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le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie-Bruxelles n° 14 - septembre / octobre 2015

Patrick Leterme & Okilélé C laude ponti, des enfants, un opéra !

goNzo | the names | Le collectif du lion michel winter | le reflektor | kris dane Concerts Blondin & Dj Eskondo Exodarap / Blondy Brownie / C.A.R. / Castus / Elle & Samuel / elsie dx / Erwan#Erwan / Jack le Coiffeur / L’Hexaler / La Liesse feat. La Détente Générale, Crash & Freezy / La Mverte / Lia / Marc Melià / Mountain Bike / Nowadays Party feat. La Fine Equipe dj set, Douchka, Food for ya Soul, Yann Kesz / One Man Party / PELICAN / Petal live / Romain Cupper / Romare live / Ropoporose / Shiko Shiko / Solids / Sônge / Théo Hakola / Useless Eaters / Wuman / Wyatt.E / YellowStraps Concerts Sauvages Cobra / It It Anita / Douchka avec la section Synchro du Liège Mosan à la piscine Et aussi de nombreuses activités Picnic urbain au Théâtre de Liège / Liège’s Marché Vintage / DJ Sonar présente La Barbe Mobile / Fresque monumentale par Hell’o Monsters en partenariat avec “l’Open Street Festival” / Sunday Rootsday / Jeudredi CU Juke-box Party / Ça Balance électro présente BPM_intro : rencontres électroniques avec Herrmutt Lobby présente “Playground”, Dan Lacksman Telex, Ssaliva … / Accès aux expositions Wild open SPACE, Jeux de miroir / Lecture en partenariat avec “Les Parlantes” / Installation par “Visuel Hors Service” / Projection du film “We are a one-man band” / Exposition photo / Bons plans bouffe / ...

Bracelet pour le festival : 15 € en prévente Programme complet : www.cufestival.be Parcours créatif au coeur de Liège illustration : hell’o monsters 10 - 13 septembre 2015

Musiscope est un service du Conseil de la Musique dont les missions sont de conseiller et apporter de l’information aux acteurs du secteur des musiques en Fédération Wallonie-Bruxelles. Musiscope propose des formations axées sur la pratique et les enjeux des métiers de la musique, qui s’adressent à toute personne exerçant ou ayant l’intention d’exercer une activité professionnelle liée au domaine musical. Maison des Musiques 39 rue Lebeau - B-1000 Bruxelles PLUS D’INFOS À VENIR SUR +32 (0)2 550 13 20 [email protected] www.conseildelamusique.be 3 Concerts Blondin & Dj Eskondo Exodarap / Blondy Brownie / C.A.R. / Castus / Elle & Samuel / elsie dx / Erwan#Erwan / Jack le Coiffeur / L’Hexaler / La Liesse feat. La Détente Générale, Crash & Freezy / La Mverte / Lia / Marc Melià / Mountain Bike / CONSEIL Nowadays Party feat. La Fine Equipe dj set, Douchka, DE LA MUSIQUE Quai au Bois de Construc- Édito Food for ya Soul, Yann Kesz / One Man Party / PELICAN / Petal live / tion, 10 - 1000 Bruxelles www.conseildelamusique.be Il y a un an, Pascal Nègre déclarait à la presse Romain Cupper / Romare live / Ropoporose / Shiko Shiko / Solids / Contact par mail : [email protected] que, selon lui, le symbole de l’artiste engagé Sônge / Théo Hakola / Useless Eaters / Wuman / Wyatt.E / YellowStraps Contactez la rédaction : aujourd’hui c’est . Sur des mélodies première lettre du envoûtantes, si l’artiste ne dénonce rien poli- Concerts Sauvages Cobra / It It Anita / prénom.nom@conseil- delamusique.be tiquement, il ne manque cependant pas de avec la section Synchro du Liège Mosan à la piscine Douchka dépeindre notre société de façon assez sombre. Et aussi de nombreuses activités RÉDACTION Directrice de la rédaction Il y a une vingtaine d’années, le terme « artiste Picnic urbain au Théâtre de Liège / Liège’s Marché Vintage / DJ Sonar présente La Barbe Mobile / Claire Monville engagé » était encore synonyme d’opinion, de Fresque monumentale par Hell’o Monsters en partenariat avec “l’Open Street Festival” / Comité de rédaction Nicolas Alsteen 15 08 politique, de contre-pouvoir. Aujourd’hui, cela Sunday Rootsday / Jeudredi CU Juke-box Party / Ça Balance électro présente BPM_intro : Julien Chanet ne semble plus être le cas. Sans doute est-ce François-Xavier Descamps rencontres électroniques avec Herrmutt Lobby présente “Playground”, Dan Lacksman Telex, Christophe Hars une question d’époque. Quel artiste a encore Ssaliva … / Accès aux expositions Wild open SPACE, Jeux de miroir / Claire Monville 11 la capacité ou l’envie de revendiquer ou de Lecture en partenariat avec “Les Parlantes” / Installation par “Visuel Hors Service” / Coordinateur prendre position ? Peu car actuellement, on de la rédaction Projection du film “We are a one-man band” / Exposition photo / Bons plans bouffe / ... François-Xavier Descamps cherche avant tout à faire du buzz avant de Rédacteur faire passer un message. Le public et les médias Bracelet pour le festival : 15 € en prévente Nicolas Alsteen ont leur rôle à jouer dans ce•e évolution. Ne Collaborateurs pas trop insister sur ce qui dérange car ce n’est Programme complet : www.cufestival.be Nicolas Derny Ayrton Desimpelaere pas ce que le premier a toujours envie d’en- Parcours créatif au coeur de Liège illustration : hell’o monsters Véronique Laurent tendre, tandis que le second doit faire du chiffre. Jacques Prouvost 10 - 13 septembre 2015 David Salomonowicz Dominique Simonet 36 Malgré tout, la musique reste aujourd’hui un Didier Stiers Benjamin Tollet moyen privilégié pour exprimer des idées. Et Correcteurs l’on voit que l’engagement a pris d’autres Christine Lafontaine 32 formes : il semble avoir qui•é la sphère politique Nicolas Lommers pour se déplacer vers la lu•e pour un autre Photographe Cover © André Micha monde, plus juste et plus citoyen. Il se trouve- rait donc moins dans les textes et la musique PROMOTION que dans l’a•itude de certains artistes. & DIFFUSION François-Xavier Descamps Finalement, le célèbre PDG d’Universal a assez bien résumé ce qu’était un artiste engagé ABONNEMENT aujourd’hui : Il ne l’est pas, tout en l’étant. Vous pouvez vous abonner gratuitement à Larsen. [email protected] Bonne lecture Tél. : 02 550 13 20 Claire Monville CONCEPTION GRAPHIQUE supersimple.be Impression Newgoff Prochain numéro ARTICLES Novembre 2015 Sommaire APERÇUS Philippe Carly - L’Espace du Son P.25 OUVERTURE LE.COM Dis-moi comment tu t’habilles, Musiscope est un service du Conseil de 18 4X4 Fabrice Murgia P.4 je te dirai ce que tu chantes P.26 EN VRAC P.5 DÉCRYPTAGE Le hip hop, une culture infl uente? P.28 la Musique dont les missions sont de conseiller IN SITU Le Refl ektor P.30 et apporter de l’information aux acteurs RENCONTRES LES SORTIES du secteur des musiques en Fédération ENTRETIEN Patrick Leterme P.8 RENCONTRE The Black Tartan Clan P.11 EN FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES P.32 Wallonie-Bruxelles. Musiscope propose des RENCONTRE The Names P.12 LISTING DES SORTIES P.34 formations axées sur la pratique et les enjeux RENCONTRE It It Anita P.13 RENCONTRE Gonzo P.14 VUES D’AILLEURS des métiers de la musique, qui s’adressent RENCONTRE Garreˆ List P.15 ÉCHOS D’AILLEURS P.34 à toute personne exerçant ou ayant l’intention RENCONTRE Le Collectif du Lion P.16 VUE DE FLANDRE Wim Mertens P.35 RENCONTRE Eve Beuvens P.17 VUE DE FRANCE Jean Rondeau P.36 d’exercer une activité professionnelle liée TRAJECTOIRE Michel Winter P.18 au domaine musical. BONUS ZOOM Maison des Musiques L’INTERVIEW INDISCRÈTE Kris Dane P.38 38 VOYAGES D’AFFAIRES 39 rue Lebeau - B-1000 Bruxelles P.20 C’ÉTAIT EN … Janvier 1980 P.39 PLUS D’INFOS À VENIR SUR UN NOUVEAU SOUFFLE D'INSOUMISSION P.22 +32 (0)2 550 13 20 LARSEN • SEPTEMBRE, OCTOBRE - 2015 [email protected] www.conseildelamusique.be 4

4 X 4 4X4 Fabrice

DR Murgia J’ai toujours écouté énormément de musique, mais j’ai décidé de choisir Acteur, me•eur en scène et figure 4 qui ont surtout jalonné ma vie et mon travail de création ces centrale du théâtre en Belgique, dernières années. À commencer par celui de Victor Jara, ce chanteur chilien opposant au régime d’Augusto Pinochet qui fut arrêté par les autorités, torturé Fabrice Murgia présentera le 19 puis nalement assassiné dans le stade qui porte désormais son nom. C’est un chanteur très engagé, impliqué dans la réalité sociale de son époque, septembre, l’opéra urbain Karbon proche du peuple et qui a écrit quantité de poèmes et chansons pour dénoncer Kabaret, sur la Place Saint- la dictature et le fascisme, comme par exemple cet Deja la vida volar. J’ai moi-même écrit un spectacle qui parle de ce­e répression au chili Lambert à Liège. Commandé par Victor Jara (Children of Nowhere) et même si je n’ai pas utilisé les titres de cet opus la Province, ce spectacle réunira Deja la vida volar dans la pièce, c’est une musique très intense qui m’a li­éralement traversé. Disco Fisico quelques 150 artistes de tous les

horizons artistiques confondus Fruit de la rencontre entre le maître incontesté de la musique indienne et tentera de retranscrire Ravi Shankar et du compositeur américain de musique contemporaine Philip Glass, Passages est vraiment l’album que j’écoute en travaillant, quand l’identité liégeoise, l’esprit de je dois me concentrer. C’est une musique lancinante, à la fois répétitive et minimaliste, et qui me met dans un certain état qui me permet d’écrire avec la Cité ardente. Un esprit de fête sérénité. J’aime la rencontre entre ces deux univers, le contraste. Un peu et d’ouverture à l’autre, mais comme celui que je veux instaurer dans Karbon Kabaret, dans l’esprit global du projet, mais également dans la forme. Ce sera très festif, avec une fanfare, également, en contraste, une les majore­es de Sclessin, des Dj’s, mais il y aura aussi des passages plus réalité sociale sensible faite de Ravi Shankar & sensibles pour aborder toutes les thématiques et dresser un état des lieux Philip Glass de la sensibilité liégeoise en 2015 sous toutes ses face­es. J’aime ce rôle de désindustrialisation. Il mènera Passages chef d’orchestre que l’on m’a coné pour me­re en parallèle tous les talents donc à la bague•e un ensemble Private Music dont regorge la Province de Liège.

composé de membres de Roscoe, L’Unplugged d’Eric Clapton, c’est un album qui, comme pour beaucoup Starflam, MLCD, Steve et Greg de gens probablement, a vraiment marqué ma jeunesse. Grâce à lui, j’ai eu un premier contact, une première relation avec un instrument de musique : Houben ou encore l’orchestre la guitare. Ça m’a vraiment ouvert les yeux et les oreilles, et c’est aussi par du Conservatoire. L’occasion ce biais de la musique que j’ai commencé à venir au théâtre. J’aime mélanger les disciplines dans mes spectacles et la musique est comme un personnage pour Larsen de lui demander à part entière, une gure centrale dans mon écriture. C’est aussi un album de parler des 4 disques qui ont assez triste, mélancolique et je remarque que j’écris souvent des choses qui sont de l’ordre du faux souvenir. Pas vraiment de la tristesse, mais plus marqué son parcours artistique. Eric Clapton de l’ordre de la nostalgie. Presque la nostalgie d’un monde et les morceaux Unplugged de Clapton perme­ent de se me­re dans cet état. DAVID SALOMONOWICZ Reprise Records

Il n’est donc pas étonnant que je choisisse la compilation Nostalgia qu’a réalisée la géniale Annie Lennox. Il s’agit d’un album qui regroupe des chansons américaines des années 30 et 40 choisies par l’artiste dans le Great American Songbook, en gros toute la musique populaire américaine précédant l’arrivée du rock n’ roll. C’est un album très généreux qui illustre à merveille toutes les face­es et le personnage de l’ex-chanteuse de Eurythmics. Douze pistes à la fois smooth et jazzy avec des standards comme Georgia, I Put a Spell on You, Memphis in June ou September in the Rain.

Annie Lennox Nostalgia Island Records

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EN VRAC…

GOOGLE GOES CLASSIC Google s’est associé à cinq orchestres clas- siques, dont notam- ment le New York Phil- harmonic et le London Symphony Orchestra, afi n d’élargir son off re de musique en ligne. TRENTE-SEPT Classical Live, c’est son nom, proposera MILLIONS DE sur Google Play, et à la vente uniquement, CHORISTES EN des enregistrements exclusifs de presti- EUROPE gieux orchestres… C’est le chiffre avancé par le rapport « Sin- pour la « modique » ging Europe » initié par « VOICE », un projet eu- somme de 4,99$. ropéen visant à promouvoir le développement durable du chant choral. D’après les chiff res L’IMEP ACCUEILLE L’ONB @ communiqués, ce ne serait pas moins de 4,5% L’ACCORDÉON CHANSONS EN TOMMOR- de la population active européenne qui parti- DIATONIQUE ciperait activement à des activités chantées, L’instrument fait son EFRANCE ondrement de l’o re ROWLAND soit 37 millions de choristes sur l’intégralité entrée à l’IMEP où C’est du continent européen (Russie incluse). Es- il sera enseigné dès Plusieurs radios privées, dont NRJ ou Fun Ra- extraordinaire ! timé auparavant à 20 millions, le nombre de la rentrée de sep- dio, ont appelé à réduire les quotas de diff u- choristes est en très forte augmentation : une tembre 2015. C’est sion de chansons francophones qui leur sont Quelle surprise de re- nouvelle perspective sur l’importance du chant le bien connu Didier imposés. Des quotas qu’elles qualifient d’ trouver l’Orchestre en Europe ! Selon la région, le pourcentage de Laloy qui l’enseigne- « intenables » face à une production qui au- National de Belgique à choristes varie toutefois de 2,3 à 11%. Si en Au- ra. L’instrument y cô- rait été divisée par trois en 10 ans. Le CSA l’affi che du festival de triche, on compte 11% de choristes, ce• e part toiera dans les salles leur impose en eff et depuis la loi Toubon de musique techno To- ne s’élève qu’à 4% en France, et à seulement de cours son cousin, 1994 de diffuser « aux heures d’écoute si- morrowland en juillet 2,3% en Pologne. l’accordéon chroma- gnifi catives, 40% de chansons d’expression dernier. Une surprise tique, déjà présent française, dont la moitié au moins prove- générale qui s’est tra- dans l’enseignement nant de nouveaux talents ou de nouvelles duite sur scène égale- de l’Institut supérieur productions ». Selon le dernier rapport an- ment, où l’orchestre DIVERSITÉ TOUTE de Musique et de Pé- nuel de l’Observatoire de la musique, la pro- a réellement pris son RELATIVE dagogie namurois. pied, si l’on en croit les duction de chansons francophones a chuté En analysant les programmations des divers commentaires des di- de 51,4% en 2014 et seulement 242 albums festivals de l’été, on peut remarquer que 110 verses composantes francophones auraient été commercialisés des artistes et têtes d’affi che présents… se- de l’ONB glanés ici LU... en 2014, contre 718 en 2003. ront les mêmes d’un événement à l’autre. et là dans la presse. Comment de nou- Ce sont par ailleurs des artistes locaux qui Dans un registre dif- veaux groupes vont- trustent les premières places de ce classe- férent, nous vous invi- ils apparaître s’ils ne ment, à savoir Alice on the roof, Alaska Gold tons également à dé- sont pas payés ? Il y O TEMPORA,O MORES Rush et Fugu Mango (ils jouent 7 fois) suivis par [PIAS] avale Harmonia Mundi couvrir les reprises des a un nouveau Elvis ou Great Mountain Fire et Tom Barman (6 fois). « classiques » du hip de nouveaux Beatles Dans les prochaines semaines, le label belge La Smala, Nicola Testa et Gonzo se défendent hop réalisées par l’or- quelque part. Mais ils [PIAS] devrait fusionner avec Harmonia Mun- pas mal également. Une bonne affaire pour chestre symphonique ne peuvent pas déve- di, entrant en tant qu’actionnaire important l’économie musicale bruxello-wallonne donc, de la Radio Nationale lopper leur art parce dans son capital. Cet accord prévoit la re- voilà qui permet à nos artistes de subsister. Polonaise (d’Eminem que, leur musique prise en octobre des activités musicales du Côté international, vous aurez eu l’opportu- à Kendrick Lamar en étant gratuite sur inter- label français (présent également dans l’édi- nité d’applaudir cinq fois Bigfl o et Oli ou en- passant par les Beas- net, ils doivent travail- tion du livre), du personnel et des diff érentes core Charlie Winston et quatre fois Cali. Les tie Boys ou le Wu- ler ailleurs pour vivre. marques (Le Chant du Monde, Discograph, Francos et Ronquières proposant par ailleurs Tang), sur www.konbi- Lu sur www.telerama. Jazz Village, World Village et Li• le Village). 9 noms en commun sur leurs affi ches respec- fr, Gene Simmons du ni.com. Créée en 1958, Harmonia Mundi était en dif- tives ! Trop de festivals ? Pas assez d’artistes groupe Kiss fi culté fi nancière depuis quelques temps. en tournée ? Interpellant.

