Clés. Lanomina­ tion d'Henri Pro­ glio àla tête d'EDF ou les millions versés par l'Etat à Bernard Tapie, une histoire de frères ...

PAR SOPHIE COIGNA'RD a reconduction de François Fillon à Matignon est une dé­ 1L faite des francs-maçons, dont beaucoup soutenaient ouverte­ ment Jean-Louis Borloo, qui, en tant que chef du Parti radical, incarne la tradition fraternelle au sein de la République. Telle est l'analyse à laquelle se livre un personnage poli tique fran­ çais de tout premier plan sur le récent remaniement ministériel. Voici son raisonnement: «Il suffit de regarder qui soutenait Borloo: Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, pourunefois d'accord avec Henri Guaino, mais aussi le patron d'EDF, HenriProg/io, qui nie être initié, mais celafait rire tout .» Notre observateur averti nesou­ haite évidemment pas apparaître à visage découvert. «Ce que je vous dis est une évidence pour quiconque s'intéresse aux jeux d'influence au sommet. Mais je n'ai pas envie de pas­ serpourun paranoïaque, s'amuse-t-il. Et puis, les frères sont les premiers à avancer masqués, non?» Dans tous les cénacles, la «main invisible »desfrancs-maçonsanime les conversations. Pourquoi ?Parce qu'elle obéit à une combinaison magique:réseaud'influence •••

Le Point 2001 1 20 janvier 2011 1 49 EN COUVERTURE Frères et sœur àl'insu de leur plein gré

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Xavier Bertrand Brice Hortefeux Marie-Luce Henri Patrick Ollier Initié au Grand Orient Le ministre de l'Intérieur Penchard de Raincourt Même s'il n'a jamais de , le ministre s'est toujours gardé La ministre chargée Il a été introduit à la effectué son coming-out, des Affaires sociales de confirmer ou de de l'Outre-mer a de qui GLNF par un haut le ministre des Relations s'est mis en retrait démentir son a pparte· tenir. Sa mère, Lucette fonctionnaire du Sénat, avec le Parlement lorsqu'il a occupé nance à la Grande Loge Michaux-Chevry, où il était président de n'hési te pas à sai uer ses son premier poste nationale française, ex posai t dans sa groupe. Etre franc-maçon semblables d'un peu gouvernemental, en 2004. qu'il ne fréquente plus. maison de Basse-Terre est quasi obligatoire discret «sa/ut petitfrère ». de nombreux objets pour être ministre de la maçonniques. Coopération.

••• plus secret d'appartenance. pas un si ces hauts responsables, locuteur mettra un moment à tra­ Le cocktail parfait! garants de l'intérêt général, ne duire ce « où 7», qui signifie «dans D'ailleurs, comme pour illustrer niaient pas, pour la plupart, leur quelle obédience 7». ces propos, quelques jours après sa appartenance avec ladernière éner­ n cadre supérieur bardé de di­ sortie du gouvernement, Jean-Louis gie. Ils ne sont pas les seuls. Dans plômesestembauchédansW1grand Borloo organise dans les Salons de la police, dans la magistrature, dans groupe de distribution d'eau. Au fil l'Aveyron, à Paris, un «dîner répu­ l'Education nationale, dans les ban­ des jours, il comprend que ses col­ blicain» de 800 personnes. Tradi­ ques et compagnies d'assurances lègues etses supérieurs le prennent tionnellement, ce banquet réunit mutualistes, à EDF, à La Poste, per­ pour ce qu'il n'est pas: un frère. des frères et leurs amis défenseurs sonne n'a jamais franchi le seuil Doit-il jouer la comédie 7 «Les pre­ de la laïcité pour commémorer la d'un temple, si l'on s'en tient aux miers temps, je me suis contenté de ne loi de séparation des Eglises et de déclarations officielles. De cette AUTOUR pas les détromper, sansjamais mentir, l'Etat. Là, c'est la fête à Jean-Louis! omerta nourrie par les initiés eux­ DElA TABLE raconte-t-il. Au bout dequelques mois, Les familiers des loges ne manquent mêmes résulte un étrange para­ des relations d'estime mutuelles'étaient pas autour des tables. Ceux qui l'as­ doxe: dès qu'une nomination ou DU CONSEIL installées, ce qui rendait mon silence surnen t et ceux qui le taisen t. Alain une décision semblent inexplica­ DES MINISTRES, coupable. Je me suis donc dévoilé, si Bauer, ancien grand maître du bles, chacun, parmi les profanes, LES INlllÉS SONT j'ose dire ;non,jen'en étais pas. A mon Grand Orient aujourd'hui conseiller songe à la franc-maçonnerie. Com­ AUSSI NOMBREUX grand soulagemen~ cet aveu aété ac­ officieux de pour ment en serait-il autrement 7 cueilli avec décontraction. Mais on m'a j les questions de sécurité, Xavier Un député important de la ma­ QU'AVANT fait comprendre qu'il était utile et in té- ~ Bertrand, ministre du Travail, Jean­ jorité reçoit un jeune élu promet­ LE REMANIEMENT. ressant d'y entrer, pour instaurer un B Michel Baylet, président du Parti teurdansson bureau de l'Assemblée climat de confiance avec les clients et il radical de gauche, Serge Lepeltier, nationale. «Alors, tu es où, toi?»lui même en interne.» A-t-il accepté 7 Il ~ premier vice-président du Parti ra­ demande-t-il tout de go. Son inter- assure que non. On n'est pas sûr de ~ dical valoisien, Patrick Ollier, tout le croire sur parole. ~ nouveau ministre chargé des Rela­ Ceux qui s'y sont frottés sont ~ tions avec le Parlement, Gérard prompts,ensuite,àvoirdesréseaux ~ Larcher, président du Sénat... fraternels partout. Les nouvelles ~. François Fillon, qui n'est pas normes qui s'imposent à l'habitat 8 franc-maçon, est resté Premier mi­ Amis. Alain Bauer, en matière d'environnement 7Une ~ nistre. Preuve que les frères ont ancien grand maître gentillesse faite aux prestataires ~ perdu la main 7Certainement pas. du Grand Orient par le ministère. La difficulté à fu- ~ Mais on ne gagne pas à tous les de France, avec sionnerles Caisses d'épargne etles ~ coups ... Les initiés sont d'ailleurs Jean-Louis Borloo, Banques populaires 7 Une guerre ~ aussi nombreux qu'avant autour le 9décembre 2010, entre maçons d'obédiences diffé- ~. de la table du conseil des ministres. au « dîner rentes et aux intérêts disjoints. La ~ Est-ce un problème 7Ce n'en serait républicain ». nomination d'Henri Proglio ••• ~

