Parsifal Wagner
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Le journal de l’Opéra de Nice Osez l’Opéra JANVIER-FÉVRIER-MARS 2010 N°18 nice Acropolis PARSIFAL WAGNER 2 Parsifal à Acropolis 8 Lucio Silla 14 Philharmonique de Nice 22 Ballet Nice Méditerranée 30 jeune public 32 brèves ph. GTG/Nicolas Lieber - Grand Théâtre de Genève ph. GTG/Nicolas Lieber - Grand 2 OPÉRA JANVIER - MARS 2010 PARSIFAL L’OPÉRA D JANVIER 2010 VENDREDI 15 19h ph. GTG/Nicolas Lieber - Grand Théâtre de Genève JANVIER - MARS 2010 OPÉRA 3 E NICE À ACROPOLIS h DIM. 17 14h30 4 OPÉRA JANVIER - MARS 2010 CO-PRODUCTION OPÉRA DE NICE GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE DU PÉCHÉ INFINI E OPÉRA DE LEIPZIG Bühnenweihfestspiel en 3 actes. Livret et musique de « je vis pour le péché, je vis en me mourant Richard Wagner (1813-1883). ma vie n'est plus à moi, c'est celle du péché : Créé à Bayreuth, au Festspielhaus, Mon bien me vient du ciel et mon mal de moi-même le 26 juillet 1882. par ce vouloir infirme qui m'a déserté » Direction musicale « Mon cher Seigneur, toi seul qui vêts et qui dévêts Philippe Auguin et purges et guéris les âmes par ton sang Mise en scène et décors du péché infini et de l'humaine fièvre » Roland Aeschlimann Costumes Michel-Ange, Poèmes - Traduction, Pierre Leyris Susanne Raschig Éclairages Lukas Kaltenbäck Chorégraphie « Parsifal », festival scénique sacré en En attendant le rédempteur Lucinda Childs trois actes, a été créé à Bayreuth le 26 Dès l'ouverture, Wagner met en place Parsifal juillet 1882, quelques mois avant la mort Gary Lehman du compositeur. les motifs du Graal (coupe sacrée qui recueillit le sang du Christ et que con- Kundry L'ultime œuvre de Richard Wagner trou- Elena Zhidkova ve essentiellement sa source dans Par- servent les chevaliers de Montsalvat), aux accents d'une indicible plénitude, Amfortas zival de Wolfram von Eschenbach et Le Jukka Rasilainen conte du Graal de Chrétien de Troyes. de Parsifal, le sauveur que l'on reconnaît bien tard et celui, souterrain et inquié- Gurnemanz La production mise en scène par Roland Kurt Rydl Aeschlimann qui est proposée à Nice a tant de Klingsor qui, parce qu'il n'a pas respecté les règles strictes de la confré- Klingsor été créée à Genève en avril 2004. Elle Peter Sidhom était dirigée par Armin Jordan, depuis rie du Graal, en a été exclu. Ce prélude possède la grandeur d'un rituel, ponctué Titurel disparu. En guise d'hommage, évoquons Victor von Halem le film de Parsifal de Hans-Jürgen Sy- de silences d'une rare profondeur : une cérémonie de la quête de soi, aux ac- Le chevalier du Graal berberg dont l'immense chef dirigeait la Richard Rittelmann bande-son et où il jouait le rôle d'Amfor- cents douloureux et bouleversants d'hu- manité, comme le souvenir d'un paradis Un chevalier tas en prêtant au personnage un visage Yuri Kissin halluciné et suffocant et un regard ré- perdu. L'acte I débute par une scène d'exposi- Quatre écuyers vulsé d'homme blessé. Une telle proxi- Caroline Mutel, Marie Gautrot, mité avec l'œuvre rappelle combien Ar- tion. Gurnemanz, mémoire de la confré- Willem van der Heyden, min Jordan était totalement habité par rie du Graal, s'entretient avec quatre Antoine Normand celle-ci, au point de s'être immergé et écuyers. Ce gardien du temple est aussi un passeur qui n'est pas sans rappeler Six Filles-fleurs de Klingsor investi, pour le propos du film, dans la Barbara Ducret, Stéphanie Loris démesure de l'un des protagonistes. Hans Sachs dans Les Maîtres chan- Marie Gautrot, Catherine Hunold Le compositeur nous convie dans Parsi- teurs de Nuremberg. Dans ses premiè- Caroline Mutel, Lucie Roche fal à un voyage initiatique, intérieur et res interventions, il évoque la blessure mystique, riche en symboles et traversé inguérissable d'Amfortas, causée par la Orchestre Philharmonique de Nice par des thèmes tels la lutte entre le bien lance sacrée qui perça le flanc du Christ Chœur de l’Opéra de Nice et le mal, les déchirements entre la chair et que dirigea contre lui le sorcier Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice et l'esprit. Mais Wagner décline aussi Klingsor. Seule cette lance, conservée quelques motifs qui sont récurrents par ce représentant des forces du mal, a dans son œuvre : le bouc émissaire et le le pouvoir de guérir la plaie. Une telle groupe, la tyrannie des pères, l'attente structure manichéenne illustre l'un des d'un sauveur et d'une rédemption, en motifs les plus importants de l'opéra : la relation aussi avec une nécessaire ex- lutte entre la chair et l'esprit. D'un côté, piation. il y a Klingsor, incapable de résister à ses JANVIER - MARS 2010 OPÉRA 5 T DE L’HUMAINE FIÈVRE par Christophe Gervot pulsions, qui s'est châtré par dépit et elle est femme fatale, tentatrice qui sait dont l'obsession est de conduire à leur prendre