CONNAISSANCES 44e JOURNÉE DE LA RECHERCHE EQUINE

CHEVAL DE PRÉCISION www.jre-cheval.fr

ACTES DE COLLOQUE

JEUDI 15 MARS 2018 FIAP PARIS 14ÈME

SOUTENUE ORGANISÉE PAR PAR

L’Ifce l’excellence en action

44ème journée de la recherche équine

jeudi 15 mars 2018

Organisée par l’Institut français du cheval et de l’équitation avec la collaboration de l’Institut national de la recherche agronomique

et du Pôle Hippolia

Sponsorisée par

Journée créée par le CEREOPA en 1975

Institut français du cheval et de l’équitation Département Diffusion Les écuries du bois – 61310 Le Pin au Haras Tel : 02 33 12 12 25 – Fax : 02 33 39 37 54 e-mail : [email protected]

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

SPECIFIC FOR YOUR SUCCESS

ILITY ENHANCE TIB ME ES NT IG D

O

X I

D T

A

R T O I V P E P S U T S R Y E IT S N S C U ON MM TROL I

SELECTED NATURAL MICROBIAL solutions FOR equine As a partner, Lallemand Animation Nutrition develops, produces and markets a complete range of high-value yeast and bacteria products – including probiotic, antioxidants and yeast derivatives – specifically selected to help you improve equine well-being in a natural way.

LALLEMAND ANIMAL NUTRITION SPECIFIC FOR YOUR SUCCESS www.lallemandanimalnutrition.com Page 2

Sommaire

Quoi de neuf en matière de recherche équine ? ...... 3 Le sevrage spontané du poulain : facteurs de variation et impact sur le lien jument-poulain ...... 4 Caractérisation individuelle des états de mal-être ...... 14 Un indicateur acoustique d’émotion positive inattendu chez le cheval ? ...... 24 Un éclairage LED dans un van facilite et sécurise l'embarquement des chevaux et les apaise lors d'un confinement en phase stationnaire ...... 34 Développement d’un Test DIVA pour la détection sérologique du virus West Nile chez le cheval...... 44 Induction de l’ovulation chez la jument par le beta-Nerve Growth Factor ...... 51 Les reconfigurations des métiers du cheval ...... 59 Etude d’impact des Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech™ 2014 en Normandie : bilan et perspectives .. 69 Session spéciale « Cheval de précision » ...... 80 Cheval de course et techniques de précision : état des lieux et perspectives ...... 81 Les instruments de mesure dans le monde du cheval : une promesse sous conditions ...... 90 L'accéléromètrie comme technique de caractérisation des allures et du style à l'obstacle en liberté ; sa place dans un plan de sélection...... 97 Conception d’un outil de suivi et d’expertise pour l’entrainement en cross ...... 107 Développement d’un système embarqué pour l’analyse de l’effet du cavalier sur la biomécanique du cheval monté et son application à la création d’une selle connectée...... 117 La puce d’identification BiothermoND pour la surveillance connectée de la température du cheval ...... 126 Posters scientifiques ...... 131 Les ânes sont-ils moins réactifs que les chevaux de Trait ? ...... 132 Gestion et bien-être du cheval : impact du mode de distribution du foin ...... 136 Que nous indiquent les hormones de stress ? Différentes mesures de cortisol indiquent un niveau plus faible chez des chevaux dont le bien-être est altéré ...... 140 Effet de différentes intensités de musique chez le cheval ...... 144 Effets de l’Allégeoir® sur l’appareil manducateur et la locomotion du cheval de dressage et de loisir, en main et monté ...... 148 Suivi clinique, hémato-biochimique et thérapeutique d’un groupe de chevaux d’endurance élite, suite à élimination et prise en charge médicale urgente sur la compétition de 160 km des Jeux Equestres Mondiaux 2014 (JEM 2014) : analyse rétrospective de 47 cas ...... 149 Maladies néonatales, gestion et facteurs de risque : une étude de terrain réalisée auprès de praticiens équins expérimentés (2013-2016) ...... 153 Émergence de la toxicité printanière et influence des conditions météorologiques sur les risques de myopathie atypique ...... 157 Amélioration des biotechnologies de la reproduction dans l'espèce asine : congélation de la semence, insémination artificielle, collecte et maturation in vitro d’ovocytes...... 161 Activ’Protect; Etude de l’efficacité d’un aliment élaboré pour la gestion des ulcères gastriques...... 165 Entrainement proprioceptif et stabilité posturale chez le cavalier : Etude pilote ...... 169 Intérêt de la mesure objective de la locomotion dans le cadre d’une carrière sportive : revue de la littérature ...... 173 Prédiction de la vitesse du cheval de sport à l’aide de données accélérométriques et gyroscopiques ...... 177 La concordance entre cardiofréquencemètre et ECG holter est bonne pour la fréquence cardiaque mais faible pour l’estimation du contrôle autonome cardiaque à l’effort ...... 181 Proposition d’une nouvelle méthode de test des casques hippiques ...... 185 Contribution des stimuli auditifs dans l’interaction cavalier-cheval chez les cavaliers Pro dressage ...... 189

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

Page 3

Quoi de neuf en matière de recherche équine ?

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Le sevrage spontané du poulain : facteurs de variation et impact sur le lien jument-poulain

S. Henry1, H. Sigurjónsdóttir2, A. Klapper1, J. Joubert1, G. Montier1, M. Hausberger3

1 Université de Rennes 1 / CNRS - UMR 6552, Laboratoire d’éthologie animale et humaine, Station Biologique de Paimpont, 35389 Paimpont 2 School of Education, University of Iceland, 101 Reykjavík 3 CNRS / Université de Rennes1 - UMR 6552, Laboratoire d’éthologie animale et humaine, Campus de Beaulieu, Avenue du général Leclerc, 35042 Rennes

Résumé En élevage, la plupart des poulains sont sevrés artificiellement, le plus souvent vers l’âge de 5-7 mois. La rupture du lien mère-jeune est souvent brutale et a lieu quand le poulain est toujours en relation étroite avec sa mère. Dans ces conditions, cet événement est reconnu comme une source importante de stress pouvant avoir des effets délétères durables. A l’inverse, sans interférence humaine, le sevrage est plus tardif, vers l’âge de 9-11 mois, et strictement alimentaire. Il existe cependant à l’heure actuelle peu de données sur le sevrage naturel (i.e. âge, impact sur le lien mère-jeune) et les facteurs de variation éventuels (e.g. sexe du poulain, état corporel et statut reproducteur de la jument…). Après une revue des connaissances sur ce sujet, nous présenterons les résultats d’une étude menée en Islande sur des dyades mère-jeune (n=16) évoluant au sein de groupes sociaux stables et sans interférence humaine, et ce afin d’apporter de nouveaux questionnements par rapport à la gestion du sevrage en élevage. Mots clés : cheval, relation mère-jeune, sevrage artificiel, sevrage spontané

Summary Most foals are weaned artificially, generally around the age of 5-7 months. The breaking of the mare-foal relationship is often abrupt and takes place when both partners are still preferred social partners. Under such conditions, this event is recognized as an important source of stress leading generally to long-lasting deleterious effects. On the contrary, without human interference, the weaning takes place later around the age of 9-11 months, and is strictly alimentary. To date, there is still little data on natural weaning (i.e. age, impact on the mare-foal relationship) and potential factors of variation (e.g. sex of the foal, body state and reproductive status of the mare…). After reviewing the current scientific knowledge on this topic, we will show the results of a study performed on Icelandic mare-foal dyads (n=16) living in stable social groups and without any human intervention, which could allow to give a new perspective on the management of the weaning in breeding farms. Key-words: horse, mare-foal relationship, artificial weaning, natural weaning

S. Henry et al. Page 5

Introduction En élevage, la plupart des poulains sont sevrés artificiellement, le plus souvent vers l’âge de 4-7 mois (e.g. Waran et al., 2008). La rupture du lien mère-jeune est souvent brutale et a lieu quand le poulain est toujours en relation étroite avec sa mère. Par ailleurs, les pratiques d’alimentation et le mode d’hébergement sont souvent profondément modifiés. Dans ces conditions, cet événement est reconnu comme une source importante de stress (locomotion accrue, vocalisations, agressivité entre poulains…) pouvant entraîner une perte d’état physique, une baisse d’immunité et à plus long terme l’émergence de stéréotypies (Henry et al., 2006, 2012 ; Lansade et al., 2016 ; Waran et al., 2008). Une étude (Waters et al. 2002) révèle que, dès le mois suivant le sevrage, 10% des jeunes développent des stéréotypies orales (tic à l‘appui…), 30 % développement des problèmes de lignophagie 3 mois après et 10% des stéréotypies locomotrices dans les 10 mois. De plus, d’après Wolter (1999), un sevrage trop précoce et surtout mal préparé pourrait à long terme conduire à d’autres troubles, notamment chez les futures reproductrices qui se révéleraient ultérieurement moins fertiles et produiraient des poulains plus chétifs, à croissance plus lente et à squelette moins résistant. Les raisons avancées de ce sevrage artificiel sont multiples : • tradition, • « indépendance » sur le plan alimentaire du poulain, la plus grande partie de ses besoins nutritionnels étant couvert dès l’âge de 5-6 mois par les aliments solides plutôt que par le lait, • contraintes d’élevage : facilitation de la gestion des apports nutritionnels du poulain, conditions d’hébergement hivernal, vente du poulain au sevrage… • ou encore limitation des effets d’un allaitement prolongé sur la jument, à savoir que l’épuisement de ses réserves pourrait compromettre sa fertilité ou bien sa gestation suivante.

Enfin, si de nombreux questionnements ont porté sur les méthodes de sevrage artificiel (Henry et al., 2006 ; Lansade et al. 2016 ; Waran et al., 2008) permettant de limiter le stress et les effets pernicieux sur le poulain, à l’heure actuelle, la question du meilleur moment pour sevrer le jeune reste entière. Sans interférence humaine, la situation est tout autre : il est souvent rapporté que le sevrage se prépare progressivement sous l’initiative conjointe de la mère (e.g. réponses de rejet croissantes du poulain lors de la tétée) et du poulain (e.g. prise de distance graduelle vis-à-vis de la mère, orientation progressive vers une alimentation solide), et qu’il est effectif le plus souvent vers l’âge de 9-11 mois, soit peu de temps avant la naissance du poulain suivant. Le sevrage naturel est par ailleurs strictement alimentaire, puisque le lien mère-jeune est préservé. Au-delà de ces éléments généraux, peu de données scientifiques existent à l’heure actuelle sur le sevrage naturel (i.e. âge du sevrage, impact sur le lien mère-jeune) et les facteurs de variation éventuels tels que l’état corporel et le statut reproducteur de la jument ou encore le sexe du poulain. Or, une meilleure connaissance du processus du sevrage pourrait permettre certains ajustements des pratiques d’élevage. Aussi, après avoir fait une revue de la littérature sur ce thème, nous présenterons les résultats d’une étude menée en Islande sur des dyades mère-jeune (n=16) évoluant au sein de groupes sociaux stables et sans interférence humaine majeure (i.e. pas d’intervention au poulinage et pas de sevrage artificiel).

1 Le sevrage spontané du poulain en condition (semi-)naturelle

1.1 Rappel : la structure sociale des chevaux L’unité de base est le groupe familial (harem), qui est constitué typiquement d’un étalon reproducteur, d’une à trois juments et de leurs jeunes sexuellement immatures. A maturité sexuelle, soit vers l’âge de 2-3 ans, les jeunes des deux sexes quittent le groupe natal. Les femelles rejoignent généralement un harem existant ou un étalon célibataire pour former un nouveau groupe familial ; les mâles rejoignent le plus souvent un groupe de mâles célibataires. Il existe également des groupes peu stables de sub-adultes mixtes non reproducteurs (Waring, 2003).

1.2 Reproduction et gestation Chez la jument, la reproduction est saisonnière. La durée moyenne de gestation est de 11 mois, avec des naissances la plupart du temps au printemps (Waring, 2003). La durée de gestation a la particularité chez le cheval de présenter une très forte amplitude de variation de près de deux mois ([315-387] jours), ce qui est assez exceptionnel par rapport aux autres espèces de Mammifères. La durée de gestation peut varier notamment en fonction du mois de l’année où la femelle est saillie (i.e. durée plus courte si à terme en fin d’été), de la race, de l’âge et/ou de l’expérience maternelle de la femelle (i.e. durée plus longue pour les

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 6

femelles primipares et les vieilles juments), de la lignée maternelle, de son alimentation ou encore du sexe du poulain (i.e. gestation plus longue de 2-3 jours en moyenne chez les mâles) (Waring, 2003).

1.3 Dynamique du lien mère-jeune et processus du sevrage Dès la naissance, un lien exclusif entre la jument et son poulain se forme. Pendant le premier mois de vie, le jeune est largement dépendant de sa mère : le lait maternel est sa seule source de nourriture, il tète en moyenne 4-7 fois par heure ce qui représente près de 8% de son budget-temps et il passe plus de 90 % de son temps à moins de 5 mètres d’elle (Barber & Crowell-Davis, 1994 ; Henry et al., 2015 ; Tyler, 1972). Avec l'âge, une distanciation mère-jeune se met en place à la fois sur le plan alimentaire et social, avec toutefois des variations interindividuelles marquées. Certains poulains vont, par exemple, rester très proches de leur mère plus longtemps et téter plus fréquemment que d’autres (Henry et al., 2015). 1.3.1 Emancipation sur le plan social En grandissant, le jeune va s’éloigner de plus en plus de sa mère : il reste dans son voisinage (i.e. à moins de 5 mètres) 70% du temps à l’âge de 3 mois, 40% à 6 mois et 20% à 9 mois. Il est à noter qu’en dehors du premier mois de vie, les changements de distance sont majoritairement dus à l’initiative du poulain et qu’aucune différence dans la relation spatiale mère-jeune n’a été mise en évidence en fonction du sexe dans les différentes études (Crowell-Davis & Weeks, 2005 ; Waring, 2003). Le poulain va également, à partir de l’âge de 3 semaines, interagir de plus en plus avec les autres membres de son groupe, et plus particulièrement les autres jeunes (Crowell-Davis, 1986 ; Tyler, 1972). Cette phase de socialisation, qui est maximale à 2-3 mois, est caractérisée par une forte fréquence de jeu social et de toilettage mutuel entre les poulains, et par une augmentation du « snapping » envers les adultes (Crowell-Davis 1986). A partir de 4 mois, le poulain entre dans une période d'indépendance progressive avec l'apparition de comportements adultes (Crowell- Davis, 1986). Cependant, au-delà de cette période, le jeune et la mère continuent de présenter une relation privilégiée (i.e. poulain et juments restent partenaires préférés au sein du groupe) (Bourjade, 2007 ; Henry et al., 2005), et même à 1 an, le poulain passe seulement moins d’un tiers de son temps à plus de 45m de sa mère (Tyler, 1972). 1.3.2 Emancipation sur le plan alimentaire Avec le temps, la durée et la fréquence des tétées vont diminuer, avec une baisse très nette entre le premier (~8% du budget-temps) et le second mois de vie (~3%). A 5 mois, le poulain tète une fois par heure (~2% du budget-temps), et à partir de 8 mois, une fois toutes les deux heures (~1%) et ce avec une fréquence stable jusqu’au sevrage (Duncan et al., 1984 ; Tyler, 1972). Entre le premier et le septième mois de vie, c’est le poulain qui interrompt le plus souvent les tétées. Par contre, par la suite, la jument met plus fréquemment fin aux tétées de son jeune (par rapport aux stades antérieures) et peut éventuellement exprimer de plus en plus fréquemment des réponses de rejet (ex : menaces de tête essentiellement) lors des initiatives de tétée (Duncan, et al., 1984 ; Tyler, 1972). Elle jouerait ainsi un rôle actif dans le processus du sevrage. Il est de même à noter que la production et la composition du lait maternel vont évoluer au cours du temps. La production laitière des juments est très élevée dès la première semaine de lactation (2 - 3,5 kg de lait par 100 kg de poids vif), augmente jusqu’à un maximum atteint entre 1 et 3 mois, et diminue ensuite lentement, entrainant une diminution des dépenses énergétiques de la jument. La composition du lait change également au cours du premier mois : les teneurs en matières grasses et matières azotées diminuent et le lait devient moins énergétique, ce qui favoriserait la diversification alimentaire du jeune. A partir de l’âge de 2-3 semaines, le poulain commence de fait à ingérer des aliments solides et à diversifier son alimentation tout en continuant à téter le lait maternel, et le temps passé en pâturage augmente progressivement. Entre 1 et 4 mois, le temps dédié au pâturage dans le budget-temps quotidien croit de 7 à 25% pour atteindre dès 6 mois plus de 40%, et 60% à 10 mois ce qui correspond au budget-temps adulte (Waring, 2003). La transition d’une alimentation lactée à une alimentation solide est donc graduelle, permettant une adaptation progressive du système digestif du poulain. A titre d’exemple, à la naissance, le tube digestif est stérile. Progressivement, ce dernier va être colonisé par de nombreuses espèces bactériennes avec lesquelles le poulain entre en contact via le corps maternel (e.g. flore vaginale de la jument, mamelles…) et l’environnement (e.g. inoculation lors de l’ingestion de crottins qui est fréquente à partir de 2 semaines ; Crowell-Davis & Houpt, 1985 ; Crowell-Davis, 1986). Ceci va permettre l’établissement d’une flore cellulolytique nécessaire à la digestion des végétaux (Wolter, 1999). D’après l’étude de Faubladier et al. (2014), les bactéries cellulolytiques sont détectées dans les fèces dès le troisième jour de vie et, à 2 mois, le poulain sous la mère a acquis la capacité à digérer les parois végétales. L’évolution de la fonction digestive va se faire également par la consommation croissante d’aliments solides qui sera facilitée par la mère, le jeune « imitant » rapidement son comportement alimentaire (Henry et al., 2015). Cette maturation lente vers

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 7

l’écosystème de l’adulte préparerait le jeune au sevrage, défini ici comme l’arrêt de l’allaitement, et limiterait les perturbations post-sevrage telles que les troubles digestifs ou les retards de croissance (Wolter, 1999).

1.4 Le sevrage du poulain et les facteurs de variation 1.4.1 Age du sevrage En condition (semi-)naturelle, le sevrage est réalisé le plus souvent par la mère et ce vers l’âge de 9-11 mois (Crowell-Davis, 1986 ; Tyler, 1972). Dans l’étude de Berger (1986) réalisée sur des chevaux féraux, 79% des poulains étaient sevrés avant l’âge de 9 mois, 6% entre 9 et 12 mois, et 15%, seulement après leur première année. Le sevrage est généralement réalisé quelques semaines avant la naissance du futur poulain. Cependant, il n’est pas rare que des yearlings, voire même des jeunes de deux et trois ans, continuent de téter régulièrement leur mère en plus du jeune de l’année (Tyler, 1972 ; Waring, 2003 ; Sigurjonsdottir & Hausberger, observations personnelles). La durée de la période sèche (i.e. le temps entre deux allaitements successifs) est variable (entre 3 et 23 semaines), mais est le plus souvent de 10-16 semaines (Duncan et al., 1984). Cependant, il arrive que la production de lait ne soit pas interrompue entre deux poulains successifs (Tyler, 1972). 1.4.2 Facteurs de variation Comme vu précédemment, l’âge auquel le poulain est sevré peut varier. Ces différences ne semblent pas dépendre du sexe du poulain (e.g. Berger, 1969 ; Henry et al., 2015). Par contre, quelques facteurs de variation liés à la mère ont pu être identifiés : • Le statut reproducteur (i.e. gestante/non gestante) de la jument semble avoir un impact fort. Les juments gestantes sèvrent leurs poulains environ 15 semaines avant la naissance du poulain suivant (Duncan et al., 1984), autrement dit quand les besoins énergétiques liées à la gestation deviennent plus importants. La croissance du fœtus est en effet tardive et exponentielle : elle est donc très forte dans les 3 derniers mois de gestation. Des allaitements plus tardifs sont, à l’inverse, observés chez les juments non gestantes, qui peuvent allaiter leur poulain jusqu’à un an et demi. • Le statut reproducteur antérieur (i.e. avec/sans yearling) de la jument serait également un facteur de variation : les juments n’ayant pas eu de poulains l’année d’avant tendraient à sevrer le poulain de l’année à l’âge moyen de 16 mois, tandis que les juments avec un yearling et un poulain de l’année tendraient à sevrer ce dernier vers 8,5 mois (Berger, 1986). • L’expérience maternelle antérieure (i.e. primipare/multipare) de la jument peut également influencer l’âge du sevrage : ainsi, des juments primipares (i.e. qui élèvent leur premier poulain) sèvreraient plus tard (en moyenne deux mois plus tard) leur poulain par rapport à des juments multipares (e.g. Duncan et al., 1984). Toutefois, ce phénomène n’a pas été systématiquement rapporté (Crowell-Davis, 1985 ; Tyler, 1972). • D’autres facteurs sont parfois mentionnés, à savoir la disponibilité de la ressource alimentaire ou encore la perte du « nouveau » poulain. Dans ce dernier cas, il a été observé qu’en cas de mort du poulain, certaines juments allaitent leurs jeunes plus âgés bien plus longtemps (jusqu'à leur troisième année ; Tyler, 1972). Les données scientifiques sur la fin de l’allaitement restent rares chez le cheval et l’influence de certains facteurs de variation sur le déroulement du sevrage mériteraient d’être étudiés, tels que l’impact de la composition du groupe (présence d’autres jeunes apparentés ou non, de l’étalon…), l’alimentation maternelle, ou encore le rôle du jeune dans le processus. On sait notamment que, chez le poulain, le développement comportemental fait l’objet de fortes variations interindividuelles, partiellement héritées du père (Henry et al., 2015), qui s’expriment de façon précoce par la variation des distances mère-jeune, la fréquence des tétées et les interactions échangées avec les autres jeunes (Henry & Hausberger, 2015, 2017). 1.4.3 Un sevrage alimentaire, mais aucune rupture du lien mère-jeune En situation (semi-)naturelle, le sevrage est uniquement alimentaire. Une relation privilégiée avec la mère est maintenue jusqu’à la dispersion (i.e. départ du groupe natal à maturité sexuelle) du jeune, soit jusqu’à l’âge de 2-3 ans (Waring, 2003). Ainsi, une étude réalisée chez le cheval de Przewalski sur des groupes sociaux naturels (Bourjade, 2007) a clairement démontré que les jeunes de 1 et 2 ans ne s’associent pas au hasard et que certains partenaires sont plus fréquemment leurs plus proches voisins que d’autres. Parmi les voisins les plus fréquents, on trouve la mère et un autre jeune du groupe, tandis que l’étalon et les juments adultes sont spatialement évités par les jeunes de 1 an mais aussi de 2 ans. La mère reste donc un voisin privilégiée pour

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 8

ses jeunes, et ce quels que soient leur âge et leur sexe. En situation domestique, force est de constater que le sevrage artificiel (à 4-7 mois) induit une rupture du lien mère-jeune extrêmement précoce.

2 Une étude sur le sevrage spontané chez le poulain domestique Chez le cheval, la dynamique temporelle du lien mère-jeune après les 6 premiers mois de vie du poulain et donc le processus du sevrage reste assez peu documenté (peu d’études et observations discontinues). De même, nous ne disposons d’aucune information sur l’impact du sevrage « naturel » sur le comportement du poulain et la relation mère-jeune. C’est dans cette optique que nous avons débuté des études sur des groupes de chevaux domestiques islandais vivant en conditions semi-naturelles et sans interférences humaines majeures.

2.1 Sujets et site d’étude Cette étude a été réalisée sur 16 dyades mère-poulain de race Islandais vivant au sein de trois groupes sociaux stables, composés d’autres couples mère-jeune et de yearlings (tableau 1). Les juments, âgées de 7 à 23 ans, étaient toutes multipares (i.e. avec une expérience maternelle préalable) et de nouveau gestantes au moment des observations. Toutes les juments avaient au sein du groupe leur poulain de l’année et leur jeune de l’année précédente. Les poulains, 9 femelles et 7 mâles, étaient tous nés entre mai et juillet, et issus de 11 étalons différents, ce qui n’a pas permis de tester un possible effet de l’origine paternel. Les chevaux appartenaient à l’Université de Hólar « School of the Icelandic Horse » (groupes 1 et 3) et à un éleveur particulier (groupe 2). Quel que soit le site d’élevage, l’ensemble des groupes vivait en semi-liberté toute l’année dans des prairies naturelles (tableau 1). Ils étaient complémentés en foin en hiver, en sel toute l’année, et l’apport en eau se faisait dans des cours d’eau naturels et en hiver par l’ingestion de neige. Les juments et les poulains étaient rarement rentrés et manipulés, les contacts humains étaient rares en dehors de la distribution de fourrage et des soins de prophylaxie. Les interférences humaines au sein de la dyade mère-jeune étaient également très limitées : les poulinages ont eu lieu en extérieur et sans assistance humaine, les jeunes ont été laissés avec leur mère jusqu’à 2-3 ans, seuls les poulains mâles ont été retirés du groupe vers l’âge de 11-12 mois après l’expression des premiers comportements sexuels. Tableau 1 : Caractéristiques du groupe et des dyades mère-jeune : âge et expérience maternelle des juments ; sexe et date de naissance des poulains. Table 1: Description of groups and mare-foal pairs: age and maternal experience of mares; sex and birthdate of foals. Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Taille du groupe 24 47 25 Taille de la pâture (ha) 26,5 20,0 19,0 Densité (nombre de chevaux / ha) 1,10 2,35 1,32 Nombre de dyades mère-jeune 5 7 4 Juments : - Age moyen en années [min-max] 14,8 ± 2,9 [8-23] 13,0 ± 2,1 [9-23] 10,8 ± 2,2 [7-17] - Nombre de portées antérieures [min-max] 5,6 ± 2,2 [2-14] 4,7 ± 1,4 [2-11] 5,5 ± 1,9 [2-11] Poulains : - Nombre de femelles / mâles 4 / 1 2 / 5 3 / 1 - Date de naissance [min-max] [20/05-21/06] [29/05-14/07] [06/06-22/07]

2.2 Observations Nous avons fait des observations quotidiennes de février à mai, soit lorsque les jeunes étaient âgés globalement de plus de six mois. L’objectif était double : 1) déterminer l’âge de sevrage de chaque poulain, défini comme l’âge auquel le poulain a été observé en train de téter la dernière fois ; 2) étudier la dynamique temporelle de la relation mère-jeune autour de la période du sevrage et l’impact de ce dernier sur la relation mère-jeune.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 9

Au cours des observations, une attention particulière a donc été portée sur diverses variables couramment employées pour évaluer la qualité de la relation mère-jeune chez le cheval. Il s’agit des distances mère-jeune, du choix de la mère comme voisin préféré, de la fréquence et de la qualité des interactions mère-jeune et des fréquences de tétées (e.g. Crowell-Davis & Weeks, 2005 ; Weeks et al., 2000). • La distance entre la mère et son jeune (pour chaque dyade), ainsi que l’identité et la distance au plus proche voisin de chaque jument et de chaque poulain, ont été relevées, selon la méthode du « scan sampling », toutes les 5 minutes pendant 1 heure (12 relevés par session) et ce trois fois par semaine. Pour les distances entre individus, six classes de distance ont été utilisées : [0] (contact), ]0;1], ]1;5], ]5;10], ]10;20], plus de 20 « longueurs de cheval » (Crowell-Davis, 1986). Concernant l’identité du plus proche voisin, six catégories sociales ont été utilisées : [mère ou poulain de l’individu observé], [autres juments], [autres poulains], [yearling apparenté], et [autres yearlings]. • L’ensemble des comportements de la mère et de son poulain a été relevé lors d’observations continues (focal sampling) de la dyade pendant 5 minutes, et ce 6 fois par semaine. Les interactions enregistrées étaient les suivantes (Waring, 2003) : a) les investigations sociales (e.g. flairages naso-nasal, naso-corporel, naso-génital) ; b) les interactions affines (e.g. toilettage mutuel, se frotte contre, pose tête sur une partie du corps…) ; et c) les interactions agonistiques (e.g. menaces de mordre/taper/tête, mord/tape…). • Les tétées et les comportements qui leur sont associés ont été notés à chaque fois qu’ils étaient observés au sein du groupe en précisant l’identité de la dyade concernée (« all occurrences of behaviour »). Chaque semaine, 2 sessions d’observations de 1 heure 30 (le poulain tétant en moyenne 1 fois par heure à ce stade) ont été réalisées. Au cours de ces sessions ont été notés : le nombre de tentatives de tétée (i.e. les initiatives de tétée du poulain interrompues par la mère, durée < 5 sec.), le nombre de tétées effectives, ainsi que l’individu responsable de la fin de la tétée et le comportement qui y est associé (e.g. éloignement du poulain, menace de mordre de la jument envers son poulain…) Les sessions d’observation ont eu lieu pendant la période diurne soit entre 10h et 17h, à raison de 3 à 6 jours d’observations par semaine en fonction des conditions météorologiques (e.g. température extérieures, tempêtes de neige…). Enfin, un suivi de l’état corporel de la jument (en complément de celui réalisé par l’éleveur) a été réalisé chaque mois selon la méthode de notation d’Arnaud et al. (1997). Les juments ont été palpées ainsi au niveau du chignon, de l’arrière de l’épaule, le long du dos et de l’attache de la queue. L’indice est scoré de 0 (émacié) à 5 (obèse) où la note de 3 correspondait à un état corporel « normal ».

2.3 Résultats 2.3.1 Age du sevrage et facteurs de variation Le sevrage spontané a eu lieu lorsque les poulains étaient âgés en moyenne de 9 mois et 3 mois avant la naissance du poulain suivant (tableau 2). Aucune différence n’a pu être mise en évidence entre les trois groupes (Kruskal-Wallis : p>0,1 ; tableau 3). Des variations, plus ou moins marquées, entre les différentes dyades étudiées ont été relevées. Si l’âge du sevrage, allant de 7,7 à 10,0 mois (tableau 3), varie assez peu d’un couple mère-jeune à l’autre (Coefficient de variation : CV = 7,7 %), la durée de la période sèche (définie ici comme la période séparant le sevrage du poulain et la naissance du poulain suivant) apparait plus variable (CV= 22,9%) (tableau 3), et dure entre 1,9 et 4,6 mois (tableau 3). L’âge du poulain au sevrage, ainsi que la durée de la période sèche ne sont pas influencés par le sexe du poulain de l’année ou celui du poulain à venir (tableau 2). Par ailleurs, l’âge du poulain au sevrage et la durée de la période sèche ne sont pas corrélés ni à l’âge de la jument (Spearman : rs = 0,31, p=0,25 et rs = -0,07, p=0,81 respectivement), ni au nombre de portées qu’elle a eu (Spearman : rs = 0,08, p=0,75 et rs = -0,06, p=0,81 respectivement), ni à son état corporel le mois du sevrage (Spearman : rs = 0,18, p=0,57 et rs = -0,16, p=0,59 respectivement). Par contre, le taux de poulains produits par an est positivement corrélé à la durée de la période sèche (Spearman : rs = 0,55, p=0,028) : autrement dit, les juments qui produisent un poulain régulièrement ont tendance à sevrer leur poulain plus tôt par rapport à la naissance du poulain suivant. L’état corporel de la jument n’a de toute évidence pas influencé, dans notre étude, le moment du sevrage. Il est à noter que sur toute la période d’observation, les juments sont restées en moyenne autour d’un indice corporel de 3,0±0,1, correspondant à un état « normal ». Il n’y pas eu d’évolution significative avec l’âge croissant des jeunes (Friedman : χ²=5,18, p>0,1) et l’état corporel des juments est resté stable au cours du temps.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 10

Tableau 2 : Age des poulains au sevrage, durée de la période sèche et facteurs de variation potentiels. Table 2: Foals age at weaning, duration of the dry period and potential factors of variation. POULAINS JUMENTS SEVRAGE Autres Nom Sexe Age (ans) # portées # poulains/ Age (mois) Durée de la période Sexe du an sèche (mois) foetus Freyja F 19 2 1,0 9,2 3,5 F

Framsokn F 23 13 0,7 9,3 2,9 F Eithur M 9 3 0,7 9,1 3,0 M

GROUPE 1 GROUPE Imynd F 8 2 1,0 8,8 3,7 F Syn F 15 8 1,0 10,0 1,9 F Kliddur M 23 11 1,0 9,3 4,3 F Blon M 10 2 0,8 9,8 2,7 F

Heljor M 11 3 1,0 9,7 2,8 M Loftur M 9 3 1,0 8,7 3,6 F Oddi M 11 3 1,0 8,7 3,1 F GROUPE 2 GROUPE Svala F 13 6 0,8 9,2 2,2 F Kunst F 19 10 1,0 7,8 4,6 F

Ithrott F 9 4 1,0 8,1 3,8 M Rima F 17 11 0,9 8,5 3,2 F Elja F 10 5 0,8 9,6 2,4 M GROUPE 3 GROUPE Grettir M 7 2 1,0 7,7 3,9 M

Moyenne 13,3 5,5 0,9 9,0 3,2 Erreur-standard 1,3 1,0 0,0 0,2 0,2

TOTAL CV (%) 40,0% 69,6% 14,4% 7,7% 22,9% CV = coefficient de variation = écartype/moyenne x 100 ; # = nombre

Tableau 3 : Sevrage du poulain et variations inter-groupe: âge des poulains et durée de la période sèche. Table 3: Foal weaning and inter-group variations: age of foals and duration of the dry period. Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Age moyen au sevrage (mois) 9,3 ± 0,2 9,0 ± 0,3 8,5 ± 0,4 Mini-Maxi (mois) [8,8 - 10,0] [7,8 - 9,8] [7,7 - 9,6] CV (%) 4,8% 7,7% 9,7% Durée de la période sèche (mois) 3,0 ± 0,3 3,3 ± 0,3 3,3 ± 0,3 Mini-Maxi (mois) [1,9 – 3,7] [2,2 – 4,6] [2,4 – 3,9] CV (%) 23,3% 26,1% 20,2%

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 11

2.3.2 Impact du sevrage sur la relation mère-jeune Nous avons voulu ensuite examiner si le sevrage marquait un changement dans la relation mère-jeune, notamment concernant la distance à la mère ainsi que les préférences sociales du poulain ou de la jument. Dans cette optique, nous avons examiné la relation mère-jeune pendant les 2 semaines précédant le sevrage et les 2 semaines suivant le sevrage.

Période pré-sevrage Dans les deux semaines précédant le sevrage, les juments et leurs poulains passaient la majorité du temps à proximité (selon les groupes : de 28 à 40% du temps à moins d’1 longueur cheval et de 44 à 67% du temps à moins de 5 longueurs cheval ; figure I). Les poulains avaient par ailleurs comme partenaire spatial préféré leur mère (selon les groupes : la mère était le plus proche voisin - parmi tous les autres individus disponibles au sein du groupe - de 21 à 40% du temps ; figure II). De même, la mère montrait une préférence marquée pour son poulain par rapport aux autres individus du groupe (selon les groupes : le poulain était le plus proche voisin - parmi tous les autres individus disponibles au sein du groupe - de 30 à 44% du temps ; figure II). De manière intéressante, avant le sevrage, les comportements agonistiques de la jument envers son jeune étaient très rares (i.e. moins de 1 occurrence par heure), que ce soit pendant les activités de tétée ou en dehors de ces dernières. Nous n’avons pas non plus observé de diminution de la fréquence des tétées, le poulain tétant toujours en moyenne un peu moins d’une fois par heure dans la dernière semaine. Figure I : Comparaison de la distance entre la jument et son poulain avant et après le sevrage. Figure I: Evolution of mare-foal distance before and after weaning.

Figure II : Comparaison des préférences sociales (identité du premier voisin préféré) avant et après le sevrage. Figure II: Comparison of social preferences (identity of the nearest neighbour) before and after weaning.

Comparaison avant/après sevrage Aucun changement en termes de proximité spatiale entre les deux partenaires n’a été mis en évidence avant et après le sevrage : mère et jeune passent en effet la majorité du temps à proximité (i.e. à moins d’une longueur cheval ; figure I). De plus, les poulains montrent une préférence aussi forte pour leur mère après le

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 12

sevrage, la choisissant plus souvent comme premier voisin par rapport aux autres individus du groupe (figure II). Il en est de même pour les juments (figure II). Malgré tout, il est à noter qu’aucune tentative de tétée n’a été observée suite au sevrage. Enfin, outre l’activité de tétée, aucune évolution significative dans le budget d’activité des poulains n’a été observée (W : 2,500,1) : l’alimentation et le repos sont restés les deux activités prédominantes du jeune que ce soit deux semaines avant ou après la date du sevrage. Quelques rares différences avant/après sevrage ont pu être observées dans certains groupes. Ainsi, dans le groupe 1, les poulains passaient plus de temps, suite au sevrage, à de grandes distances de leur mère (distance mère-poulain comprise entre 10 et 20 longueurs cheval, et supérieure à 20 longueurs cheval) (figure I) tout en ne montrant aucune diminution du temps passé à proximité (cf. ci-dessus). Quel que soit le groupe, les juments, quant à elles, ne montraient aucun changement de leurs préférences sociales (figure II). 2.3.3 Conclusion de l’étude L’âge du sevrage, mais surtout la durée de la période sèche varie entre les juments. Le facteur explicatif prédominant parait être le taux de poulains produit annuellement. Il est à noter cependant que les juments de cette étude présentaient un certain nombre de caractéristiques communes, limitant les facteurs de variation (cf. partie 1.4.1) : elles étaient toutes multipares, gestantes, et en présence de leur poulain et de leur jeune de l’année passée. Contrairement, peut-être aux attentes, les juments plus âgées n’ont pas eu tendance à sevrer leur poulain plus tôt et, chez l’ensemble des juments, aucune perte d’état n’a été notée au cours de la période d’allaitement et ce malgré les conditions climatiques sévères (température négatives, présence du manteau neigeux…), l’absence de compléments alimentaires en dehors du fourrage et un taux de poulain annuel par jument élevé (la majorité des juments ayant un poulain chaque année). A titre anecdotique, dans les deux élevages où les observations ont eu lieu, les éleveurs n’ont jamais eu à sevrer un poulain artificiellement car l’état corporel de la jument le nécessitait, ou alors seulement en de rares occasions (une fois en 10 ans à l’Université d’Holar). Il est cependant important de noter qu’au sein de ces deux élevages, les juments ont accès au pâturage ou au fourrage en continu sur 24 heures, ce qui est désormais connue comme une condition améliorant l’état corporel et le taux de fertilité des juments (Benhajali et al., 2013). Il est possible aussi que le caractère rustique de cette race joue un rôle dans le bon maintien de leur état corporel. De manière surprenante, la fréquence de tétée n’évolue pas dans les deux semaines précédant le sevrage, et la jument n’exprime pas des réponses de rejet croissantes lors des initiatives de tétée de son jeune. De même, les poulains n’ont jamais été observé faire des tentatives de tétée suite à leur sevrage, suggérant l’absence de frustration et que c’est le poulain qui décide l’arrêt des tétées. Enfin, force est de constater que le sevrage spontané n’induit aucune modification du budget-temps du jeune (en dehors de l’arrêt de la tétée) et de la relation jument-poulain, ce qui contraste bien évidemment avec le sevrage artificiel couramment pratiqué en élevage.

3 Conclusion Lors de la décision de sevrer le poulain en élevage, il semblerait important de ne pas mettre l’accent uniquement sur l’âge du jeune et des aspects alimentaires (ce qui est préconisé le plus souvent), mais de porter également une attention particulière à l’intensité de la relation mère-jeune. Certains poulains, même âgés, peuvent être moins précoces sur le plan social et plus proches de leur mère que d’autres du même âge. Enfin, prendre en compte le statut de la jument (gestante ou non ; et si gestante, son stade de gestation) pourrait également permettre de mieux appréhender le meilleur moment pour sevrer le poulain. Enfin, sur la base des connaissances scientifiques (effet du sevrage artificiel, déroulement du sevrage naturel…), on peut se poser la question de la pertinence du sevrage artificiel précoce en élevage. Si dans les élevages professionnels, le sevrage naturel parait relativement difficile à mettre en place, cela serait sans doute à préconiser dans un certain nombre d’élevage où les effectifs sont plus faibles (plus de 80% des éleveurs n’ont que 1 ou 2 juments de reproduction) ou qui vise la production de chevaux de de loisir. Remerciements Les auteurs remercient chaleureusement Sveinn Ragnarsson et l’Université de Hōlar pour leur accueil. Cette étude a été financée par le Partenariat Hubert Curien franco-islandais (PHC Jules Verne), le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et l’Université de Rennes 1. Références

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

S. Henry et al. Page 13

Arnaud, G., Dubroeucq, H., Rivot, D., 1997. Notation de l'état corporel des chevaux de selle et de sport. Inra, Institut du cheval - Institut de l'Elevage, Paris. Barber, J.A. & Crowell-Davis, S.L., 1994. Maternal behaviour of Belgian ( caballus) mares. Applied Animal Behaviour Science 41, 161-189. Benhajali, H., Ezzaouia, M., Lunel, C., Charfi, F. & Hausberger, M., 2013. Temporal feeding pattern may influence reproduction efficiency, the example of breeding mares. PLoS ONE, 8 (9), e73858. Berger, J., 1986. Wild horses of the Great Basin. University of Chicago Press, Chicago Bourjade, M. 2007. Sociogenèse et expression des comportements individuels et collectifs chez le cheval. Thèse de doctorat d’Université, Louis Pasteur, 248p. Crowell-Davis, S.L. 1985. Nursing behaviour and maternal aggression among Welsh ponies (Equus caballus). Applied Animal Behavior Science 14, 11-25. Crowell-Davis, S.L., 1986. Spatial relations between mares and foals of the Welsh pony (Equus Caballus). Animal Behaviour 34, 1007-1015. Crowell-Davis, S., Weeks, J., 2005. Maternal behaviour and mare-foal interaction. In: The domestic horse. Editors: Mills, D.S., McDonnell, S.M. Cambridge University Press, 126-138. Duncan, P., Harvey, P.H. and Wells, S.M., 1984. On lactation and associated behaviour in a natural herd of horses. Animal Behaviour 32, 255-263 Faubladier, C., Sadet-Bourgeteau, S., Philippeau, C., Jacotot, E., Julliand, V., 2014. Molecular monitoring of the bacterial community structure in foal feces pre- and post-weaning. Anaerobes 25:61-66. Henry, S. & Hausberger, M. (2015). Synthèse sur les influences maternelles de la naissance au sevrage et applications aux conduites d’élevage. 41e Journée de la Recherche Equine (pp. 93-102). Paris : Les Haras Nationaux/INRA/Institut français du cheval et de l’équitation. Henry, S. & Hausberger, M. (2017). Peut-on prédire la future personnalité du poulain. 43e Journée de la Recherche Equine (pp. 54-63). Paris : Les Haras Nationaux/INRA/Institut français du cheval et de l’équitation. Henry S., Briefer S., Richard-Yris M.-A., & Hausberger M. (2006). Influences sociales autour du sevrage. Journée de la Recherche Equine (pp. 79-86). Paris : Les Haras Nationaux/INRA/Institut français du cheval et de l’équitation. Henry, S., Zanella, A.J., Sankey, C., Richard-Yris, M.-A., Marko, A., Hausberger, M. (2012). Unrelated adults may be used to alleviate weaning stress in domestic foals (Equus caballus). Physiology and Behavior 106, 428-438. Lansade, L., Lévy, F., Yvon, J.-M., Guettier, E., Reigner, F., Bouvet, G., Soulet, D., Vidament, M.-A., 2016. Le sevrage : quelles sont les recommandations issues de la recherche équine ? 42e Journée de la Recherche Equine (pp. 87-94). Paris : Les Haras Nationaux/INRA/Institut français du cheval et de l’équitation. Tyler, S.J., 1972. The behaviour and social organisation of the New Forest ponies. Animal Behaviour Monography 5, 85-196. Waran, N.K., Clarke, N., Farnworth, M., 2008. The effects of weaning on the domestic horse (Equus caballus). Applied Animal Behaviour Science 110:42–57. Waring, G. H. (2003). Horse behaviour. The behaviour traits and adaptations of domestic and wild horses, including ponies (2nd ed.). Noyes publ., New Jersey. Waters, A. J., Nicol, C. J. and French, N. P., 2002. Factors influencing the development of stereotypic and redirected behaviours in young horses: findings of a four year prospective epidemiological study. Equine Veterinary Journal 34. 572-579. Weeks, J.W., Crowell-Davis, S.L., Caudle, A.B., Heusner, G.L., 2000. Aggression and social spacing in light horse (Equus caballus) mares and foals. Applied Animal Behaviour Science 68, 319–337. Wolter, R., 1999. Alimentation du cheval (2ème edition). France Agricole Editions, Paris.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Caractérisation individuelle des états de mal-être

A. Ruet1, L. Lansade1 1 PRC, CNRS, IFCE, INRA, Université de Tours, 37380 Nouzilly, France

Résumé La détection des états de mal-être du cheval est un sujet essentiel mais complexe. Si quelques indicateurs comme les stéréotypies sont bien connus du public, d’autres formes de mal-être sont plus difficiles à observer. Cette étude s’est focalisée sur quatre signes de mal-être : les stéréotypies, l’agressivité, l’anxiété et l’apathie. Différents protocoles d’évaluation de ces indicateurs ont été réalisés sur 202 chevaux au box : scan sampling, évaluation globale (AWIN) ou encore questionnaires. Nous avons montré que ces différents protocoles donnaient des informations cohérentes entre elles mais que la précision des mesures n’était pas toujours bonne. Par exemple, les soigneurs, bien que très qualifiés, détectent en général mal les chevaux apathiques. Nous avons ensuite montré que ces formes de mal-être sont indépendantes entre elles. Il est donc primordial de considérer l’ensemble de ces formes lors de la détection des états de mal-être et de sensibiliser les cavaliers à l’observation de chacune d’elles. Cette étude va maintenant servir de base pour la recherche des liens entre expression comportementale du mal-être, problèmes de santé et données physiologiques. Mots clés : Ethologie, bien-être, apathie, stéréotypies, anxiété

Summary The assessment of horse’s well-being is a major, but complex issue. While some indicators such as stereotypies are well known by the lay public, others forms of expression are more difficult to observe. This study focused on four signs of bad welfare: stereotypies, aggression towards humans, anxiety and apathy. Three kinds of protocol have been used to detect these signs: scan sampling, global evaluation (AWIN) and surveys. 202 horses were studied in their box. Results show that these protocols give coherent information between them but sometimes, the accuracy was not satisfactory. For instance, caretakers were not able to detect apathetic horses. Then, we show that these four signs were not related. It is therefore essential to consider all of these signs when detecting welfare problems and it is also essential to sensitize the riders to the observation of each of them. This study will now serve as a basis for a study of the links between behavioral expression of welfare, health problems and physiological data. Key-words: Ethology, welfare, apathy, stereotypies, anxiety

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 15

Introduction Les conditions de vie des chevaux domestiques sont bien souvent inadaptées au regard des besoins naturels des animaux, entrainant alors des souffrances principalement exprimées au travers de comportements anormaux et d’une sensibilité accrue aux maladies. La détection des états de mal-être du cheval est un sujet essentiel mais qui reste néanmoins complexe. Si quelques indicateurs comme certaines formes de stéréotypies, tel que le tic à l’appui, sont relativement bien connus du public, d’autres formes d’expression du mal-être sont généralement négligées et souvent plus difficiles à observer. Dans le cadre de cette étude portant sur un panel de 202 chevaux hébergés au box, quatre formes différentes de mal-être identifiées dans la littérature ont pu être observées : des comportements stéréotypiques (Mason GJ. et al., 2004, Waran N., 2007, Sarrafchi et al., 2013), des attitudes agressives envers l’Homme (Fureix et al., 2010), de l’apathie (Swann W., 2006, Hall C. et al., 2008. Burn C. et al., 2010, Fureix C. et al., 2015) et de l’anxiété (Pessoa G., et al, 2016). Différents protocoles de mesures permettent d’évaluer chacune de ces quatre formes de mal-être. Premièrement, il est possible d’observer le cheval au box par la méthode de scan sampling (Altmann J., 1974), qui consiste à relever le comportement de l’animal à intervalles de temps réguliers, et ce sur plusieurs plages horaires/jours différents. Ensuite, un protocole européen d’évaluation du bien-être du cheval (AWIN horses, 2015) peut être réalisé. Il regroupe un ensemble de critères dont quelques uns relatifs aux comportements exprimés par les animaux. Parmi eux, un indicateur appelé Qualitative Behaviour Assessment (QBA) se propose d’évaluer subjectivement les états émotionnels des animaux par l’utilisation d’adjectifs du langage courant (e.g. « A l’aise », « Curieux » etc.). Enfin, des questionnaires proposés aux soigneurs peuvent permettre d’obtenir une vision intégrative du comportement du cheval sur une période de temps relativement importante.

Les objectifs de cette étude sont multiples : Tout d’abord, il s’agit de déterminer si les trois protocoles de mesures (scans sampling, protocole AWIN, questionnaire) donnent des informations cohérentes entre eux concernant chacune des formes de mal-être étudiées (i.e. les résultats des divers protocoles sont-ils corrélés entre eux ?). Par exemple, l’observation du cheval par scan-sampling fournit-elle une information similaire à l’avis du soigneur habituel du cheval ? Le second objectif est d’explorer les caractéristiques de chacune de ces formes de mal-être (i.e. stéréotypies, agressivité, apathie et anxiété) et notamment les relations qu’elles entretiennent entre elles (i.e. une forme de mal-être particulière est-elle corrélée à une autre ?). Par exemple, les chevaux présentant des stéréotypies ont-il aussi tendance à exprimer de l’agressivité, de l’apathie ou de l’anxiété ? Ou au contraire, ces quatre formes de mal-être sont-elles indépendantes les unes des autres ? Dans ce cas, cela signifierait qu’il est nécessaire de considérer chacune de ces formes lors de l’évaluation des états de mal-être : l’absence de l’une des formes ne signifierait pas l’absence d’autres signes. Enfin, bien qu’hébergés au sein d’un même site, l’environnement de vie (logement et utilisation) des chevaux étudiés variait sensiblement entre les individus. Le troisième objectif est ainsi d’identifier des facteurs de risque dans les caractéristiques propres (i.e. sexe, race, âge etc.), les conditions de vie et d’utilisation des chevaux, susceptibles d’être liés à l’expression de chacune des quatre formes de mal-être étudiées (i.e. stéréotypies, agressivité, apathie et anxiété).

1 Matériels et méthodes

1.1 Animaux Cette étude a été réalisée sur 202 chevaux de sport hébergés au sein d’un même site entre les mois d’Octobre 2016 à Juillet 2017. L’échantillon était composé de 7 entiers, 140 hongres et 55 juments âgés de 4 à 20 ans (moyenne = 10,5 ans ± 3,5). Les chevaux étaient logés en boxes individuels et recevaient une ration de foin matin et soir (≈ 9 kg / jour) ainsi que 3 ou 4 repas de concentrés répartis dans la journée. La durée de sortie moyenne était de 1h15 ± 23 min par jour par animal, uniquement pour du travail, de la longe/liberté ou du marcheur. Les principales disciplines sportives étaient représentées au sein de l’échantillon (26% CCE, 35% CSO, 38% dressage, 2% Voltige).

1.2 Observations comportementales 1.2.1 Observations par scan sampling Chaque cheval a été observé au box par la méthode des scans sampling (Altmann J., 1974) depuis l’extérieur, en marchant silencieusement au milieu du couloir de l’écurie, entre les mois d’Octobre 2016 à Juillet 2017.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 16

Cinq sessions de 90 minutes ont été réalisées par jour entre 9h et 16h30 (5 scans par cheval et par session). Au total, chaque cheval aura été observé en moyenne 189 fois (± 39) sur une période de 50 jours différents (10 jours différents par session). Tous les comportements et postures de l’animal ont été relevés. Chacune des quatre formes de mal-être a pu être identifiée lors des scans, dans des proportions très variables entre les individus qui les exprimaient. Les comportements stéréotypiques recensés étaient le tic à l’air, à l’appui, l’encensement et le tic à l’ours. Les comportements anormaux répétitifs observés furent les léchages compulsifs des murs ou des barreaux, les mouvements de têtes répétés, les comportements compulsifs de menace dans le vide, les claquements de lèvres et mouvements de langues répétés. L’ensemble de ces comportements a été pris en compte comme appartenant à la forme de mal-être « stéréotypies » (Figure I « STEREOTYPIES (scans) »). L’agressivité a été évaluée à chaque attitude de menace ou d’attaque exprimée par le cheval lors du passage d’une personne dans le couloir ou envers l’observateur au moment des observations (Figure I « AGRESSIVITE (scans) »). L’apathie a été prise en compte par l’observation répétée d’une inactivité dans le box, hors attitude de repos. A chaque passage de l’observateur, la forme de mal-être « apathie » a été recensée si le cheval se tenait immobile dans son box (devant la porte, au milieu ou dans un coin, devant un mur ou la fenêtre) avec les yeux ouverts (Figure I « INACTIVITE (scans) »). Enfin, l’anxiété a été observée si, au passage de l’observateur, l’animal exprimait une posture d’alerte (encolure haute, fixité des oreilles et du regard, immobilité, tonicité musculaire) avec la tête à l’extérieur du box ou à l’intérieur (Figure I « ALERTE (scans) »). 1.2.2 Protocole d’évaluation du bien-être équin (AWIN horses) Au cours de la période d’étude, chaque cheval a été soumis deux fois au protocole d’évaluation du bien-être AWIN (AWIN horses, 2015) à 3 mois d’intervalle, composé d’indicateurs à la fois centrés sur l’animal et sur les ressources à disposition. Ces évaluations ont été réalisées directement au box et comprenaient un test d’approche à un humain inconnu, une évaluation qualitative du comportement (QBA) pendant 1 minute (attribution d’une croix sur une échelle représentant la proportion d’expression de différents qualificatifs à la suite d’une observation passive du cheval au box puis d’un grattage au garrot pendant respectivement 30 et 30 secondes), un examen sanitaire (note d’état corporel, santé du poil, des sabots, décharges oculaires, nasales, des organes génitaux, relevé des blessures) et une observation de l’environnement de vie (présence, propreté et qualité de la litière et de l’eau, taille du box). Un seul observateur formé a réalisé ces évaluations. Une moyenne des résultats des deux protocoles a été effectuée pour chaque animal. Chacune des formes de mal-être a pu être observée lors de la réalisation des protocoles AWIN. Les stéréotypies ont été observées en dehors du box avant le début du protocole pendant une durée de 5 minutes. A l’issue de ce temps, le cheval était noté comme exprimant ou non une/des stéréotypie(s) (Figure I « STEREOTYPIES (AWIN) »). L’agressivité a été évaluée par l’expression ou non de comportements agonistiques (i.e. oreilles plaquées sur la tête, ouverture de mâchoire, présentation de la croupe, suspension d’un membre etc.) envers l’observateur lors de l’ouverture du box, de l’approche et d’une manipulation forcée (i.e. glissement de la main gauche de l’encolure à la croupe) (Figure I « AGRESSIVITE (test) »), ainsi que lors du QBA. Pour cette observation, le cheval a été jugé sur la proportion d’agressivité exprimée (sur une échelle allant de 0% à 100% de la durée totale) pendant les 30 secondes d’observation passive et les 30 secondes de grattage au garrot (Figure I « AGRESSIVITE (QBA) » et « AGRESSIVITE GROOMING »). Une attitude particulièrement agressive du cheval a été ou non signalée par l’expert à l’issue de la réalisation complète du protocole AWIN (Figure I « AGRESSIVITE (expert) »). Concernant la forme de mal-être « apathie », le cheval a été jugé inactif sur une échelle allant de 0% à 100% de la durée totale du QBA (30 secondes d’observation passive suivies de 30 secondes de grattage au garrot) (Figure I « INACTIVITE (QBA) »). L’expert a aussi jugé de l’attitude globalement apathique ou non de l’animal à l’issue de la réalisation complète du protocole AWIN (Figure I « INACTIVITE (AWIN) »). Enfin, l’anxiété a été évaluée par l’expression ou non de comportements d’évitement et de stress (i.e. sursaute, souffle fort, ne vient pas au contact) lors de l’ouverture du box, de l’approche et de la manipulation forcée (i.e. glissement de la main gauche de l’encolure à la croupe) (Figure I « EVITEMENT (test) » et « NE VIENT PAS AU CONTACT (test) »). La proportion d’expression d’une attitude d’alerte lors du QBA a aussi été relevée en apposant une croix sur une échelle allant de 0% à 100% de la durée totale du test (30 secondes d’observation passive puis 30 secondes de grattage au garrot) (Figure I « ALERTE (QBA) »). Enfin, l’expert a jugé d’une attitude globalement anxieuse ou non de l’animal à l’issue de la réalisation complète du protocole AWIN (Figure I « ALERTE (expert) »).

1.2.3 Questionnaire Un questionnaire comprenant des questions fermées sur les stéréotypies, l’attitude générale et plus particulièrement lors du pansage a également été proposé au soigneur habituel de chaque cheval.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 17

Des informations sur chacune des formes de mal-être ont de même pu être recensées. Les soigneurs ont évalué si le cheval exprimait ou non des stéréotypies (Figure I « STEREOTYPIES (soigneurs) ») et des comportements agressifs pendant le pansage et la préparation (Figure I « MORD AU PANSAGE », « MENACE AU PANSAGE »). Ils ont aussi pu attribuer une note allant de 1 à 10 afin d’évaluer l’anxiété d’une part et l’apathie du cheval d’autre part (Anxiété : 1 = Le cheval est généralement calme, 10 = Le cheval est généralement stressé ; Apathie : 1 = Le cheval est plutôt attentif à son environnement, 10 = Le cheval est généralement apathique).

1.3 Analyses statistiques Dans un premier temps, une classification ascendante hiérarchique basée sur le calcul de coefficients de corrélation de Spearman (CAH, méthode de Ward) a été réalisée sur les différentes mesures brutes afin de regrouper ces dernières dans des classes (appelées clusters). Cette méthode permet de maximiser la ressemblance entre variables d’une même classe tout en différenciant le plus possible les classes entre elles. Le calcul d’un coefficient de similarité est effectué entre chaque variable. Le dendrogramme permet de représenter la similarité entre les différentes mesures regroupées en clusters, ainsi que la dissimilarité entre ces derniers. A l’issue de cette première analyse, les données brutes des différentes mesures ont été transformées en score Z (i.e. score standard). En effet, du fait de leurs natures différentes, il était impossible de les traiter ensemble à importance égale. Ainsi, un score a été attribué à chaque individu en fonction de sa distance (i.e. en écart- type) par rapport à la moyenne de l’échantillon, et cela pour chacune des mesures. Ensuite, un score Z moyen a été calculé par animal et pour chacune des quatre formes de mal-être (stéréotypies, agressivité, apathie et anxiété) à partir des scores Z des différentes mesures qui définissent ces dernières. Cette opération permet de pouvoir classer les chevaux entre eux pour chacune des formes en fonction de l’intensité de leur expression. Par exemple, un cheval avec un score Z négatif très élevé pour la forme de mal-être « stéréotypie » n’exprime pas du tout de comportements stéréotypiques (stéréotypie(s) non visible(s) pendant les scans, pendant AWIN, et non signalée(s) par le soigneur). A l’inverse, deux individus présentant pour l’un un score Z légèrement supérieur à zéro et pour l’autre un score Z très fortement positif expriment une/des stéréotypie(s), respectivement dans une faible et une forte proportion par rapport aux autres chevaux de l’échantillon. Un classement des individus a pu ainsi être réalisé pour chacune des quatre formes de mal-être. Ceci a permis de comparer les individus extrêmes entre eux pour la recherche de facteurs susceptibles d’être liés à l’expression de l’une ou l’autre des formes de mal-être étudiées. Les facteurs pris en compte dans cette première approche ont été le sexe, l’âge, la race, la discipline, la spécialité, le soigneur et le nombre d’années de présence du cheval dans l’écurie, ainsi que des caractéristiques liées à l’hébergement (par exemple la possibilité de contacts sociaux directs ou à travers une grille) et à l’utilisation (par exemple le nombre moyen d’heures de travail par semaine). Des comparaisons entre groupes extrêmes ont été effectuées pour chacune des formes en utilisant des tests d’indépendance du khi-carré de Pearson pour les facteurs qualitatifs et des tests de Wilcoxon-Mann-Whitney pour les facteurs quantitatifs. La significativité des tests a été fixée à une p- value de 0,05. Les tailles d’effet (d de Cohen pour les facteurs quantitatifs et Odd ratio pour les facteurs qualitatifs) ont systématiquement été relevées afin de permettre de juger de l’importance concrète des effets mesurés, au-delà de leur simple significativité statistique.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 18

2 Résultats

2.1 Cohérence entre mesures pour chacune des formes de mal-être La classification ascendante hiérarchique (CAH) obtenue est la suivante (Figure I) : Figure I : Dendrogramme de la CAH représentant les diverses mesures évaluant les différentes formes de mal-être Figure I: Dendrogram of CAH representing different measurements of several reduced well-being states

Les résultats de la CAH montrent une similarité des différentes mesures entre elles pour chacune des formes de mal-être étudiées (agressivité en violet, stéréotypies en vert, apathie en rouge et anxiété en bleu). Les coefficients de similarités varient de 70% à 15% entre les diverses mesures. Seule la posture d’alerte relevée lors des scans (en noir) n’est pas représentée dans le cluster attendu (i.e. cluster de l’anxiété en bleu).

2.2 Relations entre les quatre formes de mal-être La Figure I permet également d’observer une relative indépendance entre les quatre formes de mal-être étudiées. En effet, quatre principaux clusters représentant les différentes formes (i.e. stéréotypies, agressivité, apathie et anxiété) se distinguent, avec un coefficient de similarité très bas les uns avec les autres (≈ 5%). La posture d’alerte identifiée par scans peut cependant être considérée comme un cluster supplémentaire à part entière. En effet, elle partage aussi des coefficients de similarité très faibles avec les autres clusters (≈ 5% avec le cluster de l’agressivité, ≈ 1% avec le cluster des stéréotypies et 0,005 % avec les clusters de l’apathie et de l’anxiété). Sans surprise, ceci suggère que l’anxiété vis-à-vis de l’environnement et envers l’Homme seraient deux formes bien distinctes.

2.3 Variabilité de l’expression de chacune des formes entre les individus Le calcul des Z moyens de chaque cheval pour chacune des formes de mal-être a permis d’observer une variabilité très forte de l’expression des différents états de mal-être entre les individus.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 19

Figure II : Variabilité d’expression des différentes formes de mal-être Figure II: Expression variability between reduced well-being states

A Variabilité d’expression de la forme B Variabilité d’expression de la forme « agressivité » « stéréotypies »

D Variabilité d’expression de la forme C Variabilité d’expression de la forme « anxiété « anxiété envers l’Homme » envers l’environnement »

E Variabilité d’expression de la forme « apathie »

On observe des scores bas pour la majorité des individus au sein des différentes formes ainsi que quelques individus extrêmes pour chacune d’elles. Il est également possible de s’apercevoir rapidement qu’il s’agit de courbes monotones (i.e. sens de variation constant) de forme exponentielle et qui, exception faîte éventuellement pour la courbe « stéréotypies », ne présentent pas de décrochages notables (i.e. brusque rupture de la linéarité des données représentée par exemple par la flèche rouge) entre les scores les plus bas et les plus élevés.

