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Mémoire de Master 2

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Master Histoire des Pouvoirs, des appartenances et des Transferts

2017/2018

Les chapitres collégiaux séculiers du diocèse de Bourges au Moyen Âge de leur fondation à l’ du XIIIe siècle

Benjamin Moulin

Mémoire dirigé par Anne Massoni Source : AD , G 192, av. 1012

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de | 2017/2018 1 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Anne Massoni, d’avoir pris le temps de suivre et diriger mes recherches durant cette seconde année de Master, mais également pour sa patience, son accompagnement, ses conseils méthodologiques et surtout sa perpétuelle envie de partager ses connaissances, ce qui a considérablement enrichi mon travail.

Je remercie Anne Gérardot, directrice des archives départementales de l’Indre, à Châteauroux, et Xavier Laurent, directeur des archives départementales du , à Bourges, pour leur disponibilité et leurs conseils, mais également pour m’avoir permis de consulter des documents anciens et précieux, en particulier les cartulaires très abîmés des chapitres collégiaux du département du Cher et celui de Levroux, document remarquable par son excellent état de conservation. Je remercie également les équipes de ces deux centres pour m’avoir aiguillé dans mes recherches et leur aide quant à la consultation de certains documents.

Je remercie Corentin Coudert pour son aide en matière de récupération de données informatiques et ses conseils dans l’utilisation des logiciels informatiques qui m’ont servi à créer les cartes des annexes, ainsi que Mathilde Moratille et Corentin pour les différents échanges que nous avons eus cette année et qui m’ont aidé à avoir un point de vue différent sur mon sujet, ainsi que leurs conseils en matière de bibliographie.

Enfin je souhaite remercier ma famille et mes amis pour leurs encouragements et leur soutien moral tout au long de cette seconde année de Master.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 2 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Droits d’auteurs

Cette création est mise à disposition selon le Contrat : « Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de modification 3.0 » disponible en ligne : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 3 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Table des matières

Introduction ...... 8 Partie I. La genèse des chapitres...... 23 I.1. Un environnement général propice aux fondations de chapitres séculiers ...... 23 I.1.1. Quelques éléments de contextualisation ...... 23 I.1.2. Un environnement propice aux fondations de chapitres collégiaux : ...... 29 I.1.2.1. Éléments de contextualisation pour quelques seigneuries : ...... 29 I.1.2.2. Les établissements primitifs ...... 36 I.1.2.3. Que révèle l’étude du vocable des églises collégiales ? ...... 44 I.2. Les fondations des chapitres collégiaux ...... 48 I.2.1. Étude et critique des actes de fondation et de restauration ...... 49 I.2.1.1. Les fondations urbaines ...... 50 I.2.1.2. Les fondations rurales ...... 53 I.2.2. La structure interne des chapitres à leur fondation ...... 58 I.2.2.1. Les chapitres urbains ...... 58 I.2.2.2. Les chapitres ruraux ...... 61 I.3. Les principaux acteurs ...... 65 I.3.1. Les fondateurs ...... 66 I.3.1.1. L’archevêque de Bourges : Dagbert ...... 66 I.3.1.2. Les laïcs ...... 70 I.3.2. Les accompagnateurs des fondateurs ...... 82 Partie II. Étude du fonctionnement des chapitres sur deux siècles : un essai de typologie ...... 87 II.1. Structure interne des chapitres ...... 87 II.1.1. Les chanoines ...... 87 II.1.1.1. Les chapitres urbains ...... 87 II.1.1.2. Les chapitres ruraux ...... 91 II.1.1.3. La nomination des chanoines ...... 93 II.1.2. Les dignitaires ...... 94 II.1.3. Les dispositions statutaires ...... 97 II.1.4. Les prébendes ...... 101 II.1.4.1. Les chapitres urbains ...... 102 II.1.4.2. Les chapitres ruraux ...... 103 II.2. Relations institutionnelles des chapitres ...... 105 II.2.1. Avec le siège épiscopal ...... 105 II.2.2. L’insertion des chapitres dans le diocèse ...... 110 II.2.2.1. Des relations plus intenses avec l’archevêque et le chapitre cathédral ...... 110

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 4 Licence CC BY-NC-ND 3.0 II.2.2.2. Léré : dépendance martinienne ou institution berrichonne indépendante ? ...... 113 II.2.2.3. Les relations intra-diocésaines ...... 114 II.2.3. Des relations étendues ...... 115 II.2.3.1. Avec le pape...... 115 II.2.3.2. Avec les institutions extra-diocésaines ...... 117 II.3. Les relations avec les laïcs ...... 119 II.3.1. Avec les descendants des fondateurs ...... 119 II.3.2. Avec le roi...... 122 Partie III. Les chapitres collégiaux : des puissances temporelles ...... 127 III.1. Les chapitres urbains ...... 127 III.1.1. Les hommes ...... 127 III.1.2. Temporel foncier ...... 128 III.1.3. Les biens ...... 131 III.1.3.1. Les choses : res ...... 131 III.1.3.2. Les biens meubles ...... 132 III.1.3.3. Les biens immeubles ...... 133 III.1.4. Les revenus et le numéraire ...... 136 III.2. Les chapitres ruraux ...... 141 III.2.1. Les hommes ...... 142 III.2.2. Temporel foncier ...... 143 III.2.3. Les biens ...... 146 III.2.3.1. Les choses : res ...... 146 III.2.3.2. Les biens meubles ...... 147 III.2.3.3. Les biens immeubles ...... 148 III.2.4. Les revenus et le numéraire ...... 151 III.3. Les relations avec les autres institutions ...... 156 III.3.1. Concernant le temporel ...... 156 III.3.1.1. Les chapitres urbains ...... 156 III.3.1.2. Les chapitres ruraux ...... 158 III.3.2. La liturgie ...... 160 Conclusion ...... 167 Sources manuscrites ...... 170 Sources éditées ...... 176

Bibliographie ...... 179

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 5 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Table des tableaux et graphiques

Tableau 1 : État général des fondations ...... 16 Tableau 2 : Nombre d’actes dépouillés ...... 20 Tableau 3 : Vigueries situées dans le diocèse de Bourges ...... 24 Tableau 4 : Institutions précédant les chapitres ...... 43 Tableau 5 : Vocables des collégiales ...... 44 Tableau 6 : Les fondations dans Bourges ...... 50 Tableau 7 : Les fondations hors de la ville de Bourges ...... 53 Tableau 8 : État général des fondations ...... 57 Tableau 9 : Rôle des archevêques de Bourges dans les fondations ...... 70 Tableau 10 : État définitif des chapitres fondés (XIIe siècle) ...... 85 Graphique 11 : Effectifs de chanoines dans les chapitres de la cité épiscopale ...... 90 Graphique 12 : Effectifs de chanoines dans les chapitres situés hors de la ville de Bourges ...... 93 Tableau 13 : Dignitaires présents dans les chapitres ...... 96 Tableau 14 : Rôle des archevêques envers les chapitres collégiaux ...... 108 Tableau 15 : Classement des chapitres selon leurs effectifs ...... 125 Tableau 16 : Synthèse générale des donateurs en fonction du type de biens cédés...... 140 Tableau 17 : Synthèse générale des donateurs en fonction du type de biens cédés...... 154 Tableau 18 : Causes de la production d’actes concernant le temporel des chapitres urbains...... 158 Tableau 19 : Causes de la production d’actes concernant le temporel des chapitres ruraux ...... 159 Tableau 20 : Chapitres séculiers à la fin du XIIe siècle, parmi ceux fondés autour de l’an mil ...... 166 Tableau 21 : Chapitres régularisés à la fin du XIIe siècle, parmi les chapitres séculiers fondés autour de l’an mil ...... 166 Tableau 22 : Chapitres unis à un autre à la fin du XIIe siècle, parmi les chapitres séculiers fondés autour de l’an mil ...... 166

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 6 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Abréviations

AD Cher : Archives départementales du Cher (Bourges).

AD Indre : Archives départementales de l’Indre (Châteauroux).

BSAC : Bulletin de la Société académique du Centre : archéologie, littérature, science, histoire et beaux-arts.

DALF : Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle : composé d'après le dépouillement de tous les plus importants documents manuscrits ou imprimés qui se trouvent dans les grandes bibliothèques de la France et de l'Europe et dans les principales archives départementales, municipales, hospitalières ou privées.

GC : Gallia Chistiana in provincias ecclesiasticas distributa ; qua series et historia archiepiscoporum, episcoporum et abbatum Franciae vicinarumque ditionum ab origine Ecclesiarum ad nostra tempora deducitur et probatur ex authenticis instrumentis ad calcem appositis.

HSMDC : Histoire et statistique monumentale du département du Cher.

NEUFF : Nouvel examen de l’usage général des fiefs en France pendant les onzième, douzième, treizième et quatorzième siècles, pour servir à l’intelligence des plus anciens titres du domaine de la couronne, et de l’histoire.

NHB : Nouvelle histoire du Berry contenant son origine et ses antiquités les plus reculées, tant gauloises que romaines ; sa division en ses différentes parties, ses descriptions géographique, hydrographique, physique et naturelle ; son gouvernement ; ses souverains ; ses archevêques, patriarches, primats, etc.

RACF : Revue archéologique du Centre de la France.

RAHSB : Revue archéologique, historique et scientifique du Berry.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 7 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Introduction

Dans le cadre de ma seconde année de Master d’histoire à l’Université de Limoges, j’ai choisi de travailler sur Les fondations de chapitres collégiaux séculiers dans le diocèse de Bourges au Moyen Âge de leur fondation à l’aube du XIIIe siècle. Cette étude s’inscrit dans la continuité de ma première année de Master sur Le chapitre collégial Saint-Silvain de Levroux des origines aux années 12301, en élargissant mon sujet à l’ensemble du diocèse de Bourges sous un angle qui n’a jamais été étudié. Cela va donc me permettre de traiter l’histoire de ces chapitres collégiaux dès leur origine, tenter de comprendre leur fonctionnement et le but de leur création. Enfin, il me faudra essayer d’étudier le fonctionnement des chapitres collégiaux sur une période de deux cent ans, car on perçoit un phénomène de création extrêmement dynamique de nombreux chapitres dans un intervalle de temps court, ce qui se voit peu ailleurs dans le royaume de France (ou alors dans le comté de Flandre, beaucoup plus riche). L’intérêt de mon étude réside également dans le fait qu’elle s’inscrit au sein d'un cadre de recherche actuel et en plein développement sur le monde canonial séculier2 et qu'elle porte sur un sujet que l’historiographie a peu étudié, c’est-à-dire l’origine des chapitres séculiers au Moyen Âge central, à la différence de leur étude pour la période carolingienne et à partir du XIIIe siècle jusqu’à la fin du Moyen Âge, pour des fondations plus tardives selon les régions.

Cependant, à toutes les époques, les auteurs se sont penchés sur la question de ces institutions religieuses, avec plus ou moins de recul, ce qui pouvait facilement biaiser leurs affirmations. Les premiers sont principalement Gaspard Thaumas de la Thaumassière, qui dans son Histoire de Berry3 étudie les chapitres, mais passant souvent rapidement sur les premiers siècles. D’ailleurs, il fait l’erreur de donner aux chanoines de Saint-Satur la qualification de « réguliers » au moment de la fondation du chapitre, chanoines qui se seraient ensuite sécularisés pour être de nouveau réguliers. Cette erreur peut être due au fait que l’établissement de Saint-Satur est toujours appelé monasterium, même lorsqu’il contenait des chanoines séculiers. Cependant, l’auteur revient souvent sur ce qui existait avant les fondations des chapitres collégiaux, et fait très souvent référence à des monastères d’hommes ou de femmes. Il renvoie parfois à des actes perdus ayant existé, parfois fondamentaux, mais la principale

1 Benjamin MOULIN, Le chapitre collégial Saint-Silvain de Levroux au Moyen Âge des origines aux années 1230, mémoire de Master 1 d’Histoire Médiévale, sous la direction d’Anne MASSONI, Université de Limoges, septembre 2017. 2 Ibid., p. 7. 3 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, Bourges, François Toubeau, 1689-1691, t. 1 et 2.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 8 Licence CC BY-NC-ND 3.0 critique à faire est qu’il ne cite jamais les sources qu’il utilise ou auxquelles il se réfère, ce qui ne permet guère de prouver ses dires. De plus, il lui arrive de se contredire, notamment sur les questions de généalogie qui sont relativement difficiles à aborder. Je tenterai donc d’actualiser les informations avec les recherches diverses effectuées depuis celle de La Thaumassière en essayant d’aboutir à des généalogies cohérentes4. Au contraire, Louis de Raynal, dans son Histoire du Berry5, édite à la fin de chaque tome, avec les références nécessaires, des actes qu’il jugeait important de retranscrire à l’époque. Comme je l’ai dit précédemment, ces actes édités sont une base solide puisqu’ils permettent d’étudier des documents qui ont aujourd’hui disparu ou qui ont été très détériorés par l’incendie des archives départementales du Cher en 1859. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, des érudits de l’Indre, Émile Chénon et Eugène Hubert (suivi par son fils Jean), et ceux du Cher, Jacques Soyer et Alphonse Buhot de Kersers, ont produit des articles intéressants et, à mon sens, relativement probants. Leur étude portait principalement sur l’étude des villes ou des monographies de bâtiments, notamment de collégiales, qu’on ne peut analyser sans évoquer les chapitres qui les desservaient au Moyen Âge et qui parfois étaient à l’origine de la construction du bâtiment que nous pouvons observer maintenant, quand il n’a pas fait l’objet de réfections au XIXe siècle par des architectes comme Viollet-le-Duc. Depuis cette époque, l’intérêt pour l’étude du Berry ou des collégiales et chapitres collégiaux semble moins provoquer d’émulation. À la fin du XXe siècle, Guy Devailly, dans son ouvrage sur Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe6, datant de 1973, pose les jalons et fait une contextualisation générale sur le Berry à cette époque qui permet de comprendre fondamentalement dans quel contexte les chapitres collégiaux ont été fondés autour de l’an mil. En 1975, dans sa thèse, Jacques Greslier a édité une partie du cartulaire de Levroux7, qui m’a servi de base pour ma première année de recherche, et en 1988, Guy Devailly a écrit un Essai de reconstitution du cartulaire de Notre-Dame-de-Sales8, que je n’ai pas eu l’occasion de consulter, faute de temps. En 2006, Jacques Péricard réactualise les informations de Guy Devailly, dans sa thèse sur Le diocèse de

4 Voir Tome d’annexes, Annexe 15 : « Généalogie des seigneurs de Déols (Xe-XIe siècles) », p. 39 ; Annexe 16 : « Généalogie des vicomtes de Bourges (Xe-XIe siècles) », p. 40 ; Annexe 17 : « Généalogie des comtes de et de (Xe-milieu du XIIe siècle) », p. 41 ; Annexe 18 : « Généalogie des seigneurs de Bourbon (Xe-XIe siècle) », p. 42. 5 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry depuis les temps les plus anciens jusqu’en 1789, Bourges, Au grand Bourdaloue, vol. 1, 1844 (réed. 1999), vol. 2, 1845 (réed. 1999). 6 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe. Étude politique, religieuse, sociale et économique, , La Haye, 1973. 7 Jacques GRESLIER, Le cartulaire de Levroux, thèse de doctorat de troisième cycle, sous la direction de M. PERROY puis de M. FOSSIER, Université de Paris I, 1975, 3 vol.. 8 Guy DEVAILLY, Essai de reconstitution du cartulaire de Notre-Dame-de-Sales, dactylographié, 1988.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 9 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Bourges des origines à la Réforme grégorienne9, y ajoutant un aspect juridique. Ces deux ouvrages de 1973 et 2006 m’ont servi d’appui principal, puisque ce sont les plus récentes études menées à l’échelle du Berry et du diocèse de Bourges10.

Pour comprendre mon objet de recherche, il faut expliciter ce qu’est un chapitre collégial et ce qu’il représentait spirituellement au Moyen Âge. Un chapitre est une institution qui est clairement définie depuis l'époque carolingienne par l'Institutio canonicorum d'Aix-la-Chapelle de 816-817. Il est composé de chanoines, membres du clergé séculier, et intégrés comme clercs dans la hiérarchie des ordres. Le chanoine est une réalité polymorphe au Moyen Âge car il est en permanence au contact des laïcs, mais il vit dans une communauté, ce qui entraîne souvent chez certains historiens du Moyen Âge des amalgames, qui n’ont pas lieu d’être, entre moines et chanoines. Depuis le concile d’Aix-la-Chapelle de 816-817, les chanoines séculiers n’ont généralement pas de communauté de vie la nuit à la différence des moines, ils vivent souvent dans des maisons individuelles et ont le droit de rester propriétaires de leurs biens, autant de choses qui les en différencient également. Le qualificatif de « chapitre collégial » est à rapprocher de « chapitre cathédral », ce dernier ayant pour fonction d'entourer l’évêque d’un diocèse. Le chapitre collégial s’en différencie structurellement car l’évêque n’est pas résidant dans l’église collégiale, qui peut donc être qualifiée « d’église secondaire » dans le diocèse, mais il a le même fonctionnement institutionnel et les deux institutions sont parfois très proches l’une de l’autre, notamment dans leur fonctionnement. Il reste cependant assez difficile de définir le chanoine tant cette réalité est plurielle. On le connaît surtout par son rôle dans la louange quotidienne et la célébration de l’office divin, même s’il n’a pas toujours charge d’âmes (baptême, confession, inhumation), la finalité étant de desservir collectivement (et non pas individuellement, comme un curé de paroisse) une église à laquelle il est attaché, et surtout d’assurer un lien entre le monde terrestre et l’au-delà à travers le chant des heures canoniales. Cela est un idéal essentiel au Moyen Âge et le paiement des actes liturgiques (anniversaires) et des sépultures contribue au financement de l’église, aux réparations nécessaires et bien sûr à l’entretien du chapitre. Comme il a été dit précédemment, l’étude du monde canonial est récente et les historiens ont été longtemps réticents à

9 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis. Le diocèse de Bourges des origines à la Réforme grégorienne, Clermont-Ferrand, LGDJ, 2006. 10 Pascal Gourgues, que je n’ai pas étudié, a également entrepris une étude du Berry dans Pascal GOURGUES, Le Berry du VIIIe au début du XIe siècle, Étude sur les manifestations du pouvoir dans la seconde moitié du haut Moyen Âge, 2 vol., Université Paris II-Panthéon-Assas, 2000, se centrant plutôt sur des questions politiques.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 10 Licence CC BY-NC-ND 3.0 l’entreprendre car être chanoine séculier au Moyen Âge central est moins valorisant qu’être moine : les séculiers furent en contact permanent avec le monde laïque, ce qui peut altérer, pour les moines qui leur étaient contemporains et leurs successeurs, ainsi que pour les historiens médiévistes après eux, l’image d'une voie de sanctification idéale. Néanmoins, ces communautés ont laissé beaucoup de sources archivistiques, ce qui nous donne une matière riche à étudier et nous permet ainsi de comprendre le fonctionnement de ces institutions et d’affirmer qu’elles étaient vivantes et pérennes. C’est le cas pour certaines des institutions que j’ai eu l’occasion d’étudier. Il faut maintenant voir dans quel cadre géographique et administratif évoluaient ces chapitres.

À l’est, la constitue une limite naturelle du diocèse de Bourges, le séparant de ceux d’ et de Nevers11. Le canton des Aix-d’Angillon, à l’ouest, présente un relief effrité et qui perd de sa vigueur, ce qui en fait une des régions naturelles du Berry les plus difficiles à définir. Au de Bourges se situe le « Pays Fort » ou « Forêt ». Le pays de Graçay et Valençay est une région moins individualisée, au point que « dans de nombreux villages les paysans n’ont même pas de nom pour le désigner ». Cela est dû au manque de singularité du paysage dans cette région. Le nord de Levroux est qualifié de Boischaut (nord) et présente les mêmes caractéristiques que la région du sud du diocèse : au nord de Vatan et Levroux, le paysage passe brutalement de collines verdoyantes aux vastes étendues plates et sèches de la Champagne berrichonne12. Vers Mehun et Bourges, il y a des dépressions marécageuses. La ressemblance entre les terrains des deux Boischaut devait être encore plus forte au Moyen Âge13. Le diocèse de Bourges est surtout une circonscription ecclésiastique se présentant comme la continuité du territoire de l’ancienne civitas des Bituriges Cubi. Cette circonscription comprenait la presque totalité des départements du Cher et de l’Indre et s’étendait au-delà de leurs limites actuelles (près de la moitié de l’, une grande portion du Loir-et-Cher, une petite partie du et quelques communes rattachées aujourd’hui à la Haute-, à la ou au Puy-de-Dôme)14, cela représente environ 805 paroisses au XIIIe siècle15. Le

11 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit, p. 62. 12 Ibid., p. 63. 13 Ibid., p. 65. 14 Ibid., p. 61. 15 Jacques de FONT-REAULX, Pouillés de la province de Bourges, Paris, Imprimerie Nationale, 1961-1962, vol. 2, p. 141-152.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 11 Licence CC BY-NC-ND 3.0 diocèse n’a pas évolué au Moyen Âge, mais cette réalité n’est plus d’actualité pendant l’Ancien Régime où la province de Berry et la généralité de Bourges sont des espaces différents16.

Cependant même si le diocèse de Bourges est perçu comme une circonscription bien définie, une opposition se dessine entre Haut et Bas-Berry, tentée une première fois par Pépin le Bref en 76617 et plus distincte du début du Xe siècle à la fin du XIIe siècle. Elle est ensuite moins apparente jusqu’aux divisions départementales de la Révolution. Cette division est due notamment au fait que Bourges a une position trop excentrée pour être un foyer d’attraction. Antérieurement, à l’époque gallo-romaine, la région appartient à l’Aquitaine, qui constitue un ensemble beaucoup plus vaste, soumis aux ducs d’Aquitaine. Elle se rattache ensuite à la Gaule méridionale, réalité encore valable aux temps carolingiens. Entre le Xe et le XIIIe siècle, la région est passée de la France du Midi à celle du Nord18. Comme les vastes diocèses, le diocèse de Bourges a été divisé en pagi aux époques mérovingienne et carolingienne ; cependant, relativement à la taille du diocèse, la division en seulement deux pagi, commandés par les villes de Bourges et d’Argenton, semble faible. Le diocèse a également été partagé en plusieurs archidiaconés. En effet, des archidiacres sont mentionnés sous Charlemagne et Louis le Pieux19, cependant, ces subdivisions diocésaines, dont le nombre n’est pas stable, semblent apparaître en lien avec l’émergence de grandes seigneuries qui en deviennent les chefs-lieux20. Antérieurement, ces deux grandes divisions coïncidaient déjà, avec comme « capitales » Bourges (Haut-Berry) et Argenton (Bas-Berry), lors de la réorganisation du diocèse par Pépin le Bref en 766. Quatre ans plus tôt, le roi franc s’emparait de Bourges et s’y installait. En 768, Rémistan, à la tête du comté d’Argenton, se révolte et le comté est ainsi annexé à celui de Bourges. En parallèle, l’Aquitaine garde une individualité et a souvent son propre roi, un prince carolingien fils du roi régnant21. La mort de Pépin Ier entraîne des tensions et le Berry est l’une des premières régions à reconnaître Pépin II comme nouveau roi. Ce dernier nomme au siège épiscopal de Bourges Raoul, fils et frère des comtes de Quercy, ce qui tend à resserrer les liens entre le Berry et l’Aquitaine22. Ce fait peut marquer une proximité entre le roi et l’archevêque que l’on retrouve au Xe siècle entre Dagbert et Robert le Pieux. L’archevêque de Bourges était

16 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 61. 17 Ibid., p. 66. 18 Ibid.. 19 Ibid., p. 73. 20 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 114-115. 21 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 78. 22 Ibid., p. 79.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 12 Licence CC BY-NC-ND 3.0 le personnage le plus important du pagus de Bourges au IXe siècle. En effet, il était à la tête d’un seul évêché alors que le comte était à la tête de plusieurs comtés et était donc moins présent dans chacun d’eux. Jacques Péricard expose bien les différents visages de l’épiscopat berrichon à travers quatre mouvements23 : dans un premier temps, l’épiscopat est aux mains des élites pendant l’Antiquité tardive, puis, dans un deuxième temps, vu comme un instrument de la royauté carolingienne, notamment avec l’élection de Vulfade (866-876) et Frotaire (876-889/890) par le roi. Avec l’accession de Louis II le Bègue sur le trône en 877, le titre de roi d’Aquitaine disparaît et l’Aquitaine s’effondre24. Les rois de France du Xe siècle et les ducs d’Aquitaine ne résident jamais en Berry. De ce fait, dans la première moitié du Xe siècle apparaissent les premières dynasties locales qui dominent la région jusqu’au milieu du XIIIe siècle25, coïncidant ainsi avec la troisième phase : aux Xe et XIe siècles, l’archevêque en place est issu de la triangulation du pouvoir entre l’épiscopat, l’aristocratie et la royauté, comme le montrent les élections de Géronce (914-948) et Laune (948-955), membres de la puissante famille de Déols dont les principaux concurrents deviennent les maisons d’Anjou et de Blois, issues de vicomtes installés par les Robertiens26. Ainsi, Hugues (959-985), de la famille des comtes de Blois27, montre un potentiel recul de la royauté en Berry et enfin Dagbert (987-1012) et Gauzlin (1012-1030), fidèles du roi Robert le Pieux, sont des archevêques en place lors de la période de fondation massive dans laquelle Dagbert est plus investi que son successeur. La dernière phase se situe pendant la Réforme grégorienne, quand l’Église tente de se détacher du Siècle entraînant un amenuisement de l’ingérence laïque dans l’élection de l’archevêque28. Le Berry est donc divisé vers la fin du Xe siècle et tout au long du XIe siècle, le diocèse de Bourges reste le cadre stable qui réunit tous les territoires berrichons en une seule entité. Cet équilibre est ensuite fragilisé à cause de la médiocrité des archevêques, l’insuffisance du clergé et l’importance des monastères, l’influence de Cluny et les fondations de petites collégiales29. Selon Guy Devailly, « les seigneurs locaux étaient les véritables maîtres, tant du clergé rural que de petites collégiales castrales »30. Pascal Gourgues remet en cause l’idée de la partition du Berry entre les seigneurs de Déols, partisans de la mouvance aquitaine, et une autre partie tournée vers le Nord et les comtes de Blois-Champagne. Il montre également dans son ouvrage

23 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 49. 24 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit, p. 116. 25 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 49. 26 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 126. 27 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 53. 28 Ibid., p. 49. 29 Ibid., p. 7. 30 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 589.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 13 Licence CC BY-NC-ND 3.0 que le roi n’avait jamais réellement perdu pied dans la région, en particulier grâce à l’épiscopat berrichon ; mais concentré sur des questions avant tout politiques, l’auteur n’a légitimement pu envisager les répercutions internes de cette collaboration sur l’ensemble du diocèse et les institutions ecclésiastiques31. Cependant, la matière même pour l’étude de la fondation des chapitres collégiaux est dense.

Étudier les chapitres collégiaux dans le diocèse de Bourges au milieu du Moyen Âge n’est pas chose aisée, tant les sources sont diverses et les institutions variées. En effet, j’ai eu l’occasion d’étudier durant cette année de recherche dix-huit chapitres collégiaux répartis inégalement, sur trois départements : 4 dans l’Indre, 13 dans le Cher et un seul dans l’Allier, selon les circonscriptions administratives actuelles, mais comme ces entités ont été créées en 1789, elles n’ont pas de sens à l’époque médiévale. Il faut donc se repérer en fonction des archidiaconés pour toucher au plus près la réalité médiévale. Jacques de Font-Réaulx, dans les Pouillés de la province de Bourges32 recense neuf archidiaconés, dont six sont cités dans une charte de 1162 (Narsene, Buzançais, , Sancerre, Bruère et Graçay), les archidiaconés de Bourges et Déols devaient exister antérieurement vu leur importance dans le diocèse. Enfin, l’archidiaconé de Bourbon-l’Archambault ne semble être cité qu’à partir de 1330. Malgré ces imprécisions, ce paysage se rapproche le plus celui de l’an mil, mais comme les archidiacres cités dans les sources jusqu’au XIe siècle et encore après, ne sont pas renseignés avec le nom de leur archidiaconé, il est difficile d’appréhender cette question avec précision. De plus, la composition de ces archidiaconés, divisés en archiprêtrés est relativement imprécise à l’époque médiévale, il faut donc se référer aux indications modernes et contemporaines33 avec lesquelles

31 Pascal GOURGUES, Le Berry du VIIIe au début du XIe siècle, op. cit. ; Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 7. 32 Jacques de FONT-REAULX, Pouillés de la province de Bourges, Paris, Imprimerie Nationale, 1961-1962, 2 vol.. 33 Ibid., vol. 1, p. XLIV, pour la chronologie des archidiaconés ; Le « tableau récapitulatif de l’administration générale, fiscale, judiciaire, militaire et ecclésiastique pour les communes de l’Indre jusqu’à 1790 », tiré de l’ouvrage de Cristian POITOU, Paroisses et communes de France, dictionnaire d’histoire administrative et démographique, sous la direction de Jean-Pierre BARDET et Claude MOTTE, Paris, CNRS, 1997, pour la localisation des communes des archidiaconés de Buzançais, Châteauroux (Déols au Moyen Âge), Graçay et Sologne (les communes appartenant au département de l’Indre) ; Le site de Denis JEANSON : http://denisjeanson.fr/site_toponymie/administration/administration-religieuse/archiprevere.html, pour la localisation des communes des archidiaconés de Bourges, Bruère, Sancerre et Sologne ; Guillaume SANSON, BnF, département Cartes et plans, CPL GE DD-2987 (321), « Partie du diocèse de Bourges où sont les archidiaconés de Bourbon, de Bruere et de Narzene. Partie de la généralité de Bourges. L'Élection de Saint Amand », Paris, 1678, pour la localisation des communes des archidiaconés de Bourbon et Narzenne.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 14 Licence CC BY-NC-ND 3.0 nous arrivons à retracer les contours des archidiaconés, correspondant relativement bien aux limites, même imprécises, du diocèse de Bourges au XIIIe siècle34. Dans ce cadre, la chronologie des fondations de chapitres collégiaux s’échelonne sur deux siècles de la plus précoce en 862 avec la restitution de Saint-Marin de Léré par Charles-le-Chauve aux chanoines de Saint-Martin de , jusqu’à la plus tardive dont la date de fondation est certaine : Saint-Ursin de Montcenoux en 1048, avec une grande concentration de fondations autour de 1012. Parmi les chapitres situés dans l’archidiaconé de Bourges, six se situent dans la ville de Bourges même : Notre-Dame-de-Sales, Notre-Dame de Montermoyen et Saint-Outrille-du-Château de Bourges (fondations épiscopales) et Saint-Pierre-le-Puellier, Saint-Ambroix de Bourges et Saint-Ursin de Bourges (fondations laïques). En remontant vers le nord-ouest, nous rencontrons la fondation de Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre. Au nord-est de Bourges, mais dans l’archiprêtré de Sancerre, se trouvent les chapitres de Saint-Ithier des Aix-d’Angillon, Saint-Pierre de Saint-Satur et Saint-Martin de Léré, ces deux derniers en limite de diocèse. Au sud-ouest, en descendant sur l’ est fondée Saint-Étienne de Dun-le-Roi dans l’archidiaconé de Bruère. Enfin dans le petit archidiaconé de Graçay, se trouvent deux chapitres, dans la ville même de Graçay, l'un dédié à Notre-Dame et l'autre à saint Outrille et un troisième à Vatan, dédié à saint Laurian. Il faut donc remarquer qu’il n’y a aucune fondation dans l’archidiaconé de Sologne. Dans l’archiprêtré de Buzançais, en limite de ceux de Graçay et Déols, se trouve la fondation du chapitre Saint-Silvain de Levroux. Au sud de l’archidiaconé de Déols, ont été fondés les chapitres de Saint-Jacques-le-Majeur de Neuvy-Saint-Sépulchre et Saint-Germain de La Châtre, sur l’Indre. Enfin, au sud du diocèse, le chapitre Saint-Ursin de Montcenoux se situe dans l’archidiaconé de Bourbon35. Les chapitres ont principalement été établis en limite des archidiaconés et en limite nord du diocèse, l’actuel département de l’Allier semble manifestement oublié sauf Montcenoux situé au cœur de l’archidiaconé de Bourbon, permettant un contrôle de l’archevêque au sud du diocèse. Les acteurs majeurs de ces fondations sont les évêques ou les seigneurs ou vicomtes locaux. Le tableau suivant montre bien où ont été fondés les premiers chapitres collégiaux et qui a entrepris de le faire. J’essaierai de déterminer leurs intentions ultérieurement.

34 Voir Tome d’annexes, Annexe 11 : « Carte 10 : Archidiaconés du diocèse de Bourges antérieurs au XIIe siècle », p. 35. Tous les chefs-lieux d’archidiaconés ne sont pas connus pour cette époque. 35 Voir Tome d’annexes, Annexe 9 : « Carte 8 : Chapitres fondés avant 1120 », p. 33.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 15 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Tableau 1 : État général des fondations36 Date de fondation Fondateur Chapitre 23 février 869 Villa restituée par Charles le Saint-Martin de Léré Chauve pour abriter les chanoines de Saint-Martin de Tours et leurs reliques 997-1012 Dagbert, archevêque de Saint-Outrille-du-Château de Bourges Bourges ca. 997-1012 Chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay Saint-Outrille-du-Château de Bourges ca. 1000 Seigneur de Graçay Saint-Laurian de Vatan 1002 Renaud, seigneur de Graçay Notre-Dame de Graçay 1012 Dagbert, archevêque de Notre-Dame de Bourges Montermoyen 1012 Eudes, seigneur de Déols Saint-Germain de La Châtre 1012 Eudes, seigneur de Déols Saint-Sylvain de Levroux 30 des calendes de juillet Ébrard le Noble, seigneur Saint-Pierre-le-Puellier de 1012 d’Issoudun Bourges 3 août 1012 Geoffroy, vicomte de Saint-Ambroix de Bourges Bourges 1012 Geoffroy, vicomte de Saint-Ursin de Bourges Bourges Ap. 1er décembre 1012 Geoffroy, vicomte de Notre-Dame-de-Sales de Bourges Bourges Av. 1020 Archevêque de Bourges Saint-Étienne de Dun-le-Roi 1034 Mathilde de Sancerre, fille Saint-Pierre de Saint-Satur de Gimon, seigneur de Château-Gordon Ca. 1045 Seigneur de Déols Saint-Jacques-le-Majeur de Neuvy-Saint-Sépulchre 1048 Archambault, seigneur de Saint-Ursin de Montcenoux Bourbon Av. 1066 ? Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre Av. 1120 Seigneur de Sully-sur-Loire Saint-Ithier des Aix-d’Angillon

Pour entreprendre ces recherches, mon corpus de sources est très varié et il est localisé principalement dans deux dépôts : les archives départementales de l’Indre, à Châteauroux, et

36 En italique, les fondateurs supposés.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 16 Licence CC BY-NC-ND 3.0 dans celles du Cher, à Bourges37. Pour la période allant de 862 au début du XIIIe siècle, j’ai pu rassembler 99 documents38, dont environ 52 actes originaux isolés situés dans des liasses, environ 39 actes copiés et isolés, 17 actes copiés et collationnés dans des cartulaires, 42 actes édités et 11 mentions d’actes. Parmi ces actes, j’ai étudié les 52 actes dits originaux, sous leur forme originale, copiée, ou selon l’édition qui en a été faite quand cela était possible. En proportion, j’ai donc vu environ 55% d’actes originaux (sans en compter leurs copies ou éditions) pour 45% d’actes seulement copiés et édités et dont les originaux ont aujourd’hui probablement disparu. En effet, en 1859, un incendie des archives départementales du Cher a détruit une partie des fonds anciens qui ont ensuite été recotés pour certains documents ou placés dans des liasses. Le tri effectué a sans doute entraîné la disparition des sources les plus détériorées ; les cartulaires aujourd’hui disponibles en consultation exceptionnelle en gardent le témoignage et sont peu consultables vu leur état, le cartulaire de Notre-Dame de Graçay n’étant plus du tout accessible car il s’effrite au toucher. D’ailleurs, les premières études de cartulaires par les diplomatistes avaient pour but de restituer les originaux perdus ou détruits. L’examen de leur contenu portait sur des questions de falsification et d’interpolation pour reconstituer le texte des chartes originales39. De plus, les pages des cartulaires ont été refoliotées, rendant la recherche d’actes inventoriés avant 1859 encore plus difficile à localiser. Seul le cartulaire de l’archevêché, copie du XVIIIe siècle, est aujourd’hui en excellent état. Ces cartulaires sont les pièces maîtresses du projet archivistique révolutionnaire et des documents emblématiques des sources documentaires médiévales. La diplomatique contemporaine laisse entendre une définition stricte du cartulaire, c’est-à-dire une transcription organisée, sélective ou exhaustive de documents diplomatiques, réalisée par le détenteur de ceux-ci ou pour son compte, et généralement le motif avancé concernant cette compilation est une réforme administrative. Le cartulaire cristallise un ensemble de pratiques et des regards sur le passé et le présent40. Cependant, malgré les contraintes matérielles qui biaisent une étude comparative précise entre les différents cartulaires que j’ai pu consulter, tous les cartulaires originaux

37 Les archives concernant la collégiale Saint-Ursin de Montcenoux (Allier) se situent dans la série G des archives départementales du Cher, cela étant certainement dû au fait que le chapitre était une succursale de Saint-Ursin de Bourges. Les archives départementales de l’Allier ne conservent que deux pièces : un état succinct des revenus du chapitre (XVIIIe siècle) et la copie d’une charte de Rodulphe de Chaumont de 1231 (XVIIe ou XVIIIe siècle) sous la cote 1 G 133. 38 Voir Tome d’Annexes, Annexe 1 : « Tableau des sources », p. 4-25. 39 Patrick GEARY, « Entre gestion et gesta », dans Les cartulaires, Actes de la table ronde organisée par l'Ecole nationale des chartes et le G.D.R. 121 du CNRS, réunis par Olivier GUYOTJEANNIN, Laurent MORELLE et Michel PARISSE, Paris, Ecole des Chartes, 1993 (Mémoires et documents de l'Ecole des Chartes, 39), p. 11-26, p. 11. 40 Les cartulaires, op. cit., p. 7-8.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 17 Licence CC BY-NC-ND 3.0 semblent avoir été compilés de la même manière. Ce point est abordé par Dietrich Lohrmann dans son étude sur les cartulaires rhénans dans laquelle il réussit à établir un plan et une organisation interne des recueils selon l’ordre des XIIe-XIIIe siècles, avec en tête les privilèges pontificaux, puis les actes des rois et empereurs, et enfin un classement régional ou local. À l’intérieur de ces différentes thématiques, le classement peut se faire chronologiquement sans être strict dans le détail41, cela coïncide en partie avec ce que l’on retrouve dans le cartulaire de Levroux42, très bien conservé aux archives départementales de l’Indre, et permet donc de comprendre la constitution de ces cartulaires. Ce dernier est tout d’abord constitué de statuts de 1240, relatifs aux fonctions du prévôt et du voyer, à la résidence des chanoines, aux chapitres hebdomadaires et aux malades atteints du mal de Saint-Silvain43, puis d’actes compilés les uns à la suite des autres, sans ordre chronologique. Enfin le cartulaire se prolonge par un censier44, un fragment d’obituaire45 et des listes de malades (1231-1242)46 rappelant la mission hospitalière qu’avait le chapitre. Loin de se terminer ainsi, la suite du cartulaire de Levroux, que Jacques Greslier n’a pas éditée47, a été rédigée par une seconde main dont la lecture est plus ardue et mériterait une édition et une étude approfondie, comme les cartulaires des archives départementales du Cher qui n’ont quasiment pas donné lieu à des éditions, sauf celui de Notre-Dame-de-Sales48. Cependant, les cartulaires que j’ai pu consulter se composent toujours d'une partie contenant des actes copiés les uns à la suite des autres, mais sans ordre chronologique, parfois un censier, et d'une partie contenant un obituaire pour célébrer les messes des défunts généralement fondées dans les collégiales ou les chapelles, appartenant aux chapitres. Le conformisme de la rédaction de ces différents éléments permet de les repérer facilement, mais sans en distinguer réellement le contenu car l’incendie en a rendu la lecture

41 Dietrich LOHRMANN, « Évolution et organisation interne des cartulaires rhénans du Moyen Âge », dans Les cartulaires, op. cit., p. 79-90, p. 86. 42 AD Indre, G 110. 43 AD Indre, G 110, fol. 1r, puis fol. 2r-3v, édité par Jacques GRESLIER, Le cartulaire de Levroux, thèse de doctorat de troisième cycle, sous la direction de M. PERROY puis de M. FOSSIER, Université de Paris I, 1975, vol. 1, p. 35-55 (Prologue). 44 AD Indre, G 110, fol. 26v-33r, édité par Jacques GRESLIER, Le cartulaire de Levroux, op. cit., p. 250-308 (actes n° 73 à 86). 45 AD Indre, G 110, fol. 34r-36r, édité par Jacques GRESLIER, Le cartulaire de Levroux, op. cit., p. 317-325 (acte n° 93). 46 AD Indre, G 110, fol. 38r-40r, édité par Jacques GRESLIER, Le cartulaire de Levroux, op. cit., p. 328-352 (actes n° 95-106). 47 Cela ne l’a pas empêché de l’étudier comme le montre son commentaire du cartulaire qui fait référence à ces actes non édités. De plus, il évoque dans son introduction son choix de n’éditer que la partie homogène du cartulaire transcrite par le premier scribe entre 1240 et 1243. 48 Guy DEVAILLY, Essai de reconstitution du cartulaire de Notre-Dame-de-Sales, dactylographié, 1988.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 18 Licence CC BY-NC-ND 3.0 difficile. Cependant, il ne faut pas oublier que leur rôle commémoratif protège la mémoire des donateurs, abbés et évêques. Ainsi ils avaient le triple rôle de gestion, protection et commémoration49. Or à l’étude et la lecture d’un cartulaire, il ne faut pas oublier l’idée de transcription dans la notion de cartulaire ainsi que le regard du cartulariste qui compose le recueil par rapport à l’acte original50, ce qui peut biaiser une partie du message transmis par l’acte original (quand il n’a pas été perdu). Une étude approfondie des cartulaires des archives départementales du Cher mériterait donc d’être entreprise, j’ai plutôt axé ma recherche sur les actes référencés correctement par Louis de Raynal. Mais il est important de connaître la proportion d’actes, tant originaux, que copiés et édités, concernant chaque chapitre collégial de 862 à 1200.

49 Patrick GEARY, « Entre gestion et gesta », art. cit., p. 16. 50 Laurent MORELLE, « De l’original à la copie : remarques sur l’évaluation des transcriptions dans les cartulaires médiévaux », dans Les cartulaires, op. cit., p. 91-104, p. 91.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 19 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Tableau 2 : Nombre d’actes dépouillés

Proportion d’actes concernant les chapitres Chapitre Nombre d’actes par rapport au nombre total d’actes référencés Saint-Ursin de Bourges 27 21,77% Saint-Outrille-du-Château de 20 16,13% Bourges Notre-Dame-de-Sales 10 8,06% Notre-Dame de Montermoyen 9 7,26% Saint-Ambroix de Bourges 7 5,65% Saint-Pierre-le-Puellier 7 5,65% Saint-Outrille-lès-Graçay 7 5,65% Saint-Silvain de Levroux 7 5,65% Saint-Pierre de Saint-Satur 5 4,03% Saint-Jacques de 5 4,03% Neuvy-Saint-Sépulchre Saint-Laurian de Vatan 4 3,23% Saint-Ursin de Montcenoux 4 3,23% Saint-Germain de La Châtre 3 2,42% Saint-Ithier des 3 2,42% Aix-d'Angillon Notre-Dame de Graçay 3 2,42% Saint-Martin de Léré 2 1,61% Saint-Étienne de Dun-le-Roi 1 0,81%

Ce tableau montre donc bien que les chapitres les plus fournis en archives sont ceux situés dans la ville de Bourges avec en tête Saint-Ursin et Saint-Outrille-du-Château qui semblent être les plus anciens voire les plus importants chapitres de la cité épiscopale. Ces actes sont tout d’abord des actes de fondation, puis des actes de la pratique concernant des achats, dons ou encore des conclusions d’accords de confraternité entre les institutions.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 20 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Pour établir mon tableau des sources, j’ai tout d’abord consulté les inventaires sommaires des archives départementales de l’Indre51 et du Cher, afin de collecter des actes allant jusqu’à la fin du XIIIe siècle. Au vu de la quantité de sources collectées, j’ai décidé de m’arrêter à la fin du XIIe siècle. Les fonds des archives départementales de l’Indre ne permettent pas d’entreprendre une étude large des institutions canoniales du département car seul le fonds de Levroux est relativement bien documenté. Il a donc fallu élargir le sujet aux institutions du Cher et il est facile de remarquer que les chapitres les plus petits, qui devaient être des collégiales castrales, ne sont pas ou peu renseignés comme Dun-le-Roi ou Mehun-sur-Yèvre pour lequel je n’ai absolument aucun document pour la période étudiée. Saint-Martin de Léré n’est pas bien documenté non plus et étant une succursale de Saint-Martin de Tours, les sources devraient se situer dans les fonds des archives de l’Indre-et-Loire ; cependant, l’inventaire sommaire de ce département ne permet de ressortir aucune source pour la période étudiée. De plus, pour Notre-Dame de Graçay, les archives, dont le cartulaire, ont été détruites dans l’incendie des archives départementales du Cher en 1859 ce qui ne permet pas de retrouver une quantité suffisante de sources pour procéder à son étude. Ainsi, les sources des chapitres restants ne permettent que d’entreprendre une étude partielle des institutions de leur fondation jusqu’en 1200.

En revenant à mes sources, parmi les 99 actes répertoriés, j’en ai étudié et analysé 64, le reste ne concernant principalement que des litiges ou chartes sur le temporel des chapitres. J’ai jugé que les actes étudiés avaient fourni assez de matière sur le fonctionnement de ces institutions et leur composition, pour ne pas approfondir ma recherche sur le temporel, en dehors des éléments donnés dans les chartes de fondation ou de confraternité dont l’enjeu est plus important qu’une liste de dons, qui ne sont pas à éluder pour autant.

Au vu des éléments sur le Berry du Moyen Âge, des questionnements majeurs émergent pour procéder à une étude des chapitres collégiaux dans le diocèse de Bourges : en premier lieu, quel était l’intérêt pour les fondateurs d’établir des chapitres collégiaux dans ces localités autour de l’an mil ? De plus, remarquant une situation politique relativement mouvante à cette époque, il est important de se demander dans quel but étaient fondés ces chapitres, qui, au premier abord, ne semblent avoir qu’un enjeu religieux. Et enfin, en considération des sources permettant mon

51 Eugène HUBERT, Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790 de l'Indre, archives ecclésiastiques, série G, clergé séculier, Châteauroux, L. Badel, 1903.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 21 Licence CC BY-NC-ND 3.0 étude, je compte comparer la structure interne de ces institutions (leurs effectifs, droits) et leur fonctionnement (coutumes) afin de comprendre les points communs et différences entre les chapitres de Bourges et ceux établis en dehors de la cité épiscopale. Ainsi, ces actes permettent de centrer la recherche, dans un premier temps sur les fondations des chapitres, ce qui est la base de ce travail, puis sur les coutumes des chapitres et leur composition, les relations diverses qu’ils entretenaient avec l’archevêque de Bourges, le chapitre cathédral, le pape ou encore des établissements religieux intra ou extra diocésains qu’ils soient réguliers ou séculiers. De plus, les chapitres séculiers étudiés sont par définition ouverts au monde laïque et ils entretenaient donc des liens avec les seigneurs du diocèse ou même le roi, ce qui incite d’autant plus à penser qu’il n’avait pas perdu pied en Berry. À partir de ces relations, nous pouvons aussi étudier les missions liturgiques des chapitres à travers les célébrations d’anniversaires des défunts et le temporel qu’ils ont pu amasser notamment par le biais de dons.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 22 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Partie I. La genèse des chapitres

Pour envisager une étude sur les fondations de chapitres collégiaux en Berry au Moyen Âge central, il convient de se demander pourquoi ces fondations ont eu lieu, à ce moment et par ces individus dans ces lieux. Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’étudier le contexte général du Berry avant l’an mil, afin de comprendre dans quel environnement ces fondations ont été organisées. Après avoir étudié ce contexte, je me concentrerai sur l’étude des fondations en elles-mêmes et l’état des chapitres à leurs débuts. L’enjeu final sera de détailler quels sont les fondateurs de ces institutions et d’observer si les chapitres sont différents ou similaires selon les types.

I.1. Un environnement général propice aux fondations de chapitres séculiers

I.1.1. Quelques éléments de contextualisation

Au IXe siècle et pendant la première moitié du Xe siècle, l’ancien territoire des Bituriges Cubi n’était pas fractionné comme il le fut pendant les siècles suivants. Bourges en était le centre politique incontesté et la région était rattachée à l’Aquitaine jusqu’au milieu du Xe siècle, date à laquelle le Haut-Berry fut rattaché à la Francia et le Bas-Berry à l’Aquitaine, sous la direction des comtes de Poitiers52. En règle générale, les vastes diocèses ont été divisés en pagi aux époques mérovingiennes et carolingiennes, mais le diocèse de Bourges, lui, n’est divisé qu’en deux circonscriptions avec chacune une ville à leur tête : Bourges pour le Haut-Berry et Argenton pour le Bas-Berry, les limites du pagus étant semblables à celles du diocèse53. Le pagus était divisé en vicariae54 (vicairies ou vigueries) et en centenae (centaines). Ces termes sont fréquents dans les textes diplomatiques du haut Moyen Âge, surtout pour préciser l’emplacement d’une terre ou d’une villa. Il n’est pas possible de dresser une liste précise de ces vicairies, et des auteurs s’y étant essayés arrivent à des résultats différents, Louis de Raynal énumérant vingt-quatre vigueries, H. Boyer vingt-deux et Paul Cravayat trente-quatre55. Parmi les vigueries citées par Guy Devailly et explicitées dans ce tableau

52 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe. Étude politique, religieuse, sociale et économique, Paris, La Haye, 1973, p. 69. 53 Ibid., p. 71. 54 Terme trouvé notamment dans le Cartulaire de pour des actes du Xe siècle : Guy DEVAILLY, Le cartulaire de Vierzon texte édité avec introduction, notes et index, Paris, Presses universitaires de France, 1963. 55 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 74.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 23 Licence CC BY-NC-ND 3.0 ci-après, Bourges, Vatan (Xe siècle) et Mehun-sur-Yèvre (XIe siècle)56 étaient également le lieu d’implantation de chapitres collégiaux relevant de mon étude. Les imprécisions concernant ces vigueries ne permettent pas d’avancer d’autres localités parmi les douze villes où ont été fondés des chapitres collégiaux que j’ai étudié cette année.

Tableau 3 : Vigueries situées dans le diocèse de Bourges57 Dates Vigueries mentionnées VIIIe siècle Chantelle IXe siècle Charenton Cluis Brives Nérondes Bourbon-l’Archambault Xe siècle Fabriacensis Onzay Viguerie de l’Indre Bouges Bubelle Venesme Precy Dunet Bourges Vatan Sancerre Le Blanc Vierzon Rians Huriel Saint-Michel de Volangis Chabris XIe siècle Levet Mehun-sur-Yèvre Murat

Le comté et le diocèse étaient trop vastes pour être administrés par une seule autorité ; ainsi, le diocèse semble avoir été divisé en plusieurs archidiaconés, puisque selon Guy Devailly,

56 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 75. 57 Ibid..