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leurs fiefs. Jusqu'alors, on s'arrangeait née qui suit son arrivée, il fait le mé­ Un inspecteur des finances ou on s'étripait, mais entre frères. Aux nage au conseil de surveillance et dans un panier de frères postes de direction, la proportion d'ini­ remercie notamment plusieurs pro­ tiés atteint, d'après plusieurs sources ches de Charles Milhaud, lui-même fa­ Plusieurs de ses copains de l'Inspection internes, environ 50 %. Dans les filia­ milier. des loges. Il est alors la cible de l'avaient prévenu: il allait mettre les les,le schéma est le même. La coopta­ plusieurs attaques, notamment de la pieds dans une réserve de francs-ma­ tion fraternelle est la règle chez Na­ part de Nathanaël Majster, un ancien çons. Et ces réseaux allaient lui compli­ tixis, qui a été sauvé de justesse de la magistrat franc-maçon placé par Mil· quer la tâche dans des proportions qu'il faillite durant la crise financière. Et haud à la tête d'une assez opaque fi­ sous-estimait. Les Banques populaires, l'une de ses filiales, la banque de ges­ liale marocaine. mais surtout les Caisses d'épargne, que tion privée I8I8, est réputée aider les l'Etat tentait sans succès de fusionner, frères. «le n'ai pas compris pourquoi Déstabilisation. Majster accuse pu­ appartiennent en effet àl'univers mu­ François Pérol n'a pas déclenché un audit bliquement Pérol d'avoir favorisé tualiste, fait de sociétaires, de caisses sur Natixis et I8I8, s'étonne un ban­ lmad Lahoud lorsque celui-ci avait régionales dont les responsables se quier. Dans les chasses, certainsfrancs­monté le fonds Volter, qui a valu au fu­ font élire àl'applaudimètre fraternel. maçons se vantaient de faire partie de la tur héros de l'affaire Clearstream sa Malgré les mises en garde amicales clientèle VIP et d'avoir obtenu des crédits il première incarcération. L'histoire fait contre la mission impossible qui l'at­ des conditions imbattables pour acheter... long feu, mais ressemble fort àune tendait, François Pérol, major de l'Ena, leurs propriétés de chasse, justement. » tentative de déstabilisation de cet ins­ inspecteur des finances, secrétaire gé­ François Péro!, sans y aller au ba­ pecteur des finances qui ne cache pas néral adjoint de l'Elysée, a choisi de zooka, n'est pas resté inactif. Dans l'an- son peu d'attrait pour le Grand Archi­ franchir l'obstacle en février 2009. L'ac­ tecte de l'Univers. tualité a surtout retenu le conflit d'in­ « Il n'est pas en soi hostile il la franc­ térêts qui en a résulté: après avoir, maçonnerie, précise un de ses proches, comme banquier chez Rothschild, œu­ mais il reproche au système de cooptation vré àla création de Natixis, filiale com­ qu'elle a mis en place de faire passer le mé­ mune des Banques populaires et des rite, le travail et l'efficacité au second Caisses d'épargne, puis piloté, depuis plan.» Mais François Pérol ne veut pas l'Elysée, la fusion entre les deux sœurs intervenir publiquement sur la ques­ . ennemies, il prenait la tête d'un ensem­ tion et considère que le débat est clos. ble qu'il avait contribué àdessiner. Comment faire autrement? Au bout Une mise en cause qui n'a pas déplu de deux ans, le président de la BPCE ne aux francs-maçons des deux maisons, sait toujours pas exactement qui, dans lesquels ne voyaient pas d'un bon œil l'entourage hérité du passé, fait partie l'arrivée de cet étranger dans un de Intrus. François Pérol n'est pas franc-maçon... des 50%! . S.c.

••• comme PDG d'EDF, poste que ainsi la manière dont un Grand Orient, s'indigne. «le voulais qu'il comptait cumuler avec son amendement législatif a été intro­ envoyer un signal: montrer que les maintien àla tête de Veolia? Une duit afin de permettre aux établis­ francs-maçons ne sont pas tous dans revanche des francs-macs. Les as­ sements publics administratifs les combines, explique-t-il. On sait sauts contre Anne Lauvergeon pour d'avoir recours à l'arbitrage pour que des membres de la GLNFontjoué lui faire quitter Areva? Une gué­ DANS CETTE résoudre leurs conflits.: «Qui avai~ un rôle dans cette affaire, il l'Elysée, il guerre entre la maçonnerie et le LONGUE - ET dans le secret des cabinets, préparé ce Bercy, mais aussi panni les avocats corps des Mines, dont Mme Lau­ COÛTEUSE - SAGA texte ?(...) Etait-ce lecabinet du minis­d'affaires spécialisés dans les liquida­ vergeon est un élément actif... Les tère de l'Intérieur, ceux de Nicolas tions judiciaires, qui sont àlafois pro­ millions versés par l'Etat àBernard DE TAPIE CONTRE Sarkozy et de Brice Hortefeux ? Ou ches de Tapie et impliqués dans des Tapie àl'issue de son combat contre L'ÉTAT, LE MOT Bercy, sous la double autorité du mi­transactions en Afrique.» le Crédit lyonnais? Rien n'aurait « FRANC-MAÇON» nistre de l'Economie, Thierry Breton, Il faut louer le courage de Jean­ été possible sans les frères. N'EST JAMAIS et du ministreduBudge~ lean-François Michel Quillardet, àqui cet article Dans cette longue-et coûteuse­ Copé?» Les initiés compléteront n'a pas fait que des amis dans l'uni­ saga de Tapie contre l'Etat, le mot PRONONCÉ MAIS d'eux-mêmes: tous francs-maçons vers maçonnique, où la règle d'or . ~ «franc-maçon» n'est jamais pro­ BRÛLE TOUTES ou très proches des loges. consiste àse taire poume pas ternir ~ noncé mais brûle toutes les lèvres. LES LÈVRES. D'ailleurs, un initié, et pas le l'image des obédiences et de leurs ~ Dans son livre« Abus de pouvoir », moindre, réagit lui aussi à l'arbi­ membres. Un raisonnement à ~ François Bayrou lui consacre un trage qui couvre Tapie de millions. courte vue: depuis le docteur Freud, ~ chapitre violent dont certains pas­ Dans les colonnes de Libération, chacun sait les ravages opérés par ~ sages doivent être lus entre les li­ Jean-Michel Quillardet, un avocat le silence et la violence que peut ~ gnes. Le président du MoDem évo­ qui était alors grand maître du revêtir le retour du refoulé . :!:

52 1 20 janvier 2011 1 Le Point 2001 L'extraordinaire appétit de M. Bauer Ce n'est plus du cumul, c'est un carrou­ dernier est aussi membre du Grand trais la direction de la Gendarmerie natio­ sel de casquettes, une farandole de ti­ Orient de France. Et alors? Une coïnci­ nale en porte-àfaux. Alors j'ai cédé. .. » tres, une orgie de distinctions: dence, sûrement. C'est fou ce que l'Elysée a comme conseiller de Nicolas Sarkozy pour les En 2009, nouvelle polémique àpro­ tem ps à consacrer à ce dossier! En questions de sécurité et de terrorisme, pos du rapprochement des instituts de janvier 2009, plusieurs patrons du enseignant auprès des universités recherche traitant des questions de sé­ CAC 40 Ysont conviés. Alain Bauer, Paris-I, Paris-II, Paris-V, àl'Ecole des offi­ curité et de géopolitique. Alain Bauer qui a par ailleurs, dans le cadre de ses ciers de la gendarmerie nationale, à voudrait regrouper sous la même ban­ activités privées, des liens contractuels l'Ecole nationale de la magistrature, à nière l'Institut national des hautes avec certains d'entre eux, souhaite les l'Ecole nationale supérieure de police, études de la sécurité (Inhes), l'Institut faire contribuer financièrement. professeur titulaire de la chaire de cri­ d'études et de recherche sur la sécurité minologie du Conservatoire national des entreprises (Ierse), l'Institut des Manœuvres. Car son ambition est des arts et métiers (CNAM), président hautes études de défense nationale immense. Il envisage, comme c'est écrit du conseil d'orientation de l'Observa­ (IHEDN) et le Centre des hautes étu­ en filigrane dans son rapport, d'avaler toire national de la délinquance, de la des de l'armement (CHEAr). Il se voit aussi les organismes de recherche privés Commission nationale de la vidéosur­ confier une mission d'études par Nico­ ou parapublics qui ont trait d'une ma­ veillance et, depuis janvier 20IO, prési­ las Sarkozy, rend un rapport préconi- nière ou d'une autre à la géostratégie. dent du Conseil supérieur de la forma­ Parmi ceux-ci, le plus prestigieux tion et de la recherche stratégique. Ouf! est l'Institut français des relations in­ Précisons, pour ceux qui revien­ ternationales (Ifri), créé en I979 par draient d'un long voyage sur la Lune, Thierry de Montbrial. Un gros mor­ qu'Alain Bauer est aussi ancien grand ceau: les plus grandes entreprises maître du . Il françaises ainsi que les ambassades était également, jusqu'en juillet 20IO, sont partenaires de l'Ifri. Alain Bauer le fondateur, PDG et propriétaire (par commence les manœuvres d'appro­ le biais d'une société civile) de AB As­ che. Puis, à l'été 2009, il fait convoquer sociates, société de conseil en sécurité. Thierry de Montbrial àl'Elysée, dans Une entreprise qui rapporte: en 2009, le bureau du directeur de cabinet de pour 4 millions d'euros de chiffre d'af­ Nicolas Sarkozy, Christian Frémont. faires, elle a réalisé un bénéfice net de Le patron de l'Ifri s'est ouvert à des plus de l million d'euros. Son PDG l'a proches de cette réunion surréaliste, dissoute pour se mettre en conformité durant laquelle un marché lui a été avec la loi interdisant à un professeur Intimité. Nicolas Sarkozy et Alain Bauer en 2006. mis en main par Bauer: soit il accep­ d'université d'être mandataire social. tait d'entrer dans le giron du conseil Il continuera donc comme consultant, sant la fusion, au nom de la rationali­ supérieur présidé par le même Bauer, ce qui n'est pas illégal. sation, et devient président d'une soit il allait devoir se passer des sub­ Cette activité multiforme interroge mission préparatoire. A l'époque, il se ventions de l'Etat, qui représentent sur le mélange des genres entre défend de vouloir prendre la tête de la moins d'un tiers des ressources de public, privé, officiel et officieux. future structure. Tout le monde a le l'Ifri. Thierry de Montbrial ne s'est pas Alain Bauer consultant récolte-t-il des droit de changer d'avis. laissé tordre le bras: mieux valait, contrats, à l'étranger notamment, Certains de ces instituts font de la pour lui, un Ifri privé de subsides, facilités par la visite de Bauer Alain en résistance. Bauer commence donc par donc contraint àla décroissance, que tant que conseiller pour la sécurité du s'attaquer au plus faible. L'Ierse est la perte de son indépendance. Il a ob­ président de la République? alors dirigé par le préfet Rémy Pautrat. tenu gain de cause. L'extraordinaire appétit de ce tra­ Il offre des formations et publie des Dommage pour l'ami sécurité du vailleur infatigable - il est aussi ouvrages sur l'intelligence économi­ président, qui trouvait sûrement l'Ifri l'auteur de nombreux romans, essais que. Point faible: l'Ierse est hébergé très àson goût: réceptions de chefs et manuels - suscite régulièrement par la Gendarmerie nationale. Alain d'Etat, colloques de haut niveau, tout l'étonnement, voire l'indignation . . Bauer propose à Rémy Pautrat de ve­ pour plaire... Il a, pour l'anecdote, fait La chaire de criminologie a été nir évoquer la fusion avec Nicolas déprogrammer par maill'interven­ créée spécialement pour lui, sur ordre Sarkozy en personne. «Il a pris soin de tion de Thierry de Montbrial àla de l'Elysée, après que Christian Fores­ montrer son degré d'intimité avec le prési­ séance d'ouverture de l'IHEDN, fin tier est devenu administrateur général dent, se souvient Rémy Pautrat. J'ai vite 2009. Motif invoqué: cet homme n'est de cette grande école, en 2008. Or ce compris que, si je n'acceptais pas, je met­ pas bien vu àl'Elysée _ s. c.

Le Point 2001 1 20 janvier 2011 1 53 EN COUVERTURE Des justidables pas comme les autres

Faveurs. Quand drait éviter d'alimenter le soupçon portant sur les détenteurs de l'auto­ l'appartenance rité, dit la garde des Sceaux. -lesuis . , d'accord avec vous, lui répond l'élu, maçonnIque pese mais ilfaut tout de même reconnaître dans la balance. qu'ilya eu des précédents quelque peu problématiques. » Récemment, une sorte d'expé­ PAR SOPHIE (OIGNARD rience de laboratoire a eu lieu au oi, quand j'écoute mes • tribunal de Paris. Des francs­ « e7ecteurs(...), ils me disent maçons attaquent d'autres francs­ Mqu'ils se sont trouvésface maçons, tous de la même obé­ à un juge qui avait des positions dience. C'est, depuis un an, la politiques différentes des leurs, qui panique àla GLNF, deuxième obé­ avait des positions syndicales, qui a dience du pays derrière le GO. Des été influencépar les médias, qui aété Rituel. Au cours de tient lui aussi àl'obédience7 C'est hères sont entrés en dissidence et influencé parce qu'il était au Rotary, l'audience solennelle une question intéressante qu'il est remettent en question la légitimité ou dans tel groupe, ou parce qu'il de rentrée 2010 de inconvenant de poser au nom de du grand maître, François Stifani, était franc-maçon »... Quand elle la Cour de cassation, l'impartialité des magistrats. qui, selon em.:, outrepasse son pou­ s'exprime ainsi, le II avril 2010, les toges rouges sont Michèle Alliot-Marie avait for­ voir. Pour régler le contentieux, il sur Canal +, pour justifier la sup­ sorties, le Premier cément aussi entendu parler d'une afall u, horresco ,-eferens, faire appel pression du juge d'instruction, à ministre est attendu. histoire qui a pollué les débats au à la « justice profane ». quoi Michèle Alliot-Marie pou­ sein du Conseil supérieur de la vait-elle bien penser pour men­ magistrature (CSM) sortant. L'un Insurgés. Chaque camp espère tionner - fait hautement inhabi­ de ses membres était en même tomber sur des juges compréhen­ tuel-le problème des magistrats temps mis en cause dans une affaire sifs, et reconnaît donc de façon francs-maçons? privée d'ordre familial et a béné­ implicite l'influence fraternelle Avait-elle en tête les interroga­ ficié d'un arrêt favorable de la cour dans les prétoires. Les frères avo­ tions légitimes qui peuvent naître d'.appel de Toulouse, cassé depuis cats sont nombreux aussi. De quand sont instruits des dossiers par la Cour de cassation. Le justi­ part et d'autre, on leur demande concernant de puissants initiés? ciable membre du CSM, comme des conseils et l'on fait appel aux Celui des« biens mal acquis », par le président de la formation de meilleurs professeurs de droit exemple, qui concerne les condi­ Àl'AUDIENCE, jugement de Toulouse, se connais­ pour des consultations juridiques. tions d'acquisition d'un important sent et sont tous les deux francs­ Mais qui choisir comme avocat patrimoine en France par Omar L'AVOCAT DE maçons. Dans le même temps, une officid? La GLNF opte pour le Bongo, le défunt chef d'Etat gabo­ LA GLNF GLISSE action àfin de subsides est exercée bâtonnier sortant, Me Christian nais, et le président du Congo, LENOM D'UN devant le tribunal de Paris à l'en­ Charrière-Bournazel, et les insur­ Denis Sassou Nguesso. Tous deux HAUT MAGISTRAT contre du magistrat membre du gés, réunis au sein de l'associa tion étaient grand maître de la Grande CSM. Un dossier assez banal, jugé FMR (pour Franc-Maçonnerie Loge de leur pays. Ali Bongo, qui FRANC-MAÇON. durant l'été 2010. Banal? Pas vrai­ régulière) s'offrent les services a pris la succession politique de CERTAINS YONT ment, puisque la représentante du de Me Francis Teitgen, ancien son père, a récemment été bom­ VU UN MESSAGE parquet est l'objet de pressions bâtonnier lui aussi. bardé grand maître de la Grande ADRESSÉ telles que le procureur de la Répu­ Ces deux éminents plaideurs Loge du Gabon. Les liens étroits blique en personne les déplore. La sont alors regardés d'un drôle entre ces chefs d'Etat et la Grande AUX JUGES. main invisible, en l'espèce, s'est d'œil: seraient-ils initiés ? Ils jurent Loge nationale française (GLNF), montrée trop insistante. que non. Mais Me Charrière­ qui les a installés sur leur trône Ce feuilleton à tiroirs a telle­ Bournazel glisse le nom d'un maçonnique, ne sont plus à dé­ ment choqué qu'il a même nourri magistrat àla cour d'appel de Paris montrer. Lors de l'intronisation les débats parlementaires sur la qui se trouve être président de la d'Ali Bongo, en novembre 2010, réforme du CSM. A l'Assemblée commission de recours gracieux deux anciens grands maîtres de la nationale, l'examen de ce texte de la GLNF. Une tentative pour GLNF étaient placés à sa gauche donne lieu à ce bref mais savou­ insinuer devant le tribunal que les et à sa droite. Que se passe-t-il si reux échange entre Michèle Alliot­ instances de la GLNF sont peuplées l'un des magistrats désignés pour Marie et le député Philippe de hauts magistrats? Certains l'ont instruire ce dossier explosif appar­ Houillon, rapporteur.« Mieux vau­ interprété ainsi _