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ment en version di- VIDEO gitale). Le groupe LES OCTAVES avait été quelques KILL THE semaines plus tôt victime d’un cam- DE LA MUSIQUE RADIO briolage où la quasi- STARS totalité de son ma- PRENNENT tériel avait disparu. La Sabam conteste Manuel Roland, du UN COUP DE la gratuité de l’uti- même feu-Applause, lisation faite des a quant à lui réali- D6BELS MUSIC œuvres de son réper- sé la bande-origi- JEUNE toire qui sont dispo- Les Octaves de la Musique de la Fédéra- nale du film de la UnAWARDS événement de prestige pour les nibles sur YouTube. namuroise Vania Le- tion Wallonie-Bruxelles annonce l’arrivée au artistes de la Fédération Wallonie- sein de l’association et de son conseil d’ad- Une utilisation est turcq , L’année pro- ministration de la Fédération des Jeunesses pourtant tout à fait chaine, sorti lui aus- Bruxelles Musicales Wallonie-Bruxelles. Depuis onze légale car les liens si en avril. Bonne Un événement qui a pour vocation de célé- ans, les Octaves de la Musique couronnent hypertextes ne sont route aux membres brer le talent musical des artistes de notre chaque année, au début du printemps, les en effet pas sou- du groupe. Communauté, à l’instar des Victoires de la talents musicaux de Bruxelles et de Wallo- mis aux droits d’au- Musique (France) ou des MIA’s (Flandre) et nie. L’arrivée des Jeunesses Musicales, qui teur. La Sabam es- ce, au cours d’une cérémonie de remise des fêtent leurs 75 ans, au sein des Octaves coïn- time quant à elle 52 MIL- prix diff usée en direct sur La Deux (le 22 jan- cide avec la volonté de l’association de don- que les vidéos ne vier 2016). Une visibilité télé qui fait cruelle- ner encore plus d’ampleur à l’événement et peuvent uniquement LIONS DE ment défaut aux Octaves de la Musique… Se de jeter de nouveaux ponts entre les artistes faire l’objet que sont associés pour l’occasion : la RTBF, la Sa- et le public jeune. d’une « utilisation DOLLARS personnelle », être bam, BEA Music avec le soutien de la Fédéra- seulement « consul- POUR LE tion Wallonie-Bruxelles. Quelles seront les ca- tables ». Elles ne de- RENOU- tégories représentées ? On retrouvera : album vraient donc pas de l’année, artiste solo de l’année, groupe TROIS pouvoir être inté- VELLE- de l’année, révélation de l’année, concert de grées sur d’autres MENT DES l’année, hit de l’année, artiste / groupe La PREMIÈRES, sites. YouTube réa- Première de l’année, artiste / groupe VivaCi- git en assurant que PUBLICS té de l’année, artiste / groupe Classic 21 de le partage des vi- l’année, artiste / groupe Pure de l’année, vi- EtSANS la même photo...partout ! FLASH ! déos fait partie in- La Fondation améri- suel de l’année, musicien de l’année, clip vi- tégrante de cette caine Wallace a dé- déo de l’année, auteur / compositeur de l’an- Plusieurs articles cet été (La Tribune de « utilisation per- bloqué 52 millions née (prix Sabam), prix d’honneur de l’année Genève, La Libre Belgique, Télérama) ont sonnelle » : l’œuvre de dollars afi n d’en- (voté selon le choix du comité du jury). fait état du « blues » des photographes de n’étant pas copiée courager les initia- concert. En cause, ce qui a été appelé le « cli- Plus d’infos : www.rtbf.be/d6belsawards mais seulement ré- tives originales vi- ché unique », celui approuvé par l’artiste ou férencée. Une af- sant à renouveler le son manager, totalement neutre et asepti- faire que la Sabam public des arts vi- sé et vu partout, au détriment des images continuera à suivre vants et notam- prises sur le vif, spontanées. D’où cette de près… ment celui du clas- question : à l’heure où tout est pris en photo, sique qui n’échappe sans contrôle et par tout le monde (avec les pas au phénomène smartphones durant les concerts), pourquoi du vieillissement une telle volonté de contrôle sur les images UNE de l’audience. Épin- prises par les professionnels ? La profession ACTUALITÉ glons l’organisation est en voie de disparition dans le milieu mu- de concerts dans sical, là où des dizaines d’amateurs éclairés CHAHUTÉE des lieux de cultes, sont prêts à remplacer au pied levé le pro- d’ateliers avec des fessionnel de l’image, rémunéré. « La mu- POUR chœurs, de séries ViveLE DNAle Soul InnN’EST PLUS sique est devenue gratuite, l’image aussi » a- APPLAUSE de concerts mariant t-on pu lire… musique contempo- Le légendaire bar rock DNA a fermé ses portes À lire également le communiqué de la fédération En avril, nous ap- raine et rock indé- il y a quelques semaines déjà mais le lieu n’a des journalistes suisses sur www.impresssum.ch prenions simultané- pendant. pas disparu pour autant. Rebaptisé Soul Inn, le ment, et la sépara- son y sera plus « black music » que « black me- tion du groupe, et tal ». Repris par deux DJ’s bien connus des nuits la sortie de Acids, le bruxelloises, Funky Bompa et DJ Reedoo, l’axe nouvel et dernier al- sera plutôt disco, funk, hip hop et délaissera les bum de Applause lourds décibels autrefois appréciés par le public (disponible unique- du DNA. Une nouvelle histoire qui commence !

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QUAND LA FNAC CLASSIC ACADEMY, SE MET AU DÉPÔT REAL BOOK DIS-MOI DEUXIÈME! Nouveauté ? Pas vrai- BELGIUM COMMENT Pour sa deuxième édi- ment. La Fnac travail- tion, la Classic Acade- lait déjà en direct sur À l’instar des Real TU my de l’Orchestre Phil- ce mode-là avec les Books américains ori- harmonique Royal de petits labels indépen- ginaux, véritables RÉFLÉCHIS, Liège a récompensé le dants. Mais ici, il s’agit bibles des jazzmen du JE TE DIRAI percussionniste de 23 d’un véritable mode monde entier, le Real ans, Maxime Charue. opératoire qui sera mis Book Belgium est un CE QUE TU Ce concours est ou- en place pour la vente recueil de partitions, à ÉCOUTES vert aux étudiants des d’une grande partie diff usion nationale et FOCUS CULTURE 2014 Écoles supérieures des des catalogues pro- internationale, met- C’est l’objet Le rapport de la Fédération Arts de la Fédération posés. Le dépôt, c’est tant en valeur le patri- d’une étude Wallonie-Bruxelles Wallonie-Bruxelles. quoi ? Le magasin moine musical belge, Les fi nalistes ont l’oc- "scientiˆ que" Quatrième édition du Focus Culture, le rap- n’achète pas le stock francophone et néer- casion de se produire menée par port de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui et ne rétribue le distri- landophone. Le Real avec l’Orchestre Phil- l’Université informe public et professionnels des élé- buteur qu’une fois la Book Belgium com- harmonique Royal de ments qui ont marqué l’année 2014 en ma- marchandise vendue. prend une centaine de Cambridge Liège. Et ce sont les tière de politiques culturelles. Un rapport Ce qui normalement de compositions de et parue dans la musiciens et le pu- qui se veut didactique, informatif et trans- permet de mieux gé- formes musicales ou- revue scientiˆ que blic qui sont appelés parent pour donner les éléments clés à l’en- rer les fl ux fi nanciers… vertes, sur le mo- à voter. Quatre can- Plus One le 22 semble des acteurs et des usagers de la et de proposer une dèle des standards didats étaient sur juillet. Culture. Deux parties s’y côtoient : la pre- off re plus large car les de jazz, tout comme scène : le percussion- mière, intitulée « Faits » consiste en l’analyse risques sont moins im- le fameux Real Book 4.000 personnes son- niste Maxime Charue des dépenses réalisées par la Fédération 2 portants. On verra. original. Les composi- dées ont noté de 1 à (Arts de Mons), le té- Wallonie-Bruxelles en matière de culture. La tions proviennent de 10, cinquante mor- nor Pierre Derhet (IMEP seconde partie, « Tendances », donne ce• e compositeurs belges ceaux correspondant Namur), la trombo- année un coup de projecteur sur certaines de jazz, mais aus- à 26 styles de musique niste Charlotte van RPI & DÉ- thématiques telles que le théâtre, le décret si de compositeurs différents. Résultat : Passen (Conservatoire relatif aux centres d’expression et de créa- CLARATION de musiques contem- on pourrait distinguer royal de Liège) et la tivité, la création numérique, etc. L’année poraines, plusieurs deux groupes de per- saxophoniste Nozomi 2014 a également été marquée par la mise FISCALE d’entre eux étant ou- sonnes. Les « empa- Sakai (Conservatoire en place d’un nouvel exécutif avec de nou- L’administration a ap- verts aux deux uni- thiques », centrés sur royal de Bruxelles). velles équipes et de nouvelles dynamiques. porté quelques mo- vers. Le Real Book les émotions et réac- Maxime Charue rem- « Bougez les lignes » des politiques culturelles difications au mode Belgium s’adresse tifs à autrui, préfèrent porte le Prix des Musi- et construisez la nouvelle off re culturelle du d’emploi qui accom- principalement aux la pop, le soÆ rock, la ciens et le Prix du Pu- XXIe siècle. Le rapport est disponible sur le pagne la déclaration élèves des acadé- folk ou encore le r’n’b. blic. Il sera invité à se site www.culture.be. fiscale où il est à pré- mies de musique, des Les « systemizers », produire, avec l’Or- sent fait mention du conservatoires, mais qui se caractérisent chestre, lors de la Fête RPI, une nouveauté aussi aux musiciens par un esprit plus lo- de la Musique 2016. 2015. Cela n’a toute- autodidactes, qu’ils gique, seraient plutôt TROIS NOUVELLES Le ténor Pierre Derhet fois engendré aucun soient amateurs ou friands de punk, me- s’est classé second. changement, à sa- professionnels, tant tal ou jazz d’avant- CHAÎNES voir que vous ne de- sur le territoire belge garde. Des travaux qui LES CHIFFRES ! vrez déclarer vos RPI qu’à l’étranger. pourraient être à long THÉMATIQUES POUR qu’en cas de dépas- Plus d’infos sur www. terme utiles dans l’ac- LA RTBF VivaCité et Bel RTL sement de plafonds jeunessesmusicales.be au coude à coude. compagnement des Dans une interview donnée à la Libre le 28 autorisés (vous devrez La RTBF (toutes personnes autistes ou juin dernier, Francis Goffin, patron des ra- alors déclarer le mon- chaînes confondues) être appliquées aux dios de la RTBF, évoquait la possible créa- tant total perçu qui est leader pour les thérapies musicales. tion de trois nouvelles chaînes à destination sera requalifié en re- radios. Et bien sûr, les cher- des publics délaissés par les programma- venu et taxé comme cheurs soulignent… 1. Vivacité 15 % tions actuelles, ce qu’il appelle notamment 2. Bel RTL 14.1 % tel). Rappelons que si l’intérêt commercial. les publics issus de la diversité. Il faut ad- vous êtes au chômage 3. Radio Contact 12.9 % En cernant la person- mettre que l’on fait de la radio pour les 4. Nostalgie 11.9 % et que vous travaillez nalité d’un utilisateur, « pure white », y disait-il. Il y a aussi le fait 5. Classic 21 9.4 % avec les RPI, vous de- des applications mu- que la radio lu• e contre le vieillissement du 6. La Première 6.7 % vez toujours noircir la sicales pourront lui re- média en engageant toujours des jeunes. Du 7. NRJ 6.4 % case correspondant à commander des chan- coup, on délaisse un peu les seniors. Et puis 8. Fun Radio 3.8 % votre jour de travail sur sons « à son goût ». il y a des thématiques musicales qu’on doit 9. Pure FM 3.7 % 10. Musiq’3 2.3 % la carte de pointage. À lire sur lesinrocks.com encore identifi er. Plus de place pour la mu- et metronews.fr sique « belge » et, disons, alternative ? Af- faire à suivre !

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ENTRETIEN Claire Ringlet ©

Patrick Leterme OKILÉLÉ, UN OPÉRA POUR ET PAR DES ENFANTS Fort de son succès avec Brundibár en 2014, le Festival de Wallonie signe en 2015 une adaptation du livre de Claude Ponti, Okilélé. Un opéra pour et joué par les enfants, piloté par Patrick Leterme et Vincent Goffin. Un projet ambitieux, adapté à tous les publics et qui ravive nos souvenirs d’enfants.

AYRTON DESIMPELAERE

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ENTRETIEN

éritable homme orchestre, Patrick Leterme conjugue à la fois le métier de musi- cien par le biais de sa passion pour l’accompagnement du chant et celui de producteur et animateur de radio. Après une année riche en projets, le pianiste belge revient Vsur scène pour présenter un univers qui le passionne : le travail musical avec des enfants. Okilélé véhicule des messages piano qui puisse servir de méthode d’ap- Quel était le profil recherché pour ceˆe pro- clairs et simples : respect, bienveillance, prentissage pour la formation musicale. duction ? amour… Retour sur un parcours passion- Mais le plus important à mes yeux, c’est Il n’y avait pas de critères de lecture, je nant avec Patrick Leterme. que le projet dans son état actuel ne voulais que ce soit le plus ouvert possible. soit pas un projet pédagogique mis sur Nous visions davantage une conscience Quelle est la genèse du projet Okilélé ? scène mais davantage un spectacle que musicale ainsi qu’une présence et une Patrick Leterme : L’origine du projet l’on peut regarder sans se douter un ins- liberté dans le corps puisque la danse date des années où j’enseignais la for- tant que telle pièce était conçue pour les figure aussi dans le spectacle. Les par- mation musicale en académie. C’est doubles croches. titions et le matériel étaient toujours en- une matière que j’aimais bien enseigner voyés avant les répétitions. La musique puisqu’il s’agit d’enfants qui chantent et Qu’est-ce qu’un opéra pour enfants ? est bien trop complexe pour que les en- qu’on est là au début de tout ce qu’il se Il existe deux types d’opéras pour en- fants sachent la lire. C’est une musique passe en musique. Avec la classe de pre- fants : des opéras imaginés et chantés qui est composée volontairement pour mière année, je voulais une histoire que par des adultes et destinés aux enfants, qu’ils sachent s’y retrouver dans leurs l’on puisse raconter en accompagnant comme le Petit ramoneur de Britten, et entrées, le but étant de ne pas être limité le programme pour en faire ensuite un des opéras pour enfants chantés par les à un langage basique pour autant. spectacle. Je suis alors tombé sur Oki- enfants eux-mêmes. J’aime beaucoup lélé de Claude Ponti, auteur magnifique cette appellation car c’est l’idée que le Comment avez-vous conçu la musique ? et créatif dont l’univers n’est pas du tout terme « opéra », qui s’adresse tradition- Au delà de l’aspect pédagogique, le pro- infantilisant. Okilélé contient suffisam- nellement aux adultes, existe aussi pour jet était aussi un projet au niveau du goût. ment d’images de personnages diver- les enfants et à leur niveau. Que ces en- J’ai le sentiment que parfois dans l’ensei- sifiés pour suggérer des tableaux très fants aient eu contact avec le mot « opé- gnement, plutôt qu’ouvrir le goût des en- différents. C’était alors un projet péda- ra » sans que ça ne leur fasse peur, fait fants, on le referme car c’est diŸcile et que gogique de plus petite ambition, d’une que le mot a existé dans leur parcours pour la musique, c’est assez long à me¡re vingtaine de minutes, contre 50 mainte- de vie, et ce n’est pas un détail. Toute- en place. Au piano, on commence par des nant. De fil en aiguille, j’ai arrêté d’en- fois, dans Okilélé, on n’est pas dans une choses sur les touches blanches unique- seigner en académie mais le souhait de définition stricte de l’opéra puisqu’il y a ment et toute chose en dehors de ça est travailler avec les enfants était toujours du texte parlé entre les morceaux et le une faute. L’enfant s’habitue à évoluer là. Après Brundibár, c’était vraiment chant n’est pas lyrique. En revanche, le dans un univers très limité. Alors oui, il intéressant d’avoir une création. Une moteur, c’est la musique et c’est en cela ne sait pas encore tout faire, mais tout ce création, c’est exister aujourd’hui, avoir que ce n’est pas pour moi du théâtre mu- qu’il ne sait pas faire, c’est exclu de sa pra- notre produit propre, quelque chose qui sical. Les textes sont relativement courts tique et c’est donc exclu de ses oreilles aus- n’a pas été fait ailleurs. C’est beaucoup et la musique n’agit pas comme paren- si. Mon obsession, c’était de se dire que ce de travail, mais ça reste quelque chose thèses musicales. serait bizarroïde car l’histoire le demande, de beau et excitant. mais en terme de musique, je n’ai pas du Okilélé s’adresse t-il aussi aux adultes ? tout fait un manifeste de composition en Que reste t-il de la première version ? Ce n’est pas un spectacle infantilisant mon nom. J’ai écrit une musique qui cor- Il reste peut-être 15% en commun avec où les adultes se disent après trois mi- respond à l’histoire. Ce qui est frappant, la première version. À l’origine, c’était nutes : c’est bon, on a compris. Mon ob- c’est que pour les enfants, ce¡e musique des petites chansons à une voix très session est qu’il ne faut pas prendre les n’est pas bizarre, c’est la musique d’Oki- courtes. Ici, le projet avait une autre am - enfants pour des gosses. Comme dans lélé. Là où ce n’est pas un manifeste, c’est bition : tournée, orchestre de douze mu- beaucoup d’histoires pour enfants, le ni- que par exemple l’univers de Ponti, on ne siciens, captation radiophonique et té- veau le plus important de narration est peut pas le quali£er de « vieillot » mais il lévisée… C’était évident pour moi que celui relayé par des images, des créa- est un tout petit peu désuet. Quand Okilé- j’allais revoir entièrement la partition. tures et des situations qui parlent d’émo- lé bricole, c’est avec des clous et des bouts Il y a toujours par exemple la chanson tions, que les enfants prennent sans de- de £celle et non des claviers d’ordinateurs. Sous l’évier, en mineur et à trois temps voir les décortiquer et les expliquer. Les Même si j’ai très envie de travailler avec puisque nous étudions à ce moment-là enfants ont accès aux émotions comme des éléments électroniques, ce projet-ci ne de l’année la mesure à trois temps avec les adultes, mais de manière différente. justi£ait pas que je le fasse. les élèves. Mon souhait pour reconnec- La peur d’un enfant est différente de ter avec cette vocation pédagogique est celle de l’adulte mais l’essence même de maintenant d’obtenir une édition chant / la peur est la même que celle de l’adulte.

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ENTRETIEN

Que vous apportent ces projets ? de fédérateur qui en même temps expé- ti écrit Okilélé. Okilélé, dont les parents, Beaucoup de choses très di¥érentes. rimente et ne coupe pas le £l du contact, ses frères et sa sœur s’exclament à la nais- Lorsqu’il s’agit d’un opéra de répertoire, de la connexion. Il faut trouver des portes sance : « Oh ! Qu’il est laid ! », est un person- c’est l’épanouissement d’un musicien d’entrée, mais vouloir enfoncer des portes nage fragile et rejeté dont la sensibilité et adulte professionnel. La comédie musi- d’entrée et perdre le lien avec le public, ça la créativité reme¡ent en question le juge- cale, c’est le plaisir d’une connexion à un ne m’intéresse pas du tout. ment des autres. Comme dans beaucoup niveau très direct et à un niveau de spec- d’autres livres de l’auteur, le récit d’Okilé- tacle complet qui n’est pas du divertis- Claude Ponti est un auteur de li¡érature lé repose sur une quête initiatique. Dans sement mièvre. Pour Okilélé, c’est le tra- de jeunesse et illustrateur français dont un univers sensible et tendre, Okilélé dé- vail avec les enfants qui est un véritable l’imagination est insatiable. Auteur créa- couvre le monde sous un autre œil, s’enri- épanouissement. À titre personnel, c’est tif dont l’univers se caractérise par une sé- chit de toutes ses expériences et trouve £- d’une part l’épanouissement de la création rie de symboles, d’images et de jeux de lan- nalement sa voie. Entre le rêve, l’humour d’une musique que j’ai créée, et c’est aussi gage, Ponti développe un travail autour de et la poésie, Ponti créé chaque jour des la connexion avec l’enfant que j’ai été. Je l’amour et de l’humain, en faisant passer œuvres aux valeurs universelles que sont n’y pense pas consciemment tous les jours, l’humain avant des questions de suspense l’amour, les relations familiales, la di¥é- mais c’est évident que le travail avec les ou d’évènements futiles. En 1993, Pon- rence, la construction de soi… jeunes me connecte aux enfants de mon entourage, à des souvenirs d’enfants qui ne sont même pas conscients. Quand Mozart écrit l’air de la Reine de la nuit, son conten- tement n’est pas d’avoir des connaisseurs qui trouvent l’air intéressant, mais plutôt d’avoir des enfants qui regardent la scène avec sourire. D’ailleurs, La Flûte enchan- tée est sans doute l’œuvre la plus univer- selle puisque enfants et adultes partagent la scène.

Faut-il proposer de nouvelles formes de re- présentation ? Que ce soit dans l’esthétique musicale en terme de composition qu’en terme de for- mat de concert, il faut évoluer. Mais renou- veler pour renouveler, c’est s’obliger à des expérimentations que l’évolution de la so- ciété n’a pas demandé. Il y a des choses inscrites en l’homme depuis toujours et qui évoluent. Mais vouloir les faire évoluer par principe, c’est totalement creux. Bien sûr, il faut ré§échir, mais dès qu’on s’oblige à être absolument décalé, on tombe vite dans du n’importe quoi.

Et sur le renouvellement du public dans le milieu classique ? Je dirais qu’il y a une évolution de la so- ciété qui fait que la musique électronique a son existence, et je ne dis pas que l’ins- trument acoustique disparaîtra. Mais pour pas mal de jeunes aujourd’hui, la pratique naturelle de la musique se fait sans passer par un instrument acoustique, fait impos- sible il y a 50 ans. La part de la musique pratiquée sur un instrument diminue parce que les jeunes sont en moyenne da- vantage sur un clavier d’ordinateur que sur un clavier de piano. Le dé£, c’est trouver quels sont les formats de concerts qui fonc- tionnent bien. Okilélé est un spectacle où se côtoient divers volets : décors, histoire, texte, et ces choses-là aident beaucoup les gens à aller vers la musique. Ce qui me

tient à cœur, c’est d’avoir quelque chose André Micha ©

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RENCONTRE

RENCONTRE CELTIQUE PUNK The Black Tartan Clan NO RULES, GREAT SCOTS Comme sortis des eaux du Loch Ness, six gars de chez nous Raphaël Meert

traversent Bruxelles en kilt, © exhibant des corps tatoués aux couleurs de leur amour commun. Musique celtique L’Écosse au cœur et la cornemuse MacTouche : On y est venu en 2008. À là-bas. Comme on est plus écossais que la l’époque, je jouais avec MacPië dans un plupart des Écossais, les gens respectent dans le sang, les mecs du Black autre groupe de rock. Un jour, on s’est notre musique et la façon dont on vit leurs Tartan Clan a•rapent la carafe mis en tête de reprendre Scotland The traditions. J’en veux pour preuve que nous Brave, hymne traditionnel écossais aux avons été intronisés dans un clan jacobite de whisky des Dropkick Murphys relents patriotiques. Mais les autres mu- écossais. Nos noms sont aujourd’hui gra- et lèvent leurs verres de pur siciens n’étaient pas très chauds pour se vés là-bas sur des table¡es en marbre. malt à la santé des vrais punks. lancer là-dedans. On a donc fait scission. On s’est alors tourné vers la cornemuse de Venus de Wallonie, de Flandre Tatouages MacHoze pour former un nouveau projet : MacTouche : On en a plusieurs en commun. et de la Capitale, ces Belges aux The Black Tartan Clan. Dès le départ, on a Sur notre corps, on arbore tous une repré- surnoms improbables (MacTouche, eu envie d’incarner une version punk de la sentation de la rose albâtre (Rose blanche de musique celtique. York, Ndlr). Elle symbolise la rébellion jaco- MacHoze, MacPië, MacMarsh, bite : le soulèvement de la population écos- MacAël et MacHoze Jr) brandissent Cornemuse saise contre le joug anglais. On s’est aussi le glaive de William Wallace sur les MacHoze : J’en joue depuis près de vingt fait tatouer la devise Alba Gu Bràth. C’est le ans. Il ne faut pas nécessairement tra- cri de ralliement de l’Écosse libre. hauteurs d’un rock qui ne craint verser les Highlands pour apprendre à pas les clichés. En randonnée en jouer. Moi, par exemple, j’ai suivi des Kilt dans les Highlands, les musiciens cours à Bruxelles. J’ai toujours été obnu- MacHoze Jr. : On le porte souvent. C’est le bilé par la culture celtique. C’est lors de va- signe fort du Clan. Quand on se rend à une nous exposent l’âme du Black cances en Bretagne que je suis tombé nez à fête ensemble, on n’hésite jamais à sortir Tartan Clan. Point par point. nez avec un joueur de cornemuse. Ça a été en kilt. Les gens nous reconnaissent di- « la » révélation. Le son de cet instrument rectement. Et puis, lorsqu’on va voir des NICOLAS ALSTEEN me transporte ailleurs, dans les paysages concerts, on est toujours fringué comme d’une Écosse fantasmée. ça. On a vu Metallica, AC/DC et les Drop- kick Murphys avec notre uniforme oŸciel. Écosse Nous sommes £ers de porter le kilt. MacPië : On en rêve souvent. Mais on se sent bien chez nous. Il faut d’ailleurs sa- voir que la Belgique est un pays celte. Dans la mythologie celtique, on trouve ainsi Arduinna, la déesse de la faune, de la chasse et des bois. C’est la protectrice des Ardennes. Le nom de ce¡e région vient d’ailleurs de là. Donc, pour résumer, nous sommes tous celtes. Chaque année, on part ensemble en Écosse. Pour visiter, tester de nouvelles distilleries, mais aussi pour jouer. On se produit régulièrement www.theblacktartanclan.com

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RENCONTRE

sons de l’album culbutent des mélodies et des idées qui, depuis, ont fait école dans les catalogues des nouvelles institutions de la planète rock (Sacred Bones, Captured Tracks, Born Bad). De quoi se poser des questions sur les raisons du four éprouvé par The Names. D’abord, j’ai commis une erreur. Après l’enregistrement de l’album, je suis entré en contact avec Michel Duval, instigateur du label des Disques du Crépus- cule et tenancier de l’enseigne Factory Bene- lux. Quand il m’a demandé sous quelle éti- quette je souhaitais sortir Swimming, j’ai répondu que ça m’importait peu. Grave er- reur. À l’époque, l’aura du label Factory au- rait certainement facilité la mise en lumière de notre musique. Ensuite, il y a eu la mésa - venture Night Shi¸t. En 1981, ce morceau s’est retrouvé catapulté « Single of the Week » dans deux magazines anglais de référence (Sounds et NME). En neuf jours, on a écoulé dix mille exemplaires du 45 tours. Mais le la- bel Factory n’a jamais consenti à represser le DR disque… , le patron du label m’a RENCONTRE POST PUNK juste écrit : C’est génial, ça va faire un su- perbe objet de collection ! Je pense que ce˜e décision nous a mis un fameux bâton dans les The Names roues. En repressant le single, Factory aurait encore vendu un paquet de 45 tours, tout en établissant notre nom en Angleterre. Tout ça RETOUR À L’ÈRE GLACIAIRE aurait pu changer le cours de l’histoire…

Survivant du post-punk, rescapé ans la vie professionnelle, Mi- NOUVELLE VAGUE chel Sordinia signe des ar- Début du 21e siècle. Le label mancunien de la new wave, The Names ticles de cinéma sous la plume est oŸciellement deve- a flirté avec la légende sans jamais affutée de Louis Danvers. nu une enseigne culte de chez culte dans embrasser la gloire. En 1981, Dans un monde passionnel, le cœur des amateurs de new wave. Si The le journaliste transporte ses Names n’est plus, le nom du groupe circule le groupe bruxellois signe un deal émotions en musique. Avec son groupe, régulièrement dans les cercles spéciali- avec le label anglais Factory The Names, il a écrit une des pages d’or du sés. À un moment, plusieurs sites consacrés Records, voyant son nom accolé Drock alternatif en Belgique. Album culte, aux artistes de ce label ont émergé sur la toile. Swimming plonge au cœur du mouvement Une page dédiée à The Names a même vu le à celui de . new wave, quelque part entre Joy Divi- jour aux USA. Dans la foulée, en 2007, nous Mais à trop fréquenter les sion et The Cure. En 1982, cet écrin de ro- avons été contactés par un passionné qui sou- fantômes, on finit toujours par mantisme électrique circonscrit le son de haitait organiser une soirée Factory Records l’époque. Malgré la justesse du propos, le dans l’enceinte de La Ra±nerie. L’endroit est flo•er dans l’au-delà. Aujourd’hui groupe se délite et, dès 1984, débranche hautement symbolique. Il s’agit en e¥et de ressuscitée après une longue les amplis. Le mot séparation est un peu dur la salle de l’ex-Plan K, toujours implantée période d’inactivité, la formation pour évoquer la Žn de The Names, remarque sur le tro¡oir de la rue de Manchester (ça Michel Sordinia. On a plutôt fait face à une ne s’invente pas), à Molenbeek-Saint-Jean. publie Stranger Than You, un sorte de lente et inévitable extinction. Elle C’est là que Joy Division a joué son pre- album aux charmes atemporels. s’explique d’abord par l’échec commercial mier show en dehors de l’Angleterre. Là de Swimming... À partir de là, on a réali- aussi que s’est établi le quartier général du NICOLAS ALSTEEN sé qu’on ne pouvait pas vivre de notre mu- post-punk et de la new wave en Belgique. sique. Dans le même temps, on terminait nos On a accepté l’invitation. Ce qu’on igno- études : on s’apprêtait à qui˜er le confort du rait, c’est qu’on allait jouer devant 1.300 per- cocon familial pour entrer dans la vie active. sonnes surchau³ées. Ce soir-là, on a compris Plusieurs membres du groupe ™irtaient aus- qu’il se passait encore un truc. Les six pre- si avec l’idée de se me˜re en ménage. Placés miers rangs connaissaient nos paroles sur le les uns à côté des autres, ces éléments ont mis bout des doigts. On était sou´é. Dans le mois, un coup d’arrêt au projet. Pourtant, trois dé- on recevait des propositions de concerts pro- cennies après sa sortie, Swimming ne sent venant des quatre coins d’Europe. Cet évé- toujours pas le renfermé. Mieux, les chan- nement marque le point de départ d’une

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RENCONTRE renaissance. Courant 2009, le groupe re- RENCONTRE ROCK Le groupe liégeois remet ça. Un trouve le chemin des studios et sort un nouvel EP sous le bras, It It Anita nouveau disque de son chapeau, le mitigé Monsters Next Door. Aujourd’hui, sans nos- continue d’exhumer ses passions talgie, The Names renoue avec son passé. It It adolescentes avec un pied dans le Sur l’album Stranger Than You, les chan- futur et l’autre bien cramponné sur sons soulèvent les chœurs et bombent le torse pour braver les ambiances sombres Anita la pédale de distorsion. Soit une et solennelles d’un son venu d’une ère gla- bonne occasion de monter le son. ciaire. En 1981, l’envie de signer chez Factory BIS REPETITA était ultra motivée par notre volonté de bosser NICOLAS ALSTEEN avec le producteur Martin Hanne˜. Depuis la sortie de Unknown Pleasures, c’était de- venu une obsession. Cet album de Joy Divi- sion était un véritable OVNI. À l’époque, rien ne sonnait comme ça. C’était une révolution. Hanne˜ est devenu une Žgure sacrée : il était la main et l’oreille de Factory Records (The Duru¡i Column, Section 25, A Certain Ratio, Ndlr). Il a créé un son. C’est lui qui a produit toute la discographie de notre « pre- mière vie ». Quand on partait enregistrer avec lui à Manchester, c’était fort di³érent d’au- jourd’hui. En 1981, je doutais beaucoup. Tra- vailler avec quelqu’un comme Martin Han- GéraldineJacques ne˜ renforçait ton crédit à l’égard du monde © extérieur. Son génie et son inventivité se fai- a Belgique est un petit pays où quet avec un nouvel EP produit par John saient sentir dans toute une série de prises de chacun connaît tout le monde. Agnello, manitou à qui l’on doit des albums décision qui, alors, m’échappait. Maintenant, Un royaume où l’on croise tou- de Sonic Youth, Dinosaur Jr. ou Kurt Vile. ce n’est plus le cas. Martin n’est plus là. Dé- jours une personne qui fréquente Il a passé une semaine en studio avec nous à sormais, on travaille de façon plus intuitive. quelqu’un qui a vu le concert Sprimont. On lui a même fait manger des On crée davantage de choses dans l’instant. de machin avec bidule. En avril boulets liégeois. Son leitmotiv, c’était le fun. Hands O¥ Love, par exemple, est un mor- 2012, Damien Aresta et Michaël Go¥ard L’amusement. C’est vraiment ce qu’on retient ceau qu’on n’a jamais répété. Il est né en pleine se donnent ainsi rendez-vous dans un club de la collaboration. De ce¡e partie de plai- session d’enregistrement. Tout comme What Lliégeois. L’endroit accueille les Bruxellois sir, It It Anita tire quatre pulsions brui- She Knows About The Night. Pour enregis- de BRNS. Ce soir-là, on a évoqué un vieux tistes, atmosphériques et rageuses : des trer ce disque, j’ai ressenti le besoin de m’im- rêve, se remémore le barbu Damien Ares- morceaux expédiés pied au plancher et merger en studio, qui˜e à dormir dedans. Si ta, chanteur de It It Anita. Adolescent, on sans frein à main. Comme au chapitre pré- aucune chanson du nouvel album n’a été voulait monter un groupe de post-rock, un cédent, EP#2 se dévoile sous les contours écrite dans les années 1980, Stranger Than truc à la Mogwai. Après avoir vu la presta- d’une poche¡e en trompe-l’œil : une image Yo u confronte inlassablement ses guitares tion de BRNS, on s’est dit que c’était une drôle me¡ant à mal la question des genres via à l’histoire. Avec cet album, on a opéré un ef- d’idée. Même si on reste ultra fan de ce courant une entourloupe graphique à apprécier la fort conscient pour renouer avec le son de nos musical, on est conscient de son côté vieillis- tête à l’envers. L’idée, c’est de jouer sur la no- débuts. C’est pour ce˜e raison qu’on a décidé sant. Il fallait essayer autre chose. Pour s’in- tion de contrôle, con£e Damien Aresta. Sur de revenir sur Factory Benelux et qu’on a re- venter un son, le duo croise ses guitares nos deux poche˜es, on voit une Žlle qui se dé- pris une œuvre de Benoît Hennebert pour il- chaque jeudi matin. On a répété comme ça, voile complètement en gardant toujours prise lustrer la poche˜e. Retravailler avec le gars pendant un an, dans notre coin, explique Mi- sur son geste. On aime jouer sur ce˜e ambi- qui a signé l’artwork de Swimming, c’est une chaël Go¥ard, l’autre voix du projet. Trois guïté. Tout ça est très étudié. Un savoir-faire façon de rabibocher la ligne du temps, de rap- cent soixante-cinq jours plus tard, les deux £guratif qui prend tout son sens au contact procher les deux périodes de la vie du groupe. musiciens reçoivent un appel à la mobi- d’une musique à double tranchant : un rock Dans mon esprit, Stranger Than You est le lisation. La requête vient de Lieutenant. mutant, à la fois mélodieux et £évreux, pla- disque qui aurait dû suivre Swimming. C’es t Ce˜e formation liégeoise organisait une date nant et méchamment remonté. son vrai-faux frère en quelque sorte. C’est une pour fêter la sortie de son premier enregistre- suite, livrée avec une certaine distance. L’idée ment. On nous a proposé de jouer en ouver- www.ititanita.com n’était pas de singer notre premier album, ture de l’événement. Le groupe accepte l’in- mais d’essayer de retrouver une cohérence es- vitation et adopte son nom de scène. It It It It Anita thétique. Mission accomplie. Anita se métamorphose alors en quatuor EP#2 avec l’arrivée d’une basse et d’un ba¡eur. Honest House Records Début 2014, les mecs enregistrent un pre- mier EP : cinq titres qui ravivent le tison du grunge avec un lance-¸lammes alter- natif dégoté dans un stock du rock améri- www.thenames.be cain. Aujourd’hui, le groupe revient au ta-

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RENCONTRE ROCK Gonzo Gonzo EP Gonzo Autoproduction FLAGRANT DÉLIRE Quand cinq potes d’enfance se retrouvent, ils ressassent les bons souvenirs et ressortent de vieilles vannes du placard. Baptiste

Lalieux (Saule), Vincent Lontie DR (FùGù Mango), Geoffroy Heyne (ex-aMute), Nicolas Vandeweyer trait l’enthousiasme du public. C’est ce qui un truc qu’on a perdu en cours de route : (Eleven) et Simon Bériaux (Hibou, nous a poussés à aller plus loin. C’est la ré- un son un peu déglingué et mal dégrossi Clare Louise) ravivent leurs action des gens qui nous a motivés à écrire qui sert de bonnes mélodies. Aujourd’hui, fantasmes adolescents sous des compos originales. tout semble plus lisse, plus formaté, plus compressé. Ça nous excitait de replonger le soleil californien. Planqués Aujourd’hui, vous publiez un EP Quelle est aux racines de notre adolescence. Après, derrière le nom de code Gonzo, l’histoire de ce premier enregistrement ? ça ne veut pas dire qu’on fait n’importe les garçons appuient sur la Nicolas Vandeweyer : Ces morceaux ont été quoi sous des prétextes rétrogrades. On a enregistrés en 2007. Récemment, un pote accordé beaucoup d’a¡ention aux harmo- pédale de disto et enfilent cinq est tombé dessus. Il était convaincu qu’on nies vocales et à la cohésion entre les mor- tranches de power pop sans devait les sortir. On a alors envisagé de ceaux. Ce projet tient la route. vaseline. Entre supergroupe et louer un studio pour retravailler les chan- sons. Mais là, le copain en question était Le nom de votre groupe, c’est une réfé- méga déconne, Gonzo voit la formel : il fallait absolument tout laisser en rence au style et à l’œuvre de Hunter S. vie en bleu. Comme la poche•e l’état, conserver l’esthétique rock garage et Thompson ? le son cra-cra des premières démos. Il y a de ça. C’est aussi un clin d’œil du premier album de Weezer. N.V. : B.L. : Pour une raison qui nous échappe en- rigolo aux productions pornographiques NICOLAS ALSTEEN core, un de nos titres (Clean) a commencé à des années 1990 où tout se passait dans tourner en radio. Dans la foulée, on a reçu le feu de l’action. On voit également Gon- des propositions de concerts. Le moment zo comme une référence au personnage du semblait donc idéal pour publier ce EP. Muppet Show. C’est vraiment une ode à la ndividuellement, chaque musicien im- « loose ». Au début, on voulait s’appeler Car- pliqué dans le projet représente un Est-ce que ce premier épisode des aven- los of the Stone Age parce qu’on était per- style musical singulier, radicalement tures de Gonzo peut débouler sur l’enre- suadé que notre musique se situait quelque différent de ce que l’on peut entendre gistrement d’un album ? part entre les chansons de Carlos et les chez Gonzo. Qu’est-ce qui vous ras- B.L. : Ça nous semble de plus en plus morceaux de Queens of the Stone Age. semble ici ? évident. Aujourd’hui, Gonzo est program- Baptiste Lalieux : L’envie de revenir à mé à l’aŸche de di¥érents festivals. On Gonzo est-il un groupe à géométrie quelque chose de plus abrupt, d’appuyer se produit sur des scènes de plus en plus variable ? Isur la pédale de disto et de chanter en an- grandes et la durée de nos concerts s’étend B.L. : Je pense que oui. On est prêt à ac- glais. Moi, par exemple, avant de me lan - à chaque fois de quelques minutes. Pour cueillir tous ceux qui sont dans le même cer dans la chanson française, je jouais de tenir la cadence, on se doit de composer de délire que nous. On a d’ailleurs imaginé la gra¡e dans Flip Coin, un groupe d’ins- nouveaux morceaux. de monter l’un ou l’autre « featuring » pour piration punk-hardcore. Par la suite, avec l’enregistrement de notre disque. J’ai bien My Second Skin, j’ai migré vers le rock C’est quoi l’esprit Gonzo ? envie de choper Giacomo, le leader de Ro- sous l’in§uence combinée de Radiohead B.L. : C’est celui qui découle des années mano Nervoso. J’aime bien le gars. Je suis et Je¥ Buckley. Dans la foulée, j’ai eu l’oc- 1990 et de tous les groupes qu’on a adoré sûr que c’est le genre de type qui va cap - casion de sortir un disque de Saule… Mais à l’époque. Je pense à Bloodhound Gang, ter notre délire. On n’exclut aucune ou- je n’ai jamais renoncé à ma passion pour NOFX ou Blink 182 : des projets où on ne se verture vers l’extérieur, même si la base le monde anglo-saxon. Au départ, Gon- prend pas la tête. Où l’essentiel se situe au du groupe ne bougera sans doute jamais. zo était surtout un prétexte pour revoir niveau du fun et de la déconne entre potes. les copains. Quand on a commencé, on Ce¡e philosophie transparaît forcément à jouait des reprises de Weezer, un groupe travers les paroles de nos chansons. Gon- dont on est hyper fan. Sporadiquement, zo, c’est le syndrome « Peter Pan ». C’est un on donnait des concerts dans un petit retour en enfance. Voilà pourquoi on joue à café bruxellois. À chaque fois, on rencon- fond la carte du rock nineties. On cherche galaxygonzo.bandcamp.com

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RENCONTRE EXPÉRIMENTAL Garrett List & Vivo ! LA NÉCESSITÉ DE LA MUSIQUE POPULAIRE Le plus liégeois des musiciens américains a ouvert la voie de l’improvisation à de nombreux jazzmans belges et leur a inoculé la curiosité et le plaisir des mélanges. S’il a toujours défendu Goldo une musique savante, il a toujours © tenté de la rendre accessible. Le projet ViVo!, qu’il a mis en musique avec un aréopage de musiciens venus de tous horizons, Musique pour l’élite et musique commerciale ? Organisation et improvisation ne va pas dans un autre sens. Ses yeux s’illuminent et l’on devine der- Plusieurs musiciens ont composé pour rière cet éclat une certaine incompréhen- l’orchestre et il fallait mélanger classique JACQUES PROUVOST sion. Quoiqu’on en dise, Garre¡ List a tou- et non classique. C’est un travail de groupe jours voulu décloisonner, vulgariser et énorme. On bouge ensemble, dans le même oublier les di¥érences pour élever l’esprit. sens. Je n’ai pas de droit de véto. Il n’y a pas de C’est pour cela que j’ai voulu créer cet orchestre, « chef » et chacun défend ses idées. Même moi ! e suis un peu radical, c’est vrai, et pour essayer de trouver une alternative. Si je n’y arrive pas, tant pis, c’est le groupe cela peut heurter certaines per- Mais alors, si tel est son combat depuis plus qui décide. Le but est de célébrer les diffé- sonnes, mais ce n’est pas mon but. de cinquante ans, pourquoi a-t-il a¡endu si rences, car les différences sont un plus ! Et Lorsqu’on lui demande quel est longtemps avant de créer ViVo ! ? Il a fallu l’impro dans tout ça ? Il y a plusieurs façons ce besoin, presque viscéral, qui que je comprenne moi-même la chose, lance- de travailler l’impro. C’est une discussion de l’a poussé à créer ViVo !, le trom- t-il dans un éclat de rire. J’ai dû expérimen- groupe, en répétition. Il y a quatre pilotes, boniste plante son regard dans le vôtre, se ter, puis j’ai invité les autres à essayer de com- mais on ne dirige jamais. Le compositeur doit laisse le temps d’une courte ré§exion avant prendre où il fallait aller. Ils ne comprennent avoir la possibilité de moduler sa composi- Jd’avouer : Je suis en bataille avec la musique pas encore tout. Et moi, est-ce que je me com- tion après l’avoir écrite. Le jeu d’ensemble, c’est actuelle depuis les années 60. J’ai remarqué prends moi-même ? Comment faire le cas- le rythme. Le présent est la seule chose qui cela quand j’avais 22 ans, lors d’une visite chez ting et expliquer cette vision aux musi- existe ! L’objectif est de rendre aux gens qui mon psy à NY, c’était la mode à l’époque, sou- ciens ? Il y a un adage qui dit : creusez où vous écoutent la confiance dans leur propre ima- rit-il. Il y avait un tableau très contemporain êtes et une fontaine jaillira. Il y avait donc gination. On se bat contre l’uniformité cultu- accroché au mur, très abstrait, et mon psy com- une idée “régionale” et j’avais en tête des instru- relle. Alors, si le concept semble §ou ou, au prenait. Alors, je lui ai parlé de la musique de ments spéciŽques. On a fait des auditions à Aa- contraire, évident, il faut voir ViVo ! en live Boulez, de mon travail avec Braxton et autres. chen, Maastricht et Liège. Plus de 70 des mu- pour comprendre qu’il « sonne juste » dans Mais à cela, il ne comprenait rien. Par contre il siciens étaient au concert inaugural en 2010. son époque. comprenait les Beatles ! Maintenant, nous sommes 29. Il a fallu ré- Voilà le paradoxe que Garrett List aime duire. La partie savante de ViVo! est dans l’or- combattre. Ce schisme entre la musique chestration. Il ne s’agissait pas d’ajouter simple- dite de « création » et la musique dite « po- ment un instrument classique pour colorer. Il pulaire ». Il y a eu le free jazz, auquel j’ai par- cite en exemple Nirvana Unplugged en sou- ticipé, qui a rapidement été instrumentalisé lignant aussitôt le génie des textes de Co- et utilisé par des intellos. Les festivals étaient bain, et insiste : Je ne veux pas que l’on pense subsidiés, les musiciens étaient très bien que je n’aime pas la musique actuelle. Bien au payés mais… l’énergie s’est vite envolée. contraire, j’y trouve des choses intéressantes. www.garreˆlist.com

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RENCONTRE

question de savoir si c’était trop jazz ou pas assez. Si c’était trop rock ou pas assez. On vient d’une époque, assez révolue, où l’on mélangeait toutes les musiques. Au Lion S’Envoile, comme au séminaire, on jouait aussi bien du jazz que du baroque ou de la musique électronique. Tout était ouvert. L’expérience et le temps nous ont appris à savoir où nous allons. On sait que si l’on va dans un sens, on peut se casser

DR la £gure car on n’a pas les moyens ou l’or- chestration adéquate. Alors, on resserre RENCONTRE JAZZ un peu ici ou là mais, en aucun cas, on ne veut « formater » les choses. Et c’est ce que le livre met en évidence. Ce sont 35 ans de Le Collectif du Lion borderline, d’underground ou de tout ce que vous voulez, qui « s’institutionnalise » E un tout petit peu car il commence à y avoir UN 35 RUGISSANT une reconnaissance. En£n ! (Rires). Bien Le Collectif du Lion fête ses 35 ans et, à ce•e occasion, publie sûr, on sera toujours « à côté », ou pas assez « ceci » ou pas assez « cela ». Mais c’est notre un très beau livre, richement illustré et abondamment commenté. marque de fabrique, notre esthétisme. Collectif protéiforme, Le Lion a vécu de nombreuses aventures, faites de musique, de théâtre, d’art en tous genres et de rencontres. Y a-t-il un côté pédagogique au Collectif ? À la tête de ce projet, en duo avec Myriam Mollet, Michel En voulant partager la musique dans la rue avec Un Éléphant dans la ville ou avec Debrulle revient sur ce parcours étonnant. l’Orchestre des enfants, par exemples ? Il y a le souci d’expliquer au mieux les JACQUES PROUVOST choses, mais nous ne sommes pas une école et on ne se prend pas pour des gou- uelle a été l’idée de départ Nous avons aussi établi des connexions rous. On vient d’une époque où l’on de- du Collectif Du Lion ? avec des compagnies de danse et de théâtre vait aller chercher les choses. Quand on Michel Debrulle : Il y a une de rue. Nous hébergeons et nous aidons avait un atelier avec Steve Lacy, les cours confusion à son propos. Au ces groupes, selon nos moyens, mais nous n’étaient pas donnés à la manière d’un départ, c’était le nom du ne sommes en aucun cas « agent » ! professeur du conservatoire. Alors, on le groupe qui se réunissait au phagocytait pour obtenir un maximum Lion S’Envoile. Il y avait Denis Pousseur, Comment ces groupes et artistes ont-ils d’informations, musicales et extra musi- Francis Danloy, Pierre Vaiana et moi. La trouvé le chemin du Collectif ? cales. C’était pareil avec Garre¡ List. On Qmusique était principalement improvisée Nous rencontrons certaines personnes l’appelle « le passeur » car il transmet plus et nous avons enregistré un LP pour Igloo. via le conservatoire, les orchestres de que de la pédagogie, c’est un parcours de Entre 80 et 82, je suis devenu gérant du chambre, les séminaires. Nous fonc - vie qu’il partage. Lion S’Envoile (avec Philippe Latour et tionnons vraiment par affinités musi- Tim Garisson). Nous étions une bande de cales et humaines. Si, humainement, ça Reste-t-il des frustrations, des manque- zozos qui allions tous les lundis à Paris à ne marche pas, cela ne fera pas long feu. ments ? l’IACP, l’école d’Alan Silva, mais c’était un D’ailleurs, le sérail de l’époque est encore Le phénix doit toujours renaître de ses peu fatiguant et coûteux à la longue. Nous présent, comme Michel Massot, Thierry cendres. C’est parfois pénible. La re - avons alors proposé à Henri Pousseur, qui Devillers et quelques autres. Et quand Fa- connaissance a été longue à venir. Au- était ouvert à tout, de faire venir Alan Sil- brizio Cassol a quitté Trio Bravo, parce jourd’hui encore, il faut me¡re le paquet va à Liège. Le Lion S’Envoile est alors de- qu’il avait d’autres projets, Michel Massot pour se faire entendre. On est toujours, venu le lieu de répétitions, d’expérimenta- nous a proposé Laurent Dehors qu’il ve- soi-disant, un peu en « marge ». Mais le tions et de concerts… Musique improvisée nait de rencontrer. A¥ectivement on s’est public en a ras la casque¡e de bou¥er ce et tradition du jazz. Ce n’est qu’en 89 que trouvé. Au fur et à mesure des années, on qu’on lui donne. Il est en demande de nou- l’ASBL Collectif du Lion a été créée, pour a cimenté ce¡e £délité. C’est pareil avec la velles choses. Si nous ne sommes pas pro- pouvoir «déposer» nos maigres cachets et nouvelle génération et la transmission va grammés, nous nous programmons nous- avoir des contrats en bonne et due forme. dans les deux sens : les aînés apprennent mêmes. On fait des spectacles de rue, on 35 ans plus tard, c’est toujours le même aux plus jeunes et les plus jeunes nous mélange la danse contemporaine, la poé- bordel. Heureusement, depuis 2007, nous bo¡ent le cul pour avancer. sie urbaine et le jazz. Les gens sont émus sommes conventionnés par la Fédération et viennent nous remercier après. Mais Wallonie-Bruxelles. S’il y a beaucoup de choses écrites, com- que ne faut-il pas faire pour en arriver plexes, parfois même « tordues », il y a là !… à part un livre !? (Rires) Le Collectif a rapidement évolué ? aussi beaucoup de libertés et d’impros. Oui, nous avons accueilli des groupes On fait ce que l’on a envie de faire et que comme Animus Anima, Pixl, Babelouze. l’on ressent. On ne s’est jamais posé la www.collectifdulion.com

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RENCONTRE

RENCONTRE JAZZ Eve Beuvens UNE PIANISTE AUX MULTIPLES FACETTES Au programme du Gaume Jazz Festival 2013, Eve Beuvens a surpris tout son petit monde en réunissant 7 musiciens – parfois assez éloignés de son univers, croyait-on – pour proposer une musique riche, recherchée et rebondissante. Le disque, Heptatomic, sort en septembre chez Igloo. Magnone

JACQUES PROUVOST ©

omment avez-vous réa - rapport à quelque chose de concret. Cela l’homogénéité du projet. Les musiciens gi quand Jean-Pierre Bis- dit, rien n’est £gé, tout évolue, et je suis s’écoutent et trouvent leur voie. sot vous a proposé une carte ouverte à toutes les propositions. blanche au Gaume en 2013 ? La cohérence du projet va même jusque J’ai pris cela comme un don Êtes-vous arrivée là où vous le vouliez ? dans la pocheˆe, très belle, du disque. du ciel ! J’avais envie d’un Oui. Et je suis très satisfaite du résultat. Oui, elle raconte aussi une histoire. Je groupe plus large qui me permette de Pourtant, je me suis retrouvée devant des n’avais pas réalisé à quel point, au mo - traduire avec des instruments réels les choses qui étaient plus diŸciles à jouer ment de sa conception, Silavano Ma - Csons que j’imaginais sur mon piano. Le que je ne le pensais. Composer c’est bien, gnone, le photographe, avait bien cerné piano est passionnant car c’est un or - mais être confrontée à la matière réelle, ma musique. Il y a les références à Ba - chestre à lui tout seul. avec autant de musiciens et de personna- sie, les roses, la Joconde… et le fantôme lités, c’est autre chose. au piano qui rappelle l’évanescence de la Vous aviez déjà des compositions en tête ? musique. Le texte de François Vaiana va Pas vraiment. J’avais amorcé un trio Vous êtes-vous fixée des objectifs ou des aussi dans ce sens. qui me plaisait, avec Benjamin Sauze - challenges, des méthodes dans les compo- reau et Gregor Siedl. Guitare, sax et pia- sitions ou les arrangements ? Entre les premiers concerts et l’enregistre- no, ce n’était pas très courant. C’était, en Oui. Par exemple, je voulais faire des ment sur disque, il y a eu quelques change- quelque sorte, la base d’Heptatomic, que phrases de douze notes dans lesquelles ments dans le line-up. j’ai gardée. À eux, se sont ajoutés Gré - chaque note revient une seule fois. De la Oui, parce que Joao avait plein d’autres goire Tirtiaux, Laurent Blondiau puis dodécaphonie pour amateurs (rires). My projets en parallèle, et que Gregor est Manolo Cabras et Joao Lobo, une ryth- T.T.T. est aussi basé sur un principe do - allé habiter à Berlin. C’est Manolo qui mique de haut vol. Je me suis même de - décaphonique, au départ c’était pour le m’a présenté Sylvain Debaisieux, un mandé dans quoi je m’embarquais. Et trio. Ce sont de petites contraintes qui jeune saxophoniste très inspirant, bour- j’ai commencé à écrire en fonction de ces m’ont forcées à faire autre chose que ce ré de talent, qui évite les clichés. Et puis, musiciens. Cela m’a pris un an. que j’avais l’habitude de faire. Je propose rejouer avec Lionel dans ce contexte me cela au groupe et si cela ne marche pas fait plaisir. Je connais son jeu mais il me Quelle a été la façon de travailler ? on trouve des solutions. Sinon, je pars révèle toujours de nouveaux secrets. Je suis arrivée avec des morceaux as - aussi d’impressions. Scratching Mermaid sez construits. Bien sûr, on les a travail- est parti d’un délire entre copines où l’on www.evebeuvens.com lés et modelés ensemble, mais je pense imaginait des sirènes chantant du rap qu’il est plus efficace, en tant que lea - (rires). No Way Out Running a été écrit der, d’amener des compositions assez dans un moment de stress, par exemple. précises, pour ne pas rester dans le §ou. Mais j’ai écrit pour les musiciens Eve Beuvens Mais je n’arrive pas avec une idée non d’abord, pour les laisser révéler leur per- Heptatomic aboutie. Les musiciens rebondissent par sonnalité. Et c’est ce¡e liberté qui donne Igloo Records

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TRAJECTOIRE Isabelle van Oost ©

De Matongé en passant par Michel Winter Bucarest jusqu’au vrai Matongé (à Kinshasa), la route était parfois difficile mais toujours pleine de & Mukalo surprises pour Michel Winter. Après 25 ans de carrière en temps que manager de groupes comme Production Taraf de Haïdouks, Tartit, Konono N°1, Kočani Orkestar et Staff Benda Bilili, Winter n’est pas prêt à se reposer sur ses lauriers. Il vient de se lancer dans une nouvelle aventure avec Mbongwana Star !

BENJAMIN TOLLET

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TRAJECTOIRE

’aventure musicale de Michel fort. Une année, on n’a pas pu qui˜er la Rou- redeviendra Mukalo Production en 2009 Winter commença dans un pe- manie car les instruments étaient soi-disant quand les chemins de Winter et Karo se tit bar à Ixelles, le Mukalo. C’était patrimoine du pays. On a dû chercher un pro- séparent. Dorénavant, Stéphane Karo tra- en 1988, Winter et son pote Sté- fesseur de musique qui, en échange d’une bou- vaille avec les groupes tsiganes alors que phane Karo, tous deux d’origine teille d’alcool et d’un paquet de cigare˜es, a mis Michel Winter se consacre aux groupes hongroise, venaient d’ouvrir un des cachets sur les instruments comme quoi ils congolais. bar dans le quartier africain de Bruxelles pouvaient qui˜er le pays, raconte Winter. (Matongé). C’est là que je Žs connaissance Le Congo, et tout ce qui va avec : Les visas, Lavec la musique congolaise, raconte Michel NO-MAN’S LAND qu’on a, qu’on n’a pas ou trop tard. Des tour- Winter. C’était un sérieux bordel. On s’amu- Lors d’un autre voyage, dans un vieil au- nées, trop souvent annulées, raconte Winter. sait, on faisait des concerts avec notre groupe tocar Mercedes, un gros caillou éclate le Il y aura le grand succès du Sta¥ Benda Bi- de musique orientale. Rien n’indiquait que pare-brise. La frontière roumaine nous laisse lili, l’implosion du groupe et aujourd’hui la les deux deviendraient des producteurs passer en disant que les Hongrois ne nous lais- montée de Mbongwana Star. importants dans des styles de musiques seront jamais entrer. On s’est retrouvé dans un jusqu’alors méconnus. no-man’s land entre la Roumanie et la Hon- Tout ce qui est tradi-moderne m’intéresse. Je grie et on voyait la police hongroise faire des veux montrer la modernité des groupes tra- C’est à ce¡e époque que Stéphane Karo contrôles techniques sévères de chaque voiture. ditionnels et leur son qui se transforme avec tombe sur une compilation de musique Que faire ? Je me suis dit que ™a˜er leur natio- les technologies. On est au 21e siècle, les mu- des tsiganes du Taraf de Clejan. Il a eu nalisme ne ferait pas de tort. Je leur ai balan- siciens ont accès aux smartphones, à inter- l’idée complètement folle de se rendre à Bu- cé : En Roumanie, je n’aurais même pas pu net. La musique traditionnelle évolue et c’est carest pour trouver ces tsiganes dont la mu- trouver un plastic pour couvrir le trou… C’es t ce qui va la préserver, raconte Winter. C’est sique nous avait tellement surprise, raconte passé et dans un zoning industriel de Budapest, le dé£ qu’il a embrassé en acceptant de for- Winter. Après la chute de Ceauşescu, on y on a trouvé le pare-brise qu’il nous fallait. mer Mbongwana Star autour de Coco Ya- est retourné à deux. On avait acheté une ca- kala Ngambali et Théo Nsituvuidi Nzonza, méra 8 Pro à crédit et les gens croyaient qu’on Il y a aussi eu des situations moins amu- deux ex-membres du Sta¥ Benda Bilili. était journalistes. Ce qui a ouvert beaucoup santes, comme une nuit à la frontière autri- de portes. L’Hôtel Intercontinenal était le seul chienne… Tout le monde dormait. Le ™ic di- Entouré de jeunes musiciens de la scène de endroit qui avait un café plus ou moins po- sait à l’autre : Ces tsiganes, on aurait tous dû Kinshasa, ils viennent de sortir leur pre- table et on y voyait comment les journalistes les tuer pendant la guerre. Je lui ai répondu, mier album From Kinshasa sur le label bri- s’y prenaient pour parler de la révolution. avec le peu d’allemand que je parle : Oui, tous tannique World Circuit. L’album fait un buzz Les Anglo-Saxons partaient tôt le matin, les les tsiganes. Et moi je suis juif, c’est quoi le dans le monde anglo-saxon, les gens trouvent Français et les Italiens restaient au bar avec problème ? Ils nous ont vite laissé passer. ça super. C’est quelque chose d’ina˜endu, en- les putes. C’était déjà toute une étude. (rires) Žn quelque chose de di³érent venant d’Afrique. Le Taraf n’était que le début de l’aventure L’intérêt de World Circuit nous a étonnés car HORS-LA-LOI comme producteur. Après se sont ajoutés ça ne ressemble pas du tout à ce qu’ils font d’ha- La vraie étude, c’était la sélection des mu- le Kočani Orkestar (une fanfare tsigane), bitude. C’est justement le côté novateur qui les a siciens dans le village Clejani, un ancien les femmes de Tartit (qui ont fait voyager séduits, même l’astronaute sur la poche˜e. pôle culturel tombé en défaveur. Les mu- Winter jusqu’au désert du Mali), Konono siciens y étaient tous restés, tous en concur- N°1 et aussi les Kasai All Stars. Cet astronaute est une sculpture faite à rence. Les groupes se montaient et se démon- Kinshasa par un artiste plasticien, et c’est taient en fonction des occasions et des cachets. C’était le début de la découverte du Congo. ce lien entre la musique et l’art contempo- Cinq cents musiciens professionnels vou- Pendant longtemps, on était les seuls blancs rain kinois que Winter veut d’avantage dé- laient partir avec nous ! Il a fallu chercher un à Kinshasa, avec les Français de La Belle Ki- velopper. Je voudrais associer la musique à équilibre entre les instruments, les familles.... noise. Et à l’époque de Konono, certains musi- l’art plastique, les installations, des disciplines On a monté un groupe de 14 musiciens pour ciens marchaient dix kilomètres pour faire des très vivantes à Kinshasa, où il y a un lien former le Taraf de Haïdouks (clan des hors- répétitions, trois fois par semaines, sans savoir évident entre ces choses. J’aimerais parvenir la-loi -Ndlr). À l’époque c’était encore possible. où ça allait, raconte Michel Winter. C’est ça le à montrer cela au public en dehors du Congo. plus incroyable au Congo, la manière dont les Winter et Karo ont alors montré un enre- gens travaillent. Typiquement « Kin », les gens Michel Winter bosse sur un £lm sur le gistrement, notamment à Marc Hollander ont des rêves qui ne pourront jamais se réaliser Mbongwana Star et il a des plans de l’autre de Crammed Discs qui était d’accord de sor- mais ils ne renoncent pas ! Ce pays me fascine côté de l’Atlantique, au Brésil. Il rêve de tir l’album à condition qu’ils se débrouillent et me rend triste à la fois. Triste parce que ça l’Afrique lusophone, tout en sachant qu’il pour faire venir le groupe. Sans le vouloir, reste un pays tenu par une frange oligarchique ne peut pas tout faire. Le futur nous ra- les voilà devenus producteurs. C’est le dé- qui peut changer selon les pseudo-révolutions. contera quels pays auront la chance de re- but d’une longue aventure avec le Taraf de Mais le pouvoir reste dans les mêmes familles. cevoir Michel Winter pendant ses pèleri- Haïdouks, du succès et de tant d’anecdotes Et puis il y a les églises qui disent que c’est nages musicaux. qu’ils pourraient en écrire un livre. Chaque comme ça, que Dieu le veut. Toutes ces Églises année on achetait un vieil autocar pour al- du Réveil, c’est une calamité pour le pays. ler chercher les musiciens. À l’époque il fallait un visa pour tous les pays ! Chaque ambas- TRADI-MODERNE sade avait sa propre politique pour découra- Mukalo commença comme café en 1988, ger le passage. L’Italie par exemple n’avait pas devint Divano Production dès que le tra- de couloirs pour faire la Žle, c’était la loi du plus vail de management se professionnalisa et www.mukaloprod.com

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ZOOM © Adrian Jursich antiva hiva G olombo DR a C L K ZOOM Voyages d’affaires Dans le monde musical, certains artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles vivotent au-delà des frontières de la Belgique en jouant quelques concerts à l’étranger. D’autres en ont fait leur terrain de prédilection. Par amour du voyage ? Pour s’inventer une carrière à l’écart de la maison-mère ? Pour des raisons financières ? Tentative de réponses en compagnie de quelques globe-tro•ers croisés sur la route.

NICOLAS ALSTEEN

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’est un secret de polichinelle : en Belgique, cer - reste du monde. C’est fondamental de trouver de tels partenaires. tains projets musicaux subsistent par la grâce Chaque agence est un stratège qui connaît les réalités du marché, d’une existence scénique à l’étranger. Quelles les rivalités locales et les bons clubs. Du côté de La Chiva Gan - sont les raisons de l’exode de nos artistes sur les tiva, on peut compter sur le soutien de six bookers à l’inter - routes du monde ? Cela tient peut-être au décou- national. Pour ça, il me semble essentiel de participer aux mar - page communautaire du territoire. Quand on a chés conçus à l’a˜ention des professionnels, remarque Rafael joué des concerts dans la plupart des clubs en Fédération Wallo - Espinel. Il y en a dans tous les styles : Womex, MaMA, Midem, nie-Bruxelles, il faut avancer vers la Flandre, con£e Grégoire Great Escape, Eurosonic… C’est là qu’on peut trouver les bonnes CFray, leader de Thot, groupe de rock industriel et unique am- personnes. L’année dernière, on a joué un excellent concert dans bassadeur d’un courant baptisé « vegetal noise music ». Au le cadre du Womex. On a rencontré un énorme succès. Depuis, mieux, on va jouer deux ou trois dates de l’autre côté de la fron - notre agenda à l’étranger ne désemplit plus. C’est peut-être une tière linguistique. Mais ce n’est pas su±sant pour vivre de sa mu - question de curiosité aussi, ajoute Kolombo. L’electro a connu sique. Il faut donc tenter l’aventure à l’étranger. En octobre, Thot son heure de gloire en Belgique. Après la new beat, on était super repart ainsi à la conquête de l’Europe de l’Est. La taille du pays fort. Comme les Allemands. Maintenant, je ne sais pas… Les gens est e³ectivement un obstacle, con£rme Rafael Espinel, meneur sont peut-être blasés, un peu fatigués. En Argentine ou au Para - de troupe de la Chiva Gantiva, le plus colombien des collec - guay, une petite soirée, c’est directement mille personnes. Là-bas, tifs bruxellois. Et puis, les festivals d’été usent et abusent des les gens vont vers la nouveauté. La Chiva partage également le clauses d’exclusivité. Comme ils se chevauchent dans l’agenda, constat : Là, on vient de jouer à Los Angeles. On était programmé c’est presque impossible de jouer plus de trois dates à la maison dans un club retiré dans la montagne. En débarquant sur place, pendant les grandes vacances. Chaque année, on est confronté à j’ai ™ippé. Je ne pouvais pas imaginer que quelqu’un puisse venir ce˜e situation. Financièrement, ce n’est clairement pas viable. On se perdre en bagnole jusque-là pour venir voir La Chiva Ganti - est donc obligé d’aller voir ailleurs. En 2015, La Chiva Gantiva a va. Le soir du concert, plus de six cents personnes se sont pointées déjà joué plus de septante concerts à l’étranger. Contre quatre sur notre seul nom… Je n’y croyais pas. Je pense que les Améri - apparitions sur les scènes du plat pays… cains, par exemple, sont assez curieux. Ils fonctionnent pas mal au bouche à oreille. Si la Belgique n’est pas forcément un territoire de dévelop - pement rêvé pour un projet musical, certains styles s’y épa - En Belgique, il y a une certaine frilosité des organisateurs à faire nouissent plutôt bien. La culture pop-rock, par exemple, jouer un groupe comme Thot, aŸrme Grégoire Fray. C’est sans semble ancrée dans les mentalités. La Fédération Wallonie- doute lié au style musical. Si je prends le cas typique de la Répu - Bruxelles peut d’ailleurs faire valoir une solide expérience blique tchèque, les promoteurs tentent plus souvent le coup. Même en la matière. Le milieu est structuré : on y croise de nom - si les quinze/trente-cinq ans écoutent principalement de la mu - breux groupes, managers, labels, bookers, salles, festivals et sique « mainstream » et tout un tas de groupes anglo-saxons, il y a quelques médias sensibles aux sons des guitares. Les rockeurs quand même un intérêt pour les genres de niche qui, là-bas, seront ne sont pas forcément obligés de s’exporter, note Olivier Gré- programmés sur des grandes scènes. Jouer à l’étranger, ça doit goire, plus connu des adeptes du dance§oor sous le nom de Ko - quand même faire partie d’un plan de développement. Des échos lombo. Tenant d’une house minimaliste et funky, le garçon positifs dans un autre pays peuvent avoir des e³ets positifs en Bel- s’exile chaque week-end au quatre coins de la planète. D’ici la gique. L’intérêt est là aussi. Surtout, partir en tournée, c’est aller Žn de l’année, j’aurai joué près de cent cinquante dates à travers au-delà des clichés. Ça me semble vachement important pour un le monde. En Belgique, ce sera l’histoire de trois ou quatre presta - groupe de tenter l’expédition. C’est une excellente école. Au-delà tions… C’est sans doute lié au contexte. Chez nous, la presse s’in - de tout aspect carriériste, c’est d’abord une aventure humaine et la téresse peu à l’electro. Les radios refusent de di³user tout ce qui garantie de s’améliorer en tant que musicien. Pour moi, ça reste la ™irte de près ou de loin avec l’underground et les lieux dédiés au meilleure façon d’avancer. genre disparaissent les uns après les autres. Les clubs se volati - lisent sous la pression cumulée des voisins – leurs plaintes pour ta- page nocturne – et des impôts. Les taxes ont ™ingué la scène locale. Rien qu’à Bruxelles, par exemple, que reste-t-il comme temples de la musique électronique ? Le Fuse, le Wood et puis,… plus rien.

MUSIQUES STYLÉES ET AUTRES CURIOSITÉS Certains genres musicaux s’exportent mieux que d’autres. La chanson est, par la force des mots, essentiellement con£ - née aux territoires francophones. Et face à de redoutables ré - inventeurs de sons venus de France (Arlt, Fauve, Camille, Frànçois & The Atlas Mountains, Booba, Émilie Simon, Nekfeu ou Christine & The Queens), la scène belge peine à se faire entendre sur un marché hyper concurrentiel. Electro, jazz, metal et mélodies ouvertes sur le monde semblent ainsi mieux armés pour s’aventurer au-delà de nos frontières. Mais l’appel du large répond aussi aux logiques d’un bon encadre - ment. J’ai plusieurs agences de booking un peu partout, cinq en tout, con£e Kolombo en inspectant sa mappemonde. J’en ai une pour l’Asie, une pour la Russie, une pour l’Amérique du Nord, une autre pour l’Amérique du Sud et une dernière pour le

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ZOOM Olivier Vin ©

Un nouveauZOOM souffle d'insoumission Dans une Amérique fondée sur la ségrégation des races, le jazz a, dès les années 1930, joué un rôle social, faisant petit à petit reculer la ségrégation raciale sur les scènes, parfois dans les salles. Au fil du temps, la note bleue est, elle-même, devenue une impressionnante force d'intégration, par exemple de musiques brésiliennes, cubaines. À la fin des années 1950, l'apparition du free jazz, basé sur l'improvisation libre, a coïncidé avec la révolte de la communauté noire. Le rejet global des règles établies, en même temps que le retour à des sources comme le gospel et le blues, a marqué une réappropriation de l'expression par les artistes afro-américains. Mené par Orne•e Coleman, Eric Dolphy, Cecil Taylor, Don Cherry et, de manière plus mystique, par John Coltrane, le free jazz a été l'une des bandes son de la lu•e pour les droits civiques,

Si j'ai tenu à renouer ce lien entre jazz et politique, c'est parce que l'a•itude philosophique inhérente au free jazz nous invite à ne pas accepter les règles préétablies visant à conditionner tout un chacun à une forme d'acceptation soumise écrit le saxophoniste Manuel Hermia, en préambule à son album AUSTERITY… and what about the rage. Laurent Blondiau, trompe•iste/bugliste, travaille aussi sur l'intégration sociale et culturelle, que ce soit dans les quartiers pauvres de Bruxelles ou avec les artistes africains. Ils ne sont que deux exemples de jazzmen belges engagés qui refusent les ghe•os et considèrent la musique non pour elle-même mais comme véhicule de liberté individuelle et collective.

DOMINIQUE SIMONET

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ZOOM

AVEC MANU HERMIA, LE JAZZ EST UN CRI Orneˆe Coleman nous ramène aux sources du free jazz. Le disque transperce comme un violent éclair le paysage souvent C’est agréable de se positionner comme le free jazz l’a fait aux trop sage de la musique. Sa poche¡e rouge sur blanc, son titre États-Unis dans les années 1960. Un musicien peut défendre un AUSTERITY en le¡res capitales, son sous-titre interrogatif and point de vue et participer à la traduction d’un cri. Aujourd’hui, what about the rage ?, ainsi que sa musique libérée ont un très haut nous avons un rapport étrange à la liberté. Notre société per - pouvoir détonnant. Le trio est mené par Manuel Hermia, qui n’en met toutes les libertés et s’en vante, mais quand on se demande est bien sûr pas à son coup d’essai. On retrouve le saxophoniste §û- combien de fois on les prend, ce n’est pas souvent. Toutes nos tiste dans un grand nombre de projets aussi divers que son talent vies quotidiennes sont très cadenassées, donc, dans la musique, et ses envies. Mais ce¡e fois, le musicien accapare le micro pour on essaie de prendre toutes les libertés possibles. Je préfère dire son indignation, sa colère. Si la chose n’est pas nouvelle, elle d’ailleurs dire jazz libertaire que free jazz, qui est trop connoté. s’est faite rare. Ce n’est pas le premier disque du trio, mais c’est le plus incendiaire. Par rapport à notre société, il y a de quoi être surpris du peu de ré- action face à la dégradation de la situation. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce trio ? Je crois qu’en Europe, il y a encore suŸsamment de confort Manuel Hermia : L’aventure correspond à une liberté que j’avais pour que les gens n’osent pas trop s’exprimer. Il faut qu’ils se envie de prendre depuis longtemps. C’est une liberté que de sentent vraiment en danger pour me¡re les fesses dans la rue. jouer seulement avec une basse et une ba¡erie, sans harmonie. Ici en Belgique, comme en France ou en Allemagne, on ne dé - La liberté, ça se partage. Pendant des années, je n’ai pas su avec fend même plus les acquis sociaux. La logique capitaliste doit qui travailler, et la première fois qu’on a formé le trio, on a don- faire des ravages pour que les gens fassent le pas de reme¡re né deux ou trois concerts et on est passé en studio. C’était la tout ce qu’ils connaissent en question. bonne alchimie. Par contre, dans le sud de l’Europe... Comment est venu l’engagement très net du deuxième album ? Je ne prends pas position pour ou contre un parti, mais ce qui se Avec le trio, nous avons beaucoup joué en 2011, à une époque passe avec Syrisa en Grèce et Podemos en Espagne est intéres- où il se passait pas mal de choses en politique européenne. sant. Il n’y a pas d’Europe sociale et il va falloir la construire. Le hasard a fait qu’on a joué dans un Portugal en grève par L’économiste liégeois Éric Toussaint, un ami de Jean Ziegler, exemple. Sur scène, on allait déjà plus loin que sur l’album. a fondé le CADTM, Comité pour l’ Annulation de la De¡e du On avait déjà une histoire et des habitudes très énergisantes Tiers Monde. La Grèce lui a demandé de présider la commis- sur scène, avec des moments de folie. Je vise certes un jazz sion d’audit sur la de¡e créée par le parlement. Sa conclusion, très libre, et j’aime aller dans les extrêmes, dans le cri comme c’est que la dette grecque est en grande partie illégitime et dans la douceur. Mais je tiens aussi à rester accessible pour odieuse. Odieuse, cela veut dire qu’elle appauvrit la population l’auditeur. Durant ce¡e tournée, je suis arrivé avec AUSTE- jusqu’à nuire à la santé par exemple. Illégitime signi£e qu’elle RITY et j’ai expliqué le pourquoi du morceau. On trouve qu’au- a été contractée par des choix faits par des représentants non jourd’hui, en Europe, il y a une urgence et on va vous jouer ce˜e vie dans l’intérêt du pays mais de quelques-uns. quotidienne normale qui se dilue, qui disparaît. On va vous jouer le scandale des gens dans la rue, le chaos qu’ils vivent et le cri né - Vous vous tenez bien au courant... cessaire pour pouvoir changer le système. Après cela, nous pou- Je suis passionné par les sciences humaines, dont j’aurais fait vions gueuler comme des putois devant des publics pas spé - métier si je n’avais eu la passion pour la musique. Je ne lis pas cialement portés sur le free jazz, sauf qu’au lieu d’avoir qui¡é de romans mais des essais d’anthropologie, de politique, etc. la salle, à la £n, les gens étaient debout. Le nouvel album est De Claude Lévi-Strauss à Jean Ziegler, et évidemment toute la venu de là. branche de la philosophie orientale. Tout cela me nourrit.

Cela signifie qu’il faut apporter un sens pour être entendu. Entre cela et la musique de jazz ? Exactement. Je ne fais pas dans l’esthétisme. Quand j’ai une Ce qui est choue¡e dans ce¡e musique comme dans les sciences compo, une intention claire la sous-tend, et quand on fait de humaines, c’est qu’il n’y a pas une seule réponse mais une di - l’improvisation libre, on part toujours d’un principe musical versité qui fait la richesse des choses, de la vie. Je ne cherche ou humain qui crée le cadre. Ce peut être plein de choses. Par pas une réponse, je suis curieux de voir les réponses. exemple Infobesity est un hommage à Orne¡e Coleman sur la vitesse de l’information à laquelle on est soumis, et qu’on Et la réaction du public ? n’a pas le temps de digérer. Il est clair que le sens participe Mon engagement, je le vis en moi, mais je ne vais pas changer le à rendre la musique accessible. C’est comme un tableau d’art monde, je le sais très bien. Tous les grands changements sont col- moderne: parfois, une petite explication éclaire tout. lectifs, auxquels on a éventuellement apporté son petit caillou.

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LES GRANDS TRAVAUX DE LAURENT BLONDIAU Les Ventistes du Faso S’il est quelqu’un d’engagé dans la musique, c’est bien Laurent De fréquents voyages en Afrique de l’Ouest et un constat : au Bur- Blondiau, qui a toujours un projet d’avance et parfois deux trom- kina Faso, pas facile d’être un souÈeur, autrement dit un ven- pe¡es en bouche. Dans les locaux de l’association MET-X, au tiste. Depuis deux ans, avec le saxophoniste Toine Thys, Laurent cœur du quartier populaire de Bruxelles proche de la gare du Blondiau mène un projet complet au travers de master class : Midi, des instruments, des étuis, des partitions. Les projets musi- cours de musique, fanfare des Ventistes du Faso, fourniture d’ins- caux sont des années de rencontres qui te font débouler sur des décou- truments, de matériel tel que huile pour trompe¡e, anches, parti- vertes musicales, dit-il. Tour d’horizon, le regard porté sur l’in£ni. tions, étuis, travail avec un luthier belge a£n d’entretenir le maté- riel et de former une ou deux personnes sur place. Pour l’instant, Le Mâäk le rythme est de trois fois par an, jusqu’en 2017. Un musicien bur- Il existe depuis bientôt 18 ans, à partir d’une « envie libertaire à la kinabé assure la continuité sur place. En 2018, on a envie de faire Orne¡e Coleman ». Tiens tiens... Au départ sous la forme d’un quar- se raccrocher les Ventistes à Remork, dit Laurent Blondiau. te¡e, avec le saxophoniste Jeroen Van Herzeele qui est toujours là, le groupe a été enregistré par Bertrand Flamang, actuel organi- Kawral sateur du Gent Jazz et de Jazz Middelheim, dans un café gantois, Dans un des dialectes burkinabés, Kawral signi£e le rassem - Den Turk. Avec des compositions un peu à la Orne˜e, qui nous per- blement, la rencontre. Essayer de trouver une clé commune aux me˜ent d’être plus libres (tiens donc), le Mâäk a toujours aimé «sortir cultures di³érentes et prendre ces di³érences, comme des données du cadre ». D’où l’idée de jouer dans des lieux incongrus, une laverie positives plutôt que comme des freins, tel est le propos général de automatique, une boucherie bio, un garagiste honnête (sic), pour al- Laurent Blondiau. Cela se con£rme encore avec la nouvelle ex- ler à la rencontre d’un public dit «du hasard ». C’est vrai que le terme tension du quinte¡e Mâäk. Kawral, c’est le projet afro-electro jazz peut faire peur, au risque de se couper d’une partie du public qui réunit des musiciens peu ou prou branché à l’électronique. non informé ou sans moyen. Le Mâäk est, par essence et comme on Le concept est complété par cinq danseurs ouagalais de la com- va le voir, un projet à développements multiples. pagnie du chorégraphe Salia Sanou. Une telle production est toujours plus longue et compliquée à me¡re au point qu’un pro- MET-X jet seulement musical. Logistique, production, mon boulot, c’est À l’origine de l’association, le saxophoniste anversois Luc d’organiser tout ça, dit Laurent Blondiau. Heureusement, c’est un Mishalle, rapprocheur de cultures et de gens. Dans ce quar - aspect des choses qui ne nous rend pas malade. tier très populaire et multiculturel par essence, son associa - La di¥usion de Kawral aura lieu en octobre 2016, au Théâtre tion MET-X propose une maison de musique urbaine tra - 140, lieu de résidence à Bruxelles. Aujourd’hui, pour garder ce˜e vaillant sur la mixité, une chorale d’enfants, un atelier pour liberté, on doit avoir des gens qui croient en nos projets, nous avons ados entre 12 et 16 ans, chaque samedi matin, avec Laurent besoin d’être soutenus. Blondiau, Toine Thys, Tuur Florizoone, une fanfare appelée Wallonie-Bruxelles International, les instances culturelles §a- Remork avec rythmique gnaoua du Maroc. Moi je suis asso - mandes et francophones jouent le jeu ainsi que, pour les Ventistes cié avec eux au niveau artistique, précise Laurent Blondiau. Je du Faso et Kawral, le ministère burkinabé de la Culture. À force passe d’une répétition à l’autre pour assurer un niveau artistique de me démener, j'ai eu la chance de rencontrer des gens qui s'enga- minimal. Même quelque chose de facile est toujours une vraie his - geaient, qui voulaient autre chose qu'un beau concert. toire, une raison d’être.

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APERÇUS APERÇUS Au cœur de la vague hilippe Carly a 58 ans. Il a com- mosphère des lieux. Entre portraits et instants mencé la photo en 1976. À l’époque, capturés sur scène, l’ouvrage enferme une cé- il aŸche dix-neuf ans au compteur lèbre photo de : une image qui ap- et passe le plus clair de son temps partient désormais à l’inconscient collectif. dans les salles de concert en com- Souvent publié en une de nombreuses pu- Photographe autodidacte, fan de pagnie de sa nouvelle acquisition : blications, rarement crédité, ce cliché est bel rock, Philippe Carly laisse traîner un Minolta SR-T 101. Je n’ai pas fait les meil- et bien signé Philippe Carly. Ce˜e photo est à leures photos du monde avec cet appareil. Cela la fois une bénédiction et une malédiction. Beau- son objectif dans les brumes Pdit, ce n’était pas de sa faute, sourit-il. Je suis ar- coup de photographes auraient aimé capturer cet électriques depuis plus de trente rivé à la photographie en dile˜ante. Mon père instant. J’étais au bon endroit, au bon moment. ans. Planqué derrière un ampli m’avait donné quelques conseils rudimentaires. Après, je suis le premier à reconnaître l’évidence : Quand j’ai commencé, je bossais à l’arrache, ins- ce˜e pellicule n’a aucune accointance avec mon ou assis à côté de véritables tinctivement. Avec le temps, l’amateur s’est talent. Ou si peu. Sa beauté mystique tient sur- icônes, il a tiré le portrait des plus aguerri, posant son œil expert à quelques cen- tout au destin tragique du chanteur de Joy Divi- timètres des légendes du rock. On découvre sion. En cela, je n’y suis pour rien. On ne m’a pas grands et immortalisé l’âme de aujourd’hui son travail à travers les 64 pages toujours a˜ribué la paternité de ce cliché… Fi- Ian Curtis (Joy Division). L’artiste de l’album New Wave Photos. Le titre de l’ou- nancièrement, c’est un peu gênant. L’autre « pro- propose aujourd’hui un aperçu vrage surprend quand on tombe nez à nez blème », c’est son aspect encombrant. J’ai pris avec Freddie Mercury sur la scène de Fo- énormément de photos dans ma carrière. Je n’ai de ses plus beaux clichés dans un rest National en 1979. Ce titre fait d’abord réfé- pas forcément envie que les gens réduisent mon livre intitulé New Wave Photos. rence au nom de mon site internet. Cela relève travail à ce tirage. En e¥et, Robert Smith (The davantage d’un état d’esprit. C’est donc un nom Cure), Iggy Pop, Young Marble Giants, Pe- NICOLAS ALSTEEN à prendre au sens large. Partant de là, cet album ter Murphy (Bauhaus), Gary Numan, New ne se cantonne pas exclusivement à la new wave. Order, Nico, Joey Ramone (Ramones), Alan Nimbée de fumée, la couverture du bouquin Vega (Suicide), The Jam, Killing Joke, So- dissimule ses mystères en noir et blanc. Je nic Youth, Siouxsie Sioux (Siouxsie and the ne voulais surtout pas me˜re en avant un ar- Banshees), Psychic TV ou Blondie s’aŸchent tiste plutôt qu’un autre. Ce˜e photo a été prise ici dans la §eur de l’âge. Pour l’éternité. au Magasin 4, juste avant un concert. C’est une belle métaphore pour évoquer le travail du pho- New Wave Photos, Philippe Carly www.newwavephotos.com tographe. Ça touche à la notion d’a˜ente et à l’at- 64 pages, numéroté, signé.

matique est à l’opposé d’un concert tradi- tionnel : 80 haut-parleurs, conçus selon le L’Espace concept de l’acousmonium de François Bayle, se retrouvent dans la salle, en-dessous, au-des- du Son sus, à gauche, à droite, zappant ainsi la case d’interprète. À cela s’ajoutent un jeu de lumière Festival acousmatique et le travail du « spatialisateur » qui donne du international 2015 mouvement à l’œuvre.

AYRTON DESIMPELAERE Consacré ce¡e année aux femmes composi- trices, la volonté de la fondatrice de la sec- tion électroacoustique du Conservatoire de e Théâtre Marni accueillera du Mons est de montrer que le programme met 22 au 25 octobre prochain la nou- en évidence un fait sociologique : La musique DR velle édition du Festival acousma- électroacoustique regroupe plus de femmes tique international L’Espace du Son. compositrices que d’hommes, alors que tradi- ainsi que l’électrodoc, une base de données L’occasion de découvrir un univers tionnellement, les femmes se retrouvent davan- de plus de 12.000 œuvres conçue dans le but encore méconnu, celui d’une mu- tage sur scène. La jeune génération ne sera de préserver toute ce qui a été produit. Élève sique électroacoustique qui tend davantage pas oubliée avec deux sessions consacrées de Pierre Schae¥er (qui créa la première à me¡re en mouvement le mental et l’ima- aux œuvres de dix artistes issus des quatre œuvre de musique dite « concrète »), An- gination que la vue et ce, à travers la spatiali- coins du monde. L’association Musiques & ne¡e Vande Gorne fut l’une des premières L e sation de sons. Anne¡e Vande Gorne, com- Recherches, c’est : une 22 édition d’un fes- à côtoyer l’un des pionniers d’un nouveau positrice et directrice artistique du Festival, tival créé en 1984, une saison mensuelle à genre, accentuant en elle ce¡e volonté de ré- rappelle qu’un concert de musique acous- Bruxelles, des master classe et workshops pertorier et de créer.

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LE . COM DR © okilly killy D O

Dis-moi comment tu t'habilles, je te dirai ce que tu chantes

Pourquoi les « métallos » font-ils tous les mêmes photos avec les mêmes cheveux et les mêmes fringues ? Pourquoi les « classicos » ont-ils toujours l'air aussi coincé, avec leur instrument sur les genoux ? Questions impertinentes ? Peut-être, mais c’est que les clichés ont la peau dure…

DIDIER STIERS

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LE . COM

consciemment ou non, à perpétuer les clichés, d’autres tentent de donner des artistes une autre image. Ou de montrer qui ils sont vraiment. Le Belge Olivier Donnet, par exemple, qui les saisit tels quels à leur sortie de scène pour sa série One Minute AÊer.

CÔTÉ PHOTOGRAPHES J’aime le monde du rock’n’roll, con£ait ainsi Anton Corbijn au ma- gazine Vanity Fair, mais je me tiens à distance. Je ne me cantonne etite blague de musicien : Tu sais que tu joues dans un pas à la photo dite rock car elle est trop restreinte. Ce sont des portraits groupe de rock indé quand tu restes adepte du «no look » Ç les de musiciens, point, je ne témoigne pas d’une scène ou d’un mouve- costumes de scène, c’est mal Ç, même si tu portes la barbe, un ment en particulier. J’essaie de transcender mes personnages, de ré- bonnet et un t-shirt vintage ! En d’autres termes : dis-moi véler leur humanité, leur fragilité comme je l’ai fait avec Nick Cave ou comment tu t’habilles et je te dirai ce que tu chantes. Se- Nirvana. Cela étant, mon travail sur la tournée des Slits, par exemple, lon les genres musicaux pratiqués, les looks et les clichés est un témoignage de ce qu’est le rock au féminin. Trois Žlles sur la qui les accompagnent ont parfois la peau très dure. En général, oui, route… Là, on touche quelque chose de très fort, de nerveux, d’abrupt. ça colle, acquiesce Mathieu Golinvaux, photo journaliste (Le Soir, PL’Avenir) qui vient de passer l’été dans les frontstages des festivals. Le cas d’Anton Corbijn est particulièrement intéressant… J’essaie de trouver quelques noms pour lesquels ça ne vaut pas… L’homme et ses photos sont aujourd’hui incontournables quand on évoque l’iconographie rock. À un point tel, dixit le magazine Dis-moi comment tu t’habilles… Le look punk, qui n’en était pas tel- GQ, que l’imaginaire rock semble avoir été façonné par le regard lement un au départ, fut récupéré, institutionnalisé et commercia- de l’artiste, comme si on voyait le monde de la musique précisé- lisé par ce petit malin de Malcolm McLaren. Plus généralement, ment par l’objectif de son appareil. Paru le 11 mai de ce¡e année, combien de marques de fringues ou d’accessoires ne continuent- l’article évoque Control, son premier long-métrage, et ce noir et elles pas à nous vendre du « look rock » ou « metal » ? Il faut recon- blanc « corbijnien » dans lequel Joy Division et l’aube de la new naître, cela dit, que tout en haut de la pyramide des a¡ributs ai- wave semblent s’être £gés. Je suis ™a˜é que vous suggériez que sément identi£ables, outre ceux des gothiques ceux du rock dur c’est mon travail qui a modelé l’imagerie de la new wave, répondait semblent se perpétuer depuis la nuit des temps, inchangés tant au- alors le Néerlandais. Mais il faut savoir qu’à l’époque, seules les stars près des groupes que des fans. Le pantalon moule-bijoux de famille étaient photographiées en couleur et Ian Curtis est mort avant de deve- qui se décline en lycra, en jeans ou en cuir… Ce cuir et ces clous, nir célèbre. C’est aussi pour cela que Control est en noir et blanc. On ne très appréciés par les Anglais de Judas Priest : on prête d’ailleurs à l’a jamais vraiment connu autrement. Rob Halford une sorte de paternité sur ce¡e variante S&M. Pour- quoi les cheveux (souvent) longs ? Les théories s’a¥rontent : héri- Le travail de Renaud Monfourny, photographe, notamment pour tage de groupes emblématiques style Led Zep pour les uns, indis- les Inrocks, traduit une certaine proximité avec ses sujets. Je pensable pour le headbanging un peu stylé selon les autres… Il est cherche l’élément humain quand je photographie, con£e-t-il. Je suis vrai qu’avec une brosse de GI, c’est tout de suite plus ridicule ! un « anti-glamour » convaincu. Alors, ça peut être le regard, le phy- sique, la personnalité, l’a˜itude... Même si je n’ai qu’une minute, je CHERS CLICHÉS trouve toujours un truc à dire pour que la personne comprenne que je Ces clichés sont malheureusement perpétués et alimentés par les di³é- ne suis pas le 53e photographe de la semaine, mais quelqu’un qui a en- rents acteurs du milieu, au-delà des groupes eux-mêmes, avance Hu- vie de les connaître, quelqu’un qui a un intérêt pour ce qu’ils sont. gues de Castillo (Liberation Frequency sur Radio Campus, ex- programmateur au défunt DNA et par ailleurs graphiste). Peut-on CASSER L’IMAGE ? prendre au sérieux le visuel du Graspop, par exemple ? Le pire au ni- Certes, tout le monde n’est pas photographe de talent. Et puis, cas- veau cliché, c’est le dernier visuel de Loud. L’idée première était de sor- ser son image peut s’avérer diŸcile. Voire délicat quand elle fait tir du délire « crâne & co ». J’ai proposé un devis qui n’a pas été accepté, partie du jeu. Personne n’imagine Alice Cooper monter sur scène alors ils ont choisi des gens qui ne sont pas du milieu et qui sont reve- en costume trois pièces ! Mais il y aura toujours l’un ou l’autre pe- nus avec un visuel cliché dans tous les sens du terme parce que créé à tit malin pour tenter le coup. Même dans des genres auxquels on partir de radiographies du corps humain ! ne pense pas d’emblée. Côté classique, par exemple… Trilogy, c’est Quand on voit par exemple des groupes tels que Kadavar, Orchid ou le… trio que forment Hrachya Avanesyan, Lorenzo Ga¡o et Yos- Uncle Acid, c’est cheveux longs, barbes, fringues vintage et compagnie. sif Ivanov. Les trois musiciens se sont rencontrés au sein de la Sur la scène hardcore ou metal au sens large, il faut avoir l’air méchant Chapelle Musicale Reine Élisabeth… Ils posent malgré tout en et arborer un T-shirt de groupe. Avec, en bonus pour les groupes de jeans, vestes de cuir, lune¡es solaires, bref, façon rockeurs plu- death ou black, la cartouchière, accessoire indispensable ! Même des tôt que groupies d’Herbert von Karajan. Il faut dire que si détour- acteurs respectés du milieu en jouent ou surjouent. With The Dead, nement ou clin d’œil il y a, leur répertoire réserve l’une ou l’autre par exemple, avec Lee Dorrian (ex-Cathedral, ex-Napalm Death), surprise, comme « L’homme à l’harmonica » d’Ennio Morricone, Mark Greening (Ramesses, ex-Electric Wizard) et Tim Bagshaw (Ser- ou le thème de Pulp Fiction par Dick Dale… pentine Path, ex-Electric Wizard), qui nous sort une photo promo des Et, pour en revenir quelques secondes encore à nos amis mé- plus clichés ! De fait : en prêtres au teint blafard sur fond mauve litur- tallos, je m’en voudrais de ne pas mentionner Okilly Dokilly, un gique devant un missel posé sur un lutrin… Mais bon, eux on leur par- groupe de l’Arizona qui a pris Ned Flanders, l’un des personnages donne vu leur CV et le fait que Žnalement, ce n’est pas du chiqué ! des Simpsons, pour « role model ». En tout cas pour exemple ves- timentaire puisque les cinq hurluberlus arborent tous la paire de Quand un groupe n’a pas d’idée pour la photo, résume Hughes de lune¡es, la moustache et le magni£que pull vert par-dessus la Castillo, un bon T-shirt Motörhead fera l’a³aire… pour faire comme chemise rose, comme dans la série… Ce n’est quand même pas tout le monde ! Si certains photographes contribuent eux aussi, compliqué de faire un e¥ort !

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’il faut en croire une étude me- née par l’Université et l’Im- perial College de Londres, les LE HIP HOP, « hit-parades » made in USA auraient vécu trois révolutions : l’arrivée des rockeurs britan- UNE CULTURE niques à l’aube des années 60, la new wave au début des années 80 et l’émergence du Srap en 91. Et selon les chercheurs impli- INFLUENTE ? qués, peut-on lire dans La Presse (Cana- da) : L’avènement du rap et des genres qui y Les rappeurs sont partout ! À la télé, à la radio, dans les festivals, sont liés représentent « l’événement le plus partout ! Certains sont devenus des artistes infl uents, d’autres important à avoir formé la structure musi- des entrepreneurs fortunés. Parfois les deux en même temps, cale des palmarès américains dans la pé- riode étudiée ». Leur conclusion est fondée aussi… Quelques scientifi ques se sont penchés sur leur(s) cas et leur sur l’analyse informatique (d’extraits de 30 conclusion peut paraître étonnante : il y a longtemps que l’histoire secondes) de 17.000 chansons tirées des charts pop américains, de 1960 à 2010. de la musique n’avait plus vécu un événement aussi important ! Kendrick Lamar, Kanye West et Public DIDIER STIERS Enemy plus in§ uents que Lennon, Keef, Roger et les autres ? Ne le dites pas à Éric Zemmour : il en avalerait de travers son yaourt au bi£ dus actif ! Plus sérieusement,

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DÉCRYPTAGE

cela voudrait dire que même si certains Les Ardentes, justement… Cet été, le fes- Il faut aussi évoquer les groupes de hip hop produits sont aussi commerciaux côté rap tival liégeois proposait tout simplement la belges qui émergent aujourd’hui, reprend que dans d’autres genres, c’est sur la scène meilleure aŸ che « musiques urbaines » Kaer. Je parlais avec Primero (Ndlr : L’Or hip hop que travailleraient les artistes les qui soit. Et contribuait ainsi à ce petit coup Du Commun) de Caballero qui galère à pro- plus créatifs du moment. Les plus créatifs, de jeune donné au rap. Belge notamment pos de son statut d’artiste malgré le fait que et donc les plus in§ uents. puisque L’Or Du Commun en était éga- c’est un mec qui a beaucoup de scène. Je me lement. La France et la Belgique évoluent rends compte que c’est une époque qui ne fa- Quid de ce côté-ci de l’Atlantique ? Un coup en parallèle, pas en relation directe, avance vorise aucunement le développement de ce˜ e d’œil sur l’, en ce¡ e moitié de mois Félix, après la prestation « matinale » du culture. Et de nous mentionner une autre d’août… Dixième dans les meilleures ventes groupe. Nous sommes tous actifs, mais c’est étude : La consommation de spectacles liés d’album : Feu, de Nekfeu, le « bogosse » du une autre inspiration. Et je pense que les mo- au hip hop ramène aujourd’hui beaucoup groupe français 1995. Quinzième : BigFlo & teurs ne sont pas les mêmes. Eux sont beau- d’argent. Parce que comme je le disais tout à Olli, les frangins toulousains qui jouent dans coup plus avancés, ces gens-là travaillent l’heure, ce public vient aussi de milieux so- La Cour Des Grands. Plus loin : Black M, avec des maisons de disques et sont super ciaux où il existe encore une stabilité. Ce sont le garçon qui a vécu plein de move sur sa bien encadrés. Une fois qu’on a un peu de des gens qui savent me˜ re 40 balles, 50 balles route… Il y a du Maître Gims et du Nekfeu talent et que ça plaît aux gens, c’est une grosse ou 60 balles pour aller voir un artiste de hip encore parmi les singles bien classés, du facilité, en France. hop. Ce dont ne semble pas tenir compte Soprano et le dernier Akro en date aussi. les pouvoirs publics : Il faut savoir que le A$ap Rocky, Eminem et Kendrick Lamar En France comme en Belgique, enchaîne soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles squa¡ ent les nouveautés en téléchargement. son comparse Robin, le rap a pris une aux cultures urbaines, toutes catégories Et surtout, le nouvel (et dernier) album de place comparable à celle occupée par le rock confondues - des arts plastiques à la danse Dr Dre est a¡ endu comme la pierre philoso- à une autre époque. C’est une musique assez en passant par le rap -, est de 535.000 eu- phale et le Messie réunis. Bref : du français, en phase avec l’époque dans laquelle nous vi- ros annuels. Pour le théâtre, il est de 25 mil- de l’américain et un peu de belge. vons : elle parle facilement, elle est facile à lions ! Or, le secteur des spectacles hip hop gé- Un peu de belge… De quoi se demander ce écouter en Ž n de compte dans le texte, la com- nère de l’argent, de l’emploi, et des taxes donc que pèse le rap en Fédération Wallonie- munication est directe. des rentrées pour l’État. En d’autres termes : Bruxelles. Une chose est sûre : ce n’est pas Star§ am, un orchestre ou une troupe de forcément dans les chi¥ res de vente que Oui, mais la Belgique, alors ? Je crois qu’il théâtre, ce n’est pas très di¥ érent. Nous se trouve la réponse. La Belgique n’a ni est plus facile de se démarquer en Belgique sommes dans le culturel. Mais nous niquons poids lourds ni grandes gueules à la Boo- parce que il y a moins de mc’s. Mais l’accès l’élitisme ! Il n’y a pas de star system dans ce ba, ni phénomènes comme BigFlo & Oli à un niveau, à un encadrement profession- pays, alors arrêtez de jouer les beaux aux qui font exploser le compteur de clics à nel est plus réduit. Les majors sont peu ac- Magri˜ e et investissez dans la vraie culture, chaque nouvelle vidéo balancée sur You- tives sur le hip hop en Belgique, ce qui n’est celle qui se passe au quotidien. Tous secteurs Tube. Mais l’accueil réservé dans les fes- vraiment pas le cas en France. Ils ont des confondus. Je suis contre l’injuste répartition tivals cet été aux revenants de Star§ am moyens, et quand ils percent, ça prend tout de l’argent public. fut impressionnant. DiŸ cile aussi de pas- de suite une autre ampleur. Pas de major ser à côté de « p’tits jeunes » productifs pour L’Or Du Commun ? Nous avons eu Le débat est ouvert ! comme La Smala ou L’Or Du Commun. une proposition l’an passé, mais nous ne nous Et du boulot (booking, management) ac- sentions pas prêts. Le groupe a alors « tem- compli depuis Charleroi par une struc- porisé » en o³ rant L’Odyssée en télécharge- ture comme Back In The Dayz. ment gratuit sur le Net. Aujourd’hui, nous pensons clairement à sortir quelque chose en Je crois que les programmateurs n’ont plus major et retourner vers eux. Je pense qu’ils le choix, assure Kaer de Star§ am au Soir, a˜ endent encore. Espérons… juste avant de monter sur la scène des Ar- dentes. Ils ne peuvent pas ne pas program- Si le rap que nous concoctent les artistes mer du hip hop. C’est une des musiques les du cru ne manque pas de public, tout n’est plus écoutées, les plus achetées, consommées cependant pas encore rose pour autant. à l’heure actuelle. Non seulement par un pu- Pour Pavé de Star§ am, il devrait être re- blic jeune, mais aussi par un public de la connu à sa juste valeur. J’ai l’impression classe moyenne. Ce n’est plus une musique que si nous avions été un groupe de rock, ce ghe˜ o : elle a franchi les barrières sociales, serait encore plus énorme. En Belgique, s’en- mais aussi celles de l’âge. Ça, on s’en rend tend. Kaer : Et encore plus si nous chantions compte maintenant, avec des gars comme en anglais ! Fred, le £ dèle ingé-son com- nous qui revenons sur scène, devant un pu- plète : Nous partons avec un handicap. Mais blic qui est toujours là mais qui connaît aussi en même temps, c’est ce qui nous nourrit aus- Kendrick Lamar par exemple. si, ça fait partie de nos motivations.

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IN SITU…

IN LeSITU Reflektor… CLUB LIÉGEOIS, SVP ! DR

Dans l’ancienne gare des bus de la Sauvenière, idéalement située au coeur de Liège, le Reflektor monte le son depuis mars dernier. Un lieu de concert et un café bienvenus dans le paysage. Ici, on joue musicalement la diversité et spatialement la longueur, en référence à l’affectation passée.

VÉRONIQUE LAURENT

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IN SITU… DR DR

errière les re§ets de la haute façade vitrée, les le¡res gauche, sous la Cité. Dans l’aménagement du Re§ektor, les ré- de son nom se voient de loin. L’enseigne du Re§ek- férences abondent. Une cabine-guichet d’époque, déposée à l’en- tor s’inscrit au bout des ruelles d’un centre liégeois trée, sert par exemple à la vente des tickets. Le bar au la¡is de peu à peu re-dessiné ces dernières années, en plus bois rythmé respecte la cohérence vintage. Les portes à hublot grand, en plus convivial. De nouveaux commerces du fond du café sont inspirées par celles de la piscine. Côté tech- sont arrivés. Des terrasses ont surgi des pavés dans la nique, rien d’ancien. La salle de 600 personnes (debout) est entiè- rue de la Casque¡e, élargissant ainsi le Carré. Les rues piétonnes rement recouverte de panneaux de bois perforés, et possède,– un viennent s’échouer à l’entrée de la place Xavier Neujean. Juste en bureau spécialisé s’en est chargé –, l’une des plus belles acoustiques Dface, un Foodtruck, des chaises et des tables métalliques en ter- que j’aie pu expérimenter, déclare le peu loquace mais très actif rasse annoncent le nouveau club, un des projets occupant le rez- Fabrice Lamproye, co-gérant du lieu via l’ASBL Festiv@Liège de-chaussée des anciens Bains et Thermes de la Sauvenière fraî- et fondateur à l’époque du café l’Escalier, ancien également de chement rénovés et qui abritent aujourd’hui le complexe culturel la Soundstation et organisateur de nombreux festivals (Les Ar- de la Cité Miroir. dentes). Au sous-sol s’alignent des loges spacieuses avec douche, un coin catering. Ici aussi la touche vintage reste eŸcace, dans STATION SPATIALE un esprit industriel sans £oritures. Au mur du couloir, des pho- L’imposant bâtiment des Bains est né dans les années trente de tos sépia de la gare des bus dans les années cinquante, dans toute la volonté d’un échevin d’emmener la ville vers le progrès social. sa moderne splendeur. Ça passait à l’époque par ce que l’on appelle l’hygiénisme, ou l’ac- cès au sport au plus grand nombre. La conception de l’ensemble RÉFLECTION a été con£ée à l’architecte Georges Dedoyard, auquel on doit aus- Inaugurée en mars, avec un concert du groupe belge Oscar and si à Liège, entre autres, le Pont des Arches ou le grand magasin the Wolf, le Re§ektor (inspiré du titre d’Arcade Fire et clin d’oeil « Au Bon Marché », plus connu aujourd’hui sous le nom de Gale- en miroir à la Cité) joue son rôle dans la re-dynamisation du ria Inno. L’édi£ce aŸche les caractéristiques modernistes : bé- quartier. À côté, il y a encore le très architecturé cinéma Sauve- ton, lumière, refus de l’ornement, fonctionnalisme. Commencé nière et tout concorde à ce que la Place Neujean redevienne un en 38, inauguré en pleine guerre en 42, il en vient à représenter des passages préférés des citadins. Comme elle le fut au temps architecturalement, avec son style Bauhaus banni par les nazis, des bains ou à l’âge d’or de la gare des bus. Liège évolue ? Elle un symbole de résistance. Puissante structure de béton ouverte n’est pas appelée ardente pour rien, remarque encore Fabrice Lam- à la lumière, la construction abrite en hauteur deux bassins de proye. Mais il y a encore des choses à faire. Il faudrait que les liégeois natation sous une impressionnante voûte de verre, des salles de se bougent un peu plus. Le public a suivi le mouvement mais son sport, ou encore une salle de billard et même un dancing, sans renouvellement est un autre dé£. Des gens se déplacent… mais oublier la gare des bus située au rez-de-chaussée, mise en ser- surtout de Maastricht. vice plus tardivement. Les Bains et Thermes de la Sauvenière restent en service jusqu’en 2000 et fabriquent les souvenirs nos- La salle, membre du réseau Plasma, di¥use des musiques ac- talgiques de nombreux liégeois. Ils sont ensuite fermés pour rai- tuelles (rock, pop, electro, urban, world/jazz et autres), accueille sons de sécurité. Abandonné, dégradé, Ç on parle même de dé- en concert ou en résidence des artistes de la nouvelle scène belge, molition Ç, le complexe sanitaire et sportif est heureusement et propose des groupes plus con£dentiels. Le club, nouveau lieu classé, en 2005, monument au Patrimoine wallon grâce à une dynamique, toujours ré§ecteur de la modernité de son temps, ré- mobilisation citoyenne. Les projets émergent mais les histoires verbère aujourd’hui sinon la lumière, du moins le son, avec e¥et de réhabilitation sont souvent de longue haleine. La Cité Miroir ampli£cateur. sera £nalement inaugurée £n 2014.

DYNAMIQUE URBAINE Liège manque, depuis l’arrêt « terminus » de la Soundstation

en 2008, d’une salle de concert de jauge moyenne. La ville met Reflektor. Place Xavier Neujean, 24-4000. Liège alors à disposition l’espace transformé des anciens quais, côté www.reflektor.com

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sentiments à travers des mélodies ouvertes aux quatre vents. Sous une poche™ e dessinée avec le cœur par l’illus- trateur Fabrice Pellé, on découvre six titres : des morceaux marqués par Lawrence Le Doux les vieilles mécaniques Pollution math-rock et profon- Vlek/Kompakt dément infl uencés par les traditions du Dans un monde en blues saharien. Entre proie au changement harmonies répétitives climatique, sur une et arpèges déviants, planète de plus en plus les chansons prennent sensibilisée aux ques- corps et pénètrent tions écologiques, la l’esprit. NA Pollution de Lawrence Le Doux se pose dans l’air sans jamais mena- cer la couche d’ozone.

Quelques mois après la Lou Elboud © sortie du EP Terrestre, tiples instruments. On en rajoute sans cesse Laurent Baudoux res- Céléna-Sophia sort son fameux alter de nouveaux pour diversiŽ er notre écriture. ego electro pour ima- À l’aventure On se fait aussi des cadeaux utiles pour le giner quatre nouvelles TEAM4ACTION projet comme récemment une mandoline productions maison. The Dude parce qu’on avait adoré le son sur la B.O. Entre beats aquatiques Cadillac Les deux prénoms qui composent le jeune d’Into the Wild. Guitares acoustique et (Story) et coups de Depot 214 groupe Céléna-Sophia sont ceux de deux électrique, pédales loop, mais aussi xylo- matraque stratosphé- sœurs originaires de Chapelle-lez-Herlai- phone et violon sont au programme d’un riques (Liquide), cet Sur les conseils avisés essai vient confi rmer du compositeur Laurent mont, que tout oppose au niveau des ca- premier EP qui a vu le jour en avril et qui l’agilité tout-terrain de Stelleman, plusieurs ractères et des univers musicaux, mais comprend des titres aux mélodies pop cat- Lawrence Le Doux. Aus- musiciens du coin que tout réunit une fois qu’elles décident chy à souhait comme sur Dis-le moi plus si à l’aise sur les pentes montent à bord de d’unir et de croiser leurs forces respec- fort aux accents mi-Louise A¡ aque mi- d’une montée techno Cadillac, le premier tives. L’une est fan de chanson française, Été 67 ou encore sur À l’Aventure qui est album de The Dude. que dans les inclinai- imprégnée des textes de Renaud et base aussi le titre de ce¡ e première fournée de Bande-son carburant sons d’une electronica ses textes sur les pensées positives, l’autre titres. On enchaîne depuis quelques mois les downtempo, l’artiste au sans plomb, l’aff aire signe ici un nouveau trace le bitume avec le est une inconditionnelle de post-rock, de résidences et les stages d’écriture et cet été, on tour de force. NA coff re chargé de subs- compositions mélancoliques et rêve de a fait plusieurs dates importantes comme les tances psychédéliques. grandes plaines américaines. Du coup, Francos ou le BSF avant de partir au Cana- Dans l’habitacle, per- ce¡ e mixture familiale donne une pop- da. Des expériences qui nous font progresser cussions pétaradantes, folk chantée en français, enjouée mais et mûrir et qu’on espère bientôt transformer cuivres clinquants et faite de parts d’ombre et colorée de mul- en un album. contrebasse molleton- DAS née donnent vie à des compos délicieusement référencées. À fond les d’Andenne érige un mur folk avec l’envie de grim- pistons dans les contre- du son en recyclant ha- per toujours plus haut. allées du rockabilly, The bilement les brique™ es La voix perchée sur des de la Britpop. Quelque mots français, anglais Loïc Joseph Dude déboule dans les part entre les mélodies ou espagnols, l’artiste Parades décors du Boulevard entraînantes des Ste- explore ses sentiments Autoproduction de la mort. Ici, comme chez Tarantino, on reophonics et le chant avec naïveté et raffi ne- Voix grave, solennelle et se passionne pour les traînant d’Oasis, Elvis ment. Entre le fantôme grelo™ ante, Loïc Joseph pellicules rayées, les Black Stars fait parler la de Lhasa, l’âme esquisse les itinéraires carlingues chromées et Elvis Black Star puissance des guitares. Lara Leliane d’Hanne Hukkelberg et Free alternatifs du folk sur les grands road movies EP#1 Soucieux de son effi - quelques enfantillages Home Records les cordes de sa guitare motorisés des années Anorak Supersport cacité, le quatuor peut chipés dans la plaine électrique. De retour encore peaufi ner son de jeu de Camille, Lara 1970 (Macadam à deux Plus d’un an après la Sortie du bois avec son avec un nouvel EP (Pa- originalité. NA Leliane s’invente un voies, Vanishing Point, sortie de son premier premier album sous rades), il s’aventure au- petit troquet bohème, La balade sauvage, album, Elvis Black Stars le bras, Lara Leliane jourd’hui sur les coteaux un cabaret bucolique Zabriskie Point). Soit secoue de nouveau ses colporte dix chansons rocailleux de la pop où les habitués picolent un trip instrumental amplis en appuyant libres et décomplexées. moderne. Un peu plus à du thé en compagnie à consommer sur des à fond sur la pédale Confectionnées dans l’Est que Bill Callahan de CocoRosie et Juana chapeaux de roue. NA de distorsion. En cinq les recoins de l’imagi- (Smog), un peu moins Molina. Un endroit par- titres, surveillés de naire, ses mélodies se à l’Ouest que David fait pour rêver. À l’écart près par un doberman fro™ ent à l’écorce de la Berman (Silver Jews), du monde. NA aux aguets, le groupe pop et escaladent les le Bruxellois expose ses branches de la musique

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d’éléments percus- trio liégeois change de cap en publiant un sifs et électroniques disque modérément modéré, le sulfureux s’imposant ensuite ci et là. Un DVD reprenant Burning Pa˜ ern Etique˜ e. Engagé contre la composition Street la banalité du quotidien, en pétard pour Music, pour violon un rien, The K ralentit (un peu) le tempo « branché » à divers mais ne relâche jamais la pression. Ici, on eff ets électroniques avance tout en retenue, en essayant de dis- réservés habituellement tiller une atmosphère, d’installer des am- Guillaume Vierset/ au monde des musiques biances, explique Sébastien von Landau, HARVEST Group actuelles pop ou rock (loops et autres eff ets) guitariste et voix écorchée du projet. On Igloo Records en résonance avec les voulait faire quelque chose de plus posé et mes- atmosphères et les quin. Du coup, on ne gaspille plus notre éner- Ce n’est évidemment bruits de la ville. Le fi lm pas un hasard si Guil- gie. On la garde pour frapper là où ça fait mal. est signé Manon de Boer laume Vierset (aussi Enregistré sur plus d’un an entre Waismes et l’interprétation est aux commandes du (Studios La Chapelle), Namur (Noise Fac- de Vincent Royer. FXD LG Jazz Collective) a tory) et Liège (Studio 5), Burning Pa˜ ern choisi de nommer son Etique˜ e conjugue ses in§ uences brui- groupe « Harvest ». La tistes au présent (Pissed Jeans, Clockclea- couleur est clairement ner) sans renier l’héritage des plus grands annoncée, son band s’inscrira dans le sillage The K (Fugazi, The Jesus Lizard). En dix titres du mythique Harvest Burning Pa ern Etique e rongés par une rage intérieure, The K re- de Neil Young. Avec charge ses ba¡ eries et redé£ nit son dis- JAUNEORANGE/[PIAS] un premier disque cours. Ce disque est moins artisanal, moins directement inspiré des abrupt, moins insouciant. Pendant l’enregis- 60’s et où Jeans déchiré, torse nu ou en slip. Au trement, on s’est pris la tête sur les sons, on a planent les ombres de Bach Motetten Vox Luminis cours des deux dernières années, The K utilisé des synthétiseurs et viré la guitare sur Nick Drake (avec pas Outhere / Ricercar moins de trois reprises a donné de son corps pour retranscrire la certains morceaux. Pas mal de gens vont être du guitariste britan- Après une incursion frénésie de son premier album (My Flesh surpris. Ce qu’on propose ici, c’est une autre nique au compteur de au sein de la musique Reveals Millions of Souls) sur scène. De re- expérience. Peut-être moins brutale, mais ce premier disque), de religieuse baroque tour dans l’arène du rock indépendant, le tout aussi radicale. NA Bob Dylan ou du Loner. allemande, Vox Luminis La teinte reste bien sûr revient avec ce pre- jazzy et est rehaussée mier enregistrement tité du projet. Baptisé Therapy, ce nou- par un quintet guitare / intégral des motets des vel essai enferme les espoirs et les souf- contrebasse / ba™ erie / ancêtres de Johann saxophone / violoncelle Sebastian Bach (avec frances d’un rappeur balloté par la vie. bien équilibré. FXD notamment des œuvres Je l’ai composé pendant une période agitée. retrouvées récem- J’ai traversé une dépression et surmonté un ment en Urkraine). La échec sentimental qui m’a coûté la garde de richesse polyphonique ma fille. À ce moment, la musique était ma des pièces enregistrées, bouée de sauvetage, mon antidépresseur. associée à la touchante En marge d’une reprise des Stereo MC’s émotion dégagée par les chanteurs du talen- (le tube Connected), DYnamic mélange tueux ensemble, font de les racines de son hip hop au dubstep de cet enregistrement un Kromestar (Higher), au reggae de Sizz- intéressant témoignage la (The Bridge) ou au rock de Von Dur- © Pascal Schyns© Jean-Luc Fafchamps de la fi liation au sein den (LOML). Cet assortiment est naturel. Gentle Electronics de l’œuvre de JS Bach. DYnamic J’ai grandi au contact de tous les styles mu- Sub Rosa Le CD est accompagné sicaux. Historiquement, le hip hop découle d’un livret reprenant Un double album. Un Therapy l’entièreté des textes du travail des DJ’s, de leur volonté de sam- CD comprenant la LGSR chantés avec des pler la sono mondiale. Je me pose en héritier composition Beth/Veth nouvelles traductions de cette tradition. Quand je collabore avec pour piano, percussions française et anglaise. métalliques et installa- Planqué sous la casquette de DYna- quelqu’un, ce n’est pas pour la hype, mais FXD tion électronique, une mic, Mamadou Ba a lié son destin au par passion. En phase avec son discours, pièce dédiée à Stephane hip hop. Né en Mauritanie, le garçon a DYnamic met même son dernier single Ginsburgh relié pour grandi à New York, épicentre d’un mou- (Nourish Your Seed) au service d’une cam- ce™ e interprétation à vement alors en pleine émergence. Ins- pagne de sensibilisation Child Focus. Ce des capteurs de mou- tallé à Bruxelles depuis une bonne dé- morceau parle de l’absence de l’enfant. Le vements en interaction cennie, il vient d’imaginer une suite à rapport est évident. Je vais verser un pour- avec l’environnement du piano. Une composition Serious Nonsense, premier album publié centage des ventes de mon album à cette or- parfois proche d’une en 2011. Quatre ans, ça peut sembler long. ganisation. Il me semblait essentiel de lier le œuvre pour piano de Mais c’était le temps nécessaire pour établir geste et la parole. La main sur le cœur, DY- Scelsi avec des incrusta- une stratégie, trouver un producteur, faire namic aŸ rme ici sa générosité dans l’ef- tions d’abord discrètes aboutir les chansons et renforcer l’iden- fort. Un véritable jusqu’au-boutiste. NA

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ELECTRO It It Anita The Names EP#2 Stranger Than You LISTE Lawrence Le Doux Honest House Records Factory Benelux Pollution Vlek/kompakt Loïc Joseph DES Parades URBAN Autoproduction EXPÉRIMENTAL DYnamic SORTIES Organic Therapy ENVOYEZ-NOUS LA Les Boucles Empty Century LGSR ansurdes Manic Depression Records DATE DE SORTIE DE Into my Brain VOS PRODUCTIONS. Off - The Dudes WORLD TRAD Nous relaierons dans ces colonnes : Cadillac [email protected] Depot 214 Aka Balkan Moon & FOLK Alefba

The Hills Mover Double Live StoferYann © CHANSON Caçamba Dead Notes Outhere/Instinct Batendo Cancelas Céléna & Sophia Autoproduction Home Records ANTOINE TENTE SA CHANCE À L'Aventure The K AU CANADA Team4Action Lara Leliane Burning Pa ern Eti- Free Guillemot q u e  e Son disque, réalisé par le tout étoilé Renaud Letang, Home Records Je vole sous l'eau Jaune Orange/[PIAS] off re une chanson pop calme aux arrangements riches Autoproduction et aux mélodies accrocheuses, menée par les titres Fou JAZZ BLUES et Bye bye, hyperaccrocheurs. Jali Une seconde avant Babelouze Lu sur www.ledevoir.com, posté le 12 juin par l'autre Pavane de l'âne fou ÉCHOS D’AILLEURS Philippe Papineau Barclay/Universal Collectif du Lion

Mathieu Duchêne Eve Beuvens Composition Heptatonic Mistin Music Igloo Records

Olivier Terwagne Fabian Fiorini Mnemosyne De Papillons noirs Autoproduction Elnegocitorecords

Wendy Nazaré Guillaume Vierset À titre d'ailes Harvest Group Hello Musique Songwriter AZ Productions

CLASSIQUE - Ivan Paduart

CONTEMPORAIN Folie douces FREAKSVILLE, LABEL EUROPÉEN DU © Mael G. Lagadec Igloo Jazz Records André Stordeur MOIS D’UNE RADIO NANTAISE Complete analog and Rêve d'éléphant IGOR GEHENOT EN TRÈS BONNE digital electronic works orchestra Chaque mois, Eur@dioNantes vous présente un label COMPAGNIE 1978-2000 Odyssée 14 européen à l’antenne et sur le site internet. (...) Auda- Sub Rosa W.E.R.F. Records cieux et indépendant, Freaksville Record se démarque Si l’infl uence des Bil Evans, Keith Jarre™ , Paul Bley, voire, par son esprit iconoclaste hors-norme. Bach Whocat plus près, de Brad Meldhau, semble légitime, son abord Johann, Johann Chris- Blueprints mélodique est soutenu par une rythmique moderne, qui toph, Johann Michael Autoproduction dynamise constamment son récit. (…) le leader intègre Mote en, Vox Luminis une grammaire contemporaine du trio jazz, où sous son Lionel Meunier LE QUATUOR ALFAMA ET SA REMAR- classicisme apparent, miroitent les refl ets d’un langage POP-ROCK Outhere/Ricercar QUABLE JUSTESSE STYLISTIQUE plus immédiat, élégant, à l’articulation limpide, soutenu Alice On The Roof Jean-Luc Fafchamps par une parfaite technique. Alice On The Roof EP Installé à quelques encablures du Musée Pompidou, Gentle Electronics Labet & Labet/[PIAS] le Centre Wallonie-Bruxelles constitue le rendez-vous In Jazz News, juin 2015, écrit par Romain Grosman Sub Rosa incontournable de la culture belge francophone à Paris. Captain Cheese- Pierre Bartholomée Beard (…) Avec le Quatuor Alfama, on éprouve un sentiment Œdipe sur la route Symphony For Auto de bonheur partagé tant le dialogue entre les instru- Evidence Horns mentistes fonctionne à merveille. Le court Alla Marcia Respighi Mo™ ow Soundz de Bri™ en est rendu avec un humour très british, leCa- Metamorphoseon priccio de Mendelssohn possède la dimension aérienne Elvis Black Stars Orchestre Philharmo- requise, tandis que le Langsamersatz de Webern déploie EP#1 nique, Royal de Liège un expressionnisme chaleureux. En conclusion, le Qua- Anorak Supersport John Neschling, direction tuor n° 12 « Américain » de Dvořák affi rme une remar- Bis Feel quable justesse stylistique jusqu’au Vivace ma non Feel troppo fi nal, engagé, sous des archets enthousiastes et COMPILATIONS Moonzoo Mucic d’une parfaite homogénéité. Gonzo Jazz World Lu sur www.concertclassic.com, posté le 10 juin Gonzo EP Compilation 2015 2015 par Michel Le Naou Autoproduction Ça Balance

Pop World Compilation 2015 Ça Balance

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VUE DE FLANDRE Wim Mertens L’ODYSSÉE Souvent associée à Philip Glass et Steve Reich, la touche du compositeur Wim Mertens rayonne bien au-delà du minimalisme. Avant-gardiste éclairé et passablement allumé, l’homme décline ses visions au cœur d’une discographie plantureuse, dans Alex Vanhee © des films, au théâtre et dans les décors de la série Amour, Gloire et Beauté. Tailleur de sons pour Dior, e plus grand compositeur §amand Wim Mertens en activité a vu le jour du côté de Charaktersketch parfumeur de mélodies chez Yves Rocher, il a offert Neerpelt, en 1953. Si on identi£e WMM/[PIAS] un jingle à Proximus et un concert à Vangelis. Suite aujourd’hui ses désirs instrumen- taux par le prisme du piano, tout à un trip en Grèce, l’artiste réinvente aujourd’hui a commencé sur les cordes d’une l’Europe dans une trilogie orchestrée de mille idées. guitare acoustique. Mon père était musicien amateur. Il maîtrisait une quinzaine d’ins- NICOLAS ALSTEEN Ltruments di³érents. C’est grâce à lui que je suis arrivé à la musique. Dès l’âge de huit ans, nature. En comparaison avec d’autres com- est essentiel de rappeler que Rome a vain- je me suis inscrit dans une académie, à Gand, positeurs, ce n’est pas si exceptionnel, tem- cu ses opposants en Grèce. C’est à ce mo - pour m’initier à la guitare. Ce˜e période a père-t-il d’une modestie exemplaire. En ment que l’Europe est passée sous le com- été décisive pour la suite de ma carrière. La marge d’une discographie opulente et mandement romain. Sur base de ce constat, guitare est un objet qui épouse parfaitement fascinante, sa musique s’infiltre régu- j’ai établi des connexions entre ce˜e bataille le corps de l’enfant. Elle permet d’aborder si- lièrement dans le monde du cinéma, au navale et la situation de l’Europe après la multanément la sainte trinité : rythme, mélo- théâtre et dans quelques campagnes pu - crise Žnancière de 2007 – et, par extension, die et harmonie. Ces derniers temps, je l’intro- blicitaires. France Télécom, Dior ou Yves le malaise culturel, la problématique des mi- duis souvent dans mes travaux. Le morceau Rocher lui doivent du son pour quelques grants en Méditerranée et tout ce qui boule- Post and Postures, sur le nouvel album, réclames raŸnées. Chez nous, son mor- verse actuellement notre continent. Le déve- est un bon exemple. C’est de la mélancolie, ceau Struggle For Pleasure s’est métamor- loppement historique de l’Europe enferme comme un écho de l’enfance. À peine diplô- phosé en jingle à l’appel de Proximus. Ce des pistes de réËlexions pour notre ave - mé du Conservatoire royal de Bruxelles, titre est célèbre en Belgique, mais il a eu plu- nir. Plusieurs indices nous montrent en ef- Wim Mertens rallie les rangs de Radio 2. sieurs vies. Il est apparu dans la bande-son fet qu’il faut changer les choses en profon- Engagé pour produire des concerts, il se d’un Žlm aux États-Unis, mais aussi dans deur. Sur sa lancée, le compositeur publie fait plaisir en invitant les ténors du mini- un épisode de la série Amour, Gloire et l’album Charaktersketch, premier volet malisme. Philip Glass et Steve Reich ré- Beauté. Pour les publicités, je n’ai jamais d’une trilogie politico-culturelle. À ran - pondent à son invitation dès 1978. L’année rien enregistré ou ré-enregistré. Pour une ger quelque part entre les œuvres de Mi- suivante, il a¡ire Vangelis en Belgique. Un question d’éthique, j’ai toujours donné mes chael Nyman et Terry Riley, ce disque cas resté unique dans l’histoire. Dans la œuvres originales. offre neuf compositions au savoir-faire foulée, il réalise un premier album intitulé de seize musiciens. La deuxième partie For Amusement Only. Grexit, Romarriving : l’éveil d’une trilogie sera jouée en solo, au piano. Le dernier ver- À l’époque, j’avais 25 ans et je ne savais pas européenne sant sera une pièce orchestrale. Ce projet de où j’allais, con£e le compositeur. Je ne dis L’année dernière, Wim Mertens passe trilogie, je le fais une fois dans ma vie. Même pas que j’étais perdu, mais je cherchais en- le mois d’août à 500 kilomètres au nord si j’y vois un rapport très fort entre les arts et core ma place dans le monde musical. Après d’Athènes, du côté de Préveza. J’ai donné le pouvoir, j’aborde les choses comme un en - la Seconde Guerre mondiale, on a créé de la un concert là-bas, au cœur d’un sanctuaire fant. Avec ce que ça comporte de surprises, musique en système : musique sérielle, do- édiŽé en l’honneur de l’Empereur Auguste. de risques et d’éléments liés au hasard. Avec décaphonique, etc. Tout était abstrait, hyper Le lieu a été baptisé Nicopolis – la ville de la ce projet, je me sens en phase avec mon mé- calculé. Dans certains cas, l’aspect visuel de victoire – en référence à la bataille navale tier. Un compositeur, c’est quelqu’un qui doit la partition importait plus que la musique remportée par les Romains en 31 avant JC. échapper aux classiŽcations, un musicien à en elle-même. Ma génération est arrivée à la Auguste y avait défait la ™o˜e de Marc-An- même d’imaginer de nouvelles lignes d’hori- Žn de ce mouvement. Comme moi, d’autres toine et Cléopâtre. C’est dans les ruines de zon, une personne susceptible d’enrichir le ont essayé de sortir la musique de ce˜e hié- ce site archéologique que le compositeur langage musical. Là-dessus, aucun doute, rarchie verticale et autoritaire. C’était exci- entrevoit la possibilité d’un nouveau pro- Wim Mertens a bel et bien trouvé sa voie. tant. Car tout était à faire. Depuis, quelque jet. Je me trouvais dans un endroit mécon- mille titres et plus de cinquante albums nu du grand public et pourtant fondamen- de Wim Mertens se promènent dans la tal d’un point de vue européen. Pour moi, il www.wimmertens.be

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VUES D’AILLEURS douard Bressy E ©

VUE DE FRANCE Jean Rondeau LA MUSIQUE TOUS AZIMUTS Des récompenses à ne plus savoir qu’en faire, un premier disque remarqué, à vingt-quatre ans (seulement), Jean Rondeau joue (déjà) dans la cour des grands. Il faut dire que, sous ses doigts, le clavecin chante, crépite et respire comme rarement, avec un naturel confondant et une gourmandise contagieuse. Pas de doute, ce jeune homme, à l’aise dans ses baskets et dans son époque, est parti pour faire des ravages. La tête froide et bien faite, il ne varie qu’un seul thème à longueur d’interviews : la passion – volontiers boulimique – comme moteur artistique.

NICOLAS DERNY

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VUES D’AILLEURS

Claveciniste, Jean Rondeau ? Musicien ! carte de visite, son premier disque, sorti Sautereaux pour le baroque (en solo ou en 2014, met la majeure partie de la cri- au sein du quatuor Nevermind), marteaux tique dans sa poche – le CD est notam- pour le swingue (avec le groupe Notefor- ment estampillé « Choc » de Classica. get). Ma passion pour le jazz a grandi avec celle Pourtant, le jeune homme vise haut : il pour le piano pendant mon adolescence. C’est y interroge Bach (« le patron », comme il même davantage une passion pour l’improvi- dit). Mieux vaut s’adresser à Dieu qu’à ses sation : une branche fondatrice et essentielle de saints ? Voire. La plupart des œuvres au la musique qui entretient un soulèvement inŽ- menu sont arrangées par d’autres. Drôle ni de questions. Je pense que l’in™uence que je d’idée, dira-t-on. Les pièces pour clavier peux y trouver rétrospectivement va toucher le du Cantor de Leipzig ne manquent pas. Il geste musical. À savoir, deux styles di³érents faut lire le titre : Imagine. Comme son nom perme˜ent d’aborder l’immense ré™exion sur le l’indique, je trouve que l’imagination réside geste, son rapport au silence et à l’inconscient. au cœur des questionnements et appréhen- À ses heures (pas vraiment) perdues, il rêve sions d’un interprète, d’un musicien en géné- aussi de direction et compose. S’il n’est pas ral. Ce projet est donc né simplement d’une ntroduire un portrait de Jean Ron- le premier à dépoussiérer l’image de sa cor- envie de parcourir ce registre imaginaire au deau est presque trop facile. Son (pré- poration – le blouson de cuir du génial Sco¡ travers la musique de Bach. Les transcrip- tendu) look de rock star o¥re une in- Ross faisait déjà jaser il y a belle lure¡e –, il tions sont, de toute évidence, un lieu de l’ima- contournable accroche dont la presse semble être aujourd’hui le seul à avoir au- ginaire ; c’est pour cela qu’elles furent inévi- – musicale, culturelle, quotidienne, fé- tant d’horizons di¥érents et à posséder le tables pour ce programme, mais cela ne veut minine – se régale. Tignasse en pétard, talent nécessaire pour pouvoir toucher à pas dire pour autant que c’est un disque d’ar- bracelets métalliques, barbe de quelques tout ce qui lui fait de l’œil. rangements. On peut y trouver le Concer- jours, chemise en jean et décontrac- to italien, par exemple. C’est davantage une Ition absolue, quoiqu’on lise, impossible VU À LA TÉLÉ balade sur un terrain qui me passionne. La d’échapper à la description de sa dégaine Qu’il le veuille ou non, son allure pas ba- forme et l’étiquetage de ce˜e balade n’ont pas faussement désinvolte. Ensuite, on énu- nale pour un claveciniste fait de Rondeau tant d’importance que ça à mes yeux. mère généralement la liste de ses pres- le chouchou de la presse. Un mal pour un tigieux professeurs, de Paris à Londres, bien : sa présence dans le cirque média- Tignasse en pétard, bracelets métalliques, de l’initiation aux master class (Blandine tique décloisonne son instrument, sinon barbe de quelques jours, chemise en jean Verlet, Olivier Beaumont, Carole Cerasi, rarement représenté aux heures de grande et décontraction absolue se voient mal au Blandine Rannou, Kenneth Weiss, Chris- écoute. Invitations sur LCI ou Europe 1, disque. En revanche, l’art consommé du tophe Rousset). En£n, on déroule son cur- consécration aux « Victoires » devant le pu- musicien accompli s’entend parfaitement. riculum vitae, palmarès déjà impression- blic de France 3, on a même vu sa trom- Tantôt grave tantôt léger, lumineux ici nant. 2012 : distinctions aux concours de bine dans Elle et dans Marie France, qui sombre là, il paraît toujours aussi amou- Bruges (1er Prix) et de Prague (2e Prix et le classait récemment dans son Top 5 des reux du son de l’instrument, qui régalera Prix de la meilleure interprétation d’une « Beaux gosses du classique »… dans ce cas les oreilles les moins prédispo- pièce contemporaine) ; 2013 : Jeune so- sées au clavecin. Il faut dire qu’Aline Blon- liste des Radios Francophones Publiques ; Jean-François Zygel le convie à une Boîte à diau, manifestement sous le charme, sait y 2015 : Révélation soliste instrumental de Musique spéciale « Guerre et Paix » ? Il lui faire pour l’enregistrer. l’année aux Victoires de la Musique Clas- bombarde le plus naturellement du monde sique, et on en passe. La Marche des Scythes de Pancrace Royer Bach sera également au programme de (1705-1755), tour de force virtuose qui, sauf la soirée liégeoise des Nuits de septembre Las ! Déjà vu et entendu ailleurs. Rabâché, erreur, n’avait encore jamais résonné sous (avec Scarla¡i – qui va comme un gant à même. Ne comptez pas sur nous pour pré- les projecteurs §uorescents de plateaux de Rondeau, à en juger par les vidéos distil- luder ainsi. Commençons par le commen- télévision rose bonbon. Arièle Butaux lui lées sur YouTube). Ne vous étonnez pas, le cement. Sa rencontre avec l’instrument o¥re une carte blanche sur France Mu- jeune homme adore parler au public. C’est baroque, plus délicat que le piano ? Un sique ? Il vient avec une pièce écrite spé- sa manière à lui, simple et sans chichis, de coup de foudre à la radio : à 5 ans, il tombe cialement pour l’occasion – une page pas communiquer sa passion et de mieux inte- amoureux du son des cordes pincées avant encore complètement terminée, l’improvi- ragir avec l’auditoire. même de savoir à quoi peut bien ressem- sateur qu’il est comblera les trous sur le mo- bler l’objet qui le produit. On s’est pourtant ment – et tient surtout à convier ses amis à Quelques jours plus tard, retour à Bruges, laissé dire que, près de deux décennies la fête (encore un peu, il se ferait prier pour sur les terres de ses exploits (Sa virtuosi- plus tard, il n’en dévore pas énormément jouer seul…). Autant que l’a¡ention por- té lui permet des appogiatures foudroyantes, d’enregistrements. Je n’en consomme pas tée sur lui pro£te à ce qui lui tient le plus des incises susceptibles de nourrir et de re- particulièrement en ce moment, mais je n’ai à cœur : le partage de la musique, sans dis- lancer le drame, tout est vivant, ardent, cap- surtout pas de dogme quant à mon écoute dis- tinction de genre. Les récompenses et les tivant, toujours sur le mode dynamique et cographique, quels que soient l’instrument et gros titres ne servent qu’à ouvrir les portes. allant, lisait-on dans la Libre Belgique au le style. Ce n’est peut-être tout simplement pas lendemain de sa prestation victorieuse au mon premier ré™exe pour l’instant, recti£e- PASSE TON BACH D’ABORD plus fameux des concours de musique an- t-il. J’aime surtout beaucoup lire la musique. Alain Lanceron, président de Warner cienne). Heureux de retrouver la Venise Quand j’ai l’occasion d’en déchi³rer au cla- Classics, eut le nez creux en signant le du Nord, trois ans après ? J’aime ce˜e ville. vier, je n’hésite pas à m’y précipiter. prodige chez Erato. Plus qu’une simple J’ai hâte ! Et nous donc.

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L’INTERVIEW INDISCRÈTE

En pleine tournée des festivals, le chanteur anversois Kris Dane L’INTERVIEW nous a ouvert les portes de son tout nouveau chez lui bruxellois. INDISCRÈTE Une semaine à peine après avoir déménagé du centre-ville vers Chez un superbe ancien bâtiment industriel situé derrière la Gare Kris Dane du Midi, quelques caisses traînent encore çà et là, mais on est bien loin du capharnaüm et ses objets les plus précieux ont déjà trouvé une place de choix. Il nous les présente et ceux-ci ont forcément un lien privilégié avec la musique.

DR DAVID SALOMONOWICZ

INSTALLATION « HI-FI » LE VOYAGE MON CHIEN

Quand on entre dans son antre, on est tout Dans sa vie artistique, le voyage tient aus- Impossible enŽn de vous parler de moi et de de suite frappé par deux immenses baÈes si une place très importante. Au départ au mon rapport avec la musique sans évoquer mon installés dans les coins, mais surtout par niveau sentimental car cela me rappelle mon chien « JJ » dont le nom a été choisi en hommage son installation hi-£ sur laquelle passent de grand-père qui était un véritable globe-trot- au musicien américain JJ Cale qui est un de vieux disques de rock et de blues. Un Ste- ter qui ramenait toujours des objets et des vê- mes préférés. C’est une vraie star ce chien ! Il a vie Wonder fraîchement ramené de Corée tements du monde entier. Ça m’impression- déjà joué dans plusieurs clips et c’est de loin mon du Sud, un Rolling Stones 70’s et les Negro nait toujours énormément étant gosse et ça auditeur le plus Ždèle vu qu’il m’entend tous les Spirituals de Mahalia Jackson rythmeront m’a surtout donné le goût du voyage, de l’éva- jours. Il me suit partout, en studio, comme par ainsi notre conversation. Mon instal, c’est un sion. Du coup, je fais la même chose en ra- exemple dans toutes les étapes de la produc- vieux 2-tracks band recorder qui a ses propres menant toujours une trace des endroits où tion de Roses of Jericho, mon dernier album. ba´es et auquel j’ai raccordé ma platine qui a j’ai été et j’espère que mes enfants prendront Il vient aussi parfois sur scène, en backstage de toujours une position centrale dans mon sa- le relais. Après, j’adore également voyager certaines émissions et bien sûr surtout à la mai- lon. Je ne l’utilise plus dans son rôle premier avec la musique au sens propre comme au son où dès que je me mets à jouer, il vient s’allon- d’enregistreur parce que c’est compliqué avec sens Žguré. Par les albums que j’écoute et ger tout près de moi sur le canapé et semble être les bandes, mais il est vraiment formidable qui viennent de partout, mais aussi quand je apaisé par la musique qu’il entend. C’est une comme pré-ampli. C’est sûr qu’il faut un peu prends la route. D’ailleurs j’ai déjà pu obser- présence rassurante lors de mes répétitions. Il jouer avec les basses, traŽcoter un peu l’equali- ver que quand tu voyages avec une guitare, tu apporte un mood, une atmosphère sereine très zer, mais avec la technologie du vinyle, c’est un n’es pas du tout perçu comme un simple tou- importante dans mon processus de création. vrai mariage harmonieux au niveau du son, riste. On a toujours l’impression que tu viens des fréquences. C’est un peu comme les anciens pour un projet musical et ça change la vi- micros. Ça donne un grain très particulier, un sion qu’on peut avoir de toi. Sur place, je suis charme dingue, ça vit quoi ! un observateur, je m’imprègne de ce que je vois, mais je n’en oublie pas pour autant mon background et les racines de ma musique. Je ne vais par exemple pas me˜re de la rumba congolaise dans mes futures compos si je vais en Afrique, mais je vais discuter avec les mu- siciens locaux que je croise et qui sont parfois blu³ants par leurs connaissances et leur pra- tique de styles musicaux que l’on ne soupçon- nerait pas de prime abord. www.krisdane.com

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C’ÉTAIT LE… C’était en … JANVIER 1980

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The Names vus par Philippe Carly en 1980

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