LES CHATEAUX DE LA S A R T H E

OUVRAGE ÉDITÉ SOUS LE PATRONAGE DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA ET DU C011ITÉ DÉPARTEMENTAL DU TOURISME Photographies C. A. E. L. « Jacques DELMAS et Cie » Photographe : Claude BRETEAU

TOUS DROITS RÉSERVÉS REPRODUCTION INTERDITE

P C. A. E. L. Jacques DELl\fAS et C10 I960 Société anonyme au Capital de 200.000 Nl-- 13, rue de l'ODÉON - PARIS-6b DUC de LA FORCE Paul CORDONNIER-DÉTRIE de l'Académie française Président de la Société Historique et Archéologique du Maine.

LES CHATEAUX DE LA S A R T H E

J. DELMAS et Cic

SI la Touraine, avec son fleuve riant et paisible, son doux climat, les châteaux dont les Valois l'ont illustrée, attire, chaque année, d'innombrables visiteurs, le département de la Sarthe, jadis importante portion du Maine, est loin d'être sans attraits. Ronsard a chanté ses rivières : Réjouis-toi, 1non Loir, ta gloire est infinie Sarthe et Huisne, tes sœurs, te feront compagnie. Richelieu n'hésitait pas à dire que le Maine et la Touraine étaient les deux plus belles provinces de . Il n'est donc pas surprenant que, depuis des siècles, tant de demeures magnifiques, somptueuses ou charmantes s'y soient élevées. Il en est qui sont célèbres. La mienne ne l'est pas et je me permets de la présenter au lecteur. Depuis 1908, l'année de mon mariage avec Marie-Thérèse de Noailles, que Dieu devait rappeler à Lui le 18 avril 1956, j'habite souvent Saint-Aubin-de-Loquenay. Le château de ce nom est situé à trois kilomètres de Fresnay-sur-Sarthe, à dix-sept de Sillé-le-Guillaume, où vécut mon arrière-grand-tante la bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé, femme de Robert de Sillé, qui fut tué en 1356, à la bataille de Poitiers. Je fus tout de suite sensible à l'agrément du pays, à celui du château. Cette maison Louis XVI, que le marquis de Perrochel acheva de bâtir en 1789 à quelque trois cents mètres d'un château Louis XIII qu'il venait de démolir et dont il ne conserva que les communs et le colombier, se compose d'un rez-de-chaussée élevé, surmonté d'un étage et d'un comble avec des assises de ces blocs de pierre brune connue dans le Maine sous le nom de roussard. Elle regarde de ses treize fenêtres de façade les pelouses et les herbages que limite la Sarthe. Un bois prolonge et domine le parc. Percé de nobles allées à la française, il a des échappées sur toute la verte vallée, sur le bourg de Saint- Aubin, qui se confond dans la brume, avec la petite ville de Fresnay. On aperçoit au loin, quand le temps est clair, les horizons bleus de la forêt d'Ecouve et de la forêt de Perseigne, qui font un cadre si frais à la ville d'Alençon. La terre, qui n'a jamais été vendue, a passé plus d'une fois par les femmes. Appartenant sous Louis XIV à M. de Maudet, lieutenant général des armées 'du Roi, elle était, sous Louis XVI, un fief du marquis de Perrochel, arrière-petit-fils d'un Perrochel qui fut maître d'hôtel d'Anne d'Autriche. Vers la fin du xixe siècle, les Beaumont du Dauphiné l'avaient héritée des Perrochel, puis les Noailles des Beaumont. Le Haut-Maine ne laisse pas d'être fidèle à sa religion et aux anciens usages. Le curé, le château, les fermiers, le village sont amis. Combien André Siegfried a raison de dire, dans un de ses meilleurs livres : « Ainsi considéré dans ses conceptions et ses tendances politiques, l'Ouest demeure une France spéciale... L'Ouest perpétue des manières d'être et de sentir qui sont d'autrefois plus que d'aujourd'hui. De là son charme de vieille France. »

Duc DE LA FORCE, de l'Académie Française.

LE GRAND-LUCÉ — 14. CHATEAUX DE LA SARTHE

Les notices qui présentent les châteaux de la Sarthe sont condensées, mais par l' intermédiaire du Comité du Tourisme, l'auteur peut fournir des renseignements plus complets sur ces demeures d'un si riche passé. Le numérotage permettra au lecteur de les situer rapidement sur la carte.