54 1 20 janvier 2011 1 Le Point 2001 EN COUVERTURE Quand les maçons (ornaquent le mammouth

Au tableau. Du haut en bas de la hiérarchie, les frères se tiennent parla main. ? couches Yu" fe r . ~ PAR SOPHIE COIGNARD . () n rienS une soc((:::E armi les ministres de l'Educa­ C'est­ roi ~UI v tion nationale qui se sont \ Psuccédé, ceux qui ne sont pas francs-maçons ont été bien étonnés la première fois qu'ils ont utilisé la salle à manger de l'hôtel de Ro­ chechouart: les couverts sont ornés d'une feuille d'acacia, l'un des prin­ cipaux symboles maçonniques avec l'équerre et le compas. Mais, s'ils ne veulent pas être dépassés, ils doivent apprendre à décrypter les signes d'appartenance. L'Education nationale partage avec l'Intérieur le discutable pri­ vilège de pratiquer, à des degrés di vers selon les époques et les ti­ de « minimum éducatif garanti » L'affaire des couches­ la FEN et son puissant Syndicat tulaires du poste, la cogestion avec qui serait dû àchaque élève àl'issue culottes. Vendetta national des insti tuteurs (SNI). Elles les syndicats. Rue de Grenelle du collège. Elle a été portée, de bout maçonnique? Dans font partie de la galaxie maçonni­ comme Place Beauvau, ceux-ci en bout, par l'Uns a, avec,il est vrai, l'entourage de Darcos, que, que peu de ministres prennent comptent de nombreux francs­ l'appui du SGEN-CFDT, où les on en est persuadé. le risque de mécontenter. maçons dans leur hiérarchie. Il y feuilles d'acacia sont moins Xavier Darcos le découvre vite eut d'abord le « canal historique » foisonnan tes. à ses dépens. En septembre 2008, avec la Fédération de l'Education L'influence fraternelle, Rue de devant la commission des Finances nationale (FEN), qui a toujours été Grenelle, c'est aussi le pouvoir de du Sénat, il déclare que les institu­ peuplée de frères. Lesquels se re­ nuire. Peu de temps après son trices de maternelle ne sont pas . trouvent, aujourd'hui, au sein de arrivée, en 2007, Xavier Darcos formées ni payées pour changer l'Unsa Education. Moins influent décide de réduire sensiblement les les couches-culottes. Une allusion que ne l'était la FEN, ce syndicat su bven tions accordées àla myriade - audacieuse, voire maladroi te - à s'est montré très actif dans les né­ d'associations telles que la Ligue la généralisation de l'école pour gociations sur certaines réformes de l'enseignement, la Jeunesse au les tout-petits. La vidéo de cette importantes, telle «socle commun plein air ou la FCPE, majoritaire prestation est mise en ligne sur de connaissances et de compétences ». pourreprésenterles parents d'élè­ Internet, où elle fait un tabac... Cette création de la loi Fillon, ves... Ces structures on t été fondées, contre le ministre, qui ne peut plus en 2005, reprend l'idée d'une sorte ou soutenues très fortement, par rien dire ni rien faire sans qu'on

56 1 20 janv ier 2011 1 Le Point 20 01 lui ressorte l'affaire des couches­ Audace. Malheur à culottes. Dans son entourage Xavier Darcos, qui comme dans certains syndicats, avait voulu réduire on est persuadé qu'il s'agit d'une les subventions. vendetta maçonnique, pour le punir de sa pingrerie. Les échos de cette riposte parviennent jusqu'au Salon de l'éducation, qui se tient chaque année au parc des expositions de la porte de Versailles. Piloté par la Ligue de l'enseignement, il est une bonne caisse de résonance pour les frères. Les ministres, eux, ap­ précient modérément de s'y faire molester verbalement alors qu'ils financent la manifestation.

Secret d'Etat. Luc Chatel n'a pas poUrsuivi l'assainissement financier engagé par son prédéces­ seur. Soucieux de ne pas déplaire, il a rétabli, peu après son arrivée, toutes les subventions à leur ni­ remontée du point d'indice, raconte cas jusqu'à une date récente. Le veau antérieur. Ce sont environ un hiérarque du ministère. Ils re­ groupe spécialisé Enseignement 2omillionsd'eurosd'argentpublic, présentent un rouage très important, etvie scolaire est connu, en interne, théoriquement gérés par la Direc· qui reçoit 9 millions d'e?èves parjour pourreprésenter un yj,rierintaris­ tion générale de l'enseignement et parle quotidiennement à de sable. Or ce sont ses membres qui scolaire(DGESCO) mais distribués, « JE SUIS VRAI­ nombreux parents: impossible de les ontla haute main sur le personnel en pratique, par le cabinet du mi­ MENT DÉSOLÉE, négliger ou de les mécontenter. » d'encadrement dans les établisse­ nistre, qui sont ainsi transférés MAIS NOUS Au ministère lui-même, plu­ ments.Aveclesyndicatmajoritaire vers les associations très fraternel­ sieurs bastions sont identifiés. Le d'une part, l'inspection générale les qui gravitent autour de la Rue NE SOUHAITONS secrétariat général, mais surtout de l'autre, la boucle est bouclée. de Grenelle. A qui profite cette PAS RÉPONDRE À la direction générale des ressources prodigalité? Un secret d'Etat, si VOS QUESTIONS. » humaines. Ceux que la présence Prestidigitation. Mais le point l'on en croit la réponse du cabinet LA CONSEILLÈRE EN fraternelle dérange, parmi les le plus sensible concerne l'ensei­ de Luc Chatel aux questions du hauts fonctionnaires, ironisent à gnement privé, dont le suivi du Point: «Je suis vraiment désolée, COMMUNICATION peu de frais : les frères sonttoujours financement est assuré, Rue de répond sa conseillère en commu­ DE lUC CHATEL. nombreux quand il s'agit de nom­ Grenelle, parla direction des affai­ nication, mais nous ne souhaitons mer et de promouvoir! Pas les en­ res financières. Pendant long­ pas répondre à vos questions.» C'est seignants de base, bien entendu, tem ps, son ti tulaire a bien arrangé beau, la transparence! mais les inspecteurs d'académie, les choses. Les suppressions de Les cadres fournissent aussi des pour le second degré, et de l'Edu­ postes dans les établissements ca­ troupes potentielles àla fraternelle cation nationale, pour le premier. tholiques risquaient d'entraîner de l'Education nationale, la plus « Avec la déconcentration, le pou voir des fermetures? Xavier Darcos ne nombreuse de toute la fonction revient désormais aux recteurs, sou­ voulait pas en entendre parler. Le publique. Le Syndicat national des vent des professeurs d'université où directeur financier faisait un peu personnels de direction de l'Edu­ lesfrancs-maçons sont moins implan­ de prestidigitation pour faire figu­ cation nationale (SNPDEN) est tés que parmi les inspecteurs d'aca­ rer ces suppressions de postes dans l'organisation regroupant les démie, directeurs des départements le budget sans qu'elles surviennent proviseurs, principaux et direc­ de l'Education nationale, note ce bon dans la réalité. Depuis l'année der­ teurs d'école. La quasi-totalité de connaisseur de la maison. Mais on nière, c'est fini. Le déficit de postes sa hi érarchie est ini tiée. Largemen t remarque que certaines candidatures, de professeurs - désormais plus majoritaire dans ce corps de métier, pour des postes d'inspecteur, sont sou­ seulement virtuel et comptable, fi: il sait se rappeler régulièrement tenues, et d'autres découragées. » mais bien réel- se fait sentir dans ~ aubon souvenirdu ministre.« Dès Et l'inspection générale, bastion l'enseignement privé, où l'on est ~ qu'il y a un incident dans un collège de l'enseignement disciplinaire à inquiet. Contrainte budgétaire ou ~ ou un lycée, unede?égation vientnous la française ?Quandson doyen n'en victoire des francs-maçons les plus ~ réclamerdavantagedemoyens, mais est pas, c'est son adjoint qui assure attachés à une interprétation ~ aussi de petites faveurs comme la la permanence, comme ce fut le intégriste de la laïcité? 8

