Ali Zaoua, Prince De La Rue
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Ali Zaoua, prince de la rue de Nabil Ayouch FFICHE FILM Fiche technique France/Maroc- 2001 - 1h40 -Couleur Réalisateur : Nabil Ayouch Scénario : Nabil Ayouch Nathalie Saugeon Montage : Jean-Robert Thomann Image : Résumé Critique Vincent Mathias Nabil Ayouch nous transporte, en quelques (…) Ali Zaoua, c'est ce qu'il est convenu plans d'une saisissante intensité, dans l'in- d'appeler «une belle histoire». Du genre Musique : timité de quatre gosses énigmatiques. Ils que ces enfants-là pourraient s'inventer Krishna Levy ont osé braver le chef de la bande à laquel- s'ils rêvaient. Ils rêvent, affirme Nabil le ils appartenaient et faire cavaliers seuls. Ayouch. Ali allait prendre la mer pour La bande, quelques dizaines de gamins, se rejoindre, disait-il, une île merveilleuse. Ce Interprètes : venge à coups de pierres. L'une d'elles tue rêve, les autres vont, petit à petit, y croi- Mounïm Kbab net Ali, cet Ali Zaoua du titre qui ne cesse- re... ra plus de hanter Kwita, Omar et Boubker, Ainsi s'est dessiné le (périlleux) pari du (Kwita) ses trois copains. Après avoir caché son film : créer une lente osmose entre une Mustapha Hansali corps dans un trou, ils s'assignent une mis- réalité âpre, brutale, décrite à cru et l'idéa- (Omar) sion : faire à Ali «un enterrement de prin- lisme d'un conte ensoleillé. A partir d'une ce»… enquête sur le terrain qui a duré deux ans, Hicham Moussoune le réalisateur brosse, au-delà de la fiction, (Boubker) un portrait sensible et sans pittoresque de Abdelhak Zharya ces olvidados marocains. Les lieux où ils rôdent, ceux où ils s'incrustent, leurs rites (Ali Zaoua) brutaux, leurs jeux dangereux, leur langage Saïd Taghmaoui aussi déglingué que leur dégaine : tout ren- (Dib) voie à un monde authentique. A une préca- rité non trafiquée. A une réalité qui les menace autant qu'elle les protège. C'est leur monde. Il n'y a pas à s'apitoyer, L E F R A N C E www.abc-lefrance.com 1 D O C U M E N T S suggère Nabil Ayouch, qui se tient à la Il se cache toujours deux films dans le Le tournage bonne distance. Ni misérabilisme ni cinéma de Nabil Ayouch. Dans son pre- moralisme. On sent, en revanche, qu'il mier long métrage, Mektoub, il aban- Une grande partie du film a été tournée aime vraiment ses personnages (ou ses donnait un scénario vaguement hitch- dans une cimenterie désaffectée où se acteurs, c'est du pareil au même, tant ils cockien et plutôt convenu pour renouer réfugient les enfants sans attache. (…) se confondent), et il le montre en les fil- avec le Maroc de ses origines. (…) Son désir de réaliser un film avec les mant non comme des cas sociaux mais Dans Ali Zaoua, prince de la rue, le pro- gosses des rues remonte au milieu des comme des personnages à l'âme trem- cessus s'inverse: il commence en années 90. L'approche a été longue et pée : fragiles, démunis en apparence, embrassant la réalité du Maroc dans ce délicate. D'autant qu'avant les pre- mais capables de mille subterfuges pour qu'elle a de plus profond, de plus ingrat mières rencontres Nabil Ayouch s'est √ survivre au pire, parce qu'ils n'ont pas le et inavouable l'errance et l'abandon posé des questions de cinéma sur les- choix. des gamins livrés à eux-mêmes dans les quelles il a longtemps séché : «Je n'arri- √ Surtout, le cinéaste est attentif à capter rues, accrochés à leur colle glu pour, à vais pas à imaginer une forme qui me ce flottement viscéral entre les élans mi-chemin, leur proposer une fuite assu- permettrait d'éviter le misérabilisme. Je spontanés de l'enfance et la férocité mée vers les volutes de l'onirisme orien- ne me voyais pas retranscrire cette réa- sans calcul qui aide les gamins à se pro- tal qui surprendra ceux qui ne sont pas lité sans essayer de la sublimer. Il y a téger. Ils sniffent de la colle, ils volent, habitués aux rêveries propres aux tellement de films forts qui ont abordé ils trafiquent, ils donnent (et reçoivent) contes arabes. ces sujets de manière réaliste que je ne des coups, sans se poser de questions ; Pourtant, et à bien y regarder, le regard voyais pas ce que je pourrais appor- mais, aussi bien, ils chantent à tue-tête, du cinéaste est resté le même tout au ter.