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Page 149 01 CM.Wps ISSN1142-9216 LA CHRONIQUE DE CLAUDE MESPLEDE TEXTES DU PASSÉ RICHESSES DU PRÉSENT Les ouvrages relevant du genre policier ont désormais le vent en poupe. Il n’y a pas si longtemps, un livre lu ou vendu sur cinq était un polar. A présent, l’équation est de un livre sur quatre. Ayons la courtoisie de ne pas nous moquer des subtils prophètes qui prédisaient la fin du genre dans les dix ans à venir. Chacun de nous conserve le souvenir de lectures ou de rencontres littéraires qui l’ont marqué à jamais. Souvent, un texte ou une explication de texte ont pu nous permettre de mieux apprécier tel genre ou tel auteur. Généralement, c’est la lecture d’un livre conseillé par un proche ou choisi au hasard qui peut modifier notre comportement et parfois même orienter notre vie future. Je n’échappe pas à ces règles et ce qui m’amuse beaucoup tient au fait qu’une des rencontres décisives de mon parcours de lecteur relève d’un ouvrage publié dans la superbe collection Omnibus. Pourquoi super- be ? Pour plusieurs raisons, la première étant de pouvoir rassembler en un seul volume de nom- breux textes qui relèvent d’une même thématique ou encore de réunir les romans d’un auteur, ce qui permet une lecture chronologique et intégrale de l’œuvre. La seconde raison tient à l’aspect écono- mique de ces volumes. Imprimés sur papier bible, ils dépassent généralement les 1000 pages et sont pourtant vendus à peine plus cher qu’un roman polar grand format de 250 pages. On pourrait énumérer d’autres aspects positifs comme le gain de place, la non dispersion de textes patristiques, l’intérêt des notes et d’une préface qui accompagnent souvent ce type d’ouvrage et enfin on peut apprécier l’aspect encyclopédique que génère un volume de chez Omnibus. A présent, voici la production qui me touche personnellement. Ce volume, signé Pierre Dac et Francis Blanche, a pour titre Malheur aux barbus avec dessous, dans un encadré blanc et en petites lettres, la mention Signé Furax. Pierre Dac et Francis Blanche formèrent un duo comique à la fin des années 1940 et chacun a souvenance de leur sketch hilarant Le Sâr Rabindranath Duval (1957). Les anciens, ceux qui furent collégiens durant les années 1950, se souviennent sans doute pour la Suite page 3 LA CHRONIQUE DE MICHEL AMELIN VERITE, RECIT ET FICTION : LE TRIO INFERNAL Conseil aux amateurs de récits d’histoires condamna Sarret à mort (guillotiné en 1934) et criminelles : procurez-vous les livres de la les sœurs Schmidt à dix ans de prison. fameuse collection « N’avouez Jamais » Philomène Schmidt, culottière bavaroise voulant publiée aux Presses de la Cité dans les années se faire naturaliser, rencontra pour se (le) faire, 70 et dont de nombreux titres mériteraient d’être Georges Sarrejani dit Sarret (né en 1879 dans le republiés. Ainsi, RENE TAVERNIER (le père du Trieste autrichien), avocat-conseil à Marseille. cinéaste), a-t-il traité les célèbres affaires de Après l’avoir mariée à un vieillard auquel il fit Mme Steinheil, des docteurs Petiot et Couty de souscrire une assurance-vie, il renouvela le coup la Pommerais, des Meurtres de la Lande avec Catherine, la jeune sœur Schmidt, venue (l’épouvantable couple Myra Hindley et Ian rejoindre son aînée pour monter un atelier de Brady) et celle, moins connue, du Marquis de culottes. Désireux de se débarrasser d’un Nayve qui, en 1883, se débarrassa du fils bâtard complice ex-prêtre défroqué, Sarret l’abattit dans de sa femme en le précipitant d’une falaise une villa louée et fit venir ensuite la maîtresse de italienne au terme d’un périple incroyable qu’on celui-ci, une ancienne femme de notaire partie pourrait qualifier d’ « initiatique inversé ». A avec la caisse de l’étude, qui subit le même sort l’exemple de ce dernier titre exemplaire, JANINE tandis que les culottières Schmidt faisaient DELPECH a écrit d’une plume tout à fait pétarader une moto pour couvrir le bruit des victorienne l’histoire de Madeleine Smith, la détonations. Sarret et les sœurs installèrent jeune empoisonneuse de la gentry et celle du ensuite le couple dans une baignoire achetée dandy Thomas Wainewright tandis que PAUL exprès et versèrent dessus le contenu de quatre LORENTZ s’est attaqué aux sinistres Stavisky, bonbonnes de 50 litres d’acide sulfurique. Ils Pranzini, et abbés Bruneau et Boudes. revinrent pendant quatre jours pour touiller et N’oublions pas les affaires Landru, Mme enfoncer ce qui surnageait et finalement vidèrent Lafarge, Violette Nozières, Gravie, Chessman, la baignoire de sa boue noire et puante en Seznec, Bougrat, Serre de Saint-Clair et même faisant la chaîne avec des seaux pour jeter le Sacco & Vanzetti racontés par J.P. tout dans le jardin. Les années suivantes, le trio