2.4 Exemples d’un facteur susceptible d’être relié à l’expression des formes de mal-être étudiées A partir des courbes de la Figure II, des individus extrêmes ont pu être comparés entre eux sur leur score Z pour les différentes formes de mal-être. Le nombre d’années de présence dans l’écurie est un facteur lié à l’expression des comportements stéréotypiques (Figure III). En effet, les chevaux ne présentant pas de stéréotypies (« Non_SB_ARB ») sont en moyenne présents au sein de la structure depuis une durée moins importante que les chevaux qui en expriment (« SB_ARB ») (W = 193,5, p = 0,0027, d = -0,906, large effect).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 20

Le coefficient d de Cohen semble de plus attester d’un large effet de ce facteur âge sur l’expression des comportements stéréotypiques. Figure III : Différences dans le nombre d’années de présence au sein de la structure entre les chevaux présentant des stéréotypies et ceux qui n’en expriment pas Figure III: Differences between stereotyping and non-stereotyping horses on years since they arrived in the stable

Il semble que ce facteur joue aussi sur l’expression de la forme « alerte envers l’environnement ». En effet, les chevaux présentant des comportements d’alerte (« Alerte ») sont en moyenne présents dans la structure depuis moins longtemps que les chevaux qui n’en expriment pas (« Non alerte ») (W = 803,5, p = 0,0017, d = 0,6605, medium effect). Le coefficient d de Cohen semble attester d’un effet moyen de ce facteur sur l’anxiété des chevaux envers l’environnement. Cependant, ce facteur ne semble pas avoir de lien avec les formes « anxiété envers l’Homme » (W = 1397,5, p = 0,296), « agressivité » (W = 1299, p = 0,7246) et « apathie » (W = 1192,5, p = 0,6879).

3 Discussion

3.1 Homogénéité entre les différents types de mesures Le premier résultat de la CAH permet d’observer une relative homogénéité entre les différents types de mesures qui permettent d’évaluer chacune des quatre formes de mal-être. Ces mesures faisaient intervenir des observateurs différents, connus ou inconnus du cheval, sur une longue période ou à un instant précis, avec une vision plus ou moins intégrative. Par exemple, un cheval ayant été observé comme agressif lors des scans a généralement aussi montré de l’agressivité lors de la réalisation du protocole AWIN. Cependant, il est observé d’une part que les coefficients de similarité les plus élevés surviennent entre mesures issues d’une même méthode (scans sampling, protocole AWIN ou questionnaire). Par exemple, l’agressivité jugée par l’expert et lors du QBA est évaluée pour ces deux mesures lors du protocole AWIN avec une similarité d’environ 60%, alors que la similarité de ces dernières avec la mesure de l’agressivité par scans n’est plus que d’environ 35%. D’autre part, les coefficients de similarités sont plus élevés entre mesures pour les formes de mal-être exprimées par de l’agressivité et de l’anxiété que pour les comportements stéréotypiques ou l’apathie. Ces deux constats laissent supposer que, bien que les différentes mesures de chacune des formes vont dans le même sens, il est préférable de multiplier la quantité et la variété des observations pour déceler efficacement les individus en état de mal-être. De plus, il semble que ce soit d’autant plus vrai pour des formes pouvant passer dans certains cas plus facilement inaperçues comme l’apathie. Ainsi, un point important à souligner est que malgré leur grande connaissance des chevaux, les soigneurs n’ont pas été en mesure de détecter les chevaux qui manifestaient un fort état d’apathie. Ils ont en effet attribué des évaluations quasi identiques à l’ensemble des chevaux alors que les observations par scans sampling ont montré une très forte variabilité pour ce critère. Ceci révèle probablement une absence de sensibilisation à cet indicateur, qui est pourtant un des signes d’altération importante du bien-être (Swann W., 2006, Hall C. et al., 2008, Burn C. et al., 2010, Fureix C. et al., 2015). Cela peut aussi traduire une difficulté à évaluer cette état lorsque l’on n’a pas à disposition de population de référence pour comparer les chevaux les uns aux autres. En effet, observer sporadiquement un cheval en posture immobile les yeux ouverts n’a rien d’alarmant. Mais s’il est observé ainsi de façon récurrente, alors cela devient un critère de mal-être. L’intérêt de la population de référence que l’on a pu constituer est de déterminer comment il se situe par rapport à cet échantillon et de déterminer ainsi s’il présente une occurrence anormalement élevée de ce comportement.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 21

3.2 Indépendance entre les formes de mal-être étudiées Le second résultat de cette CAH permet de mettre en évidence une relative indépendance entre les quatre principales formes de mal-être étudiées. Cela suggère que les états de mal-être peuvent s’exprimer de manière différente en fonction des individus. En effet, au sein d’une même structure et avec une gestion quasiment similaire, certains chevaux ont développé des stéréotypies, d’autres une attitude agressive envers l’Homme, de l’apathie ou encore de l’anxiété. L’indépendance n’étant pas totale, quelques animaux peuvent cependant cumuler plusieurs formes, mais dans des proportions moindres que s’ils n’en exprimaient qu’une seule. Dans le cadre d’une évaluation du mal-être, ces résultats encouragent à prendre en compte l’ensemble de ces formes pour évaluer de manière fiable l’état d’un animal. En effet, se concentrer uniquement sur la détection des stéréotypies par exemple, pourrait conduire à exclure des animaux qui n’en exprimeraient pas mais qui exprimerait leur état de mal-être par de l’agressivité, de l’apathie ou de l’anxiété. Au vue de ces résultats, il semble aussi que l’anxiété ne s’exprime pas d’une seule manière mais plutôt en lien avec une situation. En effet, l’attitude d’alerte observée avec discrétion lors des scans depuis l’extérieur du box n’est pas liée aux autres mesures d’anxiété collectées lors de la réalisation du protocole AWIN, à l’intérieur du box. Ceci suggère que l’anxiété vis-à-vis de l’environnement et envers l’Homme seraient deux formes distinctes, et qu’un stress engendré au contact d’une personne inconnue serait plutôt lié aux précédentes expériences de l’animal avec l’humain (Waiblinger S. et al., 2006). Pour autant, le reste du temps, ces chevaux ne présenteraient pas forcément un état d’alerte global, possiblement révélateur d’un inconfort chronique. Cette supposition est appuyée par le fait que les facteurs potentiellement liés à l’expression de chacune de ces deux formes diffèrent entre elles.

3.3 Variabilité interindividuelle de l’expression de chacune des formes : création de profils La Figure II représente la forte variabilité entre individus dans l’expression de chacune des formes de mal- être étudiées. Une grande partie de l’échantillon n’exprime pas ou très peu ces différentes formes, mais quelques individus extrêmes se distinguent pour chacune d’elles. Le classement des chevaux les uns par rapport aux autres a permis l’élaboration de profils de mal-être individuels tels que ceux donnés à titre d’exemple dans la Figure IV. Figure IV : Quelques exemples de profils individuels de mal-être Figure IV: Individuals reduced well-being profiles

Des scores positifs (barres dirigées vers la droite) attestent de l’expression plus importante de la forme concernée par rapport aux autres chevaux de l’échantillon. Des scores négatifs (barres dirigées vers la gauche) représentent l’absence ou la faible expression de la forme étudiée par rapport à ce même échantillon. Ainsi, chaque cheval est classé par rapport aux autres sur l’ensemble des formes de mal-être étudiées. L’ensemble de ces profils pourrait constituer une base de données de chevaux hébergés en box individuel.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 22

Elle pourrait à terme permettre de comparer tout nouvel individu avec cette population de référence. L’ajout des profils d’autres chevaux issus de différentes structures ayant des conditions de vie variées permettra d’étoffer cette base de données en représentant d’une manière plus complète la réalité du terrain. Ce travail est en cours. Il semble important de préciser que cet outil n’a pour le moment qu’une visée descriptive permettant d’identifier les individus qui expriment d’une manière extrême une ou plusieurs des formes de mal-être étudiées. Il permettrait ainsi de surveiller plus étroitement ces animaux. Cependant, au vue des courbes de la Figure II représentant exponentiellement les variations d’expression de chacune des formes, il semble difficile de statuer d’une limite à partir de laquelle on pourrait affirmer que l’individu se trouve dans un état de mal-être. S’il semble que la présence d’au moins une stéréotypie est majoritairement admise comme le signe d’un mal-être effectif (Waran N., 2007, Sarrafchi et al., 2013), il n’en est pas forcément de même pour les autres formes étudiées, pour lesquelles ce n’est pas la présence ou l’absence mais bien la fréquence d’expression qui est le paramètre important. Ainsi, le caractère extrême (par rapport à la population de référence) de l’expression de chacune des formes semble constituer le premier indice à prendre en compte lorsque l’on souhaite détecter les états de mal-être. Par la suite, le couplage de données sanitaires et physiologiques à ces profils comportementaux (travail en cours) permettra d’apporter des informations complémentaires sur l’état effectif de ces animaux.

3.4 Première approche des facteurs liés aux formes de mal-être étudiées L’identification des individus extrêmes a permis la recherche de facteurs potentiellement impliqués dans l’expression de chacune des formes de mal-être. Il s’agit d’une première approche et des recherches complémentaires sont en cours afin de prendre en compte l’intégralité de l’échantillon. Les facteurs étudiés étaient les caractéristiques propres des animaux ainsi que leurs conditions de vie et d’utilisation. Parmi les effets les plus significatifs, nous avons pu observer un effet du temps de présence sur le site. Alors que l’anxiété diminue avec les années, les stéréotypies, elles, augmentent. Face à un environnement très contraint (restriction spatiale, isolement social, repas énergétique, travail, etc.), les chevaux les plus sensibles pourraient dans un premier temps manifester une forte anxiété, puis se mettre avec le temps à développer des stéréotypies. Le développement des stéréotypies pourrait être une stratégie des individus permettant de réguler le niveau de stress (Mason GJ. et al., 2004). Cette possible évolution temporelle des différentes formes d’expression du mal-être serait à confirmer grâce à une étude longitudinale.

4 Conclusion et application pratique Différentes méthodes peuvent être utilisées pour évaluer le bien-être : observations par scan-sampling, évaluation globale (AWIN) ou encore questionnaires destinés au propriétaire ou au soigneur du cheval. Nos analyses ont montré que ces méthodes donnaient des informations relativement cohérentes entre elles mais que la précision des mesures n’était pas toujours bonne, voire que certaines méthodes ne permettaient pas de détecter certaines formes de mal-être. Par exemple, les soigneurs, bien que très qualifiés et travaillant au quotidien auprès des chevaux détectent difficilement les individus apathiques. Cette étude a également montré que les formes de mal-être étudiées sont indépendantes entre elles. Par exemple, un cheval peut ne présenter aucune stéréotypie mais être apathique, ou bien ne pas être agressif mais avoir développé une très forte anxiété. Ces résultats ont des répercussions pour la pratique. En effet, pour détecter un état de mal-être, les personnes peu averties vont souvent s’arrêter au fait que le cheval présente ou non des tics. Or, un cheval qui ne tique pas peut traduire son mal-être par d’autres types de troubles tels que de l’apathie ou une forte anxiété. Il s’agit clairement d’un point sur lequel il convient de sensibiliser les cavaliers et soigneurs : la prise en compte de chacune de ces formes est indispensable pour détecter les états de mal-être. Néanmoins, il est réel que la détection des chevaux apathique est relativement délicate. En effet, ce n’est pas parce qu’un cheval va présenter sporadiquement une posture immobile les yeux ouverts qu’il faut s’alarmer. C’est la prévalence anormale de ce comportement qui doit inquiéter. C’est là que la constitution d’une base de référence qui permet de situer son cheval par rapport à un échantillon représentatif de chevaux hébergés dans les mêmes conditions prend tout son sens. Ce type de base permettrait de déterminer si le cheval présente ou non une occurrence anormalement élevée de ce comportement. De plus, la représentation graphique des profils individuels de mal-être qui en découle pourrait constituer un outil pratique et facile pour visualiser rapidement l’état des chevaux. C’est une piste à approfondir. L’ajout dans la base d’individus issus d’autres sites, ainsi que le contrôle des caractéristiques propres des chevaux est en cours. De plus, le couplage de ces profils de mal-être avec des données sanitaires et physiologiques, également en cours, devrait permettre de compléter la connaissance des états de bien-être/mal-être des chevaux.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ruet et al. Page 23

Remerciements Nous tenons à remercier très chaleureusement l’ensemble du personnel de l’IFCE et de l’INRA, et en particulier les soigneurs, Patrick Galloux, Jean-Marie Yvon, Julie Lemarchand, Céline Parias et Lucie Etienvre pour leur précieuse collaboration tout au long de cette étude. Nous remercions également le Fonds Eperon, ainsi que le conseil scientifique de l’IFCE pour le financement de cette étude.

Références Altmann J., 1974. Observational study of behavior : sampling methods. Behaviour 49, 227-267. AWIN, 2015. AWIN welfare assessment protocol for horses. DOI: 10.13130/AWIN_HORSES_201 Burn C., Relationships between behaviour and health in working horses, donkeys, and in developing countries. Applied Animal Behaviour Science 126, 109-118. Fureix C., Meagher R. K., 2015. What can inactivity (in its various forms) reveal about affective states in non- human animals ? A review. Applied Anial Behaviour Science 171, 8-24. Fureix C., Menguy H., Hausberger M., 2010. Partners with bad temper : reject or cure ? A study of chronic pain and aggression in horses. Plos One 5. Hall C., Goodwin D., Heleski C., Randle H., Waran N., 2008. Is there evidence of learned helplessness in horses ? Journal of Applied Animal Welfare Science, 11 :3, 249-266. Mason GJ., Latham NR., 2004. Can’t stop, won’t stop : is stereotypy a reliable animal welfare indicator ? Animal Welfare 2004, 13 : 57-69. Pessoa G., Trigo P., Mesquita Neto F. D., Lacreta Junior A., Sousa T., Muniz J., Moura R., 2016. Comparative well-being of horses kept under total or partial confinement prior to employment for mounted patrols. Applied Animal Behaviour Science 184, 51-58. Sarrafchi A., Blokhuis H. J., 2013. Equine stereotypic behaviors : causation, occurrence, and prevention. Journal of Veterinary Behavior (2013), 1-9. Swann W., 2006. Improving the welfare of working equine animals in developing countries. Applied Animal Behaviour Science 100, 148-151. Waiblinger S., Boivin X., Pedersen V., Tosi M-V., Janczak A., Visser E., Jones R. B., 2006. Assessing the human-animal relationship in farmed species: a critical review. Applied Animal Behaviour Science 101, 185- 242. Waran N., 2007. The Welfare of horses, 99-124. Stereotypic behaviour in the stabled horse : causes, effects and prevention without compromising horse welfare – The Welfare of horses, 99-124.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Un indicateur acoustique d’émotion positive inattendu chez le cheval ?

M. Stomp1, M. Leroux1, M. Cellier1, S. Henry1, A. Lemasson1, M. Hausberger2

1 Université de Rennes, UMR 6552 Ethologie Animale et Humaine, CNRS, Université de Caen-Normandie, Station Biologique de Paimpont, France 2 CNRS, UMR 6552 Ethologie animale et humaine, Université de Rennes, Université de Caen-Normandie, France

Résumé Aujourd’hui chez le cheval il existe un manque d’indicateurs d’émotions positives facilement identifiables par les utilisateurs. Un lien possible entre signaux acoustiques et état interne de l’animal a été proposé. Des études mentionnent que les ébrouements seraient associés à des contextes positifs chez certains ongulés et nous avons donc testé cette hypothèse chez le cheval. Nous avons supposé que ce son pourrait, suite à un changement physiologique lié à une excitation positive modérée, refléter l’état psychologique de l’animal. Les résultats obtenus sur 48 chevaux vivant dans deux conditions “extrêmes” (“classiques” vs “semi- naturalistes”) montrent que la production d’ébrouements est significativement associée avec des situations positives (ex: lors de l’alimentation; au pré) et des postures plutôt positives (oreilles en avant). De plus, la fréquence d’émission des ébrouements était d’autant plus faible que les chevaux étaient en état de mal-être. Ces résultats convergent pour indiquer que les ébrouements pourraient traduire un état immédiat positif, au moins hors situation de travail (pas encore testée). Mots clés : émotion positive, bien-être, ébrouement, bioacoustique, cheval

Summary Assessing positive emotions is crucial for identifying how animals perceive the conditions offered. However, today there is a crucial lack of indicators. However, there are some hints that some non-vocal sounds may reflect positive emotions in animals. In other species of ungulates, there are a few reports indicating that they may be produced more in positive situations. We supposed that snort may result from a physiological change following a positive emotion of low intensity, reflecting the psychologic state of the animal. Results obtained from 48 horses living in two “extreme” conditions (“classical life” vs “naturalistic-like” conditions) show that snort production was significantly associated with positive situations (e.g. while feeding; in pasture) and with ears in forward or sidewards positions (reflecting a more positive internal state). Moreover, the frequency of snorts was especially negatively correlated with the total chronic stress score (reflecting compromised welfare). These results converge to indicate that snorts could reflect a positive emotional state, at least outside the working situation (not tested yet). Key-words: positive emotion, welfare, snort, bioacoustic, horse

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 25

Introduction L’évaluation des émotions positives représente encore aujourd’hui un vrai défi pour la recherche (Boissy et al., 2007), d’autant plus que les propositions d’indicateurs potentiels sont assez rares. Cette difficulté est largement due au fait que, contrairement aux émotions négatives, les émotions positives sont difficiles à mesurer et les différents indicateurs déjà avancés dans la littérature semblent équivoques. En effet parmi les indicateurs comportementaux présentés, le jeu chez l’adulte pourrait représenter un état positif transitoire, mais est davantage présent chez les chevaux ou macaques stressés (Hausberger et al., 2012). Par ailleurs, la situation d’anticipation d’un évènement positif (ex : repas) pose question puisque les comportements exprimés durant ce contexte sont ambigus (e.g. comportements stéréotypiques, bâillement) (Fureix et al., 2011; Peters et al., 2012) et reflètent globalement des émotions de forte intensité comme le prouve l’agitation des animaux lors de cette phase d’anticipation (Peters et al., 2012). La question de l’intensité des émotions positives (excitation/calme) est d’ailleurs un aspect peu considéré, la plupart des études proposant des indicateurs d’émotions positives de forte intensité (e.g. jeu social : (Boissy et al., 2007) alors qu’il est plus rare de trouver des marqueurs d’émotion positive de faible intensité (cf Hausberger et al., 2016b). Cette divergence peut avoir son importance, particulièrement si l’on prend en considération que pour certains auteurs, le bien-être est un état calme de satisfaction des besoins (e.g. Boissy et al., 2007). Différentes études ont montré un lien entre signaux vocaux et émotions négatives (ex : cris de détresse lors de séparations sociales chez les porcelets), peu en revanche ont exploré le lien avec les émotions positives (e.g. chez les éléphants : Soltis et al 2011). Les animaux produisent aussi des signaux acoustiques non-vocaux qui ont probablement des chances de refléter l’état interne encore plus que les sons vocaux, davantage « maîtrisés » par l’individu. Le ronronnement par exemple, considéré comme un signal non-vocal, a été associé à un état « détendu, amical et probablement rassurant/apaisant » chez les félins (Peters, 2002). D’autres signaux tel que les « ébrouements » pourraient être associés avec des états émotionnels positifs chez les rhinocéros (Policht et al., 2008) et les tapirs (Montenegro, 1998). Les chevaux produisent des signaux à la fois vocaux (ex : hennissement) et non-vocaux, dont des ébrouements et des sons clairement associés à des états internes particuliers comme le soufflement qui correspond à une expiration par les naseaux intense et très rapide ; ou le ronflement, son rauque produit au cours d’une rapide inhalation généralement, associés à des contextes de vigilance/postures d’alarme (Waring 2003). La terminologie de ces différents sons est encore très variable d’une étude à l’autre, ajoutant de la confusion au manque d’études scientifiques sur leurs possibles causalités et fonctions. L’ébrouement par exemple est un son vibré produit par les naseaux pendant une expiration forcée, auquel jusqu’ici on a surtout attribué une fonction hygiénique de “nettoyage” des naseaux (Kiley, 1972). Or, des observations préliminaires ont révélé que les chevaux en produisent plus dans certains établissements que dans d’autres et que certains individus en produisent plus que d’autres, sans claire relation avec les conditions de l’air ou l’état respiratoire. Sur la base de ces observations et de celles d’autres auteurs sur d’autres ongulés, nous avons émis l’hypothèse que ce signal acoustique pourrait être le reflet comportemental d’un changement physiologique transitoire lié à une émotion positive d’intensité modérée. L’occurrence des ébrouements en lien avec le contexte immédiat ainsi que le comportement et la posture de l’animal ont donc été mesurés. Nous avons supposé qu’il y aurait davantage d’ébrouements quand les chevaux se trouvaient dans des conditions plus favorables (ex : pré pour des chevaux vivant en box, (Søndergaard et al., 2011) et que leurs activités et postures correspondraient à des états calmes et plutôt positifs. Par ailleurs, des individus en état de bien-être ont plus de chances de ressentir des émotions positives (Löckener et al., 2016). Ainsi, des chevaux vivant dans des conditions extrêmes : box individuel, fourrage restreint et équitation contrainte versus conditions semi-naturalistes en groupes stables au pré et équitation de loisir, différent clairement en termes de bien-être et de biais cognitif, c’est-à-dire dans leur évaluation d’une même situation ambigüe, les chevaux en meilleures conditions étant plus « optimistes » (i.e. percevant plus positivement la situation) (Henry et al., 2017). Nous avons donc repris ce paradigme en comparant des populations vivant en conditions restreintes à des populations en conditions plus « naturalistes » et supposé que les chevaux en état de bien-être seraient plus enclins à produire des ébrouements que les chevaux en état de mal-être dans une même situation favorable. Nous avons effectué une évaluation du bien-être des chevaux sur la base des indicateurs validés (e.g. Fureix et al., 2010) et testé s’il y avait un lien entre cet état et la production d’ébrouements.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 26

1 Matériel et Méthode

1.1 Sujets d’étude, sites et conditions d’élevage Cette étude a été menée en Bretagne sur un total de 48 chevaux (18 juments, 25 hongres et 5 entiers) de races (31,2% de Selles Français) et âges (4 à 25 ans) variés. Tous vivaient depuis au moins un an dans les conditions de vie dans lesquels ils ont été observés. Les deux premières populations étaient issues de centres équestres, RSA et RSB (« RSA » : N=19, cinq juments et 14 hongres, âge : X +SE = 10,5+3,0 ans ; « RSB » : N=18, neuf juments et neuf hongres, âge : X +SE = 13+4,8 ans). Dans chaque centre, les chevaux étaient logés en boxes individuels (3m * 3m, nettoyés chaque matin, équipé d’un abreuvoir automatique ; comportant des grilles permettant un contact visuel avec les congénères) et nourris à raison de deux repas de concentrés par jour et d’une distribution quotidienne de foin. Les chevaux étaient travaillés 4 à 12h par semaine (incluant des reprises d’équitation pour différents niveaux de cavaliers allant de débutant à confirmé, sous la supervision d’un moniteur d’équitation) selon des techniques d’équitation classiques (voir aussi Lesimple et al., 2016; Normando et al., 2003)). Les deux centres équestres se distinguaient par de légères différences dans les pratiques de gestion : les chevaux de RSA sortaient au paddock (avec herbe) tous les jours une à quatre heures avec des partenaires sociaux variables selon le jour, tandis que les individus de RSB sortaient au paddock (avec ou sans herbe) en groupes sociaux stables (de 2 à 11 individus) environ six heures par jour tous les jours. Enfin, les litières étaient différentes selon le centre : paille pour RSA, copeaux de bois pour RSB. Les deux autres populations (« NC1 » : N=3, 3 entiers, âge : X +SE =8., ±6,3 ; « NC2 » : N=8, deux entiers, deux hongres et quatre juments, âge : X +SE =17,8±4,6) étaient constituées de chevaux de loisir vivant en conditions semi-naturalistes toute l’année, i.e. groupes sociaux stables de deux à quatre individus, dans des prairies naturelles de 1-2 ha, nourris d’herbe, et de foin ad libitum en hiver et montés occasionnellement lors de sorties en extérieur (i.e. mains basses et rênes longues (cf aussi Henry et al., 2017). Etant donné qu’aucune différence n’a été observée entre les deux populations de loisirs (NC1 et NC2) en termes de d’âge, taux d’ébrouements, conditions corporelles et paramètres de mal-être, (tests de Mann Whitney, p>0,05), les données des deux sites semi-naturalistes ont été regroupées pour le reste des analyses. Ainsi ces deux groupes ont été fusionnés en un seul et même groupe « NC » (N=11, cinq entiers, quatre hongres et quatre juments, âge : X +SE =15,3±6,4). Seuls des chevaux dépourvus de problèmes respiratoires visibles ou connus ont été considérés.

1.2 Collecte des données 1.2.1 Production d’ébrouement et contexte immédiat Les sons émis par les individus ont été observés par un expérimentateur, n’ayant pas eu connaissance des données sur l’évaluation de l’état de bien-être, en utilisant une méthode classique d’observation en continu par sessions de cinq minutes (Altmann, 1974). Les chevaux de centre équestre ont été observés à la fois au box et au pré, alors que les sessions d’observation des chevaux de loisir ont eu lieu uniquement au pré. Le contexte (box/pré) ainsi que la posture et l’activité (cf plus loin) des individus, au temps exact de l’émission du son, ont été enregistrés. Les observations ont été enregistrées sur un dictaphone pour analyse ultérieure. Dans les écuries, l’expérimentateur a suivi une route standardisée ponctuée de différents points d’observation, de sorte que chaque point corresponde à l’observation de deux chevaux voisins simultanément. Et ce, jusqu’à l’observation de tous les individus. Lors des observations en extérieur, l’expérimentateur a suivi également une route standardisée le menant à chacun des différents groupes. Un seul individu du centre RSB n’a pu être observé dans ces conditions. En moyenne, 12±3 sessions d’observation en continu ont été réalisées par cheval par contexte (box et/ou pré). De plus, afin de déterminer l’état interne des individus au moment précis des ébrouements, l’observateur a rapporté l’activité (tout comportement) et la position des oreilles de l’émetteur. La position des oreilles est en effet un indicateur de l’état interne actuel des animaux. Chez les chevaux, les oreilles en arrière sont communément associées à des états émotionnels négatifs, comme l’inconfort ou la douleur (e.g. (Ashley et al., 2005). En revanche les oreilles positionnées en avant ou sur le côté sont plutôt synonymes d’attention et d’émotions positives (Fureix et al., 2010; Hausberger et al., 2016b; Rochais et al., 2016). Les quatre positions d’oreilles ont été définies de la même manière que de précédentes études (e.g. Fureix et al., 2010; Lesimple et al., 2016) Par ailleurs, nous avons eu l’opportunité d’enregistrer les productions acoustiques de quatre chevaux de loisir entrant dans un nouveau pré, offrant de nouvelles ressources, nous permettant ainsi de reconstituer pour les

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 27

chevaux de loisir une situation de contraste à l’image de celle que vivent les chevaux des centres équestres passant du box au pré. 1.2.2 Evaluation du bien-être L’état chronique des individus a été évalué par un second observateur, n’ayant pas eu connaissance des données acoustiques récoltées. Tout d’abord des mesures de l’état corporel des chevaux ont été conduites au début de l’étude. Un score de condition corporelle (BCS) a été défini selon l’échelle de mesure créée par Arnaud et al. (1997). Le score peut aller de 0 (émacié) à 5 (obèse). Par ailleurs, des études précédentes ont montré que les problèmes de dos sont très fréquents et sources de mal-être chez les chevaux de centre équestre (Lesimple et al 2016b). Il existe peu d’indices visibles in situ de ce problème mais il a été montré que la forme d’encolure peut refléter l’état de la colonne vertébrale chez ces chevaux (Lesimple et al 2012) : une encolure creuse ou plate peut refléter des tensions musculaires dans différentes parties de la colonne vertébrale, alors qu’une encolure ronde signifie plutôt que l’individu a un dos sain. Sur la base des mesures d’angles, nous avons donc classé la forme d’encolure des individus selon les deux catégories suivantes : creuse/plate ou arrondie (voir (Lesimple et al., 2012) pour plus de détails). Puis afin de compléter l’évaluation de l’état de bien-être des chevaux, des mesures additionnelles ont été réalisées sur quatre indicateurs de mal-être validés. • Deux indicateurs comportementaux ont été mesurés au box : La fréquence de comportements stéréotypiques (SB) (e.g. tic à l’appui ; tic à l’ours) et de comportements répétés anormaux (ARB) (e.g. léchages compulsifs/morsures répétées de l’environnement) qui apparaissent, chez le cheval comme chez d’autres espèces, surtout dans des conditions de vie défavorables. Six sessions de 10 minutes d’observation en continu ont été réalisées, réparties sur trois périodes de temps : 9h-11h ; 14h-17h et 30 minutes avant la distribution de nourriture (période favorable à l’apparition de ce type de comportement (e.g. (Fureix et al., 2011a)). Le nombre de comportements agressifs dirigés vers l’Homme, mesurés au cours de trois tests standardisés de relation à l’Homme (test de présence passive, test d’approche soudaine et test d’approche-contact. Tout comportement agonistique (oreilles couchées en arrière, menace, tentative de morsure) dirigé vers l’expérimentateur a été compté au cours de ces trois tests, réalisés dans leur box pour les chevaux de centre équestre et au pré pour les chevaux de loisir. Des comportements agressifs envers l’Homme sont souvent observés quand les chevaux ressentent de la douleur, aigue ou chronique (e.g. Hausberger et al 2016, Fureix et al 2010). • Deux indicateurs posturaux : La position des oreilles en alimentation (contexte le plus fiable, Fureix et al 2010b) a été relevée au cours d’observations lors de temps calme en écurie pour le contexte « box » des chevaux de RSA et RSB, et au pré pour les chevaux de loisir et les chevaux de centre équestre pour le contexte « pré ». Trois positions ont été considérées : pavillons orientés vers l’avant, le côté ou l’arrière. Le pourcentage de temps passé dans chacune de ces positions a été calculé par cheval. Un temps important (>50%) passé à s’alimenter les oreilles en arrière est associé à des problèmes de bien-être (ex : douleur chronique (Fureix et al., 2010)). L’orientation du cheval vers un mur du box quand le cheval est immobile a été également mesurée pour les chevaux de centre équestre uniquement. Le « retrait sensoriel » traduit par cette orientation est souvent présent chez les chevaux « dépressifs » (Fureix et al 2012) mais aussi chez des chevaux souffrant de problèmes de santé comme une anémie par exemple (Hausberger et al., 2016a). Le pourcentage de temps passé dans cette position (hors temps d’alimentation) a été calculé par cheval. Pour ces deux derniers paramètres, l’échantillonnage a été réalisé selon la méthode du pointage (scan sampling), à raison d’un scan toutes les deux minutes. Deux sessions de 30 minutes par contexte (box et pré) et par individu ont été réalisées sur une journée, et cette opération a été répétée à nouveau le jour suivant, permettant d’obtenir 62 scans par contexte pour les oreilles, au box pour les orientations. Sur la base des données obtenues pour ces différentes mesures, un score total de stress chronique (TCSS), adapté de Hausberger et al. (2012) and Henry et al (2017), a été calculé pour chaque individu. Chaque cheval a été classé selon 1) le nombre de réponses agressives dirigées vers l’expérimentateur au cours des tests de relation à l’Homme, 2) le nombre de comportements stéréotypiques et anormaux répétés exprimés durant les 60 minutes d’observation, 3) le pourcentage de temps passé les oreilles en arrière en alimentation, ainsi que 4) le pourcentage de temps passé orienté vers un mur du box. Pour toutes ces variables, plus la valeur obtenue était grande, plus l’état de bien-être était altéré, et le plus le rang attribué à l’individu était haut. Les

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 28

rangs obtenus pour chaque paramètre ont été additionnés pour chaque cheval. Ainsi, plus l’état de bien-être était altéré, plus le score TCSS obtenu était important. Plusieurs scores composites ont été calculés selon le site d’étude considéré : un considérant les trois populations réunies (TCSS 1, N=47), un regroupant tous les chevaux de population de centre équestre (TCSSRS, N=37) et pour finir un score propre à chaque population (TCSSRSA, TCSSRSB and TCSSNC). Comme les chevaux de loisir vivaient à l’extérieur continuellement et qu’aucune position d’oreille en arrière n’a été observée lors de leur temps d’alimentation, le TCSSNC a été calculé sur les paramètres comportementaux 1) et 2) uniquement. De la même manière, le TCSS attribué en considérant les trois populations ensemble (TCSS 1) a été calculé à partir des rangs obtenus pour les paramètres 1) (agressivité), 2) (stéréotypies) et 3) (oreilles arrière, ici mesuré seulement au pré) seulement puisqu’il n’a pas été possible d’évaluer le paramètre 4) (temps vers mur) pour les chevaux de loisir.

2 Résultats Au total 560 ébrouements ont été enregistrés, et tous les individus en ont émis au moins un (de 0,75 à 12,8 par heure par individu).

2.1 Les ébrouements reflètent-ils des émotions positives immédiates ? 2.1.1 Preuve contextuelle Les individus de centre équestre ont émis en moyenne 5,66±3,32 ébrouements par heure. Les variabilités intra et inter individuelles étaient élevées (coefficient de variation : intra : CV=110,8% à 519,6%, µ=201,6±78,9%, inter : CV=59%). La variation intra-individuelle était principalement due au contexte : huit chevaux n’ont produit aucun ébrouement au box, et de manière générale tous les individus ont émis significativement plus d’ébrouements au pré qu’au box (test de Wilcoxon, N=36, Z=2,84, p=0,004) (figure I). Ainsi en ce qui concerne les populations RSA et RSB, 454 ébrouements ont été enregistrés : 189 au box et 265 au pré. Aucun comportement « anormal » (ex : stéréotypies) n’a été observé au pré. Ces données confirment que le contexte du pré est plus positif que le contexte box pour les individus. Figure I : Taux d’ébrouements émis selon les deux contextes différents (box et pré) par les chevaux de centre équestre. Figure I : Snort rate produced according to the context (stall and pasture) by the riding school horses

2.1.2 Preuve comportementale et posturale • Activité Que ce soit au box ou au pré, les chevaux RS ont principalement émis des ébrouements en mangeant (box (foin) : 67,3% des ébrouements, pré (herbe) : 69,6% des ébrouements). Cependant certaines spécificités contextuelles semblent être apparues : les chevaux ont produit des ébrouements au cours d’observations calmes de leur environnement au box (24,5%), et en étant au pas exploratoire au pré (20,3%). Aucun n’ébrouement n’a été recueilli alors que les individus réalisaient des comportements répétitifs anormaux ou étaient agressifs.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 29

De la même manière, les chevaux de loisir ont émis des ébrouements principalement en broutant de l’herbe (68,9%), ou en étant au pas exploratoire (20,1%). Dans certains cas, les ébrouements ont été émis juste après s’être roulé (5,4%). • Position des oreilles Concernant l’ensemble des individus (NC+RSA+RSB), le temps passé les oreilles en avant/sur le côté quelle que soit l’activité du cheval était en moyenne de 92,8±16,9% dans un contexte extérieur (pré/paddock), alors que cette proportion était bien plus élevée au moment même de l’émission des ébrouements. En effet, 99,5±11,7% des ébrouements ont été produits avec les oreilles en avant/sur le côté (test de Wilcoxon, N=47, Z=3,47, p<0,001). Logiquement, nous avons pu mettre en évidence que la position arrière des oreilles étaient moins exprimée lors de l’émission des ébrouements (0,19±1,32%) en comparaison à une situation contrôle (4,58±2,23%) au pré (test de Wilcoxon, N=47, Z=2,99, p=0,002). Considérant uniquement les chevaux de centre équestre au box, le même constat a pu être établi : les individus avaient plus souvent des oreilles en avant/sur le côté lors des ébrouements que durant tout autre activité (µébrouements=93,2±20,2%; µgénéral=82,1±15,4%; test de Wilcoxon, N=31, Z=2,76, p=0,005), et moins d’oreilles en arrière que pour tout autre activité (µébrouements=4,5±18,4%; µgénéral=10,5±12,4%; Z=3,18, p=0,001). Pour finir, nous avons eu l’opportunité de suivre un groupe de chevaux de loisir arrivant dans un nouveau pré plein de ressources fraiches. Les quatre individus ont produit presque jusqu’à 10 fois plus d’ébrouements par minute que dans la situation précédente (pré en fin de ressource en herbe). Bien qu’anecdotique, cette observation renforce l’idée d’un lien entre ébrouement et émotion positive (pouvant être induite par l’abondance des ressources alimentaires ou la présence d’odeurs nouvelles).

2.2 La production d’ébrouements peut-elle être modulée par l’état de bien-être ? 2.2.1 Evaluation de l’état de bien-être des chevaux • Les trois populations réunies Globalement, le score de condition corporelle (BCS) était compris entre 2 et 4 (µ=3±0,33), avec très peu de variations entre individus et populations. 19 des 48 individus présentaient une encolure ronde alors que 29 avaient une encolure de forme creuse/plate. 21 chevaux (43,7%) ont réalisé au moins un type de comportement répétitif anormal (moyenne 5,7±10,3 par heure) et 20 chevaux (42,5%, 18 en centre équestre) ont montré au moins une réaction agressive envers l’Homme durant les tests (1±1,6 comportements). 14 individus ont été vus avec une orientation vers le mur au box (3±0,04% du temps). Les individus ont passé 4,5±11,7% du temps les oreilles en position arrière en broutant au pré. Au box, les chevaux RS ont été observés 22,1±24,6% du temps d’alimentation avec les oreilles en arrière. • Comparaison des populations Il y avait davantage de chevaux avec une encolure arrondie dans les populations de loisirs que dans celles des deux centres équestres réunis (test du Chi carré, N=47, dl=1, X²=4,88, p=0,027) et davantage dans la population RSB que RSA (X2=4,26, p<0,05). Chez les chevaux RS, dix types différents de stéréotypies ou autres comportements répétitifs anormaux ont été observés (RSA=63,1%, RSB=44,4% des individus) avec un à cinq différents types pour chacun de ces individus. 66,6% et 31,5% des chevaux de RSA et RSB respectivement ont montré au moins une réaction agressive envers l’expérimentateur durant les tests. Enfin, les chevaux de centre équestre ont passé 5,9±13,2% du temps d’alimentation au pré avec les oreilles en arrière. Les chevaux de loisir n’ont exprimé aucun comportement anormal ni stéréotypie n’ont jamais été observés broutant les oreilles en arrière (µ=0±0%). Seulement une réaction agressive a été dirigée envers l’observateur par un individu de la population semi-naturaliste. Ceci résulte en différences notables au niveau du score composite de stress chronique (TCSS) avec des différences claires entre populations (test de Kruskal wallis, N=47, H=21,265, dl=2, p<0,0001) : les chevaux de loisir ont obtenu un score significativement plus faible que les deux autres populations (comparaisons post hoc : NC/RSA: p<0,0001; NC/RSB: p<0,001) alors qu’aucune différence significative n’a été trouvée entre les TCSS1 obtenus pour les populations RSA et RSB (p=0,27) (figure IIA). Des différences sont cependant apparues entre les chevaux des deux centres équestres pour certains indicateurs : les chevaux de RSA avaient plus souvent les oreilles en arrière en alimentation au box (31,9±28%) que les individus de RSB (10,6±14,1%) (test de Mann Whitney, N1=19, N2=17, W = 257, p= 0,008). Par ailleurs en considérant uniquement les populations de centre équestre, le score total de stress chronique était plus élevé pour les chevaux de RSA que pour ceux de RSB (N1=19, N2=17, W=238, p=0,015).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 30

Figure II : (A) Moyenne des scores TCSS1 obtenus par les individus selon la population d’origine. (B) Taux d’ébrouements observés au pré selon la population d’origine. (C) Taux d’ébrouements observés selon le type de population, chevaux RS et NC. Figure II: (A) The average of the TCSS 1 scores obtained by individuals according to the population of origin. (B) The snorting rate observed in pasture according to the population of origin. (C) The snorting rate observed according to the type of the population, RS horses and NC horses.

2.2.2 Production d’ébrouement et état de bien-être • Les trois populations réunies Si état corporel et taux d’ébrouements ne sont pas corrélés (corrélation de Spearman, N=47, r=-0,039, p=0,79), ce taux tend à varier selon la forme d’encolure. Ainsi, les chevaux présentant une encolure arrondie ont émis presque deux fois plus d’ébrouements (11,24±3,58) que les individus à l’encolure creuse/plate (µ=6,60±8,27) (test de Mann Whitney, Narrondie=18, Ncreuse/plate=29, W=346, p=0,06). Le taux d’ébrouements émis au pré (contexte commun aux trois populations) varie clairement en fonction de l’état de bien-être des chevaux, ce taux étant négativement corrélé au score de stress TCSS1 des individus (corrélation de Spearman, N=47, r=-0,39, p=0,005) (figure III). Ainsi, plus les chevaux émettaient d’ébrouements au pré, moins leur état de bien-être était altéré. Plus particulièrement, nous avons pu mettre en évidence que ce taux d’ébrouement émis au pré était négativement corrélé à l’occurrence des comportements agressifs dirigés envers l’homme au cours des tests (N=47, r=-0,33, p=0,02) et avec l’occurrence des stéréotypies observées (r=-0,32, p= 0,02) : plus les sujets ont produit des ébrouements au pré, moins ils étaient agressifs envers l’homme et moins ils ont exprimé de comportements anormaux quand ils étaient au box. • Comparaison entre populations Les différences de taux d’ébrouements produits entre les deux centres équestres sont confirmées quand les deux contextes (box/pré) sont considérés (test U de Mann-Whitney, NRSA=19, NRSB=17, W=86,5, p=0,01), mais pas quand seul le contexte box est considéré (NRSA=19, NRSB=18, W=144,5, p=0,42).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 31

Figure III : Corrélation entre les scores TCSS1 obtenus et le taux d’ébrouement mesuré au pré pour l’ensemble des 47 individus. Figure III: Correlation between the TCSS1 scores and the snort rate recorded in pasture for the whole set of 47 individuals.

Noter la variabilité plus forte dans les taux pour la population NC (cf plus loin) Note the higher individual variations in the NC population. Dans le contexte du « pré », les taux d’ébrouements différaient entre les trois populations (test de Kruskal Wallis, NNC=11, NRSA=19, NRSB=17, chi-squared=12,851, dl=2, p=0,001). Le taux d’ébrouement en fait suit un gradient opposé à celui du score de stress chronique avec davantage d’ébrouements chez les chevaux de loisir et RSB que les chevaux du centre RSA (fig 3B NRSA=19, NRSB=17, W=72, p=0,004). De fait, la population semi-naturaliste a produit quasiment deux fois plus d’ébrouements (µ=12,8±8,3) que les deux populations de centre équestre (µ=7,0±4,6) (test U de Mann-Whitney, NNC=11, NRS=36, W=294, p=0,01) (figure IIC). Aucune différence n’a été trouvée en fonction du sexe (test U de Mann-Whitney, NF=18, NM=29, W=292,5, p=0,49), ou de l’âge (Kruskal Wallis test, N1=6, N2=24, N3=16, X2=3,2328, dl=2, p=0,19). La variabilité intra-individuelle était plus faible chez les individus de loisir que pour les deux populations de chevaux de centre équestre (CVNC intra : 70,1% à 180,4%, µ=144,3±32,5%) (test de Mann Whitney, NNC=11, NRS=37, W=108, p=0,01), indiquant un état plus stable apparent chez ces chevaux vivant dans un même environnement (au pré toute l’année) au fil des jours. A l’inverse, la variabilité interindividuelle au pré était plus faible chez les deux populations de centre équestre comparée aux chevaux de loisir (CVNC=65%, CVRSA=54,2%, CVRSB=57,2%). Ce dernier constat pourrait correspondre à des différences entre groupes de chevaux de loisir (ressources différentes par ex), mais la taille des groupes était trop faible pour pouvoir le tester.

3 Discussion Cette étude, qui avait pour but de tester l’ébrouement comme un indicateur potentiel d’émotion positive, a révélé que la production d’ébrouements 1) est associée à des contextes et à des états plus positifs, 2) est moins fréquente chez les chevaux montrant un état de bien-être altéré. Jusqu’à présent, l’ébrouement était considéré comme une simple expiration forcée ayant une fonction hygiénique de dégagement des canaux nasaux (Kiley, 1972). Les résultats de notre étude suggèrent que l’ébrouement pourrait également constituer une expression émotionnelle. En effet nous avons démontré que les ébrouements étaient clairement associés avec une humeur globalement positive des individus, principalement lors de situations (e.g. au pré), et dans une posture (oreilles en position avant/sur le côté (Waring, 2003)) positives. Grâce à des tests de préférences, SØndergaard et al (2011) ont démontré que les chevaux étaient davantage motivés à rester au pré plutôt qu’au box, particulièrement en présence de partenaires sociaux. Les ébrouements ont été également plus produits en alimentation (herbe ou foin), ou durant une observation calme de l’environnement, deux activités qui reflètent des états calmes (Waring, 2003). Curieusement, la production d’ébrouements était plus variable d’un individu à l’autre chez les chevaux de loisir. Il n’a pas été possible de tester des différences entre les différents groupes mais, tous n’étant pas dans la même prairie, il est possible que cette variabilité soit liée à la disponibilité en herbe au moment des observations par exemple. Si, comme cette étude le suggère, les ébrouements reflètent des

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 32

émotions positives, il s’agit d’états transitoires qui peuvent être influencés par des changements rapides, météorologiques par exemple. Néanmoins, nos résultats montrent un lien entre l’état chronique de bien-être (mesuré indépendamment) et la production des ébrouements. Comme cela a déjà été démontré, les restrictions induites par les conditions domestiques, qu’elles soient spatiales, alimentaires ou sociales, jouent un rôle actif dans la détermination de l’état de bien-être des chevaux (e.g. (Lesimple et al., 2016)). C’est aussi le cas des conditions de travail (e.g. (Lesimple et al., 2016b)). Ici nous avons mis en évidence un gradient de bien-être allant des chevaux de loisir vivant au pré en groupes stables, à des chevaux vivant en centres équestres ayant des pratiques assez restrictives d’hébergement où les individus sortent occasionnellement au pré, en groupes instables. En particulier, le taux d’ébrouements était plus faible chez les chevaux passant du temps orientés vers le mur et les chevaux plus agressifs. Les chevaux avec une encolure plus arrondie (hors travail), ayant moins de problèmes dorsaux, ont émis plus d’ébrouements. Cependant, la production d’ébrouements semble bien être le reflet d’un état émotionnel transitoire, et non un indicateur de bien-être per se : même des chevaux en relatif état de mal-être peuvent en produire quand la situation est plus positive (pré versus box) (cf aussi la variabilité chez les chevaux de loisirs malgré leur qualité de bien-être assez homogène); en revanche le lien entre bien-être et production d’ébrouements n’apparaît pas quand les chevaux sont enregistrés en box. La situation de box individuel est connue pour être particulièrement négative pour les chevaux (e.g. (Fureix et al., 2010)) et peut par conséquent priver partiellement les individus de ressentir des émotions positives. En revanche au pré les chevaux peuvent potentiellement ressentir davantage ces émotions positives, mais ceci est probablement modulé par leur état de bien-être. Henry et al (2017) ont déjà montré que les conditions de vie et l’état chronique de bien-être du cheval pouvaient influencer son « jugement » d’une situation. Ainsi, nous proposons ici que les ébrouements soient une forme d’expression d’émotions positives calmes, par exemple quand la situation s’améliore : passage du box au pré, changement de pré pour de meilleures ressources. Les mécanismes en jeu restent encore à découvrir. Des études utilisant des tâches de biais de jugement suggèrent un « soulagement », chez les animaux précédemment gardés dans des conditions environnementales restreintes ou en isolement (chevaux : Löckener et al., 2016), au moment où ils sont mis en situations plus favorables. Les ébrouements pourraient refléter un relâchement induisant une expiration plus prolongée, faisant vibrer les naseaux. Des recherches restent à mener dans ce sens. Si notre étude ne permet pas d’écarter totalement la fonction sanitaire de l’ébrouement, puisque nous n’avons pas fait de mesures de poussière par exemple, le fait qu’il y en ait plus au pré (moins poussiéreux globalement) et qu’il y ait un lien avec des paramètres de bien-être, suggère fortement que les ébrouements expriment bien plus qu’un simple « nettoyage des naseaux ». Enfin, il est à noter que toutes ces observations concernent des situations hors travail et nous ne pouvons donc pas à ce stade savoir si les ébrouements pourraient permettre d’évaluer comment le cheval perçoit différentes situations de travail. En conclusion, hors contexte de travail et bien sûr problème respiratoire, les ébrouements pourraient constituer un outil extrêmement utile pour les utilisateurs qui, s’ils y prêtent attention, pourrait leur permettre d’identifier les situations particulièrement appréciées par leur cheval. Cette étude apporte aussi un point essentiel : la recherche d’indicateurs d’émotions positives n’est possible que si l’animal en ressent ! Chercher de tels indicateurs dans des situations perçues négativement par l’animal (ex : ici le box individuel, conditions d’élevage intensif pour d’autres espèces) n’est clairement pas optimal. Ceci explique certainement en grande partie pourquoi les évaluations fiables de bien-être en milieu domestique s’appuient sur des indicateurs de mal-être. Les avancées dans le domaine des mesures d’émotions positives pourraient aller de pair avec les améliorations des conditions de vie des animaux domestiques. Remerciements Les auteurs remercient les dirigeants et employés des centres équestres ainsi que les propriétaires des chevaux de loisirs, ainsi qu’à H. Amat, pour nous avoir permis d’observer les chevaux, tout comme pour leur aide sur place. Cette étude a bénéficié d’un financement de l’IFCE, du fonds Eperon et de l’université de Rennes1. Références Altmann, J, 1974. Observational Study of Behavior: Sampling Methods. Behaviour. Brill, 227–267. Arnaud, G., Dubroeucq, H. and Rivot, D, 1997. Notation de l'état corporel des chevaux de selle et de sport. Edited by P. Inra, Institut du cheval - Institut de lElevage.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Stomp et al. Page 33

Ashley, F. H., Waterman-Pearson, A. E. and Whay, H. R, 2005. Behavioural assessment of pain in horses and donkeys: application to clinical practice and future studies, Equine Veterinary Journal. Blackwell Publishing Ltd 37(6), 565–575. Boissy, A., Manteuffel, G., Jensen, M.B., Moe, R.O., Spruijt, B., Keeling, L.J., Winckler, C., Forkman, B., Dimitrov, I., Langbein, J., Bakken, M., Veissier, I., Aubert, A., 2007. Assessment of positive emotions in animals to improve their welfare, Physiology & Behavior. Elsevier 92(3), 375–397. Fureix, C., Gorecka-Bruzda, A., Gautier, E., Hausberger, M., 2011. Cooccurrence of Yawning and Stereotypic Behaviour in Horses (Equus caballus), ISRN Zoology, 10. Fureix, C., Jégo, P., Coste, C., Hausberger, M., 2010. Indicateurs de bien-être/mal-être chez le cheval : une synthèse. 36ème Journée de la Recherche Equine. IFCE, Paris, 111–112. Hausberger, M., Fureix, C. and Lesimple, C. 2016a. Detecting horses sickness: In search of visible signs, Applied Animal Behaviour Science. Elsevier 175, 41–49. Hausberger, M., Rochais, C., Henry, S., Stomp, M., Lesimple, C., Cousillas, H., 2016b. Quand le cheval va bien : état des lieux sur les indicateurs de bien-être. 42ème Journée de la Recherche Equine. IFCE, Paris, 69– 78. Hausberger, M., Fureix, C., Bourjade, M., Wessel-Robert, S., Richard-Yris, M.-A., 2012. On the significance of adult play: what does social play tell us about adult horse welfare? Naturwissenschaften 99(4), 291-302 Henry, S., Fureix, C., Rowberry, R., Bateson, M., Hausberger, M., 2017. Do horses with poor welfare show “pessimistic” cognitive biases?, The Science of Nature. Springer Berlin Heidelberg, 104(1–2), 8. Kiley, M. 1972. The Vocalizations of Ungulates, their Causation and Function, Zeitschrift für Tierpsychologie. Blackwell Publishing Ltd 31(2), 171–222. Lesimple, C., Poissonnet, A. and Hausberger, M. 2016a. How to keep your horse safe? An epidemiological study about management practices, Applied Animal Behaviour Science. Elsevier 181, 105–114. Lesimple, C., Fureix, C., Aubé, L., Hausberger, M., 2016b. Detecting and Measuring Back Disorders in Nonverbal Individuals: The Example of Domestic Horses, ABC 3(3), 159–179. Lesimple, C., Fureix, C., De Margerie, E., Sénèque, E., Menguy, H., Hausberger, M., 2012. Towards a Postural Indicator of Back Pain in Horses (Equus caballus), PLoS ONE. Edited by G. Chapouthier. Public Library of Science 7(9), p. e44604. Löckener, S., Reese, S., Erhard, M., Wöhr, A.-C., 2016. Pasturing in herds after housing in horseboxes induces a positive cognitive bias in horses, Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research. Elsevier, 11, 50–55. Montenegro, O. L. 1998. The behavior of Lowland Tapir (Tapirus Terrestris) at a natural mineral lick in the peruvian amazon. Peters, G. 2002. Purring and similar vocalizations in mammals, Mammal Review. Blackwell Science, Ltd 32(4), 245–271. Peters, S. M., Bleijenberg, E.H., van Dierendonck, M.C., van der Harst, J.E., Spruijt, B.M., 2012. Characterization of anticipatory behaviour in domesticated horses (Equus caballus), Applied Animal Behaviour Science. Elsevier 138(1–2), pp. 60–69. Policht, R., Tomasova, K., Holeckova, D., Frynta, D., 2008. The vocal reertoire in Northern white rhinoceros Ceratotherium simum cottoni as recorded in the last surviving herd, Bioacoustics. Taylor & Francis Group 18(1), 69–96. Rochais, C., Fureix, C., Lesimple, C., Hausberger, M., 2016. Lower attention to daily environment: a novel cue for detecting chronic horses back pain?, Scientific reports. Nature Publishing Group 6, 20117. Søndergaard, E., Bak Jensen, M. and Nicol, C. J. 2011. Motivation for social contact in horses measured by operant conditioning, Applied Animal Behaviour Science 132, 131–137. Waring, G. H. 2003. Horse Behavior. (2nd ed.)Noyes Publications/William Andrew Publishing, Norwich, New York

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Un éclairage LED dans un van facilite et sécurise l'embarquement des chevaux et les apaise lors d'un confinement en phase stationnaire

C. Neveux1*, E. Melac2, M. Ferard1 and N. Pousset3

1 Ethonova, 598 chemin des vaillaux, 14340 Belle Vie en Auge, France 2 Emmanuel Melac, 6 rue Michal, 75013 Paris, France 3 Pôle de Compétitivité S2E2, 10 rue Thalès de Millet, 35071 Tours Cedex 2, France

*[email protected] Résumé Le transport, notamment la phase d'embarquement, est connu pour être une situation stressante pour les chevaux et surtout pour les jeunes chevaux naïfs vis à vis du transport. Cette pratique habituelle peut engendrer un état de stress chez l'animal et ainsi avoir un impact sur son bien-être. Nous avons étudié l'impact d'un système d'éclairage LED sur le comportement et la physiologie de 22 jeunes chevaux avec peu d'expérience à l'embarquement et pendant une phase stationnaire. Lors de leur premier embarquement, les chevaux montés dans des conditions avec un niveau d'éclairement lumineux défini comme élevé à l'intérieur du van (> 4500 lx), ont mis moins de temps à embarquer et ont exprimé moins de comportements de stress que ceux embarqués lorsque le niveau d'éclairement lumineux était modéré (< 3000 lx). Lors de la phase de confinement dans un van stationnaire, les chevaux exposés à un éclairage LED dans certaines plages de températures de couleur proximale présentent une récupération post-stress du rythme cardiaque significativement plus rapide que dans des conditions d'éclairement naturel. Un éclairage LED capable de fournir un niveau d'éclairement homogène semble donc réduire le stress du cheval pendant l'embarquement et la phase stationnaire. Mots clés : Éclairage, éclairement, embarquement, stress, bien-être

Summary Transport, especially the loading phase, is known to be a stressful situation for horses and especially for young naive horses toward transport. This usual practice can cause stress for the animal and thus have an impact on its welfare. We studied the impact of a LED lighting system on the behavior and physiology of 22 young horses with little experience, during loading and stationary phase on a trailer. Horses loaded for their first trial on a high illuminance level (> 4500 lx) inside the trailer took significantly less time to approach and expressed significantly less stress-related behaviours during the approach phase than those loaded in a moderate illuminance level (< 3000 lx). During the confinement phase in a stationary van, horses exposed to artificial LED lighting in certain proximal color temperature ranges have significantly faster post-stress heart rate recovery than under natural light conditions. A LED lighting capable of providing an homogeneous illuminance level seems to reduce horse stress during loading and stationary phase. Keywords: Lighting, illuminance, loading, stress, welfare

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 35

Introduction Le transport est une pratique courante dans la gestion des chevaux de compétition, de loisir ou d'élevage. Or, cette pratique habituelle pour les chevaux et les humains peut engendrer un état de stress chez l'animal et ainsi avoir un impact sur son bien-être. Un état de stress se caractérise par une série de réactions aux niveaux physiologique, neurologique et comportemental (Abbott et al. 2003). Plusieurs études ont montré que ces phases de transport, 1-embarquement, 2-trajet (dont la phase stationnaire), 3-post-transport (sur le lieu d'arrivée), étaient effectivement sources de stress car associées à une expression accrue d’indicateurs de stress comportementaux et/ou physiologiques, pour des jeunes chevaux naïfs vis à vis du transport comme pour des chevaux expérimentés (Andronie et al, 2009 ; Cross et al, 2008 ; Neveux et al, 2016). Lors des différentes phases, cet état de stress peut se traduire par des signes physiologiques comme l’augmentation de la fréquence cardiaque, du rythme respiratoire ou du taux de cortisol. Une étude de Lee et al (2011) auprès des propriétaires a montré que les chevaux posaient des difficultés comportementales à la fois pour l'embarquement (53,4%) ou pour le trajet (51,5%). Toutefois, l'embarquement est considéré comme une des phases les plus stressantes du processus de transport pour les chevaux (Waran, 1993), particulièrement pour les jeunes naïfs. Les signes comportementaux de stress varient en fonction de la phase de transport. Pour l'embarquement et le débarquement, les comportements observés peuvent être : se cabrer, faire des arrêts répétitifs, avoir une vigilance accrue, reculer, gratter, se détourner du pont, sauter sur le/du pont. Pour les phases en stationnaire et de transport, les comportements peuvent être : donner un coup de tête, gratter, piétiner, tenter de se retourner, hennir (review : Padalino, 2015)… Dans toutes les phases du transport, des comportements de défense (coup de tête, coup de pied, tirer sur la longe...) peuvent mettre en danger la sécurité des chevaux et des manipulateurs/conducteurs (Ferguson et Rosales Ruiz, 2001). De nombreuses études ont testé des solutions pour réduire le stress pendant la phase transport mais peu pour limiter le stress pendant l'embarquement (review : Padalino, 2015). Les méthodes les plus testées, scientifiquement ou empiriquement, reposent sur la mise en place en amont de méthodes d'apprentissage (renforcement positif, compartimenter les tâches) mais peu d'entre elles s'intéressent à l'environnement autour du van. Néanmoins, une étude a évalué l'impact de la lumière, à la fois dans le van et également dans l'environnement extérieur. En effet, la vision du cheval est différente de celle de l'être humain, notamment dans son adaptation aux changements de luminosité, plus lente, et sa perception dichromatique des couleurs ; ce qui pourrait avoir un impact sur la phase d'embarquement dans un van. Ainsi, Cross et al (2008) ont testé l'impact d'un éclairage halogène dans le véhicule pendant l'embarquement sous plusieurs conditions avec ou sans lumière dans le van et/ou dans l'environnement extérieur du van. Ces chevaux, préalablement entraînés à monter dans le van, manifestaient des émotions négatives (ex. : tête basse, se détourner du pont, flairer le sol) lorsque l'embarquement avait lieu dans un véhicule sombre, surtout lorsqu'ils venaient d'une zone extérieure éclairée. Cette étude souligne l'impact que pourrait avoir l’éclairement lumineux intérieur et extérieur dans la phase d'embarquement. L'éclairage est également connu pour jouer un rôle important dans les mécanismes biologiques et physiologiques, notamment via le rythme circadien (Murphy, 2009). Burla et al (2016) ont également mis en évidence des variations physiologiques et comportementales en fonction de la couleur de lumière diffusée au box, mettant en évidence que les éclairages avec des lumières blanches et de couleur n'auraient pas d'effet stressant sur les chevaux mais plutôt un effet relaxant (baisse de la fréquence cardiaque, baisse de l'activité). Dans notre étude, nous avons donc testé l'impact de différents types d’éclairage sur l'embarquement et la phase stationnaire (pont fermé) chez des jeunes chevaux peu expérimentés. Pour cela, nous avons utilisé un éclairage LED modulable à variation de teinte de lumière blanche (Température de Couleur Proximale : TCP, de 2700 K (blanc jaunâtre) à 6300 K (blanc bleuté)) et ajustable en terme de quantité de lumière émise (flux lumineux). L'objectif de cette étude était de déterminer si différents types d'éclairage LED pouvaient avoir un impact sur le temps d'embarquement, ainsi que sur le comportement et la physiologie des chevaux lors de l'embarquement et de la phase stationnaire.

1 Matériel et Méthode

1.1 Chevaux utilisés Cette étude a été menée au Haras de la Barbotière (Calvados-France). Vingt-deux jeunes chevaux de race Trotteur français âgés de deux ans (n=16 : huit femelles et huit mâles) ou de trois ans (n=6 : quatre femelles et deux mâles), ont été sélectionnés pour leur expérience similaire et très réduite du transport. Les jeunes de deux et trois ans avaient tous été transportés sur une courte durée au moins une fois avec leur mère au sein du haras dans un camion deux places, pont sur le côté. De plus, les trois ans avaient chacun réalisé un aller-

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 36

retour (± 250 km) dans un camion six places, pont arrière. Aucun de ces jeunes chevaux n'était monté dans un van deux places pont arrière auparavant. Les jeunes chevaux étaient tous nés et élevés au sein de ce même haras. Ces 22 jeunes chevaux étaient au pré-entraînement pour des courses de trotteurs attelés. Ils étaient sortis attelés environ 45 minutes par jour sur une piste en sable et étaient hébergés dans des conditions similaires (box 3,5 x 4 m ou stabulation 4 x 5 m, même alimentation). Les trois ans étaient sortis au paddock plusieurs fois par semaine.

1.2 Répartition des chevaux et matériel utilisé

Ces jeunes chevaux ont été répartis de façon aléatoire dans deux groupes d'âges et de sexe variés (n1=n2=11). Chaque groupe était embarqué dans un van dans trois conditions différentes : Tableau 1 : Répartition des chevaux en fonction des conditions de test Table 1: Distribution of horses according to test conditions Groupe 1 : Variation du flux lumineux Groupe 2 : Température de Couleur Proximale Condition A1 Condition B Condition C Condition A2 Condition D Condition E Lumière blanche = Lumière blanche = Lumière blanche = Lumière blanche = Lumière Lumière 4500 K – flux 4500 K – flux 6300 K – flux 2700 K – flux naturelle naturelle lumineux à 100 % lumineux à 50 % lumineux à 100 % lumineux à 100 %

Chaque embarquement était espacé de 20 jours (± 2 jours), soit trois embarquements par cheval en sept semaines (± 1 semaine). Les embarquements étaient randomisés que ce soit pour l'heure de passage ou la condition. La condition « lumière naturelle » signifie qu’il n’y a aucune source d'éclairage artificiel et uniquement la lumière du jour provenant de l'ouverture du pont arrière. Figure I : Illustration des différentes conditions de lumière Figure I: Illustration of the different lighting conditions

Le van, de marque Cheval Liberté (modèle Gold first, dimensions intérieures : 3,15 (l) x 1,67 (L) x 2,3 (h) m), était équipé d’un dispositif lumineux à LED, spécifique, de marque PROXIMAL positionné d’une part au plafond dans la partie avant et d’autre part à l’intérieur au-dessus du pont d’embarquement, en lieu et place du rideau rétractable, de façon à éclairer l’ensemble du van de façon homogène tant au niveau des parois qu’au sol (cf. Figure II). Une télécommande permettait de faire varier deux paramètres : le niveau de flux lumineux (50 % ou 100%) et les températures de couleur proximale de lumière blanche : 6300 K, 4500 K et 2700 K, comme indiqué dans le Tableau 1. Le van deux places pont arrière était positionné le long d'un mur, le bat-flanc et la barre de poitrail avaient été retirés. L'intérieur du van était paillé et les crottins étaient retirés entre chaque passage des chevaux. Une ligne droite de 17 mètres, avant laquelle le van n'était pas visible du cheval mené en main, constituait la zone d'embarquement.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 37

Figure II : Illustration de la zone d'embarquement et du dispositif d'éclairage Figure II: Illustration of the loading arena and the lighting installation

Dispositif lumineux PROXIMAL à l’avant du van Dispositif lumineux PROXIMAL à l’entrée du van

1.3 Protocole expérimental Pour chaque condition et chaque embarquement, les chevaux étaient menés en main par le même manipulateur et les données comportementales étaient relevées par un deuxième manipulateur appelé observateur.