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Les catholiques. et leurs frères ennemis

Guerre de tout ils prononcent un serment presque inaperçue en France. A de secret qui ne peut être que sus­ Paris, le Parlement refuse de rati­ 300ans. Depuis pect. Car les bons catholiques fier la lettre encyclique, qui de­ n'ont rien àcacher. Les autres? Ils meure donc sans effet. Le roi va­ 1738, l'Eglise et les doivent être excommuniés. t-il tenter de passer en force et maçons se livrent C'est sévère et inattendu pour organiser un «lit de justice »pour une minuscule institution dont les imposersa souveraineté à des ma­ une lutte féroce membres sont dans leur quasi­ gistrats réticents? Il n'en voit guère Récit. totalité de paisibles bourgeois. « Les l'intérêt. Les francs-maçons ne re­ raisons de cette conda mna tion précoce présentent pas une menace pour sont restées obscures jusqu'aux décou· la monarchie, qui ne doit pas user PAR SOPHIE COIGNARD vertes effectuées il y a une vingtaine son autorité sur des sujetsmineurs. amain invisible! Voilà l'un des d'années par un jésuite espagnol, La bulle de I738 n'est donc jamais reproches traditionnels for­ JoséFerrer Benimeli, explique Roger enregistrée, pas plus que celle de Lmulés parl'anti-maçonnisme, L'ÉGLISE CATHO­ Dachez, président de l'Institut l 75I, signée par Benoît XlV. clament les frères, toujours maçonnique de France ethistorien prompts àmettre en garde contre LIQUE, DÈS LA réputé. Celui-ci aeu accès, en sa qua· Foudres de Rome. Les catho­ la «complotite » et la désignation N'AISSANCE DES litéde prêtre, aux archives du Vatican liques français qui se rendent en de boucs émissaires. Comme si la PREMIÈRES LOGES, qui n'étaient pas accessibles aux cher­ loge peuvent donc avoir l'esprit franc-maçonnerie se trouvait, par APRONONCÉ À cheurs. Iladécouvert que cette première tranquille. Grâce au gallicanisme, nature, exonérée de l'observation condamnation avait été prononcée, ils sont préservés des foudres de sociologique des réseaux d'in­ L'ENCONTRE DES dans l'absolue ignorancedecequ'était Rome. Quelquesévêquesultramon­ fluence. La curiosité àl'égardd'une PREMIERS FRÈRES la franc-maçonnerie, par unpape qui tains, tel Mgr de Belsunce à Mar­ confrérie qui compte, en France, UNE SANCTION était un vieux monsieur et qui s'était seille, très respecté pour être l'un ISO 000 membres et qui a pour EXTRÊME: L'EX­ contentéde signerun document préparé des seuls à n'avoir pas déserté la ciment le secret d'appartenance parles bureaucrates qui l'entouraient cité phocéenne pendant la grande n'est pourtant pas illégitime. COMMUNICAnON. Or les Etats du pape, qui représentent peste de I720, publient bien des Mais l'Eglise catholique, dès alors environ un tiers du territoire ita­ mandements contre les francs­ la naissance des premières loges, lien, sont menacés parlegouvemement maçons.Mais ils passent pour des y est allée très fort en prononçant de Toscane, qui réclame leurrestitution. originaux, avec leurs objections à l'encontre des premiers frères Dans ce gouvernement figurent plu­ spirituelles que contredit le raison­ une sanction extrême: l'excom­ sieursfrancs-maçons. Benimelidémon­ nement juridique le plus élémen­ munication. tre que la diplomatie vaticane utilise taire.Certains évêques qui veulent L'animosité de Rome survient donc l'anathème contre les premiers appliquer la bulle papale sont très tôt, en effet. En l 738, laFrance frères pour déconsidérer Florence. » même inquiétés.En tant que fonc­ ne compte pas plus de 300 ou La bulle, pour justifier sa posi­ tionnaires, ils doivent faire respec­ 400 frères, initiés depuis moins de tion, évoque le multiconfession­ ter la loi française et non s'aligner dix ans, lorsque le Vatican publie, nalisme des loges et le serment de sur des décisions venues de l'étran­ sousla plwne du pape ClémentXlI, secret,mais aussi «d'autres raisons ger. « Un courrier de l'ambassadeur la bulle «In eminenti ». Pourquoi de nous connues ». Une explication de France près le Saint-Siège au car­ condamner les francs-maçons àla qui est longtemps passée pour dinal de Fleury, Premier ministre de sanctionla plus grave qui soit pour Initiation. Cérémonie une formulation ampoulée chère Louis xv, parle même de la mesure un catholique? Qu'ont-ils fait de d'intronisation à la à la littérature vaticane, mais que d'excommunication décidée en 1738 si terrible?Pas grand-chose, à vrai loge «La nouvelle le père Benimeli interprète comme d'une péripétie et précise qu'il dire.. Le réquisitoire insiste sur espérance couron­ comme une allusion très voilée s'agit d'une mesure sans effet tant on plusieurs points: les initiés née »de Vienne. Huile au conflit avec la Toscane. excommunie à tour de bras à la cour acceptent parmi eux des hommes sur toile attribuée à Cette bulleprovoque-t-elle l'ef­ de Rome, dit PierreMollier, directeur de toutes les religions, ils ont Andreas Unterberger, froi parmi les quelques centaines de la bibliothèquedu Grand Orient mauvaise réputation, mais sur- fin XVIIi e. de frères? Pas du tout. Elle passe de France et du musée de la •••