MANCHETTE. Bref, une collection qui mériterait multiplia les escroqueries à l’assurance pour de ressortir des oubliettes. SOLANGE mener la belle vie et surtout alimenter l’énorme FASQUELLE, juré du Fémina et auteur d’une ambition politique de Sarret. Leur coup de maître vingtaine de romans, a publié dans cette fut les quatre assurances sur la vie de Catherine collection un titre sur l’horloger Pel, précurseur souscrites en faveur de la vieille mère Schmidt de Landru, un sur Jeanne Weber, la tueuse restée en Bavière et parfaitement innocente. d’enfants dite « l’Ogresse de la Goutte d’Or », et Catherine, pétante de santé, passa les un autre sur le fameux « Trio infernal » (Georges obligatoires visites médicales. Sarret paya Sarret et les sœurs Schmidt), livre adapté par ensuite les fortes mensualités pendant deux ans Francis Girod, en 1974, avec Michel Piccoli et puis Philomène se déguisa en dame Romy Schneider. Signe du destin, la romancière patronnesse pour visiter les hospices afin d’y est née en 1933 année du procès du trio qui dénicher une jeune tuberculeuse mourante et sans famille. Magali Herbin, éperdue de reconnaissance d’être arrachée au mouroir puant, fut transportée dans une villa louée et, sous l’identité de Catherine Schmidt fut déclarée perdue par les médecins. Comme elle tardait à mourir, Sarret lui offrit une bouteille de Champagne pleine de sels de zinc que la naïve but cul sec avant de trépasser. La fausse Catherine enterrée, Philomène se déguisa en vieille mère Schmidt pour signer une procuration à Sarret et rejoignit sa vraie sœur, planquée à Paris. Sarret encaissa une fortune de 1 700 000 francs… Pour son récit, Solange Fasquelle adopte un ton cynique bienvenu. Elle s’est docu- 2 La chronique de C. Mesplède (suite de la page 1) plupart du célèbre feuilleton radiophonique Malheur aux barbus. Ce pastiche policier loufoque créé par le duo inséparable fut diffusé du lundi au samedi entre 13h10 et 13h20 sur la chaine parisienne de la RTF. La diffusion entamée le 15 octobre 1951 s’interrompit le 28 juin 1952 à l’issue du 213e épisode. Pierre Dac et Francis Blanche nourris l’un et l’autre de récits populaires dont les héros avaient pour noms Arsène Lupin, Rocambole et Fantômas n’eurent aucune peine à pasticher ce qu’ils adoraient. Peut-être suis-je davantage sensible à ces textes que d’autres. La cause remonte à l’année de ma seconde durant laquelle je me fis confisquer par un pion à peine plus âgé que moi le premier volume de Malheur aux barbus. Il récidiva peu après en m’interdisant un volume de la Série Noire. Ce censeur imbécile, sans le savoir, m’a définitivement rangé dans le camp du polar que mentée avec la presse de l’époque, dont les je défends depuis cinquante ans. A ce propos, fameuses chroniques judiciaires de GEO ne ratez pas non plus dans la même collection LONDON (réunies dans « Les Grands Procès de l’intégrale tant attendue des nouvelles de Dashiell Hammett, réalisée par Natalie Beunat l’Année 1933 ») dont elle reprend des dialogues qui présente ce volume. et des descriptions gestuelles des accusés. Pourtant, elle oublie de dire que Magali Herbin Claude Mesplède avait de la famille tenue au courant par lettres Bibliographie : Malheur aux barbus, Pierre Dac et Francis Blanche, Omnibus, 1309 pages, 28 euros . rassurantes de Catherine Schmidt. Mais, surtout, Coups de feu dans la nuit, l’intégrale des nouvelles de elle change complètement la fin de l’affaire, afin Dashiell Hammett, Omnibus, 1292 pages, 29 euros. de précipiter les évènements. Ainsi met-elle en scène Philomène, mal déguisée en vieille et se Chalonnes sur Loire. faisant démasquer par un trésorier payeur qui A l’occasion du 24ème mène son enquête en téléphonant à ses salon de la Bande dessi- collègues des autres assurances. En fait, le coup née de Chalonnes sur fut réussi et les sœurs ne se firent prendre qu’un Loire le 12 et 13 février an plus tard. Hélas, cette version sera encore 2011, j’ai eu le grand plus faussée par l’adaptation de Francis Girod plaisir de mener les inter- qui fera vraiment mourir Catherine Schmidt views de notre confrère avant que Philomène épouse Sarret avec la Gérard Berthelot des- tuberculeuse Magali pour témoin… sinateur de « l’affaire Étrange sabotage. Ces libertés sont les limites Seznec » parue chez De du récit historique mis sous forme romanesque Borée, ainsi que ses deux ou cinématographique. Et elles deviennent prestigieux scénaristes : Luc Révillon et Julien cruciales en ce qui concerne le récit criminel où Moca, directeur de la collection des bandes la gestion du temps est la difficulté majeure. Car dessinées de cette maison d’édition, collection le temps de l’enquête et surtout celui de la dédiée aux grandes affaires criminelles.
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