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 24 Licence CC BY-NC-ND 3.0 des archidiacres sont mentionnés sous Charlemagne et Louis le Pieux, relevant d’une pratique antérieure58. Cependant, selon Jacques Péricard, même s’il est difficile de bien connaître ces subdivisions diocésaines, leur apparition témoigne davantage de l’émergence des seigneuries que de chefs-lieux archidiaconaux anciens et stables59, expliquant ainsi l’instabilité de ces entités sur plusieurs siècles. Les 805 paroisses du diocèse de Bourges étaient également regroupées en archiprêtrés dont il est impossible de fixer le nombre ni le territoire avant le XIIe siècle60. Cependant, le diocèse était mieux organisé que le pagus, la preuve en est que sur les deux entités, il est le seul dont les limites ont subsisté jusqu’à la Révolution Française, même si son organisation interne a évolué. Les comtes de Bourges ont disparu vers le milieu du Xe siècle au profit du titre de vicomte, laissant leur territoire sous l’influence des comtes de Blois-Champagne, le Bas-Berry étant toujours tourné vers l’Aquitaine61. En comparaison avec d’autres régions, les invasions ont eu une faible importance en Berry62. Néanmoins, Léré constitue depuis 862 un point de repli en cas d’invasion pour les chanoines de Saint-Martin de Tours63 ; ce lieu leur est confirmé en 869 par un diplôme de Charles le Chauve64, mais les religieux y renoncent au profit de la villa de Chablis en Bourgogne acquise en 86765. Cela ne signifie pas pour autant que la communauté abandonne Léré, mais elle disparaît des sources jusqu’en 1170 où elle réapparaît comme une possession de Saint-Martin de Tours66. L’accession de Louis II le Bègue sur le trône en 877 entraîne la disparition du titre de roi d’Aquitaine et l’effondrement de l’Aquitaine elle-même67. La gouvernance d’une si grande région fait que le Berry échappe petit à petit à l’autorité royale. D’ailleurs, les rois de France du Xe siècle et les ducs d’Aquitaine ne résident jamais en Berry. À leur place, les premières

58 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 73. 59 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis. Le diocèse de Bourges des origines à la Réforme grégorienne, Clermont-Ferrand, LGDJ, 2006, p. 114-115. 60 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op.cit., p. 74 ; J’ai répertorié 9 archidiaconés au XIIe siècle, avec l’appui de Jacques de FONT-REAULX, Pouillés de la province de Bourges, Paris, Imprimerie Nationale, 1961-1962, vol. 1, p. XLII-XLIII, et 20 archiprêtrés au XIIIe siècle, selon Jacques de FONT-REAULX, op. cit., vol. 2, p. 141-152. 61 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 109. 62 Ibid.. 63 Arthur GIRY, Ferdinand , Maurice PROU, Georges TESSIER (dir.), Recueil des actes de Charles II, roi de France, Paris, Imprimerie Nationale, 1952, t. 2, n° 239, p. 32-41. 64 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 111. 65 Ibid, p. 112 ; Arthur GIRY, Ferdinand LOT, Maurice PROU, Georges TESSIER (dir.), Recueil des actes de Charles II, op. cit., t. 2, n° 319, p. 201-203. 66 Hélène NOIZET, « Les chanoines de Saint-Martin de Tours et les Vikings », Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Publications du CRAHM, , 2005, p. 53-66, p. 10. 67 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 115.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 25 Licence CC BY-NC-ND 3.0 dynasties seigneuriales locales apparaissent pendant la première moitié de ce siècle et dominent la région jusqu’au milieu du XIIIe siècle, parmi lesquelles on compte les seigneurs de Déols, dont Ebbes le Noble, fondateur de l’abbaye de Déols en 917, prendrait le nom de Déols vers 920-925 et serait mort en 935 ou 93768. La chronique universelle de Richard de le nomme même « Ebbes le Noble de Bourges »69, ce qui laisse penser que cette famille venait directement de la cité. Ebbes se serait installé sur ses terres à Déols lors du partage du Berry en 926 entre Guillaume le Jeune, duc d’Aquitaine, et Raoul, duc de Bourgogne, ce partage entraînant la disparition du titre de comte de Bourges au profit de celui de vicomte70. Fidèle de Guillaume le Pieux, Ebbes possédait de vastes domaines hérités de ses père et grand-père en Haut-Berry71. La tradition fait également de l’archevêque de Bourges Géronce (911-948) un de ses parents voire un de ses oncles. Laune, un des fils d’Ebbes, était archidiacre de Bourges et succéda à Géronce en 948, mais comme l’indique Guy Devailly, qui lui-même s’appuie sur l’Histoire du Berry de Gaspard Thaumas de la Thaumassière. Ce dernier se fonde sur des actes qui ont disparu après le XVIIe siècle pour confirmer les liens de filiation entre Laune et Géronce72. Cette parenté montre aussi la relation ténue qu’il y avait à cette époque entre le pouvoir laïque et le pouvoir ecclésiastique, ce qui a probablement joué un rôle dans la fondation de chapitres collégiaux dans le diocèse de Bourges au Moyen Âge central. Lors de son installation, Ebbes était déjà un véritable seigneur par les terres qu’il possédait : il fonde ainsi la principauté de Déols, cependant, malgré cette appellation, les seigneurs de Déols n’ont jamais été qualifiés de princes. Il est d’ailleurs le seul fondateur de principautés à venir en Berry et à ne posséder des terres que dans l’ancien pagus de Bourges, les maisons d’Anjou et de Blois, possédant les territoires voisins et étant également puissantes, sont issues de vicomtes installés par les Robertiens73. Foulques le Roux fut le premier comte d’Anjou et la collégiale de Graçay fut fondée en son nom en 1002, par Renaud, seigneur de Graçay, son vassal74. Dès les premiers âges de la féodalité, les seigneurs de Graçay étaient présents et en 1007 ils se qualifiaient de princes. Ils étaient primitivement sous la souveraineté des comtes d’Anjou et Buhot de Kersers émet l’hypothèse qu’ils descendent d’une branche de la famille de Sully75. Graçay était le siège

68 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 122-123. 69 Ibid., p. 114. 70 Ibid., p. 125. 71 Ibid., p. 123. 72 Ibid., p. 124. 73 Ibid., p. 125 et 127. 74 Ibid., p. 128. 75 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, Tardy-Pigelet, t. 4, 1889, p. 173.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 26 Licence CC BY-NC-ND 3.0 d’un archidiaconé76. Les comtes de Blois-, pour leur part, ont acquis dès le Xe siècle des positions importantes au nord-est du Berry et prennent la suite de Laune et Géronce sur le siège épiscopal77. Eudes Ier, fils de Thibaud le Tricheur (comte de Blois-Chartres), a probablement installé un membre de la maison de Sully (solidement implantée dans cette région au milieu du XIe siècle) dans une forteresse qu’il venait de construire aux Haies (Les Aix-d’Angillon)78. La position de cette maison avec l’appui des comtes de Blois-Chartres a pu agir sur la fondation et le développement d’un chapitre collégial dans la localité des Aix-d’Angillon au Moyen Âge central par la famille de Sully. La maison de Sully devait encore être importante aux XIIe et XIIIe siècles puisque se sont succédé entre 1183 et 1280 pas moins de quatre membres venant de ses rangs sur le siège épiscopal, sur les sept archevêques recensés pour cette période. Entre les terres de Blois-Chartres et les grandes principautés de Bourbon et de Déols, il existait plusieurs petites seigneuries dont il est difficile de savoir de qui elles relevaient. Parmi elles, Mehun-sur-Yèvre, Dun-le-Roi, Vatan et Bourges possédaient des chapitres collégiaux fondés au Moyen Âge central. À la tête de la vicomté de Bourges est mentionné au début et au milieu du Xe siècle un certain Geoffroy portant le titre de vicarius, mais qui n’intervenait pas dans la partie de l’ancien pagus relevant de l’Aquitaine. Il appose notamment son signum à la confirmation de fondation de l’abbaye de Déols, mais pas à la fondation elle-même. Il ne devait pas s’agir d’un véritable vicomte, mais d’un personnage moins important, probablement représentant du roi de France dans les régions du Berry qui échappaient à l’Aquitaine car au Xe siècle, le vicomte de Bourges relevait du roi et ses plus anciens vassaux étaient les seigneurs de Dun-sur-Auron79, Mehun-sur-Yèvre80, Les Aix-d’Angillon, La Chapelle, Menetou, Montfaucon, Château-Gordon (Sancerre ou Saint-Satur), , Argent et Aubigny 81. Comme il a été dit auparavant, la totalité de l’ancien pagus de Bourges reste soumise à la même autorité ecclésiastique, à savoir l’archevêque82. De 910 à 1030, le siège archiépiscopal est aux mains des familles détentrices des grandes seigneuries qui se sont partagées ce territoire.

76 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 175. 77 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 129. 78 Ibid., p. 133. 79 Au IXe siècle, Dun-le-Roi ne faisait pas partie de la vicairie de Bourges, mais de celle de Bourbon, Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, précédé d’une notice sur le canton, Saint-Amand, Em. Pivoteau, 1891, p. 90, les seigneurs de cette localité sont devenus des vassaux du vicomte de Bourges au siècle suivant, ibid, p. 96. 80 Buhot de Kersers ne nous donne pas de date pour cette dépendance, qui pouvait être établie dès la fondation de la seigneurie de Mehun, dans Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Tardy-Pigelet, t. 5, 1891, p. 287. 81 Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, op. cit., p. 94. 82 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 137.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 27 Licence CC BY-NC-ND 3.0 J’ai déjà cité les membres de la famille de Déols et ceux de la famille des comtes de Blois-Chartres83. Les origines de Dagbert (987-1013) sont peu connues, mais ses relations avec le roi Robert II le Pieux sont admises, ce qui lui conférait un soutien puissant lors d’entreprises importantes, notamment des fondations d’institutions religieuses. Ses successeurs sont Gauzlin, fils naturel d’Hugues Capet, et Aimon descendant de la puissante famille de Bourbon84 qui domine tout le sud-est du diocèse85. La proximité des archevêques avec les puissantes familles seigneuriales les a probablement poussés dans leurs grands projets de fondations, et lorsqu’en 1031 Aimon de Bourbon convoque deux conciles pour soumettre l’ensemble des diocésains à des obligations de paix et de défense, Eudes de Déols, le plus puissant seigneur berrichon refuse de s’y soumettre. De ce fait, l’archevêque attaque les seigneurs récalcitrants, et même si les récits divergent sur les causes réelles de l’attaque, la principale devait être de les forcer à adhérer au serment de paix. Ces mésententes entre seigneurs et archevêques se retrouvent également par le biais d’excommunications comme celle prononcée contre André de Chauvigny entre 1231 et 1235. La Chronique de Déols évoque un long conflit dû à l’édification de la forteresse de Châteauneuf-sur-Cher qui se situait à la limite de la vicomté de Bourges et de la seigneurie de Déols. De tout cela découlerait la mort en 1037 à Châteauneuf d’Ebbes, fils aîné d’Eudes l’Ancien de Déols à cause de Geoffroy, vicomte de Bourges, venu épauler l’archevêque. Le récit se termine par la victoire de Raoul, fils d’Eudes de Déols, qui s’empare de Châteauneuf qui resta ensuite en possession de sa famille. Néanmoins, les récits des Chroniques ou Annales de Déols peuvent être à prendre avec précaution puisque leur parti pris pour la puissante famille paraît évident86. Concernant le clergé paroissial de cette époque, les canons édictés lors des conciles de Bourges et de Limoges en 1031 donnent des indications sur l’état religieux du centre de la France au milieu du XIe siècle, en l'occurence, un clergé rural pas assez nombreux pour assurer le ministère de chaque paroisse du diocèse87. Ces conciles rappellent la loi du célibat ecclésiastique et la lutte contre le nicolaïsme88. À la mort d’Aimon de Bourbon en 1070, Richard II le remplace ; c’est un ancien chanoine, consacré à Sens par l’archevêque Richer, sans lien avec l’aristocratie locale. Son élection est possible grâce à l’importance prise dans le

83 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 138. 84 Voir Tome d’annexes, Annexe 18 : « Généalogie des seigneurs de Bourbon (Xe-XIe siècles) », p. 42. 85 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 139 et 142. 86 Ibid., p. 142 ; 146-147. 87 Ibid., p. 148. 88 Ibid., p. 150.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 28 Licence CC BY-NC-ND 3.0 diocèse de Bourges par les établissements monastiques au cours du XIe siècle, en particulier les abbayes établies sur le modèle clunisien89. Si le Berry avait des collégiales et des monastères vers 900, le développement du monachisme aux Xe et XIe siècles permet l’introduction dans toute la région de réformes plus ou moins directement inspirées du modèle clunisien. L’abbaye de Déols en est un exemple flagrant90. Selon Guy Devailly, les laïcs désirant fonder des abbayes reculaient devant les frais et fondaient des collégiales ou des communautés de chanoines séculiers dans leurs châteaux91. L'économie de moyens fut-elle vraiment la raison de la fondation de chapitres collégiaux ? Les connaissances de 1973 sur les chapitres collégiaux ne permettaient peut-être d’avancer que des causes financières ? Certaines de ces institutions étaient peu dotées et ne comportaient pas beaucoup de clercs92, ce qui ne leur permettait pas d’avoir un rayonnement important ; c’est probablement pour cette raison que la collégiale de Saint-Satur se régularise au XIIe siècle sous la règle de Saint-Augustin au moment du mouvement de la réforme grégorienne93.

Tout cela montre bien que depuis le milieu du IXe siècle jusqu’au XIe siècle, le Berry connaît une politique de restructuration et une réforme administrative permettant un meilleur contrôle du territoire à travers la division du comté de Bourges et la partition du Berry en seigneuries, laissant une seule entité valable tout au long du Moyen Âge : le diocèse de Bourges. Seulement, avant d’envisager l’étude de la fondation même des institutions canoniales séculières, il faut se pencher sur ce qui les a précédées.

I.1.2. Un environnement propice aux fondations de chapitres collégiaux

I.1.2.1. Éléments de contextualisation pour quelques seigneuries

En quelques siècles, Bourges a évolué au gré des puissances en place dans la région. Le comté, soumis à une domination royale forte est transformé en vicomté en 92694, à la suite d’un

89 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 153. 90 Ibid.. 91 Ibid., p. 159. 92 Effectif de neuf chanoines pour Saint-Ambroix de Bourges en 1128 ; Effectif de six chanoines jusqu’en 1196 aux Aix-d'Angillon, il est statué que le nombre de chanoines peut doubler en fonction des revenus de chaque prébende ; Effectif d’un chanoine à Mehun-sur-Yèvre en 1066. 93 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 160. 94 Ibid., p. 125.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 29 Licence CC BY-NC-ND 3.0 conflit entre le duc d’Aquitaine et le roi de France, ce qui n’est pas banal à une époque où les puissants seigneurs laïques cherchent à prendre de l’importance. Ainsi, le comte de Bourges ne devait pas avoir une influence assez forte pour sa fonction. Cependant, Bourges était une ville convoitée également au niveau religieux, puisqu’elle était le siège de l’archevêché. Quand la ville était sous l’autorité royale, notamment sous Charles-le-Chauve, le roi avait une place importante dans l’élection de l’archevêque de Bourges, permettant ainsi au roi d’avoir un appui puissant et favorable dans le diocèse de Bourges. Or, depuis le premier quart du Xe siècle, l’archevêque en place est issu de familles seigneuriales puissantes, tantôt de la famille de Déols, puis de celle de Blois, reflétant la concurrence entre les partisans de la mouvance Aquitaine et les proches du roi, permettant également à ces seigneurs d’avoir la main sur l’ensemble du diocèse par le biais de l’archevêque. À la fin du Xe siècle, l’archevêque en place est Dagbert, issu de la famille de Bourbon, il est également fidèle au roi Robert le Pieux, montrant ainsi un regain de puissance du roi dans Bourges. Cela ne signifie pas pour autant que ce dernier avait perdu pied en Berry, simplement, il devait avoir une politique de présence moins forte dans la région.

Mais mon objet d’étude ne se cantonne pas à la ville de Bourges et la majorité des chapitres étudiés se situent en dehors. Je ne me bornerai pas pour ces institutions à évoquer ce qui les a précédées, mais je ferai, quand cela me sera permis, un panorama global de la seigneurie en les présentant par archidiaconés95 en commençant par celui de Déols. Les seigneurs de Déols exercent leur domination sur le Bas-Berry et même en deçà avec Charenton, Orval, Bruère, , etc…96, La Thaumassière tente d’établir des généalogies de la famille de Déols et donne deux listes inconciliables. Tout d’abord, le cas de La Châtre : la ville, érigée au XIe siècle97 en seigneurie, est donnée en apanage à Ebbes, dernier fils de Raoul-le-Chauve, seigneur de Déols, ainsi extraite de la seigneurie de Déols-Châteauroux98. La Thaumassière donne cependant deux dates pour le rattachement de La Châtre à la principauté de Déols, mais

95 Voir Tome d’annexes, Annexe 11 : « Carte 10 : Archidiaconés de Bourges antérieurs au XIIe siècle », p. 35. 96 Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, op. cit., p. 94. 97 Françoise MICHAUD-FREJAVILLE, « Le Bas-Berry et le roi de France », Berry médiéval, à la découverte de l’Indre au Moyen Âge, Châteauroux, Service Éducatif et Action Culturelle des Archives départementales de l’Indre, 2009, p. 9-15, p. 11. 98 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, Bourges, Imprimerie et lithographie de P. A. Manceron, 1840, p. 11-12 ; Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », Mémoires de la société des antiquaires du Centre, t. XXIX, 1905, p. 41-68, p. 41, l’auteur s’appuie sur la chronique de Frère Jehan de LA GOUGUE, L’histoire des princes de Déols, Éd. Grillon des Chapelles, s.d., dans M. GRILLON DES CHAPELLES, Esquisses biographiques du département de l’Indre, Paris, Benjamin Duprat, t. 3, 1862, p. 265-383.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 30 Licence CC BY-NC-ND 3.0 écartées d’un siècle et demi99. Ebbes prit le nom de sa châtellenie. Il est ainsi présumé que les seigneurs de La Châtre descendirent cette branche cadette des seigneurs de Châteauroux100 ; ce qui rejoint l’affirmation d’Émile Chénon indiquant que Raoul le Vieil, seigneur de Déols, et Adalard Guillebaud, seigneur de Saint-Chartier, Châteaumeillant et Cluis-Dessous, ont doté le chapitre de La Châtre, sûrement en leur donnant leurs biens ou des droits sur leurs terres101, les princes de Déols ayant pris le soin de bâtir des forteresses à la périphérie de leur principauté (Boussac, La Châtre)102. Lors d’une transaction, Ebbes, fils du premier seigneur de La Châtre et de Charenton est mentionné en 1072. La situation de La Châtre était propice à l’établissement d’un donjon103. Le château primitif peut dater du Xe siècle, époque de la constitution de la principauté déoloise104. Donc la constitution de La Châtre peut relever d’une nécessité défensive de la part des seigneurs de Déols pour assurer ce côté de la frontière en y plaçant des membres de leur famille. Il peut également s’agir d’une nécessité militaire de donner en apanage cette ville à un membre de la famille de Déols105. En 1152, Ebbes II de Déols entre en guerre contre Louis VII, le roi brûle La Châtre, Châteaumeillant et Déols. La Châtre est déjà rattachée à la principauté de Déols à cette époque106. Les origines du chapitre de La Châtre semblent remonter à 990107, mais l’abbé Lamy ne donne jamais les sources sur lesquelles il s’appuie. Cependant, nous n’avons aucun acte prouvant la date de fondation du chapitre, qui était établi stratégiquement en limite des archidiaconés de Déols et de Narzene et sur les rives de l’Indre d’où il était facile de descendre de Déols. Neuvy-Saint-Sépulchre est divisée en deux parties : le « bourg » sur la rive gauche de la Bouzanne, certainement la partie la plus ancienne de la ville et le « château » sur la rive droite. L’église paroissiale est créée sous le vocable de saint Pierre. La ville s’est étendue vers l’ouest et une seconde église est bâtie sous le vocable de saint Étienne qui devient également paroissiale108. Il y a donc deux églises à Neuvy, une dédiée à Saint-Pierre et l’autre

99 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 63-64. Chénon est lucide sur les difficultés à établir une généalogie complète et remet en question la qualité des actes utilisés par La Thaumassière, selon Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 67-68. 100 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 12. 101 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », Bulletin de la société nationale des antiquaires de France, 1916, p. 214-229, p. 225-226. 102 Ibid., p. 227. 103 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 58. 104 Ibid., p. 59. 105 Ibid., p. 60. 106 Ibid., p. 64. 107 Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », BSAC, t. V, 1899-02, p. 99-104, p. 99. 108 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 216.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 31 Licence CC BY-NC-ND 3.0 à Saint-Etienne dont les origines remonteraient aux VIe ou VIIe siècles, ce qui est conforté par la découverte de sarcophages au XIXe siècle109. L’église collégiale, probablement une troisième, est citée dans la lettre, datée de 1079, de Grégoire VII à Boson, seigneur de Cluis. Cette église dépendait de la ville de Jérusalem à laquelle elle payait un cens. Elle est appelée le « Saint-Sépulcre de Neuvy »110. Au moment du partage de Cluis (entre Cluis-Dessus et Cluis-Dessous), vers 1090, Neuvy a été rattachée à la châtellenie de Cluis-Dessous, auparavant les seigneurs du lieu devait être vassaux des seigneurs de Déols, la seigneurie est désormais aux mains des seigneurs de Gargilesse. En 1117, à la mort d’Adalard Guillebaud, seigneur détenant Saint-Chartier, Châteaumeillant et Cluis-Dessous, Neuvy passe probablement aux mains de Raoul le Vieil, seigneur de Déols, marié à la fille d’Adalard ; Raoul et Adalard ont peut-être fait édifier la rotonde de Neuvy. Raoul de Déols meurt en 1141 transmettant Neuvy à son fils Ebbe II, mort en 1160111. C’est également à cette époque que le « château » de Neuvy a été construit ; il entourait l’église du Saint-Sépulcre servant ainsi de protection contre les éventuelles attaques du seigneur de Cluis-Dessus. En 1160, à la mort d’Ebbe II de Déols, Neuvy avait atteint sa forme définitive (château et église). L’importance des princes de Déols a fait penser qu’ils avaient fondé le chapitre Saint-Jacques112. À la fin du XIIe siècle, Cluis-Dessous et Neuvy sont tenus par le seigneur de Châteauroux en fief de l’abbaye Saint-Sulpice de la Nef à Bourges113. La cession de Neuvy peut dater du démembrement de la principauté déoloise par Philippe Auguste lors de sa guerre avec Henri II Plantagenêt114. Cependant, le seigneur de Châteauroux conservait parmi ses droits sur Neuvy, le droit de « fondation » de l’église collégiale de Saint-Jacques, avec le droit de nomination du prieur qui lui venait par hérédité de Boson de Cluis115 ; ainsi la fondation de Neuvy-Saint-Sépulchre semble être une entreprise mutuelle menée à la fois par le seigneur de Déols et son vassal, le seigneur de Cluis. Ces jalons dépassent l’époque de la fondation du

109 Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Etienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », RACF [En ligne], t. 43, 2004, p. 171-207, mis en ligne le 1er mai 2006, consulté le 28 2018. URL : http://journals.openedition.org/racf/186, p. 174. 110 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 216 ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », RAHSB, 1899, p. 81-272, p. 203-204, n° 43 (28 juin 1079). 111 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 225-226. 112 Ibid., p. 227. 113 Ibid., p. 228, l’auteur cite Louis BUHOT de KERSERS, « Essai de reconstitution du cartulaire A de Saint-Sulpice de Bourges », Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, t. 35, 1912, p. 1-350, n° 71 (ca. 1190), p. 148. 114 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 228. 115 Ibid., p. 229, l’auteur fait référence à un acte coté aux AD Indre, A, inv. p. 224, aveu du 12 mai 1588.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 32 Licence CC BY-NC-ND 3.0 chapitre de Neuvy-Saint-Sépulchre, mais cela montre la proximité des vassaux des Déols avec leur seigneur.

Quant à l’archidiaconé de Graçay, deux églises collégiales existaient près du chef-lieu : l'une à Graçay, dans les enceintes de la ville, dédiée à Notre-Dame et à Sainte-Croix et une autre au Nundray, dédiée à Saint-Outrille116. Les seigneurs de Graçay ont fondé les collégiales de Notre-Dame, vers 1002, Saint-Outrille117, et au XIIe siècle l’abbaye d’Olivet, le prieuré de Notre-Dame de la Fonte-Blanche et sont les bienfaiteurs des abbayes de La Vernusse, de Macé, de Barzelle et de plusieurs autres églises. Cependant, ces fondations ont probablement eu lieu avec la forte influence des comtes de Blois comme pour Vatan. Cependant, il faut quand même se demander si l’église de Saint-Outrille-lès-Graçay est une fondation ecclésiastique, par l’archevêque, ou le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, ou si c’est une fondation laïque, comme le laisse entendre Gaspard Thaumas de La Thaumassière118. Les seigneurs de Graçay ont leur sépulture dans l’église Notre-Dame de Graçay et l’abbaye d’Olivet119. Notre-Dame de Graçay est établie plus à l’ouest, au sommet du coteau qui domine les prairies du Pot. La ville primitive était constituée de l’église Saint-Martin, du château et de Notre-Dame, ville haute120 qui dut être fortifiée vers le milieu du XIIIe siècle121. Le Fourzon et le Pô se rejoignent à la limite de Saint-Outrille-lès-Graçay et enserrent cette partie de la ville aux trois quarts formant une première défense naturelle122. La ville a gardé certains aspects de sa physionomie médiévale, malgré la perte de nombreux monuments123. Le château et les églises vont devenir les noyaux et pôles autour desquels les hommes se groupent et à partir desquels la ville se développe124.

116 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, Bourges, François Toubeau, 1689, p. 639 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 173. Il leur donne la qualité d’église paroissiales et donc il y a deux paroisses à Graçay. 117 Nous n’avons pas de trace de la première fondation, mais elle est tout de même attribuée aux seigneurs de Graçay par Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 640. Elle a dû être fondée dans le même temps que Notre-Dame de Graçay. 118 Ibid.. 119 Ibid., p. 641. 120 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 175 ; en 1014, Raimbaud, seigneur du Nundray, fit don de terres et de biens qu’il possédait au Nundray. Ses successeurs l’imitèrent aux XIIe et XIIIe siècles. Benoît TAHON, « L’église Saint-Martin de Graçay (fin XIe-XIIe siècles) », Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, n° 98, 1989, p. 45-54, p. 46. 121 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 175. 122 Benoît TAHON, « L’église Saint-Martin de Graçay (fin XIe-XIIe siècles) », art. cit., p. 45. 123 Ibid., p. 46. 124 Ibid..

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 33 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Vatan est une terre qui appartenait autrefois aux seigneurs d’Issoudun. Une ancienne charte, pour laquelle nous n’avons aucune référence, mais citée par La Thaumassière, indique qu’en 1002, Evrard du Four, seigneur d’Issoudun, de Vatan, Romorantin et autres lieux, « quitte le monde pour embrasser la vie religieuse » : il se fait moine de l’abbaye de La Vernusse et partage ses biens entre ses enfants, Eudes et Foulques. Il donne Issoudun à son aîné et Vatan à Foulques ainsi qu'une métairie sur la terre de Vatan à l’abbaye de La Vernusse125, sûrement pour « payer » son entrée dans la vie religieuse. Les comtes de Blois semblent avoir toujours eu le titre de fondateurs de la collégiale Saint-Laurian à l’exclusion des seigneurs du fief, ainsi le seigneur d’Issoudun, qui tenait Vatan des comtes de Blois126 devait donc être son vassal et par conséquent n’est pas le fondateur du chapitre de Vatan. L’apparition des comtes de Blois dans les sources remonte au IXe siècle et les premières mentions du chapitre dans les actes remontent au Xe siècle. Donc la fondation du chapitre a dû avoir lieu entre le IXe et le Xe siècle, les comtes de Blois s’appuyant sur la puissance de seigneurs locaux pour s’immiscer dans le diocèse de Bourges. Lors de la réunion du comté à la couronne en 1305, les rois sont considérés comme patrons et protecteurs du chapitre127, laissant donc penser que les rois de France sont les descendants du fondateur du chapitre de Vatan et donc des comtes de Blois.

Concernant les seigneuries appartenant à l’archidiaconé de Bourges : la partie occidentale de la commune de Mehun-sur-Yèvre est traversée par la voie romaine de Bourges-Tours. La ville a été le siège d’une septaine qui s’étend sur les paroisses d’alentour, il y a peut-être la trace d’une centena128, terme représentant jusqu’au VIIe siècle le nombre d’individus qui la composaient (Paul Moreau s’appuie sur Louis de Raynal pour cette définition)129. Le terme signifiait ensuite une subdivision de la vicairie en canton. La ville a eu ses seigneurs propres dès le XIe siècle ; Tédon, mentionné en 1012, Étienne en 1025, puis la famille seigneuriale de Vierzon. Dans l’archidiaconé de Bruère, Dun-le-Roi aussi était une centaine au IXe siècle. Les cartulaires nous donnent les noms des seigneurs particuliers de Dun depuis environ l’an 1000 jusqu’en 1100, date à laquelle la ville entre dans le domaine royal. Il ne faut pas confondre avec Dun-le-Poilier, relevant de Déols et mentionné dans la fondation de Levroux et

125 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 683. 126 Nicolas BRUSSEL, NEUFF, Paris, Jean de Nully, t. 1, p. 401. 127 Abbé DAMOURETTE, « Excursions de saint Martin, évêque de Tours en Berry », dans Congrès archéologique de France, Bas-Berry, 1873, Paris, Société Française d’Archéologie, 1974, p. 407-485, p. 462. 128 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 5, 1891, p. 286. 129 Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, op. cit., 1891, p. 96.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 34 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Dun-le-Palleteau qui se trouve également mentionné dans les titres de l’abbaye de Bénévent. Vers 1001, le seigneur était Arnoul ou Arnulphe de Dun130. La collégiale Saint-Étienne a dû être construite dans les premières années du XIe siècle, Arnulfe est mentionné en 1012 dans l’acte de restauration de Saint-Ambroix de Bourges131. Eudes ou Odon de Dun est mentionné en 1032132, il confirmerait vers 1102 la charte de 1012 à laquelle son père a souscrit133, ce qui semble improbable vu l’écart de soixante-dix ans entre les deux dates. Pour les seigneurs suivants, la chronologie est plus floue : Arnoul ou Arnulphe le Tort de Dun est mentionné en 1062, Thomas de Dun en 1097, Guillefroid ou Guitfred en 1096, puis Humbaud ou Hymbaud et enfin Eudes Arpin, descendant des seigneurs de Dun-le-Roi et dernier vicomte de Bourges134. Buhot de Kersers ne rejoint pas Paul Moreau en indiquant que Dun avait ses seigneurs propres. Il cite ainsi, avant 962, Thibaud, comte de Sancerre, qui donne une châsse à l’église Saint-Vincent, puis Béraud de Dun qui vivait en 1012, Arnoul en 1012 et 1064, Eudes de Dun sous Henri Ier, Arnoul le Tortu qui a pour femme Calveronne et pour frère Thomas, pour fils Humbaud, que l’on suppose père d’Eudes Arpin. Ils ne sont pas réellement qualifiés de seigneurs, cependant, les relations qu’ils entretenaient semblent montrer leur puissance, puisqu’ils étaient proches du comte de Sancerre et de Blois à la fin du Xe siècle, dont la qualité de seigneur de Dun-le-Roi reste encore à vérifier, puisqu’il ne semble pas avoir de liens de parentés avec les individus suivants, puis un siècle plus tard le seigneur de Dun devient vicomte de Bourges. À la fin du XIe siècle, Eudes Arpin a vendu Dun à Philippe Ier, en même temps que la vicomté de Bourges. Ils furent ensuite sous la possession directe de la couronne135. Les Aix-d’Angillon est une localité située dans le Haut-Berry et résultant de l’agglomération de quelques villages nouveaux établis autour du château136. À la fin du Xe siècle ou au début du XIe siècle, une forteresse nouvelle est construite. Humbaud de Sully est le premier seigneur connu, en 1012, par la charte du vicomte Geoffroy en faveur de Saint-Ambroix de Bourges. Le second seigneur connu est Gilon de Sully qui donne son nom au lieu, puisque « les Aix-d’Angillon » serait une contraction « des Haies », premier nom de la seigneurie, et de

130 Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, op. cit., p. 96. 131 Ibid., p. 97 ; Philippe LABBE, Histoire du Berry abbrégée dans l’éloge panégyrique de la ville de Bourges capitale dudit pais, présenté à Monseigneur Le Prince, Paris, Chez Gaspard Meturas, 1647, p. 187-192. 132 Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, op. cit., p. 97-98. 133 Ibid., p. 99 ; Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 134 Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, op. cit., p. 99. 135 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 82. 136 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 308 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, « Observations présentées par M. de Kersers sur l’église collégiale des Aix », dans Congrès archéologique de France, Paris, Derache, t. XXXV, 1869, p. 35-41, p. 35, pour l’ancienneté du château par rapport à la collégiale.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 35 Licence CC BY-NC-ND 3.0 « Dom Gilon », le seigneur137 Gilon138. Gilon a établi à la fin du XIe siècle ou au début du XIIe siècle la collégiale Saint-Ythier à côté du château139. Une nouvelle agglomération se forma autour d’elle, mais la collégiale ne devient pas paroissiale avant 1678140. Gilon de Sully a également dû fonder l’église de La Charité-sur-Loire, terminée en 1106, car une influence bourguignonne se fait sentir aux Aix141, cela montre l’étendue du pouvoir de ces seigneurs qui semblent apparaître tardivement dans le diocèse.

I.1.2.2. Les établissements primitifs

Les éléments bibliographiques faisant état de ce qui a précédé les institutions canoniales mentionnent souvent l’existence d’établissements monastiques, encore en activité ou non à l’époque de la fondation, avec une église à l’endroit même où seraient érigées actuellement les collégiales. Cependant, il n’est pas évident de trouver des informations sur ce qui a précédé tous les chapitres et cela laisse penser qu’une partie d'entre elles a pu être fondée ex nihilo.

Les institutions canoniales de la ville de Bourges sont relativement anciennes : Saint-Ursin de Bourges vient d’une communauté monastique de l’époque mérovingienne qui a disparu entre le VIIIe et le Xe siècle pour réapparaître au moment de la restauration des chapitres142. L'église a été bâtie par Désiré, archevêque de Bourges au milieu du VIe siècle143, hors de l’enceinte de l’ancienne ville144, délimitée par Françoise Prévôt et Xavier Barral i Altet145. Elle fut d’abord dédiée à Saint-Symphorien, puis à Ursin quand son corps y fut transporté vers 558. Elle est ensuite enfermée dans l’enceinte de la ville et contient les reliques

137 Dom étant l’abréviation de dominus, seigneur en . 138 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 308 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, « Observations présentées par M. de Kersers sur l’église collégiale des Aix », art. cit., p. 37. 139 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 308 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, E. Pigelet, t. 1, 1875-1877, p. 2. 140 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 308. 141 Alphonse BUHOT de KERSERS, « Observations présentées par M. de Kersers sur l’église collégiale des Aix », art. cit., p. 37 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 7. 142 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », dans Anne MASSONI (dir.), Collégiales et chanoines dans le centre de la France du Moyen Âge à la Révolution, Limoges, PULIM, 2010, p. 57-80, p. 59. 143 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232. Dans Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, Tripault, t. 2, 1879-1883, p. 223, l’auteur avance la fondation d’un siècle, ce qui est erroné par le fait que Désiré était archevêque entre 538 et 552. 144 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 223. 145 Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule des origines au milieu du VIIIe siècle, Nancy GAUTHIER et Jean-Charles PICARD (dir.), Paris, de Boccard, 1989, t. 6, p. 16.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 36 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de certains archevêques de Bourges146, La Thaumassière ne précisant pas lesquelles. Elle fut ensuite ruinée, désertée et aurait été rétablie en 1000 par les soins du prieur Gédéon, personnage inconnu147, peut-être membre du chapitre cathédral. Saint-Outrille-du-Château de Bourges connaît une histoire similaire. L’église est fondée en 474, l’espace, destiné à devenir le château, est alors occupé par une population importante. Elle reçut la sépulture de saint Félix (574), saint Apollinaire (616) et saint Austrégésile (624) qui y avait fondé un monastère148, situé au sud-est de la ville antique, sur la route d’Autun149. La communauté monastique de l’époque mérovingienne a disparu entre le VIIIe et le Xe siècle pour réapparaître au moment de la restauration du chapitre collégial, tout comme Saint-Ursin150, comme annexe de la cathédrale et de son chapitre151. Cela est remis en cause par Hélène Noizet qui a traité la question des basiliques martyriales, Saint-Outrille-du-Château de Bourges est un cas difficile à traiter selon elle : saint Outrille est un évêque mort entre 618 et 627 et avec la Vita S. Austregisili comme source, elle indique que le terme monasterium n’est jamais employé. Il n’y a pas de mention de la présence de moines, ni de l’activité de saint Outrille de Bourges. Ainsi il ne devait pas y avoir de monastère dès l’origine à Saint-Outrille, d’où le silence des sources, même si le chanoine de Laugardière désire faire remonter les origines le plus loin possible pour lui donner du prestige152. Cependant, le silence des sources ne signifie pas non-existence, mais peut-être existait-il une autre dénomination ? Sinon il n’y avait pas de communauté monastique dans ces basiliques153. Ainsi, il est probable qu’une communauté monastique ait été établie à la suite des restaurations de Austrégésile, sa transformation en chapitre séculier par l’archevêque de Bourges Dagbert faisant plus nettement état de la dépendance de l’institution à la cathédrale154. La titulature de l’église vient également des miracles qui ont eu lieu sur la tombe de saint Austrégésile. Après lui, les archevêques Étienne (837) et Dagbert (1013) y furent aussi enterrés. Selon Buhot de Kersers, l’église fut le siège d’un chapitre dès le XIIe siècle, en relations avec

146 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232. 147 Ibid. ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 223. 148 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 206. 149 John OTTAWAY, « Bourges », dans Xavier BARRAL i ALTET (dir.), Le paysage monumental autour de l’an mil, Paris, Picard, 1987, p. 262-264, p. 263. 150 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 59. 151 Ibid., p. 64. 152 Maurice de LAUGARDIERE, L’église de Bourges avant Charlemagne, Bourges-Paris, Tardy, 1951. 153 Hélène NOIZET, « Les basiliques martyriales au VIe siècle et au début du VIIe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 87, 2001, p. 329-355, p. 353-354. 154 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 121-122.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 37 Licence CC BY-NC-ND 3.0 celui de Saint-Outrille-lès-Graçay155, mais il est évident que ce fut le cas déjà environ un siècle auparavant lors de sa fondation. À la fin du XIe siècle, l’église Saint-Outrillet est fondée par Robert, prévôt de Bourges à l’intérieur des murs de la ville de Bourges, sous le patronage du chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et placée sous le même vocable. Il fut peut-être construit par le chapitre du Château pour avoir un abri à l’intérieur des murs156. Saint-Ursin de Bourges et Saint-Outrille-du-Château de Bourges passent pour être les églises collégiales les plus anciennes de la ville, cependant, ce qui paraît peu probable, l’église Notre-Dame-de-Sales aurait été bâtie par saint Ursin (251-280), premier archevêque de Bourges en un lieu appelé Sales157 et dédié à la Vierge158. Il en aurait fait son oratoire, y disait ses prières ordinaires et prédications au peuple. Il y avait des reliques dont les courroies dont Jésus-Christ fut attaché à la colonne quand il fut flagellé. Les moines auraient également été établis par Ursin pour y célébrer le service divin et y auraient demeuré jusqu’à ce qu’ils soient chassés par des gens de guerre au IXe siècle, qui les obligèrent à se réfugier dans la ville avec leurs ornements et reliques159. Probablement à cette époque, ils reconstruisent une église en partie sur les murs et tours de la ville, appelée Notre-Dame-de-Sales. Cet établissement est confirmé par Gontran, roi de Bourgogne mérovingien, qui lui fait des dons considérables pour la guérison de son fils160. Cependant, l’acte étant un faux, cela remet considérablement en cause la véracité de ce propos. Quelque temps après, Bertoare, dame noble et future abbesse de Notre-Dame-de-Sales, y fit construire un monastère161 avant 640162 où elle établit des religieuses selon la règle de saint

155 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 206. 156 Ibid., p. 208. 157 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 234-235 ; Jacques TROADEC, « Notre-Dame de Sales », dans Xavier BARRAL i ALTET (dir.), Le paysage monumental autour de l’an mil, Paris, Picard, 1987, p. 264-266, p. 264. 158 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 234-235 ; Denis de SAINTE-MARTHE, GC, Paris, Ex Typographia Regia, 1720, t. 2, col. 122. 159 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 234-235 ; Jacques TROADEC, « Notre-Dame de Sales », art. cit., p. 264. 160 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 234-235 ; Jacques SOYER, « Études sur trois documents apocryphes des Archives départementales du Cher attribués à la période franque », Mémoires de la société historique, littéraire, artistique et scientifique du département du Cher, t. XV, 1900, série 4, p. 217-250, p. 221-225 : analyse et édition de l’acte présenté comme un faux. Selon l’auteur, La Thaumassière l’indique comme authentique alors que Raynal l’établit comme un « prétendu diplôme », Louis de RAYNAL, Histoire du Berry depuis les temps les plus anciens jusqu’en 1789, Bourges, Au grand Bourdaloue, vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 184, et que Buhot de Kersers l’indique également comme douteux. Cette charte a pu être le point de départ de la tradition faisant passer Gontran pour le fondateur de l’église de Notre-Dame-de-Sales. 161 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 234-235. 162 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., col. 122.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 38 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Colomban163. Du temps de Gontran et d'Austrégésile, Guibaud, un « gentilhomme de la province » selon La Thaumassière, fit don de ses possessions164. L’acte faux pourrait donc avoir été établi afin de faire valoir les possessions de Notre-Dame-de-Sales en en justifiant l’ancienneté. Le monastère primitif, éloigné de la ville primatiale de huit lieues, est détruit au IXe siècle et les membres de la communauté se sont repliés à Notre-Dame-de-Sales de Bourges en assemblée peu nombreuse, jusqu’à la désertion et la destruction du bâtiment165 avant 1012, date de la restauration du chapitre. L’église est réparée par Geoffroy, vicomte de Bourges en 1012 qui y a réuni des chanoines séculiers166, à savoir Renaud, prieur, Bernard de Castelliolo, Giraud de Monasterio, Giraud de Sales, Théodoric et Étienne Petit167. Du temps de Dagobert, roi de France (623-639) et de Sulpice, archevêque de Bourges (624-644), Eustadiole fonda l’église Notre-Dame de Montermoyen et un autre monastère de filles dans lequel elle se retira avec des religieuses168. Cela est confirmé par l’auteur de la vie de Saint-Sulpice169. Elle légua au monastère tout ce qu’elle avait dans le même lieu, dans un testament fait en présence de saint Sulpice, soit une église consacrée à la Vierge, aux Apôtres et à sainte Licinie, bâtie sur le fleuve de Théol. Elle est également fondatrice de la basilique de Saint-Paul-lès-Bourges. Elle mourut vers 640 avant le 8 juin. Des chanoines réguliers auraient succédé aux religieuses et les séculiers aux réguliers170. Buhot de Kersers atteste en 1025 un chapitre de chanoines réguliers qui possèdent la Vita de sainte Eustadiole171. Ces deux affirmations sont totalement fausses, puisque les chanoines réguliers n’apparaissent que plus tard vers 1060 lors du mouvement de la Réforme Grégorienne. La fondation de Saint-Pierre-le-Puellier est sujette à controverse : l’église dépendait autrefois d’un monastère

163 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 234-235 ; Jacques TROADEC, « Notre-Dame de Sales », art. cit., p. 264 ; Philippe LABBE, Novae Bibliothecae manuscriptorum librorum, tomus secundus rerum Aquitanicarum praesertim bituricensium uberrima collectio, Paris, S. et G. Cramoisy, 1657, t. 2, p. 86, l’auteur précise l’observance régulière de l’institution, mais sans préciser quelle règle les religieuses suivaient. 164 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 234-235 ; Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 21-22. L’auteur l’établit comme un faux daté du XIIe siècle. 165 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., col. 122. 166 Ibid. ; Philippe LABBE, Novae Bibliothecae, op. cit., p. 86 ; Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 21-22. 167 Philippe LABBE, Novae Bibliothecae, op. cit., p. 86 ; Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 21-22. 168 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 236 ; Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 22 ; Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., col. 121. 169 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 236. 170 Ibid., p. 237. 171 Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 22.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 39 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de filles comme en témoigne le nom172, mais on n'en connaît pas la date de fondation. Une conjecture l’attribue à Bertoare (fondatrice de Notre-Dame-de-Sales) ou à sainte Eustadiole (fondatrice de Notre-Dame de Montermoyen)173. Le monastère, ruiné en 950 par les guerres174, remplaça une construction antique ou serait construit avec les pierres d’anciens édifices175. Les religieuses auraient été installées par l’évêque176, mais elles avaient abandonné le monastère et leurs biens quand les vicomtes de Bourges s’en emparèrent et leurs descendants les gardèrent jusqu’en 1012177. Relativement à Saint-Ambroix de Bourges, nous avons peu d’informations. Son premier fondateur est inconnu, mais l’église, antérieure à 760, était autrefois bâtie en dehors des murs de la ville, au bourg de Taillegrain et Brisiac et dédiée à saint Pierre. Puis ruinée par les gens de guerre, peut-être les invasions hongroises du Xe siècle, les seigneurs s’en emparent car elle est abandonnée par les religieux178. Les auteurs qui se sont penchés sur les origines des institutions berruyères les font toutes remonter le plus loin possible, même si les origines de Notre-Dame-de-Sales semblent relativement précoces : elle pourrait être l’ancêtre de Saint-Ursin de Bourges puisqu’elle est établie par Ursin, cependant, il est étonnant que cette église n’ait pas le prestige qu’elle devrait avoir pour une institution fondée par le premier évêque de Bourges. Cependant, la nature fausse de l’acte de donation mettant en doute la véracité des propos annoncés par les historiens du XVIIe siècle, cela permet d’affirmer que même ancienne, l’église de Notre-Dame-de-Sales n’a pas forcément eu l’honneur d’être fondée par saint Ursin.

172 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 237 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 221. 173 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237, l’auteur donne une histoire de cette église similaire à celle de Notre-Dame-de-Sales. 174 Ibid. ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 221. 175 Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 22. 176 Ibid., p. 22. 177 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237. 178 Ibid., p. 242.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 40 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Hors de la cité épiscopale, la fondation de l’abbaye Saint-Vincent de La Châtre daterait de 640179, mais passe pour une légende180. Elle serait détruite en 743 puis rétablie en 868181 et pillée par les Vandales et incendiée par les Normands182 vers 874183. Nous n’avons pas d’autres informations sur cet établissement qui ne semble pas avoir de lien avec la collégiale. À Vatan, selon La Thaumassière, saint Laurian, « fuyant la persécution des Arriens d’Espagne et du roi Totila, se retira en Berry au territoire de Vastan » 184, dans un lieu solitaire. La Thaumassière ajoute plus de foi à son propos que le cardinal Baronjus, qu’il cite, et qui dit Laurian assassiné à sans aucun fondement. Il s’appuie sur le martyrologe romain du bréviaire de Bourges qui, étant une source hagiographique très récente185, est à examiner avec le plus de recul possible. Des miracles se sont produits après la mort du saint et un temple, plus probablement une église, est construite en son honneur. Une relique du chef se trouve dans un « lieu honorable » dont nous ne connaissons pas la localisation. Le corps est inhumé dans une grotte proche du lieu de son martyre en 554. Un « saint évêque », qui n’est pas nommé, transporta son corps dans une église bâtie à une lieue de Vatan, dédiée à saint Laurian et appelée « Chapelle Saint-Laurian » en 689186. Quelque temps après, aucune date ne nous est donnée par La Thaumassière, une autre église est bâtie à sa mémoire à Vatan, devenue l’église collégiale Saint-Laurian lors de la fondation du chapitre, détruite quelque temps après, là encore aucune date n’est donnée, par les guerres est rétablie « plus belle qu’auparavant », en l’état de 1005, sous le règne du roi Robert, à l’époque où plusieurs églises sont nouvellement bâties, « ou rebâtis avec plus déclat (sic) et de splendeur, selon le témoignage d’un célèbre historien » que

179 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 8 ; Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 99. 180 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 48. Il indique que Claude Charles Duguet remettait en cause les contes sur les origines de la ville, tout en admettant l’existence de l’abbaye. M. Navarre indique qu’il n’y a pas de traces sérieuses de la fondation de l’abbaye qui précéda l’église. Émile Chénon reprend les faits affirmés. 181 Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 99. 182 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 8. 183 Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 99, l’auteur ne cite pas ses sources sauf un écrit de Jean Mauduit de 1610. 184 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 684. 185 Pierre-François RICHAUDEAU, Observations critiques sur le bréviaire de Bourges imprimé en 1734, Paris, Perisse Frères, 1849, l’auteur s’appuie sur trois versions différentes 1510, 1525 et 1676 ainsi que deux missels, un de 1500 et un autre de 1651 qu’il compare à l’édition de 1734, cette dernière étant une substitution de la liturgie des anciennes éditions, afin d’imposer celle en usage au XVIIIe siècle. Cela justifie d’autant plus de prendre garde quant à l’utilisation de ces informations. 186 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 684.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 41 Licence CC BY-NC-ND 3.0 l’auteur ne cite pas187. L’histoire de saint Laurian paraît plausible, il s’agit d’un saint local et il est dommage que La Thaumassière ne cite jamais ses sources car cela décrédibilise son propos. Enfin, à Levroux une nouvelle église aurait été construite188 à la fin du Xe siècle, quelques décennies avant la fondation du chapitre189, sûrement par dame Ildesende190, peut-être de la famille de Déols, mentionnée dans l’obituaire du cartulaire de Levroux comme ayant fondé et édifié cette église sur sa propriété : « V id. Decembris. Obiit domina Ildesendis quae hanc elemosinam in honorem beati Silvanis atque Silvestris, necnon et sancte Rodene in suo proprio fundo edificavit »191. Nous n’avons aucune autre information sur cette dame, ni sur les propriétés qu’elle a pu détenir. Cette église serait donc à peu près contemporaine de la fondation du chapitre et devait possiblement l’abriter au début du XIe siècle. Elle aurait donc précédé la construction de l'actuelle collégiale de Levroux datant du début du XIIe siècle.

Concernant Saint-Pierre de Saint-Satur, nous avons très peu d’informations, si ce n’est que l’ancienne abbaye fut fondée par saint Romble et dédiée à saint Pierre vers 463. Elle changea de nom après que le corps de saint Satur ait été transféré dans l’église à une date inconnue192. Cela indique qu’un établissement existait avant la fondation du chapitre, mais le contexte dans lequel il évoluait nous est inconnu. Léré est dédié à saint Martin dès le VIe siècle (domus sancti Martini)193, mais sous le vocable de Notre-Dame à une haute époque. L’église dédiée au culte de saint Martin est à quelques centaines de mètres au nord de l’église paroissiale, indiquée par la crypte et la collégiale Saint-Martin. Sa date de fondation est inconnue mais elle est certainement fort ancienne car dès 585 ce sanctuaire était le centre d’une localité importante194.

187 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 684. 188 Abbé P. S. MOREAU, « Chapitre de Saint-Silvain de Levroux », BSAC, t. II, 1896-04, p. 279-291, p. 280. 189 Jacques GRESLIER, Le cartulaire de Levroux, thèse de doctorat de troisième cycle, sous la direction de M. PERROY puis de M. FOSSIER, Université de Paris I, 1975, vol. 2, p. 26. 190 Abbé P. S. MOREAU, « Chapitre de Saint-Silvain de Levroux », art. cit., p. 280. 191 AD Indre, G 110, fol. 35r §4 : sur la copie du cartulaire, au-dessus du mot elemosinam est inscrit ecclesiam, mais d’une écriture certainement plus tardive. À la fin du passage, il est précisé « 9 décembre » de la même main tardive. Cette femme est également mentionnée dans les archives du château de Bonneval : archives du château de Bonneval, carton 136, fol. 142. 192 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 786 ; Ferdinand GEMÄHLING, Monographie de l’abbaye de Saint-Satur, près de Sancerre (Cher), Paris, A. Chaix et Cie, 1867, p. 9. 193 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 181. L’auteur cite lui-même Grégoire de Tours. 194 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 5, 1891, p. 17.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 42 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Pour les chapitres de Neuvy-Saint-Sépulchre et des Aix-d'Angillon, je n’ai pas d’information précise sur leur fondation, ni sur les institutions qui auraient pu précéder la fondation des chapitres, néanmoins je pense qu’elles peuvent s’inscrire parmi les collégiales fondées ex nihilo, puisque rien ne semble y avoir été établi précédemment et que cela correspond à une volonté des fondateurs de créer un chapitre pour imposer leur autorité en ce lieu.

Tableau 4 : Institutions précédant les chapitres195 Chapitres Institutions en Institutions Pas d’information fondés ex nihilo activité lors de abandonnées lors sur ce qui a leur de la fondation du précédé la transformation chapitre fondation du en chapitres chapitre Saint-Germain de Notre-Dame de Saint-Ursin de Saint-Ursin de La Châtre Montermoyen Bourges Montcenoux (monastère de Saint-Silvain de femmes) Saint-Outrille-du-C Notre-Dame de Levroux hâteau de Bourges Mehun-sur-Yèvre Saint-Pierre-le-Pu Saint-Jacques de ellier (monastère Notre-Dame-de-Sal Notre-Dame de Neuvy-Saint-Sépu de femmes) es Graçay lchre Saint-Martin de Saint-Ambroix de Saint-Outrille-lès- Saint-Ythier des Léré Bourges Graçay Aix-d'Angillon (sanctuaire) Saint-Laurian de Saint-Étienne de Vatan Dun-le-Roi

Saint-Pierre de Saint-Satur Nomb 4 3 6 5 re

Ce tableau montre donc que la plupart des chapitres ont été fondés sur d’anciens monastères que les laïcs avaient dû se réapproprier avec le temps, permettant ainsi de subvenir aux besoins de l’archevêque afin de doter les chapitres établis autour de l’an mil. De plus, peu de chapitres ont été fondés sur des lieux encore en activité. En revanche, les probables fondations ex nihilo, majoritairement représentées par les fondations déoloises, montrent l’importance et la volonté d’établir ce type d’institutions en limite des seigneuries.

195 En italique : informations incertaines.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 43 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Cependant il est intéressant de procéder à une étude du vocable afin de voir s’il y a une continuité entre celui utilisé par les institutions précédant les chapitres et les chapitres eux-mêmes, mais également démontrer la réelle ancienneté de certaines églises de la ville de Bourges par rapport à celles situées en dehors.

I.1.2.3. Que révèle l’étude du vocable des églises collégiales ?

Actuellement, il n’existe pas d’étude poussée sur les vocables en Berry, ce qui s’inscrit dans une tendance générale, sauf pour le diocèse de Limoges sur lequel a travaillé Michel Aubrun dans sa thèse196. Il faut donc se borner à ce que l’on sait sur les saints priés dans le diocèse au Moyen Âge central. Cependant, avec l’étude des institutions précédant les chapitres collégiaux, il est intéressant de voir comment ont évolué les vocables des églises, s’ils ont ou non changé et pour quelles raisons. Le tableau suivant montre à quels saints sont dédiées les collégiales à travers les sources.