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compte plusieurs initiés, il n'éprouve aucune sympathie par­ ticulière pour ceux qui fréquentent les loges. Sur l'insistance de l'illus­ tre frère Cambacérès, toutefois, le futur empereur examine la situa­ tion britannique. A Londres, la franc-maçonnerie fait partie inté­ grante de la monarchie. La Grande Loge unie d'Angleterre est dirigée par un membre éminent de la fa­ mille royale, généralementle prince de Galles, et a pour chapelain l'ar­ chevêque de Cantorbéry, primat de l'Eglise anglicane. Il crée donc, àcette image, une franc-maçonne­ rie impériale, où sont intégrées toutes les nouvelles élites, fêtées et décorées enéchangede leur absolue docilité. «Une année de son règne, Napoléon se rend dix-septfois au siège du Grand Orient de France, raconte Pierre Mollier. Imaginez, de nos ••• Maçonnerie.D'ailleurs,parmi Blanc ou noir. Urne de tence, mais qui a alimenté bien des jours, un président de la République les fondateurs dJJ Grand Orient, il y vote du Grand Orient. théories du complot et a contribué qui se rendraitplusd'unefois par mois avaitàpeu près JO %d'ecclésiastiques, Les boules noires au succès, par exemple, de l'écri­ au siège d'une obédience! » preuvequel'idéed'uneincompatibilité expriment un refus, vain Dan Brown. Le livre de Barruel C'est au sortir de l'Empire que n'ejJleurait pas les esprits. » les blanches, est, pour l'époque, une sorte de les hostilités commencent vérita­ Les francs-maçons sont donc, un consentement. best-seller. Après sa publication, le blement. Louis XVIII tolère la dans l'Hexagone, des catholiques divorce semble inévitable entre franc-maçonnerie, Charles Xa été comme les autres. Certaines loges conservateurs et francs-maçons. initié avant la Révolution, mais la font même obligation àleurs mem­ Napoléon Bonaparte offre une Resta uration apprend vite àse mé­ bres d'assister àla messe, le diman­ trêve, pour des motifs très intéres­ fier des frères, suspects de progres­ che de Pâques, en grande tenue, sés. En effet, même si sa famille sisme. Elle n'a pas tout à fait tort. tablier et gants blancs. Trois siècles «secte » à propos de la tholique comme à Trêve. Le grand coup de tonnerre de bagarre franc-maçonnerie. la société et invite les arrive avec la Révolution, qui met 1738: première 1844-1869: publication catholiques à l'action. fin à cette paisible cohabitation. condamnation par de dix textes de conda­ Janvier 1983: Jean­ Parrru les immigrés, on s'interroge le pape ClémentXII mnation par Pie IX. Paul II promnlgue sur l'effondrement brutal de cette dans la lettre encycli­ r874: parution pos­ le nouveau Code monarchie qui, quelques mois que « In eminenti ». thume du livre « Les de droit canon, qui I75! : deuxième sociétés secrètes et ne mentionne pas avant le séisme, semblait encore si condamnation, la société ou philo­ la franc-maçonnerie solide. C'est un ecclésiastique qui dans les mêmes ter­ sophie de l'histoire dans son article répond à ce questionnement. A mes, par Benoît XIV contemporaine », l 374 sur les sociétés partirde 1798,l'abbéBarruel publie dans la bulle «Pro­ écrite par le jésuite conspiratrices. cinq volumes imposants intitulés vidas Romanorum Nicolas Deschamps. NovembreT983 : Pontificum ». 1878-19°2: sept la Congrégation pour « Mémoires pour servir l'histoire 1797-n98: publica­ documents signés la doctrine de la foi du jacobinisme », dans lesquels il tion des cinq tomes par le pape Léon XIII maintient l'état explique comment la Révolution des «Mémoires prononcent à nouveau de péché grave pour française résulte d'un complot pour servir l'histoire l'état de péché grave les francs-maçons. contre le roi et l'Eglise, complot du jacobinisme » dans lequel se trouvent Mars 2007: BenoîtXVI mené par plusieurs sociétés secrè­ de l'abbé Barrue!. les francs-maçons. persiste, par la voix L8n: dans la consti­ Le plus important, de Mgr Gianfranco tes, dont la franc-maçonnerie. tution« Ecclesiam a «Humanum genus », Girotti, régent du tribu­ 15 L'abbé confond en réalité-comme Iesu Christo », Pie VII publié en 1884, souli­ nal de la Pénitencerie z" le feront beaucoup de conspira­ réitère les deux gne les «dangers » que apostolique: « L'ap­ ~cr :0 tionnistes dans son sillage - les condamnations pré­ la franc-maçonnerie, partenance àla franc­ o par sa doctrine rela­ maçonnerie et l'appar­ I: francs-maçons avec les Illuminés cédentes et emploie '" pour la première tiviste et naturaliste, tenance à l'Eglise sont 6 de Bavière, organisation qui n'a '-'z fois le terme de fait courir à l'Eglise ca­ incompatibles.» Il:" connu que quelques années d'exis- ~------~ ~

60 1 20 janvi er 2011 , Le Point 20 01 Tous ceux qui veulent lutter contre l'approbation du Vatican, explique l'autoritarisme de l'Etat et le pou­ l'historien Michel Jarrige, auteur voir de l'Eglise se retrouvent dans de «I.;Eglise et la franc-maçonnerie, les loges. I.;autoritarisme? Puisque histoire des soupçons et du com­ le pluralisme politique n'existe plot» (éd. Jean-Cyrille Godefroy, pas, La Fayette, en 1820, s'appuie 2010). La Franc-Maçonneriedémas­ sur ses réseaux maçonniques pour quée devient l'organe officiel de sa faire exister son Parti libéral. La filiale française, l'Union antimaçon­ toute-puissance de l'Eglise? Après nique de France, dont le conseil central la signature du Concordat par se composait de catholiques qui avaient Napoléonet Pie VII, le gallicanisme tous reçu l'assentimentdeMgrRichard, s'est évanoui et toutes les mesures archevêque de Paris. L'un des objectifs du pape s'appliquent en France, de cette organisation consistait à ins­ excommunication comprise. taurer une messe quotidienne d'expia­ tion et àinviter ses membres àréciter, Rupture. C'est à ce moment, si possible unefois parjour, une prière autour de 1848, qu'est prononcé le de réparation. » En 1894, l'Union divorce très contentieux entre antimaçonnique universelle orga­ l'Eglise et la franc-maçonnerie. nise un congrès à Trente, en Italie. Celle-là soupçonne ceHe-ci de Cinqjournées d'études consacrées souffler sur les braises de la sédition à la franc-maçonnerie auxquelles républicaine. Ilest vrai que lesfrè­ le pape Léon XIII adresse un res, choqués par les anathemes message d'encouragements. qui s'abattent sur eux, enrajou­ De leur côté, les frères du tent dans l'anticléricalisme. Grand Orient de France, ou «Quand, dans la seconde par­du moins certains d'entre tieduXlxe siècle,Romemul­eux, se transforment en tiplie les bulles d'excom­«bouffeurs de curés ». munication, les francs­En 1904, le convent maçons s'en glorifient, du Grand Orient explique Roger de France - qui a Dachez. Par un abandonné en suprême retour­1877 la réfé­ nement, ils affir- Symbole. Horloge murale triangulaire. rence obliga­ ment que l'Eglise toire au Grand ne s'y est pas trompée et qu'elle a re­ Architecte de l'Univers - en vient connu très tôt son ennemi véritable, à débattre de la nécessité d'être puisque le premieracte d'hostilitéd'un antireligieux. Initiativerejetée au pape àson égard date de l 7]8!» nom de la liberté de conscience. La montée en puissance des Car c'est l'Eglise catholique, et non républicains - un mot nouveau la religion en tant que telle, qui qui n'avait pas cours quelques dé­ provoque l'animosité des frères. cennies auparavant - se nourrit Le conten tieux, en effet, n'est pas d'anticléricaiisme, voire d'antica­ de nature religieuse, mais politique. tholicisme. La République radicale Il s'agit d'une question de pouvoir, et l'Eglise se livrent à une suren­ que la loi de 1905 sur la séparation chère qui se nourrit d'espionnite, de l'Eglise et de l'Etat porte à son ac­ de suspicions et de manipulations. mé.Les plaies provoquées par cette En 1884, année de la publication défiance réciproque peinent à cica­ de la bulle «Humanum genus», triser, jusque dans les péripéties les Mgr Fava, évêque de Grenoble qui plus pittoresques qui surviennent considère la franc-maçonnerie dans les obédiences. «En I932, les comme rien de moins qu'une hé­ responsables d'une loge de Paris, la résie,fonde un mensuel intitulé La Clémente Amitiécosmopolite, écrivent Franc-Maçonnerie démasquée, ins­ au conseil de l'Ordre du Grand Orient, trumentde combat contre les idées raconte Pierre Mollier. Ils sont très républicaines. «Dix ans plus tard ennuyés, car un de leurs e1éments les se crée àRome l'Union antimaçonni­plusfidèles, àl'issue d'une crise mysti­ que universelle, une organisation à que, vientd'entrerdans les ordres. Doi­ vocation internationale qui reçoit vent-ils l'exclure?Les instances ••• EN COUVERTURE