…» En point de mire, il a gardé à narguent les adultes, éclatent de rire long du film. Certes, son matériau de l'esprit le lyrisme de Bouge pas, pour trois fois rien ou se font, soudain, base est documentaire: c'est une terre meurs et ressuscite ! de Vitali tout petits dans les bras d'une mère qui glaise épineuse, rêche, sur laquelle tout Kanevsky, et la tendresse d'Un monde n'est pas la leur. le monde à Casablanca butte, et sur parfait, de Clint Eastwood. L'idée du Bientôt, à l'image effrayante de Dib, le laquelle pourtant il travaille avec une conte s'est imposée : «Je revendique le tyranneau de la bande, muet, semi-débi- écoute attentive et une volonté de s'af- côté tragico-lyrique, poétique et naïf le, d'une sauvage cruauté (la composi- franchir un territoire au-delà de la dis- d'une grande partie de ce que je fais.» tion de Saïd Taghmaoui est inquiétante tance qui existera toujours entre eux (les Son premier court métrage, road-movie à souhait), va se superposer celle d'un gosses) et nous (les civils). Ayouch, il le dans le désert sud-marocain, interprété bon bougre de vieux marin, qui avait sait, passe après les morceaux de bra- par un Jamel Debbouze débutant, avait «adopté» Ali Zaoua, qui va prendre en voure de Buñuel ou de Pasolini. Ses pau- déjà les atours de la fable : l'histoire charge et le rêve de ses amis - enterrer pières à lui sont volontairement douces. d'un gamin qui vivait en marge d'une Ali comme un prince - et, on le parierait, Il s'écarte de ce qui pourrait tenir du microsociété villageoise et rêvait de leur propre avenir. On n'adhère pas sans seul registre de la cruauté pour aller à la trouver «les pierres bleues du désert». réserve à cette échappée vers un conte poursuite de la part d'enfance, la plus C'est un jour de 1997, en poussant la gentiment convenu. Il y avait sûrement enfouie chez ces gosses. porte de Bayti, une association des fau- mieux à inventer que ce «truc» faiblard Philippe Azoury bourgs de Casablanca, que Nabil entre des graffitis enfantins s'animant ici et Libération - 22 Mars 2001 de plain-pied dans la réalisation d'Ali là, au détour d'une séquence, pour figu- Zaoua. Il comprend aussitôt qu'il lui fau- rer le monde imaginaire de l'enfance. dra d'abord se passer de caméra. «J'ai Greffer de la simili-poésie naïve sur du commencé par descendre dans la rue réalisme abrupt, c'est risquer le court- pour discuter avec les mômes et filmer circuit. (…) nos conversations pour les archiver, Jean-Claude Loiseau mais j'ai vite senti que ça n'était pas la Télérama - 21 Mars 2001 bonne solution.» (…) «Dès qu'on les filme, dit le cinéaste, ils se conforment au regard que la société porte sur eux. Ils ne sont prêts à se confier que s'ils sentent qu'on s'intéresse vraiment à leur existence. La seule chose qu'ils deman- dent, c'est qu'on leur consacre du L E F R A N C E SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 04.77.32.76.96 RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71 2 DOC : 04.77.32.61.26 Fax : 04.77.32.07.09 D O C U M E N T S temps.» La cimenterie Laffargue, abandonnée en demander si le recours à la fiction et à Du temps, le jeune réalisateur leur en bordure du centre-ville de Casablanca, à l’onirisme est légitime: «Je savais qu’il donne : deux pleines années. (…) proximité du marché aux poulets et d’un me fallait fonctionner avec cet univers Pendant ces deux années de prépara- bidonville, ressemble à s’y méprendre à déstructuré en bâtissant une fiction. Ça tion, le réalisateur vit comme un éduca- une décharge publique. Les sacs revenait à emmener ces enfants dans teur de l'association Bayti, il sillonne les d’immondices abondent et il faut traver- une structure. Vous prenez des lions rues et fréquente assidûment les appar- ser un large terre-plein avant d’identifier dans la jungle et les mettez dans un zoo. tements-refuges du quartier de au centre de cette zone désertique, où Cette démarche est-elle seulement Bernoussi, où les enfants-vagabonds chaque geste est à découvert, ce qu’il authentique? En ai-je le droit? Je ne sais sont recueillis, nourris, soignés et pris reste d’installations techniques. pas encore ce qui m’a fait tenir dans en charge dans l'espoir d'une réinsertion Très vite, on se retrouve encerclé mes convictions, peut-être la dimension progressive. La responsable des lieux, le d’enfants, certains en haillons, d’autres perpétuellement tragico-lyrique de la docteur Najat M'jid, est une belle jeune aux vêtements plus proches de n’impor- rue marocaine, qui offre toutes sortes femme de 40 ans dont le débit semble te quel gosse de banlieue occidentale. d’entrées, dans laquelle l’onirisme tient branché sur une source d'énergie inépui- Les âges sont difficiles à distinguer: on aussi de la réalité.