Tableau 5 : Vocables des collégiales Vocables Nombre de collégiales Notre-Dame 4 Saint-Ambroix 1 Saint-Étienne 1 Saint-Germain 1 Saint-Jacques-le-Majeur 1 Saint-Laurian 1 Saint-Martin 1 Saint-Outrille 2 2 Saint-Pierre 1 (disparu : Saint-Ambroix de Bourges) Saint-Silvain 1 Saint-Ursin 2 Saint-Ythier 1 Sainte-Croix 1 (disparu : Notre-Dame de Graçay)

La partie précédente indique que certains établissements, surtout monastiques, ont précédé les chapitres collégiaux. Généralement, les figures retenues pour les dédicaces des

196 Michel AUBRUN, L’ancien diocèse de Limoges, des origines au milieu du XIe siècle, Clermont-Ferrand, Institut d’études du Massif central, 1981.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 44 Licence CC BY-NC-ND 3.0 églises collégiales sont les anges, les saints du Nouveau-Testament, les martyrs des premiers siècles, ou des figures traditionnelles et très anciennes du sanctoral197. Ce qui ressort du tableau ci-dessus, c’est que le vocable de Notre-Dame est le plus utilisé, avec deux établissements dans la ville de Bourges, Notre-Dame-de-Sales et Notre-Dame de Montermoyen, et deux hors de cette ville, Notre-Dame de Graçay et Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre. La dédicace à la Vierge Marie semble évidente puisque c’était « l’avocate par excellence » et est la dédicace la plus présente des églises collégiales du Moyen Âge198, cela peut laisser entendre que ces collégiales sont fréquemment fondées par les laïcs. De même, l’association à saint Étienne pour l’église de Dun-le-Roi paraît importante. En effet, le saint est souvent considéré comme le premier martyr et est souvent le saint patron des cathédrales ; la dédicace de Dun-le-Roi peut donc montrer un rapprochement entre les deux églises, ou encore, dès sa fondation, le chapitre collégial dû être mis sous la tutelle de l’Église Mère. La dédicace à saint Jacques-le-Majeur, pour l’église de Neuvy-Saint-Sépulchre, peut se justifier par la volonté de faire de cette église une étape du chemin de Saint-Jacques de Compostelle199, donnant encore plus de prestige à cette fondation relativement tardive. Cela semble faire passer un message plus fort qu’une dédicace au Précieux Sang, à la Sainte-Croix, ou encore au Sauveur. Enfin, la dédicace à saint Pierre fait référence au prince des apôtres, et donne du prestige à l’église. Trois églises sont dédiées à saint Pierre : Saint-Pierre-le-Puellier de Bourges, Saint-Ambroix de Bourges et Saint-Pierre de Saint-Satur. Les trois églises sont fondées par des laïcs, Ébrard le Noble pour la première, Geoffroy, vicomte de Bourges pour la deuxième et Mathilde de Sancerre pour la troisième. Les églises de Saint-Ambroix de Bourges et de Saint-Satur cependant sont des cas d’églises à dédicace multiple, dédiées à saint Pierre, puis à saint Ambroix200 ou encore Saint-Satur et d’autres saints non cités201. La titulature à saint Pierre disparaît petit à petit jusqu’à ne laisser que celle de saint Ambroix202 ; de même, dans les actes du XIIe siècle, seule la dédicace à Saint-Satur est restée ce qui montre une altération de la dédicace avec le temps. Ainsi, saint Pierre, qui est souvent le

197 Anne MASSONI, « Les dédicaces multiples des églises collégiales en France au Moyen Âge et jusqu’au Concile de Trente », dans La mémoire collective des saints, entre accumulation des suffrages et communion ecclésiale (époques médiévale et moderne). Actes du colloque international des 31 mai-2 juin 2012 organisé à l'Université Paris-Nord-Villetaneuse, Olivier MARIN (dir.), Turnhout, Brepols, 2015, p. 231-238, p. 233. 198 Anne MASSONI, « Les dédicaces multiples des églises collégiales en France au Moyen Âge et jusqu’au Concile de Trente », art. cit., p. 233. 199 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 217. 200 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 201 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 202 Le 16 octobre 1102, les deux vocables subsistaient toujours quand Philippe, roi de France, fit un don au chapitre, Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France (1050-1108), Paris, Imprimerie Nationale, 1908, p. 360-362, n° 145 (16 octobre 1102).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 45 Licence CC BY-NC-ND 3.0 premier titulaire des églises, est oublié quand on n’a plus besoin de s’enraciner à l’église universelle (Bourges, Saint-Satur ou Thiers), préférant mettre à l’honneur un saint local, surtout si son culte a été ranimé au Moyen Âge central, en partie sous l’impulsion d’une communauté canoniale qui a rédigé une Vita ou mis en valeur la présence de reliques203. De plus, des saints locaux sont donc vénérés en Berry, c’est le cas de saint Silvain, dont la collégiale est dédiée à Levroux. Sa légende est très ancienne car il est assimilé par les historiens locaux au Zachée de l’Évangile. Je ne détaillerai pas ici l’importance du culte du saint en Berry, qui a été l’objet d’une partie de ma précédente étude sur le chapitre Saint-Silvain de Levroux204, cependant, il faut dire que les éléments faisant remonter le culte de saint Silvain si anciennement, avec parfois des éléments surprenants (comme le fait qu’il rencontre saint Martin de Tours, alors que la chronologie ne correspond pas totalement), laissent penser que le culte de saint Silvain a pu être inventé ou réinventé pour justifier un culte en expansion au Moyen Âge. Quant à la dédicace de l’église, les auteurs lui font rencontrer saint Silvestre et sainte Rodène, auxquels l’église collégiale est dédiée en 1012, lors de la fondation du chapitre de Levroux205. Leur dédicace ne se retrouve pas dans d’autres actes, mais la dévotion aux deux autres saints est toujours effective en Berry. Saint Laurian, à qui l’église de Vatan est dédiée, est également lié à un culte local en Berry, le saint dont la dévotion viendrait de miracles qui ont eu lieu sur sa tombe, serait venu se réfugier dans la région, loin des persécutions et il aurait été assassiné par des émissaires du roi. Cependant, même si ces cultes sont considérés comme locaux, les saints ne l’étaient pas pour autant : saint Silvain aurait été envoyé par saint Pierre pour évangéliser le Berry206 et saint Laurian serait venu des bords du Danube et fut diacre de Milan selon le martyrologe romain. En revanche, deux autres dédicaces font référence à des cultes locaux et à des saints ayant eu une position importante en Berry. Il s’agit des cultes de saint Ursin (251-280) et de saint Outrille (612-624), archevêques de Bourges. Le chapitre dédié à saint Ursin avait en premier lieu saint Symphorien comme titulaire. Cette dédicace a été abandonnée au profit du premier archevêque de Bourges vers 558 lorsque ses reliques ont été transférées dans l’église. Le culte à saint Outrille fait penser qu’il pouvait y avoir une autre titulature, puisque plusieurs archevêques de Bourges furent enterrés dans l’église avant lui, ce

203 Anne MASSONI, « Les dédicaces multiples des églises collégiales en France au Moyen Âge et jusqu’au Concile de Trente », art. cit., p. 235. 204 Benjamin MOULIN, Le chapitre collégial Saint-Silvain de Levroux au Moyen Âge des origines aux années 1230, mémoire de Master 1 d’Histoire Médiévale, sous la direction d’Anne MASSONI, Université de Limoges, septembre 2017, p. 52-58. 205 AD Indre, G 110, fol. 15v. 206 Benjamin MOULIN, Le chapitre collégial Saint-Silvain de Levroux, op. cit., p. 9.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 46 Licence CC BY-NC-ND 3.0 qui n’est pas rare pour une église suburbaine, mais son culte vient des miracles s'étant produits sur sa tombe, ce qui a probablement appuyé sa titulature. Nous n’avons pas d’informations quant à sa fondation, peut-être l’église fonctionnait-elle encore à ce moment207. Dans le cas de Saint-Outrille-lès-Graçay, la question se pose d’une dédicace antérieure à celle de Saint-Outrille, mais comme dans le cas de Saint-Ursin de Montcenoux, la raison d’une dédicace identique à celle de leur « église mère » est tout à fait logique. Cependant, le fait que ces deux anciennes églises de Bourges soient dédiées à des saints archevêques de cette ville laisse penser qu’elles devaient avoir de l’importance dans la ville, voire être dans les plus riches institutions berruyères, c’est ce que je tenterai de déterminer en étudiant l’état des chapitres à leur fondation. Cependant, il existe dans le diocèse des dédicaces dont les titulaires viennent de diocèses voisins. La dédicace à saint Ambroix de Bourges fait référence à l’ancien évêque de , qui revenant de Rome voulut passer par Bourges mais mourut en chemin à Saint-Ambroix-sur-Arnon à une date inconnue208. La dédicace peut s’expliquer par l’apport de reliques dans l’église à une époque qui ne nous est pas connue. La dédicace de la collégiale de La Châtre fait référence à saint Germain évêque d’Auxerre au Ve siècle et qui eut une grande influence dans la Gaule. L’église aurait été dédicacée le 12 octobre 1160, selon un calendrier placé en tête d’un missel du XIIIe siècle209. La question se pose donc du vocable antérieur à saint Germain avant 1160. Était-ce saint Germain, l’église ayant besoin d’une nouvelle dédicace au XIIe siècle, ou bien saint Vincent, en lien avec l’abbaye ayant existé avant la collégiale210 ? Ce ne serait pas un cas isolé puisqu’Émile Chénon reprend l’exemple de Saint-Germain-des-Prés à Paris, pour laquelle le patronage de Saint-Vincent a précédé celui de Saint-Germain211. Saint-Martin de Léré, fait référence à l’évêque de Tours, Léré servant de point de repli aux chanoines de Tours pour sauver les reliques des gens de guerre et des invasions normandes. La dédicace a été conservée, même après que les chanoines de Tours aient renoncé à cette base préférant la villa de Chablis en Bourgogne acquise en 867212, les chanoines n’abandonnant pas le lieu pour autant. Quant à la dédicace du chapitre des

207 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 640. 208 Pierre BONNASSIE, « L'évêque, le peuple et les sénateurs : scènes de la vie à Cahors, d'après la Vita Ambrosii », Annales du Midi, Revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, t. 102, n° 189-190, 1990, p. 209-217, p. 211. 209 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 9. 210 Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 103. 211 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 52. 212 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 112 ; Arthur GIRY, Ferdinand LOT, Maurice PROU, Georges TESSIER (dir.), Recueil des actes de Charles II, op. cit., t. 2, n° 319, p. 201-203.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 47 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Aix-d’Angillon à saint Ythier, elle fait référence au seizième évêque de Nevers213. Saint Ythier est enterré à la collégiale qui lui est dédiée à Sully-sur-Loire et la collégiale des Aix-d’Angillon, qui présenterait des influences archéologiques venues de Bourgogne, serait fondée par les seigneurs des Aix, probables descendants de la famille de Sully, venant de Sully-sur-Loire. Toutes ces conjectures se vérifient et il est presque évident de les confirmer aujourd’hui. Concernant l’église de Saint-Satur, en 1104, l’archevêque Léger procéda à la dédicace de l’église de Saint-Pierre de Saint-Satur à saint Satur214. Enfin, Sainte-Croix est une titulature qui ne semble pas avoir persisté après la fondation du chapitre de Notre-Dame de Graçay215 ; il me semble aujourd’hui difficile d’expliquer la raison de cette dédicace, si ce n’est par l’effet d’une influence orléanaise ou poitevine où l’on retrouve ces deux titulatures, la seule différence étant que Sainte-Croix d’Orléans est une cathédrale alors que les établissements dédiés à la Sainte-Croix dans le diocèse de Poitiers sont des chapitres collégiaux. Cependant, Graçay est dans la mouvance des comtes d’Anjou et se trouve dans le domaine royal, comme Orléans, rendant ainsi l’influence orléanaise plus plausible.

Cependant, les églises ont majoritairement gardé leur dédicace primitive, à l’exception de Léré qui devait être dédié à la Vierge en des temps reculés, avant l’établissement des chanoines de Saint-Martin de Tours. L’établissement primitif de Saint-Ursin de Bourges était dédié à saint Symphorien, fondateur de l’Église des Gaules216 et donc vocable très ancien et prestigieux. L’évolution de la titulature peut paraître évident puisque dédier l’église au premier archevêque de Bourges donne beaucoup de prestige à l’église et permet de réactualiser la dédicace pour en faire un culte nouveau.

I.2. Les fondations des chapitres collégiaux

Les fondations canoniales répondent à une demande sociale et obéissent aussi à une logique politique impliquant élites locales, royautés et même papauté. Les collégiales du

213 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325. 214 Ferdinand GEMÄHLING, Monographie de l’abbaye de Saint-Satur, op. cit., p. 29. 215 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 641. 216 Anne MASSONI, « Les dédicaces multiples des églises collégiales en France au Moyen Âge et jusqu’au Concile de Trente », art. cit., p. 234.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 48 Licence CC BY-NC-ND 3.0 diocèse de Bourges ont été peu étudiées jusqu’ici. Plusieurs collégiales ont permis au roi d’affirmer sa position aux portes de l’Aquitaine217. L’archevêque de Bourges a un rôle d’intermédiaire218.

I.2.1. Étude et critique des actes de fondation et de restauration

L’enjeu de ce mémoire était en premier lieu de comparer la fondation de Saint-Silvain de Levroux uniquement avec les collégiales qui lui sont contemporaines, mais il fut ensuite évident qu’il fallait étendre cette étude à l’ensemble des fondations qui ont eu lieu autour de l’an mil, cela dû à la diversité des acteurs et aux liens entre eux. Le tableau général des fondations219 montre bien que les fondations ont eu lieu sur une période de 140 ans, Léré mis à part au vu de sa précocité, mais également parce que le chapitre émane d’un déplacement des chanoines de Saint-Martin de Tours, cas unique dans le diocèse pour cette période. Les chapitres datés les plus tardivement reflètent le manque d’information quant à leur fondation, donc cela n’exclut pas qu’ils aient été fondés plus tôt. La raison qui me pousse à élargir cette étude vient également du fait que la création de ces chapitres collégiaux en ces lieux et à ce moment relevait d’un jeu politique bien organisé entre les seigneurs locaux, le roi et l’archevêque de Bourges et tout cela a vraisemblablement construit le paysage religieux du Berry autour de l’an mil. Le diocèse de Bourges a connu entre 997 et 1012 une période majeure de fondation de chapitres collégiaux. En effet, sur les dix-huit chapitres étudiés pour ce travail, onze ont été fondés pendant cette période. Ces institutions canoniales, fondées tant par des laïcs que par des ecclésiastiques ont été dotées plus ou moins chichement selon leur situation géographique, ce qui sera étudié plus tard. Il est évident que leur position dans le diocèse est stratégique, ce que je tenterai de démontrer dans cette partie. Il est important également de distinguer les fondations urbaines, localisées dans la ville de Bourges, cité archiépiscopale, et qui ont certainement une position particulière vis-à-vis de l’archevêque et du chapitre cathédral, des chapitres ruraux situés dans le reste du diocèse. Cela permettra également de voir le degré d’influence de l’archevêque dans son diocèse.

217 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 57. 218 Ibid., p. 58. 219 Voir : Tableau 1 : État général des fondations, p. 16.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 49 Licence CC BY-NC-ND 3.0 I.2.1.1. Les fondations urbaines

Tableau 6 : Les fondations dans Bourges220 Date de fondation Fondateur Chapitre 997-1012 Dagbert, archevêque de Saint-Outrille-du-Château de Bourges Bourges 1012 Dagbert, archevêque de Notre-Dame de Bourges Montermoyen 30 des calendes de juillet Ébrard le Noble, seigneur Saint-Pierre-le-Puellier de 1012 d’Issoudun Bourges 3 août 1012 Geoffroy, vicomte de Saint-Ambroix de Bourges Bourges 1012 Geoffroy, vicomte de Saint-Ursin de Bourges Bourges Ap. 1er décembre 1012 Geoffroy, vicomte de Notre-Dame-de-Sales de Bourges Bourges

Comme je l’ai dit précédemment, les collégiales berruyères sont toutes descendantes d’institutions monastiques. Elles devaient être situées non loin de la cathédrale comme le laissent penser les vestiges découverts pour trois d’entre elles sur une zone de moins d’un kilomètre221. Leurs fondations se sont échelonnées de 997 à 1012 ; Saint-Outrille-du-Château de Bourges devait être l’un des premiers chapitres à être fondé, même si nous n’avons pas d’acte précisant sa fondation, le culte et la dédicace à saint Outrille, ancien archevêque de Bourges laissent penser à l’ancienneté et à l’importance de cette église. Cependant il est étonnant que Saint-Outrille-du-Château de Bourges ait été fondée la première par le prestige de son nom, alors que Saint-Ursin de Bourges a probablement été l’un des derniers chapitres à être fondé après août 1012222, pourtant en l’honneur du premier archevêque de Bourges, bien que cela puisse apparaître comme une sorte d’apogée des fondations dans la cité épiscopale en transformant cet établissement en chapitre collégial. Cependant je prends le parti de dater le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges avant 1012, ainsi que sa succursale de Graçay dont je reparlerai plus tard. Concernant les autres fondations berruyères, la chronologie est centrée sur l’année 1012, ce qui est le reflet d’une tendance générale des fondations en Berry.

220 En italique, les fondateurs supposés. 221 Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 16. Cette carte montre l’emplacement de toutes les collégiales de la ville de Bourges. 222 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 50 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Il n’est pourtant pas facile de dater précisément toutes ces fondations, dont seulement l’année nous est donnée dans les actes et les instigateurs ou spectateurs sont sensiblement les mêmes. J’ai donc tout d’abord décidé de placer en tête les fondations archiépiscopales : Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Notre-Dame de Montermoyen dont nous n’avons pas d’acte de fondation223. Saint-Outrille-du-Château de Bourges étant probablement une fondation par Dagbert, archevêque de Bourges, cela concorderait avec l’idée que les seigneurs ont ensuite suivi son exemple la même année. Leur localisation ne coïncide pas avec la place qu’avaient respectivement l’archevêque et le seigneur dans la cité archiépiscopale. L’aire d’influence de l’archevêque devant se situer autour de la cathédrale et celle du seigneur autour du château. Cela va contre l’idée que Dagbert est fondateur du chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, mais conforte pourtant l’idée d’une certaine exemplarité. Concernant les autres chapitres de la ville de Bourges, ils sont tous de fondation laïque, principalement par Geoffroy, vicomte de Bourges, en 1012, sauf la fondation de Saint-Pierre-le-Puellier, fondée par Ébrard le Noble, probablement seigneur d’Issoudun, le 30 des calendes de juillet, dont l’année n’est pas indiquée dans l’acte de restauration224. Cependant, les témoins présents et souscrivant à l’acte sont les mêmes que ceux des autres actes de fondation de cette même année, ce qui converge pour dater cette fondation en 1012. Pour les actes de restauration et fondation de Saint-Ambroix de Bourges et Saint-Ursin de Bourges, la date est explicitée et le vicomte est clairement indiqué comme fondateur de ces chapitres. Le 3 août 1012 a été fondé le chapitre de Saint-Ambroix de Bourges225, la date étant explicitée, cela ne semble pas remettre en cause la date de fondation de ce chapitre. Or, il est indiqué que le don a été fait la dixième année du règne du roi Robert (1006) et la huitième année de Dagbert comme « président » de l’église de Bourges (995). Cela donne trois datations possibles, mais les acteurs en présence sont toujours les mêmes que pour les actes datés de 1012, il ne doit donc pas y avoir d’ambiguïté, si ce n’est l’absence de la charte originale, la copie pouvant être biaisée par la création de faux ayant succédé à l’acte original. La charte de fondation de Saint-Ursin de Bourges226 est datée de l’année 1012, mais indique que l’archevêque Dagbert « s’est retiré dans la lumière » et donc est

223 Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Notre-Dame-de-Sales de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563), [en ligne ], version du 2/6/2017, consultée le 17/6/2018. Jacques Péricard indique la fondation par Dagbert, archevêque de Bourges. 224 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 42, n° XLIX. 225 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op.cit., p. 187-192 ; Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 362-366, n° 145 (3 août 1012). 226 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 51 Licence CC BY-NC-ND 3.0 décédé. La mention de sa mort n’en est pas moins importante puisqu’elle permet de dater plus précisément la fondation après celle de Saint-Ambroix de Bourges, mais également car elle montre l’importance du souvenir de l’archevêque et le rôle qu’il a joué dans les fondations de chapitres collégiaux dans le diocèse. Enfin, Gaspard Thaumas de La Thaumassière indique la fondation de Notre-Dame-de-Sales par Geoffroy le Noble, vicomte de Bourges en 1003227. Or l’auteur fait plusieurs erreurs : tout d’abord il indique que les chanoines mis en place sont réguliers, mais cela ne correspond pas à la tendance générale de fondations en Berry, les régularisations ayant principalement lieu à la fin du XIe siècle et pendant les siècles suivants, ensuite chronologiquement car il indique que la fondation a été faite du temps du roi Robert et de l’archevêque Gauzlin, qui est le successeur de Dagbert et siège à Bourges vers le 1er décembre 1012, donc l’année 1003 n’est pas plausible pour cette fondation. Cela place donc la fondation du chapitre de Notre-Dame-de-Sales vers la fin de la chronologie de fondations dans la ville de Bourges, mais permet toujours de soutenir la thèse de l’exemplarité de l’archevêque de Bourges si l’on convient que c’est bien le vicomte qui est à l’origine de la fondation de ce chapitre. Qu’en est-il des chapitres établis en dehors de la ville de Bourges ?

227 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 52 Licence CC BY-NC-ND 3.0 I.2.1.2. Les fondations rurales

Tableau 7 : Les fondations hors de la ville de Bourges228 Date de fondation Fondateur Chapitre 23 février 869 Villa restituée par Charles le Saint-Martin de Léré Chauve pour abriter les chanoines de Saint-Martin de Tours et leurs reliques ca. 997-1012 Chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay Saint-Outrille-du-Château de Bourges ca. 1000 Seigneur de Graçay Saint-Laurian de Vatan 1002 Renaud, seigneur de Graçay Notre-Dame de Graçay 1012 Eudes, seigneur de Déols Saint-Germain de La Châtre 1012 Eudes, seigneur de Déols Saint-Sylvain de Levroux Av. 1020 Archevêque de Bourges Saint-Étienne de Dun-le-Roi 1034 Mathilde de Sancerre, fille Saint-Pierre de Saint-Satur de Gimon, seigneur de Château-Gordon Ca. 1045 Seigneur de Déols Saint-Jacques-le-Majeur de Neuvy-Saint-Sépulchre 1048 Archambault, seigneur de Saint-Ursin de Montcenoux Bourbon Av. 1066 ? Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre Av. 1120 Seigneur de Sully-sur-Loire Saint-Ythier des Aix-d’Angillon

L’étude des fondations de chapitres collégiaux ruraux permet de se demander pourquoi ils ont été fondés en ces lieux et par qui. Je ferai ici une approche quant à la première question et la partie suivante s’intéressera aux acteurs principaux de ces fondations et répondra à la seconde. En 862, Charles le Chauve affecte aux moines de Saint-Martin de Tours229 la villa de Léré, qui sera le premier chapitre fondé dans ce diocèse ; il leur restituera en 869230. La précocité de cette fondation vient des invasions des Normands venus piller les monastères et dérober les reliques. La villa de Léré se trouve en limite nord du diocèse de Bourges et de celui d’Auxerre,

228 En italique, les fondateurs supposés. 229 Arthur GIRY, Ferdinand LOT, Maurice PROU, Georges TESSIER (dir.), Recueil des actes de Charles II, op. cit., t. 2, n° 239, p. 32-41. 230 Voir Tome d’annexes, Annexe 2 : « Carte 1 : Chapitre fondé avant le Xe siècle », p. 26.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 53 Licence CC BY-NC-ND 3.0 proche de la Loire. Les chanoines de Tours avaient également un point de repli en Auvergne à et en Bourgogne à Chablis, qui semblent des points essentiels à l’intérieur des terres pour abriter leurs reliques. Les chapitres suivants datent de la fin du Xe siècle ou du début du XIe siècle231 : Graçay s’est doté d’un chapitre autour de l’an mil. Le chapitre Notre-Dame a été fondé vers 1000-1002 par le seigneur de cette localité232. La question se pose de la fondation de Saint-Outrille-lès-Graçay, succursale de Saint-Outrille-du-Château de Bourges établie au Nundray, proche de Graçay. En effet, il est possible que le chapitre ait été fondé par le seigneur de Graçay ou du Nundray avant d’être rattachée au chapitre de Bourges, or la plupart des seigneurs environnants et fondateurs de chapitres n’en ont fondé qu’un seul, car cela nécessite des dotations importantes ; cependant, le seigneur de Graçay, épaulé par le comte d’Anjou, semblait être un seigneur relativement puissant donc probablement en mesure de fonder ces deux chapitres. Cependant, je pense que l’archevêque de Bourges pouvait avoir intérêt de fonder une collégiale dans cet archidiaconé, non loin de la puissante abbaye de Vierzon, ce qui lui fournirait un appui et un contrôle à l’ouest de Bourges. Concernant la datation, je la relierai à celle du chapitre de Bourges, entre 997 et 1012, de plus, un acte de 1106 indique que le « clergé » de Saint-Outrille-du-Château de Bourges a établi un prieur et des chanoines au Nundray, nom de la localité où est située le chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay, ce qui place ce chapitre comme fondateur, sûrement sous l’égide de l’archevêque233. Le chapitre de Vatan doit être contemporain à celui de Notre-Dame de Graçay car dans l’acte de fondation de ce dernier, il est précisé que les chanoines de Graçay suivraient les coutumes de ceux de Vatan notamment pour la nomination du prieur234. Il est aujourd’hui impossible de vérifier les écrits d’Alphonse Buhot de Kersers car le cartulaire de Graçay est très abîmé et les archives de Vatan ont disparu. Mais cela indique également que le seigneur de Graçay devait connaître les coutumes de Vatan, situé dans le même archidiaconé, et peut-être a été l’instigateur de sa fondation, mais en l’absence d’acte ou de références l’indiquant, il est très difficile de s’y prononcer. Cependant, il est plutôt probable que les comtes de Blois soient à l’origine de la

231 Voir Tome d’annexes, Annexe 3 : « Carte 2 : Chapitres fondés avant l’an mil », p. 27 ; Annexe 4 : « Carte 3 : Chapitres fondés avant 1010 », p. 28. 232 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 639. 233 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 234 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 178.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 54 Licence CC BY-NC-ND 3.0 fondation de Saint-Laurian de Vatan car ils semblent avoir toujours eu le titre de fondateurs de la collégiale Saint-Laurian à l’exclusion des seigneurs du fief235. Le troisième temps des fondations rurales a été en 1012 avec les fondations de Saint-Silvain de Levroux et de Saint-Germain de La Châtre par les seigneurs de Déols et avant 1020 pour celle de Dun-le-Roi236. Au nord de la principauté de Déols, Saint-Silvain de Levroux devait se situer en limite de la seigneurie et dans l’archidiaconé de Buzançais. Cependant, il est envisageable qu’au Moyen Âge Levroux fasse partie plutôt de l’archidiaconé de Déols, ce qui me semblerait logique. Les mouvances administratives ultérieures l’ont probablement menée à être déplacée dans celui de Buzançais, car il se situe à la limite des trois archidiaconés de Buzançais, Déols et Graçay. Cela est en lien avec les enjeux de pouvoir de l’an mil, les seigneurs de Déols voulant établir leur domination à Levroux en rapport avec les seigneurs de Graçay ou même avec les comtes d’Anjou dont les seigneurs de Graçay étaient les vassaux. Au sud de la principauté de Déols, a été fondé le chapitre de Saint-Germain de La Châtre, sur les rives de l’Indre et proche des limites de l’archidiaconé de Déols, probablement en limite avec l’archidiaconé de Bourbon qui devait constituer une grande puissance face à Déols. En revanche, Dun-le-Roi, dont la datation n’est pas précise, devait dépendre de Bourges, peut-être directement du chapitre cathédral, comme le laisse entendre sa titulature. Il est situé sur les rives de l’Auron, dans l’archidiaconé de Bruère, en limite avec celui de Bourges et tourné vers les seigneurs de Bourbon. En 1034 apparaît la fondation de Saint-Pierre de Saint-Satur237, fondée par Mathilde de Sancerre et située au sud de Léré, en limite du diocèse d’Auxerre et sur les bords de Loire. Il est difficile de connaître la place de Léré dans le diocèse, mais il est certain que les chanoines de Saint-Martin de Tours ne l’avaient pas désertée. Ainsi, elle ne doit pas être considérée comme une collégiale indépendante dans le diocèse de Bourges. La place de Saint-Satur, située comme Léré topographiquement, laisse penser que l’archevêque avait besoin d’un contrôle au nord du diocèse. Bien que la fondation soit laïque, la présence d’autant d’évêques, ce qui est unique pour les fondations étudiées, laisse peu de doutes quant aux motivations de l’archevêque face à cette fondation. Avant 1050 sont fondés deux autres chapitres : Neuvy-Saint-Sépulchre et Saint-Ursin de Montcenoux238. Neuvy-Saint-Sépulchre, est une fondation déoloise dont les motivations sont

235 Abbé DAMOURETTE, « Excursions de saint Martin, évêque de Tours en Berry », art. cit., p. 462. 236 Voir Tome d’annexes, Annexe 5 : « Carte 4 : Chapitres fondés avant 1020 », p. 29. 237 Voir Tome d’annexes, Annexe 6 : « Carte 5 : Chapitres fondés avant 1040 », p. 30. 238 Voir Tome d’annexes, Annexe 7 : « Carte 6 : Chapitres fondés avant 1050 », p. 31.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 55 Licence CC BY-NC-ND 3.0 ambigües. Situé proche de La Châtre, la fondation du chapitre en lien avec le Saint-Sépulcre de Jérusalem fait plutôt penser à une création dans un but d’expiation ou destinée à accueillir les pèlerins. Outre le lien que l’on pourrait faire avec un pèlerinage local tel celui de Levroux à saint Silvain, ce projet semble plutôt destiné à un pèlerinage à grande échelle pour aller jusqu’en Terre-Sainte, ce que feront leurs successeurs, ou à Compostelle comme le laisse entendre la dédicace. Quant à Saint-Ursin de Montcenoux, fondée par Archambault, seigneur de Bourbon, elle est destinée à être une succursale de Saint-Ursin de Bourges. Peut-être les seigneurs de Bourbon ont-ils fondé puis donné ce chapitre à Saint-Ursin de Bourges en gage de reconnaissance et de respect vis-à-vis de l’archevêque et de la famille vicomtale, cela sera développé ultérieurement. La position de Montcenoux dans le diocèse est à l’image des succursales des églises de Bourges, c’est-à-dire, éloignées de la cité archiépiscopale et au cœur de l’archidiaconé de Bourbon. Enfin les dernières fondations sont celles de Mehun-sur-Yèvre239 et des Aix-d’Angillon240. Les dates de fondation de ces chapitres ne sont pas connues précisément, mais leurs fondateurs devaient être le vicomte de Bourges ou un de ses vassaux. Mehun-sur-Yèvre est située sur l’Yèvre, au nord de Bourges et rappelle celle de Dun-le-Roi au sud de Bourges sur l’Auron. Sa position pouvait être défensive, puisque l’Yèvre se jette dans le Cher au niveau de Vierzon, un peu plus au nord encore. Quant aux Aix-d’Angillon, probablement fondé par un membre de la famille des seigneurs de Sully, descendant des seigneurs de Sully-sur-Loire, et certainement proche de la famille vicomtale de Bourges ou de l’archevêque lui-même. Leur implantation dans le Berry coïncide également avec la fondation de leur collégiale, comme ils l’ont fait déjà à Sully-sur-Loire. Cette collégiale doit donc être un point d’appui de leur part en Berry avec la possible émergence d’une nouvelle puissance dans la région.

Les différents actes de fondation des chapitres montrent à la fois des similitudes et des différences entre eux. Ceux de Saint-Ambroix de Bourges et Saint-Ursin de Bourges sont calqués l’un sur l’autre, mais à Bourges généralement comme à Saint-Satur, on retrouve des formules d’introduction longues et élaborées par rapport à celles de Levroux par exemple. Ainsi je ne pense pas qu’il y ait une diplomatique spécifique à Bourges. Dans le premier quart du XIIe siècle, toutes les collégiales étaient créées dans le diocèse, comme le montre le tableau suivant

239 Voir Tome d’annexes, Annexe 8 : « Carte 7 : Chapitres fondés avant 1070 », p. 32. 240 Voir Tome d’annexes, Annexe 9 : « Carte 8 : Chapitres fondés avant 1120 », p. 33.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 56 Licence CC BY-NC-ND 3.0 reprenant chronologiquement les deux tableaux précédents. Il reste à s’interroger sur les dotations de ces chapitres au moment de leur fondation.

Tableau 8 : État général des fondations241 Date de fondation Fondateur Chapitre 23 février 869 Villa restituée par Charles le Saint-Martin de Léré Chauve pour abriter les chanoines de Saint-Martin de Tours et leurs reliques 997-1012 Dagbert, archevêque de Saint-Outrille-du-Château de Bourges Bourges ca. 997-1012 Chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay Saint-Outrille-du-Château de Bourges ca. 1000 Seigneur de Graçay Saint-Laurian de Vatan 1002 Renaud, seigneur de Graçay Notre-Dame de Graçay 1012 Dagbert, archevêque de Notre-Dame de Bourges Montermoyen 1012 Eudes, seigneur de Déols Saint-Germain de La Châtre 1012 Eudes, seigneur de Déols Saint-Sylvain de Levroux 30 des calendes de juillet Ébrard le Noble, seigneur Saint-Pierre-le-Puellier de 1012 d’Issoudun Bourges 3 août 1012 Geoffroy, vicomte de Saint-Ambroix de Bourges Bourges 1012 Geoffroy, vicomte de Saint-Ursin de Bourges Bourges Ap. 1er décembre 1012 Geoffroy, vicomte de Notre-Dame-de-Sales de Bourges Bourges Av. 1020 Archevêque de Bourges Saint-Étienne de Dun-le-Roi 1034 Mathilde de Sancerre, fille Saint-Pierre de Saint-Satur de Gimon, seigneur de Château-Gordon Ca. 1045 Seigneur de Déols Saint-Jacques-le-Majeur de Neuvy-Saint-Sépulchre 1048 Archambault, seigneur de Saint-Ursin de Montcenoux Bourbon Av. 1066 ? Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre Av. 1120 Seigneur de Sully-sur-Loire Saint-Ythier des Aix-d’Angillon

241 En italique, les fondateurs supposés.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 57 Licence CC BY-NC-ND 3.0 I.2.2. La structure interne des chapitres à leur fondation

L’étude de la structure interne des chapitres passe par une analyse de trois éléments : le nombre de chanoines et de dignitaires à la tête des chapitres, les coutumes et les prébendes et enfin les droits et usages sur les terres et hommes qui leur sont cédés. Ce dernier élément prendra en compte seulement le droit que pouvaient avoir les chapitres sur leur temporel, l’étude de ce dernier sera entreprise dans la troisième partie de ce travail. Pour parvenir à un état global de la structure des chapitres à leur fondation, il est nécessaire de continuer sur la distinction précédente, à savoir les chapitres urbains et ruraux.

I.2.2.1. Les chapitres urbains

Il n’est pas aisé de se rendre compte de l’importance des chapitres à leur origine. En effet, les actes nous renseignent peu sur la composition, les coutumes ou les droits des institutions canoniales. Pour les chapitres exclusivement berruyers, les informations sont relativement pauvres. Je sais par l’acte de fondation de Saint-Pierre-le-Puellier, du 30 des calendes de juillet 1012, que les vierges, du monastère de femmes devaient rester après la restauration du chapitre et l’instauration des chanoines, ce qui signifie que l’établissement n’était pas abandonné242. De plus, l’acte indique que si la fortune des chanoines n’augmente pas, leur nombre n’augmente pas non plus243, ce qui sous-entend que le nombre de chanoines n’a pas été fixé précisément lors de la restauration et que les effectifs devaient varier selon leurs ressources. En revanche, l’acte n’indique pas que si la fortune des chanoines diminue, leur nombre décroît également, si ce n’est pas le cas, il est possible qu’ils aient fait appel à un médiateur (l’archevêque de Bourges ou le pape) pour fixer le nombre de chanoines, ramené à un nombre inférieur selon leur fortune. Pour le chapitre de Notre-Dame-de-Sales, l’acte indique que le lieu avait décliné, donc devait être abandonné au moment de la restauration du chapitre en 1012244, le vicomte Geoffroy a décidé d’envoyer des chanoines dans l’église, à savoir Renaud, prieur, Bernard de Castelliolo, Giraud de Monasterio, Giraud de Sales, Théodoric et Étienne Petit245. Giraud devait venir du lieu appelé Sales, sur lequel saint Ursin aurait fondé

242 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 42, n° XLIX, « sanctae virgines in eo manantes ». 243 Ibid.. 244 Ibid., t. 2, col. 122. 245 Philippe LABBE, Novae Bibliothecae, op. cit., t. 2, p. 86 ; Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 21-22.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 58 Licence CC BY-NC-ND 3.0 l’église primitive de Notre-Dame-de-Sales, une église devait donc y être encore établie et peut-être que cet individu en assurait le service avant de devenir chanoine. L’absence d’acte original ne permet pas de nous renseigner davantage sur la composition du chapitre. Cela ne représente que peu d’éléments de composition des chapitres pour seulement deux sur les six fondés autour de l’an mil.

Guère plus d’éléments nous sont transmis concernant les prébendes des chapitres. En 1012, Geoffroy, vicomte de Bourges et sa famille concèdent au chapitre de Saint-Ursin de Bourges des prébendes, sans en préciser le nombre, ainsi que le droit de donner ou laisser sa propre prébende à un autre chanoine sur le conseil des autres246. Pareillement, lors de la restitution de Saint-Ambroix de Bourges le 3 août de la même année, le même vicomte rend au chapitre le pouvoir de transmission des prébendes avec l’accord des autres chanoines247. Cette règlementation par le seigneur laïque ne permet pas d’envisager que les prébendes puissent sortir des mains des ecclésiastiques pour aller aux mains des laïcs, cela sûrement en prévention de ce qui pouvait se faire dans d’autres établissements. En revanche, rien ne nous indique le nombre de prébendes qu’il y avait dans ces chapitres et cela en l’absence d’un effectif réel, il n’est quasiment pas envisageable de connaître leur richesse à leur fondation. Il faut donc se pencher sur les droits et usages de ces chapitres afin de tenter de voir l’étendue de leurs prérogatives.

La Thaumassière indique pour la fondation de Notre-Dame-de-Sales en 1003, date ramenée à 1012, que Geoffroy, vicomte de Bourges, et sa femme rétablissent le chapitre et remettent aux chanoines réguliers de l’ordre de Saint-Augustin toutes les coutumes et droits qu’ils levaient dans cette église et dans les terres en dépendant248. L’auteur montre ici plusieurs incohérences, en particulier pour l’erreur de datation de la fondation et l’établissement d’un chapitre de chanoines réguliers, comme il a déjà été expliqué précédemment. En outre, il est probable que soient cédées au chapitre les coutumes de l’église de Sales, ce qui justifie la présence antérieure d’une église en ce lieu et toujours existante à l’époque de la fondation du chapitre. De plus, le don de terres au chapitre n’est pas étonnant en comparaison avec les autres chapitres de Bourges, il est nettement dommage de ne pas avoir d’acte prouvant ces écrits et

246 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 71. 247 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192, Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 362-366, n° 145 (3 août 1012). 248 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 59 Licence CC BY-NC-ND 3.0 indiquant avec précision quelles terres ont été données au chapitre. Lors de la fondation de Saint-Ursin de Bourges, Geoffroy, vicomte de cette ville et sa famille donnent aux chanoines la liberté de régir leurs biens en assemblée propre. Ils donnent également l’affranchissement du domaine et préviennent contre les attaques des laïcs249. Cette mention est relativement importante car elle indique bien que les chanoines devaient agir en communauté pour gérer leurs biens, ce qui exclut pour l’époque l’affectation d’une personne en particulier à ce rôle, comme pouvaient l’être le prévôt ou le doyen en des temps ultérieurs. C’est également le seul acte qui indique lors de la fondation que les chanoines pouvaient avoir un mode de vie communautaire, tout du moins dans la gestion, mais peut être aussi pour la prise des repas en communs et les nuits en dortoir. Le 3 août de la même année, lors de la restitution de Saint-Ambroix de Bourges, Geoffroy, vicomte de Bourges, rend au chapitre le droit sur l’eau, dédié exclusivement aux chanoines, le pouvoir sur Romigny et ses biens tant humains que financiers250, sur la villa de Nongenciaco également, ses biens humains et financiers, ainsi que la gestion d’une ferme et le séjour dans l’étable251, qui sont des coutumes de ce bourg. De plus, ils leur donnent les marchés qui se déroulent aux festivités de la saint Pierre en juin252 et au jour de la naissance de saint Ambroix253 et indiquent qu’ils auront lieu pour sept jours et sept nuits254. Cela peut laisser aux chanoines le pouvoir sur ces marchés et sur les terres sur lesquelles ils se déroulent, mais également peut-être les droits de justice pendant ces marchés. Ces droits étaient probablement lucratifs et le chapitre de Saint-Ambroix de Bourges les possédaient une quinzaine de jours par ans, ce qui ne semble pas négligeable. L’acte indique également que tout cela est donné afin qu’ils le tiennent et le possèdent relativement à leur fortune et pour la réception des étrangers et le soutien aux pauvres255, donc la mission hospitalière des chanoines est explicitée dans cet acte, comme il l’est également dans l’acte de fondation de Saint-Ursin de Bourges256. Il n’en

249 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232. 250 Romeniaco, traduction selon Jean-François CHEVROT, Jean HOLMGREN, Michel PROVOST, Jacques TROADEC, Carte archéologique de la Gaule. Le Cher (18), Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, 1992, n° 237, p. 340. 251 Stabulationem. 252 Saint fêté le 29 juin. 253 Le 16 octobre, jour de sa mort et donc celui de sa naissance dans les cieux. 254 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192, Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 362-366, n° 145 (3 août 1012). 255 Ibid.. 256 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 60 Licence CC BY-NC-ND 3.0 est pas question pour la restauration de Saint-Pierre-le-Puellier et le manque d’actes pour les trois autres chapitres ne permet pas d’affirmer que seulement ces deux chapitres avaient vocation à accueillir les étrangers et soutenir les pauvres, peut-être les tâches étaient-elles divisées entre les différents chapitres de la ville de Bourges. La Thaumassière indique que Geoffroy et sa femme rendent également au chapitre les droits qu’ils avaient usurpés, dont les droits de justice de Brisiac par exemple257. Ce don n’est pas explicité dans l’édition de Philippe Labbe, mais se rajouterait au don d’un moulin dans le même lieu. Malgré le peu d’informations concernant les dotations des chapitres de la ville de Bourges, il est toutefois permis de supposer que les effectifs n’étaient pas très élevés à la fondation des chapitres (environ cinq chanoines) et pouvaient augmenter. De plus, les chanoines possédaient des droits sur des terrains à proximité de leurs églises et géraient probablement leurs biens en communauté. Il est nécessaire de les comparer avec les fondations hors de la cité épiscopale.

I.2.2.2. Les chapitres ruraux

Buhot de Kersers indique que lors de la fondation du chapitre de Notre-Dame de Graçay, en 1002, le chapitre avait à sa tête un prieur, appelé le plus souvent prieur de Notre-Dame ou prieur de Graçay258. En 1106, lors d’un accord entre les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et le chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay, il est indiqué que du temps de Dagbert, archevêque de Bourges, le « clergé » de Saint-Outrille-du-Château de Bourges a établi un prieur et des chanoines au Nundray259. Il est donc possible que le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges lui-même ait un prieur ou un doyen et plusieurs chanoines. En revanche, l’acte ne le précise pas, mais certains des chanoines devaient provenir du chapitre de Bourges directement. Dans un acte d’avant 1012, cinq chanoines de Vatan souscrivent à l’acte260, cela paraît peu, mais correspond à l’effectif de Notre-Dame-de-Sales. En revanche, la fondation de Vatan remonte à une dizaine d’années avant 1012 car les modalités de nomination des prébendes du chapitre de Graçay sont calquées sur les coutumes de celui de Vatan. Cependant, entre ces deux dates, l’effectif du chapitre de Vatan n’a pas dû changer. Les

257 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 243. 258 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 178. 259 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 260 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 70.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 61 Licence CC BY-NC-ND 3.0 informations concernant les effectifs du chapitre Saint-Silvain de Levroux à l’époque de sa fondation indiquent que trois « dignitaires », choisis par Eudes de Déols le fondateur, étaient à sa tête en 1012, un prieur, Raoul, un doyen, Gosbert et un préchantre, Téotbert261. La présence de trois dignitaires laisse penser que le chapitre avait un effectif supérieur à celui des autres institutions, sans cependant pouvoir établir précisément le nombre exact de chanoines dans cet établissement. En août 1034, un collège de chanoines est institué à Saint-Satur par Mathilde de Sancerre262. L’acte n’indique pas combien de chanoines sont institués, mais la période tardive peut laisser penser à une dotation plus importante. L’intérêt de l’acte se trouve surtout dans le nombre de souscripteurs et la mention d’un doyen et de plusieurs chanoines. Leur place dans la liste des signataires peut laisser penser qu’ils avaient une place importante, soit ils faisaient partie du nouveau chapitre, soit ils étaient membres du chapitre cathédral, ce qui est le plus plausible au vu de la quantité de chanoines. De plus il est précisé que si les chanoines ou le prélat a acquis la « dette de la bienveillance », à savoir la mort, il sera substitué par élection en conseil commun, mais sans l’avis d’une personne extérieure263. Cela renvoie aux règles de vie en communauté et à la question d’une vie commune des chanoines de Saint-Satur et des autres chapitres à l’époque de leur fondation. La délibération exclusive à la communauté et le refus d’un avis d’une personne extérieure, sûrement laïque, revient à se prémunir contre une ingérence étrangère au sein du chapitre. Concernant les prébendes, La Thaumassière mentionne un acte non daté, mais probablement situé vers l’an mil, qui indique que Renaud II, seigneur de Graçay permet aux chanoines de Notre-Dame de Graçay de régler, augmenter ou diminuer le nombre de prébendes selon leur volonté264, cela signifie que leur nombre n’était pas fixé et que les revenus des chanoines devaient varier en fonction de leur fortune et des revenus annuels du chapitre. De plus, dans l’acte de fondation incomplet du chapitre, il est précisé que le même Renaud ou Raynaud et ses enfants, sollicités par le chapitre de Graçay, donnent le droit aux chanoines de nommer les prébendes, comme pour le chapitre de Vatan265, ce qui signifie que le seigneur était totalement au fait de ce qui se passait dans les autres institutions existant à ce moment-là. Cet acte tantôt daté vers l’an mil et en 1002 signifie sans doute que l’acte auquel La Thaumassière

261 AD Indre, G 110, fol. 15v ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 70. 262 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 263 Ibid.. 264 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 641. 265 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 641.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 62 Licence CC BY-NC-ND 3.0 a eu accès, certainement la copie dans le cartulaire, était déjà incomplet. Raynal, dans sa copie de l’époque moderne266 n’avait déjà eu accès qu’au cartulaire dégradé par l’incendie de 1859, ce qui légitime le fait d’avoir une copie d’acte tronquée par Raynal, mais revalorise les écrits de La Thaumassière.

Relativement aux droits et usages donnés aux chapitres au moment de leurs fondations, vers 1000 Renaud II, seigneur de Graçay s’est départi de tous les droits et coutumes qu’il avait sur les choses données à Notre-Dame de Graçay, lesquelles « choses » il affranchit et amortit librement et sans aucune charge267. Ce terme de choses ou biens, « res » en latin, est un terme ambigu dans les actes car il ne renvoie à aucun type de bien en particulier, tout cela sera développé dans la troisième partie. L’action de se décharger des droits et coutumes sur les biens cédés est relativement courante et logique afin que le chapitre en ait la pleine possession et jouissance sans contrainte quelconque. Avant 1012, Eudes et Robert de Vatan donnent au chapitre Saint-Laurian de la même ville l’usage de la terre de Saint-Hilaire de Jarondelles, sauf ce qui est possédé dans la censive, ils cèdent également toute la recommandation franche. Ils prévoient également que si la donation est attaquée, le fauteur devra amender les chanoines sous quarante jours et que s’il advenait une accusation calomnieuse, Eudes de Vatan devra porter assistance aux chanoines268. C’est le premier acte qui fait référence à un délai de recours et le seul qui permet au coupable de s’amender lui-même auprès des chanoines, ce qui rend compte du caractère juridique des actes de l’an mil et d’une partie du système procédurier de l’époque déjà bien organisé. Dans la suite de l’acte, qui est en réalité une autre donation, le même Eudes de Vatan donne au chapitre Saint-Laurian de Vatan les coutumes et le droit d’usage qu’il avait sur la terre de Dèvres, qu’il donne également269. En 1012, Dagbert, archevêque de Bourges exempte le chapitre de Levroux de droits de synode et de parée270, les droits de synode étaient des redevances dues aux synodes de la Pentecôte et de la Saint-Denis, alors que le droit de parée était une redevance due tous les deux ans. Les rôles (registres) de ces différents droits étaient à l’origine des comptes d’une année déterminée ; dans les Pouillés de la province de Bourges, il est fait mention, sans les dater, de « legs qui par leur nature n’ont été

266 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000). 267 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 641. 268 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012). 269 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012, autre donation). 270 AD Indre, G 110, fol. 15v.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 63 Licence CC BY-NC-ND 3.0 versés qu’une fois »271. Cette exemption pouvait être le signe d’une indépendance du chapitre à l’égard du chapitre cathédral et de l’archevêque. C’est également le seul acte parmi ceux étudiés qui fait état d’une telle exemption lors d’une fondation. En août 1034, lors de la restitution de Saint-Pierre de Saint-Satur, les fondateurs instituent un lieu affranchi de tout pouvoir sur les chanoines, l’église, à l’intérieur ou en dehors du claustrum, à l’intérieur et en dehors de la ville, sur les choses amassées ou à acquérir. Ils donnent aussi le droit aux chanoines de faire libérer n’importe qui à l’intérieur ou à l’extérieur de ces limites pour le juger en délibération commune. Également, l’archevêque de Bourges, Aimon de Bourbon, leur accorde l’immunité et la liberté du lieu272. Les droits de ce chapitre semblent relativement importants car ils n’avaient pas le pouvoir seulement sur leur église et sur une aire d’influence ou de protection, mais également sur toute la ville. Il est donc possible qu’ils perçoivent des rentes de la part du reste des habitants, cela afin de leur permettre de subsister indépendamment d’une tutelle ecclésiastique ou seigneuriale. De même, les droits de justice étaient relativement fructueux pour celui qui les exerçait ; le chapitre de Saint-Satur possédait le droit de justice ce qui laisse envisager une riche dotation lors de sa fondation. En 1048, Archambaud de Bourbon donne au chapitre de Saint-Ursin de Montcenoux le pouvoir d’édifier sur les terres273. Ce droit semble découler logiquement de la possession de terrains, mais tout comme aujourd’hui où il faut un permis de construire sur des terrains, au Moyen Âge, les terres cédées n’étaient pas toujours à vocation d’édification de bâtiments, il est fréquent que leur fonction soit détaillée dans les actes, à savoir des forêts pour récupérer du bois de chauffage, ou pour le pacage des porcs. Cela montre à la fois la diversité des activités exercées à l’époque, mais également la rigueur entreprise dans la destination de chaque élément.

Il est évident que ces actes nous renseignent peu sur la composition des chapitres à l’époque de leur fondation ; cela est dû déjà au fait que tous les actes de fondations ne nous sont pas parvenus, ou seulement des copies tronquées, et cela peut aussi provenir des préoccupations de l’époque, où au moment de l’établissement de nouveaux chapitres collégiaux presque simultanément, il était difficile de connaître leur viabilité, à moins d’avoir un seigneur ou un archevêque relativement riche pour pouvoir participer au soutien financier des institutions

271 Benjamin MOULIN, Le chapitre collégial Saint-Silvain de Levroux, op. cit., p. 19-20 ; Jacques de FONT-REAULX, Pouillés de la province de Bourges, op. cit., vol. 1, p. XX. 272 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 273 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon (Xe-XIIIe siècles), Moulins, Imprimerie de C. Desrosiers, 1865, pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, Moulins, Imprimerie Bourbonnaise, 1902, t. 1, p. 425.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 64 Licence CC BY-NC-ND 3.0 canoniales le temps d’acquérir leur indépendance. Ces préoccupations se centrent donc plutôt sur la quantité et la qualité des biens, terres, hommes donnés aux chapitres plutôt qu’à leur composition qui manifestement n’était pas fixée partout et pouvait, comme à Saint-Pierre-le-Puellier, augmenter selon la fortune du chapitre. De même, le nombre de prébendes devait varier selon la fortune du chapitre, les revenus étant à partager équitablement entre les chanoines avec généralement une part ou deux supplémentaire pour le doyen. En revanche, concernant les droits et usages, en relation avec les biens cédés, ils sont bien plus détaillés et nous permettent d’appréhender l’aire d’influence des chapitres et l’étendue de leurs droits propres qui semblaient relativement importants. Cependant, malgré les informations apportées par ces actes, il n’est pas possible de dire que les chapitres à l’intérieur de Bourges étaient mieux dotés que ceux à l’extérieur de la cité épiscopale. En revanche, il est presqu’évident que les établissements à l’intérieur de la ville épiscopale étaient plus enclins à recevoir de l’aide ou un soutien financier de la part de l’archevêque ou du chapitre cathédral. De plus, l’étude menée dans la troisième partie, concernant le temporel, montrera probablement que les chapitres urbains étaient mieux dotés que les chapitres ruraux, car ils recevaient des rentes, cens sur des prés, vignes, maisons, etc. Jacques Péricard a envisagé cet aspect et indique que les collégiales permettent au roi et au pape de s’insinuer sur les terres seigneuriales pour prendre le contrôle de l’Église de Bourges, son évêque et ses relais. De plus, il précise que plusieurs communautés se placent sous le contrôle du chapitre cathédral pour assurer leur subsistance274. C’est pourquoi, après avoir envisagé la structure interne des différents chapitres, il faut s’intéresser aux acteurs majeurs qui ont contribué à la fondation de ces institutions canoniales et comprendre quel intérêt ils ont pu avoir à fonder ces chapitres en ces lieux en leur conférant de tels droits.

I.3. Les principaux acteurs

Les principaux acteurs des fondations de chapitres collégiaux sont tout d’abord les instigateurs, qu’ils soient ecclésiastiques ou laïques, mais également les individus les accompagnant.

274 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 63.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 65 Licence CC BY-NC-ND 3.0 I.3.1. Les fondateurs

Il est fondamental, quand on étudie une institution, de comprendre d’où elle vient et de qui elle émane. Cela peut en dire long sur les raisons de sa fondation et c’est le cas pour les chapitres collégiaux séculiers fondés dans le diocèse de Bourges au Moyen Âge.