figuré comme un constructeur: c'est lointain, au prix de notre souffrance Hiram, un héros vénéré là le point qui le distingue de tous les de vivant; il n'assène pas une vérité La plupart des francs-maçons, de autres, il ne s'appuie pas sur des mots, inébranlable dont il serait le seul dépo-' par le monde, croient en Dieu, il s'exprime à partir de la pierre. sitaire et qu'il faudrait suivre aveuglé­ ou du moins au Grand Architecte Pourquoi la pierre? C'est qu'elle est ment; il ne demande pas de jeter bas de l'Univers. D'autres, comme ceux encore suffisamment proche de l'état l'organisation du monde environnant; du Grand Orient de France en 18n, initial pour être considérée comme ce qu'il nous enseigne est une conduite ont rejeté cette notion. le témoin le plus direct de l'opération pour le temps présent, il propose que Mais tous vénèrent le même héros: qui a abouti à la création du monde, et chacun d'entre nous, dans sa diversité, Hiram, l'architecte du Temple de celle des hommes. Elle est une forme à son grade, dans son intelligence et Salomon, auquel Jérôme Touzalin, de la mémoire de l'univers. son savoir, s'inscrive dans l'entreprise 30e degré du Rite écossais ancien et Hiram, à partir de cette pierre, ne pro­ qui pousse les hommes à bâtir accepté, a consacré un travail en loge met pas le bonheur pour un au-delà leur existence commune autour de qu'il a bien voulu confier au Point. la recherche de la vérité, de la lumière En voici quelques extraits: et d'une vie collective pacifiée. «Hiram n'est ni un Dieu, ni le fils La construction du Temple, son achè­ d'un Dieu, ni un prophète envoyé vement, ce sera, pour certains maçons, d'un Dieu. Hiram n'est pas non plus les retrouvailles avec un ordre originel, un grand penseur nous ayant laissé celui d'avant la chute du Paradis, où d'immenses traités philosophiques et nous étions mêlés au Dieu créateur; encore moins un révolutionnaire pour d'autres maçons, c'est une répli­ nourrissant de vastes projets. Hiram que de l'équilibre du cosmos, compris n'est ni Moïse, ni Bouddha, ni comme témoignage de l'expression de le Christ, ni Socrate, ni Mahomet, la volonté divine ... et pour d'autres, ni Karl Marx, ni Gandhi... Bref, rien enfin, le Temple c'est l'ordre du monde de tout ce qui habituellement fait social, construit à partir de la raison et émerger religion, courant de pensée Mvthe. La mise en scène du meurtre d'Hiram des valeurs morales, par des hommes ou révolution sociale. Hiram est est au cœur du rituel d'initiation au 3e degré. libérés de leurs superstitions.» . s. c.

••• dirigeantes répondent par la que quelques évêques acceptent une mise au point officielle, que négative, au nom de la liberté de de l'appliquer. Rien de plus logique, les francs-maçons demeurent en conscience. Mais elles ajoutent que, s'il l'obédience comptant plusieurs étatde péché grave parce que«leurs s'avérait que cette personne a reçu les prêtres parmi ses membres ... principes ont toujours été considérés ordres de l'Eglise romaine, il convien­ Mais quelle déconvenue lors­ comme inconciliables avec la doctrine drait de lui faire remarquer que le qu'au début des années 80 une de l'Eglise ». Une interprétation qui contentieUx avec Rome est très lourd. » LES FRANCS-MA­ délégation de la GLNF se rend à suscite l'étonnement: «L'intention Comment les francs-maçons ÇONS DEMEURENT Rome pour nouer undialogue plus du nouveau codeétait manifestement catholiques s'accommodent-ils formel! Ces émissaires sont ren­ de ne plus maintenir de sanction sys­ de cette sourde guerre? Mal, évi­ EN ÉTAT DE PÉCHÉ voyés par le secrétariat pontifical tématique, explique le père Jérôme demment. Une lueur d'espoir ap­ GRAVE PARCE QUE au bureau «foi et incroyance ». Rousse-Lacordaire, directeur de la paraît après la Seconde Guerre « LEURS PRINCIPES «L'Eglise est alors prête à dialoguer bibliothèque du Saulchoir, à Paris, mondialé. Victimes des persécu­ ONT TOUJOURS avec les incroyants et avec les autres et auteur de «Rome et les francs­ tions nazies, les frères ne sont plus religions, mais les francs-maçons maçons, histoire d'un conflit» pris pour cible ouvertement par ÉTÉ CONSIDÉRÉS n'entrent dans aucune de ces cases», (Berg International, 1996). Les dé­ les représentants de l'Eglise. La COMME INCONCI­ remarque Roger Dachez. bats de la commission chargée de ré­ laïcité n'est plus un objet de com­ LIABLES AVEC L'année 1983 fait miroiter un diger ce code montrent qu 'ils'agissait bat politique. Vatican IIdonne des LA DOCTRINE DE espoir de courte durée. En janvier de laisser aux évêques la faculté de 5 signes implicites de détente. paraît le nouveau Code de droit juger au cas par cas. Ce revirement d Ala Grande Loge nationale fran­ L'ÉGLISE», canon, qui n'avait pas été révisé montre combien cette question conti- ~ çaise, l'obédience<< régulière»-re­ AFFIRME JOSEPH depuis 1917. L'article 1374, qui nuede provoquer des tiraillements aug! connue par Londres -, qui exige de RATZINGER, condamne les sociétés conspira­ plus haut niveau de l'Eglise.» ~ ses membres qu'ils soient croyants, EN 19S3. trices, ne mentionne plus la franc­ L'OsservatoreRomanopublie en {l onbricole même une théorie selon maçonnerie. L'excommunication I985 uncommentaire intitulé «Foi ~ laquelle les frères qui ont prêté est levée de fait. Mais, en novembre chrétienne et franc-maçonnerie» ~ serment sur la Bible au moment de la même année, le préfet de la qui indique que, sur le fond, rien ~ deleurinitiationnesontpasconcer­ Congrégation pour la doctrine de n'a changé: «Faisant abstraction de ~ nés par l'excommunication. Avec la foi, Joseph Ratzinger, qui devien­ la considération de l'attitude pratique fr un certain succès, d'ailleurs, puis­ dra Benoît XVI, maintient, dans des diverses loges, de leur hostilitéou 5

