Antiquaires, archéologues et architectes, aux origines de l’archéologie des monuments historiques à Neuchâtel ». Revue histo- rique neuchâteloise : Un siècle de protection des monuments historiques dans le canton de Neuchâtel, bilan et perspectives, 1-2, 59-77. Dubois de Montperreux, F. (1839-49). Voyage autour du Caucase, chez les Tscher- kesses et les Abkhases, en Colchide, en Géorgie, en Arménie et en Crimée. 6 vols et un atlas. Paris : Librairie de Gide. Gran-Aymerich, È. (2007). Les chercheurs du passé 1798-1945 : Aux sources de l’archéologie. 2ème éd. Paris : CNRS Editions. Howgego, R. (2003-13). Encyclopedia of Exploration. 5 vols. Sydney : Hordern House. Kaniuth, K. (2007). « Some Remarks on the Mesopotamian Travels of Robert Ker Porter ». Fortenberry, D. (ed.), Who Travels Sees More : Artists, Archi- tects and Archaeologists Discover and the Near East. Oxford : Oxbow Books, 1-16.

Eurasiatica 17 87 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Katchadourian, L. (2008). « Making Nations from the Ground Up : Traditions of Classical Archaeology in the South Caucasus ». American Journal of Ar- chaeology, 112(2), 247-78. Knoepfler, D. (1988). « Frédéric Dubois de Montperreux ». Histoire de l’Univer- sité de Neuchâtel. Vol. 1, La première Académie, 1838-1848. Neuchâtel : Uni- versité de Neuchâtel, 257‑304. Knoepfler, D. (1998). « Frédéric DuBois de Montperreux, archéologue, géo- logue, professeur à l’Académie (1798-1850) ». Biographies neuchâteloises. Vol. II, Des Lumières à la Révolution. Hauterive : Gilles Attinger, 99-106. Langlois, V. (1879). Collection des historiens anciens et modernes de l’Armenie : tome II. Paris : Firmin Didot freres, fils et cie. Lewuillon, S. (2002). « Archaeological Illustrations : A New Development in 19th Century Science ». Antiquity, 76(291), 223-34. Lorre, C. (1998). « L’origine de la collection archéologique d’Ernest Chantre au Musée des Antiquités nationales ». Antiquités nationales, 30, 163-8. Lynch, H.F. B. (1901). Armenia, Travels and Studies. 2 vols. Londres ; New York : Longmans, Green, and co. Magarditchian, A. (2016-17). « Gaṙni, temple romain – baptistère chrétien ». Re- vue des Études Arméniennes, 37, 175-213. Magarditchian, A. (2018). Le temple de - The Temple of Garni. Gaṙnii tačarə. Ere- van ; Genève : Zangak Publishing House. Manouvrier, L. (1888). « Rapport sur les recherches anthropologiques dans le Caucase, par M. Ernest Chantre ». Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, 3(11), 198‑221. Morier, J. (1818). A Journey Through Persia, Armenia, and Asia Minor, to Constan- tinople, in the Years 1808 and 1809: in which is Included, Some Account of the Proceedings of His Majesty’s Mission, Under Sir Harford Jones, Bart. K.C. to the Court of the King of Persia. Londres : Longman, Hurst, Rees, Orme, and Brown, Paternoster-Row. Movsēs, K. ; Whiston, W. ; Whiston, G. (1736). Mosis Chorenensis Historiae Ar- menicae libri III. Londres : ex officina C. Ackers typographi ; apud J. Whis- tonum bibliopolam. Movsēs, K. ; Mahé, A. ; Mahé, J.-P. (1993). Histoire de l’Arménie. Paris : Gallimard. Nichanian, N. ; Sordet, Y. (2012). Le Livre arménien de la Renaissance aux Lu- mières : une culture en diaspora. Catalogue de l’exposition à la Bibliothèque Mazarine, du 26 octobre au 30 novembre 2012. Paris : Éditions des Cendres. Bibliothèque Mazarine 33. Perrin-Saminadayar, É. (2001). « Les résistances des institutions scientifiques et universitaires à l’émergence de l’archéologie comme science ». Per- rin-Saminadayar, É. (éd.), Rêver l’archéologie au XIXe siècle : de la science à l’imaginaire. Saint-Étienne : Publications de l’université de Saint-Étienne, 47-64. Sahinean, A. Սահինեան, Ալեքսանդր (1983). Gaṙni antik kar̄ oyc’neri č̣arta- rapetowt’iwnə Գառնիի անտիկ կառոյցների ճարտարապետութիւնը (L’architecture des édifices antiques de Gaṙni). Erevan : ՀՍՍՀ ԳԱ. Saint Martin, J. (1818-19). Mémoires historiques et géographiques sur l’Arménie. suivis du texte armenien de l’histoire des princes Orpelians, par Etienne Or- pelian... et de celui des geographies attribuees a Moyse de Khoren et au doc- teur Vartan, avec plusieurs autres pieces relatives a l’histoire d’Armenie : le tout accompagne d’une traduction française et de notes. 2 vols. Paris : Im- primerie royale.

Eurasiatica 17 88 Il viaggio in Armenia, 63-90 Anahide Kéfélian Regards croisés de voyageurs occidentaux sur le site de Garni

Saminadayar-Perrin, C. (2001). « Pages de pierre : les apories du roman archéo- logique ». Perrin-Saminadayar, É. (éd.), Rêver l’archéologie au XIXe siècle : de la science à l’imaginaire. Saint-Étienne : Publications de l’université de Saint-Étienne, 123‑46. Saminadayar-Perrin, C. (2011). « Salammbô et la querelle du ‘roman archéo- logique’ ». Revue d’histoire littéraire de la France, 111(3), 605-20. h t t p s:// doi.org/10.3917/rhlf.113.0605. Schnapp, A. (1982). « Archéologie et tradition académique en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles ». Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 37(5-6), 760-77. Schnapp, A. (1993). La conquête du passé aux origines de l’archéologie. Paris : Éditions carré. Sir Ker Porter, R. (1821-22). Travels in Georgia, Persia, Armenia, Ancient Babylo- nia, &c. &c. During the Years 1817, 1818, 1819, and 1820. 2 vols. London : Long- man, Hurst, Rees, Orme and Brown. Telfer, J.B. (1876). The Crimea and Transcaucasia : Being the Narrative of a Jour- ney in the Kouban, in Gouria, Georgia, Armenia, Ossety, Imeritia, Swannety […]. Londres : Henry S. King & CO. 2 vols. Telfer, J.B.; Hummel, J.J.; Cotton, A. (1891). « Proceedings of the Society ». The Journal of the Society of Arts, 39, 567-90. Vincon, D. (2008). « L’exemple d’Ernest Chantre ». Astrolabe, janvier/février 2008, mis en ligne le 2018-07-30. https://astrolabe.msh.uca.fr/jan- vier-fevrier-2008/dossier/l-exemple-d-ernest-chantre. Wilkinson, R.D. (1982). « A Fresh Look at the Ionic Building at Gaṙni ». Revue des Études Arméniennes, 16, 221-44. Zakʿaria, A. ; Bournoutian, G. (2003). The Journal of Zak’aria of Agulis = Zakʿaria Aguletsʻu ōragrutʻiwne. Costa Mesa (Calif) : Mazda Publishers.

Eurasiatica 17 89 Il viaggio in Armenia, 63-90