I.3.1.1. L’archevêque de Bourges : Dagbert

Dagbert est un personnage central dans les fondations de chapitres collégiaux autour de l’an mil, tout simplement parce qu’il est le seul personnage ecclésiastique à avoir fondé des chapitres et qu’en plus il est souvent présent pour les fondations pour lesquels il n’est pas l’initiateur. Tout d’abord, il est intéressant de s’intéresser à ce personnage, pour savoir qui il est et d’où il vient. En effet, comme il a été dit précédemment, les archevêques de Bourges le précédant faisaient partie des grandes familles locales : Géronce (914-948)275 et son successeur Laune (948-955)276 faisaient partie de la famille de Déols. Laune était le frère d’Ebbes Ier, qui selon Guy Devailly avait quitté Bourges pour s’installer sur ses terres à Déols lors du partage du Berry entre Guillaume le Jeune et Raoul de Bourgogne277. Cette hypothèse est plausible et marquerait une certaine scission dans les relations entre les seigneurs implantés à Déols et les comtes, puis vicomtes de Bourges. À la suite de Laune, Richard Ier (957-968/969) était le fils du vicomte de Tours, Thibaud et de Richilde. Il était donc le frère de Thibaud le Tricheur, comte de Chartres et de Blois278. Le fils de ce Thibaud le Tricheur, Hugues, lui succèdera (959-985)279 sur le siège épiscopal, ce qui démontre, à la suite de la transformation du comté de Bourges en vicomté en 926, une influence nouvelle émanant des comtes de Bois-Chartres venue du nord-ouest. De plus, Hugues est le frère d’Eudes Ier, comte de Blois, dont l’épouse, Berthe de Bourgogne, se marie en 996 en secondes noces avec le roi de France, Robert II le Pieux. Ne peut-on pas y voir ici l’ingérence du roi de France dans le contrôle du Berry ? Le successeur d’Hugues est Dagbert (987-1012)280, dont les origines sont relativement floues, contrairement à ses prédécesseurs. Marion Gasmand indique que Guy Devailly ne s’est

275 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 272. 276 Ibid.. 277 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 125. 278 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 272. 279 Ibid., p. 273. 280 Ibid..

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 66 Licence CC BY-NC-ND 3.0 pas prononcé sur cette question281 tandis que Christian Lauranson-Rosaz, repris par Jacques Péricard, émet l’hypothèse que l’archevêque faisait vraisemblablement partie de la famille des seigneurs de Bourbon282, dont l’influence est croissante au sud du diocèse, mais le rôle considérable qu’a joué Dagbert ne se situe pas tant dans ses origines que dans les relations étroites qu’il avait avec le roi et qui seront développées ultérieurement. Il est cependant intéressant de mettre en relation l’individu en place sur le siège épiscopal et les puissances du diocèse, ce qui montre une immixtion évidente du domaine politique dans le domaine religieux. Quant au rôle de l’archevêque dans les fondations étudiées, Dagbert a deux fonctions majeures : celui d’initiateur de la fondation et un rôle de participation. Il aurait lui-même fondé le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges entre 997 et 1012283 au sud de la cathédrale, l’acte de fondation ne nous est pas parvenu ce qui ne permet de connaître les modalités ordonnées lors de la fondation, ni les individus qui y étaient présents. Concernant Notre-Dame de Montermoyen, l’église n’est attestée qu’en 1025284. Cependant, je prends le parti de dire que la fondation remonte au plus tard à 1012285, et sûrement une fondation épiscopale. De plus, l’ensemble des fondations dans la ville de Bourges date de 1012 et je pense que ce fut à cette époque que les derniers chapitres ont été fondés dans la cité épiscopale. Concernant le chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay, il est indiqué dans un acte de 1106 que le « clergé » de Saint-Outrille-du-Château de Bourges a fondé ce chapitre286. Or, l’archevêque de Bourges étant l’instigateur de la fondation de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, il est quasiment évident qu’il ait donné l’impulsion d’une fondation à Graçay, même si la question se pose de savoir si le seigneur de Graçay ou du Nundray n’avait pas commandé une telle fondation.

281 Marion GASMAND, Les évêques de la province ecclésiastique de Bourges (milieu Xe – fin XIe siècle), Paris, Connaissances et Savoirs, 2007, p. 70. 282 Christian LAURANSON-ROSAZ, L’Auvergne et ses marges (Velay, Gévaudan) du VIIIe au XIe siècle : la fin du monde antique ?, Le Puy-en-Velay, Les Cahiers de la Haute-Loire, 1987, p. 146-147 ; Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 274, note 1 ; Marion GASMAND, Les évêques de la province ecclésiastique de Bourges, op. cit., p. 70. 283 Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Outrille de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 27/9/2017, consultée le 20/6/2018. 284 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 60. 285 Denis de Sainte-Marthe date également cette fondation autour de 1012 dans Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, col. 121. 286 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 67 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Dagbert a été très tôt présent aux fondations de chapitres collégiaux, autour de l’an mil, il a consacré l’église Notre-Dame de Graçay en l’honneur de Sainte-Croix et de Sainte-Marie287, deux conjectures peuvent être données à cela : Saint-Outrille-du-Château de Bourges ayant été fondé avant l’an mil, Dagbert a donné l’impulsion au seigneur de Graçay, pour fonder ce chapitre, cela paraît plausible, la deuxième hypothèse serait l’inverse, une impulsion de la part des seigneurs de Graçay pour fonder le chapitre de Bourges, cette hypothèse n’étant vraisemblablement pas valable. Dagbert a ensuite assisté à la fondation de Saint-Silvain de Levroux en 1012, qu’il exempte de droits de synode et de parée288. Or l’acte ici énonce clairement le rôle de l’archevêque dans la fondation : certes le chapitre de Levroux a été fondé par l’auteur de l’acte, Eudes de Déols, mais Dagbert avait fondé l’église avant289, il ne restait donc plus qu’à « l’orner » d’un collège de chanoines. Dagbert est également signataire de l’acte de restitution de Saint-Pierre-le-Puellier le 30 des calendes de janvier 1012290 et confirme en plus d’être signataire, la restitution de Saint-Ambroix de Bourges le 3 août de la même année291. Enfin, Dagbert est mentionné comme décédé dans la charte de restauration de Saint-Ursin de Bourges292, ce qui indique qu’il devait avoir eu un rôle relativement important pour qu’il soit cité post mortem, peut-être avait-il anticipé ou entrepris d’ériger un collège de chanoine dans l’église dédiée au premier archevêque de Bourges, mais qu’il est mort avant de concrétiser ce projet. Cependant, cela va en partie en contradiction avec une fondation autour de l’an mil par le prieur Gédéon293, personnage pour lequel nous n’avons pas plus d’information, mais peut-être membre du chapitre cathédral, sauf s’il l’on prend en compte une probable ruine ou un besoin de réhabilitation du chapitre par une plus haute autorité. Enfin Dagbert fut enterré à Saint-Outrille-du-Château de Bourges294, ce qui incite à penser que ce fut la première fondation de l’archevêque, et plus précoce que les suivantes dans la ville de Bourges. Ce fut ensuite au tour de ses successeurs d’assister à la fondation de chapitres. Pour leur part, Gauzlin (1012-1030), fidèle de Robert le Pieux et Aimon (1030-1070), descendant de la famille de Bourbon, n’ont fait qu’assister à des fondations. Même si pour Gauzlin, cela n’est

287 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 639. 288 AD Indre, G 110, fol. 15v. 289 AD Indre, G 110, fol. 15v : « ecclesiam Leprosi, in Dei Sanctique Silvani fundatam honore, archiepiscopi Bituricensis Dacberti ». 290 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 42, n° XLIX (30 des calendes de juillet 1012). 291 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 292 Ibid., p. 196-199 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232. 293 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 223. 294 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 206.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 68 Licence CC BY-NC-ND 3.0 pas certain, le fait que la fondation de Notre-Dame-de-Sales se situe à Bourges295 rend légitime de penser que l’archevêque, consacré le 1er décembre 1012296, devait être présent297 ; ici encore, l’absence d’acte ne permet que de faire des suppositions. En revanche, Aimon de Bourbon, lui, a participé à deux fondations. En août 1034, il informe et donne son accord pour la fondation de Saint-Pierre de Saint-Satur et confie également l’immunité et la liberté du lieu aux chanoines298. C’est également le seul acte qui mentionne la présence d’autant d’évêques : Étienne, évêque du Puy, Rancon, évêque de Clermont, Ragimund, évêque de Mende, Amel, évêque d’ et Dieudonné, évêque de Cahors. Jacques Péricard indique que cette fondation a été effectuée « en marge d’un concile réunissant les évêques de la province »299, ce qui explique tant la quantité de signataires que le nombre de personnalités importantes présentes à ce moment, ce qui est un cas isolé dans les fondations des chapitres étudiés. Ce concile devait se tenir pour le rétablissement de la paix, le maintien de la foi, pour porter les peuples à reconnaître la bonté de Dieu, et les détourner de leurs désordres par le souvenir des maux passés300. Ce besoin de reconnaissance et de regain de ferveur religieuse explique l’affirmation d’une telle fondation. En 1048, Aimon de Bourbon est encore présent lors de la restitution de Saint-Ursin de Montcenoux, situé dans l’archidiaconé de Bourbon, chapitre restauré par son frère301, ce qui rappelle grandement les enjeux de pouvoir et les manœuvres visant à rapprocher l’archevêque d’une puissance politique forte. Finalement nous arrivons à un classement des fondations par les archevêques de Bourges, ou en leur présence, traduite par le tableau suivant.

295 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235. 296 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 275. 297 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 60, indique que dans son Essai de reconstitution du cartulaire de Notre-Dame de Salles, Louis Buhot de Kersers mentionne une fondation par Dagbert, aidé par Geoffroy vicomte de Bourges et avec le consentement du roi. 298 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 299 Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 276. 300 Adolphe Charles PELTIER, Dictionnaire universel et complet des conciles tant généraux que particuliers, des principaux synodes diocésains et des autres assemblées ecclésiastiques les plus remarquables…, Paris, J.-P. Migne, 1847, t. 1, p. 185. 301 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 69 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Tableau 9 : Rôle des archevêques de Bourges dans les fondations

Archevêque Acteur Spectateur Types de chapitres

2 2 + 1 mention post mortem Urbains Dagbert 1 2 Ruraux

1 Ø Urbain

Gauzlin Ø Ø Ruraux

Aimon 1 1 Ruraux

Cependant, pour pouvoir faire des hypothèses complètes concernant les raisons des fondations à cette époque, il faut analyser quelles étaient les personnes laïques fondatrices de chapitres collégiaux.

I.3.1.2. Les laïcs

Parmi les laïcs, Geoffroy, le vicomte de Bourges, a joué un rôle important dans les fondations, viennent ensuite les différents seigneurs locaux.

• Geoffroy le Noble, vicomte de Bourges

Geoffroy Le Noble, vicomte de Bourges durant la première moitié du XIe siècle, mais dont la chronologie n’est pas avérée, a été le principal fondateur de chapitres à l’intérieur de la ville de Bourges. En effet en 1012, il a été l’instigateur de trois fondations, toutes à l’intérieur de la ville de Bourges : le 3 août, Geoffroy, son épouse, ses fils et ses frères sont signataires de l’acte de restitution de Saint-Ambroix de Bourges302, son action est justifiée par leur volonté de ne plus détenir injustement les biens de cette église. De plus selon La Thaumassière, ils font rebâtir les cloîtres et dortoirs des religieux, mais ce n’est pas précisé dans l’acte. En revanche il reprend une erreur formelle de l’acte qui indique que ce don est fait en l’an dix du roi Robert

302 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192 ; Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 366-367, n° 145 (av. 1098).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 70 Licence CC BY-NC-ND 3.0 (1006) et en l’an huit de Dagbert à la tête de la cathédrale de Bourges (995)303, la date de 1012 étant indiquée dans la première phrase de l’acte. La question se pose donc d’une copie fausse de l’acte original, car ces erreurs sont trop évidentes, cela rappelle l’acte faussé du cartulaire de Levroux, dont je reparlerai ultérieurement. La Thaumassière indique également que Geoffroy et son épouse font transférer dans l’église le corps de saint Ambroix, évêque de Cahors, mort en 770 et enterré au bourg d’Arnon, translation effectuée à l’octave de Pâques, peut-être la même année que la fondation ; le corps est déposé dans la sacristie. Cependant, l’auteur indique aussi qu’ils instituent des chanoines réguliers304, ce qui est inconcevable, puisque les régularisations sont des mouvements ecclésiastiques de la fin du XIe siècle visant à retirer la mainmise laïque sur les églises et leurs biens, fonder un chapitre de chanoines réguliers revient, pour le vicomte, à perdre tous les biens qu’il cède, alors qu’avec des séculiers, il peut plus facilement garder des droits sur les terres ou individus cédés. Denis de Sainte-Marthe, lui, admet Geoffroy comme fondateur restaurateur de l’église en 1012, mais en l’ayant demandé à l’archevêque Dagbert ; il précise également l’instauration de chanoines séculiers, précédant la mise en place de chanoines réguliers305. En revanche, concernant la date de fondation, Jacques Péricard la ramène à 997306, je pense néanmoins que la ramener à 1012 serait plus juste en lien avec le mouvement de l’époque. Concernant la fondation de Saint-Ursin de Bourges, Geoffroy restitue le chapitre avec son frère Roger, Heldebruge, son épouse et Geoffroy et Madalbert ses fils307. Le chapitre est bien doté avec un ensemble de restitutions autour de Bourges et de Sancerre, qui seront détaillées en troisième partie308. Cette fondation pouvait être un prolongement de ce qu’ils avaient donné vers l’an mil, lors du rétablissement du chapitre par le prieur Gédéon, mais les écrits de La Thaumassière ressemblent grandement à ceux de l’acte de fondation, tout en précisant la volonté des seigneurs de rendre au chapitre les biens qu’ils avaient usurpés309.

303 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192 ; Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 366-367, n° 145 (av. 1098) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 242. 304 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 242. 305 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, col. 180. 306 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 59. 307 Voir Tome d’annexes, Annexe 16 : « Généalogie des vicomtes de Bourges, Xe-XIe siècles », p. 40 ; Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 59 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 223. 308 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 66. 309 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 71 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Comme je l’ai déjà évoqué, il faut prendre garde à ce que dit cet auteur, même si certains faits sont avérés. Cependant, il a pu accéder à des documents aujourd’hui disparus et il n’est donc pas permis d’ignorer les informations qu’il donne. Comme je l’ai dit précédemment, il est possible que le don de 1012 soit un rétablissement plus approfondi que celui du prieur Gédéon, rendant ainsi la primauté de la restauration au vicomte de Bourges. Enfin, la dernière fondation par Geoffroy le Noble est celle de Notre-Dame-de-Sales. Même si la date est faussée par La Thaumassière310 qui la ramène en 1003, il est certain que le chapitre fut fondé vers 1012. Geoffroy est toujours accompagné de son épouse, qui aura participé à toutes ses fondations ; toujours selon La Thaumassière, ils auraient instauré des chanoines réguliers311, ce qui est improbable comme je l’ai expliqué ci-dessus concernant Saint-Ambroix de Bourges ; de plus d’autres conjectures vont dans le sens d’une instauration de chanoines séculiers en 1012312. Ces fondations par le vicomte de Bourges au sein même de la ville de Bourges peuvent être le reflet d’une concurrence directe entre le vicomte de Bourges et l’archevêque en place. Les fondations du vicomte, qui ont eu lieu plutôt en dernier, sont probablement une réponse aux fondations archiépiscopales montrant ainsi une volonté de dominer l’autre partie. L’appel à l’archevêque pour confirmer les fondations semble logique et outre une idée de concurrence entre les parties, il faut également envisager une entraide ; en effet, le vicomte représenterait le côté temporel, cédant aux différents chapitres ses terres et ses biens. Il interviendrait à la suite des autres fondations épiscopales probablement parce que les biens du chapitre cathédral ou de l’archevêque devaient être insuffisants pour permettre de donner une autonomie aux chapitres fondés ultérieurement ; l’archevêque, lui, ne représenterait dès lors plus que le côté spirituel en consacrant les dons et les fondations selon un rituel bien défini et une cérémonie devant être importante, pour ne pas dire somptueuse.

• Ébrard le Noble, seigneur d’Issoudun

Ébrard le Noble n’est connu que pour la fondation de Saint-Pierre-le-Puellier dans la ville de Bourges. Sa dénomination de « Noble » renvoi au même titre que Geoffroy, c'est-à-dire

310 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235. 311 Ibid. ; Jacques TROADEC, « Notre-Dame de Sales », art. cit., p. 265, l’auteur reprend cette idée en la datant de la fin du Xe siècle ou du début du XIe siècle. 312 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, col. 122 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 60.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 72 Licence CC BY-NC-ND 3.0 à un titre seigneurial. Geoffroy, vicomte de Bourges assiste lui-même à la restauration du chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier. La Thaumassière l’estime avoir été sinon vicomte alors co-vicomte de Bourges313, or ce titre n’apparaît nulle part dans les sources ou dans les écrits. Cependant, la ville de Bourges et cité épiscopale devait avoir des « nobles » ou personnes tout du moins fortunées. S’il y avait eu un lien de parenté avec le vicomte, il aurait été explicité, mais dans tous les cas, cet Ébrard était une personne reconnue dans la région et ayant intérêt dans une fondation à l’intérieur de la ville de Bourges, il devait donc y habiter ou être des environs. L’assimilation que j’entreprends avec Ébrard du Four, seigneur d’Issoudun peut être logique car cet individu a lui-même un fils qui se nomme Ébrard, comme l’indique l’acte de restitution de Saint-Pierre-le-Puellier, ce fils étant chanoine de Vatan et d’Issoudun ; cependant, il ne leur est pas connu de frère se nommant également Ébrard. Ébrard du Four, lui, est reconnu pour avoir donné des biens aux abbayes de Vierzon et de La Vernusse, et se fit religieux dans cette dernière, montrant ainsi la piété de ce seigneur314. De plus, la datation de cet acte est floue car l’année n’est pas citée ; il peut donc être daté de 997 à 1012315, en revanche, la liste des souscripteurs, qui est quasiment la même que pour les actes mentionnés préalablement, laisse bien penser à une date autour de 1012. La Thaumassière indique encore que les fondateurs, donc Ébrard le Noble et Ébrard son frère, ont rendu les biens en dépendance que leurs prédécesseurs avaient usurpés, du consentement du vicomte de Bourges316. Cet auteur justifie toujours les restaurations de chapitres collégiaux comme des rétrocessions de biens usurpés auparavant par les laïcs, ce qui n’est pas justifié à mon sens car si ce fut le cas, les laïcs ont peut-être acquis ces biens d’institutions précédentes désertées. De plus l’auteur encore une fois évoque l’installation de chanoines séculiers succédant aux réguliers317, alors que l’acte dit clairement que les vierges resteront dans l’établissement. Certes, les vierges suivaient bien une règle, mais n’étaient pas pour autant considérées comme chanoinesses. Le fondateur de cet établissement est donc mal connu de la bibliographie locale, où il n’y apparaît quasiment pas et ne permet de faire que des suppositions quant à son identité. Cette carence peut être due au fait que la fondation ait été plus antérieure que celles du vicomte de

313 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 238. 314 Ibid., t. 2, p. 158. 315 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 60 ; Françoise PREVOT, Xavier BARRAL i ALTET, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, op. cit., p. 22. L’acte de fondation rappelle que la communauté de chanoines a remplacé celle des religieuses. 316 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 238. 317 Ibid. ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 221.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 73 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Bourges, engageant Geoffroy, en tant que laïc, à établir des chapitres de chanoines dans la ville de Bourges.

• Renaud, seigneur de Graçay

Vers l’an mil, Raynaud, seigneur de Graçay est le fondateur du chapitre Notre-Dame de cette ville avec Sulpice son fils et ses filles. Ils font une série de dons au chapitre sollicités par ce dernier318. L’acte aujourd’hui copié mais tronqué ne permet pas d’avoir une datation exacte. Certains auteurs admettent la fondation en 1002319, Olivier Guillot la date plus précocement vers le 23 octobre 999 ou le 24 octobre 1000320, ce dernier indique que Renaud a fondé l’église de Sainte-Croix de Graçay et l’a faite consacrer par l’« évêque » Dagbert en présence du comte d’Anjou Foulques Nerra. À l’origine, quatre souscriptions auraient été notées sur l’acte, le comte Foulques est considéré comme un « témoin », Olivier Guillot indique également que la souscription de la reine Constance n’a pu être rajoutée qu’après coup321. Concernant la fondation en elle-même, l’acte ne permet pas d’en savoir beaucoup plus, mais la situation même du chapitre semble être relativement importante, car il est situé en plein cœur du petit archidiaconé de Graçay. En effet, la présence ici du comte d’Anjou n’est pas anodine : il est à cette époque en conflit avec les comtes de Blois-Chartres pour agrandir son territoire, et fonder, même comme « témoin », un chapitre dans le diocèse de Bourges lui permet d’avoir un soutien et une mainmise sur place. Le seigneur de Graçay était probablement un de ses vassaux ; la fondation de Saint-Outrille-lès-Graçay par l’archevêque de Bourges, qui a dû la précéder ou succéder de près, semble logique pour contrecarrer une éventuelle offensive et marquer une présence bien nette de l’archevêque et peut-être du vicomte de Bourges ou du roi sur place, car comme il a été dit en introduction, quand le titre de comte de Bourges a disparu en 926, le Haut-Berry était sous l’influence des comtes de Blois-Champagne322. De fait, jusqu’en 1007, les seigneurs de Graçay continuent d’enrichir leur chapitre et ses membres en leur donnant des

318 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000). 319 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 639 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 173 et 178 ; Benoît TAHON, « L’église Saint-Martin de Graçay (fin XIe-XIIe siècles) », art. cit., p. 46. 320 Olivier GUILLOT, Le comte d’Anjou et son entourage au XIe siècle, t. 2, Catalogue d’actes, Paris, J. Picard, 1972, p. 28, c. 15 ; p. 29 l’auteur précise que l’original est perdu et indique une copie dans le cartulaire du chapitre de Graçay fol. 2, probablement détruit dans l’incendie de 1859 et affirme ses dires d’après la copie incomplète de Raynal. Il date l’acte d’après la souscription du roi Robert. 321 Ibid.. 322 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 109.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 74 Licence CC BY-NC-ND 3.0 droits et coutumes et en leur cédant des biens affranchis et amortis sans aucune charge, leur laissant ainsi l’indépendance pour augmenter ou diminuer leurs prébendes, selon leur volonté. Leurs dons seront détaillés avec précision en troisième partie.

• Les seigneurs de Déols, fondateurs à l’échelle familiale

Depuis Ebbes Le Noble au début du Xe siècle, les seigneurs de Déols se sont rendus maîtres du Bas-Berry possédant une grande principauté certainement représentative de l’archidiaconé du même nom. L’influence d’Ebbes le Noble devait être importante jusqu’à Bourges car son frère Laune était archevêque de la ville de 948 à 955, mais leur délocalisation a certainement atténué leur influence sur Bourges au profit des comtes de Blois. En revanche, ils n’ont cessé de gérer à bon escient leur territoire au point d’être l’une des familles seigneuriales les plus puissantes du diocèse et ils ont été de grands fondateurs de chapitres collégiaux dans le diocèse de Bourges. Relativement au chapitre de La Châtre, les origines sont sujet à controverse : selon une bulle d’Innocent II de 1130 et une autre d’Innocent IV de l’an huit de son pontificat, charte que je n’ai pas trouvé, je pense qu’il y a une erreur de date dans les références, l’église de La Châtre aurait été consacrée vers 990-991323, cela corroborerait l’Essai sur la ville de La Châtre attribuée au chanoine Carcat datant la fondation du chapitre à la fin du Xe siècle, or un acte du XVe siècle fait remonter ses origines sous Ebbes le Noble, fondateur de l’abbaye de Déols en 917 et mort à Orléans en 935, ce qui indique la volonté de faire vieillir les origines du chapitre pour avoir plus de prestige324. De plus, en 1730, dans une prière officielle adressée à l’assemblée générale du clergé, les auteurs, inconnus, attribuent la fondation du chapitre à Ebbes de Déols, seigneur de La Châtre et de Châteauroux et autres lieux, prince du Bas-Berry en l’an mil, ce qui est un anachronisme puisqu’à cette époque le seigneur de Déols est Raoul le Chauve, donc cela rabaisse la date de fondation325. La Thaumassière indique qu’Ebbes II de Déols vivait au milieu du XIIe siècle (1138-1160) et pense donc que c’est ce personnage qui a fondé le chapitre326 ; en outre cette dernière supposition est peu viable car vers 1098-1099, un acte fait référence au réfectoire des chanoines327. La fondation est donc

323 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 8 ; Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 99. 324 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 53-54. 325 Ibid., p. 54. 326 Ibid. ; Abbé DAMOURETTE, « Excursions de saint Martin, évêque de Tours en Berry », art. cit., p. 464. 327 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 55 ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 254-255, n° 65 (1098-1099) ; Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 99.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 75 Licence CC BY-NC-ND 3.0 attribuée à Ebbes de la maison de Déols, certainement Ebbes de Déols, dit de La Châtre, seigneur du lieu depuis 1012, époque de fondations massives de collégiales en Berry. Cette même année, Eudes, seigneur de Déols, son frère, fonda le chapitre Saint-Silvain de Levroux328. Les origines du chapitre Saint-Germain de La Châtre étant si floues, manque d’acte à l’appui, il est évident que cela montre la complexité de rendre compte des structures internes des chapitres lors de leur fondation. En revanche, il est une fondation déoloise dont nous avons un acte, en partie faussé, mais collationné dans le cartulaire du chapitre et en excellent état actuellement, il s’agit de celui de Levroux. La Châtre, est située au sud-est de la principauté, le long de l’Indre, Levroux est située au nord, tournée vers les collégiales déjà fondées de Graçay et de Vatan. L’acte de fondation daté en 819, il faut rabaisser la date à 1012, ce qui s’inscrit dans la tendance des fondations de l’époque329, cette forgerie peut peut-être faire écho au flou concernant les origines du chapitre de La Châtre et la volonté des auteurs de faire remonter le plus loin possible la date de fondation. Ici en effet plusieurs causes sont envisageables pour Levroux : la proximité avec le concile d’Aix de 817 déterminant les règles des chanoines ; mais également la possibilité de vouloir faire remonter la fondation de Levroux avant celle de l’abbaye de Déols, fondée en 917, qui était un établissement aussi puissant que les seigneurs de Déols eux-mêmes au Moyen Âge. Dans cet acte de fondation, il est précisé que Dagbert a fondé l’église, mais le seigneur l’ d’un chapitre de chanoines. Datée du mois de mai, si le mois indiqué est le bon, la fondation serait antérieure à celle de Saint-Pierre-le-Puellier et donc antérieure aux fondations connues du vicomte de Bourges. D’ailleurs, la question se pose des relations entre les deux familles, qui de loin peuvent paraître anodines, mais en s’y penchant un peu plus, on remarque très bien les liens familiaux les unissant. En effet, le vicomte de Bourges n’est pas mentionné pour la fondation de Levroux, mais pour les différentes fondations de Bourges, sont mentionnés parmi d’autres témoins, sans en spécifier leur qualité de seigneur, ni le lieu d’où ils viennent, deux Eudes, un Raoul et un Ebbon pour la fondation de Saint-Pierre-le-Puellier330 et un Raoul, un Odon et un Ebbon, pour la restauration de Saint-Ambroix de Bourges, charte dans laquelle le vicomte indique qu’il incite les plus nobles de la région à faire des dons au chapitre dont Eudes de Déols et Ebbon son frère331. De plus, il est indiqué au début de cet acte que le vicomte fait

328 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 55 ; AD Indre, G 110, fol. 15v ; Voir Tome d’annexes, Annexe 15, « Généalogie des seigneurs de Déols Xe-XIe siècles », p. 39. 329 AD Indre, G 110, fol. 15v. 330 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 42, n° XLIX (30 des calendes de juillet 1012). 331 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192 ; Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 366-367, n° 145 (av. 1098).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 76 Licence CC BY-NC-ND 3.0 la restauration pour le soin de son âme, de celle de son épouse Heldebruge, puis plus loin pour Eudes et Ebbe ses frères et enfin pour l’âme du père de sa femme, Raoul. Je n’ai pas pu établir si les frères mentionnés étaient en fait les beaux-frères du vicomte de Bourges, ce que je pense être valable, puisqu’ils seraient les frères d’Heldebruge, fille de Raoul II Le Chauve332. L’union de ces deux familles puissantes est remarquable car jusqu’en 1012, ils avaient à eux seuls fondé cinq chapitres sur les douze attestés, soit presque la moitié. Il est toutefois étonnant qu’aucun seigneur de Déols ne soit mentionné pour la restauration de Saint-Ursin de Bourges333. Enfin, la dernière fondation et la plus tardive de la famille de Déols, Neuvy-Saint-Sépulchre, a des origines tout aussi floues que celles de Saint-Germain de La Châtre. La fondation du chapitre Saint-Jacques-le-Majeur de Neuvy-Saint-Sépulchre est évoquée dans les chroniques de quatre provinces voisines, mais sont datées de différentes années334 : la chronique de Limoges la date en 1042335, celle d’ en 1045336, celle d’Autun entre 1039-1049337 et enfin la chronique de Tours en 1046338, donc elle fut probablement commencée en 1042 et finie en 1046. La chronique d’Angers indique Geoffroy, vicomte de Bourges comme fondateur, sur les terres de son beau-frère, Eudes de Déols, avec lequel il venait d’être en guerre, ou pour cimenter la paix et expier la mort du fils d’Eudes de Déols, qui était récemment revenu de voyage en Terre Sainte et avait admiré l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem339 ; Simon Bryant, lui, évoque une fondation entre 1042 et 1045 par Eudes de Déols340. Selon Caillaud, dont le récit est très orienté pour une réhabilitation de la relique du Précieux Sang de Neuvy-Saint-Sépulchre déposée au XIIIe siècle, le chapitre de Neuvy n’existait pas en 1079341. Il s’appuie sur l’acte du pape Grégoire VII à Boson, seigneur de Cluis

332 Voir Tome d’annexes, Annexe 15, « Généalogie des seigneurs de Déols (Xe-XIe siècles) », p. 39 ; Annexe 16, « Généalogie des vicomtes de Bourges (Xe-XIe siècles) », p. 40. 333 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199. 334 Jean-François Xavier CAILLAUD, Notice historique et archéologique sur l’église de Neuvy-Saint-Sépulcre, Paris, Imprimerie impériale, 1866, p. 73 ; Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 218. 335 Congrégation de Saint-Maur, Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, L. F. Delatour et Compagnie, 1767, t. 11, p. 282. 336 Ibid., p. 149. 337 Ibid., p. 347. 338 Ibid., p. 308. 339 Jean-François Xavier CAILLAUD, Notice historique et archéologique sur l’église de Neuvy-Saint-Sépulcre, op. cit., p. 74 ; Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 219, pour la fondation par Geoffroy selon la chronique d’Anjou. 340 Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », art. cit., p. 176. 341 Jean-François Xavier CAILLAUD, Notice historique et archéologique sur l’église de Neuvy-Saint-Sépulcre, op. cit., p. 74.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 77 Licence CC BY-NC-ND 3.0 en indiquant qu’il est fait mention de clercs, mais qui ne sont pas appelés chanoines342. Émile Chénon s’appuie également sur une chronique de Guillaume Godel, archevêque de Bourges, qui indique que l’église de Neuvy-Saint-Sépulchre fut fondée en présence d’Eudes le Roux, seigneur du château de Déols et de Boson, seigneur de Cluis, dans le domaine duquel était situé le lieu déjà appelé Novicus, lieu ayant appartenu à Girard de Vienne, ce qui implique trois seigneurs différents pour cette fondation343. Chénon étudie ce que dit Louis de Raynal sur ce point : Boson est seigneur de Cluis et la fondation se situe bien sur son domaine et sa châtellenie. Girard de Vienne est un personnage inconnu assimilé au Girard mentionné avec son frère en janvier 841 lors d’un don à l’abbaye de Saint-Sulpice de la Nef, ce qui ferait un écart inconcevable de deux cents ans. Eudes le Roux est un seigneur de Déols, aussi nommé Eudes l’Ancien, un vassal très fidèle du duc d’Aquitaine Guillaume le Grand. Ils ont fait ensemble un voyage à Rome en 1024344 et un pèlerinage en 1026 pour Jérusalem. Ils arrivent en mars 1027345. En 1038, une guerre violente oppose Eudes l’Ancien à son beau-frère, Geoffroy, vicomte de Bourges, qui a tué de sa main l’un de ses fils, Ebbe de Déols, et dont Aimon de Bourbon, archevêque de Bourges, crut devoir prendre le parti. Geoffroy fut vaincu dans un combat donné près du Cher346. Eudes l’Ancien fut présent à la dédicace de l’église de la Sainte-Trinité à Vendôme et naturellement fut présent à la fondation de Neuvy dont le rattachement à l’église de Jérusalem eut lieu probablement sous son inspiration. Geoffroy, le troisième individu présent (dont la présence est en fait incertaine), est peut-être un vicomte de Bourges, Geoffroy Meschin347. Les vicomtes de Bourges n’avaient aucun droit de propriété, ni aucun droit de juridiction sur Neuvy. Boson, seigneur de Cluis a dû fonder le chapitre avec l’accord de son suzerain, Eudes de Déols348. Quelques reliques du Saint-Sépulcre avaient probablement été rapportées par Eudes de Déols ou un autre pèlerin avant 1087349. Tout de même, en croisant toutes ses informations, il est évident que le lien avec Eudes de Déols est essentiel ; Boson était sûrement un vassal puissant et la différence avec les autres fondations

342 Jean-François Xavier CAILLAUD, Notice historique et archéologique sur l’église de Neuvy-Saint-Sépulcre, op. cit., p. 86 ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 203-204, n° 43 (28 juin 1079). 343 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 219. 344 Ibid., p. 220. 345 Ibid., p. 221 ; Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », art. cit., p. 176, indique la présence de Guillaume Taillefer, comte d’Angoulême, et sans doute d’autres fidèles plus humbles. 346 Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », art. cit., p. 221. 347 Ibid., p. 222. 348 Ibid., p. 223. 349 Ibid., p. 225.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 78 Licence CC BY-NC-ND 3.0 des seigneurs de Déols est qu’ils ne sont pas directement maîtres du territoire, alors qu’à La Châtre, puis plus tard à Levroux sous la branche des Chauvigny, ces villes sont transmises aux frères ou aux descendants des seigneurs de Déols. La supposée présence du vicomte de Bourges est probablement à prendre en contrepied avec le fait qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait assisté à une fondation déoloise auparavant. De plus, cela fait à cette époque pour ces deux familles, les fondateurs de la moitié des collégiales du diocèse, ce qui est très important et montre leur richesse. Cependant, là où la fondation de Levroux et La Châtre, au nord et au sud de la principauté, semblaient être des signes de puissance envers les seigneurs voisins, la fondation de Neuvy-Saint-Sépulchre, plus tardive et à première vue située dans une ville qui ne leur permet pas d’établir leur puissance, semble plutôt avoir un caractère religieux propre. La thèse de l’expiation de la mort d’Ebbe de Déols peut être un prétexte pour une fondation, mais de retour de la Terre-Sainte, où le seigneur Eudes de Déols avait pu admirer le Saint-Sépulcre de Jérusalem, lié à ses fondations précédentes qui, tout du moins pour Levroux, montre de réels signes de piété, je pense que cette institution a été créée pour avoir un rayonnement majestueux, et être prompte à devenir la source ou le prolongement d’un pèlerinage. En effet, cet établissement a été clairement pensé, la forme de la collégiale, devant être calquée sur le Saint-Sépulcre de Jérusalem, la dénomination, et enfin, les reliques détenues par les chanoines, même s’il est compliqué de savoir qu’elles étaient les reliques déposées par Eudes de Déols, ou celles qu’il avait pour projet d’établir en ce lieu. De plus, ce chapitre semble dès l’origine être sous la tutelle et la juridiction du Saint-Sépulcre de Jérusalem, qui lui confère un prestige certain et un caractère inviolable et laisse penser que cette fondation attirerait les foules dans la région, créant un dynamisme plus important dans le sud du diocèse. Les fondations des seigneurs de Déols s’échelonnent sur une trentaine d’années, en début et à la fin du règne d’Eudes l’Ancien (1012-1037/1044) et montrent un projet important à l’échelle familiale. Les liens unissant cette famille semblent très forts350 et les a conduits à dominer une grande partie du Bas-Berry et à fonder des établissements prestigieux, dont Levroux, remarquable par son développement et son activité et Neuvy-Saint-Sépulchre pour la dévotion aux saintes reliques. Le manque d’informations sur le chapitre de La Châtre ne permet pas de dire si cet établissement a acquis une notoriété aussi forte que les deux précédentes. De plus, si les datations sont exactes, Eudes de Déols, avec la fondation de Levroux, a probablement été l’initiateur de ce mouvement de fondations, continué à Bourges par le vicomte

350 Voir Tome d’annexes, Annexe 15, « Généalogie des seigneurs de Déols (Xe-XIe siècles) », p. 39 ; Annexe 16, « Généalogie des vicomtes de Bourges (Xe-XIe siècles) », p. 40.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 79 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Geoffroy, son beau-frère. Les liens forts, mais à la fois ténus de ces deux familles devaient leur permettre de montrer leur autorité dans la région face à des puissances alentours qui convoitaient le Berry et le siège archiépiscopal. Face à ces grandes puissances, de plus petits seigneurs sont instigateurs de fondations.

• Des fondations tardives par des seigneurs quelconques ?

Le grand courant de fondations autour de 1012 étant passé, le Berry politique ne s’est pas pour autant stabilisé. Les premières fondations montrent clairement un projet politique et une volonté propre des seigneurs de montrer leur autorité dans le diocèse. Cependant, il peut être étonnant de constater des fondations à partir du second quart du XIe siècle. Ainsi en août 1034, Mathilde de Sancerre est initiatrice de la fondation de Saint-Pierre de Saint-Satur351. Il s’avère que cette fondation se déroule durant un concile important et que la liste de souscripteurs à cet acte est remarquable. À première vue, fonder un chapitre pendant un concile qui vise à maintenir la foi semble être une initiative religieuse propre et prestigieuse, or Mathilde de Sancerre serait en réalité l’épouse du comte de Blois Eudes II352, mais cela n’est pas certain. Cependant en 1015, Eudes II, comte de Blois a échangé avec son frère Roger, évêque de , une partie du comté de Beauvais contre la ville de Sancerre353, ce qui le rend maître du lieu et comte de la ville. Gimon, probablement seigneur de Château-Gordon, le père de Mathilde, devait être un vassal de Roger et devient celui du comte de Blois au moment de l’échange. Gimon décédé, Mathilde, dont l’acte précise qu’elle n’a pas de frère, fonde elle-même le chapitre de Saint-Satur, ce qui fait d’elle la seule femme réellement fondatrice d’un chapitre. La proximité avec le comte de Blois, aussi comte de Tours, est à mettre en lien avec la fondation de Notre-Dame de Graçay liée au comte d’Anjou et montre que le comte de Blois a repris pied dans le diocèse, mais en le « contournant », puisque la fondation est établie au nord-est en limite avec le diocèse d’Auxerre alors que Graçay est plutôt au nord-ouest du diocèse, et le comte de Blois aurait pu trouver un emplacement plus stratégique pour se poser en vis-à-vis avec le comte d’Anjou. Tout de même, la localisation de ce chapitre n’est pas hasardeuse et ressemble fortement à celle de Léré car elle se situe en limite du diocèse et sur

351 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 352 Ibid. ; Voir Tome d’annexes, Annexe 17, « Généalogie des comtes de Blois et de Sancerre (Xe-milieu du XIIe siècle) », p. 41. 353 Edme BAUGIER, Jean-Pierre BRANCOURT, L'intendance de Champagne à la fin du XVIIe siècle, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques 1983, p. 62.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 80 Licence CC BY-NC-ND 3.0 les bords de la Loire, ce qui est facile d’accès pour le comte de Tours. Je pense donc très nettement que cette fondation est initiée par Mathilde de Sancerre, sous l’impulsion du comte de Blois. En 1048 est fondé le chapitre de Saint-Ursin de Montcenoux par Archambault, seigneur de Bourbon qui rétablit le chapitre avec son épouse, ses frères et son fils. Ils engagent également les vassaux d’Archambault à faire un don au chapitre, comme il le fait lui-même354. Le seigneur de Bourbon, qui est présent dans les fondations depuis celle de Saint-Ursin de Bourges laisse penser que la seigneurie a pris de l’importance en quelques années et l’élection d’Aimon comme archevêque de Bourges en 1030 indique une montée en puissance venant du sud du diocèse et s’emparant du siège archiépiscopal. Cette fondation peut être prise comme un exemple, conseillée par l’archevêque à l’image des seigneurs précédents qui ont eu des ancêtres sur le siège épiscopal et étaient fondateurs de chapitres collégiaux (Déols, Blois). De plus, la mise en place de cette succursale de Saint-Ursin de Bourges dans l’archidiaconé de Bourbon offre un point d’appui et de défense à l’archevêque de Bourges au sud-est du diocèse. Durant au moins trente ans, les seigneurs de Bourbon ont fait des dons au chapitre, enrichissant par ce biais l’Église de Bourges. À la fin du XIe siècle ou au début du XIIe siècle, est fondé le chapitre de Saint-Ythier des Aix-d’Angillon entre Saint-Satur et Bourges. Gilon, le fondateur présumé, fonde le chapitre à côté du château établi dans cette ville355 ; il faisait certainement partie de la famille de Sully, venant de Sully-sur-Loire et qui ont préalablement fondé le chapitre de Saint-Ythier de la même ville et qui ont longtemps possédé la châtellenie des Aix356. Le vocable, unique dans le diocèse marque bien la particularité de cette fondation venue d’ailleurs. Gilon de Sully était marié à Eldeburge, petite-fille de Geoffroy le Noble357 ; de plus, la famille de Sully était, au début du XIIe siècle, en famille avec le comte de Blois : la fille de Gilon, Agnès, était mariée avec Guillaume, comte de Blois358, et Mahaut, la seconde fille de Gilon était mariée avec Eudes Arpin, dernier vicomte de Bourges. Cette fondation semble donc être un relai entre tout cela, marquant l’instauration d’une nouvelle puissance en Berry, celle des Sully qui grandira puisque

354 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 232. 355 Guy DEVAILLY, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, op. cit., p. 308. 356 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325. Ils ont fondé Sully-sur-Loire dédiée au même saint, sur laquelle s’appuie celle des Aix-d’Angillon. 357 Voir Tome d’annexes, Annexe 16 : « Généalogie des vicomtes de Bourges Xe-XIe siècles », p. 40. 358 Voir Tome d’annexes, Annexe 17 : « Généalogie des comtes de Blois et de Sancerre Xe-milieu du XIIe siècle », p. 41.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 81 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de 1183 à 1280, quatre archevêques de Bourges étaient de cette famille sur les sept recensés. De plus, les unions semblent montrer l’alliance de deux puissances, les comtes de Blois avec les vicomtes de Bourges, qui peut répondre au projet initial entrepris avec la fondation de Saint-Satur.

En étudiant tous les fondateurs de ces chapitres, il est évident que les enjeux de pouvoir ont joué un rôle considérable dans l’établissement des chapitres où ils sont situés à la fin du Xe siècle, étant en premier lieu établis pour montrer la puissance des seigneurs et affirmer leur autorité en marge des seigneuries dans le diocèse. Les fondations les plus tardives, montrent les évolutions de ces puissances et, avec le jeu des alliances, semblent renverser l’image politique du Berry en un siècle. Il faut maintenant voir qui sont les accompagnateurs de ces fondateurs, en dehors de la famille de Déols, que j’ai déjà détaillé précédemment, notamment par leur présence pour les fondations berruyères.

I.3.2. Les accompagnateurs des fondateurs

Les accompagnateurs n’ont pas toujours un rôle important dans la fondation des chapitres collégiaux, mais il leur arrive de rajouter des dons à ceux faits par les fondateurs, ou encore de signer l’acte de fondation, ce qui montre l’importance de l’évènement qui tendait à rassembler les plus proches parents ou vassaux des fondateurs. En premier lieu, le chapitre cathédral donne son accord et fortifie la restitution de Saint-Ursin de Bourges par Geoffroy, vicomte de Bourges, en 1012359, ce qui soutient l’idée que les fondations par le vicomte de Bourges étaient plus un appui temporel à la fondation épiscopale. En août 1034360, l’archevêque informe le coévêque et les chanoines de Saint-Étienne de la fondation de Saint-Pierre de Saint-Satur. La qualité des souscripteurs n’étant pas mentionnée, il est impossible de déterminer si des chanoines du chapitre cathédral en font partie. De même, en 1048, lors de la fondation de Montcenoux, la communauté de Saint-Étienne de Bourges donne son accord pour le rétablissement du chapitre ; cela est logique sachant que l’archevêque fait partie de la fondation du chapitre et que ce chapitre est une succursale de

359 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199. 360 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 82 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Saint-Ursin de Bourges, le chapitre cathédral étant présent à l’une est logiquement présent à l’autre fondation361. En tant que témoins importants qui dénotent des autres, les évêques présents en août 1034362 se distinguent. Ils représentent la province ecclésiastique de Bourges et cela montre ainsi l’étendue de l’autorité archiépiscopale. Le même constat est à faire concernant les abbés présents à ce même concile.

Concernant les accompagnateurs laïques, le roi a joué un rôle dans les fondations de chapitres. Le 23 avril 862, Charles le Chauve protège des gens commettant des déprédations la villa de Léré en Berry où les chanoines de Saint-Martin de Tours avaient l’habitude de se réfugier lors des invasions des Normands363. Son rôle de protecteur permet aux chanoines d’outrepasser les limites diocésaines de Bourges. À son tour, vers l’an mil, le roi Robert, proche de Dagbert, signe la charte de fondation du chapitre Notre-Dame de Graçay et celle de Saint-Ambroix de Bourges364 en 1012 et ordonne « en main propre » la restitution du chapitre de Saint-Ursin de Bourges par le vicomte Geoffroy365 la même année. J’ai daté cette fondation comme l’une des dernières effectuées par le vicomte, et si je suis mon idée, par son rôle de donateur, le vicomte ne voulait peut-être pas continuer à donner ses terres et ses biens aux fondations de l’archevêque. Ces gestes peuvent paraître anodins, or comme je l’ai dit précédemment, Dagbert est le successeur de plusieurs archevêques venant de lignées de seigneurs locaux, et lui, venant probablement de la famille des seigneurs de Bourbon, est surtout un fidèle du roi, comme Gauzlin son successeur. D’ailleurs, la présence des archevêques de Bourges est attestée à la cour du roi tout au long du XIe siècle. Dagbert et Gauzlin sont redevables de leur fonction au roi et doivent leur charge épiscopale à l’intervention royale366. Donc là où le roi semblait perdre pied en Berry, il réussit à reprendre de l’importance à travers les actions de l’archevêque, ce qui revient à parler de l’ingérence royale au travers des fondations archiépiscopales. De plus, le roi était un proche du comte d’Anjou et souscrire à la fondation de Graçay revient à considérer la fondation comme un appui royal dans la région.

361 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048). 362 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 363 Arthur GIRY, Ferdinand LOT (dir.), Maurice PROU, Georges TESSIER, Recueil des actes de Charles II, op. cit., p. 32-41, n° 239 (23 avril 862). 364 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op.cit., p. 187-192. 365 Ibid., p. 196-199. 366 Marion GASMAND, Les évêques de la province ecclésiastique de Bourges, op. cit., p. 129.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 83 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Les autres accompagnateurs laïques majeurs sont des seigneurs, dont la plupart ont été cités précédemment : le comte Foulques Nerra, présent lors de la fondation de Notre-Dame de Graçay avec qui le seigneur de Graçay devait avoir des liens vassaliques367. Les membres de la famille de Déols, présents lors des fondations de Saint-Ursin de Bourges368, de Saint-Pierre-le-Puellier369, de Saint-Ambroix de Bourges370 et les seigneurs de Bourbon pour Saint-Ursin de Bourges371 et Saint-Pierre de Saint-Satur372. Cependant, lors de la fondation de Saint-Ambroix de Bourges étaient présents et ont souscrit à l’acte, Gimon, seigneur de Château-Gordon, localité connue également sous le nom de Sancerre et père de Mathilde de Sancerre qui fondera quelques années plus tard un chapitre à Saint-Satur ; Tedon, seigneur de Mehun-sur-Yèvre, localité dans laquelle un chapitre a également été fondé sans que l’on ait plus d’informations dessus ; Humbaud des Aix-d’Angillon qui prouve qu’il y avait déjà des seigneurs à cette époque et Arnulfe de Dun-le-Roi. La même année pour Levroux, Dreux de Buzançais, Gilbert de Brenne, Béraud de Dun, Giraud la Mouche, Eudes de Montboury, Adélard de Châteaumeillant, Hubert de Barzelle étaient présents. Si l’on prend en compte ce qu’écrit Paul Moreau, il ne faut pas confondre Dun-le-Roi avec son seigneur Arnulfe et Dun-le-Poilier dont Béraud est le seigneur et souscripteur de l’acte de fondation de Levroux373. Quant aux seigneurs présents pour la fondation de Saint-Silvain de Levroux, ils faisaient partie des archidiaconés de Déols et Buzançais et devaient être des proches ou des vassaux des seigneurs de Déols. Cependant, il reste étonnant que si peu de membres de la famille de Déols soient présents. La liste des témoins peut également être considérée comme fausse car la même est reprise vers 1072 pour un don de Raoul, seigneur de Déols au même chapitre de Levroux. Il faudrait faire une étude détaillée de chaque seigneurie et les membres les composant pour avérer cette erreur ou confirmer cette liste. Enfin en août 1034, lors de la fondation de Saint-Pierre de Saint-Satur, certainement influencée par les comtes de Blois, sont signataires Thibaut III, ayant la qualité de comte, sous-entendu comte de Blois, fils d’Eudes II, comte de Blois jusqu’en 1037, puis le comte de Henri, dit Étienne, frère de Thibaut III, et son épouse Adèle, qui apparaissent

367 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000). 368 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199. 369 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 42, n° XLIX (30 des calendes de juillet 1012). 370 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 371 Ibid., p. 196-199. 372 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 373 Paul MOREAU, Histoire de Dun-le-Roi, op. cit., p. 96.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 84 Licence CC BY-NC-ND 3.0 relativement loin dans la liste des signataires et sont cités parmi des individus dont la fonction n’est pas connue.

Tableau 10 : État définitif des chapitres fondés (XIIe siècle) 374 Chapitre urbains Chapitres ruraux Fondations épiscopales 2 2 Fondations seigneuriales 4 6 + 3

Le tableau précédent récapitule les chapitres collégiaux fondées dans et en dehors de la ville de Bourges en fonction du type de fondateurs. Reste Léré qui n’est pas comprise car il s’agit d’une restitution royale et il en ressort plutôt le caractère d’un déplacement d’institution émanant de Saint-Martin de Tours. Le tableau fait ressortir que l’archevêque Dagbert a fondé quatre chapitres, et chronologiquement semble avoir été un précurseur ; l’affaiblissement de ses fondations dans la cité épiscopale peut s’expliquer comme je l’ai déjà avancé, par un besoin au niveau du temporel, qu’il ne pouvait plus fournir après deux fondations dans Bourges, demandant alors au vicomte de Bourges, Geoffroy, de le soutenir. Ce dernier devait également y retrouver son compte puisque les chapitres qu’il fondait devaient lui être fidèles. D’ailleurs les vicomtes de Bourges ne semblaient pas plus concernés que ça par leurs fondations puisque tout au long du XIIe siècle ils sont totalement absents des actes, contrairement aux fondateurs de chapitres ruraux comme Levroux, où la proximité avec les descendants des fondateurs, les seigneurs de Déols, est tout à fait perceptible375. Ces fondations de chapitres ruraux sont manifestement le fruit d’un jeu politique, les chapitres servant de « points de contrôle » pour montrer aux seigneurs voisins l’autorité du fondateur et sa puissance, qu’ils soient comtes d’Anjou, de Blois ou seigneurs de Déols, ou de Bourbon ou encore vicomtes de Bourges, leurs fondations se situent généralement en limite de seigneurie et pour le nord du diocèse, semblent se faire face (Levroux, Vatan, et Graçay et Saint-Outrille), ou encore sont des points d’accès faciles, comme Léré suivi par Saint-Satur sur les bords de la Loire. Les derniers chapitres semblent se grouper à proximité de Bourges, les seigneurs en puissance montrant ainsi leur présence à proximité de la cité épiscopale. En revanche, mon étude prend exclusivement en compte les chapitres collégiaux séculiers, mais il serait intéressant de voir comment se placent les établissements monastiques dans ce schéma d’implantation locale autour de l’an mil, en se

374 Chiffre en italique : pas de certitude sur le fondateur. 375 Benjamin MOULIN, Le chapitre collégial Saint-Silvain de Levroux, op. cit., p. 44-52.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 85 Licence CC BY-NC-ND 3.0 demandant qui sont leurs fondateurs, quand ont-ils été fondés et si les conjectures avancées ici pour les causes des fondations des chapitres collégiaux sont toujours valables ou non, car je l’ai évoqué concernant le chapitre de Levroux, la concurrence avec l’abbaye de Déols se ressent dans les actes et la plupart des chapitres collégiaux devait se trouver à proximité d’abbayes relativement importantes376. Il est cependant difficile à travers les actes de fondation seulement et les thèmes abordés ci-dessus de déterminer si les chapitres urbains étaient plus riches ou mieux dotés que les chapitres ruraux. L’étude du temporel en troisième partie permettra sans doute d’en savoir plus quant aux biens qu’ils ont reçus. Mais concernant les effectifs et les droits qu’ils avaient, les chapitres semblent être sur un point d’égalité, les droits portant surtout sur la gestion des terres, des hommes et des villes cédées. À ce stade de l’étude, il faut se concentrer sur l’étude des chapitres sur les deux siècles suivant leur fondation afin de voir leur évolution jusqu’en 1200.

376 Voir Tome d’annexes, Annexe 12, « Carte 11 : Collégiales et monastères dans le diocèse de Bourges », p. 36.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 86 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Partie II. Étude du fonctionnement des chapitres sur deux siècles : un essai de typologie

La partie précédente montre bien que les fondations de chapitres collégiaux dans le diocèse ont un aspect principalement politique, mais ces établissements sont avant tout religieux et au fil du temps ces chapitres, quand ils le peuvent, arrivent à subsister indépendamment d’une tutelle laïque. Ainsi il est important de se demander comment évoluent les chapitres dans leur diocèse depuis leur fondation, par l’étude de leur structure interne, puis quelle place ils ont dans le diocèse, à travers l’étude de leurs relations, tant avec les laïcs qu’avec les ecclésiastiques.

II.1. Structure interne des chapitres

L’étude de la structure interne des chapitres revient à se demander combien de chanoines étaient membres de ces institutions, et ainsi voir les différences majeures entre-elles, quel était leur mode de nomination, combien et quels dignitaires étaient à la tête des chapitres et quelles étaient leurs règles internes. Cela permettra d’envisager une classification des chapitres plus poussée que la précédente.