62 1 20 Janvier 2011 1 Le Point 2001 non à l'égard de l'Eglise, la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi, parsa déclaration du 26 novembre I983, a voulu se placer au niveau le plus profond et par ailleurs essentiel du problème: c'est-à-dire sur le plan de l'incompatibilité des principes, ce qui veut dire sur le plan de la foi et de ses exigences morales. » Autre­ ment dit, pour l'Eglise, le secret a ses limites, et celles-ci sont dépas­ sées par le serment prononcé en loge, secret qui risque de nuire à l'ordre public, mais surtout à la sincérité de la confession. Et que dit le père Rousse­ Lacordaire aux fidèles qui s'inter­ rogent sur leur appartena,nce à la franc-maçonnerie? «Jeleurréponds que la doctrine officielle de l'Eglise est de maintenir l'état de péché grave, Protection. Le tablier mais qu 'il n'est plus question d'ex­ met le maître communication. Cela dit, la plupart qui le porte à l'abri d'entre eux considèrent que Rome n'a du monde profane, rien compris à la franc -maçonnerie, selon la symbolique et ils ont décidé de s'accommoder de maçonnique. ce malentendu. ». Sacrés hauts grades! La tenue de Grand Maître de la Maçonnerie Univer­ selle anglo-saxonne: o Rosette aux couleurs du Cachotteries. sabilités au sein de la loge. Il lui pays où l'obédience faudra encore patienter environ un est présente. A chaque degré an avant de devenir maître, autre­ e Collier constitué de ment dit franc-maçon accompli. II étoiles séparées par son lot de secrets, des entrelacs symbolisant L'ascension spirituelle est déjà la chaîne d'union qui relie inaccessibles aux terminée ? Pour éviter de se cogner les maçons entre eux. à ce plafond de verre, des frères e Pendentif représentant profanes et qui fondent dès la fin du XVIIIesiècle le compas posé sur une irritent l'Eglise. des «ateliers supérieurs », qui les demi-lune qui symbolise confrontent à de nouveaux secrets, tous les degrés de la franc­ de nouvelles initiations, de nou­ maçonnerie. Au centre, PAR SOPHIE COIGNARD le Delta lumineux avec velles découvertes. Ils inventent l'œil du divin, Grand ans eux, la face de l'antimaçon­ des rituels empruntés à la cheva­ Archi tecte de l'Univers, nisme aurait été changée. Les lerie, aux Templiers et à l'univers que l'on retrouve dans tou­ S«hauts grades »font fantasmer, biblique. Ainsi naît le Rite écossais tes les cathédrales. depuis leur création, initiés et pro­ ancien et accepté (REAA), qui o Tablier avec le fanes. Au commencement, les frè­ compte trente degrés supplémen­ tournesol, fleur du soleil, la branche d'acacia, pour res ne connaissent que trois grades. taires. D'autres apparaîtront par la découverte du tombeau Le nouveau venu est d'abord ap­ la suite, telle Rite français et le Rite d'Hiram, l'épi de blé, prenti, tenu de se taire pendant une écossais rectifié. symbole de fécondité, et le période probatoire à l'issue de la­ Cette initiative irrite double­ tau, qui correspond au tav quelle il présente des travaux lui ment l'Eglise catholique. «Le pre­ hébraïque et à l'oméga grec. permettantdedevenircompagnon. mierà incriminer les hauts grades est o Gants blancs, obliga­ A ce deuxième degré, il a retrouvé /'abbéBarruel, explique l'historien toires -sauf dans les hauts grades -, pour indiquer la paroIemais ne dispose pas encore de l'antimaçonnisme Michel Jar­ que les maçons doivent de tous les droits. Impossible, par rige. Lui qui afui en Angleterre à la avoir les mains propres. exemple, deprétendre à desrespon­ Révolution, comme nombre •••

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L'ascension 15 -Chevalier d'Orient 30 -Chevalier Kadosh Démesuré. Le trône ou de l'Epée 3l - Grand Inspecteur du roi George l'V, spirituelle du frère 16 - Prince de Jérusalem inquisiteur Grand Maître 17 -Chevalier d'Orient 32 -Sublime Prince de la Grande Loge Le Rite écossais ancien et et d'Occident du Royal Secret unie d'Angleterre .. accepté est celui qui pos­ Chapitres ALI 33 c degré : e sède le plus grand nombre du I8 au 24C degré: 33 - Souverain Grand de grades de perfectionne­ 18 -Souverain Prince Inspecteur général ment, aux intitulés quel­ Chevalier Rose-Croix Le Rite écossais rectifié, quefois très pittoresques: 19 - Grand Pontife très influencé par la Loges de perfection 20 - Maître Ad Vitam filiation templière, compte du 4c au 17" degré: 2 l - Chevalier prussien trois degrés supérieurs: 4 - Maître secret 22 - Prince du Liban 4 - Maître écossais 5- Maître parfait 23 -Chef du Tabernacle de Saint-André 6-Secrétaire intime 24 - Prince du Tabernacle 5-Ecuyer novice 7- Prévôt et Juge Aréopages . 6 -Chevalier bienfaisant 8. -Intendant des bâtiments du 25" au 32c degré : de la Cité sainte 9 -Maître élu des Neuf 25 - Chevalier du Serpent Le Rite français, ID - Illustre élu des Quinze d'airain plus simple, comporte II - Sublime Chevalier élu 26 -Prince de Mercy quatre hauts grades: 12 - Grand Maître architecte 27 - Grand Commàndeur 4 - Maître élu 13 -Chevalier du Temple 5 -Maître écossais de Royal Arche 28 - Chevalier du Soleil 6 -Chevalier d'Orient 14 -Grand Elu de la Voûte 29 -Grand Ecossais 7 - Chevalier Prince sacrée de Saint-André Rose-Croix.

••_ d'ecclésiastiques, apu observer gnes de les rejoindre, soit àpeu près se rapprocher de cette obédience. la franc-maçonnerie anglaise, très un frère sur dix. 'Ils disposent de Las des frasques de la GLNF, les frè­ intégrée àla monarchieet dans laquelle leur propre structure, le« Suprême res de Londres, équivalent du Vati­ les hauts grades n'existent pas. Il en Conseil » pour le REAA, dirigée par can pour la maçonnerie mondiale, conclut qu'aux trois premiers degrés un Grand Commandeur entouré avaient envisagé d'accorder leur il ny apas de mystères,seulement des deses Grands Inspecteurs généraux, label de «régularité » à la Grande chrétiens se réunissant dans des buts Galons. Livrets ceux qui ont atteint le sommet de Loge de France. Verdict : les hauts avouables. Mais il ajoute que ces "bra­ d'instruction des la pyramide, le fameux 33e degré. grades font la loi, ce qui est contraire ves gens" sont instrumentalisés par différents grades de la «Dans les obédiences, les hauts aux usages anglais, très attachés ceux qui se trouvent au-dessus d'eux maçonnerie. Il existe grades ont toujours représenté un aux trois premiers grades. et dont ils ignorent les secrets. » 33 niveaux (degrés) facteur de désordre, assure Marcel Au Grand Orient de France, les Second objet de courroux: cer­ dans la hiérarchie Laurent, Grand Maître de la Grande hauts grades râlent contre la liberté tains grades empruntent leurs ri­ maçonnique du REAA. Loge des cultures et de la spiritua­ des loges d'initier ou non des fem­ tuels aux Templiers, telle trentième lité (GLCS), une petite obédience mes, votée lors du dernier con vent, degré dit du Chevalier Kadosh, qui qu'il a fondée en claquant la porte à l'été 2010, après des années de simule la vengeance des Templiers de la Grande Loge nationale débats. Le Suprême Conseil du après l'exécution de leur chef, française (GLNF), où il avait REAA s'est particulièrement illus­ Jacques de Molay. L'Eglise, et tous CERTAINS GRADES effectué tout le parcours menant tré dans la résistance active. Fin e les conservateurs derrière elle, y EMPRUNTENT au 33 degré. Ilssontsouventanimés 2010, son Suprême Commandeur, voit la preuve d'une conspiration LEURS RITUELS d'un complexe de supériorité qui les Jean-Robert Ragache, un ancien contre Rome et l'ordre établi. incite àvouloir tout régenter. » Grand Maître de l'obédience, a écrit .. AUX TEMPLIERS. Ala GLNF, ily a quelques années, à toutes ses ouailles pour leur si- ~ Zizanie. Les intéressés, il est vrai, L'ÉGLISE YVOIT le Grand Prieuré des Gaules, qui gnaler que la décision prise par le ~ ne font rien pour détromper leurs LA PREUVE D'UNE gère le Rite écossais rectifié, avait convent et confortée parle Conseil ~ détracteurs. L'idée qu'ils soien t dé­ CONSPIRATION voulu faire sécession. A la Grande de l'ordre ne les concernait pas ~ tenteurs de secrets inaccessibles Loge de France, qui pratique excl u­ vraiment. Une lettre qui a beaucoup t aux profanes et même au commun CONTRE ROME ET sivement le REAA, le Suprême énervé les instances dirigeantes du ~ des maçons n'est pas pour leur dé­ L'ORDRE ÉTABI.I. Conseil exerce une influence pe­ GO, qui y ont vu une tentative, de ~ plaire. Ce sont eux qui choisis sen t, sante sur le Conseil de l'ordre. C'est la partdecesfrancs-maçonsdeluxe, ~ dans les loges «bleues» (celles des du moins ce qu'ont conclu des émis­ de conquérir leur autonomie. ~ trois premiers grades d'apprenti, saires de la Grande Loge unie d'An­ Preuvequeleshautsgradesn'exas- ffi compagnon et maître), les élus di- gleterre(GLUA), lorsqu'ils on t voulu pèrent pas seulement l'Eglise ... _ ~

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