Antoine Caron, Peintre Des Fêtes Et Des Massacres
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© Flammarion, Paris, 1986 SOMMAIRE HOMMAGE A GUSTAVE LEBEL 7 INTRODUCTION 9 CHRONOLOGIE 14 DE BEAUVAIS A PARIS 17 PREMIERES ŒUVRES. PRODUCTION RELIGIEUSE 17 UN ARTISTE DE COUR. ANTOINE CARON VERS 1560 .......... 19 MASSACRES 21 TABLEAUX ANONYMES 21 LE MASSACRE DES TRIUMVIRS 26 LES MASSACRES DU TRIUMVIRAT 28 L'HISTOIRE DE LA REINE ARTEMISE 53 SUJETS ET DESSINS DE L'HISTOIRE D'ARTEMISE 57 LA REMISE DU LIVRE ET DE L'EPEE 79 L'EQUITATION 81 L'HISTOIRE DES ROIS DE FRANCE 85 TRIOMPHES DES SAISONS 105 TRIOMPHE DE L'HIVER 105 TRIOMPHE DE L'ETE 108 TRIOMPHE DU PRINTEMPS 109 ASTRONOMES OBSERVANT UNE ECLIPSE 111 L'EMPEREUR AUGUSTE ET LA SIBYLLE DE TIBUR 129 L'APOTHEOSE DE SEMELE 135 ABRAHAM ET MELCHISEDECH 137 LE MARTYRE DE SIR THOMAS MORE 142 LE CARROUSEL A L'ELEPHANT 144 PORTRAITS 149 PORTRAITS D'ANTOINE CARON 151 ANTOINE CARON PORTRAITISTE 153 ANTOINE CARON ET SES GRAVEURS 177 LES IMAGES DE PHILOSTRATE 182 LES TAPISSERIES DES VALOIS 189 NOTES 201 CATALOGUE 207 DESSINS D'ANTOINE CARON 207 DESSINS FRAGMENTAIRES 214 DESSINS PERDUS 216 ADDENDUM AUX PEINTURES D'ANTOINE CARON ............ 217 APPENDICES 218 ATTRIBUTIONS ANCIENNES 218 MASSACRES DU TRIUMVIRAT, TABLEAUX ANONYMES ............. 221 BIBLIOGRAPHIE 223 EXPOSITIONS 226 INDEX 227 CREDITS PHOTOGRAPHIQUES : 231 HOMMAGE A GUSTAVE LEBEL La véritable découverte d'Antoine Caron remonte au 12 décembre 1936, jour où Gustave Lebel aperçut le tableau de L'Empereur Auguste et la Sibylle de Tibur dans une exposition-vente à l'Hôtel Drouot. Ce jour-là il déclara, en effet, à sa fille et à son gendre réunis à la maison : «Je suis le premier à avoir vu un tableau d'Antoine Caron. » Dès le lendemain, il alertait ses amis les conservateurs du musée du Louvre, qui devaient, à son avis, faire immédiatement l'acquisition de cette œuvre. « Vous êtes bien gentil, mon cher Lebel, lui répondit-on, mais il n'est pas question de déléguer quelqu'un de nos services pour assister à cette vente, nous recevons demain le président de la République ». Gustave Lebel, décidé à pousser les enchères, se présenta à l'Hôtel Drouot, assez ému car il était timide et surtout très anxieux de laisser échapper ce tableau, présenté dans un somptueux cadre Renaissance ; à sa grande surprise il devait emporter cette adjudication pour la somme de 2 000 francs. Le musée du Louvre reçut le tableau en donation de Gustave Lebel en 1938, après qu'il eut figuré en 1937 à l'exposition des Chefs-d'œuvre de l'art français (n° 36 du catalogue). Cette découverte n'était pas uniquement l'effet du hasard, car Gustave Lebel (1870-1945), doué d'une grande mémoire visuelle, s'était déjà signalé par de remarquables travaux d'érudition, épaulés par des disposi- tions pleines de sensibilité pour la peinture de paysage et pour le dessin. Il avait été, à l'Ecole des Chartes, l'élève assidu d'Anatole de Montaiglon qui lui avait commenté les beaux dessins de l'Histoire de la reine Artémise et avait lui-même publié, en 1850, une étude sur Antoine Caron. Après d'heureuses découvertes sur Jean Clouet, Paolo Farinati, Nicolas Poussin, Claude Gillot, Gabriel de Saint-Aubin, etc., Gustave Lebel travailla pendant dix ans, sur les conseils de J.-J. Marquet de Vasselot, à une Bibliographie des revues et périodiques d'art parus en France de 1746 à 1914 (publiée après sa mort dans la Gazette des Beaux-Arts de janvier/mars 1951). Cet ouvrage, dénommé désormais « le Lebel », est devenu indispensable aux chercheurs. La découverte d'Antoine Caron a donc récompensé la persévérance et le désintéressement d'un érudit plein de talents, dont nous avons largement exploité les archives personnelles. En hommage à cette contribution essentielle à la connaissance de l'art français, la bibliothèque du musée de la Renaissance au château d'Ecouen, où l'on trouvera une très riche documentation sur la période et notamment sur les portraits français des xve et xvie siècles, a été baptisée « salle Gustave Lebel ». 1. Portrait d'Antoine Caron (Autoportrait). 1592. Crayon, 35,3 X 24,9. Paris, Bibliothèque nationale, cabinet des estampes. INTRODUCTION Comme nous essayerons de le démontrer dans les pages qui suivent, une analyse attentive des œuvres d'Antoine Caron permet de se rendre compte d'une manière assez précise des conditions dans lesquelles s'est développé son art. L'artiste fait d'abord de larges emprunts aux Italiens de Fontainebleau (Rosso, Primatice, Nicolo dell'Abate), souscrivant par là à l'engouement général pour les formules maniéristes qu'il adapte cependant de façon originale ; plus tard il s'oriente vers un classicisme que l'on peut dire très français, et sa personnalité marque d'un sceau particulier la fin du xvie siècle. Sa date de naissance (1521) et celle de sa mort (1599) suffisent à démontrer que Caron se trouve à la charnière des deux Ecoles de Fontainebleau ; il est donc utile d'analyser son œuvre de façon détaillée, et plus intéressant encore pour l'histoire de l'art d'en faire la synthèse afin de comprendre comment s'articule cette évolution1. Sous quelles influences Caron a-t-il abordé le maniérisme, comment l'a-t-il subi et assimilé, à quelles dates a-t-il pris de nouvelles orientations, pourquoi a-t-il été dans l'obligation de faire certains choix? En prenant l'exemple précis d'un seul artiste, essayons d'imaginer comment le maniérisme lui- même est devenu pour nous une des dernières conquêtes de l'histoire de l'art, entre la Haute Renaissance et la période baroque. Le maniérisme est une révolution qui, à partir du second quart du xvie siècle, toucha toutes les disciplines artistiques, aussi bien l'architec- ture, la sculpture, la peinture et la gravure, que la poésie et la musique, etc. Il est au demeurant impossible d'admettre que le rythme de la civilisation brusquement « s'ébranle et se désagrège plus rapidement qu'au Moyen Age »2, sans qu'existent des causes fondamentales qui expliquent ce phénomène. Pour le comprendre, il faut d'abord se tourner vers l'Italie, où les signes avant-coureurs d'un art anticlassique se manifestent dès la fin du Quattrocento3. En 1494, Charles VIII investit la péninsule, prétendant reconquérir des droits héréditaires sur la Sicile. En concluant des alliances locales, il exacerbe du même coup les rivalités des républiques italiennes ; ce qui permet plus tard à Charles Quint de leur apporter son soutien, puis d'intervenir de façon éclatante en commettant « un sacrilège sans précédent »4 : le sac de Rome de 1527, la défaite et l'incarcération du pape ! Etant donné que la papauté pressurait la catholicité pour financer ses fastueuses entreprises architecturales, l'humiliation de 1527 vint mettre un terme à l'une des orientations majeures de la création et contribua à redistribuer les cartes du mécénat. La dislocation de la clientèle traditionnelle oblige les artistes à créer un nouveau style qui réponde à l'attention de nouveaux commanditaires3. Ceux qui demeurent fidèles au pape, tel Benvenuto Cellini (maître artificier pendant le siège du château Saint-Ange en 1527), évoluent peu, mais ceux de la partie adverse s'empressent d'innover et cela à tel point que l'année 1527 est admise comme la date de naissance du maniérisme ultramontain. Une telle évolution était prévisible depuis plusieurs années, en raison de la fragilité des frontières politiques de l'Europe, sans cesse en pleine contestation. Les succès de François 1er provoquent tant de jalousies que ses rivaux mettent secrètement au point le « grand plan », pour profiter par surprise des premières faiblesses de l'orgueilleux souverain. La défaite de Pavie en 1525 semble une occasion inespérée pour procéder au démembre- ment de la France, en lui enlevant plus de la moitié de son territoire ; mais un conflit surgit entre Henri VIII d'Angleterre et Charles Quint, qui fait échouer ce projet trop ambitieux. Le chauvinisme français interprète la bataille de Pavie comme un regrettable incident qui met en évidence la bravoure du roi François protégeant ses chevaliers au péril de sa vie, puis supportant bravement sa captivité en Espagne6. Malheureusement les State papers, c'est-à-dire les archives diplomatiques anglaises, et les nombreux rapports des ambassadeurs vénitiens montrent bien que Pavie a été l'une des plus grandes défaites de la France, précédant de peu le sac de Rome. Le monde est ébranlé par ces événements et leurs répercussions sociales ; le mécénat se transforme en partie, entraînant la révolution maniériste. Ce processus irréversible montre bien que tout changement important sur le plan politique, social ou religieux, se répercute dans le monde des formes, loi qui se vérifie dès 1530 à Florence, où la fin de la dernière République entraîne une évolution immédiate des arts. Le maniérisme de la seconde Ecole de Fontainebleau résulte en France de causes analogues et on lui connaît des équivalents dans toute l'Europe. Aux Pays-Bas apparaît, en 1572, un nouveau maniérisme flamand, après la révolte contre Philippe II. En Russie, Ivan le Terrible parvient difficile- ment à dominer les peuplades tartares en 1571 et en profite pour affirmer son autorité par une réorganisation un peu brutale7. Tout cela a une incidence certaine sur la Pologne qui se prépare à accueillir comme roi notre futur Henri III, en 1573. Aux circonstances politiques et aux troubles sociaux s'ajoutent les événements de la Réforme : rappelons que Luther affiche ses Propositions à Wittemberg en 1517 et que Calvin publie l'Institution chrétienne en 1536. Comme l'écrit R. Huyghe, « le rêve unitaire de la Renaissance s'écroule avant l'achèvement du premier tiers du xvie siècle »8. En France, de violents affrontements politiques et religieux aboutissent, en août 1572, à la Saint-Barthélemy, date de naissance d'un nouveau maniérisme français, celui de la seconde Ecole de Fontainebleau.