II.1.1. Les chanoines

Le nombre de chanoines est très variable selon que l’on se trouve dans la ville de Bourges ou en dehors. Les informations clairsemées sur deux siècles ne permettent pas toujours à un instant t d’avoir une image précise de la composition de chacun des chapitres.

II.1.1.1. Les chapitres urbains

Les informations les plus précoces concernant les effectifs des chapitres urbains sont entre 1073 et 1085, pour Saint-Ursin de Bourges ; le chapitre comporte à ce moment quinze chanoines377. En 1085, Ségaud, un chevalier noble a confié son fils Géraud à la communauté

377 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon (Xe-XIIIe siècles), Moulins, Imprimerie de C. Desrosiers, 1865, pièce justificative, p. XXXV-XXXVI, n° XVIII ; Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Ursin de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 27/9/2017, consultée le 23/6/2018

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 87 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de Saint-Ursin de Bourges après lui avoir attribué les écrits sacrés et ce qu’il avait en l’église de Bethaïca. Cet individu entre ainsi dans la vie religieuse à l’âge adulte et renonce au service militaire ; c’est le seul acte étant aussi précis concernant l’institution d’un chanoine378. Dans cette communauté, onze chanoines sont cités en 1081379 et en 1084380, dix en 1093381 et enfin cinq en 1182382. Il y a un grand vide documentaire concernant les chanoines de Saint-Ursin durant un siècle, ce qui ne permet pas de déterminer les effectifs réels du chapitre. De plus, les chanoines, souvent cités comme souscripteurs des actes, ne sont peut-être pas tous présents à ce moment-là383. La seconde et dernière institution dont nous ayons des informations au Xe siècle est Saint-Ambroix de Bourges qui comportait au moins deux chanoines avant 1098384. En 1102, la communauté était composée de huit membres385 et de neuf en 1128, date de sa régularisation386. Les effectifs de ce chapitre sont donc bien inférieurs à ceux du chapitre de Saint-Ursin de Bourges, cela peut s’expliquer par le manque de richesses de l’institution qu’il a ensuite fallu régulariser. Les informations concernant Saint-Pierre-le-Puellier sont nulles pour cette période ; cependant, les effectifs ne devaient pas être élevés car l’institution fut également régularisée entre 1159 et 1219387. Le manque d’information empêche une étude précise de Notre-Dame-de-Sales, mais contrairement à Saint-Pierre-le-Puellier, le chapitre semble être resté séculier. Entre 1185 et 1187, le pape et l’archevêque de Bourges statuent sur la fixation

378 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXXV-XXXVI, n° XVIII. 379 Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Ursin de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 27/9/2017, consultée le 23/6/2018 380 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4418/. Date de mise à jour : 29/03/12. 381 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12. 382 AD Cher, 14 G 6, 1182. 383 Les effectifs cités précédemment semblent montrer un décroissement exponentiel des effectifs du chapitre depuis 1085 jusqu’en 1187, or Jacques Péricard indique que le nombre de membres est fixé à la fin du XIe siècle à seize et qu’une bulle papale de 1220-1221 fixe le nombre de chanoines à dix-huit, dans Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », dans Anne MASSONI (dir.), Collégiales et chanoines dans le centre de la France du Moyen âge à la Révolution, Limoges, PULIM, 2010, p. 57-80, p. 71. Cela indique que le chapitre n’a pas forcément perdu de sa vigueur durant le XIe siècle. 384 Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France (1050-1108), Paris, Imprimerie Nationale, 1908, p. 366-367, n° 145 (av. 1098). 385 Ibid., p. 360-362, n° 145 (16 octobre 1102) ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 71. 386 AD Cher, 8 G 228, 1128. 387 Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Pierre-le-Puellier de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 21/7/2016, consultée le 23/6/2018.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 88 Licence CC BY-NC-ND 3.0 du nombre de chanoines à douze pour cette église388. L’acte précise qu’ils ne doivent plus recevoir de chanoines jusqu’à avoir atteint cet effectif, ce qui signifie qu’ils étaient en nombre supérieur pendant un moment. Cette fixation fait suite à une probable réclamation des chanoines suite à la réception de trois chanoines du pape, ce qui a dû surcharger les effectifs relativement aux moyens de l’église. Des chanoines sont mentionnés en 1194389, mais leur nombre n’est pas indiqué. En 1200 cependant, le chapitre était composé de onze membres, le même effectif est donné un siècle et demi plus tard390. En revanche, pour Notre-Dame de Montermoyen, deux chanoines seulement sont cités, « avec le reste de la communauté » en 1135391, ce qui ne représente pas l’effectif réel du chapitre à cette époque puisqu’en 1184 seize membres sont cités392. Dans le même acte, le doyen et le chapitre demandent à l’archevêque de Bourges de fixer le nombre de chanoines dans le chapitre car il est surchargé par rapport au nombre de prébendes déterminé. L’acte précise que les chanoines étaient dix-huit au jour de l’acte et qu’il est désormais statué à treize chanoines résidents. Cela montre bien que les chanoines souscrivant aux actes ne représentent pas l’effectif réel du chapitre, même si ici l’erreur se joue à un ou deux membres près selon que l’on compte ou non le dignitaire du chapitre. Une fois les effectifs fixés, il ne doit pas y avoir lieu de les revoir, sauf si les revenus des chanoines viennent à être insuffisants. Le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges est relativement intéressant quant à ses effectifs. En 1106, les chanoines cités sont au nombre de dix393, en 1123, le chapitre est placé sous la tutelle et la protection du Saint-Siège par le pape Calixte II394, et en 1176, vingt membres sont mentionnés395. Entre 1185 et 1187, trois actes successifs, dont deux non datés fixent les effectifs du chapitre. J’ai tenté d’établir une chronologie de ces actes en fonction de leur contenu et il est possible que la discorde débute seulement en 1186396 car cet acte donne

388 AD Cher, 7 G 266, 1185-1187. 389 AD Cher, 7 G 262, 1194. 390 Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Notre-Dame-de-Sales de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563)[en ligne ], version du 2/6/2017, consultée le 23/6/2018. 391 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135. 392 AD Cher, 1 G 1 (Cartulaire de l’archevêché), p. 180-102, n° 403 (1184). 393 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 394 Ulysse ROBERT, Bullaire du pape Calixte II. Essai de restitution, Paris, Imprimerie nationale, 1891, t. 2, p. 173-174, n° 386 (4 avril 1123). 395 Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Outrille de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 27/9/2017, consultée le 23/6/2018. 396 AD Cher, 8 G 1461, 1186.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 89 Licence CC BY-NC-ND 3.0 des détails concernant les prébendes qui ne devaient pas être contestés et donc n’ont pas lieu d’être rappelés dans les actes suivants. Cet acte fixe les effectifs à dix-huit chanoines et quatre prêtres. L’acte suivant doit être un des deux actes non datés fixant également les effectifs à dix-huit chanoines397. Contrairement au troisième acte, celui-ci fait mention d’un conflit concernant la possession d’une église, conflit pour lequel le pape interdit au chapitre de réitérer une requête. Enfin le dernier acte fixe le nombre à vingt chanoines, l’acte ne fait plus mention du conflit concernant l’église, ce qui me pousse à penser à une telle chronologie398. Cependant, le fait que l’acte indique que l’effectif de vingt chanoines avait été établi par un ancien archevêque de Bourges nommé « S. », laisse penser qu’il est antérieur à l’un ou aux deux précédents. Enfin, en 1188, le pape Clément réaffirme toutes ces décisions et fixe le nombre de chanoines à dix-huit en plus de quatre prêtres399. Selon mon idée précédente, l’effectif de vingt chanoines était de trop par rapport aux moyens de l’église, le nombre étant rabaissé à dix-huit comme il l’avait été antérieurement dans le conflit.

Graphique 11 : Effectifs de chanoines dans les chapitres de la cité épiscopale

25

20 Notre-Dame de Montermoyen

15 Notre-Dame-de-Sales

10 Saint-Ambroix de Bourges 5 Saint-Outrille-du-Château de 0 Bourges Saint-Ursin de Bourges

Le graphique précédent montre bien que les chapitres les mieux dotés semblent ceux liés directement au chapitre cathédral, à l’exception de Notre-Dame de Montermoyen et Notre-Dame-de-Sales dont la filiation n’est pas certaine, mais pour laquelle l’ingérence de l’archevêque dans sa règlementation ne laisse guère de doutes. Cependant pour Saint-Ambroix

397 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187. 398 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187 (a). 399 AD Cher, 8 G 1461, 1188 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 71.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 90 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de Bourges, ses faibles effectifs rendent bien compte de la pauvreté du chapitre, amené par la suite à se régulariser en 1128. Il faut voir s’il en est de même avec les chapitres ruraux.

II.1.1.2. Les chapitres ruraux

Concernant les chapitres situés hors de Bourges, il y en a pour lesquels nous n’avons absolument aucune information concernant le nombre de chanoines de leur fondation jusqu’en 1200. C’est le cas pour Notre-Dame de Graçay, Saint-Étienne de Dun-le-Roi, Saint-Germain de La Châtre400, Saint-Jacques-le-Majeur de Neuvy-Saint-Sépulchre, Saint-Martin de Léré, Saint-Pierre de Saint-Satur et Saint-Ursin de Montcenoux. Il y a donc un flou total concernant sept institutions sur les douze situées hors de Bourges. Pour Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre, Jacques Péricard indique qu’il ne devait pas y avoir plus de cinq chanoines401. En 1066, un chanoine du château de Mehun est mentionné402, ce qui fait penser qu’il s’agissait d’une collégiale castrale de petite envergure servant probablement à l’office du seigneur du lieu. Saint-Ythier des Aix-d’Angillon devait également faire partie des collégiales castrales. Les actes indiquent qu’entre 1120 et 1137, l’archevêque de Bourges décide que les chanoines devaient être ramenés à un effectif de six membres dont cinq chanoines403. Le chapitre devait être surchargé à cette époque, même si le nombre initial de chanoines n’est pas indiqué, ceux étant présents à ce moment doivent y rester tout au long de leur vie et les chanoines n’accueillent personne entre temps jusqu’à l’obtention d’un effectif de six membres. Alphonse Buhot de Kersers indique qu’en 1196, il est décidé que le nombre de chanoines sera doublé quand les revenus du chapitre seront suffisants pour que chaque prébende ait cent sols de revenu404. Relativement au chapitre Saint-Laurian de Vatan, cinq

400 Seul l’effectif de douze chanoines en 1251 laisse penser que ce chapitre était de taille moyenne : Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Germain de La-Châtre », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 21/7/2016, consultée le 23/6/2018 401 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 70. 402 Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », RAHSB, 1899, p. 81-272, p. 180 et 182. 403 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, Paris, Ex Typographia Regia, 1720, t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 70 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, Bourges, François Toubeau, 1689 (réed. 1865), t. 2, p. 325-326 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, « Observations présentées par M. de Kersers sur l’église collégiale des Aix », Congrès archéologique de France, t. XXXV, 1869, p. 35-41, p. 37, l’auteur indique que l’effectif est réhaussé à douze en 1213 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, E. Pigelet, t. 1, 1875-1877, p. 6. 404 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6, la condition est remplie en 1213.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 91 Licence CC BY-NC-ND 3.0 chanoines sont mentionnés avant 1012405. Puis le 26 mai 1198, le nombre de chanoines de cette église est de vingt-quatre alors qu’il est normalement statué à seize, un intendant chanoine est cité dans l’acte, et l’église est acquittée quant aux difficultés de réception de trois chanoines406. Comme pour le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, le chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay est celui pour lequel nous avons le plus d’informations. En 1106, neuf chanoines sont mentionnés407, le chapitre était probablement déjà sous la dépendance du chapitre éponyme de Bourges. Les statuts fixant le nombre de chanoines de ce chapitre ont été établis en même temps que ceux de Bourges et ne semblent pas avoir été remis en cause : en 1186, l’effectif, sans qu’on sache le nombre antérieur de chanoines, doit passer à dix-huit chanoines et quatre prêtres408, cela est restatué en 1188 en guise de confirmation par le pape409. Le chapitre suit donc les mêmes coutumes que celui de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, ce qui est logique quant aux liens de dépendance entre les deux institutions. Quant au nombre de chanoines à Saint-Silvain de Levroux, le seul effectif connu est celui de 1152 où dix-sept membres sont mentionnés410, ce qui est à la hauteur du prestige du chapitre. Ces individus ne sont pas mentionnés comme chanoines, mais le terme canonici à la fin de la liste peut s’appliquer à un comme à tous les individus mentionnés précédemment411.

405 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry depuis les temps les plus anciens jusqu’en 1789, Bourges, Au grand Bourdaloue, vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012). 406 Jacques-Paul MIGNE, Patrologiae cursus completus, Series Secunda, Paris, J.-P. Migne, 1855, t. CCXIV, p. 187-188, n° CCXV. 407 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 408 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 409 AD Cher, 8 G 1461, 1188. 410 AD Indre, G 110, fol. 24v §2. 411 Benjamin MOULIN, Le chapitre collégial Saint-Silvain de Levroux au Moyen Âge des origines aux années 1230, mémoire de Master 1 d’Histoire Médiévale, sous la direction d’Anne MASSONI, Université de Limoges, septembre 2017, p. 26, « Tableau 2 : Synthèse de la liste des chanoines de Levroux d’après les actes du cartulaire de 1152 à 1235 ».

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 92 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Graphique 12 : Effectifs de chanoines dans les chapitres situés hors de la ville de Bourges

30

25

20 Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre Saint-Ithier des Aix-d'Angillon 15 Saint-Laurian de Vatan Saint-Outrille-lès-Graçay 10 Saint-Silvain de Levroux 5

0 1012 1066 1106 1120 1152 1186 1188 1196 1198

Le graphique précédent montre que le chapitre le mieux doté est celui de Saint-Outrille-lès-Graçay, ce qui n’est pas étonnant car il est placé au même niveau que le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges. Cependant les chapitres de Vatan et de Levroux montrent également les signes d’une vitalité importante par leurs effectifs, sans pour autant que l’on y voie une ingérence de l’archevêque dans leur fonctionnement. Ainsi les chapitres hors de la cité épiscopale semblent plus prompts à être indépendant de l’Église mère ; cela peut aussi être dû à la volonté de leurs fondateurs qu’ils restent en partie sous la tutelle des laïcs.

II.1.1.3. La nomination des chanoines

Les actes mentionnant les modes de nomination des chanoines sont également peu nombreux. Mais pour cela, l’acte de 1106412, mettant en place des règles entre les chapitres de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay, donne quelques indications : l’acte indique que les modalités d’institution du chanoine sont demandées par Saint-Outrille-lès-Graçay qui désire que le chanoine soit établi légitimement. Ainsi, le chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay élira une personne et arrêtera la décision sous quatorze jours, sauf nécessité. Il emmènera l’élu au chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, qui ne pourra écarter l’élection, sauf calomnie certaine. L’élection n’existera que si le chanoine du chapitre

412 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 93 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de Saint-Outrille-du-Château de Bourges accepte l’accord et promet obéissance à cette église. Il recevra le don de sa prébende une fois retourné à Graçay. S’il fait un don au chapitre, dix sous iront au chapitre de Bourges, ou la moitié de la terre cédée. S’il ne donne rien, rien ne sera exigé par Bourges. De plus, le chanoine de Graçay sera reçu décemment à Bourges dans l’hospice conformément aux usages de Bourges. De telles précisions procédurales sont rares dans les actes que j’ai eu l’occasion d’étudier et donnent une idée claire de la dépendance qu’il y avait entre les deux chapitres, ce qui interroge sur ce qui se passe en même temps entre Saint-Ursin de Bourges et Saint-Ursin de Montecenoux, pour lesquels nous n’avons pas d’informations. Des similitudes apparaissent avec l’institution du chanoine de Saint-Ythier des Aix-d'Angillon qui devra être présenté au chapitre Saint-Étienne de Bourges pour qu’il donne son accord. Cette décision est prise lors de l’union de Saint-Ythier des Aix-d'Angillon à Saint-Étienne de Bourges, ce qui induit de nouvelles règles marquant la dépendance de l’un sur l’autre413. La similitude dans les deux coutumes laisse penser que les mêmes étaient pratiquées pour les chapitres dépendant du chapitre cathédral. Après avoir étudié la composition des chapitres et le mode de nomination des chanoines, il faut analyser qui se trouve à la tête de chaque chapitre.

II.1.2. Les dignitaires

À la tête des chapitres étudiés, différents membres sont cités : des doyens, des prieurs, un chantre. Le doyen est le premier dignitaire d’un chapitre et il le préside, il a parfois la charge de prévôt et gère les affaires temporelles du chapitre dont il a la charge. Le prieur est considéré comme le supérieur d’un prieuré, c'est-à-dire un couvent, quand il est considéré hors de l’ordre bénédictin. Le chantre, quant à lui, est un dignitaire chargé de diriger les chants ; il a ainsi toute sa place dans la fonction liturgique des chapitres. Le projet de la Gallia Christiana414 est notamment de recenser les dignitaires présents dans les abbayes, chapitres ou à la tête des archevêchés français. Cela permet aujourd’hui, quand les actes sont absents, d’avoir une idée de la personne en charge de ces institutions et éventuellement quel rôle il a joué en son sein. Les listes les plus détaillées concernant les

413 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6. 414 GC, Paris, Ex Typographia Regia, 1715-1865.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 94 Licence CC BY-NC-ND 3.0 chapitres étudiés sont celles de Notre-Dame-de-Sales415 et de Saint-Pierre-le-Puellier416, celle de Saint-Ambroix de Bourges est aussi détaillée mais un seul dignitaire est recensé avant la restauration du chapitre en 1128417, d’ailleurs la liste ne mentionne que des abbés. Il est nettement plus fréquent dans les sources de trouver le nom du prieur ou du doyen du chapitre qui est généralement mentionné avec le chapitre quand il est constitué comme partie à l’acte. Je ne bornerai pas ici à détailler date par date les actes où chaque dignitaire est mentionné, mais je tenterai de donner un aperçu global des dignitaires selon les chapitres. À Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre, le doyen est le seul dignitaire mentionné et une seule fois. Ce chapitre n’a pas laissé beaucoup de traces pour la période que j’étudie. À Notre-Dame de Graçay et Notre-Dame-de-Sales, deux prieurs pour chacune des institutions sont mentionnés au cours du XIIe siècle, un à Saint-Germain de La Châtre, trois à Saint-Laurian de Vatan. Ce sont les seules institutions à dignitaires uniques. Tous les autres chapitres ont au moins deux dignitaires cités parfois seuls et d’autres fois en même temps, signe d’une hiérarchie dans le chapitre. À Notre-Dame de Montermoyen, sont nommés un doyen, personnage récurrent puisqu’il apparaît trois fois, et un chantre qui n’apparaît qu’en 1135. À Saint-Ambroix de Bourges, le chantre est mentionné en 1102, une fois, et l’année de la régularisation du chapitre, un doyen et un prieur sont mentionnés, ce qui peut être un signe de changement structurel dans le chapitre en lien avec la régularisation. À Saint-Ythier des Aix-d'Angillon, un prieur et ensuite un doyen sont nommés à deux dates différentes, puis au XIVe siècle, le prieur semble toujours être le dignitaire principal, puisque le doyen n’apparaît plus. À Saint-Outrille-du-Château de Bourges, le doyen apparaît tout au long de la chronologie et en parallèle apparaissent un chantre et un prévôt clerc et laïque (1106), un hebdomadier (1119) et un trésorier, mentionné seul en 1183. La classification est semblable dans sa succursale de Graçay : le prieur est nommé en 1106 et il est indiqué que la fonction existe depuis l’époque de Dagbert donc de la fondation ; ensuite à la même date, un prévôt est également nommé. À partir de 1119, le doyen prend la place du prieur jusqu’à la fin de ma chronologie et il est mentionné pour cette date avec l’hebdomadier qui n’apparaît qu’ici. À Saint-Ursin de Bourges, le prieur semble être le principal dignitaire puisqu’il apparaît tout au long de la période. Un doyen est cité, seul, en 1093 et le chantre accompagne le prieur en 1182. Dans sa succursale de Montcenoux, un seul acte fait état de dignitaires et mentionne un prieur et un prévôt. Enfin, pour Saint-Silvain de Levroux, les dignitaires sont remarquables dès la fondation où trois sont établis dès les origines : un prieur,

415 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, col. 123. 416 Ibid., col. 122. 417 Ibid., col. 180-182.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 95 Licence CC BY-NC-ND 3.0 dignitaire qui apparaît pendant toute la période, un doyen et un préchantre, et en 1152, un chantre est nommé avec le prieur. Les dignitaires sont donc variés dans les chapitres comme le montre le tableau récapitulatif suivant.

Tableau 13 : Dignitaires présents dans les chapitres Dignitaires Prieur Doyen Chantre Prévôt Préchantre Hebdomadier Trésorier Nombre de 11 7 5 3 1 1 1 chapitres

Le dignitaire principal reste toute le prieur, comme le montrent certains actes qui détaillent avec précision les modalités de nomination de ce dignitaire. Il n’est pas étonnant de retrouver de telles clauses dans les mêmes actes qui détaillent la nomination des chanoines, les rédacteurs voulant de ce fait établir avec précision les règles internes des chapitres qui parfois entrainaient des discordes entre eux, notamment les églises « mères » et leurs succursales, les secondes désirant parfois s’émanciper des premières. Ainsi dès 1106, il est précisé pour l’élection du prieur de Graçay, que le clergé du Nundray choisira trois personnes du chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, sauf le doyen et le chantre ; si aucun prieur ne ressortait de ces trois personnes, le clergé du Nundray élira lui-même trois membres du Nundray et si une personne en donne satisfaction, il deviendra prieur du chapitre. L’élu viendra ensuite à Saint-Outrille-du-Château de Bourges pour se faire instituer prieur418. L’acte indique également comme modalité de réception du prieur de Graçay à Bourges qu’il sera reçu décemment dans l’hospice, conformément aux faits de Bourges, comme il est de mise pour la réception du chanoine419. De même, pour les Aix-d'Angillon, les modalités de nomination du prieur sont indiquées lors de l’union du chapitre avec le chapitre cathédral ; ainsi, un chanoine de Saint-Étienne de Bourges devra être reçu comme prieur des Aix-d'Angillon et élu par le chapitre de Saint-Étienne. En cas de décès du prieur, un autre lui sera substitué de la même manière420. Ces différentes modalités sont détaillées pour des chapitres sous la dépendance d’un autre et par cela, le chapitre le plus important, l’« église mère », qu’elle soit simple collégiale dominant une succursale, ou bien le chapitre cathédral, prend en charge l’élection du chanoine. Les modalités sont plus souples concernant Saint-Outrille-lès-Graçay qui prend en compte la possibilité de mésentente sur l’élection et ainsi de choisir lui-même son prieur. En revanche,

418 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 419 Ibid.. 420 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 96 Licence CC BY-NC-ND 3.0 aucune information n’est donnée concernant l’élection des prieurs des chapitres « indépendants », ce qui représente une carence totale, même si l’on imagine que les chanoines devaient élire leurs dignitaires eux-mêmes, ce qui est confirmé par Claude Charles Duguet concernant le chapitre Saint-Germain de La Châtre, qui indique que le prieur était élu à vie par le collège de chanoines421 et La Thaumassière écrit que le chapitre de Vatan élit son prieur422, mais sans préciser à quelle époque. Enfin cela démontre que ces chapitres, situés hors de Bourges, et ne dépendant pas du chapitre cathédral, avaient assez d’autonomie pour nommer eux-mêmes leur prieur, ce qui est valable pour les petits chapitres comme semble l’être Saint-Laurian de Vatan et pour les plus grands comme Saint-Germain de La Châtre et Saint-Silvain de Levroux supposément. En revanche, ce qui confirme la tendance du tableau précédent, le prieur devait être le dignitaire principal des chapitres du diocèse car la mention de la nomination du doyen ou du chantre est presque inexistante ; malgré tout, ces dignitaires existaient et devaient être importants puisque l’acte édictant les modalités de nomination du prieur de Graçay mentionne que les chanoines doivent choisir trois personnes du chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, excepté le doyen ou le chantre qui devaient donc jouer un rôle majeur dans ces institutions423. Le seul acte indiquant l’institution du doyen du chapitre cathédral est une bulle papale de Lucius III ; cet individu est chantre et trésorier de Saint-Outrille et est élu par les chanoines, comme le prieur424, les modalités d’élection devaient donc être semblables pour les chapitres collégiaux. Cependant, ces règles de nomination des chanoines ou du prieur ne sont pas les seules règles internes édictant la conduite des chanoines au sein du chapitre.

II.1.3. Les dispositions statutaires

Les dispositions statutaires règlementent la conduite interne des chanoines dans les chapitres. Ces règles concernent principalement la vie commune des chanoines en dortoirs et la prise des repas en réfectoire, ce qui souvent à première vue n’était pas de mise dans ces

421 Claude Charles DUGUET, La Châtre avant la révolution, La Châtre, Imprimerie et librairie Louis Montu, 1896, p. 37. L’abbé indique qu’aux derniers temps du chapitre, donc vers la Révolution Française, le chapitre était composé de huit chanoines élisant eux-mêmes leur prieur, dans Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », BSAC, t. V, 1899-02, p. 99-104, p. 100. Cela montre que la tradition a dû se perpétuer jusqu’ici. 422 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 684 423 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 424 Julius von PFLUGK-HARTTUNG, Acta pontificum romanorum inedita, Tübingen, F. Fues, 1881, 1958, t. 1, p. 311-313, n° 355 (1er janvier 1183 anc. st.).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 97 Licence CC BY-NC-ND 3.0 institutions puisque les chanoines possédaient leurs biens propres et des maisons individuelles, contrairement aux moines pour lesquels les biens étaient mis à disposition de la communauté. Les premiers actes mentionnant de telles clauses remontent à la fin du XIe siècle avec le 23 avril 1093 l’union du chapitre de Saint-Ursin de Bourges avec le chapitre cathédral, dans lequel il est indiqué que les chanoines de Saint-Ursin doivent suivre le mode de vie des chanoines de Saint-Étienne, notamment concernant la vie commune. De plus, les chanoines de Saint-Étienne seront enterrés à Saint-Ursin, sauf si cela avait été prévu ailleurs425. L’année suivante, les chanoines de Saint-Outrille-lès-Graçay vivaient eux aussi encore en commun et in cenobio selon une charte d’Audebert, archevêque de Bourges, dont je n’ai pas retrouvé les références, dans laquelle il leur accorda la présentation de la cure d’Anjouin laquelle fait foi que saint Didier, évêque de Langres, est l’un des patrons de cette église, en laquelle on fait la solennité le mardi de la Pentecôte426. Pendant près d’un siècle, les règles de vie commune devaient être établies dans la plupart des chapitres et sans être remises en cause. Un acte de 1178 de l’archevêque de Bourges fixe les coutumes du chapitre de Saint-Ursin de Bourges en matière de repas communs, les chanoines suivront donc la coutume de l’Église mère427. Ce chapitre était pourtant le premier connu pour lequel la règle avait été fixée, cet acte est probablement le signe d’un relâchement au bout d’un certain nombre d’années. La même année, le même archevêque de Bourges bannit la vie commune du chapitre de Notre-Dame de Montermoyen428, ce qui questionne sur le fait qu’il la restaure pour l’un des chapitres et permet à d’autres d’y renoncer. Son successeur, Henri, statue en 1186 que les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et de Saint-Outrille-lès-Graçay suivent la coutume du chapitre cathédral en matière de repas communs429, ce qui est confirmé par un acte du pape Urbain, probablement ultérieur430 et par le pape Clément en 1188431. De même, pour les chapitres hors de Bourges et ne dépendant pas des églises de Bourges, la vie commune devait être de rigueur, notamment pour Saint-Germain de La Châtre et Saint-Silvain de Levroux432. D’ailleurs, la ressemblance avec la

425 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 426 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 58 ; Ibid., p. 640. 427 AD Cher, 14 G 5, 1178 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 75 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 428 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, col. 121. 429 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 430 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187. 431 AD Cher, 8 G 1461, 1188. 432 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 3, p. 2, sur la vie commune de Saint-Outrille-lès-Graçay.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 98 Licence CC BY-NC-ND 3.0 vie des couvents de religieux a valu au chapitre de La Châtre d’être qualifié de monastère en 1120 et d’abbaye en 1210433, ce qui n’était manifestement pas le cas. Mais les règles de vie commune, qui sont de loin les plus courantes dans les actes que j’ai étudiés jusqu’en 1200, ne sont pas les seules à donner des informations sur les aspects de la règlementation des chapitres. Ainsi, l’acte le plus détaillé en matière de coutumes internes aux chapitres est celui de 1106 relatif à un litige entre les chapitres de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay, déjà cité quant aux modalités de nomination des chanoines et du prieur. Cet acte renseigne sur les modalités d’achat d’une terre : l’achat devra être partagé pour moitié entre les chapitres. En cas d’achat total par l’un des deux, il n’y aura pas de partage, sauf si la moitié est remboursée sous quarante jours. L’achat doit être notifié à l’autre partie afin d’en recevoir le remboursement434. De plus, l’acte indique les modalités de réception de l’archevêque de Bourges à Graçay, qui sera reçu conformément aux coutumes de Graçay ; s’il venait à Saint-Outrille-du-Château de Bourges, il sera reçu selon la coutume de Bourges435, cela indiquant certainement des coutumes différentes aux deux chapitres pourtant très semblables. Il est également statué que les oblations de l’église du Nundray reviendront au Nundray, sauf celles de la fête de Saint-Outrille, qui seront communes aux deux églises. Pour la sépulture, le cens et le pain (selon la coutume des panifications), ils seront distribués équitablement entre les deux églises436. Les moulins, les forêts et les prés leur seront communs, sauf deux moitiés des moulins, une de Fossa et une autre de Villena qui seront au Nundray. Un four sera propriété du Nundray. Il est également précisé que ce qui est accepté de force est commun aux deux chapitres, sauf les deniers perçus par les autorités chaque année, qui seront propriété du Nundray, et sauf les biens des hommes morts possédés dans les terres communes, pour lesquels deux parts iront au Nundray et la troisième à Bourges. Si les hôtes du chapitre font des dons (poules, fromages, œufs), ils seront propriété du Nundray. Si un homme, une terre ou un édifice sont cédés au Nundray, ils seront possédés pour moitié par les deux églises. Enfin, tout cela est à établir par le prévôt clerc ou laïque de Saint-Outrille-du-Château de Bourges en présence du prévôt du Nundray. Si le Nundray confisque quelque chose à Bourges, ceux de Bourges viendront au Nundray et exigeront la justice en chapitre au Nundray. S’ils refusent de rendre la justice, ceux de Bourges les préviendront au titre de la soumission pour qu’ils viennent à Bourges sous quarante jours et s’acquittent de cette confiscation en chapitre à Bourges. Si là

433 Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », Mémoires de la société des antiquaires du Centre, t. XXIX, 1905, p. 41-68, p. 56. 434 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 435 Ibid.. 436 Ibid..

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 99 Licence CC BY-NC-ND 3.0 ils refusent la justice, ils seront privés des biens de l’église tant extérieurs qu’intérieurs au titre de la soumission437. Cela montre bien que le chapitre de Graçay tentait de prendre son indépendance438, ce qui a clairement été refusé par Bourges, qui s’est donné les moyens de conserver cette succursale. Cet acte qui est le plus complet en matière de règlementation montre un droit déjà bien codifié et établi et il serait étonnant qu’il soit propre à ces deux chapitres seulement. Il faut également se rendre compte qu’à des époques un peu plus antérieures, l’oral était privilégié à l’écrit, même en matière de droit. Cette règlementation ne nous serait pas nécessairement parvenue si elle n’avait pas donné lieu à un règlement de compte entre les deux chapitres, acte écrit pour pouvoir par la suite justifier et prouver la dépendance de Graçay vis-à-vis de Bourges et l’établissement de règles à respecter l’un envers l’autre. D’ailleurs, les conflits ont été nombreux entre ces chapitres, mais également entre le chapitre de Bourges avec la papauté, comme l’ont montré des actes déjà mentionnés vers 1186 quant à la fixation du nombre de chanoines. Ainsi, en 1119, un autre conflit a dû être réglé entre les chapitres concernant la taille et les hommes communs, donnant l’occasion de codifier cela par écrit. Ils ont trouvé un compromis en présence des chanoines de Saint-Étienne de Bourges : quand la taille est à faire, une notification est à effectuer par le doyen ou prieur d’un des chapitres au doyen, prieur, hebdomadier ou un chanoine présent de l’autre chapitre. Si le chapitre donne son consentement, la taille est faite par mandat comme il est de coutume et est possédée pour moitié par l’un et l’autre des chapitres. Si l’autre partie n’a pas consenti, sa part ne sera pas faite et si cette partie veut revenir sur sa décision, il n’y aura pas de possibilité de refaire une taille cette année, ni de bâtir quelque chose par les hommes pour le chapitre439. Le 3 août 1132, un litige entre Saint-Ambroix de Bourges et Saint-Outrille-du-Château de Bourges permet de voir que les chanoines pouvaient siéger au sein de la cathédrale parmi le chapitre de Saint-Étienne. Le litige concernait les places dans le chœur de Saint-Étienne, Louis VI a arrêté et Vulgrin a confirmé que le doyen de Saint-Outrille-du-Château de Bourges siègera à côté du doyen de Saint-Étienne de Bourges et que le prieur de Saint-Ambroix de Bourges ne siègera pas parmi les clercs de Saint-Outrille-du-Château de Bourges440. Pourtant l’influence du chapitre cathédral sur Saint-Outrille-du-Château de Bourges ne semblait pas si importante, ils n’ont pas eu d’union connue et en 1123, l’église de Saint-Outrille-du-Château

437 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 438 Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 65. 439 AD Cher, 8 G 1462, 1119. 440 Robert-Henri BAUTIER, Jean DUFOUR (dir.), Recueil des actes de Louis VI roi de France (1108-1137), Paris, De Boccard, 1992, t. 2, p. 178-179, n° 320.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 100 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de Bourges et ses possessions sont placées sous la tutelle et la protection du Saint Siège par le pape Calixte II441 et il serait étonnant que la tutelle du Saint Siège soit exercée par l’archevêque, sinon il serait énoncé clairement que les biens de ce chapitre sont à la disposition et sous la protection du chapitre Saint-Étienne, comme il a été fait entre 1120 et 1137 lors de l’union du chapitre des Aix-d'Angillon avec le chapitre cathédral, où les biens sont également mis à la disposition du chapitre de Saint-Étienne442. Les règlements internes des chapitres collégiaux portent donc sur des sujets variés et donnent généralement lieu à des production écrites lors de règlements de litiges entre des chapitres, ou en cas de besoin d’éclaircissement des coutumes sur demande au chapitre cathédral, car il est vrai qu’à l’étude de ces derniers actes, le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges semble relativement concerné par des conflits, mais il arrive, comme pour Saint-Ursin de Bourges, que les chanoines demandent simplement des modifications statutaires, surtout en matière d’effectif qui sont trop élevés par rapport aux moyens de l’église.

II.1.4. Les prébendes

Les chanoines disposaient de prébendes en guise de revenus, qui leur servaient pour vivre. Cela va dans la logique d’indépendance des chanoines vis-à-vis de règles communes, en ayant des maisons indépendantes, plutôt que des dortoirs, même si au vu des actes ces règles de vie commune ont persisté tout au long du XIIe siècle. Les actes donnant des renseignements sur les prébendes en fixent généralement le nombre et précisent à qui elles reviennent.

441 Ulysse ROBERT, Bullaire du pape Calixte II, op. cit., t. 2, p. 173-174, n° 386 (4 avril 1123) ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, Impr. Tardy-Pigelet, t. 4, 1889, p. 190. 442 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 101 Licence CC BY-NC-ND 3.0 II.1.4.1. Les chapitres urbains

Les actes indiquant le nombre de chanoines sont peu nombreux pour les chapitres de Bourges. Ils font partie de ces actes réglant des conflits entre les chapitres. Cependant, les actes précisant réellement les effectifs et le nombre de prébendes interviennent à la fin du XIIe siècle ou dans le courant du XIIIe siècle, ce qui rend compte de la difficulté à établir des données justes comme mon étude s’arrête en 1200. Ainsi les prébendes de Saint-Ursin de Bourges ne semblent pas être fixées à la fin du XIIe siècle, mais dans l’acte de confraternité entre les chanoines de Saint-Ursin de Bourges et ceux de Saint-Hilaire de Poitiers, le 13 janvier 1079, il est précisé que les chanoines de Saint-Ursin demandent une prébende de l’église de Saint-Hilaire de Poitiers, en échange de l’honnêteté et le bénéfice, et quand ils viendront à leur église, l’accueil et l’asile des chanoines et l’« embauche » des chanoines si besoin est443. De même, le 23 avril 1093, la communauté de Saint-Étienne concède à Saint-Ursin la prébende en échange du service d’une personne chaque jour. S’il y a nécessité pour un chanoine de Saint-Étienne, il recevra l’honneur et le solde de Saint-Ursin et inversement444. Cela montre les échanges de prébendes effectués lors des confraternités entre chapitres et les promesses d’entraide mutuelle propices pour une bonne entente entre les chapitres. Concernant le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, les informations sont plus importantes : en 1106, il est indiqué qu’une fois le chanoine du Nundray présenté à Bourges et retourné à Graçay, là seulement il recevrait le don de sa prébende445. Le nombre ne semblait pas fixé à cette époque, mais en 1186, le nombre de prébendes est fixé à vingt, dont trois au doyen, comme il est de coutume, et le fruit de deux prébendes à quatre prêtres446, ce qui est confirmé dans un acte de la même période, mais non daté447. Dans la même période, le pape Urbain statue sur l’augmentation du nombre de rentes dans l’église de Saint-Outrille-du-Château de Bourges. Suivant la fixation de l’effectif des chanoines, ces rentes pourraient plutôt s’apparenter à des prébendes. Il renforce également le statut de l’ancien archevêque Pierre au sujet du bénéfice et de la rente du groupe de dix chanoines avec le conseil

443 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », Mémoires de la société des Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, t. 1, 1847, p. 100-102 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 444 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 445 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 446 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 447 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 71.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 102 Licence CC BY-NC-ND 3.0 d’hommes instruits448. Cela correspond à l’augmentation de l’effectif de chanoines par rapport aux deux actes précédents. Enfin, en 1188, le pape Clément rétablit le nombre de vingt prébendes selon les modalités de 1186449. C’est également dans les mêmes années, en 1184, que le doyen et le chapitre de Montermoyen demandent à Henri de Sully, archevêque de Bourges, de fixer le nombre de chanoines et de prébendes ; ainsi le nombre de prébendes est fixé à deux pour le doyen, une pour l’œuvre de l’église et dix pour les chanoines, réparties en parts égales. Au moment de l’acte, une prébende devait être vacante et l’acte précise qu’elle est à récupérer par le doyen sauf si trois individus, chanoines de cette église, destinés à faire preuve d’assiduité, accèdent à l’église sous quarante jours450. Cet acte rappelle les problèmes quant à l’assiduité et la résidence des chanoines qui montraient parfois un taux d’absentéisme important ; il n’est pas possible à travers mes actes d’envisager une telle étude. Enfin, entre 1200-1209, Saint Guillaume, archevêque de Bourges, fixe le nombre de prébendes de Notre-Dame-de-Sales à douze, deux pour le prieur et dix pour autant de chanoines dont il se réserva la collation. En cas de vacance du siège épiscopal, il accorde ce droit au prieur, ce qui est confirmé par le pape Innocent III451. Ces informations montrent bien que le nombre de prébendes est en lien avec le nombre de chanoines et croît et décroît en conséquence, ce qui est visible pour Saint-Outrille-du-Château de Bourges. Le nombre de prébendes est toutefois généralement supérieur, notamment parce que le doyen en possède deux ou trois, ce qui est exclusif à sa fonction.

II.1.4.2. Les chapitres ruraux

Les statuts du chapitre de Vatan datant de janvier 1024 fixent à vingt le nombre de prébendes, trois pour le prieur, seize pour les chanoines (cinq prêtres, cinq diacres et six sous-diacres)452, ici l’auteur s’avance peut-être vite, puisque les prêtres étaient des membres généralement distincts des chanoines. Les prébendes étaient à la collation du chapitre de Vatan

448 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187 (a). 449 AD Cher, 8 G 1461, 1188. 450 AD Cher, 1 G 1 (Cartulaire de l’archevêché), p. 180-102, n° 403 (1184). 451 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235. Dans Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 71, l’auteur ne date pas la fixation de l’effectif, mais indique bien que l’effectif initial n’est pas connu. 452 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 684

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 103 Licence CC BY-NC-ND 3.0 et à la nomination du chanoine qui est en tour453. Cependant, si un tel effectif était réel à Vatan, le chapitre devait être bien doté. Les effectifs se rapprochent de ceux de La Châtre où le nombre est fixé à quinze : quatre presbytérales, quatre diaconales, quatre sous-diaconales, deux priorales et une réservée pour les besoins de l’église454. À une époque indéterminée, La Châtre comportait huit chanoines avec une prébende chacun et quatre semi-prébendés455. Entre 1120 et 1137, lors de l’union du chapitre des Aix-d'Angillon au chapitre cathédral, le nombre de prébendes est fixé à six456. Il s’agissait d’un petit chapitre pourtant en pleine expansion puisqu’en 1196, les doyens, chanoines et le chapitre de Saint-Étienne permirent d’augmenter les prébendes de cette église à douze prieur compris, de sorte que chaque prébende ait 100 sols de revenu, le nombre de chanoines est également doublé à ce moment457. De plus, le service paroissial de Notre-Dame de Graçay était attaché à des prébendes et assuré par des vicaires458. Deux actes nous renseignent également sur la circulation des prébendes ; ainsi, le 10 août 1092, les chanoines de Saint-Ursin de Montcenoux donnent au fils de Bernard de Cratberto deux prébendes de leur « monastère » en échange des dons de ce Bernard459 et le 30 octobre 1084, le chapitre des Aix-d'Angillon donne une prébende dans l’église de Saint-Ursin à Gilon des Aix-d'Angillon, qui la donne ensuite à Umbert460. Cela indique que les prébendes étaient en perpétuelle mouvance entre les ecclésiastiques et les laïcs. Le « monnayage » de ces prébendes en échange de dons était mal vu par les acteurs de la Réforme Grégorienne et les modalités de cessions des prébendes ont dû être revues puisqu’à part ces deux actes, aucun autre ne mentionne le don de prébendes des chapitres à des seigneurs ou à des personnes laïques.

453 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 684. 454 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, Bourges, Imprimerie et lithographie de P. A. Manceron, 1840, p. 13 ; Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 100. 455 Claude Charles DUGUET, La Châtre avant la révolution, op. cit., p. 38. 456 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6. 457 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 326, l’auteur date la décision de 1195. 458 Benoît TAHON, « L’église Saint-Martin de Graçay (fin XIe-XIIe siècles) », Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, n° 98, 1989, p. 45-54, p. 47, l’auteur ne donne pas de date. 459 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (10 août 1092) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, Moulins, Imprimerie Bourbonnaise, 1902, t. 1, p. 425. 460 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4418/. Date de mise à jour : 29/03/12.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 104 Licence CC BY-NC-ND 3.0 II.2. Relations institutionnelles des chapitres

Les chapitres étaient des institutions qui communiquaient entre elles, notamment avec l’Église mère : la cathédrale, comprenant l’archevêque et le chapitre cathédral.

II.2.1. Avec le siège épiscopal

Le rôle majeur de l’archevêque vis-à-vis des chapitres collégiaux apparaît lors de l’union de certains chapitres au chapitre cathédral, ou encore lors de la fixation du nombre de chanoines et de prébendes. Les archevêques interviennent deux fois lors des unions de chapitres à celui de la cathédrale, une première le 23 avril 1093 pour le chapitre de Saint-Ursin de Bourges dont Richard II, archevêque de Bourges, ordonne l’union461. Cela n’est pas étonnant, Richard étant un réformateur, son but premier était le respect de règles, dont la vie et les repas communs font partie, et une désappropriation des biens ecclésiastiques par les laïcs en les ramenant à l’Église. L’union à la cathédrale permet de garder un aspect séculier de la collégiale et indépendant quand, à la même époque ou plus tard, des collégiales se régularisent, probablement faute de moyens pour subsister. Entre 1120 et 1137, Vulgrin dirige lui aussi l’union du chapitre des Aix-d'Angillon avec le chapitre cathédral assortie de diverses clauses dont le partage des revenus et impliquant une soumission du chapitre collégial à l’Église mère462. Les relations avec les archevêques pouvaient aller encore plus loin, comme en 1106, quand suite à un litige entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay, le premier demande à l’archevêque d’arbitrer le conflit, fixant dans le même temps le nombre de chanoines et de prébendes de ces chapitres, mais également les modalités d’élection des chanoines et du prieur463 ; comme le chapitre était en désaccord avec ces clauses vers 1186, l’archevêque Henri de Sully statue également sur la fixation du nombre de chanoines464, ce qui nécessita dans le même temps le soutien du pape. Deux années auparavant, en 1184, l’archevêque de Bourges, Henri de Sully, fixait le nombre de chanoines et de prébendes du chapitre de Montermoyen, dont les effectifs étaient trop importants465, et entre 1185 et 1187,

461 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 462 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, « Observations présentées par M. de Kersers sur l’église collégiale des Aix », art. cit., p. 37 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6. 463 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 464 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 465 AD Cher, 1 G 1 (Cartulaire de l’archevêché), p. 180-102, n° 403 (1184).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 105 Licence CC BY-NC-ND 3.0 l’archevêque participe à la fixation du nombre de chanoines de Notre-Dame-de-Sales466, et entre 1200 et 1209 Saint Guillaume, archevêque de Bourges, y fixa le nombre de prébendes467. L’archevêque détermine aussi les règles internes des chapitres, comme le 3 août 1132 quand Vulgrin confirme la décision de Louis VI, roi de France qui règle un conflit entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Ambroix de Bourges concernant le siège dans le chœur de Saint-Étienne468. La décision de l’archevêque est évidente puisqu’il est le « chef » de la cathédrale et donc approuve la place de chacun auprès de ses chanoines. Le 12 septembre 1178, Guarin, archevêque de Bourges confirme la bulle du pape Alexandre III qui donne et confirme au prieur et aux chanoines de Saint-Ursin de Bourges la libre faculté et distribution des biens469 ; la même année, face aux réclamations des chanoines de Saint-Ursin de Bourges qui indiquent ne pas avoir assez de moyens suite à l’incendie des maisons dans lesquelles ils vivaient, l’archevêque de Bourges règlemente leurs coutumes adaptées à leurs moyens470 ; il bannit également la vie commune dans le chapitre de Notre-Dame de Montermoyen471. En 1194, Henri, archevêque de Bourges, arbitre un litige entre les chapitres de Notre-Dame-de-Sales et Notre-Dame de Montermoyen concernant le droit de sépulture de chacune des deux églises et la possession du cimetière472. L’archevêque peut également intervenir en matière de liturgie ou de consécration d’église, même ultérieurement à la fondation des chapitres, comme en 1104 quand Léodegaire, alors archevêque de Bourges, procède à la dédicace de Saint-Pierre de Saint-Satur dans la ville éponyme473, ou encore en 1094 avec une charte d’Audebert, archevêque de Bourges, accordant la présentation de la cure d’Anjouin laquelle fait foi que saint Didier, évêque de Langres, est l’un des patrons de Saint-Outrille-lès-Graçay, en laquelle on fait la solennité le mardi de la Pentecôte474. Dans d’autres cas, l’archevêque se pose en médiateur d’un conflit : en 1128, Vulgrin, archevêque de Bourges, arbitre un conflit entre le chapitre Saint-Étienne de Bourges et le chapitre de Saint-Ambroix de Bourges concernant la possession de plusieurs églises475. Ce conflit se situe dans une période de transition pour Saint-Ambroix de Bourges qui est en pleine

466 AD Cher, 7 G 266, 1185-1187. 467 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235. 468 Robert-Henri BAUTIER, Jean DUFOUR (dir.), Recueil des actes de Louis VI, op. cit., t. 2, p. 178-179, n° 320. 469 AD Cher, 14 G 5, 12 septembre 1178. 470 AD Cher, 14 G 5, 1178 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 471 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, col. 121. 472 AD Cher, 7 G 262, 1194. 473 Ferdinand GEMÄHLING, Monographie de l’abbaye de Saint-Satur, près de Sancerre (Cher), Paris, A. Chaix et Cie, 1867, p. 29. 474 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 640 ; Ibid., t. 2, p. 58. 475 AD Cher, 8 G 228, 1128.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 106 Licence CC BY-NC-ND 3.0 régularisation, les deux chapitres devaient avoir des usages communs sur certaines églises et cela devait poser problèmes, ainsi les deux chapitres ont dû procéder à des ajustements pour les usages de certaines églises. En 1135, lors d’un conflit concernant l’église de Neuvic entre le chapitre de Notre-Dame de Montermoyen et les moines de Vierzon, le doyen du chapitre, Cadurce, qui est également chantre de Saint-Étienne de Bourges, fait une demande au pape Innocent III concernant ce conflit. Ce dernier renvoie l’affaire à l’archevêque de Bourges Vulgrin, afin qu’il règle le conflit476. La sollicitation du pape semblait relativement importante à l’époque et le renvoi à l’archevêque de Bourges peut rendre compte des prérogatives de chacune des parties et de la volonté du pape de ne pas intervenir dans les affaires dont l’archevêque a normalement la charge. En 1085, Henri, archevêque de Bourges, fait connaître et règle un litige entre les chanoines de Saint-Ursin de Bourges et Guillaume sénéchal au sujet de la combustion de l’église et des maisons de Montcenoux477. Saint-Ursin étant uni au chapitre cathédral, son rôle de médiateur est évident. Enfin entre 1199 et janvier 1209, Guillaume, archevêque de Bourges et primat d’Aquitaine, examine et arbitre un litige entre Pagrini, maître hospitalier en Berry et le prieur et chapitre de Levroux concernant un tiers de la part que les chanoines de Levroux avaient sur l’église de l’Hôpital de Bourgneuf478. Le rôle de l’archevêque dans les conflits montre soit que le litige concerne l’Église mère, soit qu’il nécessite un médiateur haut placé. Le second individu en dessous du pape étant l’archevêque, cela se remarque dans la manière du pape de lui déléguer les affaires. De plus, la majorité des litiges concernent des possessions d’églises à une époque marquée par la Réforme grégorienne, il n’est donc pas question de demander à des laïcs de jouer un rôle de médiateur. Cependant, l’archevêque de Bourges a aussi joué un rôle plus passif dans les actes qu’il a produit ; cela se traduit par des approbations de dons comme l’a fait Richard II en 1085 pour le don de Ségaud, chevalier noble, de son fils comme religieux à la communauté de Saint-Ursin de Bourges479, mais la plupart des actes indiquent plutôt sa présence au moment où les actes sont produits. C’est le cas en 1087 quand Durand, prêtre de Crozon, donne des églises de l’Indre à l’abbaye de Marmoutier (Tours). Cet acte est fait devant l’autel du Saint-Sépulchre à Neuvy-Saint-Sépulchre480. Guarin est présent en 1178 quand Renaud IV, seigneur de Graçay

476 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135. 477 AD Cher, 14 G 16, 1185. 478 AD Indre, G 110, fol. 25r §01. 479 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXXV-XXXVI, n° XVIII. 480 Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 214-215, n° 47 (1087) ; Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », RACF [En ligne],

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 107 Licence CC BY-NC-ND 3.0 céda à Notre-Dame de Graçay un certain nombre de droits et coutumes481 et Henri de Sully est présent quand Étienne, baron de Graçay consent à un don de son vassal Arnoul du Château au chapitre de Saint-Ursin de Bourges en 1198482. Enfin l’archevêque a un rôle de transmission des actes passés entre des parties : en 1184, Henri de Sully, archevêque de Bourges, fait savoir que Odon de Sully, son frère, archidiacre de Sologne, fait un don au chapitre cathédral, sur demande de l’archevêque, de vignes et maison, pour l’anniversaire de Pierre de Charenton, ancien prieur de Saint-Outrille-lès-Graçay483. Cet acte montre à la fois un rôle d’acteur de l’archevêque puisqu’il demande à son frère de faire un don, ce qui rappelle en quelque sorte la fondation de Saint-Ursin de Montcenoux par la famille de Bourbon. Or l’archevêque, qui est à la tête de la cathédrale, n’est pas à prendre seulement comme un acteur isolé ; il faut voir les relations des chapitres avec le chapitre cathédral.

Tableau 14 : Rôle des archevêques envers les chapitres collégiaux Rôle des archevêques Nombre d’actes Fixation des coutumes 10 Règlement de litige 4 Présence 3 Union des chapitres 2 Liturgie 2 Approbateur 1 Transmission / Demande de don 1

Les relations des chapitres collégiaux avec le chapitre cathédral sont relativement semblables à celles évoquées ci-dessus ; certains de ses membres sont présents lors de l’union des chapitres à lui : en 1093 pour Saint-Ursin de Bourges484 et entre 1120 et 1137 pour le chapitre des Aix-d'Angillon485. De même, le chapitre prend part au règlement du litige entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay en 1106486 et entre

t. 43, 2004, p. 171-207, mis en ligne le 1er mai 2006, consulté le 28 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/racf/186, p. 176. 481 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 643. 482 Ibid., p. 644. 483 AD Cher, 8 G 355, 1184. 484 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 485 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, « Observations présentées par M. de Kersers sur l’église collégiale des Aix », art. cit., p. 37 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6. 486 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 108 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Ambroix de Bourges pour la place dans le chœur de Saint-Étienne en 1132487 et lors du conflit concernant l’église de Neuvic entre le chapitre de Notre-Dame de Montermoyen et les moines de Vierzon en 1135488. Également, le chapitre est un acteur sous-entendu quand l’archevêque de Bourges l’instaure comme référence en matière de vie commune comme en 1178489 et entre 1186490 et 1188491, ce qui signifie que le chapitre cathédral doit communiquer sur son mode de vie avec l’ensemble des établissements concernés. Enfin le chapitre est partie intégrante des actes lors du conflit avec Saint-Ambroix de Bourges sur la possession de plusieurs églises en 1128492. Mais des actes distinguent le rôle du chapitre cathédral de celui de l’archevêque, notamment en 1119 quand Odon, sous-chantre de Bourges, et Grégoire, chanoine de Paris, assistent à un conflit entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay concernant la taille et les hommes communs et ont trouvé un compromis en présence des chanoines de Saint-Étienne de Bourges493 et en 1196 lorsque l’évêque de Paris, également chantre de Bourges494, règle un conflit entre le doyen et le chapitre des Aix-d’Angillon sur la donation des églises de Sciliez, Beaulieu, , Furiaco, Bengiaco et Cheri, et sur la mise en place de la charge de doyen495. Ce dernier acte ainsi que celui de 1135496 permettent également de s’interroger sur le cumul de fonction des chanoines ou dignitaires du chapitre cathédral. En effet, en 1196, l’évêque de Paris est chantre de Bourges et en 1135, le doyen de Notre-Dame de Montermoyen est aussi le chantre de Saint-Étienne de Bourges. Peu d’indications concernent ces faits, mais il est certain qu’en 1135, Cadurce était un personnage important allant demander directement au pape de régler des conflits ; cela montre également dans une moindre mesure l’aire d’influence des dignitaires qui ne devaient pas être choisis au hasard pour régler les affaires des chapitres.

