Au Bonheur Des Dames •
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ZOLA Au Bonheur des Dames • CHRONOLOGIE PRÉSENTATION NOTES DOSSIER BIBLIOGRAPHIE (mise à jour en 2018) LEXIQUE par Marie-Ange Fougère GF Flammarion Du même auteur dans la même collection Les Rougon-Macquart : La Fortune des Rougon La Curée (édition avec dossier) Le Ventre de Paris La Conquête de Plassans La Faute de l’abbé Mouret Son Excellence Eugène Rougon L’Assommoir (édition avec dossier) Une page d’amour Nana (édition avec dossier) Pot-Bouille Au Bonheur des Dames (édition avec dossier) La Joie de vivre Germinal (édition avec dossier) L’Œuvre La Terre Le Rêve La Bête humaine (édition avec dossier) L’Argent (édition avec dossier) La Débâcle Le Docteur Pascal Contes à Ninon Contes et nouvelles 1 (1864-1874) Contes et nouvelles 2 (1875-1899) Correspondance Mes Haines Mon Salon Manet (écrits sur l’art) Naïs Micoulin Le Roman expérimental (édition avec dossier) Les Soirées de Médan (édition avec dossier) Thérèse Raquin (édition avec dossier) La Vérité en marche. L’Affaire Dreyfus Zola journaliste (articles et chroniques) © Flammarion, Paris, 1999. Édition corrigée et mise à jour en 2009 et 2018. ISBN : 978-2-0814-4458-4 SOMMAIRE INTERVIEW : « Philippe Claudel, pourquoi aimez-vous Au Bonheur des Dames?» I CHRONOLOGIE 5 PRÉSENTATION 17 Au Bonheur des Dames DOSS ER 1. Le naturalisme 507 2. La préparation du roman naturaliste 518 3. Intertextualité 534 4. La réception du roman 551 BIBLIOGRAPHIE 561 LEXIQUE 565 INTERVIEW « Philippe Claudel/ pourquoi aimez-vous Au Bonheur des Dames ? » arce #t/e /a littérature d'aujourd'hui se nourrit de celle d'hier, la GF a interrogé des écrivains contem- Pporains sur leur « classique » préféré. À travers l'évocation intime de leurs souvenirs et de leur expérience de lecture, ils nous font partager leur amour des lettres, et nous laissent entrevoir ce que la littérature leur a apporté. Ce qu'elle peut apporter à chacun de nous, au quotidien. Philippe Claudel a accepté de nous parler d'Au Bonheur des Dames de Zola, et nous l'en remercions. Interview Quand avez-vous lu ce livre pour la première fois ? Racontez-nous les circonstances de cette lecture. Il me semble que c'est dans la bibliothèque du lycée où j'étais interne, où je m'ennuyais parfois considérable- ment, trouvant ce temps de l'adolescence si long qu'il me semblait que jamais il ne finirait. Les livres alors furent pour moi d'un grand secours car ils me permettaient d'oublier ces heures creuses, en même temps qu'ils ouvraient devant moi des univers entiers, dans lesquels je pénétrais avec fougue, tombant tour à tour amoureux de Mathilde de La Mole, de Mme de Rénal, d'Henriette de Mortsauf, de délia Conti, de Mme de Marelle. À cette époque, la littérature du XIXe siècle m'occupa presque en entier. J'avais le sentiment que les romanciers de cette période avaient atteint un degré de perfection qui était indépassable. Zola notamment m'impression- nait beaucoup. Votre coup de foudre a-t-il eu lieu dès le début du livre ou après ? Je ne parlerais pas de coup de foudre : chez Zola, il faut un moment pour que la grosse machine se mette en route et entraîne le lecteur. Mais une fois qu'il est pris, rien ne peut le faire lâcher, me semble-t-il. Relisez-vous ce livre parfois ? À quelle occasion ? J'ai dû le relire trois fois peut-être. À chaque fois, c'est un peu pour les mêmes raisons : la lecture de quelques très mauvais romans récents m'affecte, et je me tourne alors vers les classiques, comme pour revivifier un appétit déclinant ou corrompu par une nourriture indigeste. Ph ilippe Claudel III Est-ce que cette œuvre a marqué vos livres ou votre vie ? Mes livres, très sincèrement, je ne pense pas, en tout cas pas de façon consciente. Ma vie, oui, très certaine- ment, mais je ne saurais vous dire de quelle façon. Ce livre, les livres de Zola et de beaucoup d'autres, ont forti- fié un désir d'écriture et m'ont convaincu aussi qu'on pouvait construire des architectures romanesques, tra- vailler sur la langue, interroger la société et la nature humaine sans pour autant produire des romans abscons qui laissent le lecteur sur le bord de la route, l'ignorent ou l'ennuient. Quelles sont vos scènes préférées ? J'aime beaucoup les scènes durant lesquelles Zola décrit les magasins des petits commerçants condamnés à la faillite prochaine : les boutiques sont des sortes de cavernes, des grottes, des tombes - teintes sinistres, humi- dité, relents fétides, miasmes mortels. Les murs suintent, les plâtres jaunissent, se fendillent, craquent, dégouli- nent. Soudain, on quitte une description réaliste pour accéder à un niveau presque halluciné du roman, vision- naire, effroyablement tragique. L'arrivée de Denise et de ses frères à Paris me touche infiniment aussi car je reconnais là ce qu'ont dû connaître quelques membres de ma famille arrivant à Paris de leur Morvan natal, à cette même époque. Y a-t-il, selon vous, des passages « ratés » ? Parfois, il me semble que Zola se laisse submerger par la masse d'informations qu'il a collectées. On sait qu'il travaillait en amont comme un véritable journaliste, un enquêteur, ses carnets préparatoires en témoignent. Ce qui a pour conséquence que, par moments, il essaie de faire rentrer tout ce matériau dans le roman, et cela IV Interview déborde notamment dans des descriptions où il réperto- rie les différentes sortes d'étoffes et de tissus, les achalan- dages du magasin. Mais ce qui peut, très légèrement, alourdir le roman, devient aussi une mine d'informations historiques et sociologiques, et c'est pourquoi il serait très malhonnête de parler de « passages ratés ». Cette œuvre reste-t-elle pour vous, par certains aspects, obscure ou mystérieuse ? Bien sûr. C'est ce qui fait la force d'une grande œuvre. J'aime ne pas tout comprendre. J'aime que le roman conserve des pans entiers de noir. Un seul exemple : le personnage de Denise me fascine car ses actions sont très curieuses. C'est une jeune femme qui tourne le dos à ce qu'elle est, à ceux qui l'ont aidée, alors même qu'on la montre timide, perdue, et qui finit par soutenir peu à peu Mouret et les idées qu'il défend, avec une sorte d'oppor- tunisme teinté de tendresse et de remords. Parfois je ne comprends pas tout à fait ses actes et ce mystère me fascine. Quelle est pour vous la phrase ou la formule « culte » de cette œuvre ? Pas de phrase ni de formule, mais des passages entiers, ceux notamment qui décrivent la folie des femmes devant l'étalage des marchandises proposées dans le magasin. On sent que Zola décrit cela comme la montée d'un plai- sir intense, d'ordre sexuel. On est véritablement dans l'illustration d'une hystérie, d'une sorte d'accession à un orgasme collectif orchestré par le mâle, Mouret, qui d'ailleurs contemple souvent, d'une position dominante, cette pâmoison dont il est le créateur et dont il recueille la jouissance. La métaphore est filée longuement. Elle est assez facilement lisible, et, finalement, le plaisir du lec- teur est grand lui aussi de pouvoir décoder sans trop de difficultés ces signes que l'auteur a disséminés pour lui. Ph ilippe Claudel V Si vous deviez présenter ce livre à un adolescent d'aujourd'hui, que lui diriez-vous ? Je lui dirais que c'est un grand livre sur les mécanismes du commerce moderne, que peu de choses ont changé par rapport à ce que Zola décrit. Les rapports entre employés, le souci de se faire valoir, la guerre livrée par les uns pour prendre la place des autres sont également décrits avec netteté, et là encore, hélas, la situation ne s'est guère améliorée. * * * Avez-vous un personnage « fétiche » dans cette œuvre ? Qu'est-ce qui vous frappe, séduit (ou déplaît) chez lui ? Je vais vous surprendre en vous citant un personnage excessivement mineur : c'est une cliente du magasin, une jeune dame blonde qui intrigue les vendeurs. Elle appa- raît peut-être à trois reprises, très brièvement, dans le roman. Les vendeurs tentent d'imaginer sa vie, échafau- dent des hypothèses, mais ils ne savent jamais qui elle est vraiment, et par le fait, nous non plus. Dans d'autres romans, l'auteur aurait sans doute fini par en dire davan- tage sur ce personnage intriguant, eh bien Zola, non. Et je trouve cela fascinant : nous restons avec le mystère de la jeune dame blonde, qui témoigne pour moi comme du mystère de la littérature, de son pouvoir d'attraction, de fascination, et de notre impuissance aussi à tout connaître sur tout, à tout savoir. Si je m'intéresse à un personnage plus important, je m'arrêterai sur Mouret, cette crapule pleurnicharde. On est tout à la fois fasciné par son énergie et dégoûté par sa lâcheté : il se repose sur Bourdoncle pour expédier les basses besognes, de licenciement notamment, tout en se donnant constamment le beau rôle. C'est un être au fond assez méprisable, que la souffrance qu'il éprouve devant VI Interview les retenues de Denise à lui céder ne grandit pas telle- ment, en tout cas à mes yeux. Pensez-vous que ce personnage commette des erreurs au cours de sa vie de personnage ? Question difficile et ambiguë. Si erreur il y a, je crois que cela signifierait que Zola n'a pas maîtrisé son per- sonnage. Or il me semble qu'au contraire il l'a parfaite- ment campé. Les actes et les paroles de Mouret sont en accord complet avec ce qu'il est.