1 — LE CHATEAU DE BALLON, à Ballon ou en partie. Possédée au XIIe siècle par la famille de Chaources, au xive siècle par celle de Craon, elle fut Que ce soit du chemin de fer du Mans à Alençon, vendue en 1380 par Guillaume de Craon, vicomte de ou de la région au nord de Ballon, le haut donjon au Châteaudun et Marie de Flandre, à Hervé de Mauny, sommet d'un abrupt éperon se détache nettement seigneur de Thorigné et à Marie de Craon, sa femme, sur le ciel ; il domine les pentes raides où se devinent leur fille, pour 3 500 livres d'or. En 1517, Claude de les anciennes installations d'une grandiose forteresse Mauny, fille de François et de Renée de Villeblanche tournée vers le nord et le nord-est, au pied de laquelle porte cette terre à François de Sully, seigneur de Dam- coule l'Orne saosnoise. Il est connu, dès le XIe siècle. pierre. La seigneurie de Saint-Aignan passa ensuite Ville forte, Manceaux et Normands vont se disputer à la famille de Clermont-Gallerande et d'Esson. Le cette place importante à mi-chemin du Mans et de château et sa terre sont, aujourd'hui, aux mains de la la Normandie comme du Perche ; Robert, duc de famille de Milleville. Normandie, Herbert-Eveille-Chien, comte du Maine, s'y succèdent. A la fin du XIe, le cruel Robert de Bellême, dit le Diable, commande le château ; vers 1200, 3 — LE CHATEAU DE BONNÉTABLE à Bonnétable Philippe Auguste ruine la forteresse ; celle-ci se relève La terre de Bonnétable (Malestable à l'époque) bientôt. Les Anglais s'en emparent en 1417. Lors de appartenait au XIIe siècle aux seigneurs de Montfort-le- la Ligue, Ballon envoie les clefs de la ville à Henri IV, Rotrou. Par le mariage de Jeanne de Montfort, elle en 1598. Au début de la Révolution, lors de la entra dans la maison de Parthenay-1 'Archevêque. Grand'Peur, MM. Cureau et de Montesson y sont En 1315, Isabeau de Parthenay, dame de , assassinés. Montfort-le-Rotrou, Bonnétable, épousait Jean de De l'ancien château, le donjon à quatre étages, Harcourt dont l'un des descendants obtenait en 1450 construit en grand appareil de grès, est en forme de l'autorisation de reconstruire le château dont la talon ; au sommet se trouve un chemin de ronde avec construction fut confiée à l'architecte Mathurin de mâchicoulis, d'où l'on peut admirer un panorama Landelles ; les devis curieux en ont été publiés. Au fort étendu. Autour du donjon se voient encore une xvie, les Harcourt se fondent avec les Couësmes. Le enceinte, quelques tours découronnées, une belle protestantisme s'implante à Bonnétable sous Louis de porte à pont-levis du xvie siècle, avec meurtrières. Couesmes, époux de la célèbre duchesse de Pisseleu. L'ensemble de ces constructions remonte à la fin Avec François de Bourbon, prince de Conti, la ville du xve et au xvie siècle. Ballon demeure comme le et le château tinrent pour Henri IV contre les Ligueurs. témoin altier du Maine sur sa défense. Terre et château, par le mariage de Louise de Bourbon- Soissons avec Charles d'Albert de Luynes, entrent dans cette dernière famille en 1710, enfin la duchesse 2 - LE CHATEAU DE SAINT-AIGNAN, à Saint-Aignan Mathieu de Montmorency, née d'Albert de Luynes, Immédiatement au sud du petit bourg de Saint- les laisse par héritage, en 1853, entre les mains de la Aignan, s'ouvre le parc du château important, du famille de La Rochefoucauld ; Bonnétable est toujours même nom ; le château se compose d'un grand et la propriété de M. de La Rochefoucauld, duc de long bâtiment rectangulaire, gratifié, au centre, d'un Doudeauville. pavillon recélant un bel escalier de pierre permettant Le château se compose d'une façade, vers la rue, de gagner l'étage noble avec ses belles, grandes et flanquée de quatre énormes tours rondes, qui ont hautes pièces de réception. Vers l'ouest du bâtiment perdu de leur élévation par la suppression des douves ; s'accroche une ancienne tour. de hautes lucarnes décorées éclairent le second étage. Terre importante, la châtellenie de Saint-Aignan Deux ailes, dirigées vers un admirable parc, abritent se composait des seigneuries de Saint-Aignan, Marolles, de grands et beaux appartements, en particulier du Dissé-sous-Ballon, Ponthouin, des châtellenies du côté sud. Le château, durant la dernière guerre a Plessis et de Verdigné ; elle comprenait, dans le ressort abrité des collections d'art dont celles, importantes, de sa juridiction, cinquante-quatre paroisses en totalité des musées de Rouen. 