487 Robert-Henri BAUTIER, Jean DUFOUR (dir.), Recueil des actes de Louis VI, op. cit., t. 2, p. 178-179, n° 320 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 64. 488 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135. 489 AD Cher, 14 G 5, 1178 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 490 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 491 AD Cher, 8 G 1461, 1188. 492 AD Cher, 8 G 228, 1128. 493 AD Cher, 8 G 1462, 1119. 494 D ou Ed, probablement Odon ou Eudes de Sully, évêque de Paris dès 1197. Selon le style de datation, cela peut correspondre. 495 AD Cher, 8 G 23, 1196. 496 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 109 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Cependant il est important d’approfondir les relations des chapitres avec l’archevêque et le chapitre cathédral, ainsi qu’avec d’autres institutions afin de comprendre quelle place ils ont pris dans le diocèse.

II.2.2. L’insertion des chapitres dans le diocèse

II.2.2.1. Des relations plus intenses avec l’archevêque et le chapitre cathédral

Certains chapitres ont des relations plus poussées avec l’archevêque et le chapitre cathédral. Cela peut être dû à l’union du chapitre avec le chapitre cathédral comme il a été développé au-dessus, mais comment cela se traduit-il ?

L’archevêque de Bourges décide de l’union de Saint-Ursin de Bourges avec le chapitre cathédral en 1093497 et pourtant ce n’est que près d’un siècle plus tard qu’un nouvel acte indique des relations entre l’archevêque et ce chapitre. Les actes ont peut-être disparu, mais le chapitre de Saint-Ursin de Bourges semblait relativement indépendant et cette autonomie peut expliquer l’éloignement de l’archevêque pour assister d’autres institutions plus en demande ou encore s’occuper de ses obligations diocésaines. Le 12 septembre 1178, l’archevêque commence à règlementer l’organisation du chapitre en confirmant la libre faculté et distribution des biens du chapitre498 et la même année, face aux réclamations des chanoines, il règlemente les coutumes du chapitre adaptées aux moyens des chanoines, diminués par l’incendie des maisons dans lesquelles ils vivaient499. Cette règlementation indiquant que les chanoines doivent suivre les coutumes du chapitre cathédral montre les liens forts entre ces deux institutions, liens que l’on ne retrouve pas pour toutes les institutions, surtout hors de la ville de Bourges. Il est également à penser que les chanoines de Saint-Ursin de Montcenoux devaient également se plier à cette règle, puisqu’ils devaient normalement suivre les coutumes de Saint-Ursin de Bourges.

497 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 498 AD Cher, 14 G 5, 12 septembre 1178. 499 AD Cher, 14 G 5, 1178 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 110 Licence CC BY-NC-ND 3.0 De même, à l’union du chapitre des Aix-d'Angillon avec le chapitre cathédral par Vulgrin entre 1120 et 1137500, l’archevêque règlemente les règles de vie du chapitre et les partages à faire avec le chapitre cathédral, cependant, aucun autre acte ne démontre la proximité de ce chapitre avec l’archevêque et le chapitre cathédral. Cela est supposé par le rapprochement entrepris par la famille de Sully avec le siège épiscopal, ainsi le chapitre des Aix-d'Angillon a dû être pris en charge directement par le chapitre cathédral afin de permettre au chapitre de subsister. Les relations entre l’archevêque et le chapitre cathédral avec Saint-Outrille-du-Château de Bourges semblent relativement importantes. En 1132, les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges avaient une place dans le chœur de Saint-Étienne de Bourges501 montrant ainsi leur proximité immédiate en matière de liturgie. Cette proximité se retrouve dans le fait que les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et de Saint-Outrille-lès-Graçay doivent suivre les coutumes de chapitre cathédral en matière de repas communs en 1186502, ce qui a donné lieu à des conflits entre les deux institutions et l’appui du pape pour régler le litige, enfin cela est confirmé en 1188503 sans que l’on ne retrouve une remise en cause jusqu’à la fin du XIIe siècle. L’union avec le chapitre cathédral n’est confirmée par aucun acte, mais Saint-Outrille-du-Château de Bourges était sous le patronage de la cathédrale d’une date inconnue jusqu’en 1396504, ce qui explique cette proximité du chapitre avec l’archevêque et le chapitre de la cathédrale. Les relations avec les chapitres suivants ne sont pas distinctes mais sont bien plus approfondies pour y voir une proximité directe avec l’archevêque et le chapitre cathédral. En 1135505, il est certain que les relations entre le chapitre cathédral et Notre-Dame de Montermoyen sont intenses : Cadurce est le chantre de Saint-Étienne de Bourges et le doyen de Montermoyen. Le litige opposant Montermoyen aux moines de Vierzon est donc réglé par l’archevêque, ce qui semble relativement normal et être dans ses prérogatives, ce qui explique probablement le refus du pape d’accéder à la demande de Cadurce de régler le litige. De plus en 1178, Guarin, archevêque de Bourges règle la coutume de ce chapitre en y bannissant la vie

500 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, « Observations présentées par M. de Kersers sur l’église collégiale des Aix », art. cit., p. 37 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6. 501 Robert-Henri BAUTIER, Jean DUFOUR (dir.), Recueil des actes de Louis VI, op. cit., t. 2, p. 178-179, n° 320. 502 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 503 AD Cher, 8 G 1461, 1188. 504 Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Outrille de Bourges », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 27/9/2017, consultée le 3/7/2018. 505 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 111 Licence CC BY-NC-ND 3.0 commune506 et à la demande du chapitre, fixe l’effectif de chanoines et le nombre de prébendes du chapitre de Montermoyen en 1184507 et en 1194, l’archevêque règle un litige entre Montermoyen et Notre-Dame-de-Sales concernant le droit de sépulture de chacune des deux églises et la possession du cimetière508. Ce dernier acte montre également la proximité géographique entre les deux églises pour donner lieu à un tel conflit, qui était important puisque le droit de sépulture est très lucratif à l’époque médiévale. Enfin le 1er janvier 1183, le pape Lucius III confirme à l’archevêque de Bourges, à la suite de ses prédécesseurs, l’autorité sur la quasi-totalité des chapitres collégiaux du diocèse de Bourges, à savoir Saint-Ursin, l’église Saint-Outrille, l’église Saint-Ambroix, l’église Notre-Dame-de-Sales, l’église Notre-Dame de Montermoyen, l’église Saint-Pierre-le-Puellier pour les institutions de la ville de Bourges, et hors de la cité épiscopale l’église de Saint-Satur, l’église de Mehun-sur-Yèvre, l’église de Vatan, l’église de Graçay, l’église de Levroux et l’église Saint-Germain de La Châtre509. Les succursales de Montcenoux et de Graçay doivent être comprises comme possessions de Saint-Ursin de Bourges et Saint-Outrille-du-Château de Bourges. Cependant, le fait que l’archevêque en ait l’autorité ne semble guère augmenter les relations qu’avaient les chapitres avec lui, une étude plus poussée sur le siècle suivant pourrait peut-être répondre à cette question. De plus, il n’est pas certain que Saint-Pierre de Saint-Satur soit une dépendance de la cathédrale, même si Ferdinand Gemähling rapporte qu’en 1104 un acte indique que cette église est « fille » de Saint-Étienne de Bourges510. Les relations les plus approfondies que les chapitres ont avec le chapitre cathédral peuvent donc être mises en relation avec les unions à ce chapitre, qui devait donc en assurer l’organisation et le fonctionnement. Cela peut également être lié avec le fondateur de ces chapitres qui est principalement Dagbert, l’archevêque de Bourges, sauf pour Saint-Ursin de Bourges mais l’union a dû considérablement rapprocher ces deux institutions, le chapitre avait peut-être subi une phase de dépérissement et avait besoin de soutien de la part du chapitre cathédral qui pendant deux siècles a pu se réenrichir et permettre la subsistance de chapitres dans le besoin, affirmant ainsi sa puissance et sa fonction d’Église mère du diocèse, ou bien le chapitre, qui était certainement l’un des mieux dotés de la ville de Bourges, devait avoir besoin d’être organisé selon un modèle viable et exemplaire, sans se régulariser pour autant, ce modèle se trouvant en l’Église mère. Le cas exceptionnel de Saint-Ythier des Aix-d'Angillon, hors de

506 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, col. 121. 507 AD Cher, 1 G 1 (Cartulaire de l’archevêché), p. 180-102, n° 403 (1184). 508 AD Cher, 7 G 262, 1194. 509 Julius von PFLUGK-HARTTUNG, Acta pontificum, op. cit., t. 1, p. 311-313, n° 355 (1er janvier 1183 anc. st.). 510 Ferdinand GEMÄHLING, Monographie de l’abbaye de Saint-Satur, op. cit., p. 13.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 112 Licence CC BY-NC-ND 3.0 la ville de Bourges, peut s’expliquer par le rapprochement de la famille de Sully du siège épiscopal motivant le soutien si précoce, avant 1183, de l’archevêque et du chapitre cathédral par le biais de l’union des deux chapitres. Cependant, une autre institution a un caractère exceptionnel dans le diocèse de Bourges : Saint-Martin de Léré.

II.2.2.2. Léré : dépendance martinienne ou institution berrichonne indépendante ?

Saint-Martin de Léré est le chapitre qui apparaît le plus tôt dans les sources, mais dont aucune information ne nous parvient par la suite avant le XIIIe siècle. Les archives départementales de l’Indre-et-Loire et du Cher ne sont guères éloquentes, ce qui n’aide pas à connaître le devenir de l’institution depuis 869. La question principale qui se pose est si le chapitre de Saint-Martin de Léré est resté une dépendance de Saint-Martin de Tours à la fin des invasions normandes, quand les reliques n’avaient plus besoin d’être protégées ou si le chapitre avait pris une certaine indépendance vis-à-vis de Tours ou encore si le chapitre est devenu une institution autonome faisant partie du diocèse de Bourges. Hélène Noizet qui s’est penchée sur la question de Saint-Martin de Tours indique que la villa de Léré, où était établi le chapitre, était toujours mentionnée dans des diplômes du Xe siècle confirmant les biens de Saint-Martin de Tours511. Aucune confirmation de ses biens ne nous est parvenue pour le XIe et une grande partie du XIIe siècle ; en 1170, une bulle du pape Alexandre III liste les possessions de Saint-Martin de Tours parmi lesquelles nous retrouvons la villa de Léré512. Cela laisse penser que même si les chanoines de Saint-Martin de Tours n’utilisaient plus cette villa comme un refuge pour leurs reliques, ils gardaient un pied dans le diocèse de Bourges, facile d’accès par la Loire, avec un chapitre qui ne devait pas être si important, mais leur assurait une source de revenus et un appui en cas de besoin imminent. Cependant, les chapitres séculiers étaient ouverts au monde et échangeaient avec les différentes institutions ecclésiastiques du diocèse.

511 Hélène NOIZET, « Les chanoines de Saint-Martin de Tours et les Vikings », Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Publications du CRAHM, Caen, 2005, p. 53-66, p. 9. 512 Ibid., p. 10.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 113 Licence CC BY-NC-ND 3.0 II.2.2.3. Les relations intra-diocésaines

Outre les relations entre les églises de Saint-Ursin de Bourges et de Saint-Outrille-du-Château de Bourges avec leurs succursales, ou avec le chapitre cathédral, Notre-Dame de Graçay et Saint-Laurian de Vatan étaient des institutions semblables, pourtant les actes ne mentionnent pas de relations précises entre ces chapitres. Or dès la fondation de Notre-Dame de Graçay, il est précisé que les coutumes de ce chapitre étaient calquées sur celles de Saint-Laurian de Vatan513. Cependant, les relations des chapitres sont étendues à des abbayes ; dès août 1034, lors de la restitution de Saint-Pierre de Saint-Satur, de nombreux abbés, dont Herbert, abbé de Déols, Martin, abbé de Vierzon, Ymon abbé d’Issoudun et Vivian, abbé de Navensis514 sont présents515, l’abbé de Saint-Sulpice de Bourges est également présent lors de la confirmation de la charte de donation par Philippe, roi de France, qui lui-même procède à des donations pour le chapitre Saint-Ursin de Bourges516. Le conflit du 3 août 1132 entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Ambroix de Bourges déjà mentionné, concernant la place dans le chœur de Saint-Étienne de Bourges montre bien que même régularisées, les institutions restent en contact517. Ce sont d’ailleurs par des litiges que les relations entre toutes ces institutions apparaissent car elles ne semblent pas être proches de manière habituelle. Ainsi en 1135, Vulgrin règle un conflit entre les moines de Vierzon et les chanoines de Notre-Dame de Montermoyen concernant l’église de Neuvic518 et entre 1199 et janvier 1209, Guillaume, archevêque de Bourges et primat d’Aquitaine, examine et arbitre un litige entre Pagrini, maître hospitalier en Berry et le prieur et le chapitre de Levroux concernant un tiers de la part que les chanoines de Levroux avaient sur l’église de l’Hôpital de Bourgneuf519. Néanmoins des accords existent entre ces différentes institutions comme en 1152 entre les moines de Chezal-Benoît et le prieur et les chanoines de Saint-Silvain de Levroux concernant un don de terre en échange d’une rente520, ou en 1182 avec une charte de transaction entre le chapitre de Saint-Ursin de Bourges et les frères de l’abbaye de La Vernusse521.

513 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 641. 514 Chantelle. 515 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 516 Philippe LABBE, Histoire du Berry abbregée dans l’éloge panégyrique de la ville de Bourges capitale dudit pais, présenté à Monseigneur Le Prince, Paris, Chez Gaspard Meturas, 1647, p. 196-199. 517 Robert-Henri BAUTIER, Jean DUFOUR (dir.), Recueil des actes de Louis VI, op. cit., t. 2, p. 178-179, n° 320. 518 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135. 519 AD Indre, G 110, fol. 25r §01. 520 AD Indre, G 110, fol. 24v §02. 521 AD Cher, 14 G 6, 1182.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 114 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Cependant, les chapitres séculiers peuvent être le lieu d’une transaction entre plusieurs institutions ; ainsi, entre 1098 et 1099, l’archevêque de Bourges, Léodegaire fait un don aux moines de Déols. L’acte est fait à La Châtre dans le réfectoire des chanoines522. Les relations entre les institutions dans le diocèse semblent donc motivées par des problèmes ou accords, principalement centrés sur la gestion du temporel de ces institutions et sur le partage des droits sur un même bien. Or, il ne faut pas oublier que ces institutions produisaient des traces écrites principalement en cas de besoin d’une justification en justice ou lors de litiges, et donc il ne faut pas en déduire que le reste du temps les relations entre elles étaient nulles. Cependant, les relations avec des institutions dans le diocèse ne sont pas les seules qu’entretenaient les chapitres collégiaux séculiers : les échanges avec le pape ou avec les institutions extra-diocésaines ont également de l’importance.

II.2.3. Des relations étendues

II.2.3.1. Avec le pape

Le pape a joué plusieurs rôles dans sa relation avec les chapitres collégiaux. Tout d’abord il se veut protecteur des institutions qui sont sous la tutelle du Saint-Siège : le 28 juin 1079, le pape Grégoire VII, qui a confié antérieurement à l’acte, la régence de l’église de Neuvy-Saint-Sépulchre à son clerc Simon, avertit Boson de Cluis des conséquences de ses attaques contre le chapitre de Neuvy-Saint-Sépulchre qui dépend du droit et du cens de Jérusalem523. Le 4 avril 1123, Calixte ordonne au doyen de Saint-Outrille-du-Château de Bourges la mise sous tutelle et la protection du Saint-Siège de l’église de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et de ses possessions. Parmi ces possessions, plusieurs églises sont citées, mais pas Saint-Outrille-lès-Graçay, ce qui questionne sur son devenir524. Le pape a également un rôle de donateur, notamment le 12 septembre 1178 quand il donne à Saint-Ursin de Bourges la libre faculté et la distribution des biens, ce qui est confirmé par l’archevêque de Bourges525. Le 3 janvier 1183, Lucius III, en confirmant à la suite de ses prédécesseurs la primatie de Bourges et , donne à l’archevêque de Bourges l’autorité

522 Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 254-255, n° 65 (1098-1099). 523 Ibid., p. 203-204, n° 43. 524 Ulysse ROBERT, Bullaire du pape Calixte II, op. cit., t. 2, p. 173-174, n° 386. 525 AD Cher, 14 G 5, 12 septembre 1178.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 115 Licence CC BY-NC-ND 3.0 sur une série d’établissements religieux, séculiers ou réguliers dans tout le diocèse, parmi lesquels Saint-Ursin, les églises de Saint-Outrille, Saint-Ambroix, Notre-Dame-de-Sales, Notre-Dame de Montermoyen, et Saint-Pierre-le-Puellier dans la ville de Bourges, et hors de la cité épiscopale celles de Saint-Satur, Mehun-sur-Yèvre, Vatan, Graçay, Levroux et Saint-Germain de La Châtre526. Enfin, le pape a surtout un rôle de médiateur dans les conflits, principalement à la fin du XIIe siècle. Entre 1185 et 1187, le pape Urbain III revient sur la réception de trois de ses chanoines à Notre-Dame-de-Sales, surpassant l’effectif de douze chanoines statué par l’archevêque de Bourges Henri de Sully. Ainsi, il statue que les chanoines n’en recevraient pas d’autres jusqu’à ce qu’ils aient atteint ce nombre527. Le pape intervient ici parce qu’il s’agit de ses chanoines, mais si cela n’avait pas été le cas, l’archevêque aurait probablement réglé cette question. Mais il y a un conflit dans lequel le pape a joué un rôle majeur : celui entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et l’archevêque de Bourges concernant la fixation du nombre de chanoines. À partir de 1186, Henri, archevêque de Bourges, indique que le nombre de chanoines avait été décidé par les papes Alexandre III, Lucius III et Urbain III, pour que l’effectif ne dépasse pas dix-huit membres528. Dans deux actes datés entre 1185 et 1187, mais que j’ai précédemment identifié à la suite de l’acte de 1186, le pape Urbain III règlemente lui-même cet effectif à dix-huit membres529, précisant qu’il accepte cet effectif par l’écrit de l’archevêque Henri de Sully et l’accord de ses prédécesseurs Alexandre III et Lucius III, puis à vingt530. Enfin, sur cette question, en 1188 le pape Clément III réduit l’effectif à dix-huit531. Peut-être que le chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges a attendu l’accession du nouveau pape au siège pontifical pour remettre en cause la décision du précédent. Le 26 mai 1198, lors d’un conflit entre Hugues Capsum, intendant et chanoine de Vatan et l’église de Vatan, il est précisé que les chanoines ont envoyé préalablement des demandes au siège apostolique qui affranchit l’église de toute attaque, ne contraint pas les chanoines à accepter les termes de l’accord avec Hugues et les chanoines ont obtenu une indulgence rendue à l’église par le prieur de Vatan. De plus, le siège indique qu’il n’y aura pas d’appel possible à la décision, que l’investiture faite à Hugues est confirmée est que l’église de Vatan est acquittée quant aux difficultés de réception de trois chanoines, comme pour Notre-Dame-de-Sales entre 1185 et

526 Julius von PFLUGK-HARTTUNG, Acta pontificum, op. cit., t. 1, p. 311-313, n° 355 (1er janvier 1183 anc. st.). 527 AD Cher, 7 G 266, 1185-1187. 528 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 529 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187. 530 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187 (a). 531 AD Cher, 8 G 1461, 1188.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 116 Licence CC BY-NC-ND 3.0 1187. La question se pose donc des relations du pape avec les chapitres devant accueillir certains de ses chanoines. Enfin, le pape n’accepte pas toujours de régler les conflits et en 1135, Cadurce, doyen de Montermoyen et chantre de Saint-Étienne de Bourges vient trouver le pape Innocent III pour régler un litige entre le chapitre Notre-Dame de Montermoyen et les moines de Vierzon. Cadurce semble être un personnage important par le cumul de ses fonctions et les relations qu’il entretenait avec le roi. Et la place de l’archevêché de Bourges, qui est le plus grand de France, a probablement entrainé des relations étroites avec le pape pour mieux gouverner sur le territoire. Or, Cadurce a peut-être été trop entreprenant en demandant directement au pape d’arbitrer le conflit, Innocent III a demandé à l’archevêque de le régler lui-même532. Le pape intervient donc en Berry principalement pour régler des conflits importants concernant la règlementation interne des chapitres et ensuite pour s’occuper des établissements qui sont sous sa protection, ce qui lui permettait également d’avoir des possessions sur le territoire, marquant sa présence et ses positions. Les relations entretenues avec le pape induisent que les chapitres pouvaient échanger avec les établissements situés hors du diocèse de Bourges.

II.2.3.2. Avec les institutions extra-diocésaines

Les actes indiquant que les relations des chapitres dépassent le cadre du diocèse apparaissent très tôt, dès le XIe siècle, quand les chanoines de Saint-Martin de Tours abritent leurs reliques dans le chapitre de Saint-Martin de Léré mis à leur disposition par Charles II le Chauve pour échapper aux dangers des invasions533. À une date inconnue, le chapitre de Saint-Martin de Tours nommait le prévôt de Léré qui était officier et sous la dépendance de ce chapitre. Le chapitre établi représentait celui de Saint-Martin de Tours dans le Berry534. Les acteurs venant d’institutions situées hors du diocèse de Bourges font parfois acte de présence et sont témoins des actes ; c’est le cas d’Oldoric, abbé de Limoges, le seul signataire venant d’une abbaye hors du diocèse de Bourges en août 1034535. De même, dans une charte non datée, Jean de Saint-Benoît est présent lors de la confirmation de la charte de donation par Philippe, roi de France, qui lui-même procède à des donations pour le chapitre Saint-Ursin de Bourges536.

532 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135. 533 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, Impr. Tardy-Pigelet, t. 5, 1891, p. 17. 534 Ibid., p. 18. 535 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 536 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 117 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Mais les actes font également référence à des confraternité avec d’autres institutions, comme le 13 janvier 1079 entre Saint-Ursin de Bourges et Saint-Hilaire de Poitiers, acte dans lequel les chanoines de Saint-Ursin demandent une prébende de l’église de Saint-Hilaire en échange de l’honnêteté et le bénéfice, quand ils viendront à leur église, l’accueil et l’asile des chanoines et l’« embauche » des chanoines si besoin. En échange, le chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers leur donne des parts de dîmes et d’église537. En 1102, le chapitre de Notre-Dame-de-Sales et l’abbaye de Molesme font également un accord de confraternité538. Ces confraternités devaient permettre aux chapitres d’avoir des droits et des rentes sur des terrains éloignés, justifiant ainsi des déplacements voire l’expansion de leur territoire ; en particulier pour les chapitres situés dans la ville de Bourges, les collégiales devaient être très proches les unes des autres autour de la cathédrale, ce qui ne permet pas d’acquérir de nouvelles terres dans ce secteur. Un acte concerne aussi des dons de biens d’une institution à une autre par un seigneur, comme en 1198, quand Étienne, baron de Graçay, consent au don que fit Arnoul du Château, son vassal, des dîmes de Saint-Martin des Champs au chapitre de Saint-Ursin de Bourges, en présence d’Henry de Sully, archevêque de Bourges539. Cependant, ce don n’était pas isolé et l’absence de l’acte ne permet pas d’indiquer que la date est juste car en 1192 les deux institutions étaient en conflit par rapport à des dîmes540. D’ailleurs, un autre acte fait mention de conflits entre Saint-Laurian de Vatan et Saint-Hilaire de Poitiers en 1159, acte par lequel les chanoines de Vatan se soumettent au paiement de rentes pour les terres de Jarondelles et Aize appartenant anciennement à Saint-Hilaire de Poitiers541. Ces terres de Jarondelles sont peut-être les mêmes que celles mentionnées avant 1012 dans l’acte de donation d’Eudes de Vatan au chapitre du même lieu542, ce qui montre l’importance de la trace écrite à cette époque pour prouver les possessions appartenant à qui de droit. En 1119, Grégoire, chanoine de Paris, assiste avec Odon, sous-chantre de Bourges, à un conflit entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay543. Les liens entre les institutions berruyères et les chanoines de Paris semblent très ténus, ce qui peut expliquer la présence de cet individu ici. Enfin, les

537 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., t. 1, 1847, p. 100-102 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 538 AD Cher, 7 G 263 (1102), l’acte fait référence à un accord plutôt qu’à une confraternité ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235. 539 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 644. 540 AD Cher, 13 G 238 ; AD Cher, 13 G 241 ; AD Cher, 14 G 256. 541 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 162. 542 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473. 543 AD Cher, 8 G 1462, 1119.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 118 Licence CC BY-NC-ND 3.0 bâtiments des chapitres peuvent servir de lieu de rédaction des actes ; c’est le cas en 1087 quand Durand, prêtre de Crozon, donne des églises de l’Indre à l’abbaye de Marmoutier. Cet acte est fait devant l’autel du Saint-Sépulchre à Neuvy-Saint-Sépulchre en présence de l’archevêque de Bourges544.

Les chapitres du diocèse de Bourges ont développé pendant deux siècles un tissu de relations très étendu avec les institutions ecclésiastiques, non seulement à travers le diocèse, mais également jusqu’au Poitou ou en Touraine. La proximité avec le siège pontifical montre aussi l’importance du rôle joué par le pape dans des contrées éloignées de Rome. La proximité avec le siège archiépiscopal peut s’expliquer par une certaine dépendance qu’ont les chapitres, essentiellement ceux de la ville de Bourges, avec l’archevêque et le chapitre de Saint-Étienne de Bourges, alors que les chapitres hors de la cité épiscopale ne semblent pas avoir besoin de l’archevêque pour leur règlementation interne.

II.3. Les relations avec les laïcs

Les relations entre les chapitres et les laïcs sont importantes également car elles montrent l’ouverture des chanoines au monde extérieur marqueur de leur sécularité. Les laïcs échangeant avec les institutions sont généralement les descendants des fondateurs, parfois soucieux d’assurer le développement des chapitres par le biais de dons ; ces chapitres sont en principe indépendants du siège épiscopal. Le roi joue également un rôle auprès des chapitres tout au long du XIIe siècle.

II.3.1. Avec les descendants des fondateurs

Les seigneurs de Graçay, descendants des fondateurs de Notre-Dame de Graçay, semblent être les individus ayant fait le plus de dons au chapitre, bien qu’aucune charte ne soit référencée aujourd’hui, assurant une continuité réelle avec leurs parents. Déjà en 1007, Sulpice, seigneur de Graçay, nommé dans une charte, consent à plusieurs donations que fait son père à Notre-Dame de Graçay545, donc environ sept ans après la fondation du chapitre. Son fils

544 Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 214-215, n° 47 (1087). 545 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 642.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 119 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Geoffroy, à son tour seigneur de Graçay, donne au chapitre Notre-Dame de Graçay, plusieurs prés, terres, cens, rentes et moulins à la même église dans une charte non datée546. En 1108, son petit-fils, Regnaud III, seigneur de Graçay donne, par l’avis de sa mère Eme et de ses barons, au prieur et aux chanoines de Notre-Dame et Sainte-Croix de Graçay, le droit de pacage de tous les bestiaux en ses forêts, d’y prendre du bois pour pesseler547 leurs vignes, et pour leur chauffage en certains temps de l’année548. Soixante-dix ans plus tard, c’est Renaud IV, seigneur de Graçay qui, en 1178, permet aux chanoines de Notre-Dame de Graçay d’acquérir des choses en sa terre. Il affranchit et amortit tout ce qu’ils avaient acquis de tous droits et coutumes ; il leur donne le droit d’usage et de chauffage en ses forêts et confirme tous leurs biens et possessions, en présence de Guarin, archevêque de Bourges, du consentement de Pierre de Graçay son fils et présomptif héritier549, qui lui-même confirme les biens et dons faits par ses prédécesseurs à cette église, donne aux chanoines les droits qu’il levait sur les bouchers et boulangers du consentement d’Arembour sa femme et d’Étienne son fils entre 1178 et avant 1198, date de sa mort550. Mais le chapitre de Notre-Dame de Graçay n’est pas le seul à être enrichi par les seigneurs de Graçay : en 1198, Étienne, baron de Graçay, consent au don que fit Arnoul du Château, son vassal, des dîmes de Saint-Martin des Champs au chapitre de Saint-Ursin de Bourges551. De même, en 1014, Raimbaud, seigneur de Graçay, fait don de terres et biens qu’il possédait au Nundray. Ses successeurs l’imitèrent aux XIIe et XIIIe siècles552. Les seigneurs de Bourbon ensuite ont produit quelques actes en faveur de Saint-Ursin de Montcenoux, ils sont moins nombreux que ceux des seigneurs de Graçay mais sont relativement complets et riches. Vers 1078, Aimon Vair Vache, fils d’Archambaud le Fort, son épouse et leur fils, font une série de dons au chapitre de Montcenoux et confirment les coutumes qui ont été faites par leurs prédécesseurs553, puis entre 1108 et 1120, Archambault de Bourbon donne ce qu’il avait chez lui, ainsi que ce qu’il revendiquait chez Pierre d’Ussel et Blandine de Chantelle, sans préciser la nature des dons. De plus, Pierre de Blot, frère d’Aimon de Bourbon, fait une série de dons au chapitre de Montcenoux. Une partie de la cérémonie est décrite

546 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 642, cette charte peut être ramenée entre 1007 et 1108, entre la charte précédente de son père et celle de son petit-fils. 547 Échalasser selon Frédéric GODEFROY, DALF, Slatkine, Genève-Paris, 1982, vol. 5, p. 699-700. 548 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 642. 549 Ibid., p. 643. 550 Ibid.. 551 Ibid., p. 644. 552 Benoît TAHON, « L’église Saint-Martin de Graçay (fin XIe-XIIe siècles) », art. cit., n° 98, 1989, p. 45-54, p. 46. 553 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (ca. 1078) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425 (acte daté de la fin du XIe siècle).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 120 Licence CC BY-NC-ND 3.0 indiquant que Pierre « a fait ce don sur l’autel de saint Ursin avec un petit couteau ayant un blanc »554 ; c’est le seul acte détaillant une partie de cérémonie avec une telle précision. Enfin, entre 1136 et 1139, Archambaud V, seigneur de Bourbon, et Agnès sa femme donnent des coutumes à leur ville franche de Montcenoux qu’ils viennent de fonder. Il y est question de courses de chevaux et l’acte fait mention de la présence de vicaires, d’un sénéchal de Bourbon et de nombreux soldats. Des privilèges sont accordés aux bourgeois de Villefranche d’après une charte de franchise de Villefranche-de-Montcenoux, rédigée du temps d’Albéric, archevêque de Bourges, de 1136 à 1140, la première charte de franchise émanant d’un sire de Bourbon ; il n’y a pas de référence pour cet acte, qui doit rendre compte d’une exemption de péage sur toute la terre d’Archambaud, d’un droit de vendre toute espèce de marchandise sans payer l’aide, sauf pour le sel, ni de droit d’usage dans les bois du sire de Bourbon, comme ceux de Souvigny, sauf dans le bois de Perçat. Une course de chevaux était établie à Villefranche le lendemain de l’octave de la Pentecôte, au pont de Bana. Le vainqueur recevait un marc d’argent, cinq sous pour le suivant. Il n’y avait pas de droit de gite, ni de créance, ni droit d’ost pour le sire de Bourbon à Villefranche. Il retient la banalité du four et du moulin, l’aide sur le blé et le sel vendus au marché, ainsi que sur le bétail et les produits manufacturés. La taxe imposée aux étrangers est de deux deniers plus forte que celle des bourgeois. Nul ne peut s’établir à Villefranche, ni y devenir prévôt, s’il n’est chevalier ou vassal555. Il est difficile d’après cette charte de franchise, de savoir si elle concerne ou non le chapitre de Montcenoux qui dépendait de la cathédrale, mais il pouvait tout de même avoir des droits ou exemptions sur des terres. Les seigneurs de Déols, qui semblaient très pieux et enclins à soutenir dans leur développement les chapitres qu’ils avaient fondés, n’ont pas produit beaucoup d’actes envers eux. Les archives de Neuvy-Saint-Sépulchre ayant brûlé au XVe siècle, très peu d’informations nous sont restées sur ce chapitre, mais celles de Levroux sont conservées en grande quantité et seule une charte de Raoul de Déols faisant des dons au chapitre est conservée, datée vers 1072556, ce qui représente un maigre corpus pour cette période. Cependant, les relations conflictuelles du chapitre de Levroux avec les seigneurs de Châteauroux du XIIIe siècle, descendants de la famille de Chauvigny, laissent penser que la plupart des documents ont disparu pour les XIe et XIIe siècles, ou que leurs échanges ne nécessitaient pas de preuves écrites. De même, pour le chapitre de La Châtre, vers 1176, Raoul, seigneur de Déols donne

554 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1108-1120) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 426 (av. 1120). 555 J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 426-427. 556 AD Indre, G 110, fol. 5v-6v (3B’) ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 74.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 121 Licence CC BY-NC-ND 3.0 des bancs et baux à édifier dans le cimetière, et d’autres dons en échange de la célébration de son anniversaire557 et confirme des privilèges d’Ebbes II, seigneur de La Châtre558. Enfin les descendants des seigneurs de Sully et des vicomtes de Bourges ont participé à l’enrichissement des chapitres mais dans une moindre mesure que les premiers : avant 1098, Gilon de Sully, seigneur des Aix-d’Angillon et Eudes Arpin, dernier vicomte de Bourges reconnaissent et confirment l’acte de 1012 restituant la communauté de Saint-Ambroix de Bourges à Brisiac, proche des murs de la ville de Bourges, et les coutumes énoncées559 et en 1102, Eudes Arpin, dernier vicomte de Bourges, confirme la fondation de Saint-Ambroix de Bourges560. Enfin, en 1104, Adèle de Sancerre, fille de Guillaume le Conquérant, fait une série de dons au chapitre de Saint-Satur pour se décharger de ses pêchés et honorer l’église de Saint-Satur561. Les descendants des fondateurs ont donc contribué à enrichir quelques chapitres parmi les dix-huit fondés autour de l’an mil. Cela est certainement dû aux unions de certains chapitres avec le chapitre cathédral ou leur dépendance avec le Saint-Siège qui devaient les doter. Il faut également remarquer que les descendants des vicomtes de Bourges sont quasiment absents des dons ultérieurs aux fondations, et que les laïcs ont peu donné aux chapitres de la ville de Bourges, ce qui peut corroborer l’idée que le vicomte de Bourges a fondé certains chapitres afin de les doter à leur début et que le chapitre cathédral a ensuite repris possession de certains de ces chapitres après s’être réenrichi et que les chapitres aient acquis assez d’autonomie pour ne pas en dépendre. Le roi a également interagi avec les chapitres collégiaux.

II.3.2. Avec le roi

Depuis Robert le Pieux lors des fondations, le roi de France est absent des actes jusqu’au XIIe siècle. Le roi a principalement un rôle de donateur : le 16 octobre 1102, le roi Philippe Ier fait une série de dons au chapitre de Saint-Pierre et Saint-Ambroix de Bourges et fortifie ceux

557 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 547-548, n° XXX ; Claude Charles DUGUET, La Châtre avant la révolution, op. cit., p. 42. MM. de LA TREMBLAIS et de LA VILLEGILLE, « La Châtre », dans Esquisses pittoresques sur le département de l’Indre, Châteauroux, J.-B. Migné, 1854, p. 73-84, p. 77 ; Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 100 ; Émile CHENON, « Les origines de La Châtre en Berry », art. cit., p. 65. Ces dons sont confirmés plusieurs fois pendant les siècles suivants. 558 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 13. 559 Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 366-367, n° 145 (av. 1098). 560 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 243. 561 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 480-481, n° XIV (1104) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 788.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 122 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de Geoffroy, vicomte de Bourges, son épouse, leurs enfants et Eudes de Déols, faits certainement vers 1012 lors de la fondation du chapitre562. Cette charte est peut-être en lien avec celle non datée dans laquelle il confirme la charte de donation de 1012 de Geoffroy vicomte de Bourges au chapitre Saint-Ursin de Bourges et procède là encore à des donations563. Ensuite, en 1124, Louis VI confirme le don de Philippe Ier de la chapelle Gédéon au chapitre de Saint-Ursin de Bourges564, en 1137, il fait une série de dons au chapitre Notre-Dame de Montermoyen565. En 1145, son fils Louis VII procède lui aussi à des dons pour les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges566, pour les chanoines de Saint-Ursin de Bourges le 1er août 1153, notamment sur des marchés et divers droits567. En 1162, il fait un don à son chapelain Giraud de la chapelle du Palais en l’honneur de Sainte-Marie-Madeleine. Dans le résumé de l’acte, il est noté que le don est fait au chapitre de Montermoyen, qui n’est cependant pas cité dans l’acte. Cela laisse toutefois penser que le chapelain du roi était membre du chapitre de Montermoyen et que Louis de Raynal devait le savoir pour le noter ainsi568 et enfin en 1167, Louis VII fait une concession au chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et en échange, les chanoines s’engagent à faire un service et une oraison pour son anniversaire569. À son tour, en 1198, Philippe Auguste confia au chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier le service de la chapelle qu’il établit dans la Grosse Tour570. Cependant, le roi a aussi un rôle de médiateur, mais dans une moindre mesure. Ainsi, le 3 août 1132, Louis VI arrête un conflit entre Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Ambroix de Bourges concernant le siège dans le chœur de Saint-Étienne571. L’intervention du roi peut indiquer que l’archevêque n’était pas compétence pour régler un tel litige, ou bien qu’il fût impuissant et sa décision remise en cause. Enfin, en 1158, Louis VII, roi de France, fait état d’un procès entre Ameil de Charenton, Memeri Corbelli et l’église

562 Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 360-362, n° 145 (16 octobre 1102). 563 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199. 564 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, Tripault, t. 2, 1879-1883, p. 224. 565 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 526-527, n° VIII (1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237. 566 AD Cher, 2 F 50, n° 19, 1145 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 64. 567 Achille LUCHAIRE, Études des actes de Louis VII, Paris, A. Picard, 1885, p. 394, n° 307. 568 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540, n° XXII (1162). 569 Ibid., p. 540-541, n° XXIII (1167). 570 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 221. 571 Robert-Henri BAUTIER, Jean DUFOUR (dir.), Recueil des actes de Louis VI, op. cit., t. 2, p. 178-179, n° 320 ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 64.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 123 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Notre-Dame de Montermoyen concernant des possessions de terres entre Plaimpied et la villa de Givaudin de Saint-Sulpice572. Là encore, la médiation du roi n’est pas évidente à comprendre, alors que l’archevêque aurait pu traiter de tels litiges. Cependant, l’ensemble de ces actes montrent que le roi intervient plutôt pour des chapitres urbains et qui semblent assez importants. Il procède surtout à des dons destinés à enrichir les chapitres. Comme dès le début du XIIe siècle Bourges passa aux mains du roi, ce dernier a probablement entrepris d’enrichir les chapitres à la place des descendants des fondateurs, qui eux n’avaient pas entretenu de relations avec ces institutions, et cela a probablement été fait sous l’influence de l’archevêque, d’autant plus si les liens entre les deux individus étaient étroits comme l’étaient ceux entre Dagbert et Robert le Pieux autour de l’an mil.

Les chapitres fondés vers l’an mil ont évolué de manière totalement différente. Certains se sont régularisés, probablement par faute de moyens et d’autres se sont développés et sont restés indépendants tout au long de la période étudiée. Leurs effectifs étaient variables, mais reflétaient une tendance générale : les chapitres dont les effectifs étaient les plus faibles n’ont pas survécu et se sont régularisés, alors que les autres ont pu garder leur caractère séculier et ont acquis une autonomie. De plus, l’archevêque était présent pour les chapitres de la ville de Bourges, qui semblent tous être liés à lui à la fin du XIIe siècle, même si les actes ne le précisent pas, et très peu pour les chapitres ruraux qui devaient être aidés par les seigneurs laïques.

572 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 535-536, n° XVII (1158) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 124 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Tableau 15 : Classement des chapitres selon leurs effectifs573 Chapitre Fondateur Effectif Saint-Outrille-du-Château de Dagbert, archevêque de > 15 Bourges Bourges Notre-Dame de Dagbert, archevêque de > 15 Montermoyen Bourges Saint-Outrille-lès-Graçay Clergé de > 15 Saint-Outrille-du-Château de Bourges Saint-Laurian de Vatan Seigneur de Graçay > 15 Saint-Sylvain de Levroux Eudes, seigneur de Déols > 15 Saint-Ursin de Bourges Geoffroy, vicomte de > 10 Bourges Notre-Dame-de-Sales de Geoffroy, vicomte de > 10 Bourges Bourges Saint-Ambroix de Bourges Geoffroy, vicomte de < 10 Bourges Saint-Ythier des Seigneur de Sully-sur-Loire < 10 Aix-d’Angillon Notre-Dame de ? < 5 Mehun-sur-Yèvre Saint-Martin de Léré Villa restituée par Charles II ? le Chauve Notre-Dame de Graçay Renaud, seigneur de Graçay ? Saint-Germain de La Châtre Eudes, seigneur de Déols ? Saint-Pierre-le-Puellier de Ébrard le Noble, seigneur ? Bourges d’Issoudun Saint-Étienne de Dun-le-Roi Archevêque de Bourges ? Saint-Pierre de Saint-Satur Mathilde de Sancerre, fille ? de Gimon, seigneur de Château-Gordon Saint-Jacques-le-Majeur de Seigneur de Déols ? Neuvy-Saint-Sépulchre Saint-Ursin de Montcenoux Archambault, seigneur de ? Bourbon

La différence entre les chapitres urbains et ruraux est moins cohérente ici ; les chapitres ayant été fondés par l’archevêque apparaissent nettement en tête, alors que ceux fondés par le vicomte de Bourges ont un effectif légèrement plus faible. Les chapitres les plus petits doivent

573 Les effectifs étant variables, j’ai pris ceux qui me semblaient le mieux refléter l’effectif réel des chapitres quand il n’était pas statué précisément.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 125 Licence CC BY-NC-ND 3.0 officier dans des collégiales castrales, formées autour de châteaux et destinées à desservir la famille du châtelain, tout en montrant la richesse et la puissance de celui-ci. Sur deux siècles, les chapitres ruraux ont entretenu des relations plus étroites avec les descendants des fondateurs, que ne l’ont fait les chapitres urbains, la conclusion inverse est remarquée pour les relations entre les chapitres urbains et le roi. Or la sécularité des chapitres est démontrée par leur ouverture sur le monde, aussi bien laïque qu’ecclésiastique et ne se limite pas au diocèse, montrant ainsi l’étendue de leurs relations. Cependant, les chapitres restent des institutions puissantes et importantes, surtout quand ils ont un effectif élevé ; ainsi il faut se pencher sur la question de leur temporel, dès leur fondation pour remarquer lesquels étaient les mieux dotés, quand les actes le permettent, et voir comment il a évolué sur deux siècles.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 126 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Partie III. Les chapitres collégiaux : des puissances temporelles

Le temporel des chapitres est divisé en plusieurs catégories bien distinctes : les hommes, le foncier, les biens divers, meubles et immeubles et enfin le numéraire et les revenus, autres que ceux que les chanoines recevaient des prébendes. L’intérêt est de différencier le temporel des chapitres de la ville de Bourges et de ceux qui sont situés en dehors afin de voir, à travers les actes, quels chapitres sont les mieux dotés dès leur fondation et comment leur temporel évolue jusqu’en 1200.

III.1. Les chapitres urbains

III.1.1. Les hommes

Les hommes cédés le sont souvent avec des terres ; en effet, au Moyen Âge, les serfs et esclaves étaient considérés comme des biens et pouvaient être cédés avec les autres biens auxquels ils se rattachaient. Ainsi, le 3 août 1012, lors de la restitution de l’église de Saint-Ambroix de Bourges, Geoffroy, vicomte de Bourges rend les serfs et les esclaves de la terre de l’église de Saint-Pardoux de Vignoux-sous-les-Aix574, ceux de la terre de la cour de Rufiniaco, les hommes depuis le moulin de Mirebeau575 jusqu’au bourg de Romigny576 de chaque partie de l’eau qui appartiennent aux coutumes du monastère ou du bourg et les hommes qui demeurent dans le bourg. Tout cela est donné pour qu’ils le tiennent et le possèdent relativement à leur fortune, pour la réception des étrangers et le soutien aux pauvres577. Les dons dépassaient donc les limites de la ville de Bourges, ici vers le nord avec Vignoux-sous-les-Aix ; malheureusement, tous les toponymes ne sont pas traçables aujourd’hui, certains ayant disparu depuis le Moyen Âge. Puis le 16 octobre 1102, Philippe, roi de France, donne à Saint-Ambroix de Bourges les serfs, esclaves, affranchis, colliberts, lètes et

574 Vinogilo, canton de Saint-Martin d’Auxigny. 575 Mirabello, commune de Bourges, paroisse de Saint-Ambroix de Bourges au XVIIIe siècle selon http://www.denisjeanson.fr/site_toponymie/lettre_m/lieux_moulin-lieudit/moulin18dme.html. 576 Commune de Bourges. 577 Philippe LABBE, Histoire du Berry abbrégée dans l’éloge panégyrique de la ville de Bourges capitale dudit pais, présenté à Monseigneur Le Prince, Paris, Chez Gaspard Meturas, 1647, p. 187-192.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 127 Licence CC BY-NC-ND 3.0 tous les habitants de toutes les terres de Saint-Pierre et Saint-Ambroix où qu’ils soient dans le bourg appelé Brisiac578. Le 13 janvier 1079, lors de la confraternité entre les chanoines de Saint-Ursin de Bourges et ceux de Saint-Hilaire de Poitiers, les chanoines de Saint-Hilaire donnent au chapitre de Saint-Ursin les serfs et leurs familles appartenant aux deux églises de Chaumoux-Marcilly et de Fussy579. Enfin en 1137, Louis le Gros concède au chapitre de Notre-Dame de Montermoyen les habitants des terres entre Plaimpied et la villa de Givaudins qu’il cède, affranchis et exempts de toute coutume580. Il est néanmoins nécessaire pour compléter cette étude d’indiquer avec quelles terres ont été cédés ces hommes.

III.1.2. Temporel foncier

Le 3 août 1012 Geoffroy, vicomte de Bourges rend au chapitre de Saint-Ambroix de Bourges la terre de l’église de Saint-Pardoux de Vignoux-sous-les-Aix, la terre de la cour de Rufiniaco, le pré d’Eudes, probablement Eudes de Déols, et la terre en périphérie, en plus du pré Fichaux581 et la terre autour. Il laisse aussi le bourg et la terre du saint Apôtre Pierre et du bienheureux Pontife Ambroix dans le lieu où il est établi. Ceux qui ont reçu des fiefs de Geoffroy et ses successeurs, rendront l’alleux à l’église. Tout cela est donné pour qu’ils le tiennent et le possèdent relativement à leur fortune, pour la réception des étrangers et le soutien aux pauvres582, cela montre également la fonction hospitalière du chapitre. Le 16 octobre 1102, Philippe, roi de France, donne à Saint-Ambroix de Bourges les cours, enceintes, villae, vicus, domaines, eaux, poissons, marchés, prés et forêts de toutes les terres de Saint-Pierre et Saint-Ambroix où qu’ils soient dans le bourg appelé Brisiac583. Les actes énumérant les terres

578 Ou Brizay, commune de Bourges, bourg sur l’emplacement duquel fut bâtie Saint-Ambroix de Bourges selon http://www.denisjeanson.fr/site_toponymie/lettre_b/lieux_bre/brique.html ; Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France (1050-1108), Paris, Imprimerie Nationale, 1908, p. 360-362, n° 145 (16 octobre 1102). 579 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », Mémoires de la société des Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, t. 1, 1847, p. 100-102. 580 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry depuis les temps les plus anciens jusqu’en 1789, Bourges, Au grand Bourdaloue, vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 526-527, n° VIII (1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, Bourges, François Toubeau, 1689 (réed. 1865), t. 1, p. 237. 581 Terrain contigu et jouxtant Saint-Ambroix de Bourges à l’ouest ; AD Cher, 3P 2472/68 (Cadastre). 582 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 583 Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 360-362, n° 145 (16 octobre 1102).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 128 Licence CC BY-NC-ND 3.0 données au chapitre sont les mêmes que ceux donnant des hommes. Ainsi, les hommes étaient légués comme des biens de ces terres et utilisés comme outils de travail. C’est également le cas pour l’acte de 1137 par lequel Louis le Gros concède au chapitre de Montermoyen la terre située entre Plaimpied et la villa de Givaudin de Saint-Sulpice, localités situées au sud de Bourges. Cette terre est affranchie et exempte de toute coutume, et possédée par l’église susdite à perpétuité584. Cette donation a cependant été remise en cause en 1158 dans un acte par lequel Louis VII fait état d’un procès entre Ameil de Charenton, Memerii Corbelli et l’église de Montermoyen concernant les possessions des terres entre Plaimpied et la villa de Givaudin de Saint-Sulpice. Les chanoines de Montermoyen disaient ces terres affranchies et Ameil et Memerii, eux, disaient avoir encore des coutumes sur ces terres. Le roi a demandé aux laïcs de prouver leurs dires et les chanoines ont présenté des hommes qui ont justifié la tenue des coutumes en paix par l’église. Ainsi le roi a décidé que les possessions de l’église de Montermoyen étaient affranchies de toute coutume et donc qu’Ameil de Charenton et Memerii Corbelli ne pouvaient rien réclamer dessus585. En 1162, le roi Louis VII fait une concession à Giraud son chapelain, peut-être membre du chapitre de Montermoyen, et lui donne les prés de l’Enfournée586 et trois quarts de prés de la vallée de Raoul587. Ce sont les seuls actes procédant à des dons de terres au chapitre de Montermoyen. Ils sont effectués par le roi, ce qui laisse penser qu’une fois la ville de Bourges en possession du roi, celui-ci a participé au développement de certains chapitres dans la ville. En 1003, Arnoul et Anesgarde sa femme et leurs enfants donnent au chapitre de Notre-Dame-de-Sales le village de Fenêtrelay588 du consentement du vicomte Geoffroy589. C’est le seul acte mentionnant des terres appartenant au chapitre de Notre-Dame-de-Sales. De même pour l’acte de restitution de Saint-Pierre-le-Puellier le 30 des calendes de juillet 1012 qui indique que Ébrard et Ébrard assujettissent au monastère, qui est hors des murs de la ville, le lieu qui est soumis à leur autorité conformément aux biens de la fortune de ce même monastère590, sans le localiser précisément. Cependant cela prouve que les fondateurs du

584 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 526-527, n° VIII (1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237. 585 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 535-536, n° XVII (1158) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237. 586 Inferneto, commune de Concressault, 587 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540, n° XXII (1162). 588 Fenestrelay, commune de Saint-Germain-du-Puy. 589 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 235. 590 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, Paris, Ex Typographia Regia, 1720, t. 2, instr., col. 42, n° XLIX (30 des calendes de juillet 1012).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 129 Licence CC BY-NC-ND 3.0 chapitre, peut-être seigneurs d’Issoudun, avaient des possessions tout près de Bourges, mais hors des murs de la ville, cela n’excluant pas qu’ils soient également possessionés dans la cité épiscopale. En 1012, Archambaud de Bourbon, Odon de Déols et des nobles de Bourges donnent au chapitre Saint-Ursin de Bourges des forêts, vignes, prés et terres, mais sans en préciser les lieux. Les fondateurs ont également donné au chapitre le lieu « consacré » pour qu’ils le gardent et possèdent, sans aucune contradiction pour leur usage et pour les réparations de l’hospice et le soutien aux pauvres591. Le 13 janvier 1079, les chanoines de Saint-Hilaire donnent au chapitre de Saint-Ursin les terres cultivées et incultes acquises et à acquérir, les eaux et les vignes appartenant aux deux églises de Chaumoux-Marcilly et Fussy592. Le 30 octobre 1084, Gilon, seigneur des Aix-d'Angillon, donne au chapitre de Saint-Ursin de Bourges les espaces des prêtres et le fief presbytéral593, puis en 1098, les mêmes chanoines font connaître à tous le don qui leur est destiné d’Agapit Abelin, chevalier, d’un fief presbytéral. Le prêtre de l’église et ses fils ont également concédé ce don594. Ainsi, le chapitre se retrouvait en possession de deux fiefs presbytéraux. Il existait deux sortes de fiefs presbytéraux : l'un était un fief possédé par un laïc, consistant en revenus ecclésiastiques, tenus en fief d'un curé ou autre prêtre ; l'autre sorte avait lieu, lorsque les seigneurs laïques, qui avaient usurpé des chapelles, bénéfices, offrandes et revenus ecclésiastiques, les vendaient aux prêtres, à la charge de les tenir d'eux en fief595. Le canon 21 du concile de Bourges de 1031 fait en sorte que les hommes séculiers qui demandent des fiefs presbytéraux ne possèdent pas de bénéfices ecclésiastiques envers les prêtres596 En 1106, dans l’acte détaillant les coutumes de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay sont précisées les modalités d’achat d’une terre : l’achat sera partagé pour moitié entre les chapitres. En cas d’achat total, il n’y aura pas de partage, sauf si la moitié est remboursée sous quarante jours, cependant, l’achat doit être notifié afin d’en recevoir le remboursement597. Et le 4 avril 1123, le pape Calixte II ordonne la mise sous tutelle et sous la protection du Saint-Siège de l’église de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et ses

591 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit/, p. 196-199. 592 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 100-102. 593 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4418/. Date de mise à jour : 29/03/12. 594 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4437/. Date de mise à jour : 29/03/12. 595 Fortuné Barthélémy de FELICE, Code de l'humanité, ou la législation universelle, naturelle, civile et politique, avec l'histoire littéraire des plus grands hommes qui ont contribué à la perfection de ce code, Imprimerie de M. de Felice, Yverdon, 1778, t. 6, p. 557. 596 « Ut saeculares viri ecclesiastica beneficia, quod fevos presbyterales vocant, non habeant super presbyteros. », Joannes Dominicus MANSI, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Graz, Akademische Druck- U. Verlagsanstalt, vol. 19, 1960, col. 505. 597 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 130 Licence CC BY-NC-ND 3.0 forêts, fleuves, terres cultivables ou non598. L’acte ne précise pas où étaient situées ces terres, mais elles devaient être nombreuses relativement à l’importance du chapitre. Cependant, avec ces terres, beaucoup de biens ont été cédés.

III.1.3. Les biens

Parmi les différents biens, il convient de distinguer les « choses », mentionnées dans les actes sous la dénomination res. Ce terme est très global et peut s’apparenter à toutes choses et tous biens ; souvent ce terme est utilisé pour indiquer des biens se situant sur des terres cédées, sans quelles aient de l’importance. A contrario, les biens les plus importants sont indiqués précisément et se regroupent dans des catégories précises, à la fois les biens meubles et les biens immeubles.

III.1.3.1. Les choses : res

Lors de la restitution de Saint-Ambroix de Bourges, le 3 août 1012, Geoffroy le Noble et Heldebruge sa femme rendent les biens et revenus qu’ils avaient usurpés599. Ici le terme doit faire référence aux biens rendus par le vicomte au jour de la restitution du chapitre pour l’enrichir. L’hypothèse de l’usurpation de biens, qui est souvent un prétexte utilisé par La Thaumassière pour justifier la restitution vicomtale du chapitre semble trop facile, même si cela n’exclut pas que les laïcs se soient emparés de biens laissés à l’abandon par les anciennes communautés monastiques habitant les lieux auparavant. De même, lors de la restitution de Saint-Pierre-le-Puellier le 30 des calendes de juillet 1012, le lieu est assujetti au monastère conformément à ses biens, ce qui suppose qu’ils avaient des possessions. L’acte précise qu’ils gardent leurs biens à perpétuité. De plus, si saint Pierre intercède en faveur des héritiers et successeurs des fondateurs, ils donneront des biens au chapitre600, cette dernière clause indique que les fondateurs devaient en cas de besoin chercher l’intercession des saints auprès de ce chapitre qu’ils ont fondé plutôt qu’un autre. Tous les autres actes mentionnant des biens sont des dons en faveur du chapitre de Saint-Ursin de Bourges : lors de sa restitution en 1012, Geoffroy, vicomte de Bourges, son frère,

598 Ulysse ROBERT, Bullaire du pape Calixte II. Essai de restitution, Paris, Imprimerie nationale, 1891, t. 2, p. 173-174, n° 386 (4 avril 1123). 599 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 243. 600 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 42, n° XLIX (30 des calendes de juillet 1012).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 131 Licence CC BY-NC-ND 3.0 son épouse et ses fils donnent au chapitre Saint-Ursin de Bourges les choses qui leur appartiennent pour la cure des âmes601, sans préciser de quels types de biens il s’agit, ni en quelle quantité ils sont donnés. Ces actes qui sont des copies peuvent également avoir été tronquées avec le temps et ne plus donner aujourd’hui d’aperçu réel de ce qui avait été donné au XIe siècle. Le 16 octobre 1102, lors de sa confirmation de la donation de 1012 à Saint-Ursin de Bourges, Philippe Ier, roi de France, donne lui-même la chapelle de Gédéon et les biens602, ce qui est confirmé par le roi Louis VI en 1124603. Le 12 septembre 1178, le pape Alexandre III donne et confirme au chapitre de Saint-Ursin de Bourges, la libre faculté et distribution des biens604, faisant ainsi référence à tous les biens du chapitre ; et la même année, Guarin, archevêque de Bourges recommande aux chanoines de Saint-Ursin de Bourges qu’ils perçoivent à parts égales les biens de l’église605. Ainsi, il est difficile d’avoir une idée précise des biens des chapitres assimilables à toutes choses, cependant, leurs biens meubles et immeubles sont mieux renseignés.

III.1.3.2. Les biens meubles

Quelques biens meubles sont cités dans les actes ; ils sont majoritairement renseignés pour le chapitre Saint-Ursin de Bourges : en 1012, Geoffroy, vicomte de Bourges, son frère, son épouse et ses fils, Archambaud, seigneur de Bourbon, Odon de Déols et des nobles de Bourges donnent au chapitre Saint-Ursin de Bourges tout ce qui est cédé en or et en argent ou autres à l’autel ou au corps de saint Ursin. Les biens ne sont pas cités précisément, mais leur matière laisse penser qu’ils s’apparentent à de la monnaie ou des biens de grande valeur donnés en offrande aux chapitres. Ils ne peuvent donc pas faire partie de biens quelconques des chapitres. Puis le 13 octobre 1084, Gilon, seigneur des Aix-d’Angillon donne au chapitre de Saint-Ursin de Bourges les offrandes des deux églises données, la cire pascale, les pains des rogations et deux vignes dans la villa de Crézançy606. Bernard, son neveu, donne deux parts de

601 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199. 602 L’acte est daté par Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233 ; Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, Tripault, t. 2, 1879-1883, p. 224. 603 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 224. 604 AD Cher, 14 G 5, 12 septembre 1178. 605 AD Cher, 14 G 5, 1178. 606 Crézancy-en-Sancerre, canton de Sancerre.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 132 Licence CC BY-NC-ND 3.0 cire pascale, deux parts des pains des rogations et les offrandes faites par lui et ses enfants à saint Ursin. Umbert, maçon, donne ce qu’il avait à l’intérieur de la clôture607. Cet acte rend compte de biens nommés et relatifs surtout aux fonctions liturgiques ou en lien avec la mission hospitalière des chapitres, comme en 1085, quand Ségaud, chevalier noble attribue à son fils les écrits sacrés et ce qu’il avait dans l’église de Betthaïca. Confiant son fils comme religieux à la communauté de Saint-Ursin de Bourges, les biens reviennent également au chapitre608 et en 1098, quand Agapit Abelin donne aux chanoines de Saint-Ursin de Bourges tout ce qu’il avait dans l’église de Saint-Martin d’ dans le pagus de Bourges, la cire pascale, les pains des rogations et les offrandes. Le prêtre de l’église et ses fils ont concédé ce don609. En 1185, à la suite d’un litige entre Saint-Ursin de Bourges et Guillaume sénéchal au sujet de la combustion de l’église et des maisons de Montcenoux, ce dernier donne à l’église de Montcenoux deux setiers de froment dans la paroisse d’Augeio, à la mesure de Bourbon, en échange de la célébration de son anniversaire610. Enfin, en 1162, Louis VII, roi de France, donne à Giraud son chapelain, peut-être membre du chapitre de Montermoyen, les coqs de l’Enfournée et l’orge de Lury-sur-Arnon611. Les biens meubles sont donc principalement des offrandes ou objets à caractère religieux, des animaux ou des denrées.

III.1.3.3. Les biens immeubles

Le 3 août 1012, Geoffroy, vicomte de Bourges rend au chapitre de Saint-Ambroix de Bourges deux moulins des faubourgs de Rufiniaco à Pratus612 et à Novus613, un moulin à Planchea614, un autre à Brisiac615 près du monastère de Saint-Pierre, un autre à Taillegrain616 et deux marchés sur ses propriétés. Tout cela est donné pour qu’ils le tiennent et le possèdent

607 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4418/. Date de mise à jour : 29/03/12. 608 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon (Xe-XIIIe siècles), Moulins, Imprimerie de C. Desrosiers, 1865, pièce justificative, p. XXXV-XXXVI, n° XVIII. 609 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4437/. Date de mise à jour : 29/03/12. 610 AD Cher, 14 G 16, 1185. 611 Commune de Levet ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540, n° XXII (1162). 612 Moulin-du-Pré, commune de Bourges. 613 Moulin-Neuf, commune de Bourges. 614 Moulin-de-la-Planche, commune de Bourges. 615 Le Moulin-de-Brisiac, commune de Bourges. 616 Moulin-de-Taillegrain, commune de Bourges.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 133 Licence CC BY-NC-ND 3.0 relativement à leur fortune, pour la réception des étrangers et le soutien aux pauvres617. Un autre acte indique qu’il rebâtit les villae et honneurs et augmente les propriétés de l’église et leur conseille de faire un pont sur l’eau, détruit par les persécutions618. Geoffroy le Noble, vicomte de Bourges, et sa femme Heldebruge font rebâtir les cloîtres et dortoirs des religieux en l’an huit du pontificat de Dagbert, du règne du roi Robert en 1012, puis le 16 octobre 1102, Philippe Ier, roi de France, donne à Saint-Ambroix de Bourges les églises, moulins de toutes les terres de Saint-Pierre et Saint-Ambroix où qu’ils soient dans le bourg appelé Brisiac619, ce qui veut dire que des moulins étaient sous d’autres dominations en 1012, ou qu’ils ont été construits après cette date. Le roi ayant acquis la ville de Bourges quelques années auparavant en avait donc la possession. En 1128, l’archevêque de Bourges arbitre un litige entre le chapitre cathédral et celui de Saint-Ambroix de Bourges concernant la possession de plusieurs églises. Le compromis s’est effectué de sorte que les chanoines de Saint-Ambroix de Bourges ont donné aux chanoines de Saint-Étienne l’usage de l’église de Valentigny620 et une rente pour avoir l’usage de l’église de Soulangis et d’une partie de l’église de Saint-Privé621 avec les possessions leur appartenant que leur ont concédés les chanoines de Saint-Étienne de Bourges622. Le 13 janvier 1079, les chanoines de Saint-Hilaire donnent au chapitre de Saint-Ursin les moulins et édifices appartenant aux deux églises de Chaumoux-Marcilly et de et la moitié de chaque autel en échange de numéraire623 ; le 30 octobre 1084, Gilon des Aix-d’Angillon donne au chapitre de Saint-Ursin de Bourges deux églises dans la villa de Crézançy fondées en l’honneur de saint Pierre pour l’une et de saint Julien pour l’autre et leur donne aussi les maisons des prêtres624. En 1102, Philippe Ier, roi de France, donne lui-même la chapelle de Gédéon située dans le faubourg de la ville de Bourges, construite par les prédécesseurs de Gédéon, qui aurait été le premier fondateur du chapitre de Saint-Ursin de Bourges, mais ne lui donne pas les coutumes qu’il a dessus625, ce qui confirmé par Louis VI en

617 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 618 Maurice PROU, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France, op. cit., p. 366-367, n° 145 (av. 1098). 619 Ibid., p. 360-362, n° 145 (16 octobre 1102). 620 Commune de Les Aix-d'Angillon. 621 Commune de Bourges, faubourg à l’est du lieu d’établissement de Saint-Ambroix de Bourges, sur la rive nord de l’Yèvre. 622 AD Cher, 8 G 228, 1128. 623 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 100-102. 624 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4418/. Date de mise à jour : 29/03/12. 625 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 224.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 134 Licence CC BY-NC-ND 3.0 1124626. Enfin, en 1182, C, prieur et le chapitre de Saint-Ursin de Bourges concèdent aux abbé et frères de l’abbaye de La Vernusse la chapelle de Saint-Sulpice de A et toutes ses possessions627. Concernant l’église de Saint-Ursin de Bourges, en 1178, dans leur réclamation à l’archevêque de Bourges les chanoines de Saint-Ursin de Bourges indiquent que l’église des maisons dans lesquelles ils venaient manger ensemble avait été détruite par le feu628. En 1137, Louis le Gros, roi de France, concède au chapitre de Montermoyen les maisons des habitants de la terre qu’il cède affranchies et exemptes de toute coutume629 et en 1162, Louis VII, roi de France, fait un don à son chapelain Giraud de la chapelle du Palais, peut-être membre de Montermoyen, en l’honneur de Sainte-Marie-Madeleine, et des fermes libres, où avait coutume de rester un certain Uldric630. Le 4 avril 1123, le pape Calixte II ordonne la mise sous tutelle et sous la protection du Saint-Siège l’église de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et ses possessions, à savoir les églises de Preuilly, Lapan, de Saint-Ambroix631, de , d’, de Cuzay632, Saint-Étienne de Dun (et toutes les chapelles du château de celle-ci), de Bussy, d’, de Baugy, de Livron633, de Moulins-sur-Yèvre, d’ et toutes leurs possessions, ainsi que l’église de Saint-Outrille-du-Château de Bourges avec les moulins et le temporel foncier lui appartenant634. En 1167, Louis VII, roi de France, concède aux chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges de faire un four à Annoix et qu’ils soient les seuls à en posséder un, sauf s’ils donnent leur accord635 ; enfin en 1186, Henri, archevêque de Bourges, statue que les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges ne réclament plus la procuration d’Ennordres et lui concède la libre faculté pour leurs possessions à régler en leur interdisant la vente de ces possessions pour le règlement de leur dû ; de plus il confirme les

626 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 224. 627 AD Cher, 14 G 6, 1182. 628 AD Cher, 14 G 5, 1178. 629 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 526-527, n° VIII (1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237. 630 Commune de Levet ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540, n° XXII (1162). 631 Canton de Chârost. 632 Cuzay-Sainte-Radegonde, commune de Dun. 633 Commune de / Montfaucon. 634 Ulysse ROBERT, Bullaire du pape Calixte II, op. cit., t. 2, p. 173-174, n° 386 (4 avril 1123). 635 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540-541, n° XXIII (1167).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 135 Licence CC BY-NC-ND 3.0 possessions du chapitre636. Cela est statué par le pape Clément III successeur d’Urbain III en 1188637. Les dons de biens immeubles concernent des types de biens semblables, des moulins qui devaient se trouver sur les bords de l’Yèvre dans Bourges, conférant aux chapitres détenteurs les droits de pêche qui devaient être importants car un tel nombre de chapitres dans la cité épiscopale ne devait pas leur laisser de place pour développer l’élevage dans la ville, la pêche devenant ainsi une alternative et permettant aux bateaux d’apporter des marchandises, peut-être avaient-ils aussi le droit de péage des bateaux et sur les ponts. Ensuite le nombre d’églises données aux chapitres montrent leur influence territoriale, la possession d’églises allant certainement avec la possession des terres et des hommes les composant ; cela permettait ainsi aux chapitres de se développer hors de la cité épiscopale et plutôt vers le nord. De plus, les chapitres avaient des droits et percevaient des revenus sur leurs terres.

III.1.4. Les revenus et le numéraire

Les chapitres possédaient toutes sortes de revenus, autres que les prébendes que les chanoines recevaient, qui se traduisaient sous forme de taille, dîme ou cens ou encore en offrandes. J’y ajoute également les droits de sépulture car ils étaient relativement lucratifs pour les chapitres. Ainsi, Geoffroy, vicomte de Bourges, rend à Saint-Ambroix de Bourges les dîmes et dettes de la terre de l’église de Saint-Pardoux de Vignoux-sous-les-Aix, et de la terre de la cour de Rufiniaco, donnés pour qu’ils le tiennent et le possèdent relativement à leur fortune, pour la réception des étrangers et le soutien aux pauvres. Il rend également ce qui est donné aux chanoines en offrandes638 et les revenus qu’ils avaient usurpés à l’abbaye639. En 1128, en échange des possessions cédées sur les terres des églises de Soulangis et de Saint-Privé, les chanoines de Saint-Ambroix de Bourges doivent à ceux de Saint-Étienne trois sous de cens, pour l’église de Saint-Privé et deux sous pour Soulangis chaque année640. Pour Saint-Ursin de Bourges, en 1012, Geoffroy, vicomte de Bourges, son frère, son épouse et ses fils, Archambaud, seigneur de Bourbon, Odon de Déols et des nobles de Bourges cèdent au chapitre tout ce qui est donné en or et en argent ou autres à l’autel ou au corps de

636 AD Cher, 8 G 1461, 1186. 637 AD Cher, 8 G 1461, 1188. 638 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 639 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 243. 640 AD Cher, 8 G 228, 1128.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 136 Licence CC BY-NC-ND 3.0 saint Ursin641. Cela concerne tantôt les biens meubles tantôt le numéraire, la nature précise de l’objet n’étant pas indiquée, ce devait être en fonction de la richesse des donateurs. Le 13 janvier 1079, les chanoines de Saint-Hilaire de Poitiers donnent au chapitre de Saint-Ursin deux moitiés de parts de dîmes dans les deux églises de Chaumoux-Marcilly et de Fussy, la cire pascale qu’ils perçoivent en cens pendant le Carême. Le chapitre de Saint-Ursin leur donnera douze deniers de cens annuel en échange de la moitié de chaque autel des deux églises642. Le 30 octobre 1084, Gilon, seigneur des Aix-d’Angillon donne au chapitre de Saint-Ursin de Bourges les offrandes des deux églises données et la sépulture des deux églises qu’il a données. Bernard, son neveu, lui donne les offrandes données à saint Ursin par lui et ses enfants et deux parts de sépulture dans l’église de Saint-Ursin ainsi que deux parts de cinq fêtes. Le chapitre donne vingt sous à Umbert en échange de son don et huit livres en plus pour ses fils et trois cent sous à Bernard pour sa concession643. Le 23 avril 1093, il est indiqué lors de l’union de la communauté de Saint-Ursin de Bourges à celle de Saint-Étienne, que s’il y a nécessité pour un chanoine de Saint-Étienne, il recevra l’honneur et le solde de Saint-Ursin, et inversement. Les chanoines de Saint-Ursin prépareront et paieront à hauteur de la prébende reçue, les préparatifs pour l’envoi du légat644. En 1098, Agapit Abelin donne au chapitre des sépultures dans l’église Saint-Martin de la villa d’Humbligny645. Le 1er août 1153, Louis VII, roi de France, indique que l’église de Saint-Ursin de Bourges ne saisisse plus le cens sur les vignes à cause de la clientèle, monnaie ou pour quelque autre occasion que ce soit. Il lui donne les marchés à la fête de saint Ursin, cinq jours après la naissance du Seigneur, pour sept jours et autant de nuits et que le chapitre possède la mesure propre des vignes. De plus, il accorde au chapitre de Saint-Ursin de Bourges, le droit de lever le ban dans la terre relative au cens, le droit de vente du vin dans les limites de la ville, il confirme le boutage pour tous les hommes dans les limites de la ville646. En 1178, Guarin, archevêque de Bourges recommande aux chanoines de Saint-Ursin de Bourges qu’ils mangent selon la dépense des moyens collectés647 et ainsi qu’ils ne vivent pas au-dessus de leurs moyens, ce qui est une manière pour l’archevêque de rappeler au chapitre qu’il se doit d’être indépendant et autonome. Enfin en 1182, en échange de la chapelle Saint-Sulpice de A et ses possessions, l’abbé et les frères de l’abbaye de La Vernusse versent à Saint-Ursin de

641 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 196-199. 642 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 100-102. 643 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4418/. Date de mise à jour : 29/03/12. 644 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 645 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4437/. Date de mise à jour : 29/03/12. 646 Achille LUCHAIRE, Études des actes de Louis VII, Paris, Culture et civilisation, 1964, p. 394, n° 307. 647 AD Cher, 14 G 5, 1178.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 137 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Bourges une pension de dix sous parisis à la Nativité de saint Jean-Baptiste et une livre de cens à la fête de Saint-Sulpice648. Et en 1198, Étienne, baron de Graçay, consent au don que fit Arnoul du Château, son vassal, des dîmes de Saint-Martin-des-Champs au chapitre de Saint-Ursin de Bourges, en présence d’Henry de Sully, archevêque de Bourges649. En 1119, Odon, sous-chantre de Bourges, et Grégoire, chanoine de Paris, ont assisté à un conflit entre les chapitres de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay concernant la taille et les hommes communs et ont trouvé un compromis en présence des chanoines de Saint-Étienne de Bourges : quand la taille est à effectuer, une notification est à faire par le doyen ou prieur d’un des chapitres au doyen, prieur, hebdomadier ou à un chanoine présent de l’autre chapitre. Si le chapitre donne son consentement, la taille est faite par mandat comme il est de coutume et est possédée pour moitié par l’un et l’autre des chapitres. Si l’autre partie n’a pas consenti, sa part ne sera pas faite et si cette partie veut revenir sur sa décision, il n’y aura pas de possibilité de refaire une taille cette année, ni de bâtir quelque chose par les hommes pour le chapitre650. Le 4 avril 1123, lors de la mise sous tutelle et sous la protection du Saint-Siège de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, les dîmes des églises de Preuilly et de Montlouis font partie des revenus placés sous l’autorité du pape651. En 1145, Louis VII, roi de France, donne aux chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges les justices et coutumes dans les portes de la cité de Bourges et des faubourgs pour sept jours : trois jours avant le jour des festivités de Saint-Outrille, le treize des calendes de juin652, le jour même et les trois suivants, et cela pour chaque année653. Les coutumes ne sont pas détaillées mais il devait au moins y avoir les droits sur les foires pendant cette période, les taxes et les revenus. Enfin entre 1185 et 1187, le pape Urbain renforce le fait que les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges présents chaque matins et nuits reçoivent deux deniers654, ce revenu devait être donné en plus de la prébende pour inciter les chanoines à être assidus aux heures liturgiques et pour effectuer les missions du chapitre. En 1135, Vulgrin, archevêque de Bourges, arbitre un conflit entre les moines de Vierzon et les chanoines de Montermoyen concernant l’église de Neuvy-sur-Barangeon. La décision

648 AD Cher, 14 G 6, 1182. 649 AD Cher, 14 G 256, 1198 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 644. 650 AD Cher, 8 G 1462, 1119. 651 Ulysse ROBERT, Bullaire du pape Calixte II, op. cit., t. 2, p. 173-174, n° 386 (4 avril 1123). 652 Le 20 mai. 653 AD Cher, 2 F 50, n° 19, 1145. 654 AD Cher, 8 G 1461, 1185-1187 (a).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 138 Licence CC BY-NC-ND 3.0 étant que les moines de Vierzon doivent payer aux chanoines de Montermoyen deux sous en monnaie de Bourges à titre de cens chaque année à la fête de saint Luc655 ; en 1137, Louis le Gros, roi de France, concède au chapitre de Montermoyen la terre située entre Plaimpied et la villa de Givaudin de Saint-Sulpice et les habitants et leurs maisons affranchis et exempts de toute coutume, dont la taille, la taxe municipale et l’hériban656. En 1162, Louis VII, roi de France, fait une concession à Giraud son chapelain en lui donnant le cens de Montavelange657 et en 1194, Henri, archevêque de Bourges, arbitre un litige entre les chapitres de Notre-Dame-de-Sales et Notre-Dame de Montermoyen concernant le droit de sépulture de chacune des deux églises et la possession du cimetière. Dans ce litige, les chanoines de Montermoyen demandaient la libre sépulture pour les paroissiens décédés. Les chanoines et les chapelains les confiaient à la sépulture ecclésiastique. De leur côté, les chanoines de Notre-Dame-de-Sales et leur prieur opposaient que les paroissiens de Montermoyen avaient sépulture chez eux et que le contraire entraînait un préjudice et une offense devant les privilèges du pape. Il résulte de la décision de l’archevêque un compromis passé devant Raoul, archiprêtre de Bourges, et d’un vote unanime des parties dans lequel il est décidé que le chapelain de Montermoyen donne satisfaction pour le préjudice des chanoines de Notre-Dame-de-Sales, ce qui a été effectué. De plus il est établi que l’église de Montermoyen possède la paroisse et que celle de Notre-Dame-de-Sales possède le cimetière. De plus si un paroissien de Montermoyen ou de Notre-Dame-de-Sales décède et élit sépulture au chapelain de Montermoyen, en attendant le choix de la sépulture de Notre-Dame-de-Sales, le corps est enseveli à l’église même de Montermoyen et à la première messe célébrée, le chapelain de Montermoyen enlève le corps de l’église et sous réclamation, selon la coutume de Bourges, il sera affranchi des chanoines de Notre-Dame-de-Sales pour être enterré dans son église658. Les litiges quant au droit de sépulture sont fréquents et ne sont pas étonnants, surtout entre ces deux chapitres qui devaient être très proches. Ce droit étant relativement lucratif, il est facile de comprendre la volonté des chapitres de l’acquérir. Certains chapitres de la ville de Bourges étaient relativement bien dotés et cela correspond avec la pérennisation de plusieurs chapitres comme Saint-Outrille-du-Château de

655 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135. 656 Amende à payer pour les hommes ne faisant pas le service militaire obligatoire ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 526-527, n° VIII (1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237. 657 Commune de Levet ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540, n° XXII (1162). 658 AD Cher, 7 G 262, 1194.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 139 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Bourges et Saint-Ursin de Bourges plutôt que d’autres comme Saint-Pierre-le-Puellier ou Saint-Ambroix de Bourges. Il est dommage de ne pas avoir plus d’informations sur les débuts du chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges, ce qui aurait pu confirmer la dotation importante du chapitre, à moins qu’il ne se soit composé son propre temporel au fil du temps. Le tableau suivant permet de se rendre compte de manière globale quels dons ont été effectués par les individus aux chapitres.

Tableau 16 : Synthèse générale des donateurs en fonction du type de biens cédés.

Fonction du Nom du Types de biens donateur donateur Humain Foncier Biens Numéraire

Choses Meubles Immeubles Seigneur Geoffroy, 1 1 2 1 1 2 fondateur vicomte de Bourges Ébrard Ø 1 Ø Ø Ø Ø Rois Philippe Ier 1 1 1 Ø 2 Ø Louis VI 1 1 Ø Ø 1 1 Louis VII Ø 2 Ø 1 2 3 Archevêque Henri de Sully Ø Ø Ø Ø Ø 1 Seigneurs Archambaud Ø 1 Ø 1 Ø 1 laïques de Bourbon

Odon de Déols Gilon des Ø 1 Ø 1 1 1 Aix-d'Angillon Institutions Chapitre Ø Ø Ø Ø 1 Ø ecclésiastiques cathédral Saint-Étienne de Bourges Chanoines 1 1 Ø Ø 1 1 Saint-Hilaire de Poitiers Frères, abbaye Ø Ø Ø Ø Ø 1 de La Vernusse Moines Ø Ø Ø Ø Ø 1 abbaye de Vierzon

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 140 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Laïcs Guillaume Ø Ø Ø 1 Ø Ø sénéchal

Umbert

Bernard Arnoul et Ø 1 Ø Ø Ø 1 Anesgarde

Nobles de Bourges Agapit Abelin Ø 1 Ø 1 Ø 1

Geoffroy, vicomte de Bourges et fondateur de nombreux chapitres urbains, a été un grand donateur. Cependant, cela peut confirmer l’appui temporel qu’il fournissait à l’archevêque lors de ces fondations. Les rois de France ont par la suite donné quelques biens. De plus les possessions des chapitres urbains se concentrent surtout dans les localités situées autour de Bourges, allant au nord jusqu’à l’Enfournée, au sud jusqu’à Montlouis, à l’est jusqu’à Livron et à l’ouest jusqu’à Saint-Ambroix, commune de Chârost. Ainsi, les possessions semblent en partie coïncider avec le réseau hydrographique de la région et se positionner non loin des chapitres ruraux des archidiaconés de Sologne, Sancerre et Bruère, voire même de Graçay659. Saint-Outrille-du-Château de Bourges semble être le chapitre le plus important suivi par Saint-Ursin de Bourges, ce qui n’est pas étonnant quand on met cela en lien avec leurs effectifs respectifs et leur fonctionnement interne. Mais qu’en est-il des possessions des chapitres ruraux ?

III.2. Les chapitres ruraux

Les chapitres situés hors de la ville de Bourges semblent avoir eu une moindre influence de l’archevêque par rapport aux chapitres urbains. Il faut donc voir quels acteurs interviennent lors des donations et comment étaient dotés ces chapitres.

659 Voir Tome d’annexes, Annexe 13, « Carte 12, Temporel des chapitres urbains », p. 37.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 141 Licence CC BY-NC-ND 3.0 III.2.1. Les hommes

Autour de l’an mil, Raynaud, seigneur de Graçay, son fils Sulpice et ses filles, sollicités par le chapitre de Graçay, lui donnent les serfs660 et les enfants de leurs serves sur les fiefs qu’ils cèdent661. Les sources pour Graçay étant très détériorées, il est à penser que ce ne sont pas les seuls hommes cédés et que les actes originaux avaient peut-être détaillé tout ce qui avait été cédé à cette époque. Avant 1012, Eudes de Vatan donne au chapitre de la même ville les héritiers du domaine de Piriaco662 et ce qu’il y avait, la femme d’Étienne Laroaudi et ses enfants663. Vers 1072, Raoul, seigneur de Déols, descendant d’Eudes de Déols, fondateur du chapitre de Levroux, donne au même chapitre les hommes et les femmes malades, atteints du mal de Saint-Silvain, pour qu’ils gisent au porche de l’église collégiale, il donne aussi leurs héritiers664. Cette mention est relativement importante car elle indique que les personnes malades entrent dans la domination du chapitre de Levroux, devenant ainsi propriété et hommes du chapitres. Cela a donné lieu à des tensions au XIIIe siècle avec Guillaume de Chauvigny, seigneur de Châteauroux, qui demandait au prieur et aux chanoines du chapitre de soumettre les individus à un examen afin d’attester leur maladie665. Il est donc possible de penser que les malades venaient à Levroux pour s’extraire de la domination du seigneur qui devait être plus stricte que celle du chapitre. Dans son don au chapitre de La Châtre en 1176, Raoul de Déols exempte les hommes de toutes coutumes et exactions666. En 1048, lors de la restitution de Saint-Ursin de Montcenoux, Archambaud, seigneur de Bourbon laisse aux hommes sur les terres cédées, la liberté de partir sans être poursuivis. Il donne également les hommes colliberts667 qui serviront pour l’intendance des chanoines668. Puis

660 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 641. 661 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000). 662 Poirier, selon Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », RAHSB, 1899, p. 81-272, p. 139. 663 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012, autre donation) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 664 AD Indre, G 110, fol. 5v-6v (3B’). 665 AD Indre, G 110, fol. 5v-6v (3A). 666 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 547-548, n° XXX. 667 Individu dont la condition est intermédiaire entre l’esclavage et la liberté, mais plus près de l’esclavage, selon Frédéric GODEFROY, DALF, Paris, F. Vieweg, 1883, vol. 2, p. 400. 668 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, Moulins, Imprimerie Bourbonnaise, 1902, t. 1, p. 425.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 142 Licence CC BY-NC-ND 3.0 trente ans plus tard, Archambaud, seigneur de Bourbon donne au chapitre de Montcenoux les hommes sur le manse de la Villa Inportuna et précise que même s’ils partent et reviennent, ils resteront sous le pouvoir du saint669, ce qui permet aux chanoines de ne pas être soumis à une perte de main d’œuvre si les hommes décidaient de partir. Enfin, vers 1078, Aimon Vair Vache, fils d’Archambaud le Fort, son épouse et leur fils donnent au chapitre de Montcenoux les hommes établis dans le manse de Joseria670. Enfin ces actes montrent que seul à Levroux les personnes malades cédées sont citées nominativement, surtout au XIIIe siècle. Les fonctions hospitalières des autres chapitres ne devaient pas être aussi poussées.

III.2.2. Temporel foncier

Quand Raynaud, seigneur de Graçay fait un don vers l’an mil au chapitre du même lieu, il est indiqué qu’avec ses filles ils donnent un grand nombre de fiefs671 sans en nommer aucun. La Thaumassière rapporte également que Raynaud donna aux chanoines plusieurs lieux et terres, vignes, prés, le tout pour le salut de son âme et pour le repos de celle de Renaud et Arsende ses père et mère672. Entre 1007 et 1108673, Geoffroy, seigneur de Graçay, donna au chapitre Notre-Dame de Graçay, plusieurs prés, terres, cens674. En 1108, Regnaud III, seigneur de Graçay donne, par l’avis de sa mère Eme et de ses barons, au prieur et aux chanoines de Notre-Dame et Sainte-Croix de Graçay, le droit de pacage de tous les bestiaux en ses forêts, d’y prendre du bois pour pesseler leurs vignes, et pour leur chauffage en certains temps de l’année675. Entre 1145 et 1178, Renaud IV donna aux chanoines de Notre-Dame de Graçay le terrage676 de Coulon677 qui lui était échu de la succession de sa mère et le droit d’usage et de chauffage en ses forêts, confirmés en 1178678. Les terres données à Graçay ont beau ne pas être

669 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1078) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 670 Peut-être Jonzais, commune de Villefranche-d’Allier ; Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (ca. 1078) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425 (acte daté de la fin du XIe siècle). 671 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000). 672 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 641. 673 Charte de Geoffroy de Graçay datée entre celle de son père et celle de son petit-fils. 674 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 642. 675 Ibid.. 676 Territoire, terre, ou redevance annuelle sur les fruits de la terre, selon Frédéric GODEFROY, DALF, op. cit., Paris, Émile Bouillon, 1892, vol. 7, p. 690. 677 Commune de Graçay. 678 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 643.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 143 Licence CC BY-NC-ND 3.0 nommées précisément, elles devaient être en quantité suffisante pour que le chapitre soit autonome. Avant 1012, Robert et Eudes de Vatan donnent au chapitre de la même ville la terre de Saint-Hilaire de Jarondelle679 en plus de droits dessus680. Eudes de Vatan donne également au même chapitre les terres du domaine de Piriaco et ce qu’il y avait dessus, la terre de Dèvres681 sur le Cher, les eaux, poissons de cette terre, la terre de sa prairie682. En 1159, ce sont les chanoines de Vatan qui se soumettent au paiement de rentes pour les terres de Jarondelle et Aize appartenant anciennement à Saint-Hilaire de Poitiers683. L’importance de l’écrit se retrouve ici puisque l’acte fait référence aux terres données avant 1012 par Robert et Eudes de Vatan684. En 1152, Guillaume, prieur et les chanoines de Levroux, donnent aux moines de Chezal-Benoît une terre à côté du bourg de Chambon685 dans laquelle les moines peuvent édifier et y faire ce qu’ils veulent. Le chapitre ne peut plus rien réclamer sur cette terre686. De même, à une certaine époque, le chapitre de La Châtre était décimateur et pouvait lever une fraction de la récolte sur la plupart des vignes de La Châtre et affermait ses droits de dîme à diverses personnes ou les exerçait par des agents directs687. En 1048, Archambaud, seigneur de Bourbon donne au chapitre de Montcenoux les terres appartenant à l’église, le bois de Montcenoux et les pâturages des porcs688, après cette date, il lui donne le manse de Valle689, les terres de Tharsiaco690, de Stanno, la forêt d’Hérisson, le manse d’Aulariis, la terre à côté du bourg de Montcenoux entre la voie qui se dirige vers Hérisson et continue sur Montluçon691. En 1078, il donne au chapitre de Montcenoux le manse

679 Commune de Vatan. 680 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 681 Commune de Saint-Georges-sur-la-Prée. 682 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012, autre donation) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 683 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 162. 684 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 685 Commune de Poulaines. 686 AD Indre, G 110, fol. 24v §02. 687 Claude Charles DUGUET, La Châtre avant la révolution, La Châtre, Imprimerie et librairie Louis Montu, 1896, p. 85-86. 688 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 689 Peut-être Vallon-en-Sully, canton d’Hérisson 690 Peut-être Tarzy, commune de Villefranche-d’Allier. 691 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (ap. 1048).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 144 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de la Villa Inportuna et les essarts692 d’Hérisson et de Murat appelés de Cortoer693. Vers cette date, Aimon Vair Vache, fils d’Archambaud le Fort, avec son épouse et leur fils, donnent au chapitre de Montcenoux le manse de Joseria, le bois de Montcenoux, avec le droit d’édifier dessus, les pâturages des porcs694, cette donation devait étendre les terrains donnés en 1048 lors de la restitution. Le 10 août 1092, Bernard de Cratberto donne au même chapitre la terre qu’il possède à côté du bourg de Montcenoux, dans l’intendance ou dans le manse. En échange les chanoines donnent deux prébendes à son fils695. Entre 1108 et 1120, Raymond, prieur de Montcenoux, rappelle la concession faite vers 1078 et ajoute la participation de Pierre de Blot, frère d’Aimon de Bourbon, en ajoutant le don d’une terre ayant un cens de 17 deniers à côté de la route de Montluçon, en plus de la terre déjà donnée sur la même route. Il donne également une terre ayant un cens de 20 deniers entre Neuville et Montluçon, ainsi que des bois entre ces terres, un lac et un étang à faire et du bois de chauffage et pour pâturer696. En 1196, il est établi que les baillies et les sergenteries dans les terres du chapitre des Aix-d'Angillon appartiennent au doyen. Les agents ou chargés doivent montrer fidélité au chapitre à leur admission. Le doyen peut donner les vicairies ou les sergenteries seulement aux hommes pris. La donation de la vicairie de Voeto697 appartient au doyen avec les légumes et fruits des terres du chapitre, c’est-à-dire, les terres de Villeneuve698, et de la paroisse de Giroux, jusqu’à la route de Déols, et jusqu’à Ablathet. Les bois et les prés de Voeto appartiennent au doyen et au chapitre699. Les lieux où sont situés les terrains donnés ont beau ne pas être cités avec précision, les dons faits à Graçay, Vatan et Montcenoux ne laissent pas de doute quant au fait qu’ils soient localisés à proximité des chapitres collégiaux. De plus, le type de terrains donnés est significatif

692 Lieu défriché ou fonds cultivé provenant d’un récent défrichement, selon Frédéric GODEFROY, DALF, op. cit., Paris, F. Vieweg, 1884, vol. 3, p. 567. 693 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1078) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 694 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (ca. 1078) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425 (acte daté de la fin du XIe siècle). 695 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (10 août 1092) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 696 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1108-1120) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 426 (acte daté d’avant 1120). 697 Peut-être Vouhet, commune de Dunet, dont les droits sur la motte sont donnés en 1163 par Raoul II d’Issoudun au chapitre Saint-Étienne de Bourges, selon Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis. Le diocèse de Bourges des origines à la Réforme grégorienne, Clermont-Ferrand, LGDJ, 2006, p. 407. 698 Commune de Giroux. 699 AD Cher, 8 G 23, 1196.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 145 Licence CC BY-NC-ND 3.0 de ce que l’on trouve dans chaque région berrichonne, à la fois des terres agricoles, des forêts, vignes ou étangs.

III.2.3. Les biens

Concernant l’étude des biens cédés aux chapitres, je vais opérer la même distinction que celle effectuée pour les chapitres urbains.

III.2.3.1. Les choses : res

Autour de l’an mil, Raynaud, seigneur de Graçay, et sa famille donnent au chapitre de nouveaux biens700, sans en préciser la nature. En 1178, Renaud IV, seigneur de Graçay, permit aux chanoines de Notre-Dame de Graçay d’acquérir des choses en sa terre ; il affranchit et amortit tout ce qu’ils avaient acquis de tous droits et coutumes et confirma tous leurs biens et possessions, en présence de Guarin, archevêque de Bourges, du consentement de Pierre de Graçay son fils et présomptif héritier701. Et en mars 1014, Rimbaud, sire de Nundray, donne aux chanoines de Saint-Outrille-lès-Graçay les biens et héritages qu’il avait au bourg de Nundray et lieux circonvoisins. L’abbé et les chanoines de Saint-Outrille-du-Château de Bourges leur accordent les oblations de leur église et la moitié de celles du jour de saint Aoustrille ainsi que la moitié de Nundray que Rimbaud tenait d’eux702. Avant 1012, Robert et Eudes de Vatan donnent au chapitre Saint-Laurian des biens qu’ils possèdent et la part de leur père703. Dans la même charte, Eudes de Vatan donne au chapitre de la même ville ce qu’il avait sur la terre du domaine de Piriaco, ainsi que ce que les chanoines pouvaient acquérir en l’église Saint-Laurent par Geoffroy, Euffemie et leur fils704. Lors de la restitution de Saint-Pierre de Saint-Satur par Mathilde de Sancerre en août 1034, les fondateurs donnent au chapitre les choses appartenant déjà à l’église qu’ils rétablissent

700 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000). 701 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 643. 702 Ibid., p. 640. 703 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 704 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012, autre donation) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 146 Licence CC BY-NC-ND 3.0 et à l’autel et s’attestent d’avoir de droit toutes les choses de Saint-Étienne en bénéfice705 ; de plus, le 29 mai 1107, une bulle papale de Pascal II protège les biens donnés par Mathilde de Sancerre sous peine d’excommunication706, probablement parce qu’il y a eu des abus de la part de laïcs tentant de se réapproprier les biens du chapitre. En 1048, lors de la restitution de Saint-Ursin de Montcenoux, Archambaud, seigneur de Bourbon, cède au chapitre tout ce qui est donné à saint Ursin en offrande, les biens de ses vassaux sur les terres qu’il a cédées lui-même, la possession des biens sans contradiction pour leur solde, la réfection de l’hospice et le soutien aux pauvres707 ; après cette date il lui donne tous les biens du manse d’Aulariis708.

III.2.3.2. Les biens meubles

En 1108, Regnaud III, seigneur de Graçay, donne, par l’avis de sa mère Eme et de ses barons, au prieur et aux chanoines de Notre-Dame et Sainte-Croix de Graçay, le droit de pacage de tous les bestiaux en ses forêts, d’y prendre du bois pour pesseler leurs vignes, et pour leur chauffage en certains temps de l’année709 ; puis entre 1145 et 1178, Renaud IV, seigneur de Graçay, aumôna aux chanoines de Notre-Dame de Graçay sa tierce partie du sel dû aux foires du même lieu, à la charge que tous les chanoines pendant leurs vies célébreraient des messes710. Et en 1196, dans les statuts du chapitre des Aix-d'Angillon, il est précisé que le chanoine prévôt perçoit dans le baillage de Voeto, quarante setiers d’orge annuellement en héritage et dans d’autres baillages, tous les avoines et les animaux et que les échoites et les legs revenaient au doyen et au chapitre, sauf le droit du chanoine prévôt de l’autre côté du Cher qui perçoit trois parts dans son baillage. De plus, l’orge et le froment des fermes de Voeto appartiennent au doyen et au chapitre711.

705 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 706 Jacques SOYER, « Les actes des souverains antérieurs au XVe siècle conservés dans les archives départementales du Cher », Mémoires de la société des antiquaires du Centre, t. XXVI, 1902, p. 27-144, p. 31-33. 707 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 708 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (ap. 1048). 709 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 642. 710 Ibid., p. 643. 711 AD Cher, 8 G 23, 1196.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 147 Licence CC BY-NC-ND 3.0 III.2.3.3. Les biens immeubles

Avant 1012, Eudes de Vatan donne au chapitre de la même ville l’église Saint-Laurent712, dont la ville n’est pas précisée. Dans la charte de fondation de Levroux en 1012, Eudes, seigneur de Déols, définit les fossés, entourés par le chapitre et il donnera paiement de tout obstacle713, probablement en cas de travaux pour dégager les voies. Vers 1072, Raoul, seigneur de Déols donne au chapitre de Levroux n’importe laquelle de ses propriétés que les chanoines pourront acquérir en donation, achat ou gage et possèdent sans contrainte ou servitude714. Ces propriétés devaient se trouver aux alentours de Levroux. Et entre 1199 et janvier 1209, Guillaume, archevêque de Bourges et primat d’Aquitaine, examine et arbitre un litige entre Pagrini, maître hospitalier en Berry et le prieur et le chapitre de Levroux concernant un tiers de la part que les chanoines de Levroux avaient sur l’église de l’hôpital de Bourgneuf715. La décision indique que les Hospitaliers possèdent un tiers de l’église contre un cens annuel que les frères de Bourgneuf acquitteront aux chanoines de Saint-Silvain de Levroux pour la messe qui a lieu le 1er mai et une autre en septembre. De plus, le lundi de Pentecôte, le chapelain de Bourgneuf et sa procession visiteront l’église mère du bourg de Saint-Laurent qui sera entretenue par le chapelain de l’église lui-même716. Entre 1098 et 1099, l’archevêque de Bourges Léodegaire fait un don aux moines de Déols ; l’acte est fait à La Châtre dans le réfectoire des chanoines. Cela peut vouloir dire que soit les chanoines mangeaient ensemble, le réfectoire étant vu comme un lieu utilisé ; ou ils ne l’utilisaient plus et s’en servaient dans certains cas pour produire des actes avec des individus étrangers au chapitre. La présence de l’archevêque laisse cependant penser que le lieu devait être assez important pour accueillir « en grande pompe » des personnalités importantes. Cela dit, rien ne prouve que les chanoines mangeaient encore en réfectoire à cette époque, mais cela fut le cas antérieurement717. En 1176, Raoul, seigneur de Déols, donne au chapitre de La Châtre les bancs et baux des fours de La Châtre à édifier dans le cimetière et dans l’entourage des voies adjacentes718, ce qui montre que

712 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012, autre donation) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 713 AD Indre, G 110, fol. 15v. 714 AD Indre, G 110, fol. 5v-6v (3B’). 715 Commune de Vicq-sur-Nahon. 716 AD Indre, G 110, fol. 25r §01. 717 Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 254-255, n° 65 (1098-1099). 718 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 547-548, n° XXX.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 148 Licence CC BY-NC-ND 3.0 comme à Levroux, les marchés ou lieux publics se font sur l’emplacement des anciens cimetières. En août 1034, les fondateurs de Saint-Pierre de Saint-Satur donnent au chapitre l’église, l’autel et les nones719. Entre 1007 et 1108, Geoffroy, seigneur de Graçay, donna au chapitre Notre-Dame de Graçay, plusieurs moulins720, probablement situés sur le Fouzon ; dans une charte de 1106, détaillant les coutumes de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay, le Nundray possède deux moitiés de moulins : une à Fossa721 et une autre à Villena722, situés sur le Fouzon. Les autres biens ne sont pas détaillés, mais le partage est strictement règlementé723. Une maladrerie existait dès le XIIe siècle à Graçay. En 1184, l’archevêque Henri de Sully lui fit délaisser par le chapitre de Montermoyen un oratoire, probablement la chapelle de La Madeleine, près du champ de foire, car la métairie de Saint-Ladre portait ce nom en 1468. Elle se trouvait en 1204 dans la paroisse de Coulon724, anciennement consacrée à Notre-Dame et à la nomination du chapitre de Montermoyen de Bourges et qui comprenait le champ de foire et la léproserie de Graçay725. Après 1048, Archambaud, seigneur de Bourbon fait une série de dons au chapitre de Montcenoux car ils mettent de la bonne volonté dans la construction de l’église et des habitations des chanoines. Cela donne une indication sur les propriétés des chanoines après l’institution du chapitre726, le fait de construire des maisons doit signifier qu’ils ne suivaient pas encore les règles de vie commune dont étaient astreints les chanoines de Saint-Ursin de Bourges en 1093727. En 1196, lors du règlement du litige entre le doyen et le chapitre des Aix-d’Angillon, l’acte précise que le chapitre possède les églises de Sciliez, Beaulieu728, Santranges, Furiaco, Bengy-sur-Craon, Cheri et que la faculté de donner les églises revenait au chapitre et au doyen, que les justices spirituelles communes dans les églises citées étaient partagées entre le chapitre et le doyen, les justices temporelles appartenant au doyen seulement, sauf la grande justice de la terre de Beaulieu obtenue d’Étienne, seigneur de Sancerre, et sauf la justice de Bourges et de

719 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 720 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 642. 721 Moulin-de-la-Fosse, commune de Graçay, paroisse de Coulon, AD Cher, 3P 2542/07 (Cadastre). 722 Les Villaines, commune de Graçay. 723 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4415/. Date de mise à jour : 29/03/12. 724 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, Impr. Tardy-Pigelet, t. 4, 1889, p. 176. 725 Ibid., p. 182. 726 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (ap. 1048). 727 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12. 728 Peut-être Beaulieu-sur-Loire dont le chapitre cathédral possédait la paroisse en 1178, selon Jacques PERICARD, Ecclesia Bituricensis, op. cit., p. 294.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 149 Licence CC BY-NC-ND 3.0 la septaine autour de Bengy-sur-Craon obtenue de Louis, roi de France, sans préciser de date. De plus, les maisons de Voeto appartiennent au doyen et au chapitre729.

Concernant les églises collégiales en elles-mêmes : le chœur de l’église de La Châtre est construit par Ebbes II, prince de Déols730 au XIIe siècle731 ; selon l’abbé Damourette, il a certainement fait construire la nef et la tour carrée au-dessus du porche de la collégiale Saint-Germain732. Seulement comme il n’y a pas de documents pour retracer l’histoire de l’église, l’appui de l’archéologie est inévitable. La collégiale actuelle, du XVe siècle, n’est pas l’église primitive, mais l’ancienne devait être à cet emplacement. Le porche « actuel » doit être celui de l’église antérieure (IXe-Xe siècles)733. L’église actuelle n’a pas été achevée dans l’immédiat, mais terminée dans un style différent734. Pour Neuvy-Saint-Sépulchre, la rotonde est fondée en 1045 par Geoffroy, vicomte de Bourges, dans un fief appartenant aux princes de Déols. L’église de forme circulaire, similitudes avec l’Angleterre, et la dédicace au Saint-Sépulcre montrent l’intention des fondateurs de ces monuments d’imiter l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem735. L’archéologie permet de préciser les étapes de construction736. Il y a eu une longue durée entre la construction du rez-de-chaussée et l’étage supérieur ; il n’y a pas de règle d’art en bas alors que l’on retrouve des pierres bien taillées et appareillées à l’étage. Il est facile de discerner les constructions du XIe siècle de celles du XIIe siècle. La rotonde ne fut jamais achevée737. Il n’y a pas d’observations archéologiques depuis Viollet-le-Duc et aucune démonstration entre la nef et la rotonde738. Le résultat permet de conclure à la poursuite d’un projet architectural cohérent et original visant à évoquer l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem739. Il y aurait des similitudes

729 AD Cher, 8 G 23, 1196. 730 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, Bourges, Imprimerie et lithographie de P. A. Manceron, 1840, p. 9. 731 Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », BSAC, t. V, 1899-02, p. 99-104, p. 100. 732 Abbé DAMOURETTE, « Excursions de saint Martin, évêque de Tours en Berry », dans Congrès archéologique de France, Bas-Berry, 1873, Paris, Société Française d’Archéologie, 1874, p. 407-485, p. 464. 733 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 35. 734 Ibid., p. 36. 735 Abbé DAMOURETTE, « Excursions de saint Martin, évêque de Tours en Berry », art. cit., p. 459. 736 Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », RACF [En ligne], t. 43, 2004, p. 171-207, mis en ligne le 1er mai 2006, consulté le 28 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/racf/186, p. 171. 737 Abbé DAMOURETTE, « Excursions de saint Martin, évêque de Tours en Berry », art. cit., p. 460. 738 Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », art. cit., p. 172. 739 Ibid., p. 171.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 150 Licence CC BY-NC-ND 3.0 avec l’abbaye de Noirlac et l’église du prieuré de Ruffec, ce qui suppose une datation pour certains éléments vers 1160-1184740. La collégiale de Saint-Outrille-lès-Graçay présente les caractères archaïques les plus accusés du département, mais elle n’est pas antérieure à 1014741. L’église Saint-Ythier des Aix-d'Angillon est qualifiée de « perle du château »742. L’église actuelle remonte au début du XIIe siècle et est analogue avec celle de la Charité-sur-Loire (consacrée en 1108). Elle est dédiée à Saint-Ythier, évêque de , en qui la famille de Sully avait une dévotion particulière743. Les collégiales devaient être pour l’ensemble construites après l’établissement du chapitre, à un moment où celui-ci avait besoin de montrer sa puissance pour attirer les fidèles, mais également à un moment où ces institutions avaient développé des ressources suffisantes pour agrandir leur église, avec un probable appui sur l’église primitive dans laquelle ils étaient établis, comme à la Châtre. Les collégiales castrales devaient être des cas particuliers, car abritant de petits chapitres comme Saint-Ythier des Aix-d'Angillon, les seigneurs devaient en grande partie financer la construction des bâtiments proches de leurs châteaux et dédiés au service liturgique de leurs proches.

III.2.4. Les revenus et le numéraire

Avant 1012, Eudes de Vatan donne au chapitre de la même ville le droit de percevoir de Durand de Jarondelle et de ses fils deux deniers chaque année, deux deniers de Dominique de Meunet-sur-Vatan et de ses enfants, et six deniers à titre de dette allant avec la terre de sa prairie744 et en 1159, les chanoines de Vatan se soumettent au paiement de rentes pour les terres de Jarondelle et Aize appartenant anciennement à Saint-Hilaire de Poitiers pour deux sous de cens en monnaie d’Anjou acquittés à quinze jours des festivités de Pascal745. En 1176, Raoul,

740 Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », art. cit., p. 195. 741 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 4, 1889, p. 190-191. 742 Ibid., t. 1, p. 6. 743 L’histoire de Saint-Ythier, évêque de Nevers, a été relatée avec détails, ainsi que les circonstances légendaires de sa mort et de son inhumation, dans une brochure imprimée par Jean Toubeau en 1657 et réimprimée à Orléans en 1860 (communiquée par M. l’abbé Béguinot, curé-doyen des Aix) ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, Bourges, E. Pigelet, t. 1, 1875-1877, p. 7. 744 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012, autre donation) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 745 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 162.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 151 Licence CC BY-NC-ND 3.0 seigneur de Déols, réserve le privilège des ventes au chapitre de La Châtre exclusivement et n’autorise la vente que dans les baux des chanoines746. Lors de la fondation de Saint-Silvain de Levroux en 1012, Eudes, seigneur de Déols, donne une part des revenus de ses propriétés qu’il possédait à Levroux, à savoir les ventes des bouchers et le crédit de 40 jours sur les viandes des bouchers747. Et vers 1072, Raoul, seigneur de Déols, donne au chapitre de Levroux toutes les levées et les usages qu’il avait l’habitude d’avoir sur les hommes et femmes malades et leurs héritiers qu’il donne également au chapitre748. En 1152, les moines de Chezal-Benoît doivent au chapitre Saint-Silvain de Levroux une rente de deux setiers de froment à la mesure de Rouvres-les-Bois chaque année à titre de cens pour la cession de la terre à côté du bourg de Chambon749. Et entre 1199 et janvier 1209, lors du règlement du litige entre les Hospitaliers et le chapitre de Levroux, il est établi que contre un tiers de l’église de Bourgneuf possédée par les Hospitaliers, les chanoines de Saint-Silvain de Levroux recevront des frères de Bourgneuf un cens annuel de 30 sous de Gien et 30 cierges pour la messe du 1er mai et une autre en septembre. Si la dette en monnaie de Gien est « perdue », les frères auront treize de Gien et douze d’Anjou750. Le 28 juin 1079, dans sa charte prévenant Boson de Cluis de ne plus attaquer l’église de Neuvy-Saint-Sépulchre, le pape Grégoire VII précise que cette église est du droit de l’église de Jérusalem et du cens de celle-ci ; il en a d’ailleurs donné la régence à son clerc Simon751. Cela signifie que l’église et le chapitre de Neuvy-Saint-Sépulchre ne devaient plus dépendre de l’Église de Bourges, mais directement de Rome. En août 1034, le chapitre de Saint-Satur reçoit pour sa restitution de nombreux deniers, sans en préciser le nombre, pour la restauration du lieu, ainsi que les dîmes de l’église752. En

746 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 547-548, n° XXX. 747 AD Indre, G 110, fol. 15v. 748 AD Indre, G 110, fol. 5v-6v (3B’) ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », dans Anne MASSONI (dir.), Collégiales et chanoines dans le centre de la France du Moyen âge à la Révolution, Limoges, PULIM, 2010, p. 57-80, p. 74. 749 AD Indre, G 110, fol. 24v §02. 750 AD Indre, G 110, fol. 25r §01. 751 Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 203-204, n° 43 (28 juin 1079) ; Jean-François Xavier CAILLAUD, Notice historique et archéologique sur l’église de Neuvy-Saint-Sépulcre, Paris, Imprimerie impériale, 1866, p. 86 ; Émile CHENON, « Les origines de la ville de Neuvy-Saint-Sépulchre », Bulletin de la société nationale des antiquaires de France, 1916, p. 214-229, p. 215-216 ; Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », art. cit., p. 176. 752 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 152 Licence CC BY-NC-ND 3.0 1104, Adèle de Sancerre attribue au même chapitre toutes les rentes de la fête établie à l’anniversaire de la dédicace de Saint-Satur. Elle restitue également la taille au chapitre753. Entre 1007 et 1108, Geoffroy, seigneur de Graçay, donna au chapitre Notre-Dame de Graçay, plusieurs cens et rentes, mais La Thaumassière n’en donne pas le montant, ni le lieu754. Entre 1145 et 1178, Renaud IV, seigneur de Graçay, donna aux chanoines de Notre-Dame de Graçay, quarante sols de rente sur son péage, pareille somme sur ses moulins, et deux setiers de froment sur la dîme de Coulon, ce qu’il confirma par une autre charte sans date, à la charge que les chanoines célébreraient deux anniversaires solennels en leur église, l’un pour lui, l’autre pour sa femme. Par une autre charte sans date, il aumôna aux mêmes chanoines, les cens de la paroisse de Coulon, et la tierce partie du sel à lui dû aux foires du même lieu ; en échange, tous les chanoines pendant leurs vies célébreront la messe à son intention et pour ses prédécesseurs, et à leurs autres bienfaiteurs, et pour les enfants inhumés en la même église755. En 1119, Odon, sous-chantre de Bourges, et Grégoire, chanoine de Paris, ont assisté à un conflit entre les chapitres de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Outrille-lès-Graçay concernant la taille et les hommes communs, don déjà explicité lors du détail du numéraire du chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges756. Entre 1108 et 1120, Raymond, prieur de Montcenoux, rappelle la concession faite vers 1078 et y ajoute la participation de Pierre de Blot, à savoir le don d’une terre ayant un cens de 17 deniers à côté de la route de Montluçon et une autre terre ayant un cens de 20 deniers entre la route de Neuville et celle de Montluçon757. Entre 1120 et 1137, lors de l’union du chapitre des Aix-d’Angillon au chapitre Saint-Étienne de Bourges, il est précisé que pour les rentes des Aix, le chapitre des Aix en aura les deux tiers et la tierce partie ira au chapitre Saint-Étienne de Bourges en acquittement du travail. De plus, les chanoines de Saint-Étienne pourvoient à un tiers des dépenses des chanoines des Aix758. Et depuis 1195, le doyen, les chanoines et le chapitre de Saint-Étienne quittèrent aux chanoines des Aix la tierce partie du revenu qui leur appartenait, pour huit livres parisis, et

753 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 480-481, n° XIV (1104) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 788. 754 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 642. 755 Ibid., p. 643. 756 AD Cher, 8 G 1462, 1119. 757 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1108-1120) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 426 (acte daté d’avant 1120). 758 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 153 Licence CC BY-NC-ND 3.0 une livre de cire, de pension annuelle, franche et quitte de toutes charges759. En 1196, il est précisé que le cens des échoites, legs et ventes revient au chapitre et les deux parts restantes au doyen et au chapitre ; les perceptions du chanoine prévôt dans les différents baillages sont également détaillées ; le chapitre, au temps des moissons, perçoit les prébendes là où les chanoines ont la compétence ; les échoites de la tenure de Furiaco reviennent au chapitre et au doyen et aussi longtemps que le chapitre aura tenu l’héritage dans sa main, le doyen sera tenu au service pour que cet héritage soit tenu à lui et la restitution de l’héritage à quelqu’un plus proche du défunt appartient au seul doyen, ainsi que tout ce qu’ils ont de l’engagement d’Henri, juge de Voeto, pour trente livres angevines, qu’il peut racheter quand il le voudra avec l’accord du chapitre. Il a également la compétence lucrative quant à la vente de l’échoite ou des legs, ne peut acheter les terres et cens ou les hommes qui ont des propriétés dans les terres du chapitre sans l’accord de celui-ci, pareillement pour ceux qui ont les baillies. Les hommages des fiefs et les achats des feudataires appartiennent au seul doyen qui ne peut s’approprier ou acheter les fiefs sans accord du chapitre760. Comme pour les chapitres urbains, le tableau suivant présente les différents donateurs en fonction du type de biens qu’ils ont transmis aux chapitres.

Tableau 17 : Synthèse générale des donateurs en fonction du type de biens cédés. Fonction du Nom du Types de biens donateur donateur Humain Foncier Biens Numéraire Choses Meubles Immeubles Seigneurs Raynaud de 1 1 1 Ø Ø Ø fondateurs Graçay Archambaud de 1 1 1 Ø 1 Ø Bourbon Eudes de Déols Ø Ø Ø Ø 1 1 Mathilde de Ø Ø 1 Ø Ø Ø Sancerre Seigneurs Robert et Eudes 1 1 1 Ø 1 1 laïques de Vatan Raoul de Déols 1 Ø Ø Ø 1 1 (ca. 1072) Raoul de Déols 1 Ø Ø Ø 1 1 (1176)

759 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 326. 760 AD Cher, 8 G 23, 1196.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 154 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Aimon Vair 1 1 Ø Ø Ø Ø Vache Pierre de Blot Ø 1 Ø Ø Ø 1 Rimbaud, sire de Ø Ø 1 Ø Ø Ø Nundray Adèle de sancerre Ø Ø Ø Ø Ø 1 Geoffroy de Ø 1 Ø Ø 1 1 Graçay Regnaud III de Ø 1 Ø 1 Ø Ø Graçay Renaud IV de Ø 1 1 1 Ø 1 Graçay Institutions Chapitre Ø Ø Ø Ø Ø 1 ecclésiastiques cathédral Saint-Étienne de Bourges Hospitaliers de Ø Ø Ø Ø Ø 1 Levroux Moines de Ø Ø Ø Ø Ø 1 Chezal-Benoît Laïcs Bernard de Ø 1 Ø Ø Ø Ø Cratbert Durand de Ø Ø Ø Ø Ø 1 Jarondelle Dominique de Ø Ø Ø Ø Ø 1 Meunet-sur-Vatan

Contrairement aux chapitres urbains où seul Geoffroy, vicomte de Bourges, dénotait dans ses dons aux chapitres, les différents seigneurs laïques ont contribué à l’enrichissement des chapitres et les rois de France sont totalement absents des actes de donation, ce qui ne semble pas étonnant puisque Bourges avait été vendu à Philippe Ier par Eudes Arpin dernier vicomte de Bourges au début du XIIe siècle, expliquant son ingérence, et les autres chapitres comme Dun-le-Roi où le roi pouvait avoir de l’influence, comme l’indique le nom de la ville, ne sont pas renseignés par les sources. L’archevêque est absent au titre de donateur, mais cela n’exclut pas que les chapitres avaient des relations avec ces individus, comme il a été démontré dans les parties précédentes. Les possessions des chapitres ruraux sont relativement éparpillées dans le diocèse de Bourges, cependant les chapitres sont possessionnés aux alentours du lieu où ils ont été fondés, à l’exception du chapitre de Vatan qui s’étend jusqu’à Dèvres tout près de l’Auron, et le chapitre des Aix-d'Angillon dont les possessions vont jusqu’à Vouhet et Dunet

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 155 Licence CC BY-NC-ND 3.0 dans l’archidiaconé de Déols, relativement éloignés du lieu de fondation. Pourtant, il faut remarquer que les chapitres ne possédaient pas de biens dans les mêmes localités que les chapitres urbains, limitant ainsi les conflits entre les institutions761. Les chanoines ont reçu leurs dons petits à petit alors que pour les chapitres urbains, le plus gros semble être donné au moment de la fondation, ainsi, les chapitres hors de Bourges ont pu se développer sur deux siècles en multipliant les relations avec les chapitres extérieurs au diocèse, leur permettant probablement de commercer entre eux, ce qu’aucun acte ne peut confirmer pour la période étudiée.

III.3. Les relations avec les autres institutions

III.3.1. Concernant le temporel

Les chapitres ont entretenu des relations avec certains chapitres et les sources rendent bien compte de quelle manière cela se traduisait : à la fois par de simples dons ou encore par des litiges. Les actes permettent ainsi de voir, comme il a été dit précédemment, l’étendue des relations qu’avaient ces chapitres avec les autres institutions, quelle qu’en soit leur forme. C’est aussi l’occasion de voir si les chapitres urbains ont un tissu de relations plus vaste que les chapitres ruraux.

III.3.1.1. Les chapitres urbains

Les chapitres établis dans la ville de Bourges entretenaient toutes sortes de relations avec différentes institutions. Tout d’abord, il existait des accords de confraternité ou des unions entre les chapitres. C’est le cas entre Saint-Ursin de Bourges et Saint-Étienne de Bourges, le 23 avril 1093762, acte par lequel, le chapitre cathédral s’engage à aider un chanoine de Saint-Ursin de Bourges s’il en a la nécessité, et inversement. Le 13 janvier 1079763, le chapitre de Saint-Ursin de Bourges a établi une confraternité avec les chanoines de Saint-Hilaire de Poitiers ; dans cet acte, le chapitre de Poitiers donne des terres avec des biens et des hommes établis dessus et les chanoines de Saint-Ursin de Bourges leur paieront un cens annuel en échange de la moitié de chaque autel des deux églises. L’acte fait également appel à une

761 Voir Tome d’annexes, Annexe 14, « Carte 13, Temporel des chapitres ruraux », p. 38. 762 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233. 763 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 100-102.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 156 Licence CC BY-NC-ND 3.0 solidarité entre les deux chapitres afin d’accueillir des chanoines s’il le besoin se manifeste. Les actes de confraternité et d’union se traduisent donc par le don de biens qui devaient probablement être convoités auparavant. En 1182, l’abbé et les frères de l’abbaye de La Vernusse donnent au chapitre de Saint-Ursin de Bourges une pension annuelle de dix sous parisis à percevoir à la fête de la nativité de saint Jean-Baptiste, et d’acquitter une livre d’encens à la fête de saint Sulpice en échange de la chapelle Saint-Sulpice de A avec les choses qui appartiennent à celle-ci764. Cet acte consiste donc en un don simple assorti d’une contrepartie en numéraire. Or toutes ces clauses semblent respectées puisqu’aucun acte ultérieur ne mentionne un conflit entre ces institutions concernant ces possessions. Cependant, ce n’est pas toujours le cas et quelques actes rendent compte de conflits entre les institutions. C’est le cas en 1128 quand les chanoines de Saint-Étienne de Bourges font état d’un conflit avec Saint-Ambroix de Bourges l’année de sa régularisation, sur la possession des églises de Valentigny et de Soulangis et une partie de celle de Saint-Privé. L’archevêque de Bourges, en tant qu’arbitre, juge que les chanoines de Saint-Ambroix de Bourges peuvent posséder les églises de Soulangis et la partie de l’église de Saint-Privé en échange d’un cens annuel à rendre au chapitre cathédral765. La régularisation de Saint-Ambroix de Bourges a peut-être entraîné ce conflit puisque le chapitre ne devait plus dépendre de l’Église mère et a donc dû chercher à récupérer des possessions pour vivre en autonomie. Et en 1135, il est fait état d’un litige entre les moines de Vierzon et le chapitre de Notre-Dame de Montermoyen concernant l’église de Neuvic. Les moines doivent verser un cens au chapitre en échange de la possession de cette église766. Des actes non étudiés en détails font également état de litiges entre les institutions, comme le 9 juillet 1102 entre l’abbaye de Molesmes et Notre-Dame-de-Sales, concernant la possession des terres de Marcenay et de Brissay-la-Pierre767. Il y est établi que les religieux de Molesmes possèderont ces terres et percevront un cens dessus, en échange de la libre immigration des chanoines de Bourges dans le monastère de Molesmes, dans lequel ils devaient être accueillis gratuitement. De même, entre 1145 et 1153, une bulle du pape Eugène III arbitre un conflit entre Notre-Dame-de-Sales et l’abbaye de Saint-Menoux concernant l’église d’Agonges – que l’archevêque de Bourges lui avait donnée le 20 août 1124768 et pour laquelle

764 AD Cher, 14 G 6, 1182. 765 AD Cher, 8 G 228, 1128. 766 AD Cher, 2 F 50, n° 20, 1135. 767 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4435/. Date de mise à jour : 29/03/12. 768 AD Cher, 7 G 302, 20 août 1124.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 157 Licence CC BY-NC-ND 3.0 en 1128769 le chapitre de Notre-Dame-de-Sales était en conflit avec Notre-Dame de Bourges (sic), probablement Notre-Dame de Montermoyen, et la chapelle de Francheville. Il est décidé que l’abbaye payera une rente aux chanoines pour les oblations et les dîmes770. Finalement en 1190, les chanoines de Notre-Dame-de-Sales donnent à l’abbaye de Molesmes les possessions qu’ils revendiquaient771. Entre 1192 et 1193, c’est Saint-Ursin de Bourges qui est en litige avec les moines de Saint-Martin-des-Champs concernant une dîme772. L’archevêque de Bourges règle le litige en rendant une part de dîme aux frères et une autre à Saint-Ursin de Bourges773. Il est néanmoins étonnant qu’un laïc redonne en 1198 une dîme de Saint-Martin-des-Champs au chapitre Saint-Ursin de Bourges, en présence de l’archevêque de Bourges774.

Tableau 18 : Causes de la production d’actes concernant le temporel des chapitres urbains Causes Union Don Litige Nombre d’actes 2 1 8

La majorité des actes des chapitres urbains recensent des litiges entre les institutions, d’où l’importance de la preuve écrite dès le Moyen Âge afin de pouvoir démontrer qui a raison de revendiquer un bien ou non. De plus, les institutions avec lesquelles les chapitres collégiaux sont en conflit semblent être des abbayes et parfois d’autres chapitres collégiaux extérieurs au diocèse principalement.

III.3.1.2. Les chapitres ruraux

Les mêmes thématiques se retrouvent dans les actes des chapitres extérieurs à la ville de Bourges, mais ils sont nettement moins nombreux sur la période étudiée. Entre 1120 et 1137, lors de l’union de Saint-Ythier des Aix-d'Angillon avec Saint-Étienne de Bourges, il est indiqué que les biens des Aix-d'Angillon seront à disposition du chapitre cathédral et que ce dernier aura un tiers des rentes des Aix-d'Angillon et quitteront un tiers de leurs dépenses775. Les

769 AD Cher, 7 G 302, 1128. 770 AD Cher, 7 G 302, 1145-1153. 771 AD Cher, 7 G 263, 1190. 772 AD Cher, 13 G 238 ; 13 G 241. 773 AD Cher, 14 G 256, 1193. 774 AD Cher, 14 G 256, 1198 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 644. 775 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 325-326 ; Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 1, 1875-1877, p. 6.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 158 Licence CC BY-NC-ND 3.0 chanoines de Saint-Étienne de Bourges leur restituent le tiers des revenus en 1195 allant de pair avec un enrichissement du chapitre des Aix-d'Angillon et une indépendance de ce chapitre vis-à-vis du chapitre cathédral776. En 1152, le prieur et les chanoines de Saint-Silvain de Levroux donnent aux moines de Chezal-Benoît une terre à côté du bourg de Chambon dans laquelle les moines peuvent édifier et y faire ce qu’ils veulent ; l’acte indique que le chapitre ne peut plus rien réclamer sur cette terre777 et en 1154, l’archevêque de Bourges, par l’intercession des chanoines du chapitre cathédral, a donné à Saint-Ursin de Montcenoux l’église de Chaumont en échange de trente sous de cens à rendre pour moitié au synode de la Pentecôte et l’autre à la fête de sainte Luce778. Enfin, deux derniers actes rendent compte d’un conflit entre des institutions : en 1159, un litige entre les chanoines de Saint-Hilaire de Poitiers et ceux de Saint-Laurian de Vatan concernant la possession des terres de Jarondelles et d’Aize, possédées depuis longtemps par le chapitre de Vatan mais revendiqué par ceux de Poitiers comme leur appartenant depuis plus longtemps. Les chanoines de Vatan se soumettent ainsi au paiement de rentes pour ces terres779. Puis entre 1199 et janvier 1209, il est établi que les Hospitaliers de Bourgneuf possèderont un tiers de l’église de cette localité en échange du paiement d’un cens annuel aux chanoines de Saint-Silvain de Levroux780.

Tableau 19 : Causes de la production d’actes concernant le temporel des chapitres ruraux Causes Union Don Litige Nombre d’actes 1 3 2 Pour la période étudiée, les acte concernant des dons sont un peu plus nombreux que ceux mentionnant des litiges. Cependant, les statistiques portent sur un faible nombre d’actes et il serait faux de penser que beaucoup ne nous sont pas parvenus. Les chapitres ruraux avaient des relations avec les institutions lointaines comme Poitiers, mais l’appui de l’archevêque devait être nécessaire pour échanger avec des chapitres tels que Saint-Martin-des-Champs, privilège donné à Saint-Ursin de Bourges : un chapitre urbain. Cependant, les échanges entre institutions ecclésiastiques reflétaient l’importance des biens et du territoire de chaque chapitre. Les échanges avec les laïcs et les ecclésiastiques avaient aussi un caractère liturgique.

776 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 2, p. 326. 777 AD Indre, G 110, fol. 24v §02. 778 AD Cher, 14 G 384, 1154. 779 Louis REDET (éd.), « Documents pour l’histoire de Saint-Hilaire de Poitiers », art. cit., p. 162. 780 AD Indre, G 110, fol. 25r §01.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 159 Licence CC BY-NC-ND 3.0 III.3.2. La liturgie

La liturgie revêt un caractère important dans la fondation et le développement des chapitres collégiaux. En effet, une des causes avancées par les différents fondateurs des chapitres est de le faire pour le soin ou la rédemption de son âme, ou de celles de leurs proches, tant vivants que morts, cet aspect étant prolongé par le biais de fêtes d’anniversaires pour perpétuer la mémoire en échange d’une rétribution qui peut être en argent, ou en nature avec les cens et rentes. Le premier aspect liturgique apparaît donc lors d’une fondation ou restitution, ou bien une simple donation au moment de la fondation d’un chapitre, pour la rédemption de l’âme du donateur ; on le retrouve autour de l’an mil à la fondation de Notre-Dame de Graçay781, puis le 30 des calendes de juillet 1012 pour la restitution de Saint-Pierre-le-Puellier782, le 3 août de la même année pour la restitution de Saint-Ambroix de Bourges783, celle de Saint-Ursin de Bourges784 et de Saint-Silvain de Levroux toujours en 1012785. La même clause apparaît en août 1034 pour la restitution de Saint-Pierre de Saint-Satur par Mathilde de Sancerre786 et en 1048 pour Saint-Ursin de Montcenoux787. Cette clause est donc présente dans tous les actes de fondations, sauf pour la restitution de Léré à Saint-Martin de Tours, ce qui semble normal car le projet n’est pas le même et la diplomatique a évolué en un siècle et demi. Ces termes apparaissent ensuite dans de simples actes de donations, qu’ils soient ou non collationnés avec des actes de fondation : c’est le cas avant 1012 dans la charte de donation de Robert et Eudes de Vatan au chapitre Saint-Laurian de Vatan cédant des terres pour le salut de leur âme et celles de leurs proches788. Vers 1072, Raoul, seigneur de Déols, donne au chapitre de Levroux n’importe laquelle de ses propriétés pour augmenter leur revenu, en échange, les chanoines doivent se consacrer pendant leurs heures et oraisons à la rémission de ses pêchés, ceux de ses parents et de tous ses prédécesseurs et le salut de leurs âmes789. Dans les copies

781 AD Cher, 2 F 50, n° 5 (ca. 1000) ; 21 G 1, fol. 2 (ca. 1000). 782 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 42, n° XLIX (30 des calendes de juillet 1012). 783 Philippe LABBE, Histoire du Berry, op. cit., p. 187-192. 784 Ibid., p. 196-199. 785 AD Indre, G 110, fol. 15v. 786 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4414/. Date de mise à jour : 29/03/12. 787 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1048) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 788 AD Indre, G 192 ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 472-473 (av. 1012) ; Eugène HUBERT, « Recueil des chartes intéressant le département de l’Indre », art. cit., p. 138-141. 789 AD Indre, G 110, fol. 5v-6v (3B’) ; Jacques PERICARD, « Les communautés canoniales en Berry. L’exemple des chapitres de Saint-Ursin et Saint-Outrille (XIe-XVIIIe siècles) », art. cit., p. 74.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 160 Licence CC BY-NC-ND 3.0 collationnées à la charte de fondation de Saint-Ursin de Montcenoux, différents donateurs, principalement de la famille de Bourbon, reprennent le même terme en 1078790, le 10 août 1092791, puis entre 1108 et 1120792, marquant ainsi une rupture avec les dons de leurs prédécesseurs. Le 30 octobre 1084, Gilon, seigneur des Aix-d'Angillon, donne à Saint-Ursin de Bourges deux églises pour les âmes de ses pères et mère, la sienne et celle de tous ses proches793 ; de même en 1104, à la fin de l’acte, il est indiqué qu’Adèle de Sancerre a fait son don pour le salut de l’âme de son mari, le comte Étienne794. Le 3 janvier 1183, Alard Guillebaud, seigneur de Saint-Chartier, a fait une concession à l’archevêque pour le salut de son âme, cette mention dans la bulle papale sert seulement à localiser les biens de laïcs sur lesquels l’archevêque avait autorité795. Les rois Louis VI et Louis VII sont les seuls rois à faire des dons pour le salut de leurs âmes et celles de leurs prédécesseurs en 1137796 pour le premier et en 1162797 pour le second. Cependant, faire des concessions pour le salut des âmes n’est parfois pas suffisant et certains laïcs rajoutent des donations pour célébrer leurs anniversaires, ou ceux de leurs proches, afin de perpétuer la mémoire « pour l’éternité », moyennant des cens ou des rentes qui additionnés devaient être lucratifs aux chapitres, ce qui rappelle aussi l’acte de litige entre Notre-Dame-de-Sales et Notre-Dame de Montermoyen pour le droit de sépulture dans leur église. Ainsi en 1104, Adèle de Sancerre attribue une fête à l’anniversaire de la dédicace de Saint-Satur aux chanoines798 ; entre 1145 et 1178, Renaud IV, seigneur de Graçay, donna aux chanoines de Notre-Dame de Graçay, quarante sols de rente sur son péage, pareille somme sur ses moulins, et deux setiers de froment sur la dîme de Coulons, ce qu’il confirma par une autre charte sans date, à la charge qu’ils célébreraient deux anniversaires solennels en leur église,

790 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1078) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 791 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (10 août 1092) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 425. 792 Martial-Alphonse CHAZAUD, Étude sur la chronologie des sires de Bourbon, op. cit., pièce justificative, p. XXVII-XXXII, n° XVI (1108-1120) ; J.-J. MORET, Paroisses bourbonnaises, op. cit., t. 1, p. 426 (acte daté d’avant 1120). 793 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4418/. Date de mise à jour : 29/03/12. 794 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 480-481, n° XIV (1104). 795 Julius von PFLUGK-HARTTUNG, Acta pontificum romanorum inedita, Tübingen, F. Fues, 1881, t. 1, p. 311-313, n° 355. 796 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 526-527, n° VIII (1137) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 237. 797 Commune de Levet ; Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540, n° XXII (1162). 798 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 1, 1844 (réed. 1999), p. 480-481, n° XIV (1104) ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 788.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 161 Licence CC BY-NC-ND 3.0 l’un pour lui, l’autre pour sa femme, et outre il leur donna le terrage de Coulons qui lui était échu de la succession de sa mère, et un demi arpent de pré au pont de Meyré, pour l’âme de sa fille. Par une autre charte sans date, il aumôna aux mêmes chanoines, les cens de la paroisse de Coulons, et la tierce partie du sel à lui dû aux foires du même lieu, afin que tous les chanoines pendant leurs vies célèbrent la messe pour lui et ses prédécesseurs, leurs autres bienfaiteurs et pour les enfants inhumés en la même église799 ; en 1167, Louis VII donne au chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges le droit de faire un four à Annoix et leur en donnent l’exclusivité, en échange, ils s’engagent à faire un service et des oraisons et célèbreront le jour de son anniversaire et à recommander son âme au Seigneur800 ; en 1176, Raoul, seigneur de Déols, fait une série de dons au chapitre de la Châtre en échange de la célébration de son anniversaire801. En 1184, pour l’anniversaire de Pierre de Charenton, ancien prieur de Saint-Outrille-lès-Graçay, Odon de Sully, sur demande de son frère, Henri de Sully, archevêque de Bourges, donne au chapitre cathédral des vignes et une maison. Les chanoines participant à l’anniversaire reçoivent en droit et propriété le revenu et les fruits des vignes802 ; en 1185, à la suite d’un litige entre Saint-Ursin de Bourges et Guillaume sénéchal, au sujet de la combustion de l’église et des maisons de Montcenoux, ce dernier fait un don à l’église de Montcenoux et en échange les chanoines célèbreront son anniversaire dans l’église de Montcenoux803. La quantité de dons et le détail des informations qui nous sont parvenus sur ce sujet montrent bien que ces petites attentions des laïcs n’étaient pas laissées au hasard. Cependant, en matière de liturgie, certains actes nous renseignent sur l’organisation de messes ou la place de certains chanoines dans l’Église mère. L’acte du 23 avril 1093 nous apprend qu’à la suite de l’union du chapitre de Saint-Ursin de Bourges à Saint-Étienne de Bourges, les chanoines de Saint-Ursin doivent faire les semaines du sacerdoce à Saint-Étienne et la semaine du prêtre si aucun n’est à Saint-Étienne, ils enverront un légat à la place des chanoines de Saint-Étienne et paieront les préparatifs à la hauteur de leur prébende reçue, contre laquelle une personne chaque jour doit faire un service à Saint-Étienne804. Une condition très similaire est mentionnée en 1104 par Adèle de Sancerre indiquant que relativement aux prébendes, un chanoine de Saint-Satur doit venir faire sa semaine en l’église Saint-Étienne ;

799 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., p. 643. 800 Louis de RAYNAL, Histoire du Berry, op. cit., vol. 2, 1845 (réed. 1999), p. 540-541, n° XXIII (1167). 801 Ibid., p. 547-548, n° XXX. 802 AD Cher, 8 G 355, 1184. 803 AD Cher, 14 G 16, 1185. 804 http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4417/. Date de mise à jour : 29/03/12 ; Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 233.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 162 Licence CC BY-NC-ND 3.0 tous les ans les religieux viendront processionnellement à l’église Saint-Étienne le deuxième jour du mois d’août pour la fête de l’Invention de saint Étienne ; ils offriront le même jour deux livres d’encens à l’autel de saint Étienne805. Entre 1120 et 1137, lors de l’union du chapitre des Aix-d’Angillon au chapitre Saint-Étienne de Bourges, il est précisé que les chanoines des Aix auront une place dans le chœur de Saint-Étienne et dans le chapitre, mais seulement pour la cause et les affaires de l’église des Aix806. En 1198, Philippe Auguste confia au chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier le service de la chapelle qu’il établit dans la Grosse Tour807.

Évoquer la liturgie des chapitres revient également à étudier les patrons des églises, comme je l’ai entrepris par l’étude des vocables, mais également une étude des reliques que les textes évoquent et qui font partie intégrante du culte des saints, reconnus par les miracles qu’ils ont engendrés. Ainsi en 1012, Geoffroy le Noble, vicomte de Bourges, et Heldebruge sa femme auraient fait transférer le corps de saint Ambroix, évêque de Cahors mort en 770 qui était enterré au bourg d’Arnon. La translation est faite à l’octave de Pâques. Le corps est déposé dans sa sacristie808. En 1094, Audebert, archevêque de Bourges, accorde la présentation de la cure d’Anjouin laquelle fait foi que saint Didier, évêque de Langres, est l’un des patrons de Saint-Outrille-lès-Graçay, en laquelle on fait la solennité le mardi de la Pentecôte809, dont elle a possédé les reliques jusqu’au 2 juin 1562, date à laquelle les brûlèrent les reliques sauf un petit ossement que le chapitre possédait encore en 1785810. De même, il est indiqué pour Saint-Germain de La Châtre que Pierre de La Châtre, archevêque de Bourges811, grand-oncle d’Ebbes II, accorda l’autorisation nécessaire et donna au chapitre une croix en vermeil, enrichie de pierreries, dans laquelle un morceau de la vraie croix fut encastrée, portant une inscription « De vero ligno crucis » (Du vrai bois de la croix)812 ; le don est daté du 12 octobre 1260. Or cette date est erronée car Pierre de La Châtre fut archevêque de Bourges de 1141 à 1171813. Ainsi ce personnage a dû faire le pèlerinage en Terre Sainte, ou faire ramener cette relique par un de ses proches, puisqu’il est connu que les membres de la famille de Déols, dont descend la

805 Ferdinand GEMÄHLING, Monographie de l’abbaye de Saint-Satur, près de Sancerre (Cher), Paris, A. Chaix et Cie, 1867, p. 13. 806 Denis de SAINTE-MARTHE, GC, op. cit., t. 2, instr., col. 10, n° XV (1120-1137). 807 Alphonse BUHOT de KERSERS, HSMDC, op. cit., t. 2, 1879-1883, p. 221. 808 Gaspard THAUMAS de LA THAUMASSIERE, Histoire de Berry, op. cit., t. 1, p. 242. 809 Ibid., p. 640 et t. 2, p. 58. 810 Félix PALLET, NHB, Bourges, J. B. Prevost, 1785, vol. 5, p. 276. 811 Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 100. 812 Pierquin de GEMBLOUX, Histoire de La Châtre, op. cit., p. 9. 813 Abbé LAMY, « Archiprêtré de La Châtre », art. cit., p. 100.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 163 Licence CC BY-NC-ND 3.0 famille de La Châtre, étaient prompts à faire ce pèlerinage. Concernant l’église de Neuvy-Saint-Sépulchre, il y avait une grande vénération de cette église en Berry pendant les XIe et XIIe siècles, et encore plus de ferveur au XIIIe siècle avec en 1257 l’envoi du fragment du précieux sang par le cardinal Eudes814. L’église devait servir pour les offices courants et la rotonde comme lieu de pèlerinage et pour les célébrations pascales815. Enfin des églises comme Saint-Silvain de Levroux possèdent des reliques de leurs saints patrons.

Les deux premières parties relatives au temporel des chapitres montrent bien que les dons ne se limitent pas à la ville de Bourges pour les chapitres urbains, ni aux différentes localités où se situent les chapitres ruraux, mais les possessions des chapitres sont disséminées, mais toujours proches de localités importantes sièges d’implantation des chapitres ou la cité épiscopale directement. La qualité des fondateurs, personne laïque ou ecclésiastique, reflète, pour les chapitres ruraux, la tendance suivie par les différents donateurs : les chapitres ruraux sont fondés par des seigneurs laïques, et les principaux donateurs sont leurs descendants ou des individus devant leur être proches, voire des vassaux ; tandis que les chapitres urbains sont particulièrement entretenus par les rois de France, quand la ville de Bourges leur a appartenu ou le vicomte de Bourges mais qui les a dotés seulement à leur fondation. Il n’y avait donc pas vraiment de suivi du développement de ces institutions, sauf par l’archevêque en termes de coutumes, mais qui devait néanmoins constituer un appui important pour qu’ils puissent se développer indépendamment d’une tutelle exercée par l’Église mère. L’éparpillement dans le temps des actes concernant le temporel ne permet pas de dire quels chapitres étaient les mieux dotés à la fin du XIIe siècle, cependant, l’importance que semblent avoir pris les chapitres de Saint-Outrille-du-Château de Bourges et Saint-Ursin de Bourges, que la titulature ancienne rend encore plus prestigieuse, et la dotation à la fondation de Saint-Ursin de Bourges laissent penser qu’ils étaient les chapitres les mieux dotés et plus enclins à se développer de manière autonome pendant les deux siècles étudiés. Les relations avec les différentes institutions à l’intérieur ou à l’extérieur du diocèse montre à la fois le tissu de relations des chapitres et les plus riches cités précédemment étaient en contact avec des institutions lointaines comme Saint-Hilaire de Poitiers et Saint-Martin-des-Champs. L’exception de Saint-Laurian de Vatan peut être démontrée par son ancienneté et l’importance que le chapitre a pu avoir comme le montrent ses effectifs. En revanche, les relations des chapitres avec les abbayes sont plutôt conflictuelles et

814 Abbé DAMOURETTE, « Excursions de saint Martin, évêque de Tours en Berry », art. cit., p. 461. 815 Simon BRYANT, « La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) », art. cit., p. 191.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 164 Licence CC BY-NC-ND 3.0 ne renseignent pas vraiment sur l’apport des institutions régulières aux séculières, et inversement. Cependant, l’importance et le rayonnement que devait avoir Saint-Hilaire de Poitiers dans son diocèse va de pair avec les différentes unions que ses chanoines ont établis avec les institutions du diocèse de Bourges. Cette étude s’intéresse aux fondations des chapitres séculiers dans le diocèse de Bourges et leur développement jusqu’à la fin du XIIe siècle, et il est flagrant que les sources manquent pour beaucoup de chapitres. De plus, sur dix-huit chapitres séculiers fondés autour de l’an mil, trois se sont régularisés avant la fin de la période étudiée, et environ sept se sont unis au chapitre cathédral, les dates manquant pour deux d’entre eux, ou sont passés sous le patronage d’autres chapitres, comme le montrent les trois tableaux qui suivent et la carte en annexe816, ce qui limite le nombre de chapitres importants et indépendants au début du XIIIe siècle.

816 Voir Tome d’annexes, Annexe 10, « Carte 9, État des chapitres à la fin du XIIe siècle », p. 34.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 165 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Tableau 20 : Chapitres séculiers à la fin du XIIe siècle, parmi ceux fondés autour de l’an mil Chapitres Notre-Dame de Graçay Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre Notre-Dame de Montermoyen Saint-Germain de La Châtre Saint-Jacques de Neuvy-Saint-Sépulchre Saint-Laurian de Vatan817 Saint-Outrille-du-Château de Bourges Saint-Silvain de Levroux

Tableau 21 : Chapitres régularisés à la fin du XIIe siècle, parmi les chapitres séculiers fondés autour de l’an mil Chapitres Date de régularisation Saint-Ambroix de Bourges 1128 Saint-Pierre de Saint-Satur 1131 Saint-Pierre-le-Puellier 1159

Tableau 22 : Chapitres unis à un autre à la fin du XIIe siècle, parmi les chapitres séculiers fondés autour de l’an mil Chapitres Date Unions / patronage Notre-Dame-de-Sales ?

Saint-Ursin de Bourges 23 avril 1093 Saint-Étienne de Bourges

Saint-Ythier des 1120-1137 Aix-d'Angillon Saint-Martin de Léré 862 Saint-Martin de Tours Saint-Étienne de Dun-le-Roi ? Saint-Outrille-du-Château de Bourges Saint-Outrille-lès-Graçay Ca. 1000 Saint-Ursin de Montcenoux 1048 Saint-Ursin de Bourges

817 L’archevêque et le doyen du chapitre cathédral sont indiqués comme collateurs du chapitre dès 1223 dans Jacques PERICARD, « Fiche de la collégiale Saint-Laurian de Vatan », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne ], version du 21/7/2016, consultée le 18/7/2018

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 166 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Conclusion

J’ai tenté, tout au long de ce travail, d’étudier l’ensemble des chapitres collégiaux séculiers établis dans le diocèse de Bourges autour de l’an mil, et dans un second temps, de comprendre leur développement sur deux siècles. Cette approche est relativement unique puisque les récentes études évoquant le monde canonial dans le diocèse de Bourges sont souvent englobées dans des études générales du Berry comme celle de Guy Devailly avec une approche politique et celle de Jacques Péricard centrée sur l’étude de l’Église de Bourges jusqu’à la Réforme grégorienne, donc déjà plus focalisée sur mon sujet. Ces précédents travaux permettent de comprendre dans quel cadre politique et religieux ont évolué les différents chapitres collégiaux et ainsi de poser les jalons de mon travail. En revanche, il m’a également fallu composer avec une historiographie ancienne s’appuyant sur des actes originaux aujourd’hui disparus et avec des auteurs ne citant pas toujours leurs sources comme Gaspard Thaumas de La Thaumassière, qui a tendance à faire des erreurs manifestes, comme indiquer l’instauration de chanoines réguliers lors des fondations de l’an mil, ce qui est anachronique, ses propos se voient donc ainsi décrédibilisés. Or des auteurs plus modernes et consciencieux comme Louis de Raynal permettent d’affirmer ou au contraire d’infirmer les dires de leur prédécesseur, Raynal tentant manifestement de justifier ses propos en citant ses sources. D’autres érudits comme Émile Chénon ou Eugène Hubert ont des approches différentes appréhendant tantôt les collégiales sous un angle monographique ou encore en faisant des répertoires de chartes locales. De plus, cette historiographie remontant sur plusieurs siècles permet d’entrevoir les évolutions quant à la compréhension du monde canonial ; notamment avec certains partis pris d’auteurs désirant faire remonter le plus loin possible les origines des chapitres collégiaux, faussant ainsi une réelle compréhension de ce qui existait à l’époque des fondations des chapitres ou de ce qui les ont précédés. Mon travail permet donc de réactualiser ces différentes informations, ce qui nécessite parfois de passer par un travail de désinformation pour corriger certaines erreurs évidentes qui se sont transmises au fil du temps, afin de proposer une étude touchant au plus près de la réalité de ces chapitres collégiaux séculiers.

Dans un premier temps, je me suis concentré sur ce qui a précédé les chapitres collégiaux et dans quel environnement ils ont été fondés. Ces institutions ont été établies à une époque instable où les enjeux de pouvoirs étaient importants. J’ai ainsi tenté de montrer à quel point les chapitres ont permis aux seigneurs locaux et à l’archevêque de Bourges de montrer leur puissance face à leurs rivaux. De plus, les églises collégiales étaient érigées à la place

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 167 Licence CC BY-NC-ND 3.0 d’anciennes institutions souvent abandonnées pendant les guerres ou encore ont été fondées ex nihilo. Cependant, la carence d’informations concernant certains chapitres comme Notre-Dame de Mehun-sur-Yèvre ou Saint-Étienne de Dun-le-Roi empêche une compréhension précise de chacune de ces institutions, ne permettant donc d’avancer que des hypothèses. Quant à l’étude de la fondation des chapitres collégiaux, il en ressort une typologie simple opposant les chapitres urbains aux chapitres ruraux permettant ainsi de distinguer les différences structurelles de ces deux types de chapitres. Enfin il était important de comprendre de qui émanaient ces fondations de chapitres collégiaux et dans quel but ils ont été établis à cette époque. Les fondateurs, à la fois laïques et ecclésiastiques établissaient des chapitres dans leurs terres en opposition par rapport aux seigneurs voisins. J’ai ensuite tenté d’étudier le fonctionnement de ces institutions canoniales et de dresser une classification des chapitres plus complexe que la précédente, établie selon la taille des chapitres. L’étude de la structure interne des chapitres sur deux siècles permet de remarquer que leurs effectifs n’étaient pas stables et ont été fixés « tardivement » à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle, ce qui reflète la tendance générale dans le royaume de France. De plus, le manque d’informations dans les chartes empêche d’avoir une idée précise de la composition de chaque chapitre de leur fondation jusqu’en 1200 ; cependant, les institutions les plus importantes ont produit plus de sources que les autres ; les plus petites collégiales devaient probablement être castrales et le chapitre devait officier pour le seigneur local et sa famille qui l’entretenait, montrant ainsi sa puissance. De même, les régularisations des chapitres dès 1128 semblent montrer un certain déclin de quelques institutions. En revanche, le caractère séculier des chapitres est visible par l’étendue des relations qu’ils entretenaient avec les laïcs, qu’ils soient des seigneurs descendants des fondateurs, ou simples seigneurs locaux, ou encore avec le roi. Tous ces individus veillaient parfois à contribuer à la dotation des chapitres afin qu’ils puissent vivre en autonomie. Finalement, cette autonomie est acquise par les chapitres les plus importants et majoritairement par les chapitres ruraux, car les chapitres établis à l’intérieur de la ville de Bourges semblent être longtemps restés sous la tutelle ou la bienveillance du chapitre cathédral qui était souvent une référence en matière de coutumes. Le temporel de ces différents chapitres collégiaux semblait relativement important. Les chapitres de Saint-Ursin de Bourges et Saint-Outrille-du-Château de Bourges semblent être dotés plus richement que les autres chapitres de la ville de Bourges. Parmi les chapitres ruraux, certains comme Saint-Silvain de Levroux semblent être devenus des institutions puissantes rivalisant parfois avec de grandes abbayes du diocèse comme celle de Déols et leur temporel était relativement important. Les

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 168 Licence CC BY-NC-ND 3.0 biens obtenus généralement par le biais de dons étaient de nature variée et adaptés au paysage agricole du lieu de leur établissement. De plus, les chapitres avaient des relations avec des institutions extra diocésaines auxquelles ils étaient parfois opposés notamment pour des questions de possession de biens. Enfin, les seigneurs faisant des dons aux chapitres demandaient souvent en retour des prières et célébrations d’anniversaires à perpétuité, afin de racheter leurs péchés et d’accéder à la rémission de leurs âmes. Ces missions liturgiques des chanoines constituaient une part importante de leurs activités quotidiennes pour lesquelles l’assiduité n’était pas toujours de mise.

Ce travail rend également compte de la richesse documentaire des chapitres collégiaux, permettant de dresser un corpus relativement complet, malgré les carences pour certaines institutions. Cependant, ces sources ont été peu exploitées et mériteraient qu’on en entreprenne des études plus approfondies, comme l’édition et le commentaire des différents cartulaires des chapitres collégiaux situés aux archives départementales du Cher, dont la numérisation permettrait de conserver et visualiser les fragments restants sans les détériorer. De plus, une édition de la seconde partie du cartulaire de Levroux permettrait d’envisager une étude plus complète de ce document et de procéder à une réactualisation du travail de Jacques Greslier. De plus, une étude des abbayes du diocèse de Bourges serait intéressante afin de comprendre comment elles ont été établies sur le territoire et à quelle époque, voire même dans quel but elles ont été fondées, et ainsi les comparer au mouvement de fondations des chapitres collégiaux séculiers dans le diocèse de Bourges autour de l’an mil. Cela permettrait également de voir si ces deux types d’institutions étaient mises en concurrence par les seigneurs locaux, et si oui, de quelle manière cela a été entrepris. Ces différentes interrogations montrent donc bien que le diocèse de Bourges est un territoire encore peu étudié qui mériterait une revalorisation de son patrimoine historique, comme il est actuellement entrepris pour l’abbaye de Déols à l’occasion des 1100 ans de sa fondation.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 169 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Sources manuscrites

Archives départementales de l’Indre

● Série F : Fonds d’érudits

- F 324 : (s.d.) Notes prises par Eugène Hubert sur le chapitre Saint-Laurian de Vatan.

- F 1115 : (XXe siècle) Inventaire et copies d’actes concernant le chapitre de Saint-Germain de La Châtre.

- F 1144 : (XXe siècle) Neuvy-Saint-Sépulchre : l’église, le Saint Sépulchre et les pèlerinages de Terre Sainte au XIe siècle : documents concernant le chapitre de Neuvy, bulles pontificales, prieurs, inventaires d’archives.

● Série G : Clergé séculier

- G 110 : (1012-1316) Cartulaire de Levroux, daté des XIIIe et XIVe siècles.

- G 112 : (1152-1784) Liasses comportant divers documents, dont la liste des prieurs doyens du chapitre de Levroux de 1152 à 1741.

- G 192 : (Xe-XIe siècles) Donation de la terre de Saint-Hilaire de Jarondelles faite au chapitre de Saint-Laurian de Vatan par Robert et Eudes, chanoines, l’un de Vatan, l’autre de Celles, et tous deux fils d’Evrard, surnommé du Four, seigneur de Vatan, Romorantin et Celles. Dans la même pièce se trouve une donation d’Eudes, seigneur de Vatan, au même chapitre, pour réparer les torts et les injustices dont il s’était rendu coupable envers les chanoines de Vatan.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 170 Licence CC BY-NC-ND 3.0 Archives départementales du Cher

● Série F : Fonds d’érudits

- 2 F 50 : Carnet de copies de chartes par Louis de Raynal.

● Série G : Clergé séculier

- 1 G 1 : (XIIe siècle-1573) Cartulaire de l’archevêché de Bourges, copie du XVIIIe siècle.

- 5 G 35 : (XIIe-XIVe siècles) Cartulaire du chapitre de Montermoyen.

- 5 G 65 : (1137-1615) Liasses de Saint-Outrille-du-Château, 9e sac : privilèges et immunités des rois Louis VI et Louis VII pour la terre située entre Plaimpied et Givaudins. Justice de Givaudins.

- 7 G 28 : (XIIe siècle-1605) Layette de Saint-Pierre-le-Puellier, liasse G contenant l’exemption du droit de sceau et les visites de l’archevêque, dont une confirmation de possessions par le pape datée entre 1159 et 1181.

- 7 G 262 : (1194-1770) Liasse concernant le cimetière, les reliques, indulgences, fêtes et offices, dont un litige entre les chapitres de Notre-Dame-de-Sales et de Montermoyen de Bourges sur le droit de sépulture.

- 7 G 263 : (1102-1464) Liasse concernant la confraternité entre Notre-Dame-de-Sales et l’abbaye de Molesme ; cens dû par ladite abbaye pour la cession des terres de Marcenay et de Bissey-la-Pierre.

- 7 G 266 : (1186-1727) Liasse concernant les réduction et division des prébendes ; la prébende préceptoriale et contenant des extraits d’actes capitulaires de Notre-Dame-de-Sales.

- 7 G 302 : (1124-1772) Liasse concernant le droit de patronage de Notre-Dame-de-Sales sur l’église d’Agonges.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 171 Licence CC BY-NC-ND 3.0 - 7 G 309 : (1190-ca. 1760) Liasse concernant Notre-Dame de Montermoyen al. du Séminaire concernant des maisons détruites aux abords de la grosse tour et sur l’emplacement du séminaire. Acte par lequel Philippe Auguste donne au chapitre le produit des vendanges de la dîme de Tremblais moyennant un cens daté de 1190.

- 8 G 17 : (XIIIe-XVIIIe siècles) Cartulaire du chapitre cathédral Saint-Étienne de Bourges.

- 8 G 23 : (1184-1774) Liasse concernant les procès et transactions avec le chapitre métropolitain, les revenus et charges, le prieuré du chapitre des Aix-d’Angillon, annexé au doyenné, le droit de collation de la chapelle des Saints-Abdon-et-Sennen, près La Châtre.

- 8 G 228 : (1128-1780) Liasse concernant les cures de Saint-Doulchard, Saint-Florent, Savigny-en-Septaine, Sonnay, Sury-en-Vaux, , , Thoiselay, Soulangis, Saint-Privé, , , , , Verneuil, dont un acte par lequel les chanoines de Saint-Ambroix abandonnent au chapitre cathédral des églises et droit sur l’église de Valentigny.

- 8 G 335 : (1071-1756) Liasse concernant la confraternité avec le chapitre de Saint-Ursin et l’hebdomadier dudit chapitre en l’église cathédrale.

- 8 G 346 : (1168-1729) Liasse concernant les statuts, règlements et ordonnances du chapitre métropolitain et les chapitres généraux.

- 8 G 352 : (1157-1761) Liasse concernant la juridiction de l’archevêque sur l’abbaye de Méobecq. Vicairies fondées dans les églises de La Châtre, Veaugues et . Révision du Cérémonial.

- 8 G 355 : (1182-1451) Liasse concernant les testaments et fondations du chapitre métropolitain de Bourges et rapport avec d’autres chapitres.

- 8 G 957 : (1180-1782) Liasse concernant les maisons de Saint-Pierre-le-Puellier vers le cloître de Saint-Étienne.

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 172 Licence CC BY-NC-ND 3.0 - 8 G 959 : (1189-1780) Liasse concernant les cens et rentes sur des maisons de Saint-Pierre-le-Puellier.

- 8 G 968 : (1195-1779) Liasse concernant la rente sur la prévôté des Aix-d’Angillon.

- 8 G 1070 : (1031-1774) Liasse concernant les rentes dues par l’abbaye de Saint-Satur, dont l’acte de restauration de l’église.

- 8 G 1460 : (XIIIe-XIVe siècles) Cartulaire du chapitre de Saint-Outrille-du-Château de Bourges.

- 8 G 1461 : (1123-1454) Liasse concernant les privilèges pontificaux, la fixation du nombre des prébendes, la résidence, les distributions, le doyen, chantre, chévecier, chapelain, les statuts et règlements et rapports entre Saint-Outrille-du-Château avec d’autres chapitres.

- 8 G 1462 : (1106-1387) Liasse concernant les accords avec les chapitres de Saint-Outrille-lès-Graçay et de Saint-Étienne de Dun-le-Roi, la franchise du bourg de Saint-Outrille-lès-Graçay.

- 8 G 1483 : (1186-1779) Liasse concernant le chapitre de Saint-Outrille-lès-Graçay : collation du prieuré et serment du prieur.

- 8 G 1888 : (1012-1746) Liasse contenant les procès contre les dîmeurs ecclésiastiques au sujet de l’étendue et de la propriété des dîmeries et du droit de suite de Saint-Sulpice et Saint-Ambroix de Bourges ; contient en particulier une copie de l’acte de restauration de Saint-Ambroix de Bourges du 3 août 1012.

- 13 G 238 : (1192-XVIIIe siècles) 88e sac : dîmes de Saint-Outrille-du-Château, concerne le droit de suite du chapitre de Saint-Ursin de Bourges.

- 13 G 241 : (1186-1619) 91e sac : dîmes de Saint-Outrille-du-Château, concerne la dîme de La Motte-Montpeloux, les limites des dîmeries, le droit de suite (lié au chapitre de Saint-Ursin de Bourges).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 173 Licence CC BY-NC-ND 3.0 - 14 G 4 : (1012-1102) Restauration du chapitre de Saint-Ursin de Bourges par Geoffroy, vicomte de Bourges en 1012, et diplôme de Philippe Ier, roi de France au même chapitre en 1102.

- 14 G 5 : (1178-1758) Liasse contenant les statuts et règlements et actes capitulaires de Saint-Ursin de Bourges.

- 14 G 6 : (1079-1758) Confraternités avec l’abbaye de la Vernusse, les chapitres de Saint-Hilaire de Poitiers et de Saint-Étienne de Bourges. Conflits avec le chapitre de Saint-Étienne.

- 14 G 15 : (1178-XVIIIe siècle) Liasse concernant les vicairies fondées dans les paroisses de , Montigny, Neuvy-deux-Clochers et Vierzon (possession de Saint-Ursin de Bourges).

- 14 G 16 : (1185-1658) Liasse contenant les bénéfices à la collation du chapitre de Montcenoux.

- 14 G 21 : (fin XIe siècle-1787) Liasse concernant des affaires diverses : église de Bessais-le-Fromental ; commanderie de Lormeteau ; abbaye de Lorroy ; écoles de Saint-Ursin.

- 14 G 233 : (1134-1742) Liasse concernant les privilèges, officiers de justice, ferme de la prévôté et affaires diverses de Saint-Ursin de Bourges.

- 14 G 237 : (1153-1621) Liasse concernant le droit de laudes aux foires de Saint-Ursin et les droits d’entrée en la ville de Bourges.

- 14 G 256 : (1109-1607) Liasse contenant des titres de propriété et liève de Saint-Ursin sur la dîme de Charlet et la rente due par le prieuré de Saint-Martin-des-Champs.

- 14 G 290 : (1084-1787) Liasse concernant les dîmes et l’église de Crézancy (possession de Saint-Ursin de Bourges).

Benjamin Moulin | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2017/2018 174 Licence CC BY-NC-ND 3.0 - 14 G 298 : (1093-1780) Liasse concernant les dîmes et l’église d’Humbligny (possession de Saint-Ursin de Bourges).

- 14 G 384 : (1154-1711) Liasse concernant des dîmes de l’église de Montcenoux.

- 14 G 394 : (1048-1759) Liasse concernant des cens de l’église de Montcenoux.

- 21 G 1 : (XIIIe-XVe siècles) Cartulaire de Graçay. Très détérioré depuis l’incendie des archives en 1859 (non consultable).

- 145 G 1 : (1175-1790) Liasse concernant Givaudin : acte portant sur le droit de cens dû au chapitre de Notre-Dame de Montermoyen par le curé.

● Série H : Clergé régulier

- 13 H 5 : (1689) Cartulaire de Saint-Satur.

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