les accents d'une mère pour sé- perte les chevaliers grâce à des tentatri- duire, protectrice et traîtresse. Son ces, les filles-fleurs. De l'autre, les mem- chant alterne des excès d'électrisante bres de la confrérie du Graal, aspirant au violence avec des plaintes caverneuses divin, pour qui la chasteté est une condi- ou des appels sensuels. Ces variations, tion nécessaire à l'élévation spirituelle. parfois brutales, expriment avec une jus- La loi du groupe est toutefois paradoxa- tesse infinie la détresse du personnage. le puisque à l'origine de celui-ci, il y a un père, Titurel, qui oblige son fils Amfortas Parsifal à célébrer le sacrifice du Graal, malgré ou le trouble de l'ignorance sa souffrance démesurée. Cette tyrannie d'un père rappelle les figures écrasantes C'est en blessant un cygne que Parsifal, de Wotan et D'Alberich, dans la Tétra- le « naïf pur », pénètre à Montsalvat. logie. Cette scène, très intériorisée, s'a- Seul Gurnemanz, penseur éclairé, s'inté- chève sur l'évocation de l'attente du resse à ce garçon fougueux qui ne sait rédempteur, d'un « naïf pur », qui rap- rien. En état de choc par cet animal porterait la Sainte Lance, dans une fer- mutilé sur une terre sacrée, les cheva- vente prière à cinq voix (Gurnemanz liers ne voient en cet intrus qu'un ado- rejoint par les chevaliers). lescent irréfléchi. C'est son ignorance qui décide Gurnemanz à le faire assister Kundry à une cérémonie du Graal. Avant qu'il ou les intermittences de l'âme n'accède au lieu du rituel, Kundry inter- rompt son récit lacunaire par cette phra- Kundry apparaît de manière récurrente se terrible « Seine Mutter ist tod » (Sa durant le premier acte. Elle interrompt mère est morte). Elle semble détenir un Gurnemanz au cours de la première savoir sur l'enfance de Parsifal, sur les scène pour l'entretenir d'un baume sus- causes de la mort de Herzeleide, sa ceptible d'apaiser les souffrances d'Am- mère. La profonde émotion musicale à fortas. Ce personnage fascinant a le pou- l'annonce de cette nouvelle est proche voir de la métamorphose et de la dupli- de la réaction de Siegfried, lorsqu'il app- cité, tantôt au service des chevaliers du rend par Mime la mort de Sieglinde, sa Graal, tantôt à celui de Klingsor. De mère, dans Le Ring. Plein de fougue et cette idée de service, il ne subsiste qu'un d'énergie lors de son entrée en scène, seul mot à l'acte III, lorsque cette femme Parsifal est déstabilisé par les révéla- déchirée se trouve réduite au silence, tions de Kundry. Au terme de cette pre- dans l'attente de sa rédemption. Brisée mière confrontation entre ces deux per- par ses égarements et par ses errances, sonnages, Kundry aspire au repos et à la son ultime et unique intervention au paix : « Schlafen, Schlafen » (Dormir, dernier acte se réduit à ces paroles dormir). « Dienen, Dienen ! » (Servir, servir !). Titurel demande à son fils d'accomplir le Cette figure multiple et morcelée sem- rituel, ce à quoi Amfortas répond : « Lass ble dans un état de grande lassitude dès mich sterben » (Laisse-moi mourir). Ces son entrée en scène au premier acte. cérémonies à répétition, en ravivant la Photos de la production Elle achève sa première apparition par blessure, le mettent dans un état de pro- donnée au Grand Théâtre de Genève ces mots « Ich bin müde » (Je suis fati- fonde détresse. Il s'exécute néanmoins. guée). Cette femme à plusieurs visages Au terme de la commémoration, Gurne- est d'une grande complexité : A l'acte I, manz constate que Parsifal n'a rien vu et elle détient des connaissances et donne surtout rien compris. Il le chasse. des indications aux chevaliers. Al'acte II, suite page 7 6 OPÉRA JANVIER - MARS 2010 suite DU PÉCHÉ INFINI ET DE L’HUMAINE FIÈVRE Mort et transfiguration ROLAND Par opposition au caractère céleste de la fin de l'acte I, l'acte II débute dans PROPOS D’UN METTEUR EN une atmosphère plus lourde et plus char- gée. Les forces du mal se déchaînent. Nous sommes dans le palais de Kling- recueillis par Isabelle Mili sor, un espace de bruit, de fureur et de pour La grange, probablement vers l’an Mille, ainsi que ressentiment. L'arrivée de Kundry est la théorie de la transmutation des un instant particulièrement fort pen- revue de l’Opéra de Genève âmes, propre au bouddhisme, furent dant lequel l'hystérie et la rage sont n° 74 (mars-avril 2004) une source de réflexion pour Wagner. particulièrement sensibles. Celle qui se Preuve que cette doctrine de la trans- moqua jadis des souffrances du Christ et remis en forme mutation des âmes avait un sens pro- continue à rire, tandis que Klingsor, fond pour le compositeur, l’esquisse du par Christophe Gervot dans un flot orchestral tourbillonnant, drame Die Sieger (Les vainqueurs) lui ordonne de mener Parsifal, égaré qu’il a réalisée en 1856 à Zurich et dont parmi les filles-fleur, à sa perte.