La phase d'embarquement se déroulait de la façon suivante pour chaque condition : 1. Le cheval était équipé au box d'un cardiofréquencemètre (Polar® Equine RS800CX Science), d'un licol et d'une longe. Une fois équipé, le cheval était laissé seul deux minutes au box. 2. Le cheval était sorti en longe de son box et mené à la zone d'embarquement. Le chronomètre était déclenché par l'observateur dès que le cheval entrait dans la zone d'embarquement. Le temps pour franchir chaque partie de la zone d'embarquement était noté. 3. Le cheval était stimulé par le manipulateur pour avancer vers le van grâce à des méthodes utilisées classiquement sur le terrain (donner des pressions de longe d'intensité croissante, attirer le cheval avec de la nourriture, demander à une deuxième personne de le « pousser » en se postant derrière) selon les phases suivantes : ▪ Phase 1 : le manipulateur, positionné à côté du cheval (30 cm de longe), donnait une légère pression sur la longe pendant deux secondes, puis relâchait la tension. ▪ Phase 2 : le manipulateur, positionné à côté du cheval (30 cm de longe), donnait une pression constante de cinq secondes, puis relâche la tension. ▪ Phase 3 : le manipulateur, positionné devant le cheval (1m de longe), donnait une pression

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 38

constante de cinq secondes sur la longe, puis relâchait la tension. Le manipulateur réalisait les phases 1 à 3, trois fois de suite. Si le cheval n'était toujours pas monté, il entamait la phase 4 et la phase 5. ▪ Phase 4 : le manipulateur tendait une poignée de granulés au cheval, sans que le cheval ne puisse en manger. ▪ Phase 5 : le manipulateur tendait une poignée de granulés au cheval quand il avançait l'encolure/un pied et le laissait manger. Si le cheval n'était toujours pas monté après trois tentatives des phases 4 et 5, la phase 6 était entamée. ▪ Phase 6 : Le manipulateur se plaçait devant le cheval, légèrement sur la gauche. L'observateur se plaçait derrière le cheval, légèrement décalé sur la gauche du cheval et agitait les deux bras pendant 10 secondes. La phase 6 était répétée trois fois à 10 secondes d'intervalle. Si le cheval n'était pas monté dans le van à l'issue de la phase 6, il était déclaré comme « non embarqué ». 4. Une fois le cheval monté, l'observateur fermait le pont arrière et le cheval restait enfermé dans le van 2 minutes, tenu en main par le manipulateur (phase stationnaire). 5. Enfin, le cheval était débarqué et ramené dans son box où il était laissé seul, équipé du cardiofréquencemètre, pendant deux minutes.

Toute la phase d'embarquement était filmée grâce à une caméra vidéo fixe positionnée de façon perpendiculaire au van.

1.4 Données relevées 1.4.1 Données comportementales Lors de la phase d'embarquement et de la phase stationnaire, le comportement des sujets était observé en continu. Les différents comportements ci-dessous étaient relevés : • Maintenance : défécation, miction • Locomotion : s'arrêter, reculer, piétiner • Comportements de défense : se cabrer, donner un coup de pied ou d'encolure • Comportements d'exploration : renifler le sol/le pont • Postures d'attention : adopter une posture de vigilance, baisser la tête, regarder dans la direction du van, regarder vers l'écurie • Autres comportements liés à l'embarquement : se détourner, gratter, reculer, souffler/ronfler, faire un écart, sursauter, hennir

Le temps total d'approche du van de l'arrivée du cheval dans la zone d'embarquement jusqu'à la pose d'un pied sur le pont était aussi relevé. 1.4.2 Données physiologiques Les données relevées par le cardiofréquencemètre ont permis une analyse de la fréquence cardiaque avant, pendant et après l'épisode de stress (embarquement, phase stationnaire, box après). Les jeunes chevaux étant familiarisés à la mise en place d'un harnais pour l'entraînement attelé, une phase de familiarisation au cardiofréquencemètre n'était pas nécessaire. 1.4.3 Données lumière Entre chaque passage d'un cheval (moins de deux minutes avant l'embarquement du cheval suivant), les différentes conditions d'éclairage ont été ajustées à l'intérieur du van, en fonction des conditions de traitement de chaque groupe, et les mesures suivantes ont été relevées (à l’intérieur et à l’extérieur du van) à l'aide d'un luxmètre-chromamètre (IRC CL-70 F) et d'un luminancemètre (LS-150) pour contrôler : • l'éclairement lumineux (lx) qui exprime le flux lumineux reçu par unité de surface • la luminance lumineuse (cd/m²) qui peut être exprimée comme l’énergie portée par un rayon lumineux. • la température de couleur proximale (K), expression de la « teinte » d’une lumière blanche • l’indice de rendu des couleurs, exprimant la capacité d’une source d’éclairage artificielle à restituer les couleurs d’un objet par rapport à une source d’éclairage de référence.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 39

1.5 Analyses statistiques Les analyses ont été réalisées avec le logiciel StatView7®. Pour tous les résultats, le seuil de significativité alpha a été fixé à 5% (niveau de confiance dans les résultats de 95%). Pour les données comportementales, la distribution ne suivant pas une loi normale, des tests non- paramétriques ont été utilisés. Des tests de Friedman suivis de tests de Wilcoxon ont permis d'analyser l'effet de la condition sur l’expression des comportements. Des tests de Mann-Whitney ont été utilisés pour analyser la comparaison entre les données indépendantes pour le premier passage. Pour la fréquence cardiaque, la normalité des données a été analysée par le test de Kolmogorov-Smirnov et vérifiée. Des tests paramétriques ont donc été utilisés. Des tests t-appariés ou des ANOVA ont permis de comparer les mesures réalisées entre les différentes conditions.

2 Résultats

2.1 Résultats généraux Quelle que soit la condition, la fréquence cardiaque lors de l'embarquement et de la phase stationnaire est significativement plus élevée qu'au box avant le test (test T : A1 : p<0,01, B : p<0,05, C : p<0,01 ; A2 p<0,01, D : p<0,01, E : p<0,01). De même, la fréquence cardiaque est significativement plus élevée dans la zone d'embarquement et dans le van pour le premier passage que pour les deux suivants (ANOVA : embarquement p<0,05 ; van : p<0,01). Pour le premier embarquement quelle que soit la condition, les chevaux de deux ans mettent en moyenne 71 secondes à embarquer et les trois ans, 28 secondes. Ces résultats mettent en évidence que cette situation était stressante pour ces jeunes chevaux et qu'elle peut être considérée comme un épisode de stress (embarquement et phase stationnaire dans le van). Trois poulains de deux ans ont posé des difficultés pour embarquer : une n'a pas embarqué, peu importait la condition ; un autre n'a embarqué que lors du premier passage et un dernier n'a pas embarqué lors de son troisième passage. Deux autres ont été retirés de l'étude à cause d'événements extérieur à l'étude (blessure, départ à l'entraînement). Ils ont donc été éliminés pour une partie des analyses, ce qui explique les variations d'effectif (Groupe 1 : embarquement n=9 ; stationnaire n=7 ; Groupe 2 : embarquement n=9 ; stationnaire n=8).

2.2 Variation du flux lumineux 2.2.1 Embarquement Le temps d'approche et les comportements relevés lors de l'embarquement ne diffèrent pas significativement entre les conditions de flux lumineux : 50 %, 100 % ou lumière naturel.

Dans la condition C (flux 50%), la fréquence cardiaque est significativement moins élevée dans la phase d'approche (zone d'embarquement) que pendant le trajet du box à la zone d'embarquement (test T : A1 : trajet ± 60 vs approche ± 60 bpm, p>0,05 ; B : trajet ± 68 vs approche ± 63 bpm, p>0,05 ; C : trajet ± 70 vs approche ± 57 bpm, p<0,05) Un flux modéré engendrerait une moindre réaction physiologique des chevaux à cet épisode de stress (embarquement et phase stationnaire). 2.2.2 Phase stationnaire Les comportements relevés et la fréquence cardiaque en phase stationnaire ne diffèrent pas significativement entre les conditions de flux lumineux : 50 %, 100 % ou lumière naturel.

2.3 Variation de la température de couleur proximale 2.3.1 Embarquement Les comportements relevés et la fréquence cardiaque dans la zone d'embarquement ne diffèrent pas significativement entre les conditions (températures de couleur proximale 6300, 2700 K et lumière naturelle). 2.3.2 Phase stationnaire Les comportements relevés à l'intérieur du van ne diffèrent pas significativement entre les conditions (températures de couleur proximale 6300, 2700 K et lumière naturelle).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 40

Pour la condition D (6300K), la fréquence cardiaque est significativement plus faible dans le van que pendant la phase d'approche (test T : A2 : approche ± 83 vs van ± 69 bpm, p>0,05 ; D : approche ± 74 vs van ± 63 bpm, p<0,05 ; E : approche ± 63 vs van ± 58 bpm, p>0,05). En conditions D (6300K) et E (2700K), la fréquence cardiaque diminue significativement suite à l'épisode de stress : elle est plus élevée dans le van (i.e. pendant l'épisode de stress, D : van ± 63 ; E : van ± 58 bpm) que pour le retour au box (i.e. immédiatement après l'épisode de stress, D : box ± 46 bpm ; E : box ± 42 bpm). En condition A2 lumière naturelle, la fréquence cardiaque est similaire dans le van et dans le box (A2 : van ± 60 bpm vs box ± 51 bpm) (Test t : p<0,5 ; illustration de la condition A2 et D en Figure III). De plus, au retour au box, la fréquence cardiaque a tendance à être plus élevée pour le groupe A2 (lumière naturelle) (ANOVA : p=0,08). Ces résultats suggèrent une récupération post-stress plus rapide lorsque les chevaux étaient sous conditions lumineuses.

Figure III : Variation de la fréquence cardiaque en condition stationnaire (van) et au repos (retour au box) Figure III: Variation of the heart rate in stationary condition (trailer) and at rest (back to box)

2.4 Analyse du premier passage Même si le van est éclairé de l'intérieur, l'éclairement lumineux (flux lumineux par unité de surface) à l'intérieur et à l'extérieur du van peut avoir un impact sur la perception du van par les chevaux. En effet, l'éclairement intérieur, dépendra également des conditions lumineuses extérieures (position du soleil, ciel gris...etc…). C'est pour cela que nous avons regroupé les chevaux en deux nouveaux groupes en fonction de l'éclairement lumineux moyen réel relevé à l'intérieur du van peu importe la condition initiale : - Groupe X : éclairement moyen modéré < 3000 lx, 11 chevaux (neuf âgés de deux ans, deux âgés de trois ans) - Groupe Y : éclairement moyen élevé > 4500 lx, 11 chevaux (sept âgés de deux ans, quatre âgés de trois ans) Pour l'analyse, les comportements liés au stress ont été regroupés en une même catégorie (s'arrêter, sursauter, se détourner, position de vigilance, souffler/ronfler, déféquer…).

Tel qu'illustré dans la Figure IV, le temps d'approche du van dans la zone d'embarquement est significativement plus faible pour le Groupe Y que pour le Groupe X (Mann-Whitney : n1=n2=11, temps moyen d'embarquement ± 36 sec vs ± 83 sec, p<0,05, U=29,5). Les chevaux du Groupe Y ont également exprimé moins de comportements liés au stress que ceux du Groupe X (Mann-Whitney : n1=n2=11, p<0,05, U=30).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 41

Figure IV : Temps d'approche et comportements liés au stress à l'embarquement en fonction de l'éclairement Figure IV: Loading approach time and stress behaviours according to illuminance level

Aucune différence significative entre les groupes X et Y n'a été mise en évidence pour la fréquence cardiaque.

3 Discussion Les résultats de notre étude mettent en évidence que l'embarquement est réellement un épisode de stress pour les chevaux et que ceux deux ans, pour le premier embarquement, mettent plus de temps que ceux de trois ans à embarquer, ce qui est cohérent avec l'étude de Waran et Cuddeford (1995). Cela pourrait être expliqué par une plus grande expérience des trois ans, que ce soit pour le transport ou pour les manipulations quotidiennes (entraînement). Toutefois, les chevaux de notre étude mettent en moyenne un peu plus de temps à embarquer que ceux de cette précédente publication, ce qui confirme le peu d'expérience de nos sujets (deux ans : 71 sec vs 29,5 sec ; trois ans : 28 sec vs 21,5 sec). Nos résultats montrent également que l'éclairage LED spécifique fournissant un éclairage homogène avec un niveau d'éclairement lumineux élevé (> 4500 lx) semble réduire le stress du cheval à l'approche et accélérer le processus d'embarquement. Le flux lumineux moyen avec une température de couleur lumière blanche (4500 K, flux 50 %) semble aussi jouer un rôle prépondérant. Ces conclusions sont appuyées par des mesures physiologiques (fréquence cardiaque moins élevée dans la zone d'embarquement pour le groupe soumis au traitement lumière blanche 4500 K, flux 50 %) et comportementales (comportements de stress moins fréquents et temps d'approche plus court lors d'un éclairement élevé). La plupart des comportements de stress observés (se cabrer, sursauter, faire un écart, se détourner, gratter, donner un coup de tête, donner un coup de pied, sauter sur le pont…) peuvent être dangereux pour le cheval et le manipulateur. Chez le cheval, à notre connaissance, une seule autre équipe a travaillé sur l'impact de la lumière lors de l'embarquement, et particulièrement sur le contraste entre un environnement éclairé et un environnement sombre (Cross et al, 2008). En effet, l’œil du cheval a la capacité à laisser entrer une grande quantité de lumière à travers sa pupille horizontale et à refléter cette lumière sur une membrane au fond de son œil la tapedum lucidum. Cette capacité lui est très utile pour sa vision nocturne, par contre, contrairement à l’œil humain, la capacité de rétractation de la pupille du cheval est faible. Il sera donc « aveuglé » lorsqu'il est exposé à une lumière vive soudaine ou à l'inverse, il aura du mal à adapter sa vision lorsqu'il passe d'une zone de lumière vive à une zone sombre (review : Murphy and al, 2009). Les résultats de l'étude de Cross et al (2008) illustrent cette lente adaptation aux changements lumineux, puisqu'ils ont montré que les chevaux manifestaient des émotions négatives lorsque l’embarquement avait lieu dans un véhicule sombre, surtout lorsqu'ils venaient d'une zone extérieure éclairée. Toutefois, contrairement à notre étude, ils n'ont pas mis en évidence d'effets des différents traitements sur le temps d'approche/d'embarquement. Cette différence de résultat peut être expliquée par le fait que : 1-nos chevaux étaient jeunes et avec peu d'expérience alors que les leurs étaient préalablement entraînés à monter dans le van mais aussi que 2-l'éclairage LED utilisé et mis en œuvre, contrairement à un éclairage halogène classique, produisait un éclairage lumineux uniforme sur toute la surface du van et notamment au sol, et ainsi réduisait les zones d'ombre, ce qui modifierait la perception du van pour le cheval. Les résultats de notre étude mettent également en évidence que lors d'un embarquement puis d'un confinement dans un van en phase stationnaire, la fréquence cardiaque diminue plus rapidement après cet épisode de stress lorsque les chevaux sont exposés à un éclairage LED artificiel dans certaines plages de

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 42

Températures de Couleur Proximale (2700 K ou 6300 K) par rapport aux conditions de lumière naturelle. De plus, lors du retour au box, lorsque les chevaux sont exposés à la lumière naturelle, ils ont tendance à avoir une fréquence cardiaque plus élevée que dans les conditions de lumière blanche (2700 K ou 6300 K). Enfin, lorsqu'ils sont dans la condition lumière blanche (6300 K) en phase stationnaire, les chevaux ont également une fréquence cardiaque plus faible dans le van que pendant la phase d'approche. Ces résultats suggèrent que la récupération du rythme cardiaque suite au stress serait meilleure lorsque les chevaux sont exposés à un éclairage LED artificiel dans certaines plages de Températures de Couleur Proximale (2700 K ou 6300 K). Ce résultat serait d'autant plus marqué en condition lumière blanche (6300 K) puisque la diminution du rythme cardiaque débute dès la phase stationnaire. Ces résultats sont cohérents avec ceux de Burla et al (2016), qui mettent en évidence que la fréquence cardiaque diminue lors de traitements lumineux au box lorsqu'elle est comparée à la fréquence cardiaque avant et après le traitement, même s'ils semblaient plus marqués que les nôtres. Cela pourrait être expliqué par le fait que dans leur étude, les traitements lumineux et les relevés de données au box étaient plus longs (1h30 de traitement et 14 minutes de données). Ils étaient également réalisés dans un environnement connu des chevaux et sur des chevaux plus âgés. Pour confirmer nos résultats, il serait intéressant de poursuivre ce protocole par l'application de différents traitements lumineux sur une plus longue durée, par exemple lors d'un transport sur route et sur un plus grand nombre d'individus. Enfin, il est important de noter que de nombreux facteurs peuvent avoir un impact sur le niveau de stress des chevaux que ce soit pour l'embarquement, la phase stationnaire ou le transport, notamment : l'expérience du cheval, la manipulation, les méthodes d'embarquement/de débarquement, le confinement, l'isolement social ou la présence de chevaux inconnus, les vibrations, la privation d'eau et d'aliment, le temps de trajet ou les conditions de route… (review : Padalino, 2015). L'impact du niveau d’éclairement dans le van est sûrement un facteur prépondérant mais sur le terrain, il ne faut pas oublier de prendre en compte l'environnement extérieur et l'expérience du cheval pour que cette situation se passe dans les meilleures conditions. D'un point de vue pratique, un cheval moins stressé à l'embarquement et pendant une période de confinement sera moins susceptible d'exprimer des comportements dangereux pour lui ou son cavalier/propriétaire. Si le temps d'embarquement est réduit, le stress des manipulateurs s'en trouvera également réduit. Tous ces facteurs pourraient donc contribuer à limiter les risques d'accidents, améliorer la relation humain-cheval, ainsi que le bien-être de chacun. Le stress a également un impact sur les performances sportives (review : Padalino, 2015). Il est donc possible qu'un cheval moins stressé à l'embarquement et pendant une période de confinement se montre plus compétitif. Une des perspectives d'application pratique serait d'évaluer les impacts de la lumière, diffusée par dispositif d'éclairage à LED ajustable, sur le cheval dans d'autres situations courantes telles que l'hébergement en boxes individuels, les soins médicaux, la phase de transport et d'ouvrir ainsi de nouvelles pistes d'amélioration du bien-être pour toutes les pratiques courantes de gestion des chevaux.

Remerciements Cette étude a été réalisée grâce au soutien de Normandie Incubation, des Pôles de compétitivité Hippolia et S2E2, du Conseil des Chevaux de Normandie, de PROXIMAL (incubée à Normandie Incubation - Caen), du Haras de la Barbotière (14), de Cheval Liberté (88) et des Vans Barbot (14).

Références Abbott D.H., Keverne E.B., Bercovitch F.B., Shively C.A., Mendoza S.P., Saltzman W., Snowdon C.T., Ziegler T.E., Banjevic M., Garland T, Sapolsky R.M. 2003. Are subordinates always stressed? A comparative analysis of rank differences in cortisol levels among primates.Hormones and Behavior 43 67–82.

Andronie, I., Andronie, V., Livia, T., & others. 2009. The effects of short duration transport on sport horses welfare. Bulletin of University of Agricultural Sciences and Veterinary Medicine Cluj-Napoca. Veterinary Medicine 66(1).

Burla, J.B., Bachmann, I., Hillmann, E., Westerath, H.S. 2016. The Effects of Coloured LED Light on Behaviour and Physiology in Healthy Horses. Open Biological Sciences Journal. 2, 1-16.

Cross, N., van Doorn, F., Versnel, C., Cawdell-Smith, J., & Phillips, C. 2008. Effects of lighting conditions on the welfare of horses being loaded for transportation. Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research 3(1), 20-24.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Neveux et al. Page 43

Ferguson, D.L., Rosales Ruiz, J., 2001. Loading the problem loader: the effects of target training and shaping on trailer loading behavior of horses. J. Appl. Behav. Anal. 34, 409–424.

Lee, J., Houpt, K., Doherty, O., 2011. A survey of trailering problems in horses. J. Equine Vet. Sci. 21, 235- 238.

Murphy, B.A. 2009. Chronobiology and the horse: Recent revelations and future directions. The Veterinary Journal, doi:10.1016/j.tvjl.2009.04.013.

Murphy, J., Hall, C., Arkins, S. 2009. What Horses and Humans See: A Comparative Review. International Journal of Zoology. ID 721798, 14.

Neveux, C., Ferard, M., Dickel, L., Bouet, V., Lansade, L., Vidament, M., Valenchon, M. 2016. La musique adoucit les moeurs... et diminue le stress. Actes de colloque de la 42èmeJournée de la Recherche équine, Paris.

Padalino, B.. 2015. Effects of the different transport phases on equine health status, behavior and welfare : a review. Journal of Veteriary behavior, doi: 10.1016/j.jveb.2015.02.002.

Waran, N.K., 1993. The behaviour of horses during and after transport by road. Equine Vet. Educ. 5,129-132.

Waran, N.K., Cuddeford, D. 1995. Effects of loading and transport on the heartrate and behaviour of horses. Applied Animal Behaviour Science 43, 71-81.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Développement d’un Test DIVA pour la détection sérologique du virus West Nile chez le cheval

C. Beck1, S. Pradier2, I. Desjardin3, A. Joulié3,4,5, L. Vial6, A. Leblond3,5, S. Lecollinet1

1 Université Paris Est, UMR 1161 Virologie, ANSES, INRA, ENVA, ANSES Laboratoire de Santé Animale, LRUE maladies équines, 94700 Maisons-Alfort, France 2 IHAP Université de Toulouse, INRA, ENVT, 31300 Toulouse, France 3 Université de Lyon, VetAgroSup, 69280 Marcy-L’Etoile, France 4 INRA, 63122 Saint-Genès Champanelle, France, 5ANSES Laboratoire de Sophia-Antipolis, 06902 Sophia-Antipolis, France 6 CIRAD, UMR CMAEE, 34398 Montpellier, France

Résumé Avec 41 cas de formes neuroinvasives dans la population équine, la France a fait face en 2015 à une intense circulation du virus West Nile (WNV) en région Camargue, conduisant à la vaccination des chevaux contre cette maladie. Le cheval étant une sentinelle de l’infection, la mise en place d’un test sérologique permettant de distinguer les chevaux vaccinés contre le WNV de de ceux infectés naturellement (DIVA) est primordiale. Une enquête sérologique a été effectuée en 2016 sur 289 chevaux dont 36 chevaux vaccinés avec le vaccin inactivé et adjuvé Equip® WNV et 18 avec le vaccin recombinant Proteq® West Nile. Les sérums ont été testés par la méthode d’immuno-essais sur billes (MIA), comprenant 2 billes couplées respectivement à la glycoprotéine d’enveloppe (WNV.sE) et à la protéine non structurale (WNV.NS1) du WNV. Nos résultats suggèrent que le vaccin Equip® WNV induit une réaction humorale anti-E et anti-NS1 fortes et durables. A l’inverse, les chevaux vaccinés avec le Proteq® West Nile présentent une réponse anticorps anti-E d’intensité modérée mais aucune réponse anti-NS1 permettant un test DIVA uniquement pour ce vaccin. Mots clés : Virus West Nile, test DIVA, immuno-essais sur billes (MIA)

Summary In 2015, with 41 cases of neuroinvasive forms in the equine population, France faced an intense circulation of the West Nile virus (WNV) in the Camargue region leading to the vaccination of horses against this disease. Since the horse is a sentinel for the infection, the establishment of a serological test to distinguish horses vaccinated against WNV from those infected naturally (DIVA) is essential. With this in mind, a serological survey carried out in 2016 on 289 horses including 36 horses vaccinated with the inactivated and adjuvanted Equip®WNV vaccine and 18 with the recombinant Proteq® West Nile vaccine. The sera were assayed by a microsphere immunoassay (MIA), comprising 2 beads coupled to envelope glycoprotein (WNV.sE) and non- structural protein (WNV.NS1) of WNV. Our results suggest that the Equip® WNV vaccine induces a strong and lasting anti-E and anti-NS1 humoral reaction. In contrast, horses vaccinated with Proteq® West Nile have a moderate anti-E antibody response but no anti-NS1 response allowing the establishment of a DIVA test only for this vaccine. Key-words: West Nile virus, DIVA test, microsphere immuno-assay (MIA)

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Beck et al. Page 45

Introduction L’infection à virus West Nile (WNV) est une maladie virale, transmise par la piqûre de moustiques infectés du genre Culex. Le virus est amplifié selon un cycle moustique-avifaune-moustique et peut être inoculé au Cheval ou à l’Homme. De par son caractère zoonotique, la sévérité des infections chez l’Homme et le Cheval et le risque de transmission interhumaine par transfusion sanguine, la fièvre West Nile est un danger sanitaire de première catégorie. L’infection à virus West Nile a été rapportée en Camargue dès les années 1960 avant d’enregistrer 40 ans plus tard de nouveaux cas dans l’Hérault (2000), le Var (2003), les Bouches- du-Rhône (2004), le Gard (2004) et enfin les Pyrénées-Orientales (2006) (Lecollinet S, Lefrançois T et al. 2008). En 2015, la France a fait face à une nouvelle épizootie dans la population équine en région Camargue. Entre août et octobre 2015, 72 cas suspects (chevaux avec des signes neurologiques) ont été comptabilisés, conduisant à la confirmation de 41 cas de maladie neuro-invasive à WNV et à 31 cas infirmés (Bahuon, Marcillaud Pitel et al. 2016). Trois cas de formes fébriles et cinq infections asymptomatiques ont par ailleurs été diagnostiquées, provenant soit du dépistage systématique organisé sur les équidés des premiers foyers ou d’enquêtes rétrospectives aux alentours des foyers. De plus une forme fébrile humaine a été diagnostiquée dans la ville de Nîmes. Cette intense circulation du WNV dans la population équine en région Camargue a conduit les propriétaires à la vacciner contre cette maladie dans certaines écuries. Cependant, le cheval étant une sentinelle de l’infection, la distinction entre anticorps vaccinaux et non vaccinaux est primordiale pour interpréter les résultats de la surveillance. L’objectif de ce travail a donc été de mettre en place un test sérologique permettant de distinguer les chevaux vaccinés contre le WNV de de ceux infectés naturellement (test DIVA pour Differenciating Infected from Vaccinated Animals). Dans ce but, une enquête sérologique au printemps 2016 sur 289 chevaux de la région Camargue a été conduite en ciblant en particulier les écuries ayant eu recours à un des trois vaccins commercialisés pour lutter contre la fièvre West Nile. Cet article présente les résultats de l’enquête sérologique avec un focus sur la réponse anticorps anti-WNV induite par les différents vaccins. Les conséquences de cette réaction humorale pour la validation d’un test DIVA basé sur une protéine non structurale (NS1), qui est immunogène mais absente du virion mature, sont ensuite analysées.

1 Matériel et méthode

1.1 Collecte des échantillons La plupart des foyers de l’épizootie 2015 étaient situés en Camargue, à la limite entre les départements des Bouches-du-Rhône et du Gard, dans une zone d’une soixantaine de kilomètres de diamètre. L’enquête sérologique 2016 a donc été centrée sur cette zone en privilégiant les écuries ayant vacciné contre le WNV. Au total 289 chevaux ont été prélevés dans 43 écuries avec 36 chevaux vaccinés avec le vaccin inactivé Equip®WNV de la firme Zoétis et 18 avec le vaccin recombinant Proteq®West Nile de la firme Merial. Aucun cheval n’a été vacciné avec le vaccin Equilis®West Nile d’Intervet à la suite de l’épizootie WNV 2015 (Figure I).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Beck et al. Page 46

Figure I : Cas équins de WNV en 2015 (étoile rouge) et écuries ayant vacciné avec le vaccin Merial (rond bleu) ou Zoétis (triangle jaune) Figure I: Equine WNV cases in 2015 (red star) and stables vaccinated with Merial vaccine (blue round) or Zoetis (yellow triangle)

1.2 ELISA Un test sérologique a été réalisé sur les 289 sérums en utilisant un ELISA de compétition (ID Screen® West Nile Competition ELISA kit, ID Vet, Montpellier, France) qui détecte les anticorps dirigés contre la glycoprotéine E du WNV. Les essais ont été réalisés suivant les instructions du fabricant. Le seuil de positivité pour cet ELISA de compétition correspondait à un % S/N < 40% et les sérums étaient considérés comme douteux pour 40% ≤ % S/N< 50% comme recommandé par le fabricant.

1.3 Méthode multiplexe Une sélection de chevaux non vaccinés et positifs en ELISA de compétition WNV (chevaux infectés pendant l’épizootie 2015 ou les épizooties précédentes enregistrées en région Camargue en 2000 et 2004) et l’ensemble des chevaux vaccinés ont ensuite été testés par méthode MIA. Cette technique MIA a été dessinée afin de différencier les chevaux infectés naturellement par le virus West Nile (WNV) de ceux vaccinés. Deux antigènes, la partie soluble de la glycoprotéine d’enveloppe du WNV (WNV.sE), souche Israël 1998 (Genbank AY033389.1 ; AA 1 à 405) et l’antigène recombinant NS1 du WNV (WNV.NS1), souche Egypte 101 (Genbank: EU081844.1 ; AA 793-1143) aimablement fourni par Natalie Cleton (Cleton, van Maanen et al. 2016) ont été couplés aux billes et testés en MIA suivant la méthode décrite dans l’article de C. Beck et al (Beck, Despres et al. 2015) (Figure II).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Beck et al. Page 47

Figure II : Présentation de la méthode MIA Figure II : Presentation of the MIA method

Distribution de billes codées couplées aux antigènes WNV.sE et WNV.NS1 et mises en contact avec le sérum à tester et avec des anticorps secondaires anti-espèces (anti-cheval) marqués à la biotine. La fixation des anticorps sur les billes est révélée par l’ajout du fluorophore Streptavidine-R-phycoérythrine (SAPE). A l’étape de la lecture, l’intensité de fluorescence et le code couleur de la bille sont mesurés par deux lasers qui excitent les billes à 2 longueurs d’onde différentes (635 nm pour identifier la microsphère et donc l’antigène fixé et 532 nm pour mesurer la fluorescence de la SAPE et donc l’intensité de fixation du sérum équin sur la bille). Pour chaque sérum, la médiane d’intensité de fluorescence (MFI) est calculée pour au moins 50 billes portant le même antigène.

Théoriquement, les équidés infectés ou vaccinés développent systématiquement une réponse anti-WNV.sE alors qu’une réponse humorale anti-WNV.NS1 ne devait être mesurée que chez des équidés naturellement infectés.

2 Résultats

2.1 Résultats ELISA Sur les 235 chevaux non vaccinés de l’étude 2016, 40 chevaux ont été trouvés porteurs d’anticorps anti-WNV avec le kit ELISA de compétition WNV. Ce résultat sérologique positif est la signature soit d’une infection au cours de la dernière épizootie de 2015, soit d’une infection plus ancienne. Il a été possible de dater plus précisément l’infection chez les équidés jeunes, soit chez 20 chevaux nés après 2006 (infection plus probablement acquise lors de l’épizootie de 2015). Concernant les vaccinés, seuls 54 chevaux ont pu être inclus dans l’enquête, suggérant un faible recours à la vaccination West Nile. Les chevaux vaccinés pendant l’épisode 2015 appartenaient à des écuries ayant enregistré des cas neuro-invasifs graves en début d’épizootie ou avec des chevaux de haute valeur (reproduction, spectacle…). Au sein des écuries vaccinées, les 36 chevaux vaccinés avec le vaccin Zoétis ont été trouvés positifs en ELISA de compétition quel que soit le délai entre la seconde injection de primovaccination et le prélèvement (tableau 1). En revanche concernant les chevaux vaccinés avec le vaccin Merial, 11 chevaux ont été trouvés positifs, trois douteux et quatre négatifs en ELISA. Parmi les sept chevaux trouvés négatifs ou douteux, deux chevaux (un négatif et un douteux) n’avaient reçu qu’une seule injection de primo-vaccination (primo- vaccination incomplète) avant la prise de sang. Les trois autres chevaux négatifs en ELISA avaient été vaccinés plus de six mois avant la réalisation du prélèvement. Le tableau 1 résume les résultats obtenus sur les chevaux vaccinés en fonction du vaccin et du délai entre seconde injection de primo-vaccination et prise de sang.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Beck et al. Page 48

Tableau 1 : Résultats ELISA (kit ID Screen® West Nile competition) obtenus sur des chevaux vaccinés avec les vaccins Proteq West Nile (Merial) ou Equip WNV (Zoétis) Table 1: ELISA results (ID Screen® West Nile competition kit) obtained on horses vaccinated with Proteq West Nile (Merial) or Equip WNV (Zoétis)

Résultats ELISA en fonction du délai entre la 2nde Résultats ELISA injection de primovaccination et la prise de sang (jours) Vaccins (ID Vet) 0-30 30-90 90-180 180-270 Vaccin Merial Positif 11 1 2 2 6 Douteux 2 1 1 Négatif 3 3 Total vaccin Merial 16* 1 2 3 10 Vaccin Zoétis Positif 36 8 9 2 17 Total vaccin Zoétis 36 8 9 2 17 Total général 52 8 11 5 27

Les résultats sont exprimés en fonction du délai entre 2nde injection de primovaccination et la prise de sang * 2 chevaux vaccinés Merial n’apparaissent pas dans ce tableau car ils n’avaient reçu qu’une seule injection de primo-vaccination (protocole de primo-vaccination incomplet).

2.2 Résultats avec la méthode MIA 2.2.1 Calcul du seuil de positivité pour la bille NS1 Le seuil de positivité pour l’antigène E a été fixé lors d’une étude antérieure (Beck, Despres et al. 2015). Le seuil de positivité pour l’antigène NS1 a été déterminé par analyse des courbes ROC sur un panel de 31 sérums trouvés positifs et 44 négatifs par ELISA de compétition WNV (ID Screen West Nile competition kit). Un contrôle positif a été systématiquement inclus dans chaque essai et les résultats de fluorescence obtenus pour les billes WNV.sE et WNV.NS1 ont été normalisés selon le ratio S/CP x100. Un seuil respectivement de 17 et de trois pour le ratio S/CPx100 ont été calculés pour les billes WNV.sE (Se=98,4% ; Sp= 99,4%) et WNV.NS1 (Se de 93,5% et Sp de 97,7%).

La bille NS1 montre donc une très bonne spécificité mais une sensibilité inférieure à celle trouvée avec la bille WNV.sE. 2.2.2 Résultats avec la méthode MIA 33 chevaux infectés naturellement par WNV ont été testés par méthode MIA et trouvés positifs à 100% (33/33), et à 91% (30/33) avec les billes WNV.sE et WNV.NS1 respectivement. Après vaccination, les 36 chevaux vaccinés avec le vaccin Equip WNV (Zoétis) ont été trouvés positifs avec les billes WNV.sE (100%) et 34 avec la bille WNV.NS1 (94%) (Fig 3). Dans le groupe des 11 chevaux vaccinés avec le vaccin Proteq West Nile (Merial) et positifs avec l’ELISA ID Screen® West Nile compétition, 100% (11/11) ont été trouvés positifs avec la bille WNV.sE et 18% (2/11) avec la bille WNV.NS1 (Figure III).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Beck et al. Page 49

Figure III : Représentation des résultats de fluorescence MIA de la bille WNV.NS1 pour les chevaux infectés naturellement et vaccinés respectivement avec le vaccin Zoétis et Merial. Figure III: WNV.NS1 MIA fluorescence results for horses naturally infected or vaccinated with the Zoetis or Merial vaccines

Seuil de positivité de la bille WNV.NS1 = 3 ; Valeurs de fluorescence exprimées comme le ratio du MFI de l’échantillon sur le MFI du contrôle positif X 100 (S/CPX100)

Les deux chevaux positifs avec la bille WNV.NS1 et vaccinés avec Proteq West Nile (Merial) se trouvaient dans une unique écurie où un cheval a développé une forme neuro-invasive à WNV en 2015. On peut donc fortement suspecter que ces deux chevaux positifs ont développé une réponse anti-NS1 WNV suite à une infection asymptomatique à WNV en 2015. Enfin dans le groupe des sept chevaux vaccinés avec Proteq West Nile (Merial) et négatifs ou douteux avec le kit ELISA ID Screen® West Nile competition, 57 % (4 /7) ont été trouvés « positifs » avec la bille WNV.sE (résultat considéré douteux car au seuil de positivité de la bille) et 0% avec la bille WNV.NS1.

3 Discussion et conclusion Les résultats de notre enquête séro-épidémiologique sur les chevaux vaccinés en zone Camargue suite à l’épizootie WNV de 2015 montrent que la vaccination avec le vaccin inactivé et adjuvé Equip® WNV de la firme Zoétis induit une réaction humorale anti-WNV forte et durable. En revanche la réponse anticorps induite par le vaccin canarypox adjuvé (Proteq® West Nile de la firme Merial) apparaît d’intensité plus modérée et transitoire, comme décrit précédemment par Khatibzadeh et al (Khatibzadeh, Gold et al. 2015). Cependant, El Garche et al ont pu démontrer l’induction d’une réponse cellulaire spécifique contre le WNV suite à la vaccination de chevaux avec le vaccin recombinant canarypox WNV (El Garch, Minke et al. 2008). Cette réponse cellulaire est fondamentale pour l’élimination du virus et la protection contre le WNV. Il est néanmoins difficile d’objectiver avec les tests de routine pratiqués en laboratoire, la durée de protection induite par cette réponse cellulaire. Les protéines non structurales sont des protéines candidates intéressantes pour la mise au point de tests DIVA WNV car elles ne sont pas présentes dans le virion. La protéine NS1 du WNV entraine de plus une réponse humorale forte et représente donc un antigène de choix.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Beck et al. Page 50

Cependant dans notre étude, la réponse contre l’antigène NS1 ne permet pas de différencier les chevaux vaccinés avec le vaccin inactivé de Zoétis des chevaux infectés WNV. Ces résultats montrent que le procédé de purification de ce vaccin inactivé n’élimine pas complètement la protéine NS1 présente sur les membranes cellulaires et/ou dans le surnageant. Cette difficulté ne semble pas exister avec les vaccins inactivés contre l’encéphalite japonaise, un autre flavivirus infectant les chevaux et présent en Asie du Sud-Est où une distinction entre chevaux vaccinés et chevaux infectés peut être réalisée avec un ELISA anti-NS1 (Konishi, Shoda et al. 2004). A l’inverse, le test MIA avec l’antigène NS1 WNV distingue correctement les chevaux vaccinés avec le vaccin recombinant West Nile commercialisé par Merial de ceux infectés naturellement et permet au final de distinguer les chevaux infectés des chevaux vaccinés avec un vaccin recombinant n’exprimant pas l’antigène NS1. Cette distinction est essentielle si on veut maintenir le cheval comme sentinelle de l’infection en zone vaccinée et pousse à poursuivre le développement des vaccins recombinants ou sous-unitaires ou à améliorer les procédés de purification des vaccins inactivés contre le WNV.

Remerciements

Cette étude a été financée par l’IFCE et les fonds Eperon. Nous tenons à remercier l’ensemble des propriétaires de chevaux et des vétérinaires qui ont accepté de participer à ce projet.

Références Bahuon, C., C. Marcillaud Pitel, L. Bournez, A. Leblond, J. Hars, C. Beck, I. Leparc Goffart, G. L'Ambert, M. C. Paty, L. Cavalerie, C. Daix, P. Tritz, B. Durand, S. Zientara and S. Lecollinet (2016). "WNV epizootics in Camargue, France, 2015 and reinforcement of WNV surveillance and control networks." O.I.E Bulletin épidémiologique Beck, C., P. Despres, S. Paulous, J. Vanhomwegen, S. Lowenski, N. Nowotny, B. Durand, A. Garnier, S. Blaise-Boisseau, E. Guitton, T. Yamanaka, S. Zientara and S. Lecollinet (2015). "A High-Performance Multiplex Immunoassay for Serodiagnosis of Flavivirus-Associated Neurological Diseases in Horses." Biomed Res Int 2015: 678084. Cleton, N. B., K. van Maanen, S. A. Bergervoet, N. Bon, C. Beck, G. J. Godeke, S. Lecollinet, R. Bowen, D. Lelli, N. Nowotny, M. P. Koopmans and C. B. Reusken (2016). "A Serological Protein Microarray for Detection of Multiple Cross-Reactive Flavivirus Infections in Horses for Veterinary and Public Health Surveillance." Transbound Emerg Dis. El Garch, H., J. M. Minke, J. Rehder, S. Richard, C. Edlund Toulemonde, S. Dinic, C. Andreoni, J. C. Audonnet, R. Nordgren and V. Juillard (2008). "A West Nile virus (WNV) recombinant canarypox virus vaccine elicits WNV-specific neutralizing antibodies and cell-mediated immune responses in the horse." Vet Immunol Immunopathol 123(3-4): 230-239. Khatibzadeh, S. M., C. B. Gold, A. E. Keggan, G. A. Perkins, A. L. Glaser, E. J. Dubovi and B. Wagner (2015). "West Nile virus-specific immunoglobulin isotype responses in vaccinated and infected horses." Am J Vet Res 76(1): 92-100. Konishi, E., M. Shoda, N. Ajiro and T. Kondo (2004). "Development and evaluation of an enzyme-linked immunosorbent assay for quantifying antibodies to Japanese encephalitis virus nonstructural 1 protein to detect subclinical infections in vaccinated horses." J Clin Microbiol 42(11): 5087-5093. Lecollinet S, Lefrançois T, Durand B, Leblond A, Dauphin G, de Goer J and Z. S. (2008). "Surveillance de l'infection équine à virus West Nile en France. Bilan 2000-2007." Epidémiologie et santé animale 54: 69-80.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Induction de l’ovulation chez la jument par le beta-Nerve Growth Factor

F. Reigner1, P. Barrière1, T. Blard1, M. Bouvier1, F. Derouin2, A. Duittoz2

1 Unité Expérimentale Animale de l'Orfrasière (UEPAO) – Centre INRA Val de Loire – 37380 Nouzilly 2 Physiologie de la Reproduction et des Comportements (PRC) INRA U85, CNRS UMR7247, Université de Tours, IFCE – Centre INRA Val de Loire – 37380 Nouzilly

Résumé Le beta Nerve Growth Factor (β-NGF) est un facteur de croissance impliqué dans la croissance, la survie et la prolifération des neurones. Récemment, le β-NGF a été identifié comme étant l’Ovulation Inducing Factor (OIF) chez l'alpaga. L'effet du β-NGF sur l'ovulation implique une augmentation de la sécrétion de la Gonadotropin Releasing Hormone (GnRH). Par des approches in vitro chez la souris, nous avons aussi montré que le β-NGF augmente l’activité électrique spontanée des neurones à GnRH, suggérant que ce mécanisme pourrait être conservé chez des espèces à ovulation spontanée. Dans l'étude présentée ici, nous avons testé l’hypothèse que le β-NGF pourrait déclencher l’ovulation chez la jument. Nous avons testé le β- NGF dans un protocole d’induction d’ovulation chez six ponettes de race Welsh. Nous avons montré que l'administration de β-NGF 1,5µg/kg induisait l'ovulation avec un délai moyen de 3,6 jours, soit un jour de plus que chez les ponettes induites par le Chorulon®. Ce délai plus long pourrait être dû au mécanisme d'action du β-NGF qui agirait à l'étage hypothalamique alors que le Chorulon® agit directement sur l'ovaire. Mots clés : Jument, ovulation, β-NGF, hCG, GnRH

Summary Beta Nerve Growth Factor (β-NGF) is a growth factor involved in neuronal axon growth, survival and proliferation. It was recently discovered that β-NGF; the main protein in Alpaca’s seminal plasma is the Ovulation Inducing Factor (OIF). The effect of β-NGF involves the stimulation of Gonadotropin Releasing Hormone (GnRH) secretion leading to the pre-ovulatory Luteinizing Hormone (LH) surge. Electrophysiological recordings from mouse GnRH neurones maintained in vitro showed that β-NGF stimulated spontaneous electrical activity. These results suggest that β-NGF could be effective in species with spontaneous ovulation. Thus, we hypothesize that β-NGF could induce ovulation in mares. In the present study, we tested β-NGF in an ovulation induction protocol in Welsh pony mares. Administration of β-NGF 1.5µg/kg induced ovulation within 3.6 days, one day more than with Chorulon®. This longer delay could be attributed to the fact that β-NGF acts at the hypothalamic level whereas Chorulon® acts directly on the ovary. Key-words: Mare, Ovulation, β-NGF, hCG, GnRH

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Duittoz et al. Page 52

Introduction Chez les mammifères, le modèle couramment accepté d’induction de l’ovulation prévoit une augmentation de la sécrétion de Gonadotropin Releasing Hormone (GnRH) qui conduit à un pic pré-ovulatoire de GnRH. Celui-ci va entraîner un pic de sécrétion de l’hormone hypophysaire gonadotrope Luteinizing Hormone (LH) responsable de la maturation du follicule et de l’ovulation (pour revue Duittoz & Prévot, 2015). L’initiation du pic pré-ovulatoire de GnRH est provoquée par l’action d’un neuropeptide hypothalamique, la kisspeptine (Kp). Néanmoins ce modèle ne correspond pas à ce qui est observé chez certaines espèces de mammifères dites « à ovulation provoquée ». En effet, chez les mammifères, on distingue les espèces à ovulation spontanée, chez qui l'ovulation est déclenchée spontanément au cours de l'oestrus même en l'absence de congénères mâle, et les espèces à ovulation provoquée où le follicule préovulatoire persiste ainsi que le comportement d'oestrus jusqu'à l'accouplement avec le mâle. Chez l’alpaga et d’autres camélidés comme le dromadaire, l’ovulation est induite lors de l’accouplement par un facteur présent dans le liquide séminal, le beta-Nerve Growth Factor (β-NGF), qui va stimuler la sécrétion de GnRH (Silva et al., 2011, Ratto et al., 2012, Kershaw-Young et al., 2012,). Notre hypothèse de travail est que chez les espèces à ovulation spontanée, le système à Kp jouerait un rôle principal dans le contrôle de l’ovulation, mais que le système impliquant le β-NGF serait toujours présent et fonctionnel. Le cas particulier de l’espèce équine offre un modèle d’étude intéressant. En effet, chez cette espèce, la Kp, bien qu’efficace pour stimuler la sécrétion de LH et FSH, est inefficace pour induire l’ovulation même à des doses 100 fois supérieures (Decourt et al., 2014, Duittoz et al., 2017). L’espèce équine, bien qu’étant classée dans les espèces à ovulation spontanée, présente des caractéristiques qui suggèrent qu’elle puisse avoir un statut intermédiaire. La maîtrise du moment de l’ovulation permet d’optimiser l’insémination des juments. La durée de l’oestrus qui précède l’ovulation est en moyenne quatre jours chez les juments et cinq jours chez les ponettes, mais une grande variabilité existe (deux à dix jours). Il est donc impossible de prévoir le moment de l’ovulation en se basant seulement sur des critères comportementaux. Le suivi échographique hebdomadaire permet de détecter l’ovulation a posteriori, mais c’est une méthode lourde et coûteuse qui n’est pas abordable pour de nombreux éleveurs. L’induction de l’ovulation est donc une étape importante pour augmenter les chances de réussite de l’insémination. Actuellement, seuls trois produits ont une AMM (autorisation de mise sur le marché) chez la jument. Nous les classons selon leur mode d’action. • Les agonistes de la gonadotropin releasing hormone (GnRH) : Le Receptal® et l’Ovuplant® agissent en amont de l’hypophyse pour stimuler la sécrétion endogène de equine luteinizing hormone (eLH) et ainsi provoquer l’ovulation. Le Receptal® est administré par voie intra- musculaire (IM), intra-veineuse (IV) ou sous cutanée (SC), lorsque le follicule dominant atteint un diamètre de 33-35 mm. Deux protocoles sont recommandés par l’IFCE : quatre injections intraveineuses (IV) toutes les douze heures ou trois injections IV toutes les six heures. L’Ovuplant® est un implant qui doit être posé en sous cutané, en général au niveau vulvaire, mais il est recommandé de retirer l’implant après l’ovulation car il y a un risque de prolonger la durée du cycle en absence de fécondation. L’ovulation est obtenue en 40-43h. L’utilisation de ces deux spécialités commerciales demande beaucoup de manipulations des animaux (injections multiples ou pose et dépose d’implant). Compte tenu de ces divers inconvénients, de nombreux éleveurs et vétérinaires se sont tournés vers une spécialité humaine, le Supréfact®, dont le principe actif, la buséréline, est le même que pour le Receptal®. Le Supréfact® utilisé en une seule injection IV à forte dose (0,5 mg), s’est avéré aussi efficace que les autres spécialités vétérinaires (Lévy & Duchamp, 2007). Son coût était beaucoup moins élevé que ses équivalents vétérinaires, mais sa commercialisation en médecine humaine a été arrêtée en 2016. • Les gonadotropines : Elles agissent directement sur les ovaires. Le Chorulon® est une spécialité humaine dont le principe actif est la human Chorionic Gonadotropine (hCG) qui présente une activité de type LH. Elle est administrée en injection unique par voie IV (1000-1500 UI) et induit l’ovulation dans les 36-38 heures. Son inconvénient majeur est qu’en tant qu’hormone d’origine humaine, elle va induire une réaction immunitaire chez la jument qui entraîne la production d’anticorps neutralisants. Il est recommandé de n’utiliser le Chorulon® qu’une seule fois par saison de reproduction. Ainsi, actuellement, les éleveurs et les vétérinaires ne disposent d’aucun traitement d’induction de l’ovulation chez la jument facile à utiliser et utilisable de façon répétée durant la saison de reproduction. Il est donc souhaitable d’identifier de nouvelles stratégies pour faire face à cette difficulté.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Duittoz et al. Page 53

L’objectif scientifique de cette étude était de démontrer que le β-NGF pouvait induire l’ovulation chez la ponette.

1 Matériel et Méthodes

1.1 Animaux Six ponettes de race Welsh et de poids moyen 341 ± 15kg (moyenne ± erreur standard de la moyenne) ont été utilisées dans un dispositif en carré latin avec deux répétitions et un facteur à trois modalités. Toutes les expériences ont été réalisées entre mai et août 2017. Les animaux étaient hébergés en stabulation durant la journée avec paille et eau à volonté et au pré durant la nuit.

1.2 Traitements Chaque animal recevait les trois traitements selon un ordre tiré au hasard. La modalité "cycle naturel" correspond au témoin négatif où les ponettes sont suivies à partir d'une taille de follicule de 33 mm de diamètre jusqu'à l'ovulation, sans recevoir de traitement inducteur. La modalité "hCG" correspond au témoin positif où les ponettes reçoivent une injection IV de 1500 UI Chorulon®. La modalité "β-NGF " correspond au traitement à tester. Les animaux reçoivent une injection IM de 1,5µg/kg de β-NGF. Le β-NGF injecté est la forme humaine recombinante produite à partir de la lignée CHO (Chinese Hamster Ovary), un modèle de cellules de mammifères, qui permet de synthétiser les protéines recombinantes en conservant les caractéristiques de protéines de mammifères (glycosylation etc…) qui sont indispensables à leur fonction (SinaBiological, Pékin, Chine).

1.3 Suivi échographique Les ponettes étaient échographiées tous les matins grâce à un échographe Exapad couplé à une sonde linéaire rectale 7,5MHz (ECM, Angoulême, France). Lorsque le diamètre du follicule dominant atteignait 33 mm (entre 33 et 36 mm), le traitement était administré en fonction du tirage au sort. La croissance folliculaire ainsi que l'état de la muqueuse utérine (œdème) étaient suivis tous les jours pendant 48h puis trois fois par jour jusqu'à l'ovulation (8h, 12h, 17h).

1.4 Lutéolyse Cinq jours après ovulation, les ponettes recevaient une injection IM de Cloprostenol (Estrumate® 125µg, voie IM). Le suivi échographique reprenait quatre jours après.

1.5 Analyse statistique L’ensemble de nos analyses statistiques a été réalisé sous le logiciel R version 3.3.2 (RStudio, 2015) à l’aide des packages lme4, car, lsmeans et GraphR. Les variables "temps entre l'injection et l'ovulation", « diamètre du follicule à l'ovulation », « diamètre du follicule à l'induction » ont été analysées avec des modèles de type Linear Model Mixte (LMM). Pour chacun de ces modèles l'effet du traitement a été testé. La variable « individu » a été considérée comme une variable à effet aléatoire. La normalité des variables a été vérifiée avec la méthode des qq plot et l’homoscédasticité des variables a été testée à l’aide d’un test de Levene. L’ensemble de ces vérifications nous a permis de valider les conditions d’utilisation du modèle évoqué précédemment. Enfin des tests post hoc de Tukey ont été réalisés pour détecter précisément les différences entre les traitements.

2 Résultats Tous les résultats sont exprimés en : moyenne ± erreur standard. La taille moyenne du follicule au moment de l’induction était de 34,1 ± 0,5 mm, sans différence significative entre les groupes. L’intervalle entre l’injection de β-NGF et l’ovulation est de 3,6 ± 0,4 jours, cinq ponettes sur six ont répondu. L’injection d’hCG a permis d’obtenir l’ovulation en 2,5 ± 0,4 jours mais n’a marché que dans quatre cycles sur six. En effet, une ponette n’a pas ovulé plus rapidement qu’en cycle naturel et une autre a développé un follicule lutéinisé. Pour les cycles naturels, l’intervalle entre le jour où le follicule mesure 33-35mm et l’ovulation est de 5,7 ± 0,9 jours (figure I). L’analyse e variance montre un effet global des traitements d’induction sur l’ovulation par rapport aux cycles naturels (p≤0,01), l’analyse post-hoc montre un effet significatif du Chorulon® (hCG) sur le délai de l’ovulation par rapport aux cycles naturels (p≤0,001) et une tendance pour le β-NGF (p=0,063).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Duittoz et al. Page 54

Par contre il n’y a pas de différence statistiquement significative entre le délai induction-ovulation induit par le Chorulon® et celui induit par le β-NGF (p=0,39) (figures I et II). Figure I : Représentation en courbe de survie du pourcentage de ponette n’ayant pas ovulé en fonction du temps et des traitements. Figure I: Survival plot representing the percentage of mares having not ovulated

Cette représentation en courbe de survie permet de visualiser le moment de l’ovulation après traitement (Jour 0). Les traitements hCG (Chorulon®) et β-NGF induisent l’ovulation avant l’ovulation spontanée (contrôle). A noter l’absence d’ovulation pour une ponette après Chorulon® (hCG) alors qu’elle ovulé spontanément, et a ovulé en 48h avec le β-NGF (numéro W620). Le diamètre moyen du follicule lors de l’ovulation était de 47,5 ± 1,5mm pour les cycles naturels, 39,6 ± 1,4 mm pour les cycles induits par le Chorulon®, et 40,0 ± 1,3 mm pour les cycles induits par β-NGF. Il n'y a pas de différence statistiquement significative entre les diamètres à l'ovulation pour les cycles induits par le Chorulon® (hCG) ou au β-NGF (p=0,97), mais il y a une différence statistiquement significative de diamètre à l’ovulation entre les cycles induits par le Chorulon® (p ≤ 0,001) et le β-NGF (p≤ 0,001) et les cycles naturels (figure III et table 1).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Duittoz et al. Page 55

Figure II : Croissance folliculaire et ovulation pour quatre ponettes selon les trois modalités de traitement. Figure II: Follicular growth and ovulation in four pony mares according to treatment’s modalities

Ces traces individuelles montrent les réponses de quatre ponettes aux trois modalités de traitement. La ponette W620 a eu un follicule lutéinisé suite à l’injection de Chorulon. Figure III : Diamètre folliculaire à l’induction et à l’ovulation selon les trois modalités de traitement. Figure III: Follicular diameter at induction and ovulation according to treatment’s modalities

A. Représentation en boîte à moustache du diamètre du follicule dominant au moment de l’induction pour les cycles traités par l’hCG (Chorulon) et par le β-NGF, ou bien le jour correspondant à J0 avec un follicule entre 33 et 36 mm pour les cycles contrôles. Les mêmes lettres indiquent des valeurs non statistiquement différentes. B. Représentation en boîte à moustache du diamètre du follicule dominant

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Duittoz et al. Page 56

mesuré avant la constatation de l’ovulation pour les cycles traités selon les trois modalités. Les lettres différentes indiquent des valeurs statistiquement différentes.

Tableau 1 : Valeurs des diamètres folliculaires à l’induction, à l’ovulation et du délai entre induction- ovulation selon les modalités de traitement Table 1: Follicular diameters at induction and ovulation and interval induction-ovulation according to treatment ‘s modalities Diamètre folliculaire Diamètre à l'induction ou au Délai jusqu'à folliculaire à jour de référence l'ovulation (jours) l'ovulation (mm) (mm) Cycle naturel 31,3 ± 1,6a 47,5 ± 1,5a 5,7 ± 0,9a hCG (Chorulon®) 34,6 ± 0,3a 39,6 ± 1,4b 2,3 ± 0,3b β-NGF 34,6 ± 0,4a 40,0 ± 1,3b 3,6 ± 0,4a,b Tableau récapitulatif des résultats : diamètre du follicule dominant au moment de l'induction ou bien pour les cycles contrôle, diamètre du follicule au jour pris comme référence pour calculer le délai jusqu'à l'ovulation, diamètre du follicule dominant mesuré avant l'ovulation (mm), délai écoulé entre l'induction et l'ovulation (jours). Des lettres différentes signifient des valeurs statistiquement différentes (moyenne ± écart standard de la moyenne)

3 Discussion - Conclusion Ces résultats montrent que le β-NGF est capable d’induire l’ovulation chez la jument. La dose utilisée de 500µg par ponette, soit environ 1,5µg/kg, est une dose dix fois inférieure à celle qui a été utilisée chez l’alpaga (Ratto et al., 2012). Chez cette espèce les auteurs ont injecté directement du plasma séminal par voie IM, la concentration moyenne en β-NGF par ml de plasma séminal permet de retrouver la dose équivalente utilisée. Nous avons choisi la dose de 1,5µg/kg et la voie IM à partir de données obtenues pharmacologiques in vitro et de données pharmacocinétique par voie IV in vivo. L’analyse pharmacocinétique du β-NGF administré par voie IV montre une demi-vie de moins de cinq minutes, nous avons alors choisi la voie IM pour l’essai d’induction de l’ovulation. L’étude pharmacologique in vitro de l’effet du β-NGF sur l’activité électrique des neurones à GnRH de souris montre que le récepteur basse affinité P75NTR du β-NGF est impliqué. La concentration efficace qui permet d'obtenir 50% de l'effet maximal (EC50) est de 75nM (Pinet-Charvet et al., 2015). Le dosage du β-NGF en cinétique après administration IM nous permettra de savoir si des valeurs proches de l’EC50 sont obtenues et pendant combien de temps. La taille du follicule avant ovulation chez les juments induites au β-NGF est la même que celle chez les juments induites par l’hCG. Elle est significativement inférieure à la taille du follicule avant l’ovulation chez ces mêmes juments lors d’un cycle naturel au cours de la même période. Ce résultat montre que le β-NGF a bien eu un effet d’induction de l’ovulation. Le délai entre l’induction et l’ovulation chez les juments traitées par le β-NGF est de 3,6 jours soit un jour de plus que chez les juments traitées au Chorulon® (hCG). Ce délai plus long peut s’expliquer par le mécanisme d’action du β-NGF. En effet, elle agit au niveau cérébral en stimulant la sécrétion endogène de GnRH, qui va à son tour stimuler la sécrétion endogène de LH, alors que l’hCG remplace la sécrétion endogène de LH. Les résultats obtenus chez la souris suggèrent que le β-NGF agit sur des cellules gliales du microenvironnement des terminaisons des neurones à GnRH. Le facteur glial qui agit sur les neurones à GnRH n’est pas connu, mais de nombreuses études ont montré l’importance des cellules gliales dans la régulation de l’activité des réseaux neuronaux (Duittoz 2014 pour revue, Pinet-Charvet et al., 2015) (figure IV).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Duittoz et al. Page 57

Figure IV : Schéma résumant les modes d’actions du β-NGF et de l’hCG (Chorulon) sur l’axe hypothalamo- hypophyso-gonadique Figure IV: Schematic representation of mechanisms involved in β-NGF and hCG (Chorulon) actions on hypothalamo-hypophysio-gonadic axis

Représentation schématique des niveaux d’action sur l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique des traitements d’induction de l’ovulation. A.Le Chorulon (hCG) agit directement sur les récepteurs à la LH (LH-R) sur le follicule dominant de l’ovaire en courcircuitant l’hypophyse et l’hypothalamus. Le Receptal, un agoniste GnRH, agit sur les récepteurs au GnRH au niveau hypohysaire et provoque un pic de sécrétion de LH qui va entrainer l’ovulation par une action sur le follicule. C. Le b-NGF agirait via des récepteurs de type P75NTR exprimés par le microenvironnement glial des neurones à GnRH. Les cellules gliales agiraient sur les neurones à GnRH en favorisant la sécrétion de GnRH ce qui va stimuler un pic endogène de LH et l’ovulation. Le mode d’action du β-NGF représente un nouveau paradigme pour l’induction de l’ovulation. Les traitements actuels d’induction de l’ovulation reposent sur l’utilisation d’hormones ou de molécules synthétiques à activité hormonale à fortes doses qui entraînent une stimulation supra-physiologique pouvant conduire à des échecs liés à la désensibilisation des récepteurs. Des études complémentaires sont nécessaires afin de confirmer ces résultats sur un plus grand nombre d’animaux, de déterminer la dose et la voie optimales et de rechercher des agonistes spécifiques. En conclusion, la signalisation du β-NGF représente une piste intéressante pour d’induire l’ovulation chez la jument, mais aussi chez d’autres espèces, en respectant la physiologie par une stimulation hypothalamique de la sécrétion endogène de GnRH.