4 — LE CHATEAU DE MONDRAGON, à La Bosse 6 — LE CHATEAU DE COURTANGIS, sur St-Jean- des-Echelles Légèrement en retrait de la grande route de Bonnétable à La Ferté, au milieu de grands bois dressés Courtangis, très proche du bourg de , à la lisière est de la forêt de Bonnétable, le château est l'un des plus jolis manoirs de la région sud de La de Mondragon présente sa longue masse au sein d'un Ferté-Bernard, avec sa haute façade de la fin du Moyen site romantique et solitaire ; des douves l'entourent ; Age dressée au-dessus de vieux communs à toits de la façade principale, ouverte vers une large cour tuile, d'une pièce d'eau charmante, de jardins verts d'honneur, a reçu quelques restaurations en 1840 : et se détachant sur un fond de bois. Dès le début on y lit en effet l'inscription en capitales romaines : du XIIIe siècle, le Chapitre de la cathédrale du Mans MONS DRACONIS RENOVATUS MDCCCXL. aliène cette terre entre les mains de la famille Ahene. A l'opposé, les murs baignent dans les eaux des fossés. Au xve siècle apparaît la famille de Saint-Père, de On remarque à l'un des angles du quadrilatère une Tours et du Mans ; des aveux de 1480 et 1484 nous tourelle étroite, tandis qu'à un autre angle une grosse montrent Jean de Saint-Père, seigneur de Courtangis. et large tour a reçu la chapelle. Courtangis, au XVIIe siècle passe aux d'Avaugour de Dès le xiie siècle le nom de Mont-Dragon est connu Bretagne ; Anne, dame de Courtangis (1676-1720) et durant tout le XIIIe puis le xive siècle nous voyons vend sa terre en 1719, pour 51 000 livres à Jean-René des seigneurs de ce nom. de Foisy. Courtangis fut revendu à M. Franchet, En 1747, apparaît la famille de Lonlay de Villepail, bisaïeul maternel du colonel Gasselin, l'un des derniers comme seigneurs de Mondragon, dont Nicolas, en 1789, propriétaires dans l'entre-deux-guerres de notre vieux assistera à l'assemblée de l'Ordre de la Noblesse. manoir et de sa terre. Par le mariage de la fille unique de M. de Lonlay avec le comte de Mailly la terre et le château entrèrent, 7 — LE CHATEAU DE MONTMIRAIL, à Montmirail vers 1830, dans la grande famille des Mailly-Nesle, Au confluent des trois départements de l'Orne, aux mains desquels ils resteront jusqu'au xxe siècle. du Loir-et-Cher, de la Sarthe, dominant le bourg La comtesse Arnoldine de Mailly devait laisser le et ses vieilles maisons, le château de Montmirail, sur domaine de Mondragon à son neveu M. de Mailly, son haut éperon, est l'un des sites les plus remarquables marié à Mlle de La Rochefoucauld, qui, peu après, de la Sarthe. C'est là que le 9 janvier 1169 eut lieu la revendait la propriété à M. Alexandre Yvon, de Bonné- célèbre conférence entre le roi Louis VII et Henri II table, l'actuel détenteur de ce beau domaine. Plantagenet, duc d'Anjou et comte du Maine, duc de Normandie et roi d'Angleterre ; Louis VII logeait au château avec Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry. Montmirail, Mons mirabilis, l'un des points culmi- nants de la région fut le chef-lieu de la résidence habi- tuelle des seigneurs du Bas-Perche, appelé par la suite 5 — LE CHATEAU DE LA FERTÉ-BERNARD, à La le Perche-Gouet du nom de son premier seigneur. Ferté-Bernard Montmirail « la Superbe » passa dans les maisons de La Ferté doit son nom à son château et aux seigneurs Nevers, de Châtillon, de Valois-Alençon, de Bourgogne, qui en furent les maîtres durant trois siècles : les Bernard. de Flandre, puis en 1435 à Louis de Luxembourg, L'ancien château féodal avait été construit dans les connétable de France. prairies de l'Huisne et protégé par ses méandres ; Le château actuel date du xve siècle et fut, croit-on, château, enceintes et porte d'Orléans disparurent bâti par Charles d'Anjou, dernier comte du Maine ; en 1824 ; il n'en reste plus que quelques bâtiments à cette époque remonte la tour pentagonale, haute de du XVe-XVIe siècle encore pittoresques avec leurs 35 mètres. Les caves forment de vastes souterrains : tourelles carrées, leurs saillies ou redents, leurs coins une immense salle de 50 mètres de long sur 13 de large, et recoins ; de grandes fenêtres des xvie et XVIIIe siècles ornée de six piliers, semble avoir été une salle d'armes ; s'y ouvrent, et une galerie en bois se cache sous les un escalier à vis conduit à un cachot. plantes grimpantes. La princesse de Conti, qui habita Montmirail, fit Dans l'ancienne porte de l'enceinte de la ville, remanier la façade donnant sur les jardins et aménager dite porte de Saint-Julien, de la seconde moitié du les pièces de réception avec boiseries de style Louis XV, xve siècle, s'est installé un petit musée. La porte est dont les peintures restées très fraîches, les consoles formée d'un pavillon carré, flanqué de deux grosses et le mobilier n'ont pas été retouchés depuis. Le parc tours rondes baignant dans l'un des innombrables fut alors dessiné à la française. canaux célèbres de La Ferté. Les deux tours, rare spécimen de notre vieille architecture militaire, à 8 - LE CHATEAU DE CHÉRONNE, à Tuffé l'aspect vraiment monumental, conservent meurtrières, A une demi-lieue, au nord de Tuffé, au sein de la coulisses des ponts-levis, mâchicoulis ornés d'arcatures jolie vallée de la Chéronne, remplie de beaux bouquets trilobées et chemin de ronde. de bois, l'intéressant château de Chéronne, dont la La Ferté se fit remarquer par son attachement à moitié sud a disparu il y a un siècle, allonge ses façades la Ligue ; le prince de Conti se présenta, au nom dans le style de la fin du xve ou du début du xvie siècle, d'Henri IV, devant ses murs, mais le gouverneur sur la rive droite de la petite rivière dont les eaux Dagues de Comnène ne capitula que cinq mois après alimentaient ses douves et fossés qui furent comblés ; la prise du Mans ; sa pratique et ses ruses de la guerre mais subsistent au sud-est une grande pièce d'eau et sont, avec l'histoire des « Agnelles de La Ferté », restées de grandes prairies humides au pied de la pente escarpée célèbres. du coteau tout habillée de grands bois... L'entrée du parc se fait par une grande poterne 10. LE CHATEAU D'ARDENAY, à Ardenay. qui a gardé tout son charme ancien. La poterne franchie, vous atteignez la grande cour et la longue façade sud Adossé à de grands bois, le château d'Ardenay ne de style néo-gothique venue remplacer vers 1860 tout remonte qu'au XVIIIe siècle : il remplaçait l'ancien un bâtiment du XVIIe recélant fuie, chapelle ancienne château ou maison forte avec pont-levis, fossés, basse- et tourelle. cour, grange, étables, écuries, pressoir et remises ; à La partie ancienne, intéressante, est le côté ouest du un quart de lieue du bourg, il domine du sommet de son château. Dès l'angle sud-ouest deux tourelles restaurées coteau boisé le vallon de la Merize. C'est surtout par encadrent l'ancienne porte du pont-levis aux traces ses douves sèches très profondes et par ses arbres vrai- encore visibles ; meurtrières, toits en poivrière et ment majestueux que le site entier est si grandiose. les fines et délicates petites lucarnes aux gables ornés On sait qu'en 1742 l'architecte manceau Mathurin II de jolis crochets sont du Xve siècle finissant. A l'angle Riballier travaillait au château pour François Huguet nord-ouest, une tour plus épaisse, plus imposante, de Sémonville ; les constructions n'étaient pas ter- abrite un délicieux petit escalier à rampe de pierre minées en 1766 lorsque la terre fut vendue à Jean- hélicoïdale rappelant en petit le merveilleux escalier Baptiste-Jacques Le Prince ; ce dernier les continua de Verdelles ; c'est dans cette tour massive que se pendant quinze ans par des travaux considérables. Il réfugia la « Dame qui revient » après son veuvage du faudrait de longues pages pour dire, pour énumérer Maître à violon qu'elle avait épousé par amour contre les allées et avenues bordées de quatre rangs de tilleuls, le gré de son père ; celui-ci avait chassé le couple ; de peupliers, d'ormes, les quinconces de hêtres, les « La Dame revenant » semble devoir être le fantôme bouquets de futaie dont celui de la Comète ainsi nommé de Mlle de Turbilly ; on parle aussi de Mlle de Rasilly... en l'honneur de celle de 1811, la grande allée des Les lieux sont connus dès le XIe siècle avec les moines évêques, les « Onze frères », magnifique chêne à onze du prieuré de Tuffé qui y établirent un étang. Au troncs..., la promenade des canaux avec chutes d'eau, Moyen Age nous voyons des Morin. Au xive siècle, plantée en platanes et tilleuls, etc., sans parler de Chéronne est aux mains des d'Orton. l'esplanade plantée en parterre à la française avec Mme de Marsay, née de Chavagnac, laissera statues, ifs taillés et glacis descendant au jardin bas... Chéronne en 1947 au comte Gérard de la Villèsbrunne, On raconte que c'est Soufflot, venu au Mans pour petit-fils d'Alix, sœur de Maurice de Chavagnac. l'église de la Visitation, qui aurait dessiné ces jardins, ce parc et ces bois merveilleux... 9. LE CHATEAU DE SEMUR-EN-VALLON, à Semur- en- Vallon. 11. LE CHATEAU DE PESCHERAY, au Breil-sur- Merize. Un peu perdu loin des grandes routes, mais dans une petite région où les forêts de La Pierre et surtout Le château de Pescheray, dès l'abord, se présente de Vibraye apportent beaucoup de paix, le petit bourg curieusement pittoresque avec ses logis et pavillons de Semur, dont certains auteurs font remonter le multiples et variés, ses redents, ses pignons aigus et ses domaine du chapitre cathédral à Charlemagne, le petit toits changeants... Au centre de la façade, une tour, bourg a son château, un grand et intéressant château ; ou ce qui fut un donjon, conserve le souvenir d'un son site, surtout, est fort pittoresque. pont-levis enjambant le fossé, aujourd'hui comblé ; Il se présente, entouré de douves et de très grands une haute porte s'ouvre au-dessus d'un perron moderne; arbres, au-delà d'une petite porte romantique : une une fenêtre étroite du XVe-XVIe siècle est surmontée de grande façade assez nue, à fronton triangulaire, qui a deux petites ouvertures de même style. A sa droite, été fortement remaniée, se trouve encadrée de deux un logis à étage avec lucarne ; enfin, à l'angle, une grands pavillons ; les très hauts toits laissent deviner tourelle carrée avec deux jolis épis, derrière laquelle se des charpentes extraordinaires : nous ne sommes pas profile l'une des deux tourelles à mâchicoulis et toit loin, il est vrai, des grands bois... Ces deux hauts en poivrière de la façade latérale. A la gauche de la pavillons ont reçu, chacun, une haute tourelle sur- tour, un bâtiment en biais à fenêtres étroites, au toit montée d'un curieux clocheton. penché et écrasé qui, avec sa lucarne, semble vouloir A l'opposé, et c'est presque, à notre avis, le côté le s'accoter, s'aider contre la tour ; suit un pignon, puis plus intéressant, dans l'angle du pavillon gauche et du un pavillon carré surmonté de ses deux épis... Le plan logis central, mais déjà sur un autre nouveau bâtiment du château est un pentagone parfait au-devant duquel massif, trapu, et sans doute fort ancien (XIye-Xye s.), sont venus s'ajouter tous nos pavillons, donjon et se dresse une haute tour dont la masse supérieure et redents. L'ensemble des constructions de diverses le toit en poivrière dépassent le logis médian. époques entourant une cour intérieure est en général Dès le xie siècle, on connaît des Drogo, des Gaus- du xvie siècle. L'ancien château féodal était ceint de linus, des Hamelinus de Semmur, de Salmur. Dès 1320 fossés ; ils furent comblés au début du xixe siècle ; apparaissent les Le Cirier, ou Le Sirier, d'une vieille l'enceinte renfermait une fuie, et la chapelle seigneu- famille de bourgeoisie du Mans, qui resteront à Semur riale était défendue par une poterne flanquée de deux pendant plus de trois siècles. tours rondes. Le château fut racheté à M. Gabilleau en 1912 par Le nom de Pescheray est cité dès avril 1247. Les le marquis de Reverseaux de Rouvray et Béatrix premiers seigneurs appartinrent à la famille Le Vayer Hurault de Vibraye son épouse, qui y apportèrent dont l'un épousa une Sourches. maintes restaurations. Le château de Semur datant de Pescheray demeura dans la famille de Biré, jusqu'en Louis Xl (entre 1460 et 1470) était dû aux Le Cirier ; 1820, date à laquelle notre domaine fut vendu à il fut augmenté sous François Ier et quelque peu modifié Jacques-René Goupil, receveur général de la Sarthe. Il par le marquis de . est aujourd'hui la propriété de Mme de Sal. 12. LE CHATEAU DE COGNERS, à Cogners. vers les hauts pignons, les tourelles et les grands toits : Fort bien situé sur une hauteur d'où l'on découvre c'est un véritable décor de théâtre ! A gauche, le un lointain horizon et entouré d'un parc aux arbres manoir ; à droite, au-delà des communs, l'élégante magnifiques, le château de Cogners, de style Louis XIII, chapelle ; elle est la mieux conservée et reste la partie avec ses tours et tourelle rondes ou polygonales sur- la plus intéressante de notre grande demeure seigneu- montées de toitures curieuses ou amusantes, est une riale. Jehan de Clinchamps la fit construire au début construction de briques roses et de pierres blanches, du xvie siècle, en 1521-1522, la dota et en fit le siège bien typique de son époque ; le château ancien était d'une chapellenie ; elle se compose de deux hautes plus important et était entouré de douves ; il exista travées et d'une abside à trois pans à larges fenêtres, jusqu'en 1771, où l'on n'en conserva qu'un tiers qui recélaient autrefois de belles verrières. Les combles environ ; il contenait une cour au sein de ses vastes s'atteignent par un petit escalier de pierre. constructions flanquées de tours dont la plus impor- Notre seigneurie entra dans la famille de Clin- tante remonte au xve siècle. Durant près de trois champs dès 1280 par le mariage de Gervais, fils d'Odon, siècles, d'environ 1424 à 1667, il fut la propriété des seigneur de Groustel, avec Isabeau d'Aumale, dame Le Vasseur, dont Jean, dit « Monsieur de Cogners », de La Buzardière. Nous retrouvons les Clinchamps, fut un ardent et zélé calviniste. Notre château reçut qui portaient « d'argent à six merlettes de gueules Gabrielle d'Estrées qui y séjourna pendant qu'Henri IV posées 3, 2 et 1 », tout au long des siècles, alliés à de s'attardait non loin de là, au château de Courtanvaux... nombreuses familles du Maine. La terre de Cogners passa ensuite aux Le Jay de la Marie-Charlotte de Murat, née le 4 novembre 1788, Maison-Rouge, aux Camus de Pontcarré, aux Bodineau par son mariage en 1806, apporta notre vieux domaine de Meslay, aux Musset avant de devenir la propriété, de La Buzardière à Aymard-Jean-Tanneguy-Raymond, actuellement, de Mme la baronne Hennet de Goutel. comte de Nicolay, dans la famille duquel notre belle Le grand attrait de cette noble maison, c'est le sou- et aujourd'hui si émouvante demeure, depuis plus d'un venir des différents séjours que vint y faire notre grand siècle et demi, est toujours restée. poète Alfred de Musset... Sans doute, l'état de solitude et d'abandon ajoute Louis-François de Musset, chevalier, ancien capi- du charme à notre manoir vieux de plus de quatre taine au régiment de Chartres-Infanterie, avait acheté siècles. Mais il y a aussi les bois, les grands bois ; en 1762 la terre seigneuriale de Cogners ; son fils, il y a toujours le vent : le grand vent en hiver, ce Louis-Alexandre-Marie, qualifié marquis de Musset, doit être effrayant ! Le château de la Belle au bois également militaire, s'installa en notre château en 1778 ; dormant doit recevoir mille fantômes... il avait épousé une demoiselle Malherbe de Poillé (Marçon). 14. LE CHATEAU DU GRAND-LUCÉ Notre marquis de Musset, l'habitant de Cogners, était cousin germain du père d'Alfred de Musset ; il La terre de Lucé a une longue histoire. Dès 1370, le fut le parrain de ce dernier, né en 1810 ; et cela expli- château féodal entre dans la puissante maison de que sans doute la venue de notre poète au château de Coësmes par le mariage de Marie d'Eschelles. En 1574, Cogners ; il y vint trois ou quatre fois, dont une pre- Jean de Coësmes est tué au siège de Domfront ; sa mière fois en 1822 ; son frère Paul nous décrit alors veuve, Louise de Maridort, se remarie avec le comte la famille. Le marquis : « Il a soixante-neuf ans », la de Montsoreau ; elle sera la célèbre « dame de Mont- marquise : « C'est une excellente personne, une vieille soreau ». La sœur de Jean, Jeanne de Montafié, hérita figure d'autrefois », la cousine Odile : « Elle pratique du château ; celui-ci passa ensuite à Louise de Bourbon- la charité en grand, elle lit des livres de médecine et Soissons, femme d'Henri, duc de Longueville, puis à de piété »... Les deux frères avaient beaucoup de un prince de Savoie-Carignan qui, en 1716, le vendit plaisir à gagner par une trappe secrète un entresol à l'Intendant de Touraine, le baron Jacques Pineau tapissé de toiles d'araignées... de Viennay ; il fut intendant de Valenciennes puis d'Alsace ; il résida à Strasbourg jusqu'à sa mort en 1764 ; il ne vint que rarement à Lucé dont il fit 13. LE CHATEAU DE LA BUZARDIÈRE, à Changé. démolir l'ancien château vers 1760 pour reconstruire A l'orée des grands bois qui s'étendent, assez loin celui que nous connaissons aujourd'hui. du bourg, vers Loudon et son étang, notre vieux châ- Ce nouveau château, l'une des belles demeures sei- teau de la Buzardière, bien connu de tous les Manceaux, gneuriales du XVIIIe siècle, au Maine, fut l'œuvre élève ses hauts pavillons, son élégante chapelle, son de M. de Bayeux, architecte, devenu célèbre par la porche d'entrée aux curieuses échauguettes placées là construction du pont de Tours. pour être « apparences de défense » et conserver aux Le château fut construit en grès fin jusqu'au-dessus seigneurs qui habitèrent notre château un peu de leur des fenêtres des caves, et le reste en belle pierre de grandeur féodale. Il faudrait être poète pour chanter Vouvray, et en tuffau du pays. Il a, sur la façade du tout le charme du site et toute la grande pitié de la midi, onze fenêtres, dont deux et la porte centrale vieille et mélancolique demeure que les lierres, les sont en saillie et surmontent un élégant perron. En grandes herbes et le temps mènent lentement à la ruine... profondeur, il est double. Les fenêtres, hautes et bien Nos bâtiments étaient protégés par une enceinte de que sobrement ornées, sont fort élégantes... A l'inté- murs et des douves ; en avant s'ouvre une vaste cour rieur, un bel escalier monte du vestibule central à où l'on accède de l'extérieur par un grand porche l'étage supérieur ; boiseries fines, trumeaux aux jolies défendu par les deux échauguettes dont nous avons peintures, marbres des cheminées sont, enfin, en parlé. De cette double porte, où alternent les pierres grande harmonie avec le style de cette belle et classique blanches et celles de grès roussard, la vision est féerique demeure !... IMPRIMÉ EN FRANCE DÉPOT LÉGAL EFFECTUÉ EN 1960 (3e TRIMESTRE) NO 933 IMPRIMERIES DE BOBIGNY

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