Saladin Et Les Kurdes Perception D’Un Groupe Au Temps Des Croisades
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e tudes kurdesrevue semestrielle de recherches Saladin et les Kurdes Perception d’un groupe au temps des Croisades Boris JAMES FONDATION-INSTITUT KURDE DE PARIS 106, rue La Fayette, F-75010 Paris www.institutkurde.org L’Harmattan L’Harmattan Inc. L’Harmattan Hongrie L’Harmattan Italie 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique 55, rue Saint-Jacques Hargita u.3 Via Bava, 37 75005 Paris Montréal (Qc) H2Y 1K9 1026 Budapest 10214 Torino FRANCE CANADA HONGRIE ITALIE Conseil scientifique : Martin van BRUINESSEN (Utrecht), Kendal NEZAN (Paris), Jean-Baptiste MARCELLESI (Paris), Philip KREYENBROEK (Göttingen), Siyamend OTHMAN (Bagdad), Jean-François PEROUSE (Toulouse), Yona SABAR (Californie), Sami ZUBEIDA (Londres). Comité de rédaction : Michael CHYET (Washington), Hans-Lukas KIESER (Bâle), Nelida FUCCARO (Exeter), Michiel LEEZENBERG (Amsterdam), Mirella GALLETTI (Rome), Maria O’SHEA† (Londres), Gülistan GÜRBEY (Berlin), Abbas VALI (Swansea). Fuad HUSSEIN (Amsterdam), Equipe éditoriale : Salih AKIN, directeur de publication, Sandrine ALEXIE, secrétaire de rédaction, Christine ALLISON, Ali BABAKHAN†, Joyce BLAU, rédactrice en chef, Hamit BOZARSLAN, rédacteur en chef adjoint, Florence HELLOT, Bermal KARLI, Chirine MOHSENI, Ephrem Isa YOUSIF. La revue Études Kurdes est honorée d’une subvention du ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie. Éditeurs : ÉDITIONS L’HARMATTAN FONDATION-INSTITUT KURDE DE PARIS 7, rue de l’Ecole Polytechnique 106, rue La Fayette F-75005 Paris F-75010 Paris www.editions-harmattan.fr www.institutkurde.org Photographie : Citadelle d’Amadiya (Kurdistan), © Boris James Cartes : Boris James & Pauline Bertrand Mise-en-page & conception : Sacha Ilitch / fikp © L’Harmattan, mars 2006 ISBN 2-296-00105-X • Présentation . 5 • Remerciements . 11 PREMIÈRE PARTIE • Saladin et les Kurdes, une histoire commune . 13 I- Les régions et les villes habitées par les Kurdes à la veille de l’avènement de la dynastie ayyoubide . 14 A) Kurdistân, Zûzân al-Akrâd . 15 B) Une carte du « territoire tribal des Kurdes » . 18 C) Migrations . .24 II- Les tribus : le terreau de l’Etat ayyoubide . 27 A) Les Bashnawiyya . 24 B) Le cas particulier des Shahrazûrî . .30 C) Les Humaydiyya . 33 table des matières D) Les Zarzâriyya . 37 E) Les Hakkâriyya . 37 F) Les Hadhbâniyya . 44 DEUXIÈME PARTIE • Image, « définition » et identité des Kurdes au Moyen-Âge ; le croisement des notions . 55 I- Réflexions sur l’usage d’un mot . 55 A) La notion ethnographique. 67 B) L’émergence des représentations sociales . 63 II- Des représentations sociales à l’esquisse du groupe. 68 A) Les représentations sociales : la place assignée aux Kurdes. 68 B) Les « stratégies ethniques », évolution/modulation des représentations. 78 C) Les critères de la « kurdité » . 90 III- Identifier les Kurdes. .101 TROISIÈME PARTIE • Le rôle des Kurdes sous le règne de Saladin. 109 I- L’institution militaire et les Kurdes. 112 A) Controverse sur la composition de l’armée ayyoubide . .113 B ) L’engagement des troupes kurdes de base. .117 1- Les battâlûn et le pillage. .119 2- L’organisation tribale. .121 3- Les troupes attachées aux souverains éponymes, les mamelouks et les Kurdes. 130 C ) Les Turcs et leurs relations avec les Kurdes. 138 D) L’influence des Kurdes au sein de l’armée de Saladin. 148 1-Discriminations envers les Kurdes…? . 148 2-Les émirs kurdes : considérations générales. 150 3-Les principales figures kurdes, dans l’armée de Saladin. 153 II- Le second pouvoir, l’élite juridico-politique civile. .174 • Conclusion. 185 • Bibliographie. 199 • Annexes . 211 • Sources pour une étude sur les Kurdes dans l’élite urbaine sous le règne de Saladin . 211 • Quelques personnages kurdes encore mal identifiés du temps de Saladin . 214 • Abréviations . 219 Présentation A la fin du XIIème siècle, une famille de militaires kurdes, issus de l’oligar- chie militaire de l’Etat zankide, accède au leadership du monde musul- man : les Ayyoubides. La campagne que Shîrkûh, le frère d’Ayyûb, l’épo- nyme de la dynastie, mène en l’Egypte et son accession au vizirat fatimi- de permet à ses parents, et surtout à son neveu Saladin, d’acquérir l’indé- pendance suffisante vis-à-vis du souverain zankide Nûr al-dîn pour fonder la dynastie des Ayyoubides. On connaît les grandes étapes de cette montée en puissance. L’instabilité et les menaces extérieures que connaît le califat fatimide d’Egypte provoquent l’arrivée dans ce pays d’un fort contingent turco- kurde et l’accession au vizirat de son chef, l’émir Asad al-dîn Shîrkûh. Malgré les menaces internes (Arméniens et esclaves noirs/notables fatimi- des, bédouins) et externes (le roi de Jérusalem Amaury Ier et la flotte byzan- tine), ce groupe parvient à se maintenir et à asseoir sa domination sur l’Egypte. A la mort de Shîrkûh son neveu Saladin lui succède, après quelques tractations entre les différents acteurs politiques de l’Egypte. Reprenant à son compte l’idéologie militante du Djihâd, il se défait de la tutelle du calife fatimide shi‘ite, al-‘Adîd, met en échec ses assaillants chrétiens et lance une campagne militaire contre la Palestine franque. La mort du souverain zankide de Syrie et de Mésopotamie, Nûr al-dîn, lui épargne une lutte imminente pour la reconnaissance de ses droits sur l’Egypte. Les successeurs du souverain turc, déjà désunis avant sa mort, • 6 • Etudes kurdes - HORS SÉRIE N° II - MARS 2006 perdent du terrain face à Saladin qui impose à la fin du XIIème siècle sa suzeraineté ou sa domination directe sur l’Egypte, le Yémen, la Syrie- Palestine et la Haute-Mésopotamie. Par des campagnes en Haute-Mésopotamie et à l’est de l’Anatolie, régions habitées par une forte population kurde, il réduit très nettement l’influence des Zankides de Mossoul et de la dynastie des Seldjoukides de Roum, laquelle n’hésite pas à s’allier aux Francs ou aux Byzantins et à donner à Saladin des prétextes pour intervenir. Plusieurs principautés ayyoubides existent dans ces régions et se maintiennent jus- qu’à l’arrivée des Mongols en 1260, dont la principauté ayyoubide de Hisn Kayfâ (Hasankeyf), qui disparaît sous les coups de boutoir de la dynastie turcomane des Akkoyonlu au XVème siècle. Saladin résiste à la IIIème croisade menée par les trois plus grands souverains de l’Occident chrétien : Frédéric Barberousse, Richard Cœur- de-lion et Philippe Auguste. Il assure la pérennité d’une dynastie familia- le. De son intronisation au vizirat fatimide à sa mort en 589/1193, il est assisté par des personnages d’origines diverses (Turcs, Arabes, Kurdes, Iraniens). Parmi eux, les Kurdes constituent un important groupe, présents non seulement au sein de l’Etat ayyoubide, mais aussi dans toutes les sphères sociales des villes de Syrie-Palestine et de la Djézireh. Appréhender la place d’un groupe ethnique sous le règne d’un souverain du Moyen-Âge demande de prendre en compte, non seulement l’aspect factuel et institutionnel de la question, mais aussi sa profondeur historique, symbolique et ethnologique. De nombreuses questions se posent, d’abord concernant l’insertion des personnalités kurdes dans l’éli- te ayyoubide, puis sur le groupe dans son entier et sur la perception qu’en eurent les auteurs arabo-musulmans à travers les âges. Dans un premier temps, il a fallu suivre les carrières et réperto- rier les anecdotes relatives aux personnages kurdes dans toutes les sphè- res de la vie publique sous le règne de Saladin. En parallèle il a été pos- sible, pour cette période, de se poser la question de l’usage et de la valeur Saladin et les Kurdes • 7 • du terme « kurde », en s’attardant sur les mentions du groupe imperson- nel de ces Kurdes. On a pu, dans un deuxième temps, consigner les pas- sages de l’histoire des Kurdes qui renseignaient sur des points ethnolo- giques, et sur les tribus kurdes dont étaient issus les personnages en acti- vité sous le règne de Saladin. A tous moments les problématiques s’entre- croisaient. Lorsqu’il était question d’un personnage kurde, la réflexion sur le rôle institutionnel et politique des Kurdes sous le règne de Saladin, sur l’usage du terme « kurde » à cette époque, à travers la désignation du per- sonnage comme « kurde » et le questionnement, du fait de son apparte- nance à telle ou telle tribu, sur les vicissitudes de l’histoire des Kurdes et des grands mouvements présidant à leur insertion dans les différents milieux de l’élite urbaine de l’Orient musulman, se rejoignaient. Comme toute étude historique sur les textes, un tel travail sur les sources ne s’appuie que sur des représentations. Si les auteurs n’ont pas a priori une tendance à la dissimulation, il est possible de déceler chez eux des mécanismes conscients ou inconscients qui révèlent, tout au moins la subjectivité de leur approche, si ce n’est des stratégies idéologiques. La difficulté a évidemment résidé dans le fait que les Kurdes objets de notre étude n’ont pas de littérature écrite à cette époque, et les représentations qu’ils se faisaient d’eux-mêmes ne nous sont pas parvenues. Nos sources principales ont été produites par des auteurs se présentant comme des let- trés arabo-musulmans urbains[1]. D’autre part, il a été nécessaire de se départir de l’attitude «substantialiste» pour l’appréhension des groupes et des institutions ayyoubides. Il n’y a pas de continuum ni d’uniformité, ni dans l’usage d’un nom ni dans la réception de celui-ci. Ainsi le terme de « kurde », mais pas seulement (pensons aussi aux termes en usage dans les institutions de l’Orient médiéval, au sujet de telle ou telle fonction ou de tel ou tel corps d’armée), doit être questionné à tous moments de son histoire et sous la plume de tous les auteurs. De plus, un groupe, ethnique ou autre, n’est pas une entité abstraite où les individus n’auraient aucun [1] Pour plus d’information sur les sources qui nous ont été utiles pour la réalisation de cette étude, cf.