Remerciements Les auteurs souhaitent remercier l’IFCE pour son soutien financier du programme NOVO, l’INRA, le CNRS et l’université de Tours, pour le soutien matériel et humain. Les auteurs souhaitent tout particulièrement remercier Yvan Gaude, Thierry Gascogne, Aurélie Meunier de l’UEPAO pour leurs soins attentifs aux animaux, Stéphanie Martinet de la PRC pour son aide technique. Les auteurs souhaitent remercier aussi les Docteurs Catherine Viguié et Béatrice Roques pour leur analyse des données pharmacocinétiques IV.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Duittoz et al. Page 58

Références Decourt C, Caraty A, Briant C, Guillaume D, Lomet D, Chesneau D, Lardic L, Duchamp G, Reigner F, Monget P, Dufourny L, Beltramo M, Dardente H. (2014) Acute injection and chronic perfusion of kisspeptin elicit gonadotropins release but fail to trigger ovulation in the mare. Biology of Reproduction. 90(2): 36. Duittoz A. (2013) Sécrétion pulsatile de GnRH et synchronisation neuronale. Médecine Clinique Endocrinologie et Diabète. 62: 1-7. Duittoz AH (2014) La plasticité neurogliale des réseaux neuroendocrines. Bulletin de l'Académie Vétérinaire de France.167 (1): 71-78. Duittoz, A.H, Cognié, J., Decourt C., Derouin, F., Forestier A., Lecompte F., Bouakkaz A., Reigner F. (2017) The horse: an unexpected animal model for (unexpected) neuroendocrinology. In Model Animals in Neuroendocrinology: from Worm to Mouse to Man. Master Class series. In press. Duittoz AH & Prévot V (2014) Gonadotropin hormone relasing hormone (GnRH): structure, développement des neurones à GnRH, neuroanatomie et sécrétion. La reproduction animale et humaine. 3ème édition. Editeurs Saint-Dizier M et Chastant-Maillard S. Editeur Quaé, Paris Kershaw-Young, C. M., Druart, X., Vaughan, J., & Maxwell, W. M. C. (2012). β-Nerve growth factor is a major component of alpaca seminal plasma and induces ovulation in female alpacas. Reproduction Fertility and Development. 24(8): 1093–1097 Levy, I., & Duchamp, G. (2007). A single subcutaneous administration of buserelin induces ovulation in the mare: field data. Reproduction in Domestic Animals. 42(5): 550–554. Pinet-Charvet C, Duittoz A. (2015) -NGF regulates GnRH neurones activity. Joint meeting of the Société de Neuroendocrinologie Française and British Society of Neuroendocrinology, 10-13 September Lille France Pinet-Charvet, C., Geller, S., Desroziers, E., Ottogalli, M., Lomet, D., Georgelin, C., et al. (2016). GnRH Episodic Secretion is altered by pharmacological blockade of gap junctions: possible involvement of glial cells. Endocrinology, 157(1): 304–322. Ratto, M. H., Leduc, Y. A., Valderrama, X. P., van Straaten, K. E., Delbaere, L. T. J., Pierson, R. A., & Adams, G. P. (2012). The nerve of ovulation-inducing factor in semen. Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 109(37): 15042–15047. Silva, M. E., Smulders, J. P., Guerra, M., Valderrama, X. P., Letelier, C., Adams, G. P., & Ratto, M. H. (2011). Cetrorelix suppresses the preovulatory LH surge and ovulation induced by ovulation-inducing factor (OIF) present in llama seminal plasma. Reproduction Biology Endocrinology. 9: 74-83.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Les reconfigurations des métiers du cheval

V. Deneux

INRA – UMR Innovation, 2 place Viala, Bat 27, 34060 Montpellier Cedex 02 Université Paul Valéry Montpellier 3, ED 60 TTSD, site Saint Charles, Route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5.

Résumé La multiplicité des fonctions des chevaux témoignent de leur utilité et de leur importance dans la culture humaine. Les activités qui fondent le lien entre les chevaux et les humains s’inscrivent dans le champ du travail, dans la volonté de créer et de partager un monde commun. Aujourd’hui, les liens plurimillénaires entre humains et chevaux ne vont plus de soi. La critique animaliste est apparue en réaction à l’instrumentalisation des animaux, au cours de la Révolution Industrielle du XIXème siècle. Les militants de la cause animale ne voient en la domestication qu’une forme d’esclavagisme. Il faudrait alors libérer les animaux du joug humain et leur rendre justice. A partir des concepts et des méthodes de la sociologie, plus précisément des théories du travail, il s’agit de rendre compte de la richesse des liens entre humains et chevaux puis d’analyser comment les théories du droit des animaux obligent à reconfigurer lesdits liens. Mots clés : sociologie, travail, relations humains-chevaux, animalisme

Summary The multiplicity of horse functions reflects their utility and importance in human culture. The activities that form the link between horses and humans are part of work, desire to create and share a common world. Today, the multimillenary links between humans and horses are no longer self-evident. The animalist criticism appeared in reaction to the exploitation of animals, during Industrial Revolution. Militants of animal cause see in domestication a form of slavery. It should be necessary to free the animals of human yoke and to return them justice. From key concepts and methods of sociology, more exactly the working notion, it is a question of reporting the wealth of links between human beings and horses, then of analysing how theories of animals rights oblige to reconfigure the links. Key-words: sociology, work, humans-horses relationships, animalism

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 60

Introduction Les peintures rupestres de la grotte Chauvet, témoignent de la fascination ancestrale des humains pour les chevaux, et l’on remarque que, de manière plus ou moins proche, les animaux sont présents dans toutes les sociétés humaines, dans les représentations ou dans la vie quotidienne. La domestication de certaines espèces marque une volonté réciproque de partager et de construire un monde commun. C’est, notamment, par le travail que peut être rendue réelle une œuvre commune. La pérennité de la place du cheval dans nos sociétés tient, sans doute, en sa capacité à répondre aux besoins des hommes, à se rendre utile par son travail et à s’ajuster continuellement aux attentes sociétales. Aujourd’hui, ces relations de vie et de travail avec les chevaux ne semblent plus être une évidence. Les militants de la cause animale ne voient en la domestication qu’une forme d’esclavagisme. Au nom de l’antispécisme, ils veulent libérer les animaux domestiques du joug humain et obtenir la cessation des préjudices que subissent les animaux domestiques. Depuis la naissance de la discipline, l’étude des animaux est portée par l’éthologie. Par ses protocoles scientifiques, elle analyse les relations entre congénères d’une même espèce, ou les capacités cognitives d’individus d’une espèce donnée. Afin d’assurer l’objectivité des résultats et donc leur validité, les interactions des chevaux avec les expérimentateurs doivent être les plus minimales possibles. Or, dans le cas des animaux domestiques, il faut noter que ceux-ci ne sont plus des êtres « naturels », ils ont acquis une seconde nature née de leurs liens avec les humains. L’objectif de ma communication est de proposer des pistes d’analyse de ce qui fait le lien plurimillénaire entre humains et chevaux, à partir des concepts et des méthodes des sciences humaines et sociales. L’article s’inscrit dans une sociologie des relations de travail entre humains et animaux qui a pour but d’analyser les interrelations entre humains et animaux, dans les mondes qu’ils partagent. Ici, je m’attacherai, plus précisément, à investir la notion du travail comme moteur des liens humains-chevaux. Les méthodes utilisées sont des entretiens semi-directifs (enregistrés puis retranscrits) réalisés auprès de professionnels qui vivent d’une activité économique en lien direct ou indirect avec le cheval et des observations des relations humains-chevaux dans des situations de travail. A ce jour, 63 entretiens ont été réalisés, au mois d’avril-mai 2017, sur la Côte d’Azur ; puis, en octobre-novembre, en région Centre, Pays de la Loire et à Paris. 46% des entretiens ont été effectués auprès des professionnels du secteur des sports équestres, 17% auprès des professionnels ayant des fonctions transversales (vétérinaires, maréchaux ferrants…), 12% auprès de ceux travaillant avec des chevaux de trait (secteur agricole et secteur urbain), 11% auprès des professionnels travaillant dans les courses, 11% auprès de la police montée, enfin 3% auprès des professionnels du spectacle. Je ne suis qu’au début de ma collecte de données, je présente donc, ici, mes tous premiers résultats et des débuts d’analyse. Dans le cadre de cette communication, je vais, tout d’abord, définir des concepts issus de la sociologie du travail, de la sociologie des professions et de la psychodynamique du travail, avant d’en mesurer la pertinence sur l’étude des représentations des relations de vie et de travail entre humains et chevaux. Puis, je présenterai les principales théories du droit des animaux et leurs impacts au niveau sociétal, politique et sur les nouvelles aspirations sociétales relatives au cheval. Enfin, je décrirai, à partir de premiers résultats d’enquêtes, comment les mondes équins perçoivent ces nouvelles sensibilités et en quoi elles reconfigurent les relations de vie et de travail entre humains et chevaux.

1 Une histoire des relations humains-chevaux

1.1 De l’importance des mots 1.1.1 Une communication intime Dès que nous sommes en contact avec des individus ou des groupes, nous communiquons afin de construire un vivre ensemble qui se réalise par la volonté de comprendre l’autre, la réalité de son monde et donner du sens au monde partagé. Ce processus de compréhension permet selon le philosophe Alain de faire société (Alain, 2015). Faire société, c’est reconnaitre que les individus sont en interdépendance et qu’ils n’existent que dans des relations interactives, dans la reconnaissance de soi et de l’autre. Pour Christophe Dejours (2013), nous n’avons pas qu’un corps biologique, il existe un corps érogène, sensible, à partir duquel s’expriment la sensibilité, les émotions et l’intime. Dans ses travaux, Jocelyne Porcher, à la suite de Michèle Salmona, montre que la relation des éleveurs aux animaux est un rapport de corps à corps, d’une intimité du langage. Je retrouve cette perception dans les entretiens que j’ai réalisés. Certains professionnels du monde du cheval déclarent avoir voulu vivre et travailler avec les chevaux car il n’y a justement pas besoin de mots, d’abstraction. Ce langage sensible primaire et primitif, pour lequel les

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 61

animaux ont - aux dires de nombreux éleveurs - des compétences que les humains n’ont pas, est le fondement de la communication interindividuelle et inter-espèce qui permet de faire société avec les animaux (Porcher, 2013). C’est pourquoi, J. Porcher précise que les animaux connaissent bien mieux notre monde et nos règles que nous ne connaissons les leurs. Ainsi, la communication permet une de compréhension mutuelle qui crée une sociabilité. Cette relation entre individus, de même espèce ou non, n’existe que parce qu’il y a quelque chose à réaliser ensemble, c’est-à-dire du travail. 1.1.2 Une affaire de vocabulaire La définition classique du travail est « l’ensemble des activités humaines coordonnées en vue de produire quelque chose » (Le Petit Robert, 2017), dans un but généralement économique. Christophe Dejours, fondateur de la psychodynamique du travail, rappelle qu’il existe des différences entre le travail prescrit et le travail réel. Le travail prescrit correspond à l’ensemble des procédures établies pour réaliser une tâche. Le travail réel est ce « que le sujet doit ajouter aux prescriptions pour pouvoir atteindre les objectifs qui lui sont assignés » (Dejours, 2013). En transformant le verbe travailler en un nom : le travailler, C. Dejours (2013) en fait « le mode d’engagement de la personnalité » permettant de « combler l’écart entre le prescrit et l’effectif ». Soit tout ce que l’individu mobilise pour réaliser une tâche : ses sens, son intelligence, ses savoir- faire, son expérience, son inventivité, etc. Les résultats des travaux de l’ANR COW (Programme national de recherches mené de 2012 à 2016 par l’équipe Animal’s Lab et dirigé par J. Porcher) ont montré qu’il existe un travailler animal. L’animal en tant que sujet s’investit dans les tâches proposées par les humains. « Cet investissement n’a rien de naturel ni de spontané, il est construit par des apprentissages, de la communication, des affects, et par la mobilisation de l’intelligence et des compétences des animaux » (Porcher, 2017). Contrairement au travail entre humains, les résultats mettent en évidence l’importance du lien affectif, nécessaire aux animaux pour s’engager dans le travail. Le travailler animal met donc en lumière l’animal comme un acteur du travail, ce qui a des conséquences sur les manières de se représenter les relations entre humains et chevaux. 1.1.3 Les conséquences sur les représentations des relations de travail humains-chevaux On a coutume d’entendre les cavaliers, professionnels ou non, dire « je vais travailler mon cheval » ou de lire des explications sur « comment travailler son cheval ». « Travailler un cheval » sous-entend que le cheval est une sorte de pâte à modeler en fonction de son utilisation, un outil vivant. Dans les entretiens, certains professionnels (plutôt issus des sports équestres) ont eu du mal à appréhender le fait que le cheval puisse travailler par lui-même et que la déclinaison du vocabulaire du travail met mal à l’aise. De même, une personne interrogée évoquait les différents éléments comptables d’une entreprise : d’une part le capital humain, d’autre part le capital outil où se situe le cheval. Nécessitant un investissement préalable, le cheval est l’outil de travail des centres équestres, des entraineurs… mais, il lui est reconnu sa participation à la création de richesse. L’ambiguïté du statut du cheval se révèle dans ce type de discours, entre un explicite : le cheval est un outil vivant et un implicite : le cheval est un collaborateur. En légitimant un travailler du cheval, la locution « travailler avec un cheval » admet pleinement que le cheval est un collaborateur, un partenaire de travail. Il est à noter que collaboration et partenariat sont des mots explicitement verbalisés par les professionnels qui travaillent avec des chevaux de traction ou les agents de police. Dans les sports équestres, ces notions ne sont pas absentes du discours, elles sont plus implicites. Elles s’entendent, également, dans l’analogie récurrente entre l’éducation du cheval et l’éducation d’un enfant. Or dans ce sens, l’éducation est l’action d’élever un individu, de lui faire acquérir des habiletés et de développer des qualités morales. L’éducation est alors un processus de développement de l’intelligence, d’acquisition de savoir-faire et de définition du cadre d’un bien ou d’un mal. C’est donc le processus préalable au travail. Ainsi, passer de l’expression « travailler un cheval » à « travailler avec un cheval » engendre des changements de représentations des relations de vie et de travail entre les humains et les chevaux par la reconnaissance du cheval comme étant un acteur de la relation. Le concept de travailler animal induit également une relecture de l’histoire des relations entre les humains et les chevaux.

1.2 Une histoire en commun 1.2.1 Le cheval : un acteur des civilisations Des travaux récents remettent en cause le fait que la domestication soit une domination de l’homme sur la nature et sur l’animal. Des travaux sur l’évolution des génomes d’humains et d’animaux domestiques,

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 62

témoignent d’un phénomène de co-domestication (Théophanopoulos et al., 2017). C’est-à-dire que l’homme s’est également domestiqué par des contacts répétés générant une relation avec les animaux. Ainsi, notre humanité s’est construite avec les animaux par le quotidien partagé. Cette relecture de la domestication met en lumière toute l’agentivité – leurs capacités - des animaux à agir sur leur monde et sur celui partagé avec les humains. Il n’y a pas d’angélisme dans cette relecture, si les animaux sont entrés dans la culture humaine, ce sont les conditions de vie, de travail et les représentations desdites relations qui font de la domestication une collaboration ou une exploitation. Bien que le cheval soit l’animal domestiqué le plus tardivement, ses relations avec l’homme sont les plus diversifiées et les plus imbriquées dans les sociétés humaines. En effet, il est celui auquel on a porté le plus d’attention : traités d’hippiatrique et d’équitation, création des Haras Nationaux, fondation des écoles vétérinaires, création de la Société Protectrice des Animaux et « instigateur » de la loi Grammont. Ainsi, force est de constater, à l’instar de Daniel Roche, qu’ « aucun autre animal que le cheval n’a certainement eu de plus grands effets sur le cours de l’histoire des civilisations » (Roche, 2015). Jusqu’à la première moitié du XXème siècle, activités humaines et activités du cheval sont étroitement imbriquées : guerres, transport de personnes et de marchandises, agriculture et spectacles. Au XIXème siècle, le cheval assiste l’homme dans la Révolution Industrielle. Au lendemain de la 2de Guerre Mondiale, l’exode rural et la mécanisation remettent profondément en cause le lien entre humains et chevaux. L’élargissement de la classe moyenne, l’importance donnée aux loisirs et à la place du sport dans l’éducation de l’enfant, lors des Trente Glorieuses, ont permis la massification de l’équitation (voir les travaux de J.P. Digard, C. Tourre Malen, V. Chevalier) et la reconfiguration des liens entre humains et chevaux. Cette imbrication des activités humaines et des activités du cheval va plus loin puisque les modes de vie sont également en écho : vie extérieure et itinérante, jusqu’à la 2de Guerre Mondiale, puis sédentarisation. Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales, humains et chevaux sont des sédentaires et tous deux en subissent les conséquences : troubles du comportement, obésité, maladies métaboliques ; posant d’un côté des enjeux de santé publique et de l’autre les questions du bien-être animal. Si le cheval a eu une telle incidence sur l’évolution des civilisations, cela tient au fait qu’il est l’animal avec lequel l’homme a entretenu la plus grande diversité des formes de travail. Ce sont les relations de travail entre humains et chevaux qui ont induit la constitution de corps de métier. 1.2.2 Les métiers du cheval En sociologie, il y a une distinction entre métier et profession. Par exemple, la profession de dirigeant, par des savoir-faire larges de gestion, permet de passer d’un secteur d’activité à l’autre. Ainsi, un dirigeant peut passer de la gestion d’un centre équestre à la gestion d’une carrosserie et inversement. En revanche, le métier de moniteur d’équitation ou de maréchal-ferrant ne peut investir un autre secteur économique sans acquérir de nouvelles compétences. Cela se traduit, notamment, dans les entretiens par « je ne sais pas quoi faire d’autre ». Les travaux de Demazière et Gadéa (Demazière et al., 2009) marquent le passage de la sociologie des professions à la sociologie des groupes professionnels. Ces travaux reviennent à l’idée de métier ou de cœur de métier. C’est-à-dire, un ensemble de savoir-faire spécifiques acquis par un apprentissage et un vocabulaire propre, marquant de fait une identité (interne au groupe professionnel mais aussi marqueur social). En cela, le métier inclut aussi bien qu’il exclut. Les relations de vie et de travail entre les humains et les chevaux, du fait de leur diversité, ont induit une multiplicité de métiers qui se sont constitués au fil de l’histoire. On peut distinguer plusieurs corps de métiers qui impliquent directement le travail du cheval : les activités de transport ; celles de la guerre et de la police ; celles du travail agricole et minier ; celles de l’instruction ; celles des loisirs et spectacles ; celles du sport de haut niveau ; celles des soins et de la médiation. Il est à noter que dans certains cas, ces grands types de métiers ne sont pas indépendants et un cheval peut avoir des tâches prescrites couvrant plusieurs activités. Par exemple, dans un centre équestre, un cheval peut occuper des fonctions d’instruction et des fonctions de soin. Ce qui nécessite une polyvalence de ses compétences. D’autres métiers sont en lien direct avec le cheval sans pour autant l’impliquer directement, par exemple : palefrenier, maquignon, maréchal ferrant… Rapidement, les métiers des chevaux ont induit leur catégorisation. La première distingue le cheval de selle du cheval de trait. Puis, ont été définis des types de chevaux : destriers, palefrois, roncins, cheval de bât… Peu à peu, se développe la notion de race qui s’institutionnalise au XIXème siècle, tant par la zootechnie que par le monde des courses avec le début des livres généalogiques. En fonction des attentes du métier, plusieurs critères sont définis pour le recrutement des chevaux. Dans les entretiens que j’ai réalisés, le premier critère de sélection verbalisé est celui du caractère. Le critère relatif aux caractéristiques physiques est implicite ; dans la mesure où elles se voient, elles apparaissent aux professionnels comme « tellement évident ». Il y a ici, l’idée d’un déterminisme biologique garant des futures relations de travail. Dès lors, les critères propres à

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 63

la race : phénotype et génétique sont des prérequis car ils laissent présager du potentiel d’un cheval. Cela est particulièrement important pour les chevaux destinés à être des sportifs de haut niveau. Le second critère retenu est celui du caractère : fort pour le sportif de haut niveau, déterminé pour le cheval de police, placide pour le cheval de soin… Hormis le cas des chevaux qui travaillent dans les collectivités territoriales ou ceux qui sont vendus à des particuliers, la question des compétences n’est pas un critère de sélection. En effet, les professionnels préfèrent recruter des jeunes chevaux qu’ils pourront former en fonction de leurs attentes et en gérer par eux-mêmes la carrière. Malgré, quelques spécificités propres liées à chaque cœur de métier, le vocabulaire se constitue en un socle commun qui se retrouve d’un métier à l’autre ; par exemple, la description anthropomorphique du cheval, son mode de vie et ses soins ou encore la figure emblématique de l’Homme de cheval. Par sa connaissance quasi « omnisciente » du cheval, issu d’un long apprentissage et d’une grande expérience, il est le garant des relations de vie et de travail entre humains et chevaux. En revanche, les marqueurs identitaires des groupes professionnels, suivant leur type de métier avec les chevaux, entérinent de profondes ruptures dans le monde du cheval. Celles-ci sont renforcées par les races de chevaux utilisées dans chaque métier. Cela influence les représentations que chaque groupe professionnel a de lui-même, mais surtout qu’il a des autres. De manière générale, il y a trois grandes catégories de représentations sociales des métiers avec les chevaux. Les chevaux de trait apparaissent comme des marqueurs des classes dites paysannes et ouvrières ; ceux des sports équestres comme des marqueurs des classes moyennes et bourgeoises et ceux des courses, surtout de galop, comme des marqueurs des classes bourgeoises et aristocratiques. Bien qu’il y ait un animal et des éléments sémantiques communs, la multiplicité des métiers, des races ainsi que les représentations identitaires des groupes professionnels freinent la constitution d’une filière unie capable de faire front face aux enjeux sociétaux montants. Au XIXème siècle, l’apogée de la théorie cartésienne de l’animal machine, la zootechnie et la révolution industrielle ont profondément modifié les relations de travail entre les humains et les animaux conduisant à la réification de ces derniers. Malgré des mouvements de protestations et la constitution des premières associations de protection des animaux, il faut attendre les années ‘70, pour voir l’apparition d’un corpus théorique en faveur de la cause animale dans le débat publique, tout d’abord dans les pays anglo-saxons, puis en France dans les années ‘90.

2 Les incidences des remises en cause dans les reconfigurations des métiers du cheval

2.1 Les remises en cause 2.1.1 Les théories du droit des animaux En réaction aux excès du scientisme et du capitalisme industriel, des voix se sont élevées, depuis le début même de l’exploitation industrielle des animaux, contre leur instrumentalisation et la violence qui leur est infligée. Le concept de sentience est le point d’achoppement qui fait passer l’animal objet à l’animal sujet avec pour référence récurrente, la phrase de Jeremy Bentham « La question n’est pas peuvent-ils raisonner ? ni peuvent-ils parler ? mais peuvent-ils souffrir ? » (Singer, 2012). La première mise en pratique de cette contestation est le welfarisme. Il ne remet pas en cause l’utilisation des animaux domestiques. Il s’agit d’en limiter les excès en reconnaissant l’importance morale du bien-être animal. C’est ici que se situent les associations de protection des animaux et dans cette optique que sont produites puis appliquées les textes sur le bien-être animal, dans les législations françaises et européennes. Dans les années ‘70, les premières associations de libération animale voient le jour et les universitaires commencent à s’emparer de la question. En 1975, parait l’ouvrage du philosophe australien, Peter Singer, qui marque le lancement théorique du mouvement de libération animale. Après la lutte contre l’esclavagisme et le sexisme, il s’agit désormais de mener celle contre le spécisme. Le spécisme est alors défini comme « l’idéologie qui justifie et impose l’exploitation et l’utilisation des animaux par les humains de manières qui ne seraient pas acceptées si les victimes étaient humaines. […] La lutte contre ces pratiques et contre l’idéologie qui les soutient est la tâche que se donne le mouvement de libération animale » (http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article13) Les deux principaux points de l’ouvrage de Singer sont d’une part que les animaux ayant des capacités mentales égales ou supérieures à un handicapé mental, il doit leur être reconnu une égale considération de leurs intérêts à vivre et à exprimer leurs volontés et leurs émotions. D’autre part, la libération des animaux domestiques ne peut se réaliser qu’en en réduisant le nombre de ceux-ci par la limitation des naissances. Si l’ouvrage de Singer est le sous bassement des théories du droit des animaux, il lui est reproché d’être utilitariste. C’est-à-dire que pour le bien du plus grand

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 64

nombre, il est possible de sacrifier quelques individus. En effet, dans l’utilitarisme toutes les vies ne se valent pas et l’égalité de considération des intérêts n’équivaut pas à une égalité des droits. Des auteurs tels que Francione ou Regan vont revendiquer que tous les animaux (humains et non humains) sont égaux et, par conséquent, tous doivent bénéficier de droits négatifs inviolables : ne pas être tués, torturés, détenus arbitrairement, réduits en esclavage. L’abolitionnisme est le mouvement le plus extrême. Le terme d’abolitionnisme fait référence à l’abolition de l’esclavage car la domestication est perçue comme intrinsèquement injuste, violant les droits de base des animaux et portant atteinte à leur intégrité physique. Toutefois, pour ces auteurs, les animaux domestiques sont dégénérés, contre nature et ayant été élevés pour être « dociles, malléables, stupides et dépendants » (Kymlicka et al., 2016). C’est pourquoi, ils sont incapables de vivre dans un espace naturel propre aux conditions de leur espèce. Aussi, la libération animale ne peut se réaliser qu’en arrêtant de faire naître et d’élever des animaux domestiques. Récemment, en parallèle des théories abolitionnistes du droit des animaux, des juristes ont conceptualisé le concept d’une citoyenneté accordée aux animaux. Pour Kymlicka et Sue (2016), accorder la citoyenneté aux animaux est l’assurance de leurs reconnaitre les droits inaliénables tout en continuant à vivre avec eux. Ils proposent de définir trois modèles de citoyenneté, en fonction de leurs relations avec les humains. Les animaux sauvages seraient considérés comme souverains sur le modèle des ethnies ayant un territoire propre dans un pays donné. Les animaux liminaires considérés comme des résidents ; c’est-à-dire des travailleurs expatriés. Enfin, les animaux domestiques auxquels on donnerait la citoyenneté. D’après les auteurs, l’attribution d’un statut de citoyen aux animaux ne dépend pas de leurs capacités intellectuelles mais des liens qu’ils entretiennent avec la communauté politique. Ils s’appuient sur le modèle de la citoyenneté accordée aux handicapés mentaux, où des personnes formées et de confiance aident ceux-ci à exprimer leur volonté en traduisant leurs signes communicatifs. L’imbrication des travaux universitaires et les actions menées par les associations de défense des animaux se sont installés dans le débat public et mis à l’agenda politique. 2.1.2 Les impacts politiques et sociétaux J. Michalon (2017) indique que la conférence Minding Animals qui s’est tenue en 2009, en Australie, avait justement pour ambition de fusionner le monde universitaire et l’activisme (Michalon, 2017). Les premiers développant les argumentaires scientifiques légitimant les actions militantes des seconds, notamment dans les médias. Ce fut, par exemple, le cas en 2015, lorsque l’association L214 a diffusé des images, tournées en caméra cachée, montrant les conditions d’abattage des chevaux à l’abattoir d’Alès. L’objectif premier de ce type de vidéos est de faire appel à la conscience primaire, c’est à dire à l’émotion (Traïni, 2011). Dès lors, le but est d’obtenir la cessation des préjudices faits aux animaux grâce aux travaux normatifs des philosophes et des juristes en matière de droit animal. Plus généralement, de faire de l’animalisme le courant éthique qui instaure de nouvelles valeurs morales à l’ensemble de la société. Les associations de défense animale sont de puissantes lobbyistes, tant au niveau national qu’européen. Par exemple, l’Eurogroup For Animals, composé d’associations de protection des animaux et d’associations de défense des animaux, rédige les rapports sur les conditions de vie des animaux commandés par les parlementaires européens, réunis dans l’Intergroup For Animals. C’est dans ce cadre qu’est paru en 2015, « Removing the Blinkers » (Enlever les œillères), sur la condition des équidés en Europe (http://www.worldhorsewelfare.org/Removing-the-Blinkers). Enfin, l’action politique des théoriciens du droit animal et des associations de défense des animaux est légitimée avec la fondation politique de partis des animaux et l’élection de représentants. Installée dans le débat public, la critique politique antispéciste se radicalise avec la promotion du véganisme comme seul mode de vie en phase avec l’abolition de l’esclavage animal. Le véganisme refuse toute forme d’exploitation animale : produits alimentaires, produits vestimentaires, loisirs et spectacles animaliers.

2.2 Diffusion et réception des théories du droit des animaux dans les mondes équins 2.2.1 Les critiques menées à l’encontre des mondes équins La première marque de ces nouvelles sensibilités est bien évidemment la question du statut du cheval comme animal de compagnie et les campagnes menées contre l’hippophagie. Cette perception du cheval comme un animal de loisir, de compagnie explique en partie la récente augmentation du taux de TVA, dans le secteur des sports équestres, hippiques et le loisir. Augmentation qui a été reçu positivement par le mouvement animaliste car mettant fin aux privilèges de l’exploitation hippique (https://www.vegactu.com/actualite/une- hausse-de-la-tva-fait-cabrer-la-filiere-hippique-francaise-2066/) Les entretiens que j’ai menés, jusqu’à présent, montrent des différences significatives entre les générations sur la question de la boucherie chevaline. L’ensemble des personnes interrogées ne remet pas en cause

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 65

l’hippophagie, même si nombre d’entre elles se refusent à manger de la viande de cheval. En revanche, si les anciennes générations reconnaissent avoir envoyé des chevaux à l’abattoir, cela apparait comme inimaginable auprès des jeunes générations. Les générations intermédiaires varient entre les deux positions ou évoquent la responsabilité du marchand de chevaux quand ils sont loués ou envoyés à la retraite. Par ailleurs certains dirigeants de centre équestre mettent en place diverses stratégies pour assurer une retraite à leurs chevaux : retraite précoce en vendant des chevaux d’expérience à des particuliers, mise en garde dans des associations ou quand cela est possible dans leurs propres prés. Dans les deux derniers cas, des photos sont prises pour prouver que les chevaux sont bien heureux à la retraite. Les autres principales campagnes officielles des associations de défense animale, concernant les équidés, portent sur les manèges à poney et les calèches touristiques. Sans être officielles, on trouve de plus en plus de critiques à l’encontre des sports hippiques et des sports équestres, surtout sur les réseaux sociaux. Les courses hippiques sont principalement visées quant à l’âge des chevaux et l’aspect capitalistique de leur utilisation. Cela en fait une cible plus facile que les sports équestres qui ont une dimension de loisir et démocratique plus forte. Néanmoins, chaque incident évoqué sur les réseaux sociaux est soumis à la vindicte publique. Par exemple, en 2016, Pénélope Leprévost dut adresser des excuses publiques pour avoir remis aux ordres, un peu sèchement, son cheval lors d’un concours international. De même, se diffuse sur les réseaux sociaux, des argumentaires expliquant en quoi l’équitation est une exploitation et pourquoi il faut l’abolir.

Illustration I : Exemple de message animaliste à l’encontre de l’équitation Illustration I: Exemple of animalist message against equitation

https://www.facebook.com/equitationexploitation/photos/a.117021585684356.1073741827.117013342351847/117020639017784/?type =3&theater Les cibles clés des associations de défense des animaux sont les enfants, les adolescents et les personnes sensibles, en faisant appel à leurs émotions. La Fédération Française d’Equitation explique que la baisse du nombre de licenciés – surtout la catégorie poney – est due à l’augmentation du taux de TVA et à la modification des rythmes scolaires. La diffusion virale, sur les réseaux sociaux, de ce type d’images pourrait s’ajouter aux explications avancées par la FFE. 2.2.2 La prise en considération des remises en cause A partir des premiers entretiens que j’ai menés, on peut constater qu’au niveau des professionnels de terrain, il y a une nette sous-estimation de l’impact du mouvement animaliste. Pris dans leur travail et leur vie quotidienne avec les chevaux, certains ne connaissent absolument pas l’existence de telles associations, et pour la majorité il s’agit de quelques énergumènes ou d’un simple effet de mode. Ceux qui, par leurs fonctions, sont plus détachés de la quotidienneté avec les chevaux, s’interrogent sur la montée en puissance du courant animaliste et la temporalité des remises en cause directes des relations humains-chevaux. Par exemple, les spectacles d’équitation classique continuent d’attirer du public du fait du prestige de certaines formations, mais du fait des nouvelles sensibilités, il leur est, de plus en plus, préféré des spectacles présentant des chevaux en liberté. Au vu des entretiens menés, les professionnels les plus exposés aux critiques animalistes sont ceux qui travaillent avec des chevaux de trait, tant dans le monde agricole qu’en ville. Ils parlent spontanément du véganisme. Quatre ont eu maille à partir avec des militants, dont une évoque un harcèlement. Si pour les trois autres, il y a eu confrontation directe, il n’en a pas été ainsi pour la personne harcelée où tout s’est réalisé sur les réseaux sociaux. Dans chaque cas, il a été affirmé l’impossibilité de pouvoir discuter avec les militants ou sympathisants. En revanche, le responsable des maringotes emmenant les touristes du parking au pied du Mont Saint Michel, rapporte de simples remarques désobligeantes. Il en est de même pour les agents de police qui évoquent des reproches anecdotiques, mais pour eux le fait d’incarner l’autorité les limite d’autant plus.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 66

Le développement d’une « culture équestre baroque, hédoniste et sentimentale » (Digard, 2007) issue de l’évolution sociétale à partir des Trente Glorieuses et la montée du courant animaliste engendrent de nouvelles représentations des liens entre humains et chevaux, un glissement du statut du cheval dans la société et la reconfiguration des métiers avec les chevaux.

2.3 Les nouvelles carrières du cheval 2.3.1 Les métiers du care Présente en France dès les années ‘70, l’équithérapie ne connait un réel essor que depuis une dizaine d’années. Parallèlement à l’équithérapie, d’autres formes de métiers se développent où les savoir-faire du cheval sont complétés par ses savoir-être. Les métiers de la médiation ou, plus récemment encore, l’équicoaching envisagent le cheval pour ce qu’il représente : un animal sensible, pacifique, immédiatement sympathique. La relation avec le cheval se fait majoritairement à pied, donnant l’impression d’une moindre contrainte pour l’animal. La majeure partie des chevaux employés dans ces nouveaux métiers sont des chevaux qui travaillent dans les centres équestres. Même si, l’on retrouve des compétences communes entre les métiers, notamment au niveau des savoir-être, être formateur est différent de prendre soin ou d’être « psychologue ». En effet, il est demandé au cheval l’ajustement permanent de son attitude à celles des personnes dont il a la charge. Il s’agit d’un cadrage moral (Mouret, 2017), d’un travail émotionnel qui lui impose une grande discipline. Bien que fortement mis en valeur, le travail des chevaux dans les métiers du care ou de la médiation n’échappe pas aux interrogations quant à leurs conditions d’utilisation. Dans un article récent, la journaliste Nathalie Picard (2017) évoque les recherches menées par des vétérinaires et des éthologues sur le bien-être des animaux thérapeutes et leur possible souffrance. Toutefois, la question de la souffrance des chevaux au travail, ne peut pas être réduite à des paramètres physiologiques et comportementaux. Elle doit s’inscrire dans le cadre plus large de l’analyse des conditions et de l’organisation du travail, incluant ainsi les relations de travail entre humains et chevaux. D’autant plus, qu’il ressort des entretiens la corrélation entre le plaisir ou la souffrance ressenti par le cheval et par l’humain, dans le cadre du travail. Plus la relation est privilégiée plus la corrélation est forte. Dans un travail du care, le cheval doit acquérir de nouvelles compétences, principalement de manière empirique, car il n’y a pas de formation spécifique qui leur est consacré, comme c’est le cas pour les chiens guides d’aveugles (Mouret, 2017). En revanche, dans le cas de chevaux sportifs de haut niveau, on assiste à l’émergence de centres qui accompagnent les chevaux dans leur reconversion. 2.3.2 Les reconversions Bien souvent, les meilleurs chevaux - sportifs de haut niveau - ont une seconde carrière en tant que reproducteurs. Dans les sports équestres, les chevaux hongres et les « moins bons » sportifs sont vendus à des jeunes cavaliers ou des cavaliers amateurs, avec qui ils pourront poursuivre leur carrière mais sur des épreuves moins importantes. L’autre intérêt de vendre ces chevaux à des particuliers est de leur assurer une retraite et une fin de vie dans un pré. La carrière d’un pur-sang est extrêmement courte, moins de cinq, six ans ; celle des trotteurs d’à peine une dizaine d’années. Des circuits informels de reconversion, le bouche à oreille, permettaient à certains chevaux de course d’intégrer les sports équestres ou les loisirs de randonnée. Face à la montée des nouvelles attentes sociétales, et surtout pour répondre aux critiques concernant les chevaux de course envoyés à la boucherie après leur carrière, des écuries de reconversion se créent. Il s’agit alors de réorienter les chevaux de course vers les sports équestres en les formant aux savoir-faire inhérents. En effet, dans les cas de reconversion informelle, le cheval n’ayant pas les bons codes ni le sens de ce qu’on attend de lui, se mettait en danger ainsi que son cavalier, provoquant des abandons. Les principaux buts de ces centres sont donc d’assurer une plus longue carrière et longévité au cheval ; mais, surtout les conditions de réussite de la reconversion : sens de ce qui est attendu du cheval et adéquation entre les capacités et le caractère du cheval et ceux du futur propriétaire. Les reconfigurations des métiers du cheval tendent vers une aspiration des usagers à privilégier les relations qui considèrent le cheval plus pour ce qu’il est que pour ses fonctions. C’est en ce sens que s’entend l’engouement pour l’équitation éthologique jugée plus éthique et moins contraignante vis-à-vis du cheval. 2.3.3 Une équitation sans contrainte ? L’équitation classique est de plus en plus critiquée voire dénigrée car perçue comme brimant le cheval, l’empêchant s’exprimer librement. Dans un article, sur le statut du cheval dans la société, Eric Baratay (2013)

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 67

évoque ce début de désaffection en ces termes : « « Sa vision [Bartabas] du cheval de travail n’est pas partagée par le public. D’ailleurs, je suis frappé de voir se développer la diffusion d’une nouvelle équitation sans aucune violence. Sans mors, sans éperon, instituant une nouvelle relation avec le cheval. Elle rencontre beaucoup de succès auprès des jeunes générations. Avoir un lien très fort, amical, sensible avec les chevaux. Avec Bartabas on « force » le cheval, alors qu’avec ce type d’équitation, dont l’origine est anglaise, c’est la coopération. Le cheval a envie de faire quelque chose avec vous : marcher, faire de l’exercice, il collabore. » Cette équitation sans violence parce que sans « artifice » devient l’idéal dans la représentation d’une jeune femme à cru, en cordelette et au galop sur une plage. Cette image idyllique d’une communion totale avec le cheval n’est en réalité qu’un leurre. Obtenir un tel résultat nécessite des heures et des heures de travail, cache d’autres moyens coercitifs et peut créer d’autres inconforts chez le cheval. La mode de l’équitation éthologique venue des Etats Unis comporte également son lot de coercition. Par ailleurs, l’idée de prendre connaissance du cheval dans sa totalité : morphologie, déplacements, caractère… n’est pas nouvelle. Dans les traités d’équitation de Xénophon ou ceux de la Renaissance (Pluvinel, La Guérinière…) cette connaissance totale du cheval – espèce et individu – sont des étapes préalables au travail avec les chevaux et sont la marque de l’Homme de cheval. Mors et éperons ne sont pas initialement des objets de violence ; mais par le tact équestres et la légèreté des aides, des outils qui par leurs actions et leur précision aident le cheval à comprendre le sens de ce qu’on attend de lui, c’est-à-dire de son travail. En réalité, en équitation classique, il s’agit de faire une demande de tâche à un cheval et le laisser la réaliser. Elle en appelle à l’initiative, à l’agentivité du cheval et à sa collaboration dans le travail. De même, il y a un ensemble de préceptes en faveur de la reconnaissance du travail bien fait par le cheval. Et c’est bien là tout l’intérêt que peut avoir le cheval à travailler. Les chevaux ont une intelligence corporelle et affective, c’est donc dans la reconnaissance de ce travail bien fait qu’ils trouvent tout l’intérêt à travailler avec des humains. Travailler avec des chevaux est avant tout un long compagnonnage. C’est l’absence de précision de la tâche qui met le cheval dans l’inconfort voire en souffrance puisqu’il doit répondre par lui-même à deux questions : qu’est-ce que je dois faire ? Comment je m’y prends ?

Le travail sans contrainte n’existe pas. Quelle que soit sa forme, toute relation avec un cheval dans le but de réaliser une œuvre commune est un travail qui nécessite un engagement subjectif tant du cavalier que du cheval.

3 Conclusion Les métiers propres à la relation humains-chevaux se sont continuellement ajustés aux époques et aux révolutions sociétales. Aujourd’hui, les mondes équins ont plusieurs défis à relever pour assurer la pérennité des liens. Il est, avant tout, nécessaire de caractériser les conditions éthiques, socio-économiques et la vision politique des relations de travail entre humains et chevaux afin de répondre aux grands enjeux sociétaux. J’ai centré cette communication, sur les remises en cause liées aux théories du droit des animaux. Il faut préciser que la réception de celles-ci est facilitée par deux principales mutations sociétales : l’urbanisation et la révolution technologique 4.0. Au fil des générations, l’attachement au monde rural s’est effiloché jusqu’à se rompre. Depuis les années ‘80, les nouvelles générations n’ont, pour ainsi dire, plus aucun parent vivant à la campagne. Les animaux de ferme sont devenus invisibles. Lointaine, la vie de ces animaux est fantasmée et le dévoilement de leurs conditions de vie, en système industriel, renforce la critique animaliste. Jusqu’à présent, le cheval est le dernier grand animal auquel les humains peuvent avoir directement accès. Mais, le développement des travaux sur le bien-être des chevaux, pose la question éthique de la légitimité des centres équestres en milieu urbain. La sociologie des relations de travail entre humains et animaux permet, notamment, de repenser les conditions de vie et de travail des chevaux en milieu urbain afin de préserver leur présence en ville et le contact avec la population. Par ailleurs, depuis une trentaine d’années, les représentations sociétales du travail se transforment. La question de l’importance du travail, comme élément de réalisation de soi et de construction identitaire, semble décliner au profit du hors travail, des centres d’intérêt. Le travail est perçu comme un mal nécessaire afin d’obtenir les moyens financiers de s’accomplir ailleurs. Cela est renforcé par l’essor des nouvelles technologies : robotisation, virtualisation, intelligence artificielle… Cette industrie 4.0 tend à rendre obsolète certains métiers et la place des animaux dans la société. Les métiers du cheval ont toujours rendu compte du mode de vie des humains. C’est pourquoi, il faut inscrire les relations de vie et de travail avec les chevaux - et plus largement avec les animaux domestiques - dans une vision politique et scientifique à long terme.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

V. Deneux Page 68

Remerciements L’auteur remercie l’IFCE et le Fonds EPERON de lui donner les moyens de réaliser cette étude. Elle remercie également, les personnes ayant accepté de participer aux entretiens. Références Alain, 2015 (1ère ed.1932). Propos sur l’éducation, suivis de Pédagogie enfantine, Presse Universitaire de France, collection Quadrige. Baratay E., 2013. Le statut du cheval dans notre société, Agrobiosience. Faire controverses. http://www.agrobiosciences.org/animal-116/article/le-statut-du-cheval-dans-notre-societe#.WkUw3nkiHIU Dejours C., 2013 (1ère ed. 2009). Travail vivant. Tome 2 : Travail et émancipation, Paris, Payot. Demazière D., Gadéa C. (dir.), 2009. Sociologie des groupes professionnels : acquis récents et nouveaux défis, Paris, La Découverte. Digard J. P., 2007. Une histoire du cheval, Paris, Actes Sud. Kymlicka W., Donaldson S., 2016 (1ère ed. 2011 en anglais). Zoopolis: une théorie politique des droits des animaux, Paris, Alma éditeur. Michalon J., 2017. « Les Animals Studies peuvent-elles nous aider à penser l’émergence des épistémès réparatrices ? », Revue d’anthropologie des connaissances, 2017/3 (11) : 321-349. Michalon J., Doré A., Mondémé C., 2016. « Une sociologie avec les animaux : faut-il changer de sociologie pour étudier les relations humains/animaux ? », SociologieS [en ligne], Dossier, Sociétés en mouvements, sociologie en changement, mis en ligne le 07 mars 2016, consulté le 20 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/sociologies/5329. Mouret S., 2017. « Apprendre à prendre soin. La centralité du travail dans l’éducation des chiens guides d’aveugles », Ecologie & Politique, Travail animal, l’autre champ du social, (54) : 87-102. Picard N., 2017. « Animal thérapeute : leur bien-être à l’étude », 6 décembre 2017, Le Monde.fr, http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/12/04/animal-therapeute-leur-bien-etre-a-l- etude_5224398_1650684.html Porcher J., 2017. “Le programme ANR COW: l’ouverture d’un front de recherches inédit sur le travail animal”, Natures Sciences et Sociétés, (25): 172-179. Porcher J., 2013. « Faire société avec les animaux ? », Journal International de Bioéthique, (33) : 55-63. Roche D., 2015. Histoire de la culture équestre XVIème- XIXème, Tome 3 : Connaissance et passion, Paris, Fayard. Singer P, 2012 (1ère ed. 1975 en anglais), La libération animale, Paris, Éd. Payot & Rivages. Theofanopoulou C., Gastaldon S. et al., 2017. Self-domestication in Homo sapiens : Insights from comparative genomics, http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0185306. Traïni C., 2011. « Les émotions de la cause animale », Politix, (93) : 69-92.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Etude d’impact des Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech™ 2014 en Normandie : bilan et perspectives

C. Vial1, E. Barget2, C. Eslan3

1 Affiliations : - MOISA, INRA, CIHEAM-IAMM, CIRAD, Montpellier Supagro, Univ Montpellier, Montpellier, France. - Ifce, pôle développement innovation et recherche, Jumenterie du Pin, Exmes, France. Adresse : INRA, UMR MOISA, 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier. 2 CDES - OMIJ - Hôtel Burgy, 13 rue de Genève, 87065 Limoges. 3 MOISA, INRA, CIHEAM-IAMM, CIRAD, Montpellier Supagro, Univ Montpellier, Montpellier, France.

Résumé Dans le cadre d’un programme de recherche mené en partenariat par l’Ifce, l’Inra et le CDES de Limoges, une méthodologie d’étude des impacts économiques, sociaux et environnementaux de court terme des événements équestre a été progressivement créée et testée sur différentes manifestations de petite et moyenne envergure. Elle a finalement été adaptée à un événement de grande envergure et appliquée aux Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech™ 2014 en Normandie (JEM 2014). Ce dernier travail a aussi été l’occasion d’étendre l’analyse à l’héritage de long terme de la manifestation. Cet article présente les méthodes utilisées pour l’étude d’impact des JEM 2014, ses principaux résultats, mais aussi les perspectives issues de ce programme de recherche. En effet, au-delà des apports scientifiques de ce travail, notamment liés à des approfondissements méthodologiques, différentes valorisations sont en cours, dont la création d’un outil prédictif simplifié, permettant d’estimer les impacts économiques de court terme de tous types d’événements équestres. Mots clés : impacts, héritage, événement équestre, Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech™ 2014 en Normandie, outil prédictif

Summary As part of a collaborative research program carried out by the IFCE, the INRA and the CDES of Limoges, a methodology for studying the short-term economic, social and environmental impacts of equestrian events was progressively created and tested on various small and medium-scale events. It was finally adapted to a large-scale event and applied to the Alltech FEI World Equestrian Games™ 2014 in Normandy (2014 WEG). This was also an opportunity to extend the analysis to the long-term legacy of the event. This article presents the methods used for the 2014 WEG impact study, its main results, but also the perspectives resulting from this research program. Indeed, beyond the scientific contributions of this work, particularly related to methodological improvements, different valorizations are in progress, including the creation of a simplified predictive tool, to estimate the short-term economic impacts of all types of equestrian events. Key-words: impact, legacy, equestrian event, Alltech FEI World Equestrian Games™ 2014 in Normandy, predictive tool

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 70

Introduction Les études d’impact d’événements sportifs s’intéressent principalement aux conséquences économiques de ces manifestations. L’analyse des retombées sociales est plus récente, mais suscite un intérêt croissant (Barget et Gouguet, 2010). La dimension environnementale est souvent négligée, de même que les répercussions de long terme. Enfin, très peu d’intérêt a jusqu’alors été manifesté pour l’analyse des petits événements. Dans le but de pallier ces lacunes, L’Ifce (Institut Français du Cheval et de l’Equitation), l’Inra (Institut National de la Recherche Agronomique) et le CDES (Centre de Droit et d’Economie du Sport) de Limoges sont associés depuis 2011 dans le cadre d’un programme de recherche visant à mettre en place une méthode d’évaluation des impacts économiques, sociaux et environnementaux de court et long termes des manifestations équestres sportives de petite à grande envergure. Après un travail sur les petits événements, mené au cours des premières années du projet, un partenariat de recherche a été mis en place en 2014 avec le GIP (Groupement d’Intérêt Public) Normandie 2014 et les collectivités bas-normandes (Région Basse- Normandie, agglomération Caen-la-mer et ville de Caen) pour l’étude des Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech™ 2014 en Normandie et du Projet Territorial qui leur est associé (JEM 2014). Désormais, différentes pistes de valorisation de ces travaux sont envisagées, notamment à travers la création d’un modèle prédictif simplifié, permettant d’obtenir une estimation des impacts économiques de court terme de tous types d’événements équestres.

1 Contexte et objectifs La pratique de l’équitation a récemment connu un développement spectaculaire (Jez, 2014) qui s’accompagne d’une multiplication par 6 du nombre de compétitions organisées en France chaque année au cours de la dernière décennie (Annuaire ECUS 2005 ; Annuaire ECUS 2015). Cet essor des événements équestres sportifs nous a amenés à nous interroger sur les impacts qu’ils suscitent pour les territoires qui les accueillent. C’est dans ce contexte qu’a été mis en place un programme de recherche dont l’objectif est de mettre au point une méthode d’évaluation des impacts économiques, sociaux et environnementaux de court et long termes des événements équestres sportifs d’envergures et disciplines hippiques variées. Cette étude est porteuse de trois principales innovations scientifiques et techniques : premièrement, l’application de ces méthodes d’évaluation au domaine de l’équitation ; deuxièmement, la globalité de l’approche utilisée qui considère les trois piliers du développement durable, étudie les retombées de court et long terme de l’événement et considère des événements de tous types d’envergures ; troisièmement, la méthodologie a été approfondie afin de minimiser les limites et erreurs classiques rencontrées dans les études d’impact et de construire une méthodologie robuste, complète et approfondie. Les trois premières années du projet ont été consacrées aux impacts de court terme et à la création de la méthode, son test et son application à des événements de petite et moyenne envergures, de disciplines variées, se déroulant sur des sites IFCE et privés. En 2014, notre objectif était d’adapter la méthode à un événement de grande envergure et de l’appliquer aux JEM 2014, mais aussi d’étendre l’analyse à des perspectives de long terme relatives à l’héritage de cet événement. En effet, la 7ème édition de la plus grande compétition équestre au monde s’est déroulée pour la première fois en France du 23 août au 7 septembre 2014. Elle a lieu tous les quatre ans et concerne huit disciplines équestres. En 2014, un nombre record de nations étaient présentes avec 64 pays représentés. L’événement s’est déroulé sur plusieurs sites en Basse- Normandie : la majeure partie des épreuves ont eu lieu à Caen (hippodrome de la Prairie, Parc des Expositions, Zénith et stade d’Ornano) mais certaines se sont déroulées au Haras National du Pin, à Sartilly et dans la baie du Mont Saint Michel, au Pôle Hippique de Saint-Lô et à l’hippodrome de Deauville. Le budget d’organisation des Jeux et du Projet Territorial associé s’élève à environ 80 millions d’euros dont environ 50% sont issus de fonds publics. Les Jeux ont été accompagnés d’un Projet Territorial porté entre autres par le GIP et les collectivités locales, qui avait pour objectif de transformer une activité économique ponctuelle en une dynamique de long terme pour le territoire et qui représente une réelle innovation dans l’organisation d’événements sportifs de grande envergure. Ainsi, 4 millions d’euros ont été consacrés au financement de plus de 300 projets permettant la valorisation de l’événement en faveur de l’intérêt commun. Ces projets étaient divisés en trois temporalités : « 15 mois » représentant les 15 mois précédent l’événement, « 15 jours » pour les 15 jours des Jeux et « 15 ans » pour les 15 années suivant l’évènement.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 71

2 Les méthodologies d’étude des différents types d’impacts

2.1 Impacts de court terme Le calcul d’impact économique repose sur une réhabilitation de la théorie de la base et l’utilisation de multiplicateurs de type Wilson. Il s’agit de prendre en compte les effets directs (profits réalisés par les entreprises normandes et salaires associés versés aux locaux résultant des dépenses d’organisation ou des dépenses des spectateurs) et indirects (dépenses intermédiaires faites par les entreprises pour répondre aux besoins de la manifestation), desquels il faut déduire les fuites (argent qui ressort du territoire) et ajouter les effets induits (effet d’entrainement de l’argent injecté sur le territoire grâce à la manifestation) (Barget, 2012). L’impact économique est un concept qui n’a de sens que par rapport à la dimension territoriale. Ainsi, pour calculer les effets directs et indirects, il va s’agir d’analyser à la fois l’origine du financement (qui doit être extérieur au territoire d’étude) et la destination de la dépense (qui doit se faire à l’intérieur de la zone d’étude). Afin de perfectionner la méthode, différents approfondissements ont été mis en place. Premièrement, nous avons décidé de comptabiliser toutes les sources d’injections monétaires sur le territoire du fait de l’événement en considérant non seulement les dépenses d’organisation et des spectateurs (comme cela est classiquement réalisé) mais aussi celles des participants, de leurs accompagnateurs (grooms, assistants, famille, amis, entraineurs, vétérinaires, maréchaux ferrants, propriétaires de chevaux engagés, chefs d’équipe, chef de mission…), des employés et bénévoles, des restaurateurs et exposants et des personnes travaillant pour les médias. Nous avons également pris en compte les motifs de la venue de ces différents individus, leurs dépenses étant considérées en totalité si l’évènement constitue le motif unique du déplacement ou bien en partie si plusieurs motifs sont déclarés. Une attention particulière a été donnée à l’éviction des double-compte (comptabilisation d’une même injection plusieurs fois, par exemple prix du billet d’entrée via la comptabilité de l’événement et les dépenses des spectateurs). Par ailleurs, au sein des spectateurs, seuls ceux venant de l’extérieur de la zone d’étude sont classiquement considérés. Or, les dépenses des agents locaux peuvent constituer un enrichissement monétaire pour le territoire dans le cas où elles seraient intervenues hors de l’espace d’analyse en l’absence de la manifestation. Il y a alors des fuites monétaires évitées. Nous avons donc tenu compte de ces deux types de spectateurs. Cette considération de toutes les injections sur le territoire nécessite l’évaluation de la comptabilité de l’événement, mais également le comptage des différents publics présents et l’estimation de leurs dépenses. On obtient ainsi l’injection brute. Le passage à l’injection nette (déduction des fuites) se fait par application du taux de valeur ajoutée locale. Ce taux nous renseigne sur la part de la dépense qui demeure au plan local, le complément étant consacré à des consommations intermédiaires hors territoire. Enfin, la prise en compte des effets induits passe par le calcul de coefficients multiplicateurs, ici estimés par une meta-analyse (Vollet et Bousset, 2002) qui utilise le modèle de l’économie de la base. Nous avons calculé un multiplicateur pour chaque catégorie de public qui donne lieu à une injection (spectateurs, participants, bénévoles, employés...) et chaque zone d’étude, en utilisant leur propension à dépenser localement. Nous obtenons ainsi un multiplicateur agrégé de type basique (Bourg et Gouguet, 1998). Le calcul du multiplicateur s’appuie sur la formule Wilson (Wilson, 1977): K = (1 - m1 + m2) / (1 - m2) K = multiplicateur m1 = propension à dépenser à la première vague m2 = propension à dépenser durant les vagues suivantes

L’appréhension de la rentabilité sociale se fait à travers une analyse coûts-avantages, reposant sur la théorie du bien-être économique. Celle-ci permet de mesurer les gains des individus en utilisant la monnaie comme unité de mesure. Cette monétarisation concerne la valeur d’usage et la valeur de non-usage. La valeur d’usage représente l’utilité que perçoivent les spectateurs du fait d’assister à l’événement. Il s’agit donc de la satisfaction retirée par les spectateurs qui consomment le spectacle sportif. La valeur d’usage correspond au montant que les spectateurs auraient été prêts à verser (si forcés de le faire), plutôt que de se passer du spectacle. Elle se compose du montant des billets d’entrée et du surplus d’utilité du consommateur (Greffe, 1990). Le surplus du consommateur est un montant global évalué à partir de la courbe de demande pour l’événement en question. Celle-ci est estimée par la méthode des coûts de transport (Hanley et al., 2003). L’idée de base est que les coûts des voyages entrepris pour se rendre du lieu d’habitation au site de

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 72

l’événement constituent le principal déterminant de la demande pour cet événement. La dépense réalisée pour le voyage est un révélateur de l’utilité procurée aux visiteurs. A partir de l’observation du taux de visite par habitant pour chaque zone préalablement déterminée, et en associant des valeurs monétaires à la distance parcourue (en calculant le coût du déplacement qui est fonction de la distance), il devient possible d’estimer une courbe de demande pour l’événement. La valeur de non-usage représente la valeur accordée à l’événement, sous forme monétaire, par les habitants locaux n’ayant pas assisté aux Jeux. Elle est estimée grâce à la méthode d’évaluation contingente (Johnson et al., 2006). Elle se traduit à travers le consentement à payer des habitants pour conserver la manifestation sur leur territoire. Le total des bénéfices sociaux comprend la valeur d’usage et la valeur de non-usage desquelles nous retirons les coûts liés aux nuisances supportées par les habitants locaux. Ces bénéfices devront être mis en balance avec les coûts de l’événement pour la collectivité. Dans le cas des Jeux, il s’agit des coûts de mise à disposition des infrastructures sportives et non-sportives et des dépenses issues de fonds publics liées à l’organisation, à la valorisation, à la mise à disposition de personnel… Ces résultats quantitatifs sont complétés par une analyse qualitative qui permet de comprendre quelles sont les externalités (effets indirects non pris en compte par le marché), positives ou négatives, qui influencent l’opinion des spectateurs et de la population locale et qui sont à l’origine de la valeur d’usage et de non-usage, et donc de l’utilité sociale de l’événement.

Les impacts environnementaux sont évalués à travers des indicateurs quantitatifs et qualitatifs regroupés en postes (gouvernance, partenariats et sensibilisation ; consommation de ressources et émissions ; milieu naturel et biodiversité). L’objectif est d’évaluer quantitativement ces différents postes impactant l’environnement à travers une unité de mesure spécifique à chacun d’eux. Mais surtout, l’analyse est centrée sur les actions mises en place par les organisateurs pour limiter les impacts environnementaux sur chacun de ces postes. Ces éléments sont étudiés durant la manifestation, mais également durant les phases de préparation et de remise en état.

Ces trois approches sont complémentaires. Elles permettent une étude globale de l’impact de l’événement en appréciant à la fois la variation d’activité, la variation de bien-être et la variation de l’état de l’environnement.

Les résultats sont issus de l’exploitation d’informations communiquées par les organisateurs, de 1 994 enquêtes réalisées durant l’événement auprès de tous les publics présents (spectateurs, participants, accompagnateurs de participants, employés, bénévoles, exposants, restaurateurs, médias), de 358 enquêtes réalisées en vis-à-vis ou par téléphone auprès de résidents locaux et de relevés de terrain effectués pendant la manifestation (tableau 1). Tableau 1 : effectifs des différentes parties prenantes et nombres d’enquêtes réalisées Table 1: total number of different stakeholders and number of surveys conducted

Participants et Exposants et Employés et Spectateurs Médias Population Total accompagnateurs restaurateurs bénévoles 3 416 7 200 1 060 participants 3 268 020 Effectif total exposants employés (selon nos 313 556 2 968 1 751 habitants - 1224 3 722 estimations) accompagnateurs normands restaurateurs bénévoles Nombre d’enquêtes 1 251 258 170 258 9 358 2 304 réalisées

2.2 Impacts de long terme A long terme, l’analyse nous permet de formuler des hypothèses sur l’héritage de l’événement qui concernent davantage le moyen terme que le long terme. Cette analyse n’a en effet lieu que deux ans et demi après l’événement et mériterait d’être confirmée à échéance de 15 ans (en lien avec les objectifs du Projet Territorial) pour obtenir une perspective de plus long terme. Ainsi, on s’intéresse ici à l’héritage des JEM 2014 pour le territoire normand, celui-ci représentant notamment la valeur de legs : ouverture culturelle, image, notoriété du territoire, identité régionale, synergies entre acteurs, développement de compétences,

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 73

innovation, effet sur la vie associative, insertion et lien social, citoyenneté, éducation, développement et popularisation de la pratique de l’équitation... Nous posons l’hypothèse selon laquelle un environnement socio-économique régional plus dynamique sera créé. L’apport ponctuel du concept de la classe créative (Chantelot, 2010 ; Florida, 2002), lors du traitement des données, permet d’analyser l’évolution du capital humain et de déterminer si les JEM 2014 ont permis d’attirer, créer ou développer sur le territoire normand certaines compétences (innovantes, sources de créativité ou de mise en réseau). L’analyse concerne également les variations du bien-être des populations, tout comme l’impact de long terme sur deux filières particulièrement concernées par cet événement : les filières équine et touristique. Les données ont été collectées à travers des enquêtes effectuées en 2015 par téléphone auprès de 51 personnes ressources locales (20 au sein de la filière équine et 31 au sein de la filière touristique), des échanges téléphoniques ou par mail début 2017 avec d’autres personnes ressources locales et une revue bibliographique et documentaire approfondie (ressources chiffrées sur internet, rapports, articles, etc.).

3 Résultats

3.1 Les retombées économiques de court terme de l’événement Le calcul d’impact économique de court terme a été réalisé à deux échelles géographiques : la Normandie et l’agglomération Caen-la-mer. Les résultats (tableau 2) démontrent que l’événement a permis de faire entrer sur le territoire normand 46 millions d’euros. Si on prend en compte la réutilisation de cet argent au cours de plusieurs vagues successives à l’événement, on obtient un impact total de 102 millions d’euros pour la Normandie. On constate l’importance des dépenses des spectateurs dans la création de retombées économiques pour le territoire (figure I). Considérant le budget d’organisation total de l’événement et du projet territorial, nous pouvons dire que pour 1€ injecté dans l’organisation des Jeux, correspond une création de valeur de 1,25€ pour le territoire normand. Tableau 2 : Impact économique de court terme de l’événement Table 2: Short-term economic impact of the event Territoire d’étude Injection brute1 Injection nette² Impact total3

Agglomération 51 millions d’euros (auxquels on peut ajouter 4 millions 39 millions d’euros 28 millions d’euros Caen-la-mer d’euros pour le financement du Projet Territorial) Normandie 81 millions d’euros 46 millions d’euros 102 millions d’euros 1 Injection brute = effets directs et indirects de l’événement. ² Injection nette = Injection brute - fuites (argent qui ressort du territoire). 3 Impact total = Injection nette + effets induits (effet multiplicateur de l’argent injecté dans le territoire grâce à la manifestation).

Figure I : Répartition de l’impact économique pour la Normandie entre les différentes sources d’injection Figure I: Distribution of economic impact between different injection sources

3.2 L’utilité sociale des JEM 2014 en Normandie Selon l’analyse qualitative, les apports de cet événement pour les différents publics présents et la population locale sont principalement liés au plaisir d’y assister, à ses retombées économiques et touristiques, à l’exposition médiatique, l’effet de notoriété et d’attractivité qui en découlent pour le territoire et à l’encouragement qu’ils suscitent pour le développement de la filière équine locale, voire nationale. On

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 74

retrouve ici la valeur d’usage et la valeur d’existence qui ressortaient également lors de l’étude des événements équestres de plus petite envergure. En ce qui concerne les aspects négatifs des Jeux, les enquêtés évoquent de façon assez peu fréquente les problèmes d’organisation (12 à 17% des personnes interrogées selon le type de public) et les nuisances pour les habitants locaux (5 à 13%). Par ailleurs, les spectateurs donnent une note de 7,8/10 pour refléter leur satisfaction globale par rapport à l’événement. Enfin, selon nos enquêtes, 93% des habitants normands ont eu connaissance de l’événement, 48% ont suivi les Jeux dans les médias (journaux ou télévision) et 52% auraient souhaité y assister mais ne l’ont pas fait pour diverses raisons (éloignement, manque de temps ou de budget, raisons médicales…). D’autre part, le Projet Territorial, aussi appelé « Elan des Jeux », a largement participé à l’impact social des Jeux. Il avait notamment trois grands objectifs : annoncer les Jeux et préparer tous les publics à y participer, mobiliser toute la Normandie pour un parfait accueil des visiteurs, valoriser les richesses de la culture équine normande. Ces projets concernaient à la fois différents thèmes (éducation, culture, pratiques, équestres, animation des territoires, intégration/insertion), différents territoires (Caen et son agglomération, département du Calvados, région Basse-Normandie) et différents publics (grand public, jeunesse, personnes handicapées, familles, personnes issues de quartiers défavorisés, cavaliers, professionnels de la filière équine, scolaires, en recherche d’emploi, entreprises et porteurs de projets, étrangers…). Le Projet Territorial a permis aux territoires et aux acteurs de se coordonner et d’avoir une vision partagée qui profite socialement à l’intérêt général. Une telle mobilisation des acteurs du territoire à travers un projet structuré et structurant n’avait jamais été constatée pour l’accueil d’un événement sportif de cette ampleur. L’analyse quantitative permet d’estimer l’utilité sociale des Jeux (tableau 3). Celle-ci reflète, sous forme monétaire, la valeur qu’a l’événement pour les spectateurs (valeur d’usage) et la population locale (valeur de non-usage), en raison des effets positifs et négatifs qui en découlent selon eux et qui ont été présentés précédemment. Son montant s’élève à 45 millions d’euros (et ne peut être additionnée à l’impact économique). Afin d’apprécier la pertinence de l’investissement public dans l’organisation de cet événement, nous comparons l’utilité sociale des Jeux aux coûts de l’événement pour le secteur public. Ainsi, bien que la valeur de non-usage des habitants normands (13,5 millions d’euros) ne dépasse pas le montant investi par les collectivités locales normandes (28,5 millions d’euros), la valeur totale de l’utilité sociale (45 millions d’euros) dépasse le montant investi par le secteur public dans son ensemble (38,5 millions d’euros). Par ailleurs, nos enquêtes révèlent que 86% des habitants locaux sont favorables ou très favorables à l’accueil des Jeux en Normandie. Néanmoins, seuls 55% considèrent le montant des subventions publiques accordées à l’événement est au bon niveau et 29% qu’il est trop élevé. D’après ces résultats, nous pouvons dire qu’il semblait judicieux d’investir cet argent public dans l’organisation des Jeux mais qu’il n’aurait pas fallu investir beaucoup plus. Tableau 3 : évaluation monétaire de l’utilité sociale de l’événement Table 3: monetary evaluation of the event social utility Valeur monétaire totale de l’utilité sociale 36,2 millions d’euros Valeur d’usage 22,7 millions d’euros Valeur de non-usage 13,5 millions d’euros

3.3 Les impacts environnementaux de la manifestation Le tableau 4 résume les principaux résultats environnementaux de l’analyse pour les trois grands types de postes. Il est difficile de dire, avec cette méthodologie, quels sont les postes les plus ou les moins impactants. Nous pouvons néanmoins faire l’hypothèse que le transport, avec un rejet de plus de 100 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, représenterait le poste le plus impactant. Les résultats quantitatifs obtenus, bien que peu utiles en l’état, fournissent de premiers repères et indicateurs qui pourront par la suite servir de base pour des comparaisons avec de futures éditions des Jeux ou avec d’autres événements. Ce qui nous semble important de souligner sont les nombreuses actions mises en place par les organisateurs pour limiter l’impact environnemental de leur événement. En effet, ces actions concernaient tous les types de postes identifiés. Une attention particulière a été donnée à la protection du milieu naturel et de la biodiversité, à travers de études environnementales réalisées en amont pour positionner les aménagements au niveau des zones les moins sensibles, des mesures compensatoires et un suivi à long terme sur certains sites. Ceci semble adapté au terrain sur lequel se déroulait l’événement puisque 87% de la surface utilisée par l’événement, soit 427 hectares, se situait en zone sensible (zones humides, zones Natura 2000, site classé, zones inondables). Ainsi, bien qu’il soit toujours possible de faire mieux, on constate ici une réelle volonté de tendre vers un événement écoresponsable.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 75

Tableau 4 : Impacts environnementaux de court terme de l’événement Table 4: Short-term environmental impact of the event Postes Résultats quantitatifs et qualitatifs Actions menées : Partenariats locaux favorisés, Création de groupes de travail, Labellisation Gouvernance, EquuRES de 5 écuries (label environnemental), Stand et visites développement durable pour les partenariats et scolaires, Espace des chevaux de travail dans le Village des Jeux (démonstrations), 40 projets sensibilisation financés par un fonds développement durable et innovation, Communication sur les moyens de transport disponibles… - 231 405 m3 d’eau Actions menées : Toilettes sèches et - 398 288 kWh d’électricité chimiques, Pas de chauffage ni de - 787 727 107 km parcourus, soit 100 526 tonnes (t) de CO2 climatisation, Incitation au covoiturage et - 100 t de paille, 22 t de foin et 135 t de copeaux aux transports en commun, Système de - 2 038 970 repas consommés en Normandie Consommation navettes, Chevaux de travail pour le - 1 062 338 nuitées en Normandie de ressources ramassage des poubelles sur le Village - 534 t de fumier et 278 t de déchets et émissions - 159 t d’eaux usées des Jeux, Matériaux et aliments de - 7% de Normands (et 15% de Caennais) dérangés provenance locale favorisés, Compostage par des nuisances local du fumier et valorisation des - Pas d’impact sur les stations d’épuration déchets, Poubelles de tri, Ecocups, Pas de - Pas d’impact sur la qualité de l’air nuisances visuelles et olfactives… Actions menées : Etudes environnementales réalisées en amont 87% de la surface utilisée par l’événement, soit 427 pour positionner les aménagements au Milieu naturel hectares, se situe en zone sensible (zones humides, zones et biodiversité niveau des zones les moins sensibles, Natura 2000, site classé, zones inondables). Mesures compensatoires sur certains sites, Suivi à long terme sur certains sites…

3.4 Perspectives de long terme sur l’héritage des JEM 2014 3.4.1 Effets des JEM 2014 sur le capital humain et le bien-être des populations en Normandie La Normandie est considérée comme un territoire présentant des opportunités de travail mais aussi des atouts intéressants liés à son cadre de vie d’où découle un « bien vivre » normand et une certaine attractivité. Les JEM 2014 semblent avoir eu un effet de renforcement de ce climat favorable, contribuant à la croissance du « bien-être » des populations, qu’il s’agisse des habitants locaux ou des publics présents durant l’événement. Ainsi, on note que les spectateurs et les habitants locaux ont du plaisir à assister à l’événement ou à l’accueillir dans leur région. L’ensemble des publics présents durant l’événement et des habitants locaux s’accordent à penser que les JEM 2014 sont une source de retombées principalement positives pour la région en termes économiques, touristiques, médiatiques, qu’ils participent à l’image et l’identité du territoire et au développement de la filière équine normande. Les personnes interrogées au sein des filières équine et touristique (qui ont toutes eu des missions en rapport avec les JEM 2014) semblent présenter un niveau de créativité plutôt élevé, celle-ci ayant été plus ou moins stimulée selon les situations. Ainsi, une localisation au sein du département du Calvados qui était davantage concerné par les JEM 2014 (par opposition aux autres départements normands) semble être un élément stimulant la créativité des individus, de même que l’appartenance à la filière équine, pour laquelle les JEM 2014 représentaient un événement majeur et exceptionnel (par rapport à la filière touristique qui est davantage habituée à travailler dans un contexte événementiel de grande ampleur). Enfin, les missions liées à cet événement reposaient principalement sur les ressources humaines et matérielles déjà en place au sein de la région. Bien que la légère dynamisation de l’emploi observée en 2014 ne semble pas perdurer, les JEM 2014 semblent avoir représenté un accélérateur de parcours professionnels et avoir suscité la création de quelques postes, notamment au sein de la filière équine et principalement pour les individus présentant une certaine créativité. 3.4.2 Impact sur la filière équine Bien que l’élevage équin paraisse bénéficier d’une certaine relance depuis 2014 en France comme en Normandie, aucune autre transformation majeure de la filière équine ne peut être attribuée aux JEM 2014. Néanmoins, de nombreux projets ont été initiés à cette occasion, illustrant une volonté de développement de

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 76

la filière sur le territoire local et à l’international. Quelques effets, pour certains très ponctuels mais pour d’autres plus pérennes se font ressentir. Ainsi, les actions visant à populariser le cheval et l’équitation, mises en place avant et pendant les Jeux à un niveau régional ne bénéficiaient pour la plupart que de financements ponctuels. Elles ont néanmoins favorisé une certaine ouverture du public normand envers le monde du cheval, le spectacle équestre et l’équitation mais l’image élitiste associée à ce sport ne semble pas disparaitre pour les néophytes. La médiatisation de l’événement et des sportifs, bien que notable, est loin d’être comparable à celle des coupes du monde des sports les plus populaires (comme le football ou le rugby), soulignant le faible intérêt du grand public pour les sports équestres. Les conséquences attendues en termes de visibilité et de croissance des licenciés ne sont donc pas au rendez-vous. Toutefois, cette ébauche d’ouverture au grand public, associée à une remise en cause des politiques sportives dans le domaine équestre suite aux JEM 2014, semblent être en lien avec les bons résultats des cavaliers français aux Jeux Olympiques de 2016, qui ont eux-mêmes engendré une évolution de la considération des sports équestres par les médias et le grand public. D’autre part, les JEM 2014 ont été l’occasion pour la Normandie d’asseoir son image de « terre équestre », notamment à l’international. Aux niveaux national et régional, l’exposition de la filière équine normande a permis une reconnaissance des sites « cheval » normands par les collectivités territoriales et les professionnels. Le renoncement des instances organisatrices à un héritage tangible (construction d’infrastructures) au profit d’un héritage intangible (financement du Projet Territorial) semble adapté au contexte normand, la région possédant déjà de nombreux sites équestres. Enfin, les JEM 2014 ont permis de fédérer les acteurs locaux et de développer les collaborations dont une des conséquences a été de réinterroger l’organisation même de cette filière. 3.4.3 Impact sur la filière touristique L’année 2014 en Normandie est marquée par trois événements internationaux majeurs : les JEM 2014, le championnat du Monde de Kayak et 70ème anniversaire du débarquement. Les tendances et évolutions des chiffres clés liés au secteur touristique normand en 2014 sont donc à relativiser dans le cadre de l’impact de ces trois événements. Notamment, le tourisme de mémoire lié au Débarquement est un vecteur important de tourisme en Normandie, les années précédant ou suivant les anniversaires. Globalement, le pic de fréquentation touristique observé en Normandie en 2014 se poursuit en 2015 puis la tendance s’annule pour les étrangers et s’essouffle pour la clientèle nationale en 2016. Cette diminution drastique de la présence de clients étrangers en 2016 résulte notamment de l’amoindrissement de l’effet du tourisme de mémoire deux ans après l’anniversaire du débarquement et d’un climat insécuritaire en France en 2016. Au sein du territoire, les JEM 2014 ont été l’occasion de diversifier la palette d’offre touristique, notamment en l’ouvrant à des produits de tourisme équestre. Ainsi, l’événement a représenté un catalyseur pour créer ou accélérer la sortie de nouveaux produits. Un manque d’adéquation entre la demande de tourisme haut de gamme et l’offre à l’occasion de l’événement a été constaté mais a permis d’engager une réflexion sur les évolutions à réaliser à ce sujet. De même, bien qu’on constate des difficultés à pérenniser certains projets ou collaborations initiés à l’occasion des JEM 2014, différentes innovations et réseaux d’acteurs sont réutilisés dans le cadre de nouveaux projets. Enfin, un manque de liberté d’action et de collaboration avec les instances organisatrices sont déplorés par les acteurs touristiques.

4 Valorisation de ces travaux La valorisation de ces recherches a déjà débuté et se poursuit à l’heure actuelle. Les travaux sur l’impacts des petits événements ont donné lieu à différentes publications de transfert (résultats des études réalisées mais aussi préconisation à destination des organisateurs pour optimiser les impacts de leurs événements) et à un ouvrage intitulé « Manifestations équestres et développement local » édité par l’Ifce (Vial et Caillarec, 2016), qui présente la méthode et les résultats obtenus. L’étude des JEM 2014 s’est également traduite par des publications de transfert et elle fait actuellement l’objet de la rédaction d’un ouvrage scientifique. Enfin, des publications dans des revues scientifiques sont prévues. Par ailleurs, ces travaux sont utilisés dans le cadre d’une collaboration avec le Conseil des Chevaux de Normandie pour la construction du label Equures Event, déclinaison pour les événements du label Equures (label environnement et bien-être animal de la filière équine). Enfin, un travail est en cours pour construire un modèle simplifié permettant d’estimer l’impact d’un événement à partir d’informations faciles d’accès sur l’événement. Ce modèle s’appuiera sur les résultats des études précédemment menées sur l’impact des événements de petite et moyenne envergure. Il pourra être enrichi au fur et à mesure de l’étude de nouveaux événements (par exemple, l’événement du Mondial du Lion a fait l’objet d’une étude d’impact économique en 2016 et social en 2017). Ce modèle sera construit sous la forme d’un arbre de décision et s’appuiera sur quelques variables pertinentes, non corrélées et faciles à

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 77

collecter (par exemple : nombre de jours de compétition, budget d’organisation, nombre de participants, nombre de spectateurs, densité d’habitants de la zone d’étude…). Une fois le modèle prédictif élaboré, l’objectif est de créer une interface en ligne simple et facile d’accès permettant aux organisateurs d’événements de calculer eux-mêmes une estimation de l’impact de leur événement (fourchette d’impact économique par exemple). Au regard de l’intérêt qui nous a été manifesté par les organisateurs pour évaluer les retombées de leur événement, nous travaillons actuellement sur un outil prédictif de l’impact économique mais il est également envisagé de réfléchir à une déclinaison de ce modèle pour l’impact social et peut-être environnemental.

5 Conclusion Cette recherche montre que les acteurs de terrain n’ont pas tous conscience de l’ensemble des aspects positifs des JEM 2014 : retombées économiques dépassant le budget d’organisation de l’événement, utilité sociale pour les spectateurs mais aussi pour les habitants locaux qui ont globalement une bonne image de l’événement et le valorisent, nombreux efforts des organisateurs pour tendre vers l’organisation d’un événement écoresponsable, mise en place d’une innovation majeure dans le domaine de l’organisation de grands événements sportifs avec le Projet Territorial ; développement de la créativité des acteurs du territoire par des effets initiateurs, accélérateurs, fédérateurs et de ré-interrogation des pratiques qui ont permis de soutenir l’innovation ; renforcement ponctuel du bien-être des populations ; ouverture de la filière équine normande à l’international ; participation à la popularisation de l’équitation et du spectacle sportif équestre. Les effets des JEM 2014 ont néanmoins été freinés et sont souvent restés ponctuels de par un manque de continuité des acteurs et de certains projets entrepris, des difficultés de communication des acteurs de terrain avec les instances organisatrices, une faible mobilisation de la filière équine, un impact médiatique et un intérêt du grand public modéré. Il est toutefois impossible de comparer les JEM 2014 à la coupe du monde de sports largement plus populaires tels que le football ou le rugby et d’en attendre des retombées similaires. Figure II : Résumé des résultats de l’étude d’impact des JEM 2014 Figure II: Summary of the 2014 WEG impact study results

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 78

Cette évaluation des impacts des Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech™ 2014 en Normandie constitue à notre connaissance l’étude d’impact d’un événement sportif la plus complète menée à ce jour. Elle permet de valoriser l’image des Jeux, au niveau national et international. Elle mettra en évidence l’expertise des acteurs français et le caractère innovant de l’événement, tout en permettant de faire avancer les réflexions académiques sur les études d’impacts d’événements sportifs. Enfin, elle éclairera les prises de décisions à venir quant à l’accueil des Jeux équestres mondiaux ou d’autres évènements sur un territoire et permettra d’optimiser leurs impacts, participant ainsi à l’« héritage » de l’édition 2014 des Jeux. La méthodologie d’étude à court terme, désormais robuste, a été perfectionnée d’année en année dans plusieurs objectifs : premièrement pour une estimation au plus près de la réalité, deuxièmement afin de minimiser les erreurs et limites classiques des études d’impact, et troisièmement en adoptant une démarche globale qui repose sur le concept du développement durable. Elle est désormais approfondie et adaptée à l’analyse d’événements d’envergures variées. L’appréciation de l’héritage de l’événement à « J+30 mois » vient compléter l’approche de court terme, présentant, quelques années après l’événement, les perspectives de long terme relatives aux impacts socio-économiques d’un événement sportif de grande envergure. Cette résonnance de l’évènement demande du temps pour être mesurée et évaluée. La cohérence du Projet Territorial des JEM 2014 est sa temporalité à 15 ans, invitant à réinterroger ces questionnements à l’horizon 2030. Les méthodes utilisées présentent néanmoins encore certaines limites qui pourraient faire l’objet de nouvelles recherches (question de la pertinence d’une monétarisation de l’utilité sociale, absence d’un indicateur global pour le volet environnemental, sources en grande partie déclaratives issues de questionnaires ou d’entretiens, etc.). Un travail de valorisation de ces recherches est actuellement en cours, impliquant des publications scientifiques et techniques mais aussi la création d’outils à disposition de la filière équine, notamment à travers la participation à l’élaboration du label Equures Event et l’élaboration d’un modèle prédictif simplifié permettant aux organisateurs d’un événement d’estimer ses impacts de court terme.

Remerciements

Nous tenons à remercier les financeurs de ce projet (Conseil Scientifique de la filière équine, Ifce, INRA, CDES de Limoges, GIP Normandie 2014, Région Basse-Normandie, agglomération Caen la mer et ville de Caen), nos partenaires (Irstea Clermont-Ferrand, université de Caen, direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale), les membres du comité de suivi du projet, ainsi que tous les acteurs de terrain qui ont accepté de nous aider ou d’être enquêtés.

Références Annuaire ECUS 2005 : Tableau économique, statistique et graphique de cheval en France, données 2004- 2005. Les Haras nationaux, Le Pin au Haras, 63 p. Annuaire ECUS 2015 : Tableau économique, statistique et graphique de cheval en France, données 2014- 2015. Institut Français du Cheval et de l'Equitation, Le Pin au Haras, 63 p. Barget, E., 2012. L’évaluation économique du spectacle sportif : principes méthodologiques, Tome 1, Sarrebruck, Allemagne, mars 2012, 307 p. Barget, E., Gouguet, J-J., 2010. De l’évaluation des grands événements sportifs. La Coupe du Monde de Rugby 2007 en France. PULIM, Limoges, 386 p. Bourg, J.F, Gouguet, J.J, 1998. Analyse économique du sport. Paris, Presses Universitaires de France, 380 p. Chantelot, S., 2010. Vers une mesure de la créativité : la construction de la classe créative française. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n°3, 511-540. Florida, R., 2002. The Rise Of The Creative Class: And How It’s Transforming Work, Leisure, Community And Everyday Life. First Printing Edition. New York, NY: Basic Books. Greffe, X., 1990. La valeur économique du patrimoine – La demande et l’offre de monuments. Economica, « Anthropos », Paris. Hanley, N., Shaw, W.D., Wright, R.E., 2003. The New Economics of Outdoor Recreation, Edward Elgar, Northampton.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Vial et al. Page 79

Jez, C. (dir.), 2014. La filière équine française à l’horizon 2030. Editions Quae, 158 p. Johnson, B.K., Mondello, M.J., Whitehead, J.C., 2006. Contingent Valuation of Sports: Temporal Embedding and Ordering Effects. Journal of Sport Economics, Vol. 7, n°3, p. 267-288. Vial, C., Caillarec, C. (Eds.), 2016. Manifestations équestres et développement local. Editions Institut français du cheval et de l’équitation, collection synthèse, 288 p. Vollet, D., Bousset, J.P., 2002. Use of Meta-analysis for the Comparison Transfer of Economics Base Multipliers. Regional Studies, Vol. 36, n°5, 481-494. Wilson, J.-H., 1977. Impact analysis and multiplier specification. Growth and Change, Vol. 8, n° 3, 42-46.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

Page 80

Session spéciale « Cheval de précision »

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Cheval de course et techniques de précision : état des lieux et perspectives

C. Leleu

Equi-Test, La lande, 53290 Grez en Bouère, France

Résumé L’entraînement de précision peut se définir par l’utilisation coordonnée de capteurs pour mesurer des paramètres physiologiques ou biomécaniques et de nouvelles technologies de communication pour échanger, transformer et restituer ces informations à l’entraîneur afin de l’aider dans sa prise de décision en complément de ses propres observations. Face à l’essor de nouveaux outils numériques équins, un rappel non exhaustif des travaux de recherche appliquée initiées dans ce domaine est proposé. Le principe, les intérêts et limites de certains systèmes innovants sont évoqués. Enfin les bénéfices de l’entrainement de précision, à l’échelon individuel ou collectif mais aussi des pistes de réflexion quant aux prérequis de son développement sont avancés. Mots clés : courses, capteurs, objet connecté, transition numérique

Summary Precision training can be defined by the coordinated use of sensors to measure physiological or biomechanical parameters and new communication technologies to exchange, transform and return this information to the coach to help him in his decision-making, in addition to his own observations. Faced with the rise of new digital equine tools, a reminder of the applied research works initiated in this area is proposed. The principle, the interests and the limits of certain innovative systems are mentioned. Finally, the benefits of precision training, at the individual or collective level but also a point for consideration on the prerequisites for its development are proposed. Key-words: racing industry, sensors, connected device, digital transition

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 82

Introduction Actuellement, les défis que doit relever la filière course sont en partie semblables à ceux relevés par d’autres filières de productions animales : sécuriser les performances économiques (le plus souvent en augmentant les effectifs d’animaux tout en limitant les charges de personnel) mais aussi répondre à des exigences sociétales grandissantes en matière de bien-être animal. C’est dans ce contexte que se développent les outils d’entraînement de précision appliqués aux chevaux de course. L’entraînement de précision peut se définir par l’utilisation coordonnée de capteurs pour mesurer des paramètres physiologiques, biomécaniques, comportementaux ou les caractéristiques du milieu (température, hygrométrie…) et de technologies de l’information et de la communication (TIC) pour échanger, stocker, transformer et restituer ces informations à l’entraîneur afin de l’aider dans sa prise de décision en complément de ses propres observations. L’utilisation d’automatismes connectés permettant de libérer l’entraîneur et son personnel de certaines tâches astreignantes (distribution d’aliment et d’eau) peut également être associée à l’entrainement de précision. Ces dernières années, de nombreux systèmes de précision applicables au cheval de course ont été développés. Certains sont communs à d’autres productions animales, principalement bovine ou porcine, et d’autres sont spécifiquement destinées aux athlètes équins. A partir d’exemples non exhaustifs, les principes de fonctionnement de ces systèmes, leurs intérêts pratiques et leurs limites pour les socio-professionnels sont évoqués.

1 Des techniques de précision communes à d’autres espèces animales

1.1 L’identification électronique L’identification électronique par implantation d’un transpondeur a été rendue progressivement obligatoire chez les équidés entre 2003 et 2008. Le transpondeur utilisé est de type RFID-FDX (Radio-Frequency Identification, Full DupleX). Il est constitué d’une puce électronique codant un numéro unique, d’un condensateur et d’une bobine faisant office d’antenne, le tout enveloppé dans une capsule de verre inerte biocompatible. D’une taille de 11 mm sur 2 mm, il est implanté dans le tissu adipeux du ligament cervical, au tiers supérieur de l’encolure, à environ 3 cm de la base des crins. Le transpondeur est lu à l’aide d’un lecteur qui active la puce (liaison montante) et retransmet le numéro unique (liaison descendante) permettant ainsi le contrôle de l’identité de l’animal. Les intérêts du RFID en matière d’identification équine résident dans sa fiabilité, son inviolabilité et aussi dans les possibilités futures de couplage à d’autres technologies (température).

1.2 La distribution de concentrés Contrairement à d’autres filières animales, le secteur équin est très peu automatisé et l’alimentation des chevaux est quasi exclusivement assurée manuellement. Des solutions techniques existent cependant afin d’automatiser cette tâche : ce sont les distributeurs automatiques de concentrés (DAC). Utilisés depuis des décennies en élevage laitier, les DAC arrivent maintenant au sein des écuries. Ces systèmes, tels qu’Equidistrib® d’ABSI ou Hippomeal® d’Ineatech, comprennent une cuve inox de 60 à 80 litres contenant l’aliment concentré couvrant cinq à sept jours d’alimentation. Cette dernière est reliée à un coffret électrique permettant la programmation centralisée des distributions. Photo I: Système Equidistrib® Photo I: Equidistrib System®

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 83

Pour l’entraîneur, les avantages des DAC sont d’ordre économique : le gain de temps permet une économie de main d’œuvre mais aussi d’ordre zootechnique. Les distributions automatisées permettent de meilleures précision et individualisation du rationnement. La fréquence des repas peut être considérablement augmentée (jusqu’à 10 repas par jour), ce qui est bénéfique sur un plan digestif (diminution de la prévalence des ulcères gastriques) et comportemental (diminution des stéréotypies). Bien que se substituant au soigneur dans la tâche de distribution, l’automatisation ne le dispense évidemment pas à d’observer le comportement alimentaire des chevaux, élément crucial de l’évaluation de la réponse à l’entrainement. Au contraire, le temps gagné par les soigneurs peut être réinvesti dans l’observation minutieuse des athlètes et dans leurs soins. Cependant, pour lors, les coûts d’installation et de maintenance semblent être les principales limites au développement de ces systèmes automatisés et connectés.

1.3 Le contrôle de l’abreuvement Autre élément clé de l’alimentation du cheval de course, l’eau de boisson peut elle aussi être contrôlée de manière automatisée et sa consommation évaluée avec précision. Le système Blue Intelligence® de La Buvette repose sur la combinaison de plusieurs éléments : les abreuvoirs Blue Intelligence® ou des abreuvoirs préexistants, un boîtier de gestion, une station météo et le logiciel de gestion sur sa tablette-PC. Il permet de surveiller de manière automatisée et centralisée, la consommation d’eau de chaque cheval et d’être alerté en temps réel en cas de comportement d’abreuvement anormal, pouvant être un signe avant-coureur d’un problème de santé. Photo II : Système Blue intelligence® Photo II: Blue Intelligence® system

Outre l’investissement financier pour équiper les écuries, une des limites pourrait être que ces systèmes de contrôle d’abreuvement ne sont utilisables que pour les chevaux au box 24 h/24. Or il est fréquent, dans le milieu du trot et secondairement dans celui de l’obstacle, que les chevaux passent une grande partie du temps au paddock.

1.4 Le suivi de poids Le suivi de poids est sans doute une des techniques de précision que les professionnels des courses se sont appropriés le plus facilement. Bien que rarement numérisées, ces données de poids permettent à l’entraîneur de déterminer un poids de forme de manière plus précise que par une simple appréciation visuelle, ce poids de forme se définissant comme le poids optimal atteint pendant une période de performance sportive. Connaître précisément le poids de forme permet, par exemple, pour un cheval en reprise d’entraînement et en surpoids, de planifier le retour à la compétition plus efficacement en adaptant mieux le travail et la ration. Inversement, la détection plus précoce de perte de poids permet de limiter le risque de surentraînement chez un cheval en phase de compétition très intense. Un autre intérêt des pesées régulières est de quantifier l’impact des compétitions sur l’organisme du cheval et de suivre la récupération de ce poids de forme. En effet, chez le cheval athlète, l’exercice maximal induit une déshydratation à l’origine d’une perte de poids variable. Le délai de récupération du poids après une course est un élément important du suivi médico-sportif car il conditionne la reprise de l’entraînement intensif ou de la compétition.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 84

Dans une étude rétrospective récente, les facteurs de variation relatifs à la perte de poids induite par la course et au délai de récupération du poids pré-course ont été étudiés chez le Trotteur (Leleu et al. 2017). Sur la base d’un suivi de poids quotidien au sein d’une écurie de trotteurs et l’analyse de 648 compétitions, il apparaît que des facteurs individuels (l’âge, le tempérament) et environnementaux (T° extérieure et durée de transport) impactent significativement la perte de poids et le délai de récupération.

Pratiquement, le suivi de poids est facilité par l’acquisition d’une balance connectée à un logiciel spécifique de gestion du poids des chevaux tel que le système EquiTop Pesée d’ABSI ou HippoWeight d’Ineatech permettant l’enregistrement systématique des données et leur restitution graphique. Photo III: Système EquiTop Pesée® d’ABSI Photo III: Weight management by EquiTop Pesée®

1.5 La température corporelle Fin 2017, la société Allflex, a mis sur le marché français des transpondeurs associant identification et mesure de la température corporelle pour les animaux de compagnie. L’intérêt de ces systèmes réside dans la possibilité de détecter facilement les hyperthermies sans prise de température rectale. Pour lors, chez le cheval, l’utilisation de ces transpondeurs RFID à température est au stade expérimental sur des populations à l’élevage dans le cadre du projet Equi-detect. Comme pour les autres systèmes de mesure, l’utilisation pratique de ces capteurs nécessite une connaissance approfondie de la sensibilité et de la spécificité de ces mesures dans les conditions réelles d’utilisation. Pratiquement, il pourrait être intéressant de quantifier sur le terrain l’hyperthermie induite par l’exercice maximal et d’en suivre la normalisation pendant la phase de récupération.

2 Des techniques de précision spécifiques du cheval de course

2.1 Analyse du mouvement La qualité du geste sportif est un facteur évident de la performance des chevaux de course. Inversement, la détérioration de la locomotion c’est-à-dire la boiterie est la première cause de contre-performance en course.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 85

L’accélérométrie est une des techniques d’analyse gestuelle les plus étudiées en recherche appliquée équine du fait de sa praticité et de la possibilité d’obtenir rapidement des données biomécaniques sur le terrain.

2.1.1 Le geste sportif Développé dans les années 90 au sein de l’INRA, le système Equimétrix® repose sur l’enregistrement des accélérations selon trois axes (vertical, longitudinal et latéral) à partir d’un accéléromètre situé à la sangle, c’est-à-dire au plus proche du centre de gravité du cheval en mouvement. L’analyse des enregistrements permet de quantifier entre autres de la fréquence et la longueur de foulée, des indices de symétrie et régularité, des niveaux d’activité dans les trois dimensions. Chez le trotteur, le test locomoteur a été validé par des protocoles de correspondance vidéo-accélérométrique puis de reproductibilité temporelle et spatiale (Leleu et al, 2004a). Les phénomènes d’acquisition du geste sportif et de mécanisation des jeunes chevaux ont aussi été décrits (Leleu et al, 2004b), tels que l’augmentation de la durée et de la longueur de foulée, l’amélioration de la symétrie et de la régularité ou encore la diminution des déplacements thoraciques dans les trois dimensions. Enfin, une étude comparant des trotteurs d’élite à des trotteurs de niveau moyen révèle que les bons performers présentent des fréquences de foulée, des durées de propulsion supérieures associées à des déplacements latéraux moindres (Leleu et al. ,2005a). Chez le galopeur de plat, la fréquence de foulée est aussi corrélée positivement au niveau de performance (Barrey et al, 2001). Cependant, si l’intérêt de ce système en matière de recherche appliquée est réel, les applications pratiques pour les professionnels de la filière restent à mettre en évidence. 2.1.2 Le geste pathologique La détection et la quantification des boiteries sont un challenge majeur pour le vétérinaire chargé du diagnostic d’une affection locomotrice chez le cheval sportif. L’utilisation d’un accéléromètre sternal voire de deux accéléromètres (sternal et sacral) suivi du calcul d’indices de symétrie et de régularité se révèle peu corrélée à l’évaluation du clinicien (Weishaupt et al. 2001) et n’apporte pas d’information suffisamment sensible pour un usage clinique. Cependant un autre système accéléromètrique apparaît maintenant dans les cliniques vétérinaires : le Lameness Locator® d’Equinosis LLC. Ce système, développé au sein de l’Université du Missouri, permet une analyse de la locomotion objective dans des conditions de terrain et en temps réel. Ce système se compose de 3 capteurs inertiels fixés sur le paturon droit, la nuque et la croupe, transmettant en Bluetooth les informations vers une tablette. Les différences de variation des hauteurs de tête et de croupe au cours du cycle locomoteur sont déduites à partir d’algorithmes complexes. Les asymétries antérieures et/ou postérieures sont proportionnelles à la différence des hauteurs minimales et maximales respectivement de la nuque ou du sacrum et quantifiées sur ce principe. Des protocoles de validation (Keegan et al 2012, McCracken et al 2012) confirment que, utilisée en complément de l’évaluation visuelle, le système permet ainsi d’obtenir des données quantifiées de la boiterie. Photo IV: capteurs du Lameness Locator® et fiche de résultats Photo IV: Lameness Locator® sensors and results sheet

2.2 Les mesures physio-sportives L’entraînement du cheval de course est le plus souvent intuitif, basé essentiellement sur les impressions et l’expérience de l’entraîneur. Dans les années 90, la physiologie de l’exercice appliquée au cheval trotteur a

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 86

permis, par la création d’un protocole de test d’effort standardisé, d’objectiver un certain nombre de caractéristiques telles que la capacité cardiaque ou la capacité aérobie, fortement prédictives du niveau de performance (Demonceau et Auvinet, 1992). Ces critères reposent sur des mesures fiables de la vitesse, de la fréquence cardiaque à l’effort et sur le dosage des lactates. 2.2.1 Vitesse Dans le milieu du trot, la mesure de la vitesse au cours des séances d’entraînement est une pratique très fréquente et elle est quasi systématique en compétition. Traditionnellement et encore actuellement, cette mesure se fait par chronométrage sur une distance donnée permettant de calculer une vitesse moyenne sur cette distance, le plus souvent exprimée en réduction kilométrique, c’est-à-dire en temps nécessaire pour parcourir un kilomètre. Chaque trotteur ayant couru sur une piste homologuée est ainsi caractérisé par son temps record rapporté au kilomètre, témoin partiel de sa qualité sportive. Puis l’utilisation de tachymètres électromagnétiques issus du milieu cycliste s’est développée. Ces systèmes comprenaient un aimant fixé sur un rayon de la roue du sulky et un capteur électromagnétique relié à un afficheur fixé devant le driver. Le principe reposait sur le calcul d’une vitesse issue du produit de la circonférence de la roue du sulky par le nombre de tour détecté par le capteur. Ces systèmes évitaient la manipulation d’un chronomètre et permettaient d’observer des mesures instantanées à condition que la circonférence de la roue soit précisément mesurée… Dans les années 2000, l’arrivée des GPS (Global Positioning System) permet de faciliter encore l’accès à cette donnée fondamentale de l’entraînement. Très simple d’utilisation, cette technique permet en outre la mesure de la vitesse des chevaux montés. Cependant, des pertes de précision peuvent être observées en terrain couvert ou sur des tracés de piste aux virages serrés. Les améliorations technologiques progressives en font maintenant un outil de mesure de vitesse suffisamment précis pour une application à l’entraînement du cheval de course. 2.2.2 Fréquence cardiaque à l’exercice Organe clé de la performance motrice, le cœur assure la circulation du sang, apportant oxygène et nutriments au tissu musculaire et évacuant les déchets métaboliques et le gaz carbonique. Au repos, la fréquence cardiaque est généralement comprise entre 20 et 40 battements par minute. Elle augmente linéairement avec l’intensité de l’exercice jusqu’à atteindre des valeurs maximales de 220 – 250 bpm. Peu modifiées par l’entraînement, les FC de repos et maximales sont d’un intérêt limité dans l’évaluation de la condition physique et de l’aptitude sportive du cheval de course. Par contre, la fréquence cardiaque au cours de l’effort est significativement modifiée par l’entraînement : pour une intensité d’effort donnée, elle est d’autant plus basse que le cheval est entraîné. Par conséquent, ce paramètre aisément mesurable est fréquemment utilisé pour apprécier la condition physique d’un individu donné. De plus, la fréquence cardiaque à l’effort est liée au niveau de performance dans les disciplines de demi-fond. Chez le cheval de course, la mesure de la V200 (vitesse induisant une fréquence cardiaque de 200 battement /min) au cours d’un test d’effort peut être prédictive du niveau de performance et présente donc un intérêt en matière de sélection individuelle. Enfin, une fréquence cardiaque au travail anormalement élevée peut-être un signe avant-coureur de pathologie et donc signal d’alerte pour l’entraîneur. Leader mondial du cardiofréquencemètre, Polar a développé depuis les années 90 divers systèmes d’acquisition et d’analyse des données cardiaques équines, validés scientifiquement (Holopherne et al 1999). Actuellement, les cardio-fréquencemètres Polar classiquement utilisés dans le suivi des trotteurs comprennent une sangle textile sur laquelle se fixe un émetteur communicant par Bluetooth avec un récepteur, affichant la fréquence cardiaque et la vitesse par GPS.

Photo V : Système Polar Trotting M450 Photo V: Polar Trotting M450 system

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 87

L’appropriation de ce matériel par les professionnels des courses est restée cependant faible pendant de nombreuses années du fait, entre autres, d’insuffisances techniques des électrodes puis des ceintures dans des conditions d’utilisation réelles d’une écurie. Grâce au développement d’une sangle robuste et parfaitement adaptée à une utilisation quotidienne, le nombre d’entraîneurs utilisant ces capteurs a fortement augmenté ces quatre dernières années. Associé à ce système de mesure, Polar propose un web service : Polar Flow® destiné aux sportifs humains permettant le transfert, le stockage, la relecture des données cardiaques mais aucun logiciel d’analyse adaptée au cheval et à la gestion collective des données d’une écurie n’est actuellement disponible. Pour pallier à cette insuffisance d’outils numériques spécifiquement équins permettant de stocker, d’échanger, d’analyser les données physiologiques à l’effort, des starts up apparaissent telles qu’Arionéo, Waook ou le groupe Paris Turf. En 2018, Arionéo lance sur le marché du galop son Equimètre®, boitier connecté assurant l’acquisition de la vitesse, la fréquence cardiaque et de données biomécaniques (fréquence et longueur de foulée). Le web service associé permet une analyse des données et la visualisation graphique des tracés d’entrainement et de données telles que V200, vitesses et FC max ou les comparaisons inter et intra individuelle. La même année, Waook lance pour le milieu trotteur l’application iphone/iPad Waook®, permettant, à partir de la technologie Polar, d’afficher, d’enregistrer et d’analyser en instantané les données vitesse et fréquence cardiaque. De plus ce logiciel intègre d’autre variable d’intérêt comme la lactatémie et contient un algorithme d’interprétation des données physiologiques. 2.2.3 Lactatémie Paramètre d’intérêt majeur du suivi médico-sportif du cheval de course, l’évaluation de la lactatémie après un effort standardisé permet une évaluation de sa capacité aérobie. La Vla4, (vitesse correspondant à une lactatémie de 4 mmol/l), est une variable fortement modifiée par l’entraînement foncier et qui permet donc d’en suivre les effets. Elle est de plus très corrélée à la performance en course de trot (Couroucé, 1999, Leleu et al 2005b) et prédictive de la performance future des jeunes chevaux (Leleu et al.2004c). Le dosage de la lactatémie nécessite la réalisation d’une prise de sang juste après l’effort et une analyse rapide après prélèvement. Le développement de nouveaux analyseurs portatifs de lactates fiables et validés dans l’espèce équine tels que le Lactate Scout + d’EKF ou Lactate pro 2 d’Akray permet maintenant d’obtenir des résultats fiables en quelques secondes.

Photo VI : Lactate Scout + ® et sa validation en médecine sportive équine Photo VI : Lactate Scout + ® and its validation for equines

Chez l’athlète humain, des systèmes de suivi lactique non invasifs, intégrant des biocapteurs dans un bracelet ou un brassard, sont en cours de développement afin de limiter l’invasivité de ces suivis. Il est probable que dans les années futures ces systèmes soient appliqués aux athlètes équins.

3 Perspectives

3.1 De nouvelles opportunités Les nouvelles technologies appliquées à la filière course produiront prochainement une variété et un volume de données très important. Ces masses de données issues de l’entraînement de précision auront des applications directes à l’échelon individuel et collectif.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 88

Au niveau individuel, pour l’entraîneur, ces données peuvent servir d’aide à la décision en matière de sélection individuelle des jeunes chevaux, de détermination de la charge d’entraînement afin d’éviter sous- entraînement et surentraînement et de système d’alerte en cas de réponse anormale à l’entraînement. Pour l’éleveur, ces données d’entraînement peuvent permettre aussi par exemple de caractériser le potentiel physiologique d’une pouliche n’ayant pas couru car accidentée précocement. De même, un futur propriétaire pourra « sécuriser » son achat en corrélant l’avis subjectif de l’entraîneur qui le conseille et les mesures objectives d’une réponse à l’exercice. Elles pourront aussi, de manière plus collective, permettre le développement du phénotypage à haut débit. En effet, à partir des années 2010, les premiers tests génétiques relatifs à la performance sportive sont apparus sur le marché pour la discipline du galop (Speed Gene Test® d’Equinome) et pour la discipline du trot (Synchrogait® d’Equibiogenes). Cependant le développement des connaissances sur le génome équin devra s’accompagner d’une meilleure caractérisation des phénotypes, étape essentielle à la progression des applications génomiques. Les capteurs embarqués offriront l’avantage que les coûts de collecte de données sont faibles, que ces données sont objectives et acquises fréquemment, sous réserve de la fiabilité des outils de mesure.

Les applications en matière de recherche appliquée sont nombreuses et devraient apporter des éléments de réponses à des problématiques telles que le rapport entre charge de travail des jeunes chevaux et leur longévité, entre charges d’entrainement et incidence du surentraînement ou de certaines pathologies (locomotrices ou respiratoires) etc.

3.2 Conditions nécessaires Les nouveaux outils numériques de l’entraînement de précision nécessitent l’utilisation de terminaux fixes ou mobiles (ordinateur, tablette, smartphone..) et un accès à Internet ou à un réseau téléphonique pour piloter les outils et/ou utiliser des applications d’analyse. L’entraînement de précision implique donc de nouveaux besoins de connectivité. L’accès à internet ou aux réseaux de télécommunications en milieu rural, facteur parfois limitant, devra être facilité pour que la filière numérique équine se développe.

Autre élément fondamental du développement de ces outils et leurs applications, la qualité des données mesurées repose, entre autres, sur sa précision et celle-ci doit être validée à plusieurs niveaux. La précision du capteur envoyant le signal doit être comparée à celle du ou des systèmes de mesure de référence. La précision de l’algorithme transformant le signal en données devra aussi être évaluée en terme de sensibilité et de spécificité. Enfin, la validation de l’intérêt pratique de cette donnée pour le professionnel est évidemment la condition sine qua non au développement de ces outils. Sur un plan économique, une des particularités de la filière équine est qu’elle constitue un marché de niche comparativement à d’autres filières agricoles en transition numérique. Ainsi, si la filière lait compte environ 3,8 millions d’individus, le nombre de chevaux de course à l’entraînement n’est que de 29 000… Une des conséquences est que le volume d’automates ou d’outils nécessaire à la filière est extrêmement réduit, ce qui en augmente le coût de production relatif. Or, la crise touche aussi la filière course : le nombre d’entraineurs a chuté de 5 % au trot et de 17 % au galop entre 2010 et 2015. La santé financière de beaucoup de structures est précaire. Ainsi, la capacité financière à investir dans ces nouveaux outils est une des principales limites à la numérisation. Sur un plan juridique, les questions de la propriété des données et de leur sécurisation numérique seront particulièrement cruciales dans la filière course. Cette dernière repose sur l’organisation de compétitions supports de paris sportifs générant chaque année un chiffre d’affaires d’environ huit milliards d’euros. Or, certaines données physio-sportives présentent un intérêt prédictif à court terme en matière de performance ou de contre-performance sportive. La divulgation volontaire ou involontaire des données pourraient interférer dans le choix des parieurs. De même, sur un plan commercial, la caractérisation objective des athlètes que ces systèmes autorisent pourrait influencer la décision d’achat, de vente ou la négociation du prix. Comme dans d’autres filières, le développement de la robotique et du numérique dans la filière équine pourrait avoir un impact professionnel avec la réduction de certaines tâches répétitives (alimentation, abreuvement), l’amélioration de la productivité du travail (sélection plus précoce, individualisation de l’entraînement) mais aussi par une transformation de la nature des activités (suivi et analyses de données). En parallèle, cette révolution technique devra s’accompagner d’une nécessaire évolution des compétences et des savoir-faire de l’ensemble de la filière course : entraîneurs et personnels d’écurie, vétérinaires…

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Leleu Page 89

L’appropriation de ces nouvelles technologies est sous tendue par la mise en place de formations initiales et continues adaptées aux milieux professionnels, par l’existence de services de support technique réactifs et performants. De nouveaux métiers pourraient ainsi voir le jour.

4 Conclusion L’entraînement dit de précision est rendu possible grâce à l’arrivée de nouvelles technologies. Ces dernières ne sont cependant que des outils d’alerte ou d’aide à la décision qui ne remplaceront jamais le savoir-faire et l’expérience de l’entraîneur. Leur appropriation par les professionnels nécessite que de nombreuses conditions soient remplies telles que la validation des systèmes par comparaison à des méthodes de référence, la démonstration des intérêts pratiques et des bénéfices pour l’utilisateur final. La formation de tous les professionnels à ces outils et la possibilité économique de leur mise en pratique, c’est-à-dire des systèmes abordables sur un plan financier, seront aussi des conditions nécessaires. Remerciements L’auteur remercie les sociétés ABSI, Arionéo, Ineatech, La Buvette pour leur collaboration. Références Barrey E, Evans SE, Evans DL, Curtis RA, Quinton R, Rose RJ. 2001 Locomotion evaluation for racing in thoroughbreds. Equine Veterinary Journal Supplement (33):99-103 Couroucé A. 1999. Field Exercise testing for assessing fitness in French trotters, The Veterinary Journal 157, 112-122. Demonceau T., Auvinet B. 1992. Test d'effort de terrain pour trotteurs à l'entraînement : réalisation pratique et premiers résultats. In: Compte-rendu de la 18ème Journée d'Etude, CEREOPA, Paris, 120-132. Holopherne D., Hodgson D., Rose R. and Couroucé A. 1999 Investigation on the accuracy of a new heart rate meter for use in exercising horses In Proceeding of 6th Congress of WEVA (World Equine veterinary Association) Paris Keegan KG, MacAllister CG, Wilson DA, Gedon CA, Kramer J, Yonezawa Y, Maki H, Pai PF. 2012 Comparison of an inertial sensor system with a stationary force plate for evaluation of horses with bilateral forelimb lameness. American Journal Veterinary Research 73(3):368-74. Leleu C., Bariller F., Cotrel C., Barrey E. 2004a Reproducibility of locomotor test for trotter horses. The Veterinary Journal, 168, 160 - 166 Leleu C., Cotrel C., Barrey E. 2004b Age and training related changes in locomotion of trotter race horses Equine and Comparative Exercise Physiology 1 (2); 107-117 Leleu C., Cotrel C. Barrey E. 2004c Predictive interest of physiological and gait variables in french Trotters performance in Proceeding of CESMAS (Conference on Equine Sports Medicine And Science) : “The elite race and endurance horse”, Ed : A.Lindner. 189-193. Leleu C., Cotrel C., Barrey E. 2005a Relationships between biomechanical characteristics and race performance in Standardbred trotters. Livestock Production Science 92, 39-46 Leleu C., Cotrel C., Couroucé-Malblanc A. 2005b Relationships between physiological variables and race performance in French standardbred trotters. 156, 339-42. Leleu C., Miot M., Rallet N., Mailliot Pivan A.S. 2017 Perte de poids et délai de récupération post-compétition chez le Trotteur: analyse des facteurs de variation in compte rendu des Journées Annuelles de l’association des vétérinaires équins de France (AVEF)- Paris McCracken MJ, Kramer J, Keegan KG, Lopes M, Wilson DA, Reed SK, LaCarrubba A, Rasch M. 2012 Comparison of an inertial sensor system of lameness quantification with subjective lameness evaluation. Equine Vet J.44(6):652-6. Weishaupt MA, Wiestner T, Hogg HP, Jordan P, Auer JA, Barrey E. 2001 Assessment of gait irregularities in the horse: eye vs. gait analysis. Equine Veterinary Journal Supplement (33):135-40

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Les instruments de mesure dans le monde du cheval : une promesse sous conditions

A. Caussarieu1

1 Laboratoire de physique, ENS de Lyon, 46 allée d’Italie, 69007 LYON

Résumé L’utilisation d’instruments de mesures toujours plus clés en main tend à masquer les difficultés associées à la réalisation de mesures qui soient utilisables pour prendre des décisions. Dans cette communication, nous illustrons quatre de ces difficultés : 1) la mécompréhension du phénomène étudié ou de l’instrument de mesure choisi ce qui entraîne le risque de ne pas mesurer la bonne grandeur, 2) l’évaluation des éventuelles erreurs systématiques liées à l’utilisation de l’appareil de mesure, qui peuvent fortement compromettre des comparaisons faites avec deux appareils de mesures de marques ou modèles différents, 3) l’estimation de la variabilité des mesures réalisées lorsqu’elles sont répétées dans des conditions similaires qui permet d’évaluer la confiance à accorder aux chiffres significatifs d’une mesure, 4) l’analyse des résultats et la comparaison de plusieurs mesures en tenant compte des incertitudes de mesure. Mots clés : Mesure, instruments de mesure, incertitudes de mesure, déplacements, GPS

Summary Opting for increasingly “ready to use” measuring tools tends to conceal the difficulties associated with collecting measures for the purpose of decision-taking. We will illustrate four of these difficulties : 1) an insufficient understanding of the studied phenomenon or of the chosen measuring tool, which can lead to the wrong quantity being measured, 2) assessing potential systematic errors of the measuring tool, errors which can thwart comparisons between measurements from different brands or models of measuring devices, 3) assessing the variability of measurements repeated in similar conditions in order to determine reliable rounding digits for the obtained data, 4) data analysis and comparison between several measurements, taking into account their respective measurement uncertainties. Key-words: Measurement, measuring instruments, measurement uncertainties, displacements, GPS

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Caussarieu Page 91

Introduction Pour Bachelard, historien des sciences, ce sont les nombreux instruments de mesure développés au XIXe siècle qui ont permis l’avènement des sciences telles que nous les connaissons aujourd’hui (Bachelard, 1938). La quantification des phénomènes du monde est au cœur de la construction des connaissances scientifiques du XIXe siècle qui ont permis la révolution industrielle. Dans le monde du cheval, c’est la médecine vétérinaire qui sera la première à intégrer les démarches scientifiques et à abandonner les pratiques superstitieuses. La première école vétérinaire est créée à Lyon en 1761 par Claude Bourgelat en réaction, entre autres, aux approches traditionnelles des « empiriques ». Ces derniers pratiquaient par exemple très régulièrement le dessolement, c’est-à-dire l’arrachage de la sole, sur les chevaux souffrant du pied (Degueurce, 2012). Ces deux communautés de praticiens — ceux formés aux sciences et ceux perpétuant les traditions — vont s’opposer longuement dans les années qui suivent la création de l’école vétérinaire de Lyon. La médecine scientifique fait progresser l’espérance de vie des humains et des animaux. Les éleveurs se tournent alors de plus en plus vers les vétérinaires formés en école qui seront au début des années 1900 les seuls à avoir le droit d’exercer la médecine vétérinaire. Les pratiques d’élevage et d’utilisation des chevaux (matériel et technique équestre) reposent encore souvent sur une tradition pluriséculaire. L’arrivée des cardiofréquencemètres à la fin des années 1990 a permis d’objectiver l’effort réalisé à l’entraînement par les chevaux de course, d’endurance ou de concours complet et améliorer leur entraînement. Plus récemment, les tapis à capteurs de pression sont utilisés par les selliers pour améliorer l’adaptation des selles aux dos des chevaux. Aujourd’hui, on assiste à une explosion du nombre d’instruments de mesure accessibles aux cavaliers, que ce soit techniquement ou financièrement. Cette évolution laisse entrevoir une mutation de l’équitation au sens large vers une evidence based practice, c’est-à-dire une pratique basée sur les preuves. Cependant, l’utilisation de ces outils et l’interprétation de leurs résultats ne sont pas aussi simples qu’il y paraît. Les chercheurs en sciences de l’éducation qui ont étudié l’enseignement des sciences ont montré les difficultés que l’utilisation d’un appareil de mesure et l’interprétation des résultats collectés posent à des étudiants même scientifiques (Seré, Journeaux et Larcher, 1993). Dans cette communication, nous allons illustrer différentes embûches que l’on peut rencontrer lorsque l’on utilise un instrument de mesure.

1 Les difficultés liées à l’instrument de mesure

1.1 Choisir l’instrument de mesure permettant de mesurer la bonne grandeur Les amateurs et professionnels du monde du cheval ont aujourd’hui à leur disposition un grand nombre d’instruments de mesure abordables financièrement. Cependant, le choix de l’instrument qui permettra de mesurer la bonne grandeur physique n’est pas toujours aussi simple qu’il n’y paraît comme l’illustre l’exemple ci-dessous. Une image (voir figure I) réalisée à la caméra infra-rouge d’un chien tondu est devenue virale et a été partagée plus de 16000 fois en janvier 2017. Le texte qui l’accompagne indique que les poils sont nécessaires pour que le chien ne souffre pas de la chaleur en été : ils assurent la régulation thermique. Cette explication, appuyée par l’image infra-rouge, est choquante pour un scientifique. En effet, l’argument de l’auteur de la première publication repose sur une comparaison de la température de la peau sous les poils tondus à celle de la peau au niveau des poils tondus. Or ce n’est pas ce qui a été mesuré par la caméra thermique là où le chien n'a pas été tondu. En effet, la caméra thermique mesure les températures des surfaces qui émettent de la lumière infra-rouge (rayonnement du corps noir). Sur cette photo, la surface qui émet des infra-rouges est la surface des poils là où le chien n'a pas été tondu, et la peau du chien là où il a été tondu. Les poils étant effectivement isolants la température n'est pas la même sous les poils (peau) et à l'extérieur des poils, c'est ce qui permet à la peau de rester à une température plus élevée que l’air extérieur. C'est le même principe qui fait que la surface du mur extérieur d’une maison n’est pas à la température de l’intérieur de la maison !

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Caussarieu Page 92

Figure I : A) Capture d’écran de la publication de départ qui a été partagée plus de 16000 fois. B) Capture d’écran d’un partage de la publication qui utilise cette photo pour faire la promotion de produits rafraîchissants. C) Schéma illustrant le rôle d’isolant des poils du chien. Figure I: A) Screen shot of the publication of departure which was more shared of 16000 times. B) Capture d'écran of a division(sharing) of the publication which uses this photo to promote refreshing products. C) Schéma illustrating the role of insulating material of the hairs of the dog.

Cet exemple illustre bien les difficultés potentielles liées à l’utilisation d’un instrument de mesure (ou d’un phénomène) dont on n’est pas familier. Il est donc recommandé de demander conseil à une personne spécialiste sur ce qu’il est effectivement possible, ou non, de mesurer avec l’appareil en question. Il est aussi conseillé d’être très critique sur les premières mesures et de ne pas hésiter à les confronter à d’autres mesures avec un appareil que l’on connaît mieux, ici par exemple un thermomètre.

1.2 Les erreurs liées à l’instrument de mesure 1.2.1 Quand l’instrument n’est pas utilisé dans de bonnes conditions Une deuxième difficulté récurrente chez les étudiants est de se contenter de lire la valeur affichée sur un instrument de mesure sans vérifier la confiance que l’on peut avoir dans ce chiffre. Nous allons illustrer cette difficulté via l’utilisation d’un enregistreur GPS dans le cadre d’un projet de recherche mené par l’association pour le développement des sciences équines. Ce projet part d’une problématique de terrain. De nombreux propriétaires d’équidés cherchent à offrir à leurs compagnons des conditions de vie plus proches d’un « naturel » souvent idéalisé. Hampson et collaborateurs montrent que des chevaux féraux dans des régions semi-arides d’Australie parcourent en moyenne 16 km par jour alors que des juments au pré parcourent en moyenne sept km/jr (Hampson et al, 2010). Leurs travaux viennent donc renforcer la thèse de la sédentarisation des chevaux domestiques : la diminution de la distance parcourue quotidiennement serait, comme chez l’homme, néfaste pour le cheval. Des propriétaires ont alors cherché à augmenter les distances parcourues quotidiennement par leurs chevaux en éloignant les ressources (eau et foin) dans les prés ou en construisant des couloirs selon la philosophie du Paddock Paradise© de Jackson. Partant du constat qu’au naturel les chevaux évoluent sur des pistes, Jackson propose de créer des pistes artificielles dans les prés des chevaux par l’intermédiaire de couloirs qui vont, selon lui, stimuler l’envie de se déplacer chez le cheval. Cette thèse s’est bien diffusée dans le monde du cheval puisque, comme le montre un sondage réalisé par l’association pour le développement des sciences équines à l’été 2017, 74% des répondants (222 réponses reçues) pensent que la présence de couloirs dans un hébergement va augmenter la distance parcourue par les chevaux. Les mesures ont été réalisées avec un enregistreur GPS de bonne qualité (TSI G-LOG 770) qui donne la position des chevaux au cours du temps et permet d’en déduire la distance parcourue. Certains logiciels permettent d’avoir directement accès à cette distance, sans regarder le détail des mesures. Malheureusement, l’enregistreur GPS enregistre toujours une position, même lorsqu’il capte mal le signal issu des satellites. Dans ce cas, l’erreur sur la position peut devenir très grande et impacter fortement la mesure de la distance

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Caussarieu Page 93

totale parcourue. Ce constat a été fait lors de mesures préliminaires sur un cheval ayant accès à une stabulation quasiment fermée comme on peut le voir sur l’exemple d’enregistrement ci-dessous où le cheval n’est jamais sorti de son hébergement. Les erreurs sur la position du cheval peuvent aller jusqu’à plus de 100 m. Figure II : Capture d’écran du logiciel permettant de visualiser le trajet enregistré par l’enregistreur GPS porté par un cheval pendant 24h. Figure II: Screen shot of the software allowing to visualize the route recorded by the GPS recorder carried by a horse during 24 hours

Ce constat a permis à l’association de choisir pour réaliser les mesures uniquement des hébergements dans lesquels les chevaux n’avaient pas accès à une stabulation. De plus, tous les enregistrements ont été analysés « à la main » afin de détecter d’éventuelles grosses erreurs qui localiseraient les chevaux hors de leur enclos. Cela a été plusieurs fois le cas pour des mesures réalisées en bordure de forêt ou de plan d’eau (réflexions du signal des satellites). Des erreurs similaires peuvent être observées lorsque l’on utilise un capteur en dehors de sa plage de calibration (ex : capteurs de pression) ou dans des conditions extrêmes (température extérieure très basse ou très élevée par exemple). 1.2.2 Faire une mesure à blanc Lorsque l’on débute un projet de recherche ou lorsque l’on décide de quantifier un phénomène, on est souvent pressé de réaliser des mesures. On oublie alors fréquemment de faire une mesure « à blanc », dans les conditions de l’expérience mais en l’absence du phénomène, pour estimer les erreurs liées à l’instrument de mesure. Si la mesure doit durer plusieurs heures, alors il faut réaliser un enregistrement à blanc de la même durée. Dans le cas du projet de recherche sur les déplacements des chevaux, c’est la lecture d’un article consacré à l’utilisation des capteurs GPS pour la géolocalisation du bétail (Anderson, 2013) qui nous a mis la puce à l’oreille. Cet article regrettait le fait que l’incertitude statique des GPS utilisés pour la géolocalisation ne soit pas systématiquement mentionnée dans les publications scientifiques. Nous avons alors comparé le signal enregistré par plusieurs enregistreurs GPS de modèles différents lorsqu’ils étaient accrochés à un piquet plusieurs heures d’affilée. La mesure de la distance apparente parcourue par l’enregistreur GPS varie alors de quelques centaines de mètres (G-LOG 770) à plusieurs kilomètres (IgotU) en fonction du dispositif utilisé comme illustré sur la figure 3. On voit que pour l’enregistreur GPS IgotU la dérive est très faible sur les deux

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Caussarieu Page 94

premières heures puis devient forte et constante. On peut supposer que cette dérive est due aux difficultés de l’appareil à utiliser d’autres satellites lorsque les premiers utilisés passent sous la ligne d’horizon. Cette erreur sur la distance parcourue est une erreur systématique qui dépend fortement du matériel utilisé. Elle a pour conséquence de systématiquement faire apparaître une distance parcourue plus grande que celle réellement parcourue par les chevaux. Les mesures à blanc nous ont permis de choisir le meilleur enregistreur pour cette étude. Elles nous ont aussi permis de comprendre les différences entre nos mesures et celles réalisées par des particuliers avec le GPS IgotU (leurs distances parcourues étaient systématiquement plus grandes). Figure III : Tracé de la distance apparente parcourue par deux enregistreurs GPS fixés sur un même poteau. En jaune le GPS IgotU et en bleu le TSI GLOG 770 (beaucoup plus cher). Figure III: Plan of the distance traveled by two GPS recorders fixed to the same post. In yellow the GPS IgotU and in blue the TSI GLOG 770 (much more expensive).

1.3 L’incertitude statistique due à l’appareil de mesure Une fois que l’on a corrigé les mesures des erreurs systématiques connues, il reste toujours une incertitude sur le résultat de la mesure. Ainsi dans le cas des enregistreurs GPS, les incertitudes sur la localisation de l’enregistreur sont dues à plusieurs facteurs : composition de l’atmosphères, réflexions éventuelles, erreurs d’horloge, … La majorité de ces erreurs sont aléatoires, c’est à dire qu’elles varient de façon non prévisible au cours du temps. Il y aura donc toujours une incertitude d’origine statistique sur la mesure réalisée. Pour estimer cette incertitude dans le cas du projet utilisant les GPS, nous avons effectué une série de 6 mesures statiques avec l’enregistreur qui sera utilisé pendant l’étude. On obtient alors une valeur moyenne de la distance apparemment parcourue de 460 mètres, qui correspond à notre erreur systématique. L’estimation de la variance sur ces mesures est de 110 mètres. Il sera donc prudent de dire que l’incertitude statistique liée à l’utilisation du récepteur GPS GLOG 770 est de ± 220 m (deux écarts-types). Pour autant, comme nous allons le voir dans la prochaine section, dans le cas des mesures sur du vivant, la source principale d’incertitude n’est en général pas l’instrument de mesure, mais le phénomène étudié.

2 Analyser des mesures

2.1 Souvent, mesure varie : variances, moyennes et statistique Lorsque l’on réalise une mesure pour répondre à une question que l’on se pose (mon cheval marche-t-il davantage dans cet hébergement ? Mon cheval a-t-il plus de rebond après l’entraînement qu’avant ?), il est nécessaire de tenir compte de l’incertitude liée à la répétabilité de la mesure. De combien la mesure varie-t- elle lorsqu’on la reproduit dans des conditions identiques ? Sur l’exemple du projet avec les enregistreurs GPS, il est nécessaire de se demander de combien varie la mesure de la distance parcourue par un cheval dans un même pré d’un jour sur l’autre. En effet, à cheval et hébergement fixés, de nombreux facteurs peuvent influencer la distance parcourue par le cheval : la météo

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Caussarieu Page 95

(vent, froid, ou au contraire grosses chaleurs et insectes), les bruits entendus un jour donné, l’humeur du cheval… Pour estimer cette variabilité (dispersion intra-individus), il est nécessaire de reproduire la même mesure plusieurs jours d’affilée. Sur les 34 chevaux pour lesquels nous disposons de trois jours complets de mesures, nous avons observé des écarts entre les distances parcourues quotidiennement variant de 300 m/jour à 6,3 km/jour. Dans cette étude, l’objectif était de comparer les hébergements et non les chevaux. Il est donc important en plus de savoir comment cette distance parcourue au sein d’un hébergement dépend du cheval considéré (dispersion inter-individus). La plupart des mesures ont été réalisées avec deux ou trois chevaux équipés d’un enregistreur GPS. Les écarts entre les distances quotidiennes moyennes parcourues par les chevaux hébergés au même endroit varient entre 0,2 km/jour et 4,4 km/jour. Les résultats présentés ci-dessus montrent l’absolue nécessité de répéter systématiquement les mesures lorsque l’on travaille avec du vivant afin d’avoir une idée de la variabilité de ce que l’on mesure.

2.2 Comparer des mesures Comme nous l’avons vu ci-dessus, il est impossible de réaliser une mesure qui aurait une précision infinie. Pour comparer deux mesures, il est donc nécessaire de connaître les incertitudes associées à chacune des mesures. Pour illustrer cette affirmation, reprenons l’exemple du projet sur les mesures de déplacement des chevaux. Pour le premier hébergement de l’étude, nous avons mesuré une distance quotidienne moyenne (deux chevaux) de 9,5 km/jour. Pour le second hébergement, nous avons mesuré une distance quotidienne moyenne (deux chevaux) de 8,2 km/jour. Peut-on conclure que le premier hébergement fait parcourir une distance quotidienne moyenne plus grande que le deuxième hébergement ? Comme le montre la figure IV, cela va dépendre de l’incertitude associée à chacune des mesures. Dans notre cas, cette incertitude peut être évaluée à ±2 km/j si l’on est audacieux, ou ±4 km/j si l’on veut être plus prudent. Dans tous les cas, ces deux mesures ne sont pas significativement différentes et il n’y a pas de sens à donner le résultat de la mesure avec deux chiffres significatifs. Autrement dit, le chiffre après la virgule n’a pas de sens vu les incertitudes associées aux mesures. Figure IV : Illustration de la comparaison de deux mesures de grandeurs physiques. A) En l’absence d’information sur les incertitudes respectives, il est impossible de conclure. B) Les mesures sont significativement différentes. C) Les mesures ne sont pas significativement différentes. Figure IV: Illustration of the comparison of two measures of physical quantities. A) Whitout information on the respective uncertainties, it is impossible to conclude. B) The measures are significantly different. C) The measures are not significantly different

Statuer sur la différence ou la compatibilité entre deux mesures ne se fait pas de la même manière selon le domaine scientifique dans lequel on travaille. Dans les sciences physiques où l’on s’intéresse à des phénomènes plutôt robustes, on va considérer comme différentes uniquement des mesures dont l’écart entre valeurs est bien plus grand que les incertitudes associées. Dans les sciences du vivant où l’on observe en général des phénomènes beaucoup plus bruités, on va s’intéresser à des différences qui sont moins franches. Les chercheurs ont alors recours à des tests statistiques qui permettent d’estimer quel est le risque que la différence entre deux mesures ne soit pas dû au phénomène physique étudié, mais juste au hasard. Dans notre cas il s’agirait de se demander quels sont les risques que la différence entre les deux valeurs, 8,2 km/jour et 9,5 km/jour soit due au hasard ? Si le risque est plus faible que 5%, alors les deux valeurs sont significativement différentes. Dans tous les cas ce qu’il faut retenir c’est qu’il est impossible de tirer des conclusions sur la comparaison entre deux mesures si l’on ne connaît pas la variabilité associée à ces mesures.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Caussarieu Page 96

3 Conclusions Il semble évident que la démocratisation des appareils de mesure, que ce soit au travers des objets connectés ou des applications utilisant les capteurs de nos smartphones, vont permettre le développement d’une pratique équestre objectivée, basée sur le recueil de preuves. Cependant, dans cette communication nous avons illustré les principaux écueils auxquels chacun peut être confronté lorsqu’il réalise des mesures pour répondre objectivement à une question, qu’elle soit pratique ou scientifique. Il faut tout d’abord s’assurer d’avoir bien compris ce que mesure l’instrument de mesure choisi, et quelles sont ses limitations. Ces erreurs ne sont pas très fréquentes, mais elles invalident tout le raisonnement lorsqu’elles se produisent. Ensuite, il faut calibrer l’appareil de mesure en réalisant une mesure « à blanc », c’est-à-dire dans les conditions de l’expérience mais en l’absence du phénomène à étudier. Cette mesure permet aussi d’estimer la qualité de l’appareil de mesure choisi et de comparer ensuite ses mesures avec celles réalisées avec un autre appareil de mesure. Il est alors temps de s’intéresser aux incertitudes associées à cette mesure. Que se passe-t-il si l’on répète la mesure dans les mêmes conditions? Quel est l’ordre de grandeur de la variation ? Il est capital d’estimer, même grossièrement, les incertitudes liées à la variabilité du phénomène mesuré car on voit trop souvent étudiants et amateurs tirer des conclusions à partir de deux mesures non répétées. Il est capital de se souvenir que l’on ne peut pas comparer deux valeurs si l’on n’a pas au moins l’ordre de grandeur de l’incertitude associée à ces valeurs. Ainsi les gains espérés par la multiplication des opportunités de faire des mesures sur les chevaux ne seront possibles que si les utilisateurs de ces instruments de mesure sont sensibilisés et formés à l’utilisation de chacun de ces instruments, mais aussi au principe même de la réalisation de mesures sur du vivant. Remerciements Cette communication s’appuie sur le projet de recherche mené par l’association pour le développement des sciences équines. Un grand merci à tous les membres de l’association et à tous les bénévoles qui ont rendu ce projet possible. Merci aussi à Stéphanie Ronckier pour sa relecture et son aide pour rendre le résumé moins … franglais ! Références Anderson, D. M., Estell, R. E., & Cibils, A. F. (2013). Spatiotemporal Cattle Data—A Plea for Protocol Standardization. Positioning, 4(1), 115–136. https://doi.org/10.4236/pos.2013.41012 Bachelard, 1938. La formation de l’esprit scientifique, éd. VRIN Degueurce, 2012. Claude Bourgelat et la création des écoles vétérinaires. Comptes Rendus Biologies, 335(5), 334–342. https://doi.org/10.1016/j.crvi.2012.02.005 Hampson, B., Morton, J., Mills, P., Trotter, M., Lamb, D., & Pollitt, C. (2010). Monitoring distances travelled by horses using GPS tracking collars. Australian Veterinary Journal, 88(5), 176–181. https://doi.org/10.1111/j.1751-0813.2010.00564.x Hampson, B. A., De LAAT, M. A., Mills, P. C., & Pollitt, C. C. (2010). Distances travelled by feral horses in “outback” Australia: Distance travelled by feral horses. Equine Veterinary Journal, 42, 582–586. https://doi.org/10.1111/j.2042-3306.2010.00203.x Jackson, 2007. Paddock paradise, Ed. Star ridge company Séré, M., Journeaux, R., & Larcher, C. (1993). Learning the statistical analysis of measurement errors. International Journal of Science Education, 15(4), 427–438. https://doi.org/10.1080/0950069930150406

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

L'accéléromètrie comme technique de caractérisation des allures et du style à l'obstacle en liberté ; sa place dans un plan de sélection.

B. Dumont st priest1, B. Chaigne2, C. Ruhlmann1, F. Guillot1, L. Gosselin1, D. Billerey le menn1. P. Bleteau1, P. Fontaine1, N. Maréchal1, JM. Yvon1, E. Bezombes2, M. Chassot2, N. Garcia-Marinez3, S. Danvy1, A. Ricard1,3

1 IFCE, Direction Développement et Recherche, La jumenterie du Pin, 61310 EXMES 2 SBSF, Stud-Book Selle Français,56 avenue Henri Ginoux,92120 Montrouge 3 INRA, Génétique Animale et Biologie Intégrative, Jouy-en-Josas, France

Résumé L’accélération dans les 3 dimensions a été mesurée au pas, trot, galop monté à 4 et 5 ans (n=1477) et lors du saut en liberté à 3 ans (n=754). L’analyse génétique inclut le sexe, l’âge, le concours, les apparentés (10 907 chevaux pour les allures et 5 651 pour le saut) et la vitesse et la taille (gène majeur détecté) pour les allures. La corrélation génétique avec la compétition a été calculée à partir de tous les ISO depuis 1998 (232 952 chevaux,). L’héritabilité est forte pour le déplacement vertical au trot et au galop (0,53 et 0,41), moyenne pour la puissance horizontale (0,33 et 0,19), faible au pas (<0,16). Le trot et le galop sont génétiquement corrélés (0,56 et 0,73). Au saut, deux stratégies se dégagent : 1) un long temps de planer (h2=0,21) associé à une forte (h2=0,13) poussée des postérieurs 2) une frappe forte et rapide des antérieurs, et une réception marquée. La (seule) corrélation génétique entre performance et allures est -0,22 avec la puissance horizontale, deux corrélations phénotypiques au saut sont trouvées : 0,21 avec le temps de planer, -0,15 avec le temps entre la frappe antérieurs, poussée des postérieurs. Mots clés: héritabilité, accéléromètrie, allures, saut en liberté, performance en CSO

Summary Acceleration in the 3 dimensions was measured during walk, trot and canter under rider at 4 and 5 years old (n=1477) and free jumping at 3 (n=754). Genetic analysis included sex, age, event, velocity and height at withers for gaits and all the relatives (10,907 horses for gaits and 5,651 for free jumping). Genetic correlation calculation involved all competitors in jumping since 1998 (232 952 horses). Heritability was high for vertical displacement at trot and canter (0.53 and 0.41), moderate for longitudinal activity (0.33 and 0,19) and low for walk (<0,16). Same trot and canter characteristics were genetically linked (0.56 and 0.73). For free jumping, two strategies were detected 1) long airborne phase (h2=0.21) with high hindlimbs acceleration peak (h2=0,13) 2) high forelimbs peak, short time forelimbs/hindlimbs peaks and high peak at landing. Only one genetic correlation between gaits and performance in competition was found: -0.22 with longitudinal activity at canter. The phenotypic correlation between free jumping and performance at 4 was 0.21 with jump time and -0,15 with time between forelimbs and hindlimbs peaks. Key-words: heritability, gaits, free jumping, jumping competition

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 98

Introduction Le projet SoGen, validé par le Conseil Scientifique et co-financé par l’IFCE, l’INRA et le Fonds Eperon, vise à réaliser une caractérisation fine des chevaux de saut d’obstacles sur le plan de leur morphologie et sur celui de leurs allures afin d’inclure ces nouveaux critères dans le schéma de sélection, de réaliser une analyse génomique améliorant les évaluations génétiques, et éventuellement de repérer des gènes majeurs. Parallèlement, le stud-book du selle-français (SbSf) a mené le projet Caract-SF, co-financé par l’IFCE, qui vise à caractériser le saut en liberté des trois ans en utilisant le même appareillage de mesure des accélérations Equimetrix® que celui utilisé pour les allures dans SoGen. L’objectif de cette présentation est de résumer l’apport des mesures d’accéléromètrie sur les allures et sur le saut en liberté dans l’amélioration du cheval de concours hippique.

1 La « phase terrain » de l’action phénotypage

1.1 Caractérisation des allures La cible était constituée par les chevaux de sport de quatre ou cinq ans concourant en saut d’obstacles (CSO). Les mesures se sont déroulées sur 16 concours de la Société Hippique Française entre le mois de mai 2015 et le mois de juillet 2016. Afin de ne pas réduire la palette des niveaux génétiques de l’échantillon, ont été étudiés à la fois des chevaux du cycle classique (cavaliers professionnels en majorité) et des chevaux du cycle libre (cavaliers amateurs en majorité). Grâce à une bonne réceptivité de la part des cavaliers, les effectifs réellement mesurés ont été supérieurs à ceux initialement prévus et plus de 1500 chevaux ont été vus. 1.1.1 Le dispositif de mesures Le boîtier accélérométrique est fixé à la sangle, au point le plus proche du centre de gravité du cheval afin de retracer au mieux les mouvements de celui-ci. Il est demandé au cavalier de réaliser une « reprise » sur une durée d’environ 2 minutes. Le tracé standardisé enchaînait cinq diagonales sur un rectangle d’au moins 60mx20m ; la première au trot de travail, la seconde au trot moyen, la troisième au galop de travail, la quatrième au galop moyen et la dernière au pas. Les chevaux étaient équipés du boîtier de mesures à la fin de leur parcours de CSO. On peut donc considérer qu’ils étaient détendus. En complément, des mesures livrées par le système Equimetrix®, un dispositif de chronométrage enregistrait la vitesse du cheval sur chacune des diagonales. L’identité de chaque cheval était vérifiée avant la prise de mesures par contrôle systématique de sa puce électronique. Sur cette base, les enregistrements étaient référencés via le numéro SIRE du cheval. Le dépouillement de chaque enregistrement consiste à repérer les séquences de 10 secondes (Figure I) sur lesquelles l’allure est la plus stabilisée (tout ou partie de la diagonale) et d’y associer la vitesse correspondante. Le temps moyen nécessaire au dépouillement est de l’ordre de cinq minutes par cheval (pour les cinq allures). Figure I : Exemple d’accélérométrie issue du logiciel Equimetrix®. Axe vertical au galop Figure I: Example of accelerometer recording Equimetrix®. Vertical axe at canter

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 99

1.1.2 Les dimensions enregistrées A partir des courbes d’accélération élémentaires sur les trois axes (vertical, horizontal et latéral), Barrey et al. (1994, 1995) et Leleu et al. (2004) sont définies huit mesures élaborées : . la vitesse (velocity, km/h) : distance parcourue par unité de temps. . la cadence (stride frequency, f/s) : nombre de foulées réalisées par unité de temps. . la régularité (regularity): mesure de la ressemblance entre toutes les foulées. . la symétrie (symmetry) : mesure de la ressemblance entre les demi-foulées droite et gauche. . le déplacement vertical (DV dorsoventral displacement, en cm). D’après la variation de l’accélération sur l’axe vertical, il est possible de déduire ce déplacement moyen (rebond). . la puissance verticale (PV dorsoventral activity en W/kg). A partir de l’accélération, il est possible de déduire la puissance produite par le cheval pour son déplacement de bas en haut. . la puissance horizontale (PH longitudinal activity en W/kg). Puissance mesurée sur l’axe de la trajectoire du cheval pour se propulser ou freiner. . la puissance latérale (PL lateral activity en W/kg). Puissance mesurée transversalement au cheval qui n’est pas productive de mouvements utiles dans les 3 allures normales. 1.1.3 La restitution aux éleveurs Après correction pour les effets d’environnement indépendants de la qualité du cheval (sexe, âge et surtout concours) conformément au modèle développé au point 2, les mesures réalisées sur chaque cheval ont été adressées au détenteur qui avait assuré l’inscription du cheval en concours (éleveur, cavalier ou propriétaire) sous forme de fiches complètes pour les cinq allures (Figure II). Sur la fiche figurent les mesures corrigées et un diagramme en forme d’araignée qui situe les valeurs par rapport à leurs distributions dans l’ensemble de la population (grille des 25%, 50%,75% et 100% valeurs les plus basses). Figure II : Restitution des données allures Figure II: Scheme of data about each gate

1.2 Caractérisation du saut en liberté Il a été choisi de procéder à des mesures à l’occasion des concours régionaux d’élevage en se concentrant sur ceux réunissant un effectif d’au moins 20 individus par concours. L’opération a débuté à l’automne 2015. Dans la pratique environ 350 chevaux sont mesurés lors de chaque campagne de phénotypage. 1.2.1 Le dispositif de mesures Avant son entrée dans le rond d’Havrincourt, le jeune cheval est équipé d’un surfaix avec un capteur situé au niveau du passage de sangle. Le protocole habituel des concours de trois ans est respecté : le présentateur accompagne son cheval en main pendant ½ tour du rond puis le lâche. Le dispositif de saut comporte une barre de réglage en sortie de tournant puis un obstacle à deux foulées. Les côtes de l’obstacle vont croissantes en débutant par une croix à 60 cm puis un vertical à 80 cm, un vertical à 1m et un vertical à 1m15. Le vertical est ensuite transformé en oxer sur des côtes qui passent successivement de 0,80x1mx1m à 1mx1m10x1m20.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 100

Pour permettre d’apprécier la constance du cheval dans ses sauts, le dernier oxer a été sauté trois fois par chaque cheval. Le dépouillement de l’enregistrement consiste à repérer chacune des phases du saut sur l’accélérogramme. Avec un peu de pratique le dépouillement, sur la base de trois sauts analysés par cheval, est réalisé en environ 10 minutes. Il est parfois nécessaire de visionner l’enregistrement vidéo des sauts pour expliquer certains profils de sauts qui paraissent atypiques. 1.2.2 Les dimensions enregistrées Les enregistrements d’accélération lors d’un saut sont illustrés Figure III. L’analyse actuelle porte exclusivement sur les accélérations verticales. Chaque saut génère sept variables quantitatives différentes : des valeurs remarquables dans la courbe et les temps écoulé entre ces valeurs remarquables : • Accélérations (ou forces)  L’accélération maximale due à la frappe des antérieurs à la battue d’appel (acc_ant), qui peut être traduite proportionnellement en force.  L’accélérations maximale due à la poussée des postérieurs à la battue d’appel (acc_post), qui peut être traduite proportionnellement en force.  L’accélération maximale due à l’impact des antérieurs à la réception du saut (acc_recep) qui peut être traduite proportionnellement en force. • Ecarts de temps aux différentes phases du saut  Le temps entre la frappe maximale des antérieurs et la poussée maximale des postérieurs,  Le temps entre la frappe maximale des postérieurs et le début du planer (le cheval quitte le sol, l’accélération devient négative),  Le temps de planer (tps_envol). Le temps de planer est traduit à l’aide d’une simple formule de balistique en hauteur de saut (h=g/2 t2 avec g l’accélération de la pesanteur et t le temps de planer). Sur la plage de variation de t, la relation est très linéaire et la corrélation entre le temps de planer et la hauteur de saut est de 0,995. Nous n’avons donc inclus dans les analyses que le temps de planer mais il faut garder à l’esprit sa relation quasi-linéaire avec la hauteur de saut.  Le temps entre la fin du planer et le maximum de l’accélération à la réception (tps_plan_recept). • Pour l’analyse nous avons rajouté une variable élaborée à partir des précédentes :  La Balance qui est le rapport entre l’accélération maximale de la poussée des postérieurs/ accélération de la frappe des antérieurs à la battue d’appel Figure III : Définition des mesures élaborées à partir des données d’accélérométrie lors d’un saut d’un oxer. Figure III: Variables defined from accelerometer measurement in free jumping oxer.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 101

1.2.3 La restitution aux éleveurs Comme pour l’accélérométrie des allures, les résultats individuels sont adressés au détenteur de chaque cheval (opération déjà réalisée pour les campagnes de mesures 2015 et 2016). C’est la moyenne des mesures sur les trois sauts d’oxers qui est communiquée après correction pour les effets environnementaux. Un graphique en araignée situe les valeurs du cheval par rapport à leur distribution dans l’ensemble de la population. Figure IV : Restitution des données Obstacle en liberté Figure IV: Scheme of data about free jumping

1 - Frappe max des antérieurs

5 – Impact réception 2 – Poussée max des postérieurs

4 – Temps de planer 3- Rapport Postérieurs/antérieurs 2 Matériel et Méthodes Après vérification des données, les mesures des allures concernent 1 477 chevaux de quatre et cinq ans et les mesures du saut en liberté 754 chevaux de trois ans. Dans un premier temps, s’agissant de chevaux différents, les deux caractères ont été traités séparément. Pour les allures, à partir des courbes d’accélération décrites dans les trois dimensions, huit variables pour chacune des cinq allures (pas, trot de travail, trot moyen, galop de travail, galop moyen) ont été utilisées (CF 1.1.2 ci-avant) Pour le saut, les trois derniers sauts sur le plus gros oxer ont été retenus. Huit variables sont utilisées (CF 1.2.2 ci-avant). Les effets du sexe, de l’âge (le cas échéant quatre et cinq ans ou le mois de naissance pour les trois ans), de la vitesse (pour les allures), du concours pendant lequel les données ont été enregistrées, du rang du saut (pour le saut) ont été testés et les mesures corrigées pour ces effets d’environnement. L’héritabilité a été estimée en utilisant tous les apparentés des chevaux (10 907 chevaux au total pour les allures, 5651 pour le saut). Parmi les chevaux mesurés aux allures, 1219 ont une performance en compétition de saut d’obstacle à quatre ans, 994 à cinq ans et 290 à six ans. Pour les chevaux mesurés au saut, 264 ont une performance à quatre ans. Pour mesurer la corrélation génétique entre performance en compétition et allures, tous les chevaux nés à partir de 1998 ont été inclus à l’analyse (232 952 chevaux, 406 750 ancêtres et 458 269 performances annuelles de 2002 à 2016). Pour le saut, seule la corrélation phénotypique a été estimée. Parmi les chevaux mesurés aux allures, 702 ont été déjà génotypés avec la puce Affymetrix Axiom qui comporte 670 806 SNP (Single Nucleotid Polymorphism). La taille des chevaux mesurés aux allures était enregistrée au SIRE pour 97% d’entre eux (moyenne 166,75 cm, écart type 4,16cm).

3 Résultats

3.1 Synthèse des mesures d’allure et de saut Le trot moyen et le trot de travail d’une part, le galop moyen et le galop de travail d’autre part correspondent bien à un même caractère, mesuré à deux vitesses différentes (les corrélations génétiques sont voisines de 1). Le trot et le galop sont donc considérés dans le reste de l’analyse comme deux seules entités, dont on a mesuré deux fois les caractéristiques. Une analyse en composante principale a ensuite été réalisée par allure. (Figure V). Le trot et le galop présentent une décomposition similaire : la première composante est l’opposition entre cadence et déplacement verticale (PC_DV). La seconde (troisième pour le galop) composante (PC_PH) associe la puissance horizontale à la cadence (et la puissance latérale pour le trot). La dernière composante représente la puissance latérale (PC_PL). Ces trois composantes représentent plus de 80% de la variance. Pour le pas la première composante associe la puissance verticale et le déplacement vertical à la régularité et la symétrie indépendamment de la cadence qui est incluse dans la deuxième composante associée à la puissance horizontale. L’analyse s’est poursuivie en utilisant ces composantes

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 102

principales et non les variables initiales pour résumer les types d’allures. Notons que la régularité et la symétrie, peu répétables entre les deux mesures au trot et au galop, n’apparaissent pas dans ces composantes. Figure V : Analyse en composantes principales de l’accéléromètrie des allures. A : le Trot, B : le Galop, C : Le pas. Figure V: Principal component analysis of accelerometer measurements. A. Trot, B Canter, C. Walk.

A B C

Légende : voir le texte 1.1.2, see text 1.1.2

Pour le saut, l’analyse en composante principale (Figure VI) permet de faire émerger deux styles : d’une part les chevaux qui sautent haut avec une forte et longue poussée des postérieurs, d’autre part les chevaux qui ont une frappe forte des antérieurs, un temps court entre cette frappe et la poussée des postérieures et une réception marquée. Figure VI : Analyse en composantes principales de l’accéléromètrie du saut Figure VI: Principal component analysis of accelerometer measurement at free jumping

Légende : voir texte 1.2.2, see text 1.2.2

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 103

3.2 Héritabilité 3.2.1 Allures et taille au garrot Suspectant une relation évidente entre la cadence (donc la longueur des foulées et le déplacement vertical ou rebond) au trot ou au galop et la taille du cheval, nous avons réalisé une analyse génomique sur la taille au garrot avant d’estimer l’héritabilité des composantes des allures. Les résultats sont présentés Figure VII. Un pic important est détecté sur le chromosome 3 pour la taille, le même est détecté avec moins de force sur la première composante du trot (PC_DV). Il s’agit de la zone (g.105152868 à g.106128177) mise en évidence par Signer et al.(2012), Frischnecht et al. (2016) et Makvandi et al. (2012) qui affecte la taille dans différentes races équines. Après correction pour la taille, le pic disparait de l’analyse de PC_DV. Pour distinguer le caractère « cadence lente et fort déplacement vertical au trot » de la taille nous avons finalement corrigé l’ensemble des composantes des allures pour la taille et inclus la taille comme composante supplémentaire pour caractériser le cheval (analyse structurelle, Gianola & Sorensen, 2004). Les composantes des allures sont donc des mesures qu’il faut imaginer à vitesse et taille constante. Figure VII : Tests (log10(p_value)) des effets des marqueurs génomiques alignés par chromosome sur A : PC_DV au trot, B : la taille, C : PC_DV au trot corrigé pour la taille Figure VII: Manhattan plot of GWAS for(A) first principal component of trot (PC_DV) involving dorsoventral displacement and stride frequency, (B) height at withers and (C) and PC_DV corrected for height. A B C

3.2.2 Héritabilité et corrélations génétiques entre composantes des allures et la taille Le tableau 1 donne l’ensemble des résultats. Pour le trot et le galop, l’héritabilité est très forte pour PC_DV (0,53 et 0,41) forte pour PC_PH (0,33 et 0,19) et faible pour PC_PL (0,11 et 0,07). La correction pour la taille (moyennement héritable, 0,33) ne diminue pas l’importance de l’héritabilité de la composante du déplacement vertical et de la cadence. Pour le pas, les héritabilités sont faibles. Les corrélations génétiques entre les 3 composantes intra allure sont faibles. Entre allures, les composantes ayant la même définition sont corrélées (0,56 et 0,73) sauf pour PC_PL. En résumé, les caractéristiques des allures sont très héritables pour la cadence et la puissance horizontale, indépendamment de leur relation à la taille. Le trot et le galop ont des caractéristiques proches. 3.2.3 Héritabilité du saut Les caractéristiques du saut sont nettement moins héritables que celles des allures mais pour les allures, il s’agit d’une vision globale sur 10 secondes alors que le saut ne dure même pas une seconde. Donc si on inclut dans cette comparaison les trois sauts répétés d’un même cheval l’héritabilité de la moyenne sur les trois sauts serait supérieure. Les deux variables notablement héritables sont la poussée des postérieurs, (h2=0,13, 0,21 avec 3 sauts) et le temps de planer (h2=0,21, 0,30 avec 3 sauts). Notons qu’à partir d’un modèle de balistique simple, le temps de planer est directement lié à la hauteur du centre de gravité pendant le saut.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 104

4 Relation avec la performance en compétition

4.1 Allures et Performances en compétition Les effectifs mesurés pour les allures étant grands, nous avons pu calculer des corrélations génétiques. Une seule corrélation génétique avec la performance est significativement différente de 0 : -022 (s.e. 0,10) avec la troisième composante principale du galop, celle de la puissance horizontale. Une forte activité horizontale au galop est donc négativement liée à la réussite en compétition de saut, à vitesse et taille égale. Cette nuance a de l’importance : ce n’est pas réellement la puissance telle qu’on l’imagine qui est mesurée mais les variations d’accélérations sur l’axe pour réaliser une même vitesse. C’est donc potentiellement une agitation inutile à l’efficacité de l’allure. Toutes les autres composantes sont indépendantes de la performance en compétition.

Tableau 1 : Héritabilité (diagonale), corrélation génétique (triangle supérieur) et phénotypique (triangle inférieur) entre les composante principales des allures1 et la taille au garrot (les cases colorées correspondent aux valeurs significativement différentes de zéro) Table 1: Heritability(diagonal), genetic correlation (above the diagonal) and phenotypic correlation (below the diagonal) between principal component traits of gaits1 and height at withers, standard error in brackets, coloured box for significant estimates. PCT1_DV PCT2_PH PCT3_PL PCG1_DV PCG2_PL PCG3_PH PCP1_DV PCP2_C PCP3_S Taille 0,53 -0,18 -0,31 0,56 0,00 -0,23 0,33 -0,54 0,13 0,00 PCT1_DV (0,06) (0,15) (0,21) (0,10) (0,26) (0,18) (0,20) (0,19) (0,39) (0,09) -0,06 0,33 0,07 -0,15 -0,37 0,73 -0,27 0,49 0,43 0,21 PCT2_PH (0,02) (0,04) (0,24) (0,16) (0,32) (0,11) (0,23) (0,19) (0,51) (0,11) 0,02 0,16 0,11 -0,10 0,34 0,20 -0,13 0,52 0,16 0,36 PCT3_PL (0,02) (0,02) (0,04) (0,23) (0,42) (0,28) (0,35) (0,28) (0,64) (0,18) 0,37 0,02 0,04 0,41 0,27 -0,31 0,25 -0,11 0,04 0,08 PCG1_DV (0,02) (0,02) (0,02) (0,06) (0,26) (-0,19) (0,22) (0,21) (0,42) (010) 0,00 0,20 0,08 0,28 0,07 -0,41 -0,20 -0,10 0,14 -0,06 PCG2_PL (0,02) (0,01) (0,02) (0,02) (0,03) (0,41) (0,42) (0,38) (0,81) (0,21) -0,01 0,43 0,07 0,19 0,31 0,19 -0,24 0,48 0,60 0,00 PCG3_PH (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,05) (0,27) (0,22) (0,62) (0,13) 0,11 0,04 -0,08 0,09 0,06 0,00 0,16 -0,45 -0,68 0,22 PCP1_DV (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,07) (0,30) (0,69) (0,17) -0,04 0,21 0,19 0,05 0,16 0,23 0,00 0,15 0,26 -0,21 PCP2_C (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,03) (0,06) (0,60) (0,16) -0,02 0,09 0,04 0,00 0,03 0,06 0,00 0,00 0,04 -0,07 PCP3_S (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,02) (0,03) (0,03) (0,06) (0,32) 0,00 0,07 0,07 0,03 -0,01 0,00 0,05 -0,05 -0,01 0,33 Taille (0,03) (0,03) (0,03) (0,03) (0,03) (0,03)0 (0,04) (0,04) (0,04) (0,08) 1 Code: PCYx_AA : PC=Composante principale, Y=T pour le trot, G pour le galop, P pour le pas, x le rang de la composante principale de 1 à 3, AAA = abréviation de la mesure majeure de la composante, DV=déplacement verticale, PH=puissance horizontale, PL=puissance latérale, C=cadence, S=symétrie.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 105

Tableau 2 : Répétabilité et héritabilité des mesures issues de l’accélérométrie pour les 3 sauts sur le gros oxer Table 2: Repetability and heritability of accelerometry measurement of the same oxer in free jumping. Erreur Erreur Répétabilité Héritabilité Mesure Standard Standard anterieur_acceleration 0,39 0,02 0,00 0,04 posterieur_acceleration 0,44 0,02 0,13 0,07 reception_acceleration 0,54 0,02 0,05 0,05 lbalance 0,37 0,02 0,04 0,05 tot_acceleration 0,48 0,02 0,10 0,06 temps_ant_post 0,21 0,02 0,00 0,00 temps_post_planer 0,21 0,02 0,03 0,04 temps_planer 0,54 0,02 0,21 0,08 temps_planer_recep 0,26 0,02 0,07 0,05 temps_total 0,42 0,02 0,08 0,06

4.2 Saut en liberté et performances en compétition Les effectifs ne permettent de calculer pour l’instant qu’une corrélation phénotypique avec l’indice annuel de performance en compétition. Deux corrélations sont significativement différentes de zéro : une corrélation négative (-0,15) avec le temps entre la frappe des antérieurs et la poussée des postérieurs et une corrélation positive (0,21) avec le temps de planer. Les 15% meilleurs chevaux sur le temps de planer gagnent trois points d’ISO en plus à quatre ans. Les 15% de chevaux qui ont un temps entre frappe des antérieurs et poussée des postérieurs le plus faible gagnent 2 points d’indice. Dans une étude complémentaire, nous avons calculé le même type de corrélation avec les notes données par les juges à ces chevaux lors du concours d’élevage (et lors de la même épreuve de saut en liberté). Les seules corrélations significativement différentes de zéro sont celles des notes du saut (quelles qu’elles soient : 0,18 à 0,19 (monté) et 0,14 à 0,17 (liberté). Les notes d’allure et de modèle, excepté la note de croupe (0,14) sont indépendantes de l’ISO. En cumulant l’information apportée par l’accéléromètrie et les notes, la précision de la régression multiple est de 11%, la première variable introduite dans le modèle est le temps de planer, donc la hauteur sautée.

5 Conclusion Ces résultats sont les tous premiers du projet SoGen qui a l’ambition de combiner ces différents critères pour mieux caractériser la qualité des allures et de l’aptitude au saut mais aussi bientôt de décrire la morphologie. Plusieurs conclusions sont déjà accessibles. Les allures ont des caractéristiques très héritables pour le trot et le galop, même débarrassées de leur liaison physiologique avec la taille et de la vitesse choisie pour les exprimer. Elles sont génétiquement indépendantes de l’aptitude au saut : il est possible de sélectionner un cheval avec certaines caractéristiques d’allure sans entacher la réussite en compétition mais sans la prévoir non plus. Il faut simplement se méfier d’un cheval qui exprime trop de variations d’accélération horizontale au galop pour une vitesse donnée. Le pas, qui est pourtant l’objet de beaucoup d’attention, est plus sensible à l’apprentissage et moins héritable. Il n’est pas particulièrement lié aux caractéristiques du galop. Lors du saut en liberté, il faut s’attacher simplement à voir la hauteur réellement sautée par le cheval, ou à discerner le temps du planer, qui lui est proportionnel. Deux stratégies différentes sont développées par les chevaux pour franchir l’obstacle : une forte poussée des postérieurs associée à un temps de planer long ou bien des chevaux qui contractent leur foulée d’appel avec un temps court entre frappe des antérieurs et poussée des postérieurs et accusent un fort impact à la réception. Les deux, mais surtout la première, sont favorablement liées à la performance en compétition mais la corrélation demeure modeste : d’autres paramètres sont encore à appréhender. Il est possible de proposer des évaluations génétiques qui distinguent 1) les caractéristiques des allures (à taille et vitesse constante) 2) la taille (elle-même influençant les allures, avec une information sur cet effet indépendant du 1)) et 3) l’aptitude au saut. Cette palette permettrait de donner un choix vaste d’orientations

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Ricard et al. Page 106

de la sélection à chaque éleveur. Notons, qu’en plus d’une évaluation, il est possible pour la taille de fournir le génotype au marqueur génomique responsable de de près d’1/3 de la variance observée des tailles. Remerciements Les auteurs remercient chaudement tous les cavaliers, propriétaires, entraineurs, lads, organisateurs de concours qui ont mis à disposition leurs chevaux, leurs terrains et leur temps de travail et sans qui tout cela n’aurait pas été possible Ils sont reconnaissants à l’IFCE, l’INRA et le Fonds Eperon qui ont financé ces recherches. Références Barrey, E, M. Hermelin, J.L. Vaudelin, D. Poirel & J.P. Valette, 1994. Utilization of an accelometric device in equine gait analysis. Equine Veterinary Journal 17:7-12. Barrey, E, B. Auvinet & A. Couroucé, 1995: Gait evaluation of race trotters using an accelerometric device. Equine Veterinary Journal 18:156-160. Frischknecht, M., H. Signer-Hasler, T. Leeb, S. Rieder, & M. Neuditschko, 2016. Genome-wide association studies based on sequence-derived genotypes reveal new QTL associated with conformation and performance traits in the Franches-Montagnes . Animal Genetics, 47:227-229. Gianola, D., & D. Sorensen, 2004. Quantitative genetic models for describing simultaneous and recursive relationships between phenotypes. Genetics 167(3): 1407-1424. Leleu, C, F. Bariller, C. Cotral & E. Barrey, 2004. Reproducibility of locomotor test for trotter horses. Veterinary Journal 168:160-166.Frischknecht, M., H. Signer-Hasler, T. Leeb, S. Rieder, & M. Neuditschko, 2016. Genome-wide association studies based on sequence-derived genotypes reveal new QTL associated with conformation and performance traits in the Franches-Montagnes horse breed. Animal Genetics, 47:227- 229. Gianola, D., & D. Sorensen, 2004. Quantitative genetic models for describing simultaneous and recursive relationships between phenotypes. Genetics 167(3): 1407-1424. Makvandi-Nejad, S, G.E. Hoffman, J.J. Allen, E. Chu, E. Gu, A.M. Chandler, A.I. Loredo, R.R. Bellone, J.G. Mezey, S.A. Brooks & N.B. Sutter, 2012. Four loci explain 83% of size variation in the horse. PLoS ONE, 7(7) : e39929. Signer-Hasler, H., C. Flury, B. Haase, D. Burger, H. Simianer, T. Leeb & S. Rieder, 2012. A genome-wide association study reveals loci influencing height and other conformation traits in horses. PLoS ONE, 7(5) : e372282.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Conception d’un outil de suivi et d’expertise pour l’entrainement en cross

J.-F. Debril1, P. Mull2, É. Pycik2, F. Durand1, S. Biau2

1 CAIPS - CREPS de Poitiers, Château de Boivre, 86580 Vouneuil-sous-Biard, France 2 I.F.C.E. Ecole Nationale d'Equitation, BP 207 - 49411 Saumur Cedex, France

Résumé Lors du cross, le couple cavalier-cheval quitte le champ visuel de l’entraineur. Les dispositifs de mesure existants ne pallient pas ce déficit. À la demande de l’entraineur du Pôle France Jeune de concours complet et avec son concours, un outil de suivi et d’expertise pour l’entrainement en cross a été conçu et développé. Le dispositif embarqué comprend quatre capteurs de force mono-axiaux (rênes et étriers), deux centrales inertielles (tronc) et une mini-caméra (visière du cavalier). Robuste, il ne gêne pas le couple. Un logiciel entraineur a été conçu pour visualiser la vidéo enrichie des mesures. L’interface tactile, simple d’utilisation, permet une analyse du parcours avec le cavalier. Des mesures réalisées pour six cross sont présentées. Elles constituent à notre connaissance une première référence bibliographique. Les pics de force dans les étriers pendant le galop sont supérieurs à la littérature. Les accélérations au niveau des vertèbres lombaires sont source de traumatisme. L’outil est déployé par le plateau technique de l’IFCE-ENE. La base de données et son analyse permet de renseigner la discipline et d’améliorer la grille de lecture des vidéos enrichies. Mots clés : Biomécanique, instrumentation embarquée, centrale inertielle, capteur de force, vidéo, logiciel entraineur

Summary During cross-country, the couple horse/rider leaves trainer’s visual field. Existing tools don’t overcome this lack. Consequently to the Pôle France Jeune trainer’s request and with his support, a monitoring and assessment tool for cross-country training was designed and developed. This embedded tool consists of four monoaxial force sensors (reins and stirrups), two inertial measurement units placed on the trunk and a mini- camera attached under helmet visor. It doesn’t annoy the rider and the horse and it is sufficiently robust for a use during a cross-country. A trainer software was designed and allows a display of the video augmented with stirrups and reins forces and the trunk orientation. The interface is easy to use and allows a debriefing with the rider. Measures of six cross-country are presented. These constitute to our knowledge, a first bibliographic reference. Stirrups force peaks at gallop are higher than literature. Acceleration at lumbar vertebra can be source of traumatism. This tool is used on the IFCE/ENE technical platform. The data base and its analysis allow to increase knowledge of this sport and to improve augmented videos reading grid. Key-words: Biomechanics, embedded sensors, cross, IMU, force sensor, video, coaching software

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 108

Introduction La performance en équitation dépend du cheval et du cavalier. Outre les capacités physiques et physiologiques de chacun, la communication au sein du couple est prépondérante. Cette communication passe par l’interaction entre le cavalier et le cheval notamment au niveau des points de contact (jambes, rênes et assiette). Les caractéristiques de ces interactions sont liées entre autres, à la posture du cavalier et du cheval et à leurs mouvements segmentaires (théorème du barycentre et deuxième loi de Newton). L’équitation implique une indispensable gestion de son équilibre avec la particularité de participer à l’équilibre de son cheval en réorganisant le cas échéant sa motricité le plus rapidement possible pour la performance du couple. L’un des rôles de l’entraineur est d’analyser et de corriger la gestuelle du cavalier. Pour cela il se base traditionnellement sur des connaissances disciplinaires plus ou moins empiriques, son expérience, des observables de terrain ainsi que sur le ressenti du cavalier. Le concours complet en équitation est une discipline olympique depuis 1912. Cette discipline consiste à enchainer trois tests où les points de pénalités se cumulent : le dressage, le cross puis l’hippique. Le dressage est la première épreuve à être courue. Le couple cavalier-cheval effectue alors un enchainement de figures dans une carrière. Celui-ci est noté par plusieurs juges qui évaluent la précision des figures, l’obéissance et la soumission du cheval et l’attitude du cavalier. Le second test est l’épreuve de fond : le cross. Il s’agit pour le cavalier d’enchaîner dans un ordre défini un parcours d’obstacles fixes, de plusieurs kilomètres, sur terrain varié (herbe, sable, forêt, plaine, etc.), dans un ordre défini et dans un temps donné. Cette épreuve, qui se court à une vitesse plus soutenue que l’hippique, demande une grande franchise du cheval, des aptitudes d’endurance et une grande habilité du couple cavalier-cheval. Enfin, le dernier test est l’hippique qui consiste à enchainer sur une carrière un parcours d’obstacles mobiles, sans faute et dans un temps imparti. Cette dernière épreuve permet de tester la fraicheur du cheval après l’éprouvante épreuve de cross, mais aussi le respect et la technique du cheval sur un parcours imposé avec des obstacles non fixes. Pour l’entraineur, comparé à un enchainement d’obstacles en carrière, un parcours de cross ne permet pas le suivi du cavalier pendant une grande partie de son parcours, même d’un point stratégique d’observation. Le débriefing à l’issu du parcours s’en trouve altéré et basé essentiellement sur le ressenti du cavalier. D’autre part, la vitesse du couple et la rigueur des conditions environnementales (projection d’eau, de sable et de boue) rend difficile la prise de mesure et explique certainement la pauvreté des données bibliographiques concernant cette épreuve. Pour faciliter le travail de l’entraineur, il est donc nécessaire d’avoir une instrumentation embarquée robuste permettant de décrire dans les conditions d’un cross les actions du cavalier et ses interactions avec le cheval tout le long du parcours. L’outil le plus courant pour décrire la posture est le système d’analyse optoélectronique en trois dimensions. Il mesure la position de points disposés sur le corps ce qui permet en utilisant des modèles et méthodes issus de la biomécanique de déterminer la position des centres de gravité segmentaires. Ces systèmes sont limités à une utilisation sur des champs réduits sur simulateur équestre ou en manège. Une alternative basée sur des MEMS (Microelectromechanical systems) existe pour la recherche ou le médical (Xsens, APDM,…) et se développe pour l’équitation (Equisense par exemple) mais elle n’a à notre connaissance pas encore été utilisée lors d’une épreuve de cross. Plusieurs systèmes composés de capteurs de force ont été développés pour évaluer les interactions entre le cavalier et le cheval et plus précisément pour évaluer les tensions de rênes ou les forces exercées au niveau des étriers. Ces dispositifs sont encore à l’état de prototype et peu d’entre eux sont disponibles à la vente (ex : IPOS Rein Sensor®). Les actions de mains ont été évaluées dans le cadre de travaux de recherche en dressage ou à l’obstacle (Clayton et al., 2005 ; Warren-Smith et al., 2006 ; Eisersiö et al., 2015 ; Kuhnke et al., 2010). Les forces au niveau des étriers ont été évaluées au trot (Van Beek et al., 2012) et au galop (Biau et al., 2017). L’instrumentation la plus complète développée pour le terrain combine la mesure de forces uniaxiales dans les étriers, les tensions de rênes et les pressions exercées sur la selle (Biau et al., 2017). Utilisable sur simulateur ou en dressage, ce système reste inadapté aux conditions environnementales d’enregistrement sur un parcours de cross. Ces dispositifs présentent l’inconvénient d’être encombrants et filaires et par conséquent fragiles et donc inadaptés pour aux contraintes du cross. À notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée à la performance du cavalier de complet. Pour situer le cavalier sur le parcours, il existe par exemple les systèmes de positionnement par satellite (GPS) et les caméras embarquées (GoPro, Cambox Isis). L’utilisation du GPS nécessite un travail de repérage des obstacles pour pouvoir les situer sur la carte du parcours (SAP, 2014). La fréquence de mesure limitée, la dépendance aux conditions météo et à un environnement souvent couvert (forêt) sont des facteurs limitants. L’utilisation de la caméra embarquée permet d’atteindre une fréquence de prise d’images d’au moins 30 Hz

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 109

facilitant la correction et le calage précis de l’ensemble des mesures sur le parcours. Les verrous techniques sont l’encombrement de ces caméras, leur autonomie et les risques liées à leur implantation en cas de choc. Face au constat du manque d’information sur la performance du couple cavalier-cheval sur le parcours de cross, l’entraineur du Pôle France jeune de concours complet a souhaité se voir doté d’un outil spécifique de mesure et d’analyse. Forts de notre expérience en instrumentation sportive, équestre notamment, l’IFCE nous a soutenus dans la conception d’un outil de suivi et d’expertise pour l’entrainement en cross. L’objet de cet article est de présenter la méthodologie et les résultats obtenus dans le cadre de ce projet de recherche et développement.

1 Outil de mesure La conception et le développement de l’outil de mesure a été itératif, incrémental et adaptatif. L’entraineur a été associé à toutes les phases du projet pour que ce nouvel outil puisse répondre au mieux à ses besoins. Pour pouvoir repérer les mesures sur le parcours, une caméra embarquée a été synchronisée avec les autres équipements de mesure. Les interactions entre le cavalier et le cheval sont mesurées avec des capteurs de force intégrés au niveau des aides (rênes et étriers) et par l’orientation du tronc.

1.1 Localisation L’épreuve du cross se déroulant sur plusieurs kilomètres, la localisation des mesures sur le parcours est nécessaire. Elle est réalisée grâce à la caméra embarquée miniature. Le choix s’est porté sur une Cambox Isis (Cambox Horse, La Chapelle Heulin, France) de 38 g fixée sous la visière du casque, voir Figure I. La résolution des images est en HD (720p). La fréquence d’acquisition de la vidéo est de 30 Hz. Figure I : Caméra fixée à la visière du casque d’un cavalier (©A. Laurioux, IFCE) Figure I: Camera fixed under the visor of a rider's helmet

1.2 Aides Une instrumentation de chaque rêne et de chaque étrier a été réalisée sur mesure. Notre choix s’est porté sur des capteurs de force monoaxiaux. Ils ont été intégrés directement dans le plancher de l’étrier et le long de la sangle de la rêne, voir Figure II. Une électronique spécifique a été développée de manière suffisamment petite pour être portée sur la rêne sans modifier les sensations du cavalier et rendue étanche pour ne pas être détériorée par les projections humides au niveau des étriers. La fréquence d’acquisition des mesures de force est de 900 Hz. Figure II : Capteurs de force le long de la rêne à gauche et intégré au plancher de l’étrier à droite Figure II: Force sensors along the rein and integrated in the stirrup

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 110

Pour des raisons de sécurité, le système a été conçu pour que les quatre modules d’acquisition ne soient pas reliés par une connexion filaire pendant les mesures. L’étalonnage des capteurs d’efforts a été fait en laboratoire. Les quatre capteurs présentent un comportement linéaires (R² >0,9965).

1.3 Orientation du tronc La mesure de l’orientation du tronc pendant le cross présente une difficulté technique. Il n’y a pas à notre connaissance de capteur simple mesurant directement l’orientation dans ces conditions expérimentales. L’utilisation de centrales inertielles et d’un algorithme de fusion des données mesurées permet d’estimer cette orientation (Nez, 2017). Le système de centrales inertielles retenu est APDM (APDM INC., Portland, USA). Les différents capteurs sont synchronisés entre eux sans fil pendant les mesures. La fréquence d’acquisition est de 128 Hz. Deux centrales inertielles ont été positionnées sur le tronc (voir Figure III) : au milieu du sternum et au niveau de la cinquième vertèbre lombaire. Figure III : Placement des centrales inertielles sur le cavalier et orientation des axes de mesure Figure III: Inertial measurement units placed on the rider and measurement coordinate system

La centrale inertielle positionnée au milieu du sternum est associée au segment corporel du thorax. La centrale inertielle sur la cinquième vertèbre lombaire est associée au segment corporel du bassin. Les mouvements de flexion-extension sont décrits autour de l’axe médiolatéral, axe y pour le thorax et axe x pour le bassin (cf. Figure III). Les mouvements d’inclinaison vers la droite et vers la gauche sont décrits autour de l’axe antéropostérieur du cavalier. L’estimation de l’orientation du tronc se fait par rapport à une position de référence. Celle-ci a été choisie cavalier debout les bras le long du corps, voir Figure IV. Figure IV : Position de référence debout les bras le long du corps (©A. Laurioux, IFCE) Figure IV: Standing reference posture with the arms along the body

L’estimation de l’orientation du tronc avec les centrales inertielles a été comparée à une mesure de référence faite en laboratoire avec un système optoélectronique (Vicon, Oxford, UK), voir Figure V.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 111

Figure V : Angles de flexion et d’extension et d’inclinaison latérale droite et gauche du thorax calculés à partir de la centrale inertielle du sternum en rouge et de marqueurs réfléchissants suivant les méthodes de l’ISB (Wu et al., 2005) en bleu Figure V: Flexion and extension and right and left lateral inclination trunk angles calculated from the sternum inertial measurement unit in red and from reflective markers following the ISB methods (Wu et al., 2005) in blue

1.4 Synchronisation La synchronisation des systèmes de mesure passe par l’utilisation d’une connexion filaire entre les capteurs de force et un boîtier de synchronisation, voir Figure VI, d’une part et entre ce boîtier de synchronisation et celui des centrales inertielles d’autre part. Figure VI : Capteurs des aides reliés au boîtier de synchronisation Figure VI: Aids sensors connected to the synchronization box

L’appui sur le bouton du boîtier de synchronisation déclenche des événements de synchronisation pour les capteurs qui lui sont connectés. L’horodatage de chaque appui est stocké dans la mémoire interne du boîtier de synchronisation. Il est ainsi possible pendant la séance de mesure de repérer à distance la fin de l’échauffement ou le début du cross. À noter qu’il est aussi possible d’utiliser le système avec un ou plusieurs capteurs de force et/ou avec une ou plusieurs centrales inertielles. Cette flexibilité permet de s’adapter aux besoins de l’entraineur pour un l’expertise d’un cavalier donné. Concernant la synchronisation des mesures à la vidéo, deux Cambox Isis modifiées ont été utilisées. La première pouvait être pilotée par le boîtier de synchronisation. Lors de son remplacement par une nouvelle version, une synchronisation satisfaisante sur le même principe n’a pu être obtenue. La synchronisation de la vidéo se fait actuellement classiquement en recherchant l’image correspondant à un choc généré sur l’un des capteurs.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 112

2 Résultats

2.1 D’un point de vue technique 2.1.1 Mise en œuvre du matériel Le matériel de mesure a été éprouvé dans différentes conditions d’utilisation : type de travail, climat, terrains variés. Son utilisation n’occasionne aucune gêne pour les cavaliers. La position adoptée pour les capteurs de rêne et leur volume réduit ne gêne ni le cheval à l’encolure ni le guidage. Les étriers se font totalement oublier et leur accroche au niveau de la semelle est appréciée. 2.1.2 Logiciel entraineur Les mesures réalisées sont d’une part collectées dans la base de données à des fins d’études scientifiques et d’autre part misent en forme pour être visibles sur un logiciel dédié à l’entraineur. La Figure VII présente l’écran principal du logiciel entraineur utilisable en tactile et à la souris. Il a été développé pour le système Windows 10. Figure VII : Interface de visualisation des mesures et de la vidéo Figure VII: Interface of the measures and the video

La conception de l’ergonomie du logiciel a fait l’objet d’échanges réguliers avec l’entraineur. La facilité d’utilisation et le caractère pédagogique ont été privilégiés tout en respectant la justesse et la pertinence des mesures. Le principe de ce logiciel est d’enrichir la vidéo avec l’affichage sélectif des données mesurées à l’aide des boutons latéraux. L’intensité des forces dans les aides est représentée au milieu en haut de la vidéo. L’effort au niveau de l’étrier est représenté par une flèche vers le bas et la tension dans les rênes par un rond. La taille des items augmente en fonction de l’intensité de l’effort. La couleur de l’item passe du vert au rouge sur le même principe. L’inclinaison du thorax est représentée par un point sur le cheval en vue de dessus dans la partie supérieure droite de l’écran. Plus l’angle de flexion est important et plus le point se déplace vers l’avant. Le plus grand cercle représente 90° de flexion. Par analogie, l’extension est représentée par un déplacement du point vers l’arrière du cheval, l’inclinaison latérale droite ou gauche par un déplacement vers la droite ou vers la gauche du cheval. Sur la Figure VII, le cavalier effectue un virage vers la droite. Son thorax est incliné faiblement vers la droite (point vert sur la vue de dessus). Une tension faible est exercée dans les rênes (points verts). Un effort plus important est relevé sur l’étrier gauche (flèche jaune) que sur l’étrier droit (flèche verte). Une fois que l’entraineur a choisi les capteurs qu’il souhaite visualiser, un export de la vidéo enrichie est possible en appuyant sur le bouton « Générer une vidéo » en haut à gauche. La vidéo produite est au format standard et lisible sur tout matériel et lecteur. Lorsque les mesures d’une zone intéressent plus particulièrement l’entraineur, l’appui sur le bouton « Graphs » en haut à droite permet d’afficher un écran présentant les mesures sous forme de courbes à 90 Hz.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 113

2.2 D’un point de vue scientifique L’outil de mesure a été utilisé pour l’enregistrement de galops et de cross. À notre connaissance, il est le premier à avoir réalisé des mesures embarquées avec des capteurs de forces au niveau des aides et des centrales inertielles au niveau du tronc lors d’un cross. Les valeurs présentées concernent six cross enregistrés dans le cadre d’entrainements de cavaliers de complet (instructeur, cavaliers du pôle France jeune et cavaliers en formation sport dispensés à l’ENE). Ces premiers résultats sont confrontés aux connaissances actuelles de la littérature. Ces premiers enregistrements et les suivants alimentent une base de données et améliorent notre connaissance de la discipline. La grille de lecture consécutive permet d’enrichir continuellement logiciel entraineur. 2.2.1 Mesures des aides La Figure VIII présente un exemple de forces mesurées dans les aides à l’abord et à la réception d’un obstacle pour un cavalier de 74 kg. Le pattern des foulées de galop avant l’obstacle est semblable à celui de la littérature (Biau et al., 2017). Le saut correspond à une phase où les forces sont très réduites. À la réception les pics de forces dans les étriers correspondent à 1,1 et 1,8 fois le poids du cavalier sur les étriers gauche et droit respectivement. Figure VIII : Efforts dans les rênes (gauche en rose et droite en vert) et dans les étriers (gauche en rouge et droite en bleu) à l’abord et la réception d’une haie en cross pour un cavalier de 74 kg Figure VIII: Reins forces (pink for left and green for right) and stirrups forces (left in red and right in blue) at the approach and reception of a vegetal fence for a 74 kg rider

La bibliographie ne fait pas état d’une description complète des interactions mécaniques entre le cavalier et le cheval. Elle rapporte essentiellement des valeurs de tensions de rênes aux trois allures en ligne droite (Saute, 2015) et pendant une séance complète avec des figures de dressage (Eisersiö et al., 2015). Les moyennes des tensions de rênes sont comprises entre 3,18 et 7 N pour le pas, entre 3,53 et 35 N pour le trot et entre 16,5 et 38 N pour le galop (Saute, 2015), les pics de tension pouvant atteindre 43 N au pas, 51 N au trot et 104 N au galop (Clayton et al., 2005). Les résultats obtenus avec l’équipement présenté dans cet article, pour six cross, sont cohérents par rapport aux valeurs de la littérature : la moyenne des tensions des rênes (calcul du root mean square) pendant les périodes de galop du cross est de 53 ±30 N à droite et 52± 22 N à gauche, avec des valeurs maximales des tensions de rênes à droite de 99±65N et de 95±44 N à gauche. Concernant les actions de jambes dans la littérature, elles ont été partiellement évaluées en mesurant une force sur les étriers au trot (Van Beek et al., 2012) et au galop (Biau et al., 2017). Au trot enlevé, le cavalier exerce une force équivalente à 1,17 fois son poids par étrier lors de la phase enlevée, soit 2,34 fois son poids

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 114

sur les deux étriers. Au galop assis, les forces d’interaction sont quasiment deux fois moins élevées qu’au trot enlevé (0,37±0,08 au galop et 0,93±0,06 au trot pour la moyenne des pics de force normalisés par le poids du cavalier, Biau et al., 2017). Les résultats obtenus avec l’équipement présenté dans cet article, pour six cross, complètent ceux de la littérature. La moyenne des pics de force mesurés sur les étriers, normalisés par le poids du cavalier, pendant les phases de galop des six cross est de 1,1±0,2 pour l’étrier gauche et 1,0±0,4 sur l’étrier droit. Ces valeurs sont plus élevées que pendant le galop assis ou le trot enlevé. Ceci peut s’expliquer par le fait que le cavalier est en partie en équilibre sur ses étriers. 2.2.2 Mesures des centrales inertielles • Accélérations Le Tableau 1 présente la moyenne des pics d’accélération mesurés suivant les trois composantes des accéléromètres inclus dans les centrales inertielles. Tableau 1 : Moyenne des pics d’accélération pendant les sauts en g (g=9,81 m/s²) pour les six parcours soient 77 sauts Table 1: Average acceleration peaks at fences in g (g=9.81m/s2) for six courses (77 fences) Sternum Lombaire Médiolatéral Vertical Antéro-postérieur Médiolatéral Vertical Antéro-posétieur Saturation de Saturation de 0,7±0,4 4% des sauts 2,3±1,0 1,1±0,5 45% des sauts 2,1±0,9 Saturation du capteur à 6 g. Les pics d’accélération mesurés pendant les cross sont particulièrement élevés au niveau des lombaires. Les vertèbres supportent au moins six g pour près d’un saut sur deux. Chaque pic d’accélération se traduit pour la structure ostéo-articulaire par un pic de force au niveau des vertèbres lombaires. La valeur des pics ainsi que leur répétition pendant un cross constituent une origine de troubles musculo-squelettique (Bernard, 1997). Ces valeurs restent à prendre en considération dans le cadre de la préparation physique du cavalier pour préserver la santé. Ces premières valeurs d’accélération correspondent aux valeurs pressenties dans le cahier des charges. En effet, des pics d’accélération ont été enregistrés sur le cheval à la réception d’obstacle en carrière. Ces valeurs atteignaient quatre g (Barrey et al., 1997). D’autre part, une étude (Wolframm et al., 2013) nous avait orientés vers un facteur deux entre les accélérations du cheval et celles du cavalier. Bien qu’il s’agisse d’allure de dressage, l’accélération au niveau du sternum du cavalier tendait vers le double de l’accélération enregistrée au niveau du sternum du cheval. Ces valeurs pressenties sont en deçà pour le sternum du cavalier (seulement 3% des sauts >6g) en revanche elles ont été largement obtenues au niveau des lombaires. Les résultats de ces premiers enregistrements montrent que la région des lombaires est plus sollicitée que le haut du rachis • Angles de flexion-extension et d’inclinaison latérale du tronc Comme pour les tensions de rênes et les forces exercées sur les étriers, la bibliographie rapporte des valeurs d’angles principalement pour des allures de dressage, et à partir de prise de mesures cinématiques. Les amplitudes de flexion-extension du buste (grand trochanter/pointe de l’épaule, Lovett et al., 2005) sont de 5,98° au pas ; 4,18° au trot et 4,78° au galop ou encore de 11° ±4,8 au pas et 15,7°± 4,5 au trot, (C7, sacrum et les 2 épaules, Byström et al., 2009). Les valeurs maximales sont de l’ordre de 30° à l’obstacle lors de la foulée d’appel (grand trochanter/pointe de l’épaule ; Galloux, 1995). Aucune étude n’a été réalisée dans les conditions d’un cross. Les valeurs de flexions-extensions calculées pendant les périodes de galop des cross que nous avons enregistrés varient en fonction des cavaliers de -13° (extension) ±10 à 30°±2 au niveau du sternum et de 28°±7 à -37±7 au niveau des lombaires. En ce qui concerne les résultats de l’inclinaison du buste (ou adduction/abduction), Byström et al. (2009) évaluent cette amplitude sur tapis roulant : 4,0° ±0,9 au pas et 5,9°±1,1 au trot. Les valeurs d’inclinaison que nous avons calculées pendant les périodes de galop des cross enregistrés varient en fonction des cavaliers de 5°±4 à 28°±4 pour les lombaires et jusqu’à 47°±7 pour le sternum. 2.2.3 Stratégies motrices A partir des valeurs d’angle de flexion-extension du thorax et du bassin, à chaque instant, une classification des postures a été proposée, voir Figure IX.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 115

Figure IX : Postures à cheval en fonction des flexions et extensions du thorax et du bassin Figure IX: Rider’s postures on the horse depending of flexion/extension of the pelvis and the chest

Cette classification permet de déterminer les postures préférentielles d’un cavalier lors du cross mesuré. Le Tableau 2 présente les postures préférentielles pour chaque cavalier. La posture 1, flexion verrouillée, semble prédominante pour 4 cavaliers. Deux cavaliers semblent privilégier le déverrouillage entre le bas et le haut du rachis, postures 9 et 7. Tableau 2 : Temps passé, en pourcentage de la durée du cross, dans les 13 postures (Figure IX) pour les six cavaliers Table 2: Time spent, in percentage of the duration of a cross country, in the 13 postures (Figure IX) for the six riders 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Cav 1 1 19 1 0 11 3 34 3 28 0 0 0 0 Cav 2 37 4 8 0 0 0 1 15 31 0 0 4 0 Cav 3 45 6 4 0 0 0 1 6 31 0 0 7 0 Cav 4 22 3 3 0 0 0 2 22 46 0 0 1 1 Cav 5 51 2 8 0 2 1 22 1 8 0 0 4 1 Cav 6 59 2 14 0 5 0 11 0 7 0 0 2 0

3 Conclusion et perspectives L’outil de mesure développé est à notre connaissance le premier à permettre de réaliser des mesures embarquées sur un cross. Le cavalier n’est pas du tout gêné par son utilisation. Le logiciel entraineur associé présente une visualisation synchrone des mesures avec la vidéo filmée depuis la visière du cavalier. Le succès de la conception de cet outil d’expertise a reposé sur un travail collaboratif et de nombreux allers-retours entre l’entraineur avec ses besoins sur le terrain et les scientifiques. Les mesures réalisées pour six cross constituent une première référence bibliographique décrivant la discipline. L’analyse de ces mesures permet de constituer les premiers indicateurs d’évaluation objective de la performance produite. Si les efforts dans les rênes sont équivalents à ceux de la littérature, les efforts au plancher des étriers sont supérieurs. Les accélérations subies au niveau des vertèbres lombaires sont source de troubles musculo-squelettiques. Une définition des stratégies posturales préférentielles est aussi accessible. Ces premiers indicateurs permettent d’enrichir la grille de lecture associée au logiciel entraineur. Ainsi, l’entraineur dispose d’informations nouvelles et pertinentes pour orienter ses consignes techniques et sa programmation d’entrainement du cavalier. L’outil de mesure est maintenant exploité par le plateau technique de l’IFCE-ENE. Il permet à ses chercheurs de fournir au cavalier un compte-rendu d’expertise personnalisé pour chaque cross réalisé et d’enrichir la base de données. À court terme, le dispositif de mesure peut être enrichi d’autres capteurs dont les mesures seront intégrées au logiciel entraineur. Pour faciliter l’utilisation de l’outil de mesure, la synchronisation des capteurs entre eux et avec la caméra peut être améliorée. Cette synchronisation peut s’étendre aux systèmes de chronométrage

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J.-F. Debril et al. Page 116

utilisés pour la compétition. À moyen terme, une diffusion en direct des mesures à destination de l’entraineur ou pour la promotion de cette discipline olympique peut être envisagée. Remerciements Ministère des Sports, Région Nouvelle-Aquitaine, CNRS, Université de Poitiers, CRITT Sport-Loisirs, E- molab. Références Barrey, E., Galloux, P., 1997. Analysis of the equine jumping technique by accelerometry. Equine Vet. J. 23 (suppl.): 45-19. Bernard, B.P., 1997. Musculoskeletal disorders and workplace factors: A Critical review of epidemiologic evidence for work-related musculoskel, ntis édition. DHHS (NIOSH) Publication No. 97-141. Biau, S., Debril, J.-F., 2017. Descriptif des aides au trot et au galop en ligne droite. Journée de la Recherche Equine 2017 – Actes de colloques, pp. 110-116. Byström, A., Rhodin, M., von Peinen, K., Weishaupt, M.A., Roepstorff, L., 2009. Basic kinematics of the saddle and rider in high-level dressage horses trotting on a treadmill. Equine Vet J.; 41(3):280-4. Clayton, H., Singleton, W., Lanovaz, J., Cloud, G., 2005. Strain gauge measurement of rein tension during riding: a pilot study. Equine and Comparative Exercise Physiology, 2(3), pp.203-205. Eisersiö, M., Rhodin, M., Roepstorff, L., Egenvall, A., 2015. Rein tension in 8 professional riders during regular training sessions. Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research, 10(5), pp.419- 426. Galloux, P., 1995. Analyse du mouvement du cavalier à l’obstacle- Santé couple cavalier-cheval tome 69- Médecine du sport –HS. Kuhnke, S., Dumbell, L., Gauly, M., Johnson, J., McDonald, K., König von Borstel, U., 2010. A comparison of rein tension of the rider's dominant and non-dominant hand and the influence of the horse's laterality. Comparative Exercise Physiology, 7(02), pp.57-63. Lovett, T., Hodson-Tole, E., Nankervis, K., 2005. A preliminary investigation of rider position during walk, trot and canter. Equine Comp. Exerc. Physiol. 2, 71–76. SAP, 2014. Vidéo visionnée à : https://youtu.be/IPBTEddxdlQ [accès le 9 janvier 2018].Nez, A., 2017. Mesure inertielle pour l'analyse du mouvement humain : Optimisation des méthodologies de traitement et de fusion des données capteur, intégration anatomique. Biomécanique, bio-ingénierie. Université de Poitiers. Saute, C., 2018. La tension dans les rênes : causes et conséquences, Etude bibliographique. Equ’idée, [online], février 2015. Disponible à : http://haras-nationaux.fr/information/accueil-equipaedia/articles- equidee.html [accès le 5 janvier 2017] van Beek, F., de Cocq, P., Timmerman, M., Muller, M., 2012. Stirrup forces during horse riding: A comparison between sitting and rising trot. The Veterinary Journal, 193(1), pp.193-198. Warren-Smith, A., Curtis, R., Greetham, L. and McGreevy, P., 2007. Rein contact between horse and handler during specific equitation movements. Applied Animal Behaviour Science, 108(1-2), pp.157-169. Wolframm, I.A., Bosga, J., Meulenbroek, R.G.J., 2013. Coordination dynamics in horse-rider dyads Human Movement Science » Wu, G., van der Helm, F. C., (DirkJan) Veeger, H., Makhsous, M., Van Roy, P., Anglin, C., Nagels, J., Karduna, A. R., McQuade, K., Wang, X., Werner, F. W. et Buchholz, B., 2005. Isb recommendation on definitions of joint coordinate systems of various joints for the reporting of human joint motion – part ii: shoulder, elbow, wrist and hand. Journal of Biomechanics, 38(5), pp.981-992.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Développement d’un système embarqué pour l’analyse de l’effet du cavalier sur la biomécanique du cheval monté et son application à la création d’une selle connectée.

P. Martin1, H. Chateau2, L. Chèze3

1 Dr Pauline Martin, CWD-VetLab, Chemin Fontaine de Fanny 24300 NONTRON 2 Pr Henry Chateau, CWD-VetLab, ENVA, USC 957 BPLC, 94704 MAISONS-ALFORT 3 Pr Laurence Chèze, Université Claude Bernard Lyon 1, LBMC, 69675 BRON

Résumé Le projet Saddle In Motion avait pour objectif d’améliorer les connaissances sur la biomécanique du cheval monté grâce au développement d’un système d’analyse embarqué. Un des premiers axes de travail était de mieux comprendre l’effet global du cavalier en comparant le trot monté et non monté et l’effet de la position du cavalier au cours du trot enlevé sur la biomécanique globale du cheval. Le déploiement de ce système embarqué (synchronisant centrales inertielles, tapis capteur de pression, capteur de force d’étrier et cinématique par marqueurs réfléchissants 2D) a permis de montrer qu’une augmentation de la pression sur le dos du cheval et la présence du cavalier entraîne une diminution de la mobilité du dos du cheval dans les régions thoracique et thoracolombaire. De plus, la cinématique du dos du cheval est dépendante de la position du cavalier. Les données récoltées propre à la biomécanique du cheval ont conduit à la création d’une selle connectée, la iJump avec pour objectif une nouvelle approche de la pratique de l’équitation et le suivi de la carrière sportive du cheval. Mots clés : biomécanique, système embarqué, selle connectée.

Summary The aim of the Saddle In Motion project was to improve knowledge of the biomechanics of the ridden horse through the development of an on-board system. One of the first axis of work was to better understand the global effect of the rider by comparing the ridden and unridden trot were compared. The effect of the rider’s position during rising trot was also studied. The use of this on-board system (Inertial Measurement Units, pressure mat, stirrup force sensors and kinematics) allowed to demonstrate that an increase of the pressure due to the rider on the horse’s back results in decreased mobility of the thoracic and thoraco-lumbar region of the back. The collected data specific to the biomechanics o the horse led to the creation of a smart saddle: the iJump. This saddle gives a new approach to the practice of riding and the monitoring of the horse’s sporting career. Key-words: biomechanics, on-board system, smart saddle.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 118

Introduction La simple observation visuelle d’un cheval monté comparé à un cheval en liberté montre un changement d’attitude et de locomotion induite par la présence du cavalier. De plus, la selle et le cavalier font partie des nombreux facteurs pouvant influencer l’apparition de douleurs dorsales chez le cheval et diminuer sa performance. Malgré tout, peu d’études portent sur l’interaction cavalier, selle et cheval et aucune ne s’intéresse à la région soutenant la selle, le rachis thoracique. Le premier objectif du projet Saddle In Motion était de comparer le trot en main et monté afin d’évaluer l’effet du cavalier sur les mouvements de flexion- extension du rachis équin incluant la partie thoracique sous la selle lors du trot. De plus, le couple cavalier-cheval est un système dynamique et le cavalier ne peut être considéré comme un poids inerte. Ses mouvements, particulièrement lors du trot enlevé, vont affecter la charge transmise au dos du cheval. Notre second objectif était d’analyser l’effet de la position du cavalier au trot enlevé sur la distribution des pressions, les mouvements du rachis, les forces exercées sur les étriers et la locomotion du cheval. La diversité des données analysées avait pour objectif une meilleure compréhension du couple cavalier- cheval et de leurs interactions. Ces informations récoltées dans le cadre du projet de recherche Saddle In Motion ont aussi été la base d’un développement produit destiné au cavalier. La rigueur, la précision et la qualité des informations issues de cette recherche ont permis de développer la première selle connectée, la iJump, permettant d’aller plus loin dans l’entrainement et la gestion de la carrière sportive de son cheval.

1 Matériels & Méthodes

1.1 Chevaux et cavalier Trois chevaux (7-12 ans, 1,68-1,75 m) de l’Ecole Nationale d’Equitation (IFCE Saumur) sans signes cliniques de problèmes dorsalgiques ou de boiteries ont été exploités. Ils étaient équipés avec une couverture élastique permettant la mise en place des centrales inertielles (Figure I). Un cavalier expert (70 Kg) de l’Ecole Nationale d’Equitation montait les chevaux avec une selle 2Gs (CWD). La selle était la même et adaptée pour tous les chevaux. L’étude fut approuvée par le comité d’éthique Anses/ENVA/UPEC avec le numéro 15-042.

1.2 Matériels Cinq centrales inertielles (HIKOB Fox) ont été synchronisées via un transmetteur sans fil. Ces centrales étaient attachées à une batterie commune. Chaque centrale contenait un accéléromètre tri-axe (+/- 8g), un gyroscope tri-axe (+/- 2000°/s) et un magnétomètre tri-axe (+/- 8,1 Gauss). Elles étaient positionnées sur les chevaux avec des mousses sur mesure au niveau des vertèbres T6, T12, T16, L2 et L5 (identifiées par palpation des processus épineux). Ces positions permettent de calculer 4 angles : T6-T12, T12-T16, T16-L2, L2-L5 (Figure I). Les centrales inertielles enregistraient à une fréquence de 100Hz. Deux caméras (IDS GmbH) avec une résolution de 1280x550 pixels filmaient un champ de 15 mètres de long et cinq mètres de haut permettant l’enregistrement de cinq ou six foulées successives de trot. Un software développé en interne enregistrait de façon synchronisée les deux vidéos à une fréquence de 75 images par secondes. La conversion pixel/centimètres était réalisée par une structure rigide de deux marqueurs portée sur la croupe. La distribution de pression entre la selle et le dos du cheval était mesurée par un tapis capteur de pression (Novel) consistant en deux parties avec 128 capteurs (9,375cm²) sur la partie gauche et droite du dos du cheval. La fréquence d’enregistrement était de 75Hz. Le tapis était calibré par une structure de calibration avant chaque mesure entre 2-200 kPa. La dérive des mesures a été testée comme décrit par de De Cocq et al. (2006) et était bonne ou excellente. Le tapis était remis à zéro avant chaque essai. Les forces exercées sur les étriers étaient mesurées en utilisant un capteur de force. Deux capteurs de tension/compression (Futek) étaient placés entre les étrivières et l’étrier. Ils étaient ensuite connectés à un hub sans fil (convertisseur analogique-digital et data logger, Microstrain). La fréquence d’échantillonnage était de 128Hz. Synchronisation – Le début de l’enregistrement était donné par le logiciel Pliance du tapis capteur de pression grâce à une communication Bluetooth entre l’ordinateur et le boitier d’acquisition sur le cheval. Un boitier de synchronisation a été ajouté au système pour envoyer un signal aux centrales inertielles et au convertisseur. Une LED contrôlée à distance était connectée à un relais électronique et pluggée sur une voie du convertisseur afin de synchroniser les caméras 2D avec les autres matériels.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 119

1.3 Protocole de mesure Toutes les mesures ont été réalisées dans un manège de l’ENE et commençaient par une mesure statique de 45s. Chaque cheval était trotté en main, et au trot enlevé au trot enlevé sur une ligne droite à une vitesse moyenne de (3,8m/s). Le même nombre d’essai (six par cheval et par condition (monté/non-monté)) était enregistré. Le cavalier trottait sur le diagonal droit.

1.4 Analyse des données Détection des foulées- Toutes les données ont été exportées dans Matlab. Chaque foulée a été déterminée, le début de chaque foulée était défini comme le moment où le pied de l’antérieur droit rentrait en contact avec le sol. La détection des temps de contact et des phases de soutien était basée sur la vitesse horizontale du marqueur sur le pied (Peham et al., 1999). Les données étaient normalisées en pourcentage de foulée. La vitesse du cheval était mesurée en utilisant la trajectoire du centre de gravité. Centre de gravité- La trajectoire du centre de gravité (CG) du cheval et du cavalier a été calculée à partir des barycentres de chaque CG de chaque segment anatomique déterminés en utilisant une méthode de régression. Les segments anatomiques et les coefficients de poids utilisés pour les chevaux étaient issus de l’étude de Sprigings (Sprigings et al., 1986) et de l’étude de Leva (De Leva, 1996) pour le cavalier. L’amplitude verticale du CG cavalier, cheval et la différence entre les deux était calculée. Angles du métacarpe et du métatarse – L’angle entre le métacarpe (respectivement tarse) et la verticale était calculé. Les protraction et rétraction maximales du membre étaient définies respectivement comme l’angle entre le métacarpe/tarse et la verticale au début et la fin du poser du pied. Le minimum, maximum et l’amplitude de chaque angle étaient analysés. Cinématique de la colonne vertébrale – L’angle de flexion-extension entre deux centrales successives était obtenue par l’intégration de la vitesse angulaire à partir du gyroscope (Martin et al., 2014). Pour chaque angle et chaque foulée de trot, deux minima, deux maxima, et deux amplitudes correspondant aux deux phases de trot étaient recherchées. Pression- La distribution des pressions était analysée pour le tapis complet et était subdivisée transversalement en trois parties (crâniale, intermédiaire, caudale). La partie crâniale était approximativement comprise entre T6-T12, la partie intermédiaire entre T12-T16 et la partie caudale entre T16 et L3 (Figure I). Pour chaque partie et pour le tapis entier, l’aire de contact et la pression moyenne étaient calculées à chaque instant et la foulée normalisée. L’aire de contact était définie comme l’aire des capteurs soumis à une pression supérieure à 2 kPa. Forces sur les étriers – Minimum et maximum de la force (N) exercées sur l’étrier gauche et droit calculées pour chaque foulée normalisée. Afin d’analyser et de comparer les données entre elle, les forces sur les étriers et les pressions exercées sur le dos du cheval ont été normalisées par le poids du cavalier.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 120

Figure I : Photographie du cheval 1 montrant la position des centrales inertielles, tapis capteur de pressions (Cr : Crâniale, Mi : Intermédiaire, Cd : Caudale) et les marqueurs cinématiques réfléchissants. Les angles du metacarpe et du métatarse sont présentés. Figure I : Pictures of horse 1 showing the position of inertial measurement units, pressure sensor mats (Cr : Cranial, Mi Middle, Cd : Caudal) and reflective kinematic markers. The angles of the metacarpal and metatarsal are presented.

1.5 Analyse statistique Trois chevaux ont été trottés non montés avec la selle et au trot enlevé à main droite (3,9±0,4m/s) par le même cavalier (80 foulées). La moyenne ± SD de chaque paramètre pour l’analyse trot monté/non monté et pour la position assise/enlevée a été comparée en utilisant un test de t-Student (p=0,05).

2 Résultats

2.1 Comparaison trot non monté et trot monté Pendant la phase assise du trot enlevé, la mobilité du dos du cheval en flexion-extension sous la selle diminue de – 33% et de -26% pour les régions T12-T16 et T16-L2 respectivement. On constate un report de la mobilité du dos en zone crâniale de + 168% en T6-T12 (Figure II). En parallèle, on constate une augmentation d’amplitude du métacarpe et du métatarse de + 7% au cours de la foulée de trot, comme déjà observée par De Cocq et al. (2004).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 121

Figure II : Histogramme présentant les amplitudes des angles du dos pour le cheval non monté (bleu ciel) et monté (bleu foncé) pendant les phases enlevée et assise du trot (3,8m/s). Figure II: Bar charts showing the range of motion (ROM) of spine angles for unridden (light bars) and ridden (dark bars) conditions during the standing phase and during the seated phase at trot (3.8m/s).

2.2 Effet de la position du cavalier Lors du trot monté enlevé, pendant la phase assise comparée à la phase enlevée, les amplitudes de T12-T16 et T16-L2 sont significativement diminuées (-3,2° ; -1,2°) et les amplitudes de T6-T12 et L2-L5 sont significativement augmentées (+1,7° ; +0,7°). Enfin, lors de la phase assise, le maximum du déplacement vertical du CG cavalier est significativement plus faible (-23cm) avec un CG cavalier plus proche du CG cheval. Les deux phases du trot sont visibles sur la trajectoire du CG du chevalet les deux phases sont similaires (Figure III.a). Pour le cavalier, l’amplitude du déplacement vertical du CG était plus faible pendant la phase enlevée que la phase assise. Les forces sur les étriers montrent deux pics de même intensité pour chaque foulée avec une force plus importante pour la phase enlevée. Les forces maximales appliquées sur l’étrier droit et gauche sont respectivement de 7,4±1,6 N/Kg et 7,5±1,0 N/Kg. Pour cette même phase, le pic de force des étriers est légèrement en avance comparé au pic de force de la selle (Figure III.b). Pendant la phase assise, la pression exercée sur le tapis entier augmente significativement de +3,1kPa, localisée sur les parties caudale et intermédiaire, sous l’assise du cavalier. Les courbes de force des étriers montrent deux pics par foulée qui représentent les deux phases du trot (Figure III.b). Pendant la phase « enlevée », la pression exercée sur le dos est localisée sur la partie crâniale et intermédiaire, région des couteaux d’étrivières. A l’inverse, pendant la phase assise, la force était localisé en majorité sur les régions caudale et intermédiaire, sous l’assise du cavalier (Figure III.c). La force maximale exercée par le cavalier et la selle (déduite de l’accélération du CG) était 27,6±1,3 N/Kg à 68% de la foulée pendant la phase assise et 15,7±0,7 N/Kg à 19% de la foulée pendant la phase enlevée pour l’accélération du CG et du tapis.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 122

Figure III : Déplacement moyen du centre de gravité (CG) du cavalier et du cheval (a), force moyenne des étriers et de la selle sous le tapis entier (b) et la partie crâniale intermédiaire et caudale du tapis (c) mesurés sur trois chevaux pendant 80 foulées au trot enlevé. Forces exprimées en Newton/Kg (Ratio de la force/le poids du cavalier). Figure III: Mean displacement of the centre of mass (COM) of the rider and the horse (a), mean stirrups force and mean saddle force for entire mat (b) and the cranial, middle and caudal part of the mat (c) measured on three horses during 80 strides at rising trot. Forces are expressed in Newton/Kg (BW= ratio of force/mass of the rider).

(a)

(b)

(c)

------: CG cavalier (a), ------: CG cheval (a), ------: Force sous le tapis entier (b), ------: Force sur l’étrier droit (b), ------: Force sur l’étrier gauche (b), ------: Force selle_cavalier (b), ------: Force sur la partie crâniale (c), ------: Force sur la partie intermédiaire (c), ------: Force sur la partie caudale (c).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 123

3 Discussion Plusieurs études ont démontré que la selle et le cavalier avaient un effet significatif sur la biomécanique du dos du cheval (De Cocq et al. (2004,2009)). Cependant, notre étude est la première à mesurer les mouvements du dos sous la selle. Quelques limites sont cependant à noter comme le nombre de chevaux relativement faible du fait de la complexité du protocole. Lorsque le cavalier est assis, la partie du dos sous l’assise du cavalier est significativement moins mobile que lorsque le cheval bouge librement. Le cheval semble donc tendre son dos pour contrer le poids du cavalier durant la phase assise du trot enlevé. Il est intéressant de rappeler que les exercices d’entrainement basiques de dressage ont pour objectif d’assouplir et tonifier le dos du cheval pour supporter le poids du cavalier. Enfin, les mouvements des membres sont aussi affectés par la présence du cavalier. Ces résultats confirment l’hypothèse de De Cocq et al. (2004) sur le fait que le cheval adapte ses allures en augmentant l’angle de rétraction des antérieurs pour contrebalancer l’extension du dos due à un poids complémentaire. L’étude du trot enlevé permet l’analyse dans la même allure et même foulée de l’effet d’un changement de position du cavalier sur des paramètres biomécaniques. Quelques études (De Cocq et al., 2009; Van Beek et al., 2012) se sont focalisées sur l’effet du trot assis et enlevé sur la distribution des pressions, les forces sur les étriers ou les mouvements de la région lombaire du dos du cheval. L’originalité de notre étude est de combiner différents matériels pour suivre l’effet global du cavalier pendant le trot. Pour mieux comprendre cette action, les centrales inertielles ont été positionnées sous la selle au niveau thoracique. Quand le cavalier est assis, nos résultats montrent que la pression exercée sur la région intermédiaire et caudale augmente comme noté par Byström et al. (2010). De façon concomitante, les forces exercées sur les étriers décroient comme mesurées par Van Beek et al. (2012). Cette augmentation de la pression appliquée par le cavalier a une influence sur la mobilité du dos du cheval. L’amplitude de mouvement du dos diminue significativement dans la région T12-T16-L2 pendant la phase assise comparée à la phase enlevée. Pendant cette même phase, les forces exercées sur les étriers représentent 3,3±0,9 N/Kg et 3,1±1,0 N/Kg sur les étiers droit et gauche respectivement. Ces données sont proches de celle de Van Beek et al. (2012) avec un pic de 3,3±0,3N/Kg pour la même phase. De même, pendant la phase enlevée, nous voyons une augmentation de la pression sur la partie crâniale de selle en même temps qu’une diminution sur les zones intermédiaire et caudale. Les pressions exercées par le cavalier et la selle sont localisées sous les couteaux d’étrivière. En effet, la force totale exercée par les étriers était de 14,9 N/Kg qui est proche du pic de force calculé par le tapis capteur de pression (14,1±0,1 N/Kg). Pendant la phase assise, la force totale sur les étriers était de 5,4 N/Kg et le pic de force sur le tapis entier était de 22,5±0,1 N/Kg. La force exercée sur le dos du cheval était 1,6 fois supérieure pendant la phase assise.

4 Application du projet de recherche Saddle In Motion au développement d’une selle connectée La mise en place sur le cheval de différents matériels électroniques avait pour objectif de mieux comprendre sa biomécanique lors de l’effort sportif. Le développement d’un système innovant et miniaturisé de centrales inertielles positionné sous la selle nous a permis d’obtenir des données nouvelles concernant la biomécanique du cheval monté. Plusieurs études ont montré que l’analyse de la locomotion du cheval était réalisable à partir d’un accéléromètre placé sous la sangle. Dans le cas des centrales inertielles, l’accéléromètre est complété par un gyroscope et magnétomètre tri-axes apportant des informations complémentaires. Chacune des données issues de chaque axe de ces matériels montrent des patterns caractéristiques permettant d’analyser la locomotion et la biomécanique du cheval à l’effort. Lors du projet de recherche Saddle In Motion, plusieurs algorithmes de détection d’évènements basés sur les signaux récoltés des centrales inertielles ont ainsi été déployés (détection allures, moment de foulées ou de saut. Figure IV). En effet, les trois allures et le saut ont été étudiés, même si seul le trot a été présenté dans les résultats précédents. Les premières analyses des courbes brutes des centrales inertielles placées sur la ligne du dos du cheval nous ont poussé à transférer le travail de recherche effectué en un produit pour les cavaliers permettant de mieux comprendre son cheval et d’optimiser son entrainement.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 124

La complémentarité des données des centrales inertielles avec celles issues de la cinématique à marqueurs réfléchissants utilisés lors de Saddle In Motion ont permis de valider nos premiers algorithmes de détection d’allures. Figure IV : Courbes d’accélérométrie issues de la centrale inertielle positionnée sur le garrot, cheval 3, projet Saddle In Motion. La correspondance des évènements du galop est indiquée par les flèches. Figure IV: Accelerometry curves from the inertial measurement unit positioned on the withers, horse 3, Saddle In Motion project. The correspondence of the events of the canter is indicate by the arrows.

Contrairement au projet Saddle In Motion, il était primordial que l’électronique soit protégé de l’environnement extérieur. L’intégration au sein de la selle, au niveau du pommeau, zone fixe et proche du centre de gravité du cheval a été décidée. La validation du positionnement a été réalisée en analysant les sorties de nos algorithmes de détection d’allures par rapport à la centrale inertielle posée au niveau du garrot. L’objectif de la selle connectée iJump est de mettre à portée des informations quantifiées et objectives du travail du cheval lors du saut d’obstacle. L’automatisation de reconnaissance d’évènements et d’allures a tout d’abord été réalisée. En parallèle, plusieurs paramètres du cheval de saut d’obstacle ont été identifiés auprès des cavaliers. A partir des courbes issues de l’électronique dans la selle, le traitement du signal nous a permis de calculer, la régularité de l’allure, l’équilibre antéro-postérieur à l’appel, la vrille du garrot lors de la poussée des postérieurs, la fréquence des foulées à l’abord, le nombre de foulées nécessaires à la reprise d’un galop en équilibre à la réception. Le calcul de certains de ces paramètres exploitent la littérature. L’autre partie a été validée en confrontant les résultats de la selle avec un système cinématique de référence. La vitesse et la longueur de foulée sont aussi proposées au cavalier. Un projet de doctorat porte exclusivement sur ces deux paramètres. Leurs estimations sont basées sur des modèles statistiques exploitant là encore comme référence la cinématique. Enfin, l’apport de la vidéo ayant été primordiale à la mise en œuvre de ce produit à partir du projet Saddle In Motion, une synchronisation des paramètres à une vidéo est proposée pour faciliter le traitement et l’analyse par le cavalier. La selle et son application iJump propose ainsi des données biomécaniques quantifiées du travail du cheval à l’obstacle. Elle propose une étude immédiate de son parcours et permet de corriger ou de valider les sensations des cavaliers lors de l’entrainement. Enfin, un suivi longitudinal est possible via une plateforme

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

P. Martin et al. Page 125

web avec un accès sur des statistiques long-terme permettant d’analyser l’effet de son travail sur l’évolution du cheval.

5 Conclusion Le développement d’un nouveau protocole synchronisant différents matériels tels que les centrales inertielles a permis l’analyse de l’effet du cavalier pendant le trot. Ce type de protocole est la clé pour mieux comprendre l’interaction cheval-selle-cavalier car l’analyse du mouvement du dos sous la selle devient possible. Cette étude a notamment montré que le cavalier avait un effet sur le mouvement du dos du cheval sous la selle ainsi que sur la mobilité des membres. De plus, l’effet étudié sur le cheval évolue en fonction de la position du cavalier. Le développement de ce protocole ainsi que les premiers traitements mis en place lors de l’analyse ont permis de développer le premier outil d’aide à l’entrainement pour le cheval d’obstacle, basé sur des paramètres fiables et validés. Remerciements Les auteurs remercient l’Institut Français du Cheval et de l’Equitation, l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie, le Conseil Régional d’Aquitaine et le Pôle Hippolia pour leur soutien financier logistique. Références Byström, A., Stalfelt, A., Egenvall, A., Von Peinen, K., Morgan, K., Roepstorff, L., 2010. Influence of girth strap placement and panel flocking material on the saddle pressure pattern during riding of horses. Equine Veterinary Journal 42, 502–509. De Cocq P., Van Weeren P.R., Back W., 2004. Effects of girth, saddle and weight on movements of the horse. Equine Veterinary Journal 36 (8) 758-763 De Cocq, P., Prinsen, H., Springer, N.C.N., van Weeren, P.R., Schreuder, M., Muller., M., van Leeuwen, J.L., 2009. The effect of rising trot and sitting trot on back movements and head–neck position of the horse. Equine Veterinary Journal 41, 423-427. De Leva, P., 1996. Adjustements to Zatsiorsky-Seluyanov's segment inertia parameters. Technical Note, Journal of Biomechanics 29, 1223-1230. Martin P, Chateau H, Pourcelot P, Duray L, Cheze L., 2014. Comparison between inertial sensors and motion capture system to quantify flexion-extension motion in the back of a horse. Equine Veterinary Journal 46, Suppl. 46 2-55. Peham, C., Scheidl, M. and Licka, T., 1999. Limb locomotion - speed distribution analysis as a new method for stance phase detection. Journal of Biomechanics 32, 1119-1124. Sprigings, E., Leach, D., 1986. Standardized technique for determining the center of gravity of body and limb segments of horses. Equine Veterinary Journal 18 43-49. Van Beek, F.E., De Cocq, P., Timmerman, M., Muller, M., 2012. Stirrup forces during horse riding: A comparison between sitting and rising trot. The Veterinary Journal 193, 193-198.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Scicluna et al. Page 126

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

La puce d’identification BiothermoND pour la surveillance connectée de la température du cheval

C. Scicluna1

1 Equ’Institut, Haras du Plessis, 60300 Chamant

Résumé Le suivi de la température corporelle est crucial dans les cas d’inflammation, d’infection et d’autres conditions de stress en médecine équine. Mais, sa mesure par voie rectale est parfois difficile voire dangereuse, peu fiable (car cheval, matériel et technicien dépendante), et prend du temps lorsqu’il s’agit de surveiller une écurie ou un hôpital tout entier.Les nouvelles puces d’identification mises au point par AllflexND permettent également la mesure de la température, son suivi et le stockage des données par le lecteur. Cette étude a été mise en place pour évaluer l’intérêt, la sensibilité et la fiabilité de la mesure de la température corporelle des chevaux via la puce (BiothermoND) implantée en IM dans l’encolure.L’analyse des valeurs individuelles par cheval a montré la régularité et la répétabilité des mesures obtenues. Elle a fait apparaître l’intérêt de prêter attention aux variations de température les plus faibles pour chaque individu et de les mettre en relation avec les conditions du moment, passées ou à venir. Mots clés : Température, cheval, puce identification, outil connecté

Summary Body temperature monitoring is crucial when inflammation, infection and other stress conditions in equine medicine exist, Rectal measurement of it is sometimes difficult, dangerous or unreliable depending on the horse, the equipment or the technician. It is also time consuming when entire stable or hospital is concerned. The new identification microchips developed by AllflexND also allow temperature measurement, monitoring and data storage through the reader. This study was set up to evaluate the interest, sensitivity and reliability of horses body temperature measurement via the ID microchip (BiothermoND) implanted IM in the neck. The analysis of individual values by horse showed regularity and repeatability of the obtained measurements. It has shown the interest of paying attention to the lowest temperature variations for each individual and relating them to current, past or future conditions. Key-words: Temperature, horse, identification microchip, connected tool

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Scicluna et al. Page 127

Introduction Le suivi de la température corporelle du cheval est important pour l’évaluation de son état de santé, certes lors de maladie, par les vétérinaires dans les cliniques ou par les propriétaires chez eux, mais également au quotidien dans les centres d'entraînement comme alerte d’affection en cours ou sous-jacente. En routine, la température du cheval est mesurée par voie rectale avec des thermomètres numériques. Mais la prise de température rectale chez le cheval est parfois difficile à mettre en œuvre et peut être dangereuse. Sécurité oblige, la sollicitation de deux personnes est alors souvent nécessaire, et cette contrainte peut à elle seule être une bonne raison d'abandonner. De plus, la prise de température rectale du cheval est un geste qui prend du temps: il faut au minimum 3 minutes / cheval pour prendre sa température, y compris le temps de manipuler le cheval en toute sécurité. Ainsi, pour un groupe de 10 chevaux (petite écurie ou hôpital), un employé sera dédié à la mesure des températures pendant au moins 30 minutes tous les matins, mais mieux deux ou trois fois par jour, soit une à deux heures / jour. Pour les gros effectifs, cela peut vite devenir un vrai travail à temps plein : quatre heures/j pour prendre la température de 40 chevaux matin et soir. Les connaissances sur la température corporelle du cheval, sa valeur ‘normale’, ses variations individuelles, son évolution lors de circonstances particulières (âge, activité, transport, maladies, traitements) manquent de documentation. Disposer d’une méthode de mesure de la température du cheval facile, rapide, sûre et validée est d’un réel intérêt pour permettre de mieux connaître et utiliser ce paramètre dans le suivi individuel de l’état de santé du cheval en soins et en prévention. Suite à un travail sur l’évaluation de la température superficielle cutanée mesurée par IR sur différents points de la peau du cheval, l’avènement de nouvelles technologies comme la puce BiothermoND est une réelle opportunité de disposer de nouveaux outils faciles et connectés, pour la mesure et le suivi de la température chez le cheval, d’autant plus s’ils sont fiables et validés.

1 Objectif L’identification des chevaux par puce est obligatoire en France et en Europe et alors qu’AllflexND a mis au point de nouvelles puces d’identification (BiothermoND) permettant le suivi de la température, le stockage et l ‘échange des données, les chevaux nouvellement identifiés pourront être équipés de cette nouvelle technologie. Cette étude a été mise en place pour évaluer l’intérêt du dispositif ainsi que la sensibilité et la fiabilité des résultats obtenus par la lecture de la température mesurée par la puce implantée en IM dans l’encolure des chevaux.

2 Matériel et Méthodes

2.1 Puce d’identification Les puces d’identification BothermoND de chez AllflexND sont des puces électroniques classiques incluant la possibilité de mesurer la température du site dans lequel elles sont implantées. Fabriqués en France, les transpondeurs sont composés d’une puce électronique sur laquelle un numéro unique d’identification à 15 chiffres est programmé, d’une bobine de cuivre, et d’un condensateur, le tout encapsulé dans un tube en verre biocompatible. Les transpondeurs RFID ISO 11784 et ISO 11785 sont des éléments tout à fait passifs (inertes), de la taille comparable à un grain de riz qui s’injectent via un dispositif à aiguille 12G. Les chevaux inclus étant déjà identifiés et donc pucés par ailleurs du côté gauche de l’encolure, des puces spécialement numérotées pour l’étude et ont été implantées en IM dans le 1/3 supérieur droit de l’encolure. Les relevés ont été effectués grâce à un lecteur de puce ScanflexND permettant détection et lecture rapides de la température ainsi que le stockage des données avant leur restitution possible en Bluetooth. Les mesures ont été réalisées 2 à 18 fois/jour, pendant une année entière pour chacun des chevaux. Au total, 1466 mesures ont été enregistrées.

2.2 Chevaux Les températures rectales (RT) et températures de la puce (MCT) ont été mesurées chez cinq chevaux (deux femelles, un mâle, deux hongres ; de 4 à 29 ans) hospitalisés en longue durée pour convalescence ou remise à l’exercice. A ce jour, les mesures sont toujours effectuées sur les chevaux encore accessibles.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Scicluna et al. Page 128

2.3 Analyse des résultats Les données brutes ont été analysées : moyenne, médiane, minimum, maximum, écart-type, différence, test de student, pour le groupe mais aussi individuellement pour chaque cheval.

3 Résultats

3.1 Analyse globale des résultats Les moyennes et médianes calculées sont respectivement 37,76°C (+-0,21) et 37,80°C pour RT et 37,88 (+- 0,36) et 38°C pour MCT. La moyenne des différences est de 0,12 et 0,10°C. Les valeurs des mini et maxi relevées sont 37,0 et 39,0°C pour RT et 36,5 et 39,10°C pour MCT, avec une moyenne des différences des extrêmes de -1,0 et +1,0°C. Aucune différence significative n’a été mise en évidence sur les valeurs enregistrées au cours de l’étude (p<0,001). Les valeurs mesurées et calculées de températures sont présentées dans le Tableau 1 et les Figures I et II. Tableau 1 : Données des températures mesurées Table 1: Temperature data

RT °C MCT °C Difference °C

1466 TOT 27677,60 27769,20 91,60

mean 37,76 37,88 0,12

med 37,80 38,00 0,10

mini 37,00 36,50 -1,00

maxi 39,00 39,10 1,00

SD 0,21 0,36 0,28

t test 1,12325E-30 RT = Température Rectale MCT = Température MicroChip Figure I : Valeurs claculées d’après les mesures de température Figure I: Temperature calculated values

RT = Température Rectale MCT = Température MicroChip

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Scicluna et al. Page 129

Figure II : Evolution des mesures de température dans le temps Figure II: Temperature evolution with time

RT = Température Rectale MCT = Température MicroChip

3.2 Analyse individuelle des résultats L’analyse des valeurs individuelles a montré la régularité et la répétabilité des mesures obtenues par cheval. Elle a fait apparaître l’intérêt d’un référentiel et d’un suivi individuel de la température ainsi et surtout de prêter attention aux variations de température les plus faibles pour chaque individu et de les mettre en relation avec leur condition du moment, passée ou à venir.

Figure IV : Comparaison individuelle des méthodes de mesure de température Figure IV: Individual comparison of temperature measurements methods

RT = Température Rectale MCT = Température MicroChip

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Scicluna et al. Page 130

3.3 Analyse de la technique de mesure La lecture et le recueil des données de température par la puce s’est révélée très facile grâce à l’utilisation de lecteurs dédiés (Scanflex ou Suresense) permettant de lire, stocker et échanger les données, voire les communiquer en Bluetooth à une application smartphone de suivi individuel des valeurs et tendances, consultables à distance.

4 Discussion Les résultats obtenus par la lecture de la puce BiothermoND pour la mesure de la température du cheval s’est révélée répétable et fiable par rapport à la température rectale. Etant donné la facilité de la mesure de la température par ce système de lecture de la puce, la surveillance et le suivi de la température du cheval est facile et sûre. Nul doute que cet outil pourra être utiliser à l’avenir pour recueillir plus de valeurs à différents moments de la journée et selon l’activité du cheval. Ces données permettront de mieux cerner les variations de température associées à ces moments. Au-delà de l’analyse des valeurs brutes mesurées, c’est le suivi individuel dans un référentiel propre à chaque cheval et facilement objectivable qui est d’un réel intérêt comme outil de surveillance et de prévention de la bonne santé du cheval.

5 Conlusion Dans cette étude, le monitorage de la température des chevaux par les puces d’identification BiothermoND s’est montré facile, rapide, sûr et fiable. Cette technique apparaît d’un grand intérêt en médecine équine pour toutes les situations identifiées d’urgence, de suivi de santé médical, thérapeutique ou autre, de prévention, de recherche et sans doute plus encore. L’application associée au système contribuera sans aucun doute au développement de la e-santé vétérinaire équine et à l’enrichissement des connaissances physiologiques et médicales des maladies du cheval.

Remerciements Les propriétaires de chevaux ayant donné leur consentement, Aurélie Vanheyghen ainsi qu’AllFlexND.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

Page 131

Posters scientifiques

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Les ânes sont-ils moins réactifs que les chevaux de Trait ?

C.Bonneau1, L.Lansade2, M.Vidament2

1 Société Française des Equidés de Travail, 83-85 boulevard Vincent Auriol- 75013 Paris 2 PRC, INRA, CNRS, IFCE, Université de Tours, 37380 Nouzilly

Résumé Une évaluation précoce du tempérament des ânes et des chevaux permettrait d’améliorer leur utilisation par l’homme. Or ce sont 2 espèces aux comportements parfois différents. Le comportement de 235 chevaux de trait et de 84 ânes de 1 an de races françaises a été comparé pendant des concours Modèle et allures, lors des ateliers du modèle et du toisage et lors de tests mesurant la peur et la sensibilité tactile. Lors des tests de peur sauf un, les ânes ont fait moins de mouvements vifs (p<0,001), ont souvent présenté une tension musculaire moindre (p<0,05) et se sont déplacés de plus en plus doucement ou se sont figés (p<0,001). Par contre, lors du test de soudaineté, leur sursaut a été un peu plus fort que celui des chevaux (p<0,05). D’autre part, ils ont présenté moins de vocalisations (p<0,001) et une sensibilité tactile plus élevée (p<0,001). En conclusion, les ânes et les chevaux de trait manifestent leurs réactions de peur de manière différente. Chez les ânes, une absence de mouvements vifs n’est pas le signe d’une absence de peur. Attention, cette placidité peut conduire à une incompréhension de leur état mental de la part des utilisateurs. Mots clés : tempérament, réactivité, peur, âne, cheval

Summary An early evaluation of temperament of donkeys and horses would improve the adequacy between equines’ behaviour and their utilization by humans. But these are two different species with different behaviours. The behaviour of 235 draft horses and 84 donkeys (french breeds), 1 year old, was compared during breeding shows on evaluation of conformation and height measurement at withers and on supplementary tests measuring fearfulness (open-field, novel object, novel surface, suddenness test) and tactile sensitivity. On fear’s tests except one, donkeys did less lively movements (p<0,001), often had lower muscle tension (p<0,05) and slowed down or froze (p<0,001). Contrariwise, on suddenness test, they reacted stronger than horses (p<0,05). On the other hand, they did less vocalizations (p<0,001) and presented higher tactile sensibility (p<0,001). To conclude, donkeys and horses haven’t the same fear’s behaviour. In donkeys, the absence of lively movements is not a sign of absence of fear. This placidity can lead to a misunderstanding of their mental state by users. Key-words: temperament, reactivity, fear, , horse

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Bonneau et al. Page 133

Introduction Le tempérament des équidés (c’est-à-dire leur caractère) est un facteur majeur influençant notamment leur adaptation aux conditions d’élevage et aux utilisations par l’homme. Une évaluation précoce du tempérament est nécessaire afin d’améliorer l’adéquation entre leur production et leur utilisation. Pour les travaux agricoles, le tourisme et les services urbains, l’homme utilise deux espèces d’équidés, les chevaux et les ânes, et leur croisement. Or ce sont 2 espèces aux comportements différents (Burden et al., 2015). Chez le cheval de sport de deux et trois ans, des Tests de Tempérament Simplifiés (TTS) ont été mis en place en 2012 lors de concours de Modèle et Allures et validés scientifiquement par rapport à des tests plus complets (Lansade et al., 2015, Vidament et al., 2016). Il s’agit de mesures simples et rapides de comportement faites lors des ateliers habituels des concours d’élevage et lors de tests spécifiques de peur et de sensibilité tactile. Depuis 2013, ces tests sont également effectués chez les trois types d’équidés utilisés par la Société Française des Equidés de Travail (SFET) : les chevaux de trait, les ânes & mulets et les chevaux de territoire de races françaises. Après leur adaptation en 2013 et en 2014 sur des équidés de deux ans et plus, ils sont réalisés depuis 2015 sur des animaux de un an. Cette étude présente les résultats comparés de ces observations comportementales entre les deux espèces, l’âne et le cheval.

1 Matériel et méthodes

1.1 Animaux Les données analysées concernent des équidés de un an : 235 chevaux de trait (de race Ardennais, Auxois, Boulonnais, Breton, Cob Normand, Comtois, Percheron et Trait du Nord) et 84 ânes (de race , , et Pyrénées). Leur comportement a été étudié lors de 27 concours de modèles et allures en 2015 et 2016. Soit un total de 327 équidés de 11 races différentes.

1.2 Tests de tempérament simplifiés Les observations comportementales ont été faites pendant les ateliers habituels du concours (toisage, modèle), et lors de tests spécifiques mesurant les réactions de peur (open-field, tourner autour d’un objet inconnu, marcher sur une surface inconnue, soudaineté (à cinq mètres puis à trois mètres)), et de sensibilité tactile. Tous ces tests réalisés avec l’équidé tenu en main par son propriétaire étaient strictement identiques à ceux déjà décrits pour les chevaux de sang (Vidament et al., 2016), sauf l’open-field. Le test de l’open-field consistait à lâcher l’équidé dans un paddock en herbe de 4m x 12m pendant 90 secondes. Le nombre de pas de l’équidé était relevé, ainsi que son temps d’alimentation. Une zone sécurisée un peu à l’écart des concours était prévue pour la réalisation de ces tests spécifiques. Pendant tous ces tests et ateliers, les mouvements vifs ou particuliers (écarts, changements d’allures brusques, ruades, cabrés, fuites...), la tension musculaire de l’équidé (mesurée par la posture, en considérant principalement la position de l’encolure, des oreilles et la fixité de la tête), les vocalisations (hennissements, braiments) et les défécations ont été relevés. D’autres variables ont été relevées en fonction des tests : nombre de pas à l’approche de la toise, temps de toisage, temps pour mettre un pied sur la surface, distance de recul lors du test de soudaineté et type de sursaut, distance autour de l’objet inconnu…

1.3 Qualification des notateurs Les animaux ont été notés par des équipes de l’Ifce et de la SFET formés à l’appréciation des comportements des équidés sur les tests et à l’utilisation et à la saisie des grilles de notation mises au point pour relever les variables souhaitées.

1.4 Analyse Statistique Etant donné l’effectif et la distribution des données, les comportements des deux espèces (trait et âne) ont été comparés par le test non paramétrique de Mann-Whitney. Le niveau de significativité de toutes les analyses statistiques a été fixé à 5%. Les résultats sont présentés par la médiane et les 1er et 3ème quartiles.

2 Résultats (Tableau 1) Par rapport aux chevaux de trait, les ânes se sont moins écartés de la toise lors du toisage, se sont désintéressés de l’herbe dans l’open-field, et ont pris plus de temps pour effectuer le tour de l’objet inconnu en s’en éloignant moins. Face à la surface, les ânes ont pris plus de temps pour marcher dessus. Ils ont

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Bonneau et al. Page 134

sursauté de manière plus intense pendant le test de soudaineté alors que leur distance de fuite était similaire à celle des chevaux de trait. Enfin, ils ont présenté une sensibilité tactile plus élevée lors de la pose des quatre filaments. De plus, les ânes ont effectué moins de mouvements vifs ou particuliers (toisage : p<0,0001, modèle : p<0,0001, objet inconnu : p<0,001, surface inconnue : p<0,001), ont présenté une tension musculaire moins importante (modèle : p<0,05 ; objet : p<0,0001) et ont fait moins de vocalisations que les chevaux de trait (toisage : p<0,0001, modèle : p<0,0001, open-field : p<0,001), pendant l’ensemble des tests spécifiques (p<0,0001). Tableau 1 : Tempérament : comparaison entre des ânes (n>=84) et des chevaux de trait (n>=235) de 1 an mesurés lors de concours Modèles et Allures. (médiane (Q2) (1er quartile (Q1) – 3ème quartile (Q3)). Variables (semi) quantitatives toujours ordonnées dans le même sens : les valeurs les plus élevées correspondent aux réactions les plus vives ou les plus fortes. Table 1: Value of temperamental variables in the populations of donkeys (n>=84) and of draft horses (n>=235) 1 year old (median(Q2) (1st quartile (Q1) – 3rd quartile (Q3)). Semi quantitative variables always ordered in the same way: the highest values correspond to the strongest reactions.

* : P<0,05 ; ** : P<0,01 ; *** : P<0,001

3 Discussion Cette étude est une des premières à comparer la réactivité des deux espèces d’équidés lors de situations identiques. Dans notre étude, dans des situations supposées leur faire peur, en dehors du test de soudaineté où leurs réactions sont identiques voire légèrement plus fortes que celles des chevaux de trait, les ânes ont tendance à ne pas bouger (toise), à se déplacer de plus en plus lentement (test de l’objet) ou à se figer (test de la surface), en faisant peu de mouvements vifs. Or dans d’autres situations peut-être moins anxiogènes (modèle, open field), ils font autant de pas que les chevaux de trait. Il ne s’agit donc pas d’une aptitude moindre à bouger. Ceci est décrit comme une spécificité des ânes par rapport aux chevaux et est assimilable au comportement naturel de « freezing » observé en cas de menace dans beaucoup d’espèces, plutôt que la fuite (Burden et al., 2015). Les ânes de notre étude ont montré également un désintérêt plus élevé pour l’herbe (open-field) et pour l’auge (présentée au début du test de la surface et qu’ils ne connaissaient en général pas), ce qui pourrait indiquer un état de vigilance accru dû à la situation de test. Ils ont montré également moins de vocalisations, ce qui pourrait signer une grégarité moindre mais il n’est pas sûr que ce soit le seul signe de grégarité à observer dans cette espèce. Toutes ces caractéristiques pourraient provenir de l’adaptation de chaque espèce à son environnement initial (environnement montagneux semi-aride avec peu de ressources alimentaires

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Bonneau et al. Page 135

pour les ânes, steppes plus riches en herbe et en eau pour les chevaux (Burden et al., 2015)). Les ânes n’ont pas les capacités physiques leur permettant une fuite sur de longues distances. Ils ont un mode de vie en très petits groupes, en zones désertiques avec défense du territoire et des ressources. D’ailleurs, des ânes ont été utilisés pour protéger des troupeaux, notamment contre les canidés (Burden et al., 2015). Disposant d’un domaine vital non défendu et se déplaçant en groupe, les chevaux auraient des capacités physiques permettant de fuir toute menace ou stimuli nouveaux (Christensen et al., 2005 ; Geist & Walther. 1974). D’autre part, les ânes répondent plus fortement au test de sensibilité tactile (2 filaments/4) que les chevaux de trait (1 filament/4). Ceci confirme les données de Gonzalez-De Cara et al. (2017) sur les ânes et celles de notre laboratoire sur les chevaux de trait (Vidament et al., 2015). Gonzalez-De Cara et al. (2017) interprètent cela comme un mécanisme de défense particulièrement efficace contre tous les insectes. Est-ce que les ânes et les chevaux de sport seraient plus sensibles aux manipulations cutanées (au moment du pansage par exemple) par rapport aux chevaux de trait ? Ceci reste à démontrer. Ou est-ce que la sélection des chevaux de trait a entraîné une diminution de cette sensibilité en sélectionnant sur d’autres caractères ? Ainsi, au regard de notre étude, les dimensions principalement impliquées dans les différences entre ces deux espèces ont été la peur (dans ses manifestations locomotrices), la sensibilité tactile et la grégarité.

4 Conclusion et applications pratiques Lors des ateliers et tests proposés, ânes et chevaux de trait ont exprimé différemment leurs réactions de peur. Les ânes ont fait moins de mouvements vifs, ont présenté une tension musculaire moindre et ont eu tendance à se déplacer de plus en plus doucement ou à se figer. Mais lors du test de soudaineté, leurs réactions ont été un peu plus fortes que celles des chevaux. Donc, chez eux, une absence de mouvements vifs n’est pas le signe d’une absence de peur. Leur placidité en situation de stress les rendrait en général moins dangereux pour les utilisateurs (sauf en cas de soudaineté). Par contre, cette placidité peut conduire à une incompréhension de leur état mental. Une meilleure reconnaissance des signes ou des situations de peur chez l’âne pourrait aider les utilisateurs à mieux les gérer donc à améliorer leur bien-être. Remerciements

Nous remercions tous les éleveurs qui ont participé avec leurs équidés, tous les organisateurs de concours qui ont proposé des TTS et tous les observateurs et assistants - observateurs de l’IFCE et de la SFET qui ont réalisé ces tests en 2015 et 2016 dans toute la France. Nous remercions également les financeurs de ce projet : Le Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt, le Fonds Eperon ainsi que les régions Basse-Normandie et Poitou-Charente pour les financements initiaux des TTS. Merci à C. Guyot, M. Leveau, C. Charpentier, V. Olivier, E. Rousseau, S. Barré, J.M. Baradeau, B. Léon et C. Le Drogoff dont les efforts ont permis le démarrage de ce projet. Références Burden, F., Thiemann, A.2015. Donkeys are different. Journal of Equine Veterinary Science 35, 376-382. Christensen, J.W., Keeling, L.L., Nielsen B. L. 2005. Responses of horses to novel visual olfactory and auditory stimuli. Applied Animal Behaviour Science 93, 53-65. Geist, V., Walther, F. 1974. The behaviour of ungulates and its relation to management IUCN 1. Gonzalez de Cara, C.A., Perez-Ecija, A., Aguilera-Aguilera, R., Rodero-Serrano, E., Mendoza, F.J. 2017. Temperament test for donkeys to be used in assisted therapy. Applied Animal Behaviour Science 186, 64-71. Lansade, L., Philippon, P., Hervé, L., Cosson, O., Yvon, J.M., Vidament, M., 2015. Validation de tests de tempérament adaptés aux conditions de terrain et relation avec l’utilisation pour le CSO. 41ème Journée de la Recherche Equine, Institut Français du Cheval et de l'équitation, Paris, pp. 25-34. Vidament, M., Yvon, J.M., Le Bon, M., Dumont Saint Priest, B., Danvy, S., Lansade, L., 2015. Le tempérament des chevaux mesuré par des tests standardisés: relation avec l’âge, la race et le niveau du cavalier. 41ème Journée de la Recherche équine, Institut Français du Cheval et de l’Equitation, Paris, pp:15- 24. Vidament, M., Lansade, L., Dumont Saint Priest, B., Sabbagh, M., Yvon, J.M., Danvy, S., Ricard, A. 2016. Analyse des résultats des tests de tempérament simplifiés sur des jeunes chevaux et poneys de selle français : relation avec la performance et première évaluation de l’héritabilité. 42ème Journée de la Recherche Equine, FIAP, Paris, pp:13-22.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Gestion et bien-être du cheval : impact du mode de distribution du foin

C. Rochais1, S. Henry1, M. Hausberger2

1 Université de Rennes, UMR 6552 −Laboratoire Ethologie Animale et Humaine-EthoS-, CNRS, Université de Caen-Normandie, Station Biologique, 35380, Paimpont, France 2 CNRS- UMR 6552, −Laboratoire Ethologie Animale et Humaine-EthoS-, Université de Rennes, Université de Caen-Normandie, 263 avenue du Général Leclerc, 35042, Rennes Cedex, France

Résumé Beaucoup de chevaux domestiques vivent dans des conditions éloignées des conditions naturelles, en particulier sur le plan alimentaire. Or, les chevaux sont adaptés à un régime riche en fibres et à une alimentation quasi-continue. Pour répondre à ce besoin, des systèmes se sont développés tels que les filets à foin ou les «slow feeders». Afin d’évaluer l’impact de ces dispositifs, nous avons observé le comportement de 38 chevaux en box placés successivement dans trois situations: 1) foin distribué au sol, 2) dans un sac à foin ou 3) en slow feeder. Chaque cheval a reçu les trois situations de distribution de foin pendant trois semaines. L’étude révèle que l’utilisation de sac à foin et slow feeder permettait d’allonger le temps de consommation du foin. Cependant, les sacs à foin induisaient des comportements de frustration alors que les slow feeders entrainaient une baisse des comportements stéréotypiques et une augmentation des réactions positives envers l’homme. Ces résultats indiquent que les choix de stratégie d’alimentation sont importants pour améliorer le bien-être de chevaux vivant majoritairement en box. Mots clés : bien-être, comportement alimentaire, slow feeder, sac à foin, relation homme- cheval

Summary Many domestic horses are managed under conditions far removed from the natural conditions, in particular feeding conditions. Horses are adapted to a high fiber semi-continuous diet. In order to come closer to this situation, devices such as hay-nets/bags and ‘slow-feeders’ aimed to increase the time horses spend feeding on roughage. To assess the impact of these devices on horse welfare we observed the behaviour of 38 domestic horses in their home stall environment. Horses were subjected to 1) hay on the stall ground (usual situation); 2) hay-bags hung at one of the stall walls; 3) hay in a slow-feeder positioned in the corner of the stall. All horses were submitted in a random order to these three conditions for three weeks. Horses increased their time feeding on hay in both the hay-bag and the slow-feeder treatments. While the hay-bag distribution was associated with an increase of frustration behaviours, the slow-feeder reduced stereotypic behaviours, and increased “friendliness” towards humans. These results emphasize the importance of identifying feeding strategies and/or devices that improve feeding distribution and improve horse welfare. Key-words: welfare, feeding behavior, slow feeder, hay bag, human-horse relationship

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Rochais et al. Page 137

Introduction Beaucoup de chevaux domestiques vivent dans des conditions éloignées des conditions naturelles, en particulier sur le plan alimentaire. Ainsi, le système digestif des chevaux est adapté à une alimentation quasi- continue et riche en fibres, ce que la situation domestique ne propose pas toujours. Or, un approvisionnement insuffisant en fibres peut provoquer des problèmes de santé comme des ulcérations gastriques, des coliques (Bell et al., 2007) ou des troubles comportementaux comme des comportements stéréotypiques (tics, Nicol, 1999). Par exemple, dans l’étude épidémiologique réalisée par Lesimple et al. (Lesimple et al., 2015, 2016a), l’approvisionnement en foin, quand il est insuffisant, constitue la 1e cause d’émergence de stéréotypies. Dans des études précédentes, nous avons pu montrer qu’une alimentation continue en foin permettait d’améliorer le bien-être du cheval voire sa fertilité (Benhajali et al., 2009, 2013). Les modalités, en particulier temporelles, de distribution du foin constituent donc une question essentielle dans la gestion des chevaux. Des systèmes commerciaux se développent donc dans différents pays qui consistent en filets à foin de différents types (taille de mailles variables), sacs à foin ou « slow feeders » (mangeoires posées au sol aménagées avec une plaque perforée qui descend au fur et à mesure de la consommation). Si quelques études ont testé leur impact respectif sur le comportement du cheval ou sur les conditions de travail du personnel, aucune étude comparative n’avait encore été menée.

1 Matériel et méthodes

1.1 Animaux Dans une étude menée à l’ENE, nous avons observé le comportement et les postures (avec un accent sur les indicateurs de bien-être), de 38 chevaux (N=24 mâles, N=14 femelles) âgés de 7 à 15 ans (X±SE= 10,2±0,3) et de race selle français (N=29), anglo-arabe (N=7) et KWPN (N=2). Tous les chevaux vivaient en box individuel de 3mx3m avec une litière de paille et un abreuvoir automatique. Les chevaux étaient montés une heure par jour tous les jours dans des cours d’équitation de haut niveau (CSO et CCE). Tous les chevaux étaient à l’ENE depuis au moins deux ans avant le début de l’étude. Chaque cheval était nourri avec un distributeur automatique de granulé trois fois par jour (7h30 ; 11h30 ; 17h30). La quantité de granulé par individu était déterminée par les vétérinaires sur le site (X±SE= 3,0±0,0 kg ; min=2, max=4 kg). Chaque cheval avait par ailleurs 9 kg de foin par jour. Le foin provenait de prairies naturelles. Avant le début de l’étude, la procédure de routine pour nourrir les chevaux avec le foin consistait à mettre la moitié de la ration le matin (8h00) et l’autre moitié l’après-midi (15h00), sur le sol dans un coin du box (Figure I).

Figure I : différentes modalités de distribution du foin: a) au sol; b) sac à foin; c) slow feeder. Figure I: Hay distribution modalities a) on the ground; b) hay bag; c) slow-feeder.

1.2 Procédure expérimentale 1.2.1 Modalités de distribution de foin Tous les chevaux ont été placés successivement dans trois situations pendant trois semaines et ce dans un ordre différent: 1) foin distribué au sol deux fois par jour (8h00-15h00, procédure de routine), 2) dans un sac à foin suspendu à 1,40m du sol deux fois par jour (8h00-15h00) ou 3) en slow feeder (Pacefeeder ® : bac en plastique de 78 cm de haut, 93 cm de large et de 66 cm de profondeur équipé d’une grille avec des trous, celle-ci pouvant descendre au fur et à mesure que le cheval consomme son foin) (Figure I). Dans cette dernière modalité, la totalité de la quantité de foin journalière (9kg) était distribuée le matin (8h00). 1.2.2 Mesures • La consommation de foin a été mesurée en fonction de la présence de foin restant dans le box (au sol ou dans les dispositifs) chaque jour à 12h00 et 19h00.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Rochais et al. Page 138

Avant le début de l’étude et après chaque changement de modalité de distribution du foin, le poids de chaque cheval a été relevé via une balance (‘tru-test eziweigh’ MP 600®) et un score de leur état corporel via la méthode de Trillaud Geyl and Baudouin, (2005): scores allant de 0 (très maigre) à 5 (obèse) déterminés par l’inspection visuelle et la palpation manuelle de points précis du corps du cheval (e.g. croupe, haut de l’encolure). • Observations comportementales : chaque cheval a été observé tous les jours pendant neuf semaines en utilisant : 1) la méthode du scan sampling pendant des sessions de 30 minutes, et ce à différents moments de la journée (i.e. matin, période pré-repas, après-midi, période calme le soir). L’observateur se déplaçait dans le couloir et relevait le comportement de chaque cheval (avec un dictaphone) lorsqu’il passait devant son box sans perturber son activité. Le nombre moyen de scan par cheval était de 504±16. 2) la méthode ad libitum sampling pour observer des comportements plus rares/courts tels que les comportements stéréotypiques ou les interactions sociales. Lors de ces observations, l’expérimentateur se tenait debout sans bouger face au box d’un cheval pendant cinq minutes. Ces observations ont eu lieu à différents moments de la journée et leur nombre était de 22±0,5 par cheval (110 minutes par cheval). • Test de réaction envers l’homme: avant le début de l’étude et après chaque changement de modalité de distribution du foin, tous les chevaux ont été soumis au test d’approche soudaine, un test communément utilisé pour évaluer la relation homme-animal (Hausberger and Muller, 2002). Dans ce test, l’expérimentateur marchait lentement dans le couloir et apparaissait soudainement devant la porte du box du cheval. La première réaction du cheval a été relevée. Cinq scores ont été attribués selon un gradient allant de réactions positives (e.g. score A : le cheval regarde l’expérimentateur avec les oreilles en avant et s’approche) à des réactions négatives (e.g. score E : le cheval regarde l’expérimentateur avec les oreilles en arrière et s’approche en menaçant). Chaque cheval a été testé cinq fois, à différents moments de la journée, menant à un score global de réaction envers l’homme.

2 Résultats L’étude révèle que le comportement et le bien-être des chevaux pouvaient être fortement influencés par le mode de distribution, et ce dans une période aussi courte que trois semaines : Sur le plan alimentaire, des modifications de comportement ont été observées selon le mode de distribution : les chevaux passaient plus de temps à manger du foin quand ils avaient le sac à foin ou le Pacefeeder par rapport à une distribution au sol (Test de Wilcoxon : sol/sac: T(N=38) = 3,1, P = 0,001; sol/ PF: T(N=38) = 4,0, P = 0,00005), mais de façon intéressante consommaient moins de paille avec le PF (Test de Wilcoxon : sol/SF:T(N=38) = 2,3, P = 0,02). Enfin, seul le Pacefeeder permettait que les chevaux aient encore du foin en fin de journée voire jusqu’au lendemain matin. Les sacs à foin requéraient un renouvellement le midi, ne pouvant contenir que 4,5 kgs, alors que les deux autres systèmes permettaient aux soigneurs de n’en mettre qu’une fois 9 kgs. Aucune différence n’a été constatée quant aux poids corporels des chevaux. Sur le plan du bien-être, si les deux systèmes utilisés ont permis d’allonger le temps de consommation du foin, ils ont eu un impact opposé sur des comportements de frustration (i.e. mouvements de tête, coups de pied, mâchouillements à vide, bâillements, tirer sur le système…) (Test de wilcoxon, sac/SL : T(N=38) = 1,8, P=0,03), et surtout les comportements stéréotypiques (Test de Wilcoxon, sac/SL : T(N=38) = 2,4, P = 0,001), plus abondants quand les chevaux avaient les sacs à foin (Figure II). Figure II : Proportion de temps passé à exprimer des comportements de frustration (mouvements de tête, coups de pied, mâchouillements à vide, bâillements, tirer sur le système…) à gauche, à exprimer des comportements stéréotypiques à droite selon le mode de distribution Wilcoxon signed-rank tests: ***P<0,001. Figure II: Time spent (%) expressing frustration behaviours (head movements, foot kicking, vacuum chewing, yawning, pulling on the device) on the left and stereotypic behavior on the right. Wilcoxon signed- rank tests: ***P<0.001.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Rochais et al. Page 139

Enfin, de façon intéressante, même la relation à l’homme a été impactée par les modalités de gestion de l’alimentation. L’apport du Pacefeeder a été associé à une augmentation des réactions positives du cheval envers l’expérimentateur lors de tests standardisés (Test de Wilcoxon, avant vs après SL : T(N=38) =2,5, P=0,01). Ceci pourrait refléter une amélioration globale du bien-être, et/ou une association entre l’activité du soigneur qui remplit quotidiennement l’appareil, créant une association positive plus forte que quand le foin est placé au sol.

3 Conclusion En conclusion, cette étude montre que des modifications majeures en termes de comportement et de bien- être peuvent être induites en très peu de temps par une modification simple du système de distribution du fourrage. Ces résultats indiquent que les choix de stratégie d’alimentation sont importants, surtout quand il s’agit d’animaux hébergés majoritairement en box, sans accès à d’autres ressources en fibres (plus de détails dans Rochais et al., 2017).

Remerciements Les auteurs remercient l’ENE pour nous avoir permis de mener cette étude ainsi que Sophie Biau, Johnny Jeanneteau et tout le personnel de l’écurie de formation pour leur aide. Cette étude a été financée par l’IFCE, l’université de Rennes 1 et le CNRS.

Références Bell, R.J.W., Mogg, T.D., Kingston, J.K., 2007. Equine gastric ulcer syndrome in adult horses: A review. N. Z. Vet. J. 55, 1–12. https://doi.org/10.1080/00480169.2007.36728 Benhajali, H., Ezzaouia, M., Lunel, C., Charfi, F., Hausberger, M., 2013. Temporal Feeding Pattern May Influence Reproduction Efficiency, the Example of Breeding Mares. PloS ONE 8, e73858. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0073858 Benhajali, H., Richard-Yris, M.-A., Ezzaouia, M., Charfi, F., Hausberger, M., 2009. Foraging opportunity: a crucial criterion for horse welfare? Animal 3, 1308–1312. https://doi.org/10.1017/S1751731109004820 Hausberger, M., Muller, C., 2002. A brief note on some possible factors involved in the reactions of horses to humans. Appl. Anim. Behav. Sci. 76, 339–344. https://doi.org/10.1016/S0168-1591(02)00016-3 Lesimple, C., Poissonnet, A., Hausberger, M., 2015. Bien-être et facteurs d’influence : une étude épidémiologique, 41ème journée de la recherche équine, pp 5-14. Lesimple, C., Poissonnet, A., Hausberger, M., 2016. How to keep your horse safe? An epidemiological study about management practices. Appl. Anim. Behav. Sci. 181, 105–114. https://doi.org/10.1016/j.applanim.2016.04.015 Nicol, C., 1999. Understanding equine stereotypies. Equine Vet. J. 31, 20–25. https://doi.org/10.1111/j.2042- 3306.1999.tb05151.x Trillaud Geyl, C., Baudouin, N., 2005. Estimation du poids d’un cheval. Haras Natx., nutrition equine 1–2. Rochais, C., Henry, S., Hausberger, M., 2017. “Hay-bags” and “Slow feeders”: Testing their impact on horse behaviour and welfare Appl. Anim. Behav. Sci. http://dx.doi.org/10.1016/j.applanim.2017.09.019

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Que nous indiquent les hormones de stress ? Différentes mesures de cortisol indiquent un niveau plus faible chez des chevaux dont le bien-être est altéré

J. Pawluski1, P. Rupert2, S. Henry3, P. Jego3, C. Coste4, M. Hausberger4

1 Institut de Recherche en santé, environnement et travail (Irset), U1085 INSERM, Université de Rennes 1, Campus Santé, Villejean, 35000 Rennes 2 Université de Médecine Vétérinaire, Dept des Sciences biomédicales, Vienne, Autriche 3 Université de Rennes 1, Laboratoire d’Ethologie animale et humaine, UMR 6552, CNRS-Université de Caen-Normandie, Station Biologique, 35380 Paimpont 4 CNRS, Laboratoire d’Ethologie animale et humaine, UMR 6552, Université de Rennes 1, Université de Caen-Normandie, Station Biologique, 35380 Paimpont

Résumé Evaluer l’état de stress d’un cheval est un besoin récurrent, soit pour comparer des individus dans les mêmes situations (caractéristiques individuelles), soit pour évaluer l’impact des situations dans lesquelles l’animal doit évoluer. Le cortisol est généralement considéré comme l’hormone de stress par excellence, car son taux augmente lors de stress aigu. Cependant, le bien-être correspond à un état chronique qui peut être altéré quand l’individu se trouve confronté à des stress de façon répétée. Cinquante neuf chevaux répartis dans trois centres équestres avec unhébergement majoritaire en box isolé ont été observés, Les résultats montrent que les chevaux dont le bien-être était altéré avaient aussi les taux les plus faibles de cortisol, qu’il s’agisse de cortisol sanguin ou fécal (mesure plus integrative à partir des crottins, mise au point à l’université vétérinaire de Vienne). Ces résultats pourraient s'expliquer par une usure du système face à des conditions de vie amenant à un stress suffisamment long et intense et montrent que l’évaluation du bien-être ne peut pas s’appuyer uniquement sur cette simple mesure physiologique. Mots clés : cheval, bien-être, cortisol, mesures physiologiques

Summary Assessment of stress in horses is necessary either for comparing individuals or for evaluating the impact of the situations offered to the animal. Cortisol is generally considered as THE stress hormone as its level clearly increases during acute stress. However the welfare state corresponds to a chronic state. The aim of the present study was to determine how measures of compromised welfare, such as chronic pain and haematological anomalies, related to cortisol levels in domestic horses (Equus caballus). The present study used fifty-nine horses from three riding centres with single stall housing. The primary findings show that the horses whose welfare was clearly compromised also had lower levels of both FCM and plasma cortisol. This works extends our previous findings showing that withdrawn postures, indicators of depressive-like state in horses, are associated with lower plasma cortisol levels. This study indicates that cortisol level can not be used as a reliable indicator of chronic stress. Welfare assessment can not relied only upon this simple physiological measure which may be erroneously interpreted. Key-words: horse, welfare, cortisol, physiological measurements

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J. Pawluski et al. Page 141

Introduction Le cortisol est généralement considéré comme l’« hormone de stress » par excellence. En effet, un stress aigu (peur soudaine par ex) engendre une activation de l’axe hypothalamo-hypophysaire qui génère une augmentation rapide du cortisol, comme en témoignent les mesures plasmatiques ou salivaires chez diverses espèces dont l’homme. Il s’agit de fait d’un mécanisme d’adaptation qui permet d’avoir les réponses appropriées aux évènements et de revenir à un état d’équilibre (ex : Mormède et al 2007). Une telle hormone permet donc de rétablir ou maintenir l’homéostasie. On peut cependant se demander si la répétition de stress intenses et/ou prolongés ne peut pas altérer cette capacité d’adaptation de l’organisme, et donc les réponses physiologiques. De fait, le lien entre cortisol et état de stress chronique ou de mal-être est loin d’être clair. Les études menées jusqu’ici sont souvent contradictoires, y compris chez l’homme. Certaines indiquent qu’il n’y a pas de lien, d’autres indiquent une augmentation ou une baisse des taux de cortisol lors de stress chroniques. Il s’agit cependant le plus souvent d’études expérimentales (où les types de stress et leur durée peuvent varier) et peu d’entre elles font le lien entre les effets des conditions de vie habituelles (incluant des facteurs comme par exemple l’hébergement ou la vie sociale) sur l’état de bien-être des individus et leur taux de cortisol. Le cortisol peut-il toujours être considéré comme un indicateur physiologique fiable dans le cas de stress chronique issu de la vie quotidienne ? La question de l’évaluation du bien-être est cruciale pour tenter d’identifier les meilleures pratiques de gestion et améliorer les performances des chevaux (ex : Benhajali et al 2010, Lesimple et al. 2015). Des indicateurs comportementaux et posturaux ont été identifiés mais ils nécessitent un temps minimum d’observation des chevaux (ex : Fureix et al. 2010). Il paraît tentant d’utiliser une mesure physiologique simple pour avoir une évaluation rapide à partir d’une simple prise de sang, comme cela a parfois été proposé pour d’autres espèces domestiques. Le cheval domestique est un animal intéressant pour tester une telle question, car il est souvent maintenu dans des conditions de restriction spatiale, sociale (boxes individuels) et alimentaire connues pour en altérer le bien-être (ex : Lesimple et al 2015). Il partage aussi avec l’homme le fait de travailler, ce travail quotidien pouvant aussi avoir des conséquences physiques et « psychologiques » (ex : Lesimple et al 2011).

1 Méthodes Les méthodes sont décrites de façon extensive dans Pawluski et al (2017).

Cinquante-neuf chevaux (44 hongres et 15 juments, de races variables, âgés de 5 à 20 ans : X = 11,9 ± 3,5), répartis dans 3 centres équestres, ont été testés. Les activités et conditions de vie étaient similaires dans les 3 centres: hébergement individual en boxes paillés de 3x3m, repas de granules 3 fois par jour et foin une fois par jour. Les chevaux travaillaient 4 à 12 heures par semaine et avaient un jour de sortie au moins par semaine. Les leçons d’équitation allaient du niveau débutant à des cavaliers plus confirmés. Les prélèvements sanguins ( printemps-été 2007) ont été réalisés à l’encolure. 7 ml de sang ont été collectés dans des tubes héparinisés (BD Vacutainer®). Les échantillons ont été conservés dans de la glace jusqu’à centrifugation (maximum 15 minutes plus tard), puis le plasma a été placé sur de la glace sèche et conserve à -20°C. Le sang a été prélevé 3 fois pour chaque sujet: 1 fois entre 18:00 et 19:00 après une journée de travail, une fois entre 18:00 et 19:00 après une journée de repos et une fois entre 08:00 et 09:00 (environ une heure après le premier repas de granulés). Les taux de cortisol plasmatique ont été mesurés en utilisant des kits Immunotech (Beckmann and Coulter) et en les adaptant pour les chevaux (cf Fureix et al 2012). Les échantillons fécaux ont été collectés dans la minute suivant la défécation sur la litière par l’expérimentateur portant des gants stériles. Les prélèvements ont été effectués entre 12:00 et 13:00, 3 fois par cheval: 2 fois 24h après une journée de travail et une fois après une journée de repos. Les échantillons ont été congelés à -20°C. Les fèces ont été extraites puis analysées en utilisant un 11-oxoetiocholanolone enzyme immunoassay (EIA) (Palme et Möstl 2005). Les augmentations de cortisol plasmatique apparaissent dans les fèces après environ 24h et représentent l’activité intégrée de l’axe HPA. Les deux mesures après travail ont été moyennées. L’évaluation du bien-être a été basée sur des indicateurs validés, comme la position d’oreilles (en alimentation, Fureix et al 2010, Henry et al. 2016), les problèmes de dos (ex: Lesimple et al. 2010) et la formule sanguine qui peut révéler des problèmes, d’anémie en particulier (Hausberger et al. 2016). 1) Les positions d’oreilles ont été mesurées conformément à Lesimple et al. (2016a, b): la position était notée toute les 15 minutes sur deux jours de repos au box, alors que le cheval mangeait son foin jusqu’à obtenir 10 données (position en avant ou en arrière: pointe des oreilles vers l’avant ou l’arrière respectivement avec un

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J. Pawluski et al. Page 142

angle de plus de 30°/perpendiculaire; sur le côté: perpendiculaire à l’axe tête-croupe). Les observations étaient faites quand les écuries étaient calmes (pas de vent, de personnes…) entre 14:00 et 17:00. 2) les problèmes de dos ont été évalués par examen par deux praticiens (94% agrément), comme dans Lesimple et al (2011) et ont consisté en palpation manuelle réalisée dans le box alors que le cheval était légèrement tenu. 3) les données hématologiques ont été obtenues à partir des prélèvements sanguins réalisés pour le cortisol le matin, puis analysées dans l’heure qui suivait au Laboratoire Vétérinaire Départemental Ille et Vilaine, Rennes, France). Les données (globules rouges et blancs en millions / mm3, plaquettes en mille / mm3, pourcentages de neutrophiles, eosinophiles, basophiles, lymphocytes, monocytes, hématocrites et hémoglobine en g/100ml, et leurs ratios) ont été compaées aux normes fournies par ce laboratoire. 4) une évaluation globale a été mesurée en séparant les chevaux à bien-être altéré (au moins 3 sur 4 des mesures de mal-être) de ceux au bien-être “normal”.

2 Résultats Comme attendu, les concentrations de cortisol plasmatique étaient plus faibles le soir, sans différence entre jour de travail ou de repos (au box) (N = 55-56, respectivement = 6,91, df=55, and t = 8,7, df =54, p < 0,00001). Les niveaux moyens le soir étaient corrélés avec les mesures fécales (N=55, r=0,66, p<0,0001). Aucun effet de l’âge ou du sexe n’est apparu (p>0,68). En moyenne, les chevaux avaient les oreilles en arrière 53,4 % (± 24,0, 0-100) des scans et 52% of horses avaient les oreilles en arrière plus de 50% du temps d’observation. Ces chevaux avaient des mesures de cortisol fécal plus faibles que ceux avec une position en avant majoritaire (F(1, 48)=4,48, p=,04, OrAv N=19, OrAr, N=31). Le pourcentage de temps passé par les chevaux les oreilles en arrière était négativement corrélé avec les mesures fécales après travail et les mesures plasmatiques du soir (FCM N = 59, r = -0,29, p = 0,02; plasma cort, N=55, r=-0,28, p=0,04). Les mesures de l’état du dos ont indiqué, en accord avec la literature, que la plupart des chevaux étaient sérieusement atteints (n = 40, 73%) (Chi-square test, N = 55, df = 2, χ²= 38,44, p < 0,001). Ces chevaux avaient des niveaux de cortisol plasmatique du soir (après travail et repos, mais pas fécal) plus faibles que les chevaux non atteints ou moins sévèrement atteints (F(1,53)=5,34, p=0,02). Les données hématologiques ont montré que 18% des chevaux souffraient d’anémie et 35% avaient des taux de neutrophils anormaux. Les chevaux anémiés avaient des concentrations de cortisol plasmatique du soir plus faibles que les chevaux non anémiés (F(1,53)=5,8, p=0,02) et une tendance à avoir aussi des mesures fécales plus basses (p=0,06). Les chevaux avec des taux anormalement élevés de neutrophiles avaient également des niveaux de cortisol fécal plus bas (F(1,52)=5,1, p=0,03; Fig. 3C). Enfin, les chevaux au bien-être globalement plus altéré (sur 3 au moins des 4 indicateurs) avaient un taux de cortisol fécal et plasmatique du soir moyens plus faibles que les autres chevaux (FCM – F(1,27)=5,02, p=0,03; plasma – F(1,28)=13,1, p=0,001). Ces mesures ne différaient pas après une journée de travail ou de repos au box. Les taux matinaux de cortisol n’étaient corrélés à aucune mesure de bien-être.

3 Discussion Les résultats montrent 1) que les taux de cortisol sont plus faibles et fiables le soir que le matin, 2) que les taux obtenus par voie sanguine et les mesures fécales sont corrélées, et que donc les variations observées entre individus sont fiables, 3) et surtout qu’il y a un lien direct entre état de mal-être et un taux bas de cortisol. Ainsi, quand on considère les taux de cortisol du soir ainsi que les estimations à partir des fèces, on observe que 1) plus leur taux de cortisol est bas, plus les chevaux passent de temps avec les oreilles en arrière (indicateur d’inconfort); 2) que des taux de cortisol bas s’observent chez les chevaux avec des problèmes sanitaires comme problèmes de dos, anémie, taux anormaux de neutrophiles; 3) que ceci se confirme quand on considère un indice global de mal-être. Ces résultats vont dans le même sens que des observations précédentes qui avaient révélé un taux anormalement bas de cortisol chez des chevaux présentant un syndrome « dépressif » (Fureix et al 2012). Certains auteurs ont suggéré que des stress chroniques induisent une « surcharge allostatique » (ex : Mc Ewen & Wingfield 2003). Les médiateurs d’allostasie, comme le cortisol, sont produits en réponse aux stress occasionnels pour faciliter l’adaptation et sont donc des éléments positifs (ex : Mateo 2008). Mais si le stress est suffisamment long et intense, cette « surcharge » peut amener à une usure du système, amenant à une incapacité des systèmes physiologiques à répondre aux besoins d’adaptation. Cette « usure » s’illustre bien avec les chevaux « dépressifs » qui montrent une attitude apathique, combinant périodes d’immobilité, prostration et absence de réactivité à l’environnement. Un tel mécanisme pourrait expliquer aussi les taux de

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J. Pawluski et al. Page 143

cortisol bas observés chez des personnes en burn-out ou présentant des douleurs de dos chroniques. Chez l’homme, on considère qu’il pourrait s’agir d’un mécanisme amenant au développement de pathologies. En conclusion, le cortisol : hormone de stress ou de bien-être ? Les deux bien sûr puisque le stress, quand il est modéré et ponctuel, stimule l’adaptation. Par contre, il est urgent de revisiter ce concept du cortisol comme indicateur absolu de stress. La relation entre cortisol et bien-être n’est pas linéaire : comme pour beaucoup d’autres indicateurs, c’est l’équilibre qui compte. C’est donc un potentiel « faux-ami » : beaucoup de cortisol ne signifie pas mal-être, peu de cortisol ne signifie pas bien-être et pourrait même au contraire indiquer un état dont il faut s’inquiéter…

Remerciements Les auteurs remercient les responsables des centres équestres et leur personnel pour l’accès aux chevaux et leur aide, C. Fureix, A. Bruchet, L. Dupont et C. Lavertue de l’ Université de Rennes 1 et E Klobetz-Rassam de l’University of Veterinary Medicine, Vienna, pour leur importante contribution et la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole pour avoir financé cette étude.

Références Benhajali, H., Richard-Yris, M.-A., Ezzaouia, M., Charfi, F., Gautier, E., Hausberger, M. (2010). Stéréotypies chez les chevaux domestiques : des corrélats inattendus avec la reproduction, les capacités cognitives et les conditions de travail. In : 36ème Journée de la Recherche Equine. Paris : Institut français du cheval et de l’équitation, 133-139. Fureix, C., Jego, P., Coste, C., Hausberger, M. (2010). Indicateurs de bien-être/mal-être chez le cheval : une synthèse. In : 36e Journée de la Recherche Equine. Paris : Institut Français du Cheval et de l’Equitation, 1-11. Fureix C, Jego P, Henry S, Lansade L, Hausberger M. (2012). Towards an ethological animal model of depression? A study on horses. PLoS One, 7, e39280. Hausberger, M., Fureix C, Lesimple C. (2016) Detecting horses’ sickness: in search of visible signs. Applied Animal Behaviour Science 175, 41-9. Hausberger, M., Rochais, C., Henry, S., Stomp, C., Lesimple, C., Cousillas, H. (2016). Quand le cheval va bien : état des lieux sur les indicateurs de bien-être.In : 42 ème journées de la Recherche Equine. Paris : Institut Français du Cheval et de l’Equitation. Journées de la Recherche Equine, 69-78. Lesimple, C., Fureix, C., Menguy, H., Richard-Yris, M.-A.,Hausberger, M. (2011). Relations entre attitude au travail, problèmes vertébraux et relation à l’homme chez le cheval. In : 37e Journée de la Recherche Equine. Paris : Institut Français du Cheval et de l’Equitation, 23-32. Lesimple, C., Poissonnet, A.,Hausberger, M. (2015). Bien-être et facteurs d’influence : une étude épidémiologique. In : 41e Journée de la Recherche Equine. Paris : Les Haras Nationaux/INRA/Institut français du cheval et de l’équitation, 5-14. Lesimple C, Poissonnet A, Hausberger M. (2016). How to keep your horse safe? An epidemiological study about management practices. Applied Animal Behaviour Science. Mateo JM. (2008). Inverted-U shape relationship between cortisol and learning in ground squirrels. Neurobiology of Learning and Memory, 89, 582-90. McEwen BS, Wingfield JC. (2003). The concept of allostasis in biology and biomedicine. Hormones and Behavior, 43, 2-15. Mormede P, Andanson S, Auperin B, Beerda B, Guemene D, Malmkvist J, et al. (2007). Exploration of the hypothalamic-pituitary-adrenal function as a tool to evaluate animal welfare. Physiology & Behavior, 92, 317- 39. Palme R, Rettenbacher S, Touma C, El-Bahr S, Möstl E. (2005). Stress hormones in mammals and birds: Comparative aspects regarding metabolism, excretion and noninvasive measurement in fecal samples. Annals New York Acad Sci.,1040,162-71. Pawluski J, Jego P, Henry S, Bruchet A, Palme R,, Coste, C., Hausberger, M. (2017). Low plasma cortisol and fecal cortisol metabolite measures as indicators of compromised welfare in domestic horses (Equus caballus). PlOS ONE 12(9): e0182257. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0182257

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Effet de différentes intensités de musique chez le cheval (Equus Caballus) en situation de stress aigu

Camille Eyraud1, Claire Neveux2, Odile Petit1, Mathilde Valenchon1 1 Equipe d’Ethologie Cognitive et Sociale, CNRS, 23 rue du Loess, 67037 Strasbourg 2 Ethonova, 598 chemin des vaillaux – 14340 Belle Vie en Auge [email protected] / [email protected]

Résumé Les chevaux domestiques sont quotidiennement soumis à des situations de stress variées inhérentes à leur gestion par l’humain. La réaction des chevaux au stress peut engendrer des incidents impliquant humains comme chevaux. Nos précédentes études suggèrent que la diffusion de musique contribuerait à contrebalancer l’impact négatif de stress aigus dans certains cas. Dans cette étude, nous avons testé si cet impact de la musique est modulé par son volume de diffusion. Ainsi, nous avons placé de manière répétée 13 individus en situation d’isolement social dans cinq conditions expérimentales : sans musique, atténuation phonique, musique à 20 dB, à 32 dB et à 45 dB. La diffusion intra auriculaire de musique à 32 dB ou à 45dB aurait un effet apaisant. En revanche, en condition volume à 20 dB les individus présentent un état de stress plus important. Ainsi, la musique diffusée à un certain volume semble être un outil adapté pour apaiser les individus en situation d’isolement social mais de nombreux points restent encore à approfondir avant de pouvoir établir des recommandations d’utilisation précises permettant d’en optimiser les bénéfices. Mots Clés : bien-être, stress, fréquence cardiaque, comportement

Summary Domestic horses are daily exposed to various stressful situations that are inherent to their human-controlled way of living. Stress reactions can induce accidents for both humans and horses. Our previous studies showed that music diffusion might contribute to compensate for the negative impact of acute stressors in some cases. In the present study, we tested if this music impact depended on its volume level. To do so, we sequentially submitted 13 individuals in social isolation to five different experimental conditions: no music, sound attenuation (with earplugs), music at 20 dB, music at 32 dB and music at 45 dB. Our results showed that the in-ear diffusion at both 32 dB 45 dB lead to a calming effect. On the contrary, we observed an increase of the horse's stress state at 20dB. Hence, music would appear to be a suitable tool to calm down individuals in social isolation but many points still need to be properly refined before specific recommendation can be established to use it in an optimal manner. Keywords: welfare, stress, heart frequency, behavior

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Eyraud et al. Page 145

Introduction Améliorer la gestion des situations stressantes représente un défi scientifique majeur, tant pour la sécurité des humains et des animaux, que pour contribuer in fine à l’amélioration du bien-être animal. La filière équine est tout particulièrement touchée par cette problématique car la gestion des chevaux représente une importante source d’accidents (enquête MSA 2015), d’altération de la relation Homme-cheval et de stress chronique. Notre projet vise à proposer un outil de gestion du stress : la diffusion de musique. Plusieurs études scientifiques (Synthèse : Wells 2009) ont en effet montré que la diffusion de musique permet de réduire le niveau général de stress des animaux et de favoriser leur relaxation, notamment chez le cheval. Cet effet relaxant de la musique n’avait jusque-là été prouvé que lors d’exposition prolongée dans le milieu de vie habituel. C'est dans ce contexte que notre équipe s’est emparée de cette problématique. Notre objectif était alors de tester si la diffusion de musique classique pouvait avoir un effet relaxant également en cas de stress aigus. Et effectivement, les études que nous avons menées ont permis de montrer que la diffusion de musique classique peut limiter l’impact négatif d’épisodes de stress aigus variés : parcours en main en milieu inconnu (Neveux et al., SFECA 2015), transport et séance de maréchalerie (Neveux et al., JRE 2016), isolement social (Neveux et al., JRE 2017). La diffusion de musique permet en particulier d’accélérer la récupération post- stress. De manière très intéressante, nous n’avons pas retrouvé cet effet positif dans le cas d’une simple atténuation de la perception de l’environnement sonore extérieur (via des bouchons d’oreille), suggérant que des caractéristiques sonores ou musicales sont bien à l’origine de ces propriétés apaisantes. Dans la continuité de ces premiers travaux, nous cherchons désormais à explorer les mécanismes qui sous- tendent la capacité du cheval à percevoir la musique, à l'intégrer, à la traiter, et de comprendre les répercussions émotionnelles et cognitives qui en découlent. Cette connaissance est indispensable pour pouvoir préconiser ou non son utilisation, et ce dans des contextes adéquats. Ainsi, dans cette étude, nous avons cherché à déterminer si le volume de diffusion de la musique module son impact sur l’état de stress des chevaux en situation de stress aigu.

1 Matériel et Méthodes L’étude a été réalisée sur 13 chevaux (Selle Français sauf un Anglo-Arabe, 4 à 11 ans, huit mâles et cinq femelles) au sein de la section équestre de l’Ecole Militaire de Paris. Ils sont hébergés en boxes individuels avec sorties quotidiennes dans la matinée (une heure environ), montés ou en paddocks individuels. Les sujets ont été placés de manière répétée en situation d’isolement social dans cinq conditions expérimentales avec ou sans musique. La situation de stress aigu que nous avons choisie est celle de l’isolement social en manège. Nous l’avons mis en œuvre en plaçant tour à tour, nos individus expérimentaux en liberté pendant 10 minutes dans le manège de l’Ecole Militaire dans lequel ils ont tous déjà étés régulièrement (montés). Ce manège de 60 m x 20 m présente la particularité d’être éloigné des écuries et complètement clos ce qui en fait un endroit propice à l’isolement social. Il est également très silencieux puisque l’environnement sonore est de 35 dB en moyenne. La bande son utilisée lors des tests réalisés en condition « musique » est « free to run » de Janet Marlow, diffusée en boucle sur un seul canal au moyen du casque audio commercialisé par l’entreprise HorseCom. Ce dispositif dédié aux chevaux se présente sous la forme d'un bonnet d'oreilles classique mais a la particularité pour ce modèle expérimental de pouvoir recevoir un petit lecteur mp3 et d'être équipé d'une paire d'écouteurs disposés à l'entrée du pavillon de chaque oreille, permettant de diffuser une bande son directement à proximité des oreilles du cheval. Par ailleurs, nous avons utilisé une ceinture cardiofréquencemètre (EQUINE RS800CX Science, Polar Oy, Finlande). Au cours de chaque test, chaque cheval était équipé de ces deux dispositifs auxquels il a été préalablement familiarisé. Pour déterminer l’impact de la musique sur l’état de stress des chevaux, nous avons placé nos individus dans cinq conditions expérimentales. Une condition contrôle sans musique, pendant laquelle le casque audio est inactif, permet d’évaluer l’effet stressant de la situation d’isolement social sans musique. Une condition atténuation phonique au cours de laquelle le sujet porte des bouchons d’oreilles (EquiFit) en plus du casque audio inactif, permet de s’assurer que d’éventuelles différences observées en condition « musique » ne soient pas simplement dues à l’atténuation de l’environnement sonore du cheval. En ce qui concerne la condition musique, nous avons choisi de la décliner en trois niveaux d’intensité sonore : un faible (20dB) ; un modéré (32dB – i.e. volume utilisé dans les études précédentes) et un dernier plus élevé (45dB). Des relevés comportementaux ont été effectués en direct par la même observatrice tout au long de l’étude et avec la méthode de focal animal sampling. Les comportements de relaxation comprenaient notamment la locomotion lente (pas, immobilité) et une exploration calme de l’environnement (mordiller, flairer, regarder).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Eyraud et al. Page 146

Les comportements de stress comprenaient notamment la locomotion active (trot, galop) et les comportements de vigilance. Nous avons également pris en compte certains comportements en rapport avec des miroirs présents dans le manège (comportement social vers le reflet du miroir, explorer le miroir) et nous leur avons attribué une valence de stress en accord avec les conclusions de l’équipe de McAfee (2002). A partir des durées totales des comportements de stress et de relaxation, nous avons calculé un ratio (Ratio stress/relaxation). Ainsi, plus ce ratio est élevé, plus il traduit un état de stress important. Plus il est faible, plus il traduit un état de relaxation. En outre, nous nous sommes intéressées à la fréquence cardiaque moyenne de chaque individu au cours des 10 minutes de test. Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel R et un seuil de significativité alpha fixé à 5%. Nous avons commencé l’analyse de chacune de nos variables d’intérêt par leur représentation en boîte à moustache et par l’élimination des individus extrêmes. Ensuite, en raison du faible effectif et de la répétition des tests, nous avons utilisé des tests non paramétriques de permutation Fisher Pitman avec stratification par individu (groupes appariés), suivant la méthode de Monte-Carlo pour déterminer si nos variables comportementales et physiologiques différaient en fonction des différentes conditions expérimentales. Lorsque cela était justifié, les mêmes tests de Fisher Pitman ont été utilisés pour les comparaisons post-hoc.

2 Résultats Les ratios stress/relaxation diffèrent significativement selon les différentes conditions (Permutation, natténuation phonique=10, nsans musique=12, nvolume faible=13, nvolume modéré=13, nvolume fort=11 ; p = 0,01). Les comparaisons deux à deux avec des tests de permutation de Fisher Pitman sont présentés dans la Figure I.

Figure I : Ratios stress/relaxation en fonction des conditions expérimentales (Bouch = atténuation phonique, SansMus = contrôle, 20 dB = volume faible, 32 dB = volume modéré, 45 dB = volume fort) et valeurs de P associées (tests de Fisher Pitman) Figure I : Stress/relaxation ratio according to experimental conditions (Bouch = sound attenuation, SansMus = control, 20 dB = low volume, 32 dB = moderate volume, 45 dB = volume) and p value associated. (Fisher Pitman Tests)

Les ratios stress/relaxation en condition « volume modéré » et « volume faible » sont significativement plus faibles qu’en condition « atténuation phonique ». Le ratio stress/relaxation en condition « volume modéré » est significativement plus faible qu’en condition « volume faible ». De plus, ce ratio stress/relaxation en condition « volume modéré » aurait tendance à être plus faible que celui de la condition contrôle « sans musique » (Figure I). Il n’y a pas de différence significative entre les fréquences cardiaques au cours des tests dans les différentes conditions (test de permutation, natténuation phonique =12, nsans musique =13, nvolume faible =8, nvolume modéré =13, nvolume fort =12 ; p = 0,2).

3 Discussion Nos résultats confirment tout d’abord que la diffusion de musique pourrait en effet avoir un effet relaxant en cas de stress aigu. En effet, on observe un effet apaisant de la musique diffusée à 32dB sur la composante comportementale les individus tendent à présenter une diminution du ratio stress/relaxation (p = 0,06) ce

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Eyraud et al. Page 147

qui traduit un état de stress moins important. L’atténuation de l’intensité de l’environnement sonore des individus en situation de stress tend aussi à les apaiser (Figure I), mais ne suffit pas seule à expliquer l’effet relaxant de la condition musique puisque que la diffusion de musique à 32dB les apaise davantage (p = 0,04). L’ensemble de ces observations rejoint les résultats observés dans la littérature suggérant que la musique a un effet apaisant (Houpt 2000, Wilson et al.2011, Carter & Greening 2012) et peut limiter l’impact de stress aigus (Neveux et al. 2016, 2017) chez les chevaux. En revanche, nos résultats suggèrent également qu’un volume minimal est nécessaire pour la musique soit efficiente. En effet, alors que l’on observe un pattern identique au volume modéré lorsque les individus sont en condition volume fort (45dB), la grande variabilité interindividuelle observée dans la condition volume faible (20 dB) suggère qu’un seuil de volume minimal est nécessaire à certains individus pour obtenir un effet de la diffusion de musique. Des analyses devront être réalisées pour le confirmer ou non, mais il est possible qu’à volume faible, certains chevaux soient réceptifs, et d’autres non, alors qu’à volume plus élevé cet effet est plus homogène. Notre étude montre que la diffusion de musique pourrait être un outil approprié à la gestion du stress des chevaux lors de situation à risque. Un cheval moins stressé sera moins susceptible d’exprimer des comportements dangereux (e.g. défense, fuite), réduisant ainsi les risques d'accidents. Or la gestion du stress est un point clé de la relation humain-cheval puisque celle-ci s'établit avec le temps en fonction des différentes interactions répétées qu'ils peuvent avoir. Limiter les interactions négatives ou limiter l'état de stress de l'animal lors d'interventions habituelles, récurrentes et indispensables (comme le transport, les soins vétérinaires...etc.) ne pourra qu'être bénéfique à long terme pour la relation humain-cheval.

Remerciements Nous remercions notre partenaire financier et technique Horsecom sans qui cette étude n’aurait été possible. Nous tenons également à remercier le Commandant Jean-Philippe Robert, écuyer en chef du manège de l’Ecole Militaire, et toute son équipe pour nous avoir permis de réaliser cette étude au cœur du 7eme arrondissement de Paris.

Bibliographie Alworth, L. C., & Buerkle, S. C., 2013. The effects of music on animal physiology, behavior and welfare. Lab Animal, 42(2), 54-61. Carter, C., & Greening, L., 2012. Auditory stimulation of the stabled equine; the effect of different. ISES UK, Edinburgh, Scotland Houpt, K., Marrow, M., & Seeliger, M., 2000. A preliminary study of the effect of music on equine behavior. Journal of Equine Veterinary Science, 20(11), 691-737. McAfee, Lynn M et al., 2002. The use of mirrors for the control of stereotypic weaving behaviour in the stabled horse Applied Animal Behaviour Science, Volume 78, Issue 2, 159 – 173 MSA., 2015. Salariés agricoles : Suivi des principaux indicateurs d’accidentologie par les Comités Techniques Nationaux de prévention. Données nationales 2008-2013. Neveux, C., Ferard, M., Dickel, L., Bouet, V., Lansade, L., Vidament, M., Valenchon, M. 2015. La musique adoucit les moeurs ... et diminue le stress. Colloque annuel de la SFECA, Strasbourg. Neveux, C., Férard, M., DIckel, L., Bouët, V., Petit, O., Valenchon, M. 2016.La musique adoucit les mœurs... et diminue le stress. Actes de colloque de la 42ème Journée de la Recherche Equine. Paris, France, 17 mars 2016, p. 111-119 Neveux, C., Manneville, J., Dickel, L., Bouët, V., Petit, O., and Valenchon, M. 2017. Effets relaxants de la musique classique lors d'une situation de stress social chez le cheval. Actes de colloque de la 43ème Journée de la Recherche Equine. Paris, France, 16 mars 2017, p. 163-167 Wells, D. L. (2009). Sensory stimulation as environmental enrichment for captive animals: a review. Applied Animal Behaviour Science, 118(1), 1-11. Wilson, M. E., Phillips, C. J. C., Lisle, A. T., Anderson, S. T., Bryden, W. L., & Cawdell-Smith, A. J., 2011. Effect of music on the behavioural and physiological responses of stabled weanlings. Journal of Equine Veterinary Science, 31(5), 321-32

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Effets de l’Allégeoir® sur l’appareil manducateur et la locomotion du cheval de dressage et de loisir, en main et monté

C. Balaresque1, S. Biau2, I. Burgaud2

1société SBAC 31560 Caignac 2 IFCE ENE BP207 49411 Saumur Cedex

Résumé L’objectif de l’étude est de quantifier les modifications biomécaniques liées au port d’un système de protection dentaire équin : l’Allégeoir®. Ce système est apparenté à un protège dents humain. Chez l’homme, la protection de l’appareil manducateur du sportif est une donnée acquise, « rentable » d’un point de vue des performances. Qu’en est-il pour le cheval chez qui l’appareil manducateur est surexposé ? 12 chevaux ont été suivis pendant trois mois. Six d’entre eux ont été équipés d’un Allégeoir® et l’ont porté quotidiennement 20 minutes avant et après le travail pendant trois mois. Pour les 12 chevaux, des bilans ostéopathiques et des tests locomoteurs en main ont été réalisé avant le 1er jour de port de l’Allégeoir® et trois mois plus tard. En fin d’étude, quatre chevaux ont été testés montés avec et sans Allégeoir®. Les résultats chez les chevaux équipés mettent en évidence une diminution des dysfonctions de l’appareil manducateur et des impacts sur la dynamique locomotrice. Un effet de rémanence de l'Allégeoir est mis en évidence. L’Allégeoir® protège la bouche du cheval, augmente la symétrie des foulées au pas et au trot du cheval monté, fait diminuer l’effort dorsoventral de ces allures et au galop monté, une plus grande activité est observée. Mot clés : Allégeoir® ; locomotion ; ATM ; bouche ; entraînement

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 16 mars 2017

Suivi clinique, hémato-biochimique et thérapeutique d’un groupe de chevaux d’endurance élite, suite à élimination et prise en charge médicale urgente sur la compétition de 160 km des Jeux Equestres Mondiaux 2014 (JEM 2014) : analyse rétrospective de 47 cas

A.E. M. Benamou-Smith1, F. Simon 1, S. Pronost2

1 VETAGROSUP Campus Vétérinaire de Lyon, Université de Lyon, Marcy L’Etoile 2 LABÉO Frank Duncombe/ EA7450 BIOTARGEN Université Caen Normandie

Résumé L’objectif de cette étude rétrospective est de décrire les anomalies cliniques et clinico-pathologiques de chevaux élites participant à une compétition à haut enjeu international dans le sport d’endurance, ayant été éliminés durant l’épreuve et nécessitant des soins médicaux urgents dans la clinique située sur le site des Jeux Equestres Mondiaux (JEM). Le suivi de 47 chevaux éliminés (sur les 156 chevaux participant à la compétition) inclus dans l’étude, a permis de compiler des données relatives au cheval et au déroulement de la compétition, des données cliniques ainsi que les résultats hémato-biochimiques obtenus à l’admission du cheval à la clinique. Les affections métaboliques les plus représentées étaient : Les déséquilibres hydro- électrolytiques (DHE) et l’iléus intestinal (chacun >65%), suivi de loin par les autres affections couramment décrites. Une association significative a été obtenue entre le développement de DHE et l’iléus paralytique. L’évolution des chevaux traités a été bonne malgré leur sévérité. Le recours à la fluidothérapie est massif et standardisé, accompagné d’un monitoring précis des fonctions vitales. Mots clés : endurance, chevaux, affections médicales, urgence, traitements

Summary The objectives of this retrospective study are to describe the clinical and clinical pathological anomalies of elite endurance horses competing in the World Equestrian Games (WEG), eliminated during the competition, and requiring emergency medical treatment in the competition field. 47 horses were included and their clinical and laboratory data was compiled as well as distance at elimination, horse experience and age. Most represented medical disorders were hydro-electric abnormalities and paralytic ileus (each represented more than 65% of horses) well ahead of other current disorders classically described. A significant association was obtained between the two medical entities. All treated horses recovered favorably despite their clinical severity. Use of early and standardized fluid therapy proved very efficient alongside careful monitoring.

Key-words: equine, endurance, emergency, medical disorders, medical treatment

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Benamou-Smith et al. Page 150

Introduction Les traitements d’urgence sont souvent nécessaires suite à l’élimination de chevaux d’endurance fatigués et souffrant d’affections essentiellement métaboliques. Il y a très peu de données publiées disponibles apportant des précisions sur le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de ces cas urgents, surtout chez des chevaux « élite » participant à des courses internationales difficiles et de haut niveau (Fielding, Magdesian et al, 2009 ; Robert et al., 2002, Schott et al., 2006). Le but de cette étude de terrain était de décrire les points clés de l’examen clinique, de catégoriser les chevaux éliminés et nécessitant une prise en charge médicale selon les entités physio- pathologiques responsables de leur fatigue, de décrire les anomalies hémato-biochimiques de ces chevaux et de classer ces anomalies selon les catégories d’affections cliniques, la distance parcourue et les traitements administrés.

1 Matériels et méthodes Ont été inclus dans cette étude rétrospective les chevaux participant à l’épreuve d’endurance des JEM 2014, éliminés et nécessitant une prise en charge médicale au sein de l’hôpital créé pour la compétition. Ces chevaux « élite » ont été suivis par une équipe vétérinaire composée de huit vétérinaires expérimentés. Les données cliniques et paracliniques de chaque cheval étudié ont été compilées sur des feuilles d’examen dédiées, élaborées par l’investigateur principal, puis discutées avec chaque clinicien pour s’assurer de la cohérence de l’analyse clinique entre évaluateurs. Les examens cliniques comprenaient un examen initial, et des examens de suivi toutes les 15 à 30 minutes durant la prise en charge médicale jusqu’à stabilisation du cheval et retour à l’écurie (en moyenne au bout de deux heures). Durant une épreuve d’endurance, les chevaux sont évalués à des points fixes (appelés VETGATE) espacés de 30 à 40 km. La plupart des chevaux de l’étude ont été évalués à cinq stades principaux de la course, c’est-à-dire à 30 km, 60 km, 90km, 120 km et 160 km. Des prélèvements sanguins ont été systématiquement réalisés à l’admission du cheval, avant tout traitement. Les analyses sanguines automatisées ont été réalisées immédiatement dans le laboratoire de l’hôpital et ont inclus : une numération formule (sur Lasercyte ND), un bilan biochimique équin large (sur Vetest ND), un bilan électrolytique (sur I-STAT ND) et une lactatémie.

2 Analyse des données Les données sont présentées comme moyenne± écart-type. Des statistiques descriptives ont été effectuées pour toutes les données cliniques et paracliniques, le score de sévérité de l’affection traitée, l’âge et l’expérience du cheval, ainsi que sur la distance parcourue avant élimination. En raison de la taille de l’échantillon, les tests statistiques non paramétriques ont été utilisés : analyse de moyenne (Test de Kruskal Wallis avec test post-comparaison de Dunn) et analyses de variance (test de Mann-Whitney). Le niveau de significativité est fixé à p< 0,05.

3 Résultats et discussion. 47 chevaux ont pu être inclus dans cette étude, soit un pourcentage particulièrement élevé de chevaux traités (29%) dans une épreuve difficile caractérisée par un taux élevé d’élimination (66%) (Fielding et al., 2009). Les désordres métaboliques présentés par les chevaux ont été classés en: déséquilibre hydro-électrolytique (« DHE ») (70%), iléus paralytique (« ILEUS ») (64%), Flutter diaphragmatique (21%), myopathie d’effort (9%), coliques (9%), syndrome d’épuisement métabolique (5%), et syndrome neurologique (2%) (cf Tableau 1). Ainsi, un même cheval peut être inclus dans plus d’une catégorie d’affection. Les chevaux ont tous été pris en charge dans les 30 minutes suivant leur élimination. La distance moyenne parcourue par ces chevaux avant élimination était de 90 km. Le stade d’élimination des chevaux manifestant un flutter était significativement plus tardif que le reste des chevaux étudiés (>113 km), indiquant probablement que la mise en place des désordres électrolytiques est progressive et longue. Inversement, l’élimination était significativement plus précoce chez les chevaux manifestant une myosite d’effort par rapport à d’autres affections (cf Tableau 1). Aucune tendance n’a été notée entre les chevaux des différentes catégories pour ce qui est de l’âge ou de l’expérience du cheval, mais l’âge des chevaux traités était significativement supérieur à celui des chevaux ayant terminé la course et s’étant qualifiés. Par ailleurs, une forte proportion (40%) des chevaux déshydratés (groupe « DHE ») avait également développé un iléus intestinal sévère (groupe « ILEUS »), tandis que 43% des chevaux de la catégorie ILEUS étaient également classés dans la catégorie DHE, ce qui conforte le fort lien patho-physiologique entre les deux désordres métaboliques. Similairement, 100% des chevaux à COLIQUES sont aussi classés dans les

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Benamou-Smith et al. Page 151

catégories DHE et ILEUS, confirmant ainsi l’origine métabolique précédemment observée des coliques d’effort du cheval d’endurance (Fielding et Déchant, 2012). Parallèlement, nous avons constaté que le groupe de chevaux ayant développé des myosites avait aussi développé un ILEUS sans pour autant être classé dans la catégorie (DHE) des chevaux significativement déshydratés : ceci peut indiquer que l’iléus paralytique peut aussi s’installer chez ces chevaux de sport sans être associé à une déshydratation. Sur le plan sanguin, nous avons constaté de faibles variations biochimiques ou électrolytiques chez le groupe de chevaux étudiés, ce qui est cohérent avec les résultats de Fielding et al, 2009. Sur le plan hématologique, l’hémoconcentration, exprimée par une augmentation de l’hématocrite et de l’hémoglobinémie, était significativement plus élevée chez le groupe des chevaux ayant développé une myosite d’effort que chez les autres catégories de chevaux traités, alors que les chevaux à myosite n’étaient pas plus déshydratés que les autres catégories. Ces observations sont concordantes avec les résultats cliniques ci-dessus et peuvent suggérer dans ce cas que l’hémoconcentration résulte d’une splénocontraction de stress plutôt que d’une déshydratation. Elles rejoignent les hypothèses de Fielding et al., 2009 sur l’hypothèse de spasmes douloureux chez ce groupe de chevaux dans son étude. Enfin, sur le plan thérapeutique, il est intéressant et utile de constater que l’apport moyen de fluidothérapie intraveineuse administrée est de 21,3±9 L/ par cheval, sans différence significative entre les catégories d’affections, la distance parcourue ou encore le score de sévérité clinique attribué. Tous les chevaux ont récupéré dans les six heurs suivant la prise en charge médicale, confirmant le pronostic favorable de ces affections si elles sont prises en charge précocement, et aucune complication médicale n’a été développée par ces chevaux suite à cette épreuve. Durant cette compétition internationale très sélective, un pourcentage plus élevé de chevaux a été disqualifié par comparaison avec d’autres études. Ceci a permis une analyse statistique des affections diagnostiquées. Le climat chaud et la technicité de la compétition peuvent sans doute expliquer le fort taux d’élimination constaté. Malgré ces conditions difficiles de course, il est intéressant de constater que les anomalies biochimiques, peu marquées, ne permettent pas de discriminer les cas, et que l’évolution des chevaux traités a été bonne malgré la sévérité de leur atteinte métabolique, sans doute grâce à une intervention médicale précoce selon un protocole clinique standardisé organisé bien en amont de l’épreuve par l’équipe vétérinaire.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Benamou-Smith et al. Page 152

Tableau 1 : Récapitulatif des affections diagnostiquées, des paramètres : distances parcourues, fréquence cardiaque moyenne et sévérité, associés à chaque affection, ainsi que du volume moyen de fluidothérapie administré. Table 1 : Summary of data concerning : disorders presented and distribution, mean distances, heart rates, clinical scores within each group, and fluid therapy for each category of disorders

. Remerciements Nous remercions tous les vétérinaires et les assistants vétérinaires de l’équipe traitante des JEM de Sartilly, ainsi que les membres de LABEO présents pour leur contribution pratique indispensable à cette étude. Nous remercions le Dr. Sébastien Lefebvre (Vetagrosup) pour son aide précieuse sur l’analyse statistique. Références Fielding, C.L., Magdesian, K. Gary, Rhodes, Diane M., Meier, Chloe A. et Higgins, Jill C. Clinical and biochemical abnormalities in endurance horses eliminated from competition for medical complications and requiring emergency medical treatment: 30 cases (2005– 2006). Journal of Veterinary Emergency and Critical Care. 1 octobre 2009. Vol. 19, n° 5. Fielding CL.,. Dechant JE. : Colic in competing endurance horses presenting to referral centres Equine Veterinary Journal 44 (2012) 472–475 Robert, C., Benamou-Smith, A. et Leclerc, J.-L. Use of the recovery check in long- distance endurance rides. Equine Veterinary Journal. 1 septembre 2002. Vol. 34, n° S34, pp. 106‐111. Schott HC, Marlin DM., Geor DJ. Changes in selected physiological and laboratory measurements in elite horses competing in a 160 km endurance ride. Equine Vet. J., 2006, suppl. 36: 37-42.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 16 mars 2017

Maladies néonatales, gestion et facteurs de risque : une étude de terrain réalisée auprès de praticiens équins expérimentés (2013-2016)

H. Matthys, A.E.M. Benamou-Smith VETAGROSUP Campus Vétérinaire de Lyon, Université de Lyon, Marcy L’Etoile

Résumé Les maladies néonatales équines sont très prévalentes et le taux de mortalité est significatif pour les éleveurs, mais peu de données existent en clientèle. Cette étude de terrain, menée auprès de vétérinaires expérimentés dans ce secteur d’activité, vise à classifier les expressions cliniques et identifier les facteurs de risque. L’objectif pratique est de permettre aux éleveurs d’être alertés, aux vétérinaires de prendre en charge plus précocement ces cas coûteux pour la filière équine et ainsi d’augmenter le taux de survie des poulains. 250 poulains malades de moins de trois semaines ont été suivis par trois cliniques vétérinaires et plus de 80 données par poulain ont été compilées dans un questionnaire prospectif individuel puis analysées. Cette étude détaille les maladies néonatales les plus représentées, ainsi que leur taux de survie et les facteurs de risque majeurs détectés. Les examens diagnostiques les plus réalisés et les traitements principaux employés ont été décrits pour en représenter les tendances. Mots clés : néonatalogie, équine, maladies, survie, facteurs de risque

Summary Equine neonatal disorders are very prevalent and the mortality rate is very significant with respect to breeders’ activity. There is little objective data arising from equine practices. This field study was conducted amongst experienced veterinary surgeons in this field. The aim is to improve early detection of the clinical disorders and prevention of their risk factors. And thus allow breeders and veterinarians to handle these costly cases as early as possible, thereby improving survival rates. 250 sick foals aged less than three weeks were included and examined by experienced veterinarians. More than 80 data per foals were collected based on an individual detailed prospective questionnaire. This study describes the most represented neonatal disorders encountered in practice, risk factors, survival rates, as well as most frequently performed diagnostic tests and treatment regimes. Key-words: equine, neonatology, disorders, survival, risk factors

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

H. Matthys et A.E.M. Benamou-Smith Page 154

Introduction La période néonatale est très délicate dans l’espèce équine, et malgré une amélioration de la prise en charge médicale depuis les débuts de la néonatalogie équine dans les années 1990, les chiffres indiquent que la mortalité des poulains malades peut atteindre 50% dans les structures de soins (Giguere S. et al, 2017). L’objectif de cette étude de terrain est de déterminer la prévalence des principales affections néonatales affectant le poulain nouveau-né en clientèle spécialisée, leur taux de survie ainsi que les facteurs de risque associés.

1 Matériels et méthodes Les poulains de moins de trois semaines (21 jours) hospitalisés dans quatre clientèles spécialisées ont été inclus dans cette étude durant trois saisons de poulinages (2014, 2015 et 2016). Préalablement, les quatre cliniques avaient été choisies par le biais d’un questionnaire d’activités en néonatalogie, élaboré pour cet étude, de façon à évaluer leur activité dans cette spécialité clinique et leur niveau de soins (cf Figure I : Questionnaire 1).

Figure I : Partie laboratoire, mesures et examens complémentaires de la section équipement et matériel du questionnaire clinique (Questionnaire 1) Figure I: Clinical questionnaire 1: questions relating to equipment and measurements available in the clinic

Selon la classification de Koterba et al, (1990), les 4 cliniques étaient réparties en trois cliniques de niveau 2 et une clinique de niveau 3. Le niveau 2 prodigue des soins 24h/24. Il nécessite un niveau d’engagement en temps et financier, qui peut être fourni de façon plus appropriée dans un centre de référé. Un personnel dédié, des moyens de laboratoires et un équipement spécialisé sont nécessaires. Le niveau 3 fournit tout du niveau précédent plus la ventilation en pression positive et l’analyse des gaz sanguins sur place. Ce type de prise en charge nécessite les ressources complètes d’un hôpital spécialisé avec une unité de néonatalogie ainsi qu’un personnel spécialisé (Knottenbelt et al., 2004).

Pour chaque poulain malade, un questionnaire clinique détaillé, prospectif et individualisé a été renseigné durant l’hospitalisation (cf. Figure II : questionnaire 2). Plus de 80 données ont été compilées par un total de 12 vétérinaires, incluant des informations sur : la jument poulinière, la gestation, la parturition, l’anamnèse du poulain, l’examen clinique initial, les analyses sanguines, les examens complémentaires, le diagnostic, les traitements, les complications et la survie.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

H. Matthys et A.E.M. Benamou-Smith Page 155

Figure II : Partie « Examen clinique » du questionnaire poulain (Questionnaire 2) Figure II: Clinical questionnaire 2 : questions relating to the clinical examination of the foal

Les données ont initialement été soumises à une analyse descriptive, puis l’analyse statistique a été effectuée sur logiciel R Studio en choisissant un niveau de significativité p< 0,05. L’association des données avec la mortalité a été faite par une analyse univariée, via un test de Chi2 ou un test de Fisher selon le nombre de valeurs dans chaque catégorie.

2 Résultats Les 250 poulains étudiés consistent en 109 femelles et 133 mâles, avec une distribution raciale prédominante de 85 Pur- Sang Anglais et 71 Trotteurs. Parmi les 250 poulains, 90 (40%) avaient moins de 12 heures au moment de la prise en charge, 94 (41%) avaient moins de 24 heures, et 118 (52%) avaient moins de 48 heures au moment de l’hospitalisation. Les affections rencontrées le plus fréquemment étaient pour 37,2% la septicémie, 13,2% une affection intestinale primaire, 12% une encéphalopathie hypoxique/ ischémique, 12% la prématurité, 8% une rétention de méconium, 7% des problèmes tendineux ou de déviation angulaire modérée à sévère, 6% de hernies ombilicales ou inguinales significatives, 3,6% d’atteinte respiratoire, 3,6% d’isoérythrolyse néonatale, 2,4% de myopathie du muscle blanc, 1,2% d’uropéritoine, un même poulain pouvant présenter plus d’une affection à la fois. Les autres affections rencontrées (atteintes respiratoires non infectieuses, les traumatismes, insuffisance rénale, anomalies cardiovasculaires) représentent un faible contingent (moins de 5% cumulés). Parmi les cas de septicémies, les manifestations étaient multiorganiques avec 39,8% de diarrhée, 25% de synovite/arthrite, 29% d’omphalite; 19,3% de pneumonie et 1% d’uvéite. Dans 11,8% des cas de septicémie, aucune localisation spécifique des symptômes n’a été rapportée. Le taux de survie global était de 179/ 250 soit 72,2%. Parmi les 69 non survivants, 40% sont morts et 40% ont été euthanasiés soit pour des raisons médicales, soit pour des raisons économiques. Le taux de survie est très bon (> 80%) pour les uropéritoines, les isoérythrolyses néonatales, les rétentions de méconium, les hernies, les déviations angulaires et problèmes tendineux. Il est moyen (< 75%) pour les affections abdominales, les traumatismes, les septicémies (65%), les encéphalopathies hypoxiques – ischémiques (65%), la prématurité. Il est mauvais (< 30%) pour les affections respiratoires non infectieuses, les myopathies nutritionnelles et les anomalies cardiovasculaires.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

H. Matthys et A.E.M. Benamou-Smith Page 156

Lorsque le paramètre mortalité est testé en analyse univariée en l’associant à des risques liés à l’anamnèse, l’examen clinique, les examens complémentaires, les résultats suivants sont obtenus : association statistiquement significative avec un problème observé lors du précédent poulinage, une prise de colostrum insuffisante et de qualité médiocre, une note d’état corporel du poulain insuffisante, un décubitus et un manque de réactivité, un réflexe de succion diminué ou absent, une hypothermie (<37,2°C), des extrémités froides, des muqueuses jugées anormales, un pouls artériel faible, une prématurité/ dysmaturité, la présence de signes neurologiques anormaux, et une hyperlactémie.

3 Discussion

L’étude de terrain prospective réalisée en clientèle auprès de 250 poulains malades et hospitalisés, étudiés sur deux saisons de poulinage, apporte une meilleure compréhension des affections néonatales équines les plus fréquentes, ainsi que des données globales et spécifiques pour chaque affection sur les taux de survie et l’association avec des facteurs de risque. Il existe ainsi très peu d’études ayant compilé de telles données globales dans un échantillon assez large de poulains. La seule étude récente qui existe (Giguere et al, 2017) a été menée en milieu hospitalier universitaire américain. Les diagnostics primaires les plus fréquents dans cette population basée en Normandie, étaient la septicémie, les diarrhées et l’encéphalopathie hypoxique/ ischémique ainsi que la prématurité. Malgré la nature prospective de cette étude, le fait qu’elle ait été menée en clientèle, et renseignée par 12 vétérinaires différents, rend l’analyse de certaines données difficiles à cause d’une variabilité inter-opérateur certaine. Le questionnaire clinique élaboré pour cette étude a été conçu pour minimiser les biais mais ils existent. Les enseignements intéressants de cette étude consistent dans l’association entre des affections spécifiques et des taux de survie qui apportent au vétérinaire comme à l’éleveur des données fiables pour appuyer l’importance de leur prise en charge et le pronostic pouvant être avancé. Certains facteurs de risque ressortent comme étant statistiquement associés à une plus forte mortalité, tels que le décubitus et une mauvaise prise colostrale. Ces résultats cliniques sont concordants avec ceux de Giguere et al, malgré un contexte différent. Ainsi dans notre étude, la paucité relative des données de laboratoires nous permettent uniquement de trouver une association entre hyperlactémie et mortalité, alors que l’étude de Giguere et al a un panel plus large de facteurs analytiques pertinents. Enfin, notre étude étant prospective, elle permet de mettre en exergue des facteurs de nature anamnésique non analysés dans d’autres études récentes tels que : une précédente gestation à problème, ou encore la rapidité de l’évolution clinique (< 24h) du poulain avant prise en charge médicale, comme étant des facteurs de risque significatifs liés à une mortalité accrue. Enfin, le sujet de l’euthanasie et du processus de décision est compliqué à analyser au regard des chiffres éclairant la survie pour chaque affection, compte tenu du fait que la décision d’euthanasie est souvent déterminée par des contraintes économiques et pas strictement médicales. Remerciements Nous remercions les vétérinaires des cliniques normandes qui ont accepté de participer à cette étude. Références Koterba A.M., 1990. Diagnosis and management of normal and abnormal neonatal foal, in: Equine Clinical Neonatalogy, Editors : Koterba AM, Drumond W ;H., Kosch P.C., Lea & Febiger, Philadelphia, pp3-15. Giguere S., Weber E.J., Sanchez L.C., 2017. Factors associates with outcome and gradual improvement in survival over time in 1065 equine neonates admitted to an intensive care unit. Equine Vet. J. 49, 45-50. Knottenbelt, D., Holdstock, N.B., Madigan, J. M. (2004) Equine Neonatal Medicine and Surgery. Elsevier Science Publishing, pp405-410

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Émergence de la toxicité printanière et influence des conditions météorologiques sur les risques de myopathie atypique

J.A. Habyarimana1, P. Gustin1, M.-L. Scippo2, L. Martinelle3, C. Douny2, C. Marcillaud-Pitel4, E. Richard5, D.- M. Votion6

1 Département des Sciences fonctionnelles, FARAH, FMV-ULg, Belgique 2 Département des Sciences des Denrées Alimentaires, FARAH, FMV-ULg, Belgique 3 Station Expérimentale (CARE - FePex), FARAH, FMV-ULg, Belgique 4 Réseau d’ÉpidémioSurveillance en Pathologie Équine (RESPE), Caen, France 5 Normandie Université, UNICAEN, Labéo Frank Duncombe, Caen, France 6 Pôle équin, Faculté de Médecine vétérinaire, FARAH, FMV-ULg, Belgique

Résumé La myopathie atypique (MA) équine en Europe résulte de l'ingestion d'hypoglycine A (HGA) contenue dans les samares et les plantules de l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus). Le taux d’HGA a été déterminé dans des samares tombées au sol et des plantules d’érables sycomores récoltées tous les 15 jours au cours du printemps 2016. Ponctuellement, d’autres échantillons environnementaux ont été également prélevés : fleurs, plants âgés, foin produit sur une de ces prairies. À partir des concentrations maximales d’HGA mesurées dans les échantillons d’érable sycomore et en extrapolant la dose toxique pour un cheval à partir des données basées sur des animaux de laboratoire, il peut être estimé qu’à certaines périodes, moins de 20 g de samares ou moins de 50 plantules sont suffisants pour atteindre la dose maximale tolérée pour un cheval. En outre, cette dose hypothétique peut être atteinte avec 150 g de fleurs et 2 L d’eau de pluie qui a ruisselé sur les plantules. Le foin produit sur une des prairies contenait de l’HGA en une concentration dépendant du nombre de plantules séchées et incluses dans celui-ci. Mots clés : myopathie atypique équine, érable sycomore, hypoglycine A

Summary Atypical myopathy (AM) equine in Europe results from the ingestion of hypoglycin A (HGA) contained in samara and seedlings of sycamore maple (Acer pseudoplatanus). The concentration of HGA was determined in samaras fallen on the ground and in seedlings of sycamore maple harvested every 15 days, in spring 2016. Other samples have been also collected: flowers, sycamore saplings and hay. Based on the maximum concentrations of HGA measured in the sycamore samples and extrapolating the toxic dose to a horse from the literature data (dose based on laboratory animals), it can be estimated that at certain times less than 20 g samaras or less than 50 seedlings are enough to reach the maximum tolerated dose for a horse. In addition, this hypothetical toxic dose can be reached with 150 g of inflorescences and 2 L of rainwater that has dripped onto seedlings. The hay produced on one of the grasslands contained HGA in a concentration depending on the number of seedlings dried and included in it. Key-words: Equine atypical myopathy, sycamore maple, hypoglycin A

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J. A. Habyarimana et al. Page 158

Introduction La myopathie atypique équine (MA) en Europe résulte de l'ingestion d'hypoglycine A (HGA) contenue dans les samares et les plantules de l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus) (Unger et al., 2014 ; Baise et al., 2015 ; Bochnia et al., 2015 ; Westermann et al., 2016). La maladie est saisonnière avec des séries cliniques se déclarant à l’automne lorsque les samares tombent au sol et au printemps, probablement à la suite de leur germination (van Galen et al., 2012). Le premier objectif de cette étude était de mesurer la concentration d’HGA dans les samares d’érables sycomores tombées au sol puis dans les plantules dès leur formation et ce, tout au long du printemps. L'objectif ultérieur était d'examiner d'autres sources possibles d'intoxication par l’HGA.

1 Matériel et méthodes Les échantillons (samares tombées au sol et plantules d’érables sycomores) ont été recueillis sur trois pâtures dont deux ont été le siège de cas de MA. Les échantillons ont été collectés à des intervalles de 2 semaines au cours du printemps 2016 (du 01/03 au 15/06). À titre de témoins négatifs, des samares d’érables planes (Acer platanoides) et d’érables champêtres (Acer campestre) ont été recueillies aux mêmes moments. Des études précédentes avaient montré l’innocuité de ces érables (Fowden et Pratt, 1973 ; Westermann et al., 2016). Au cours d’une collecte effectuée le lendemain d’une nuit pluvieuse, des fleurs d’érables sycomores étaient tombées au sol ; des inflorescences de ces érables ont été collectées sur les arbres afin d’évaluer le potentiel toxique de celles-ci. De même, l’eau ruisselant sur des plantules a été collectée pour déterminer, le cas échéant, le taux d’HGA. Fin juin, du foin produit à partir d’une de ces prairies a été prélevé. Enfin, des plantules d’au moins un an d’âge ont été récoltées afin de déterminer si les plants plus âgés avaient perdu leur toxicité.

1.1 Dosage de l’hypoglycine A dans les échantillons végétaux L’HGA a été dosée dans les échantillons végétaux par chromatographie sur couche mince de haute performance par une technique validée (Habyarimana et al., 2017). En résumé, chaque échantillon (samares entières, plantules d’érables ou autres types d’échantillons végétaux) a été pesé avec précision, broyé mécaniquement et mélangé avec une solution de méthanol pure (5 g d’échantillon avec 25 ml de méthanol) dans un tube Falcon de 50 ml. Le mélange a été maintenu sur agitateur pendant 24h (à température ambiante). Ensuite, le tube Falcon a été centrifugé 15 minutes à 4500 g et 12,5 ml du surnageant obtenu ont été transférés dans un nouveau tube Falcon de 50 ml. Le tube Falcon contenant les débris végétaux a été placé dans une étuve (à 70°C pendant 72 heures) afin de déterminer la masse de résidu sec. Le tube Falcon contenant les 12,5 ml de surnageant transféré a été mis à évaporer (via un bain-Marie limité à 37°C et ventilé) jusqu’à disparition du surnageant. L’extrait a été récupéré avec 3 ml d’eau Millipore (avec 3 périodes de 5 secondes d’agitation au Vortex). Les extraits ainsi préparés ont été soit analysés immédiatement, soit congelés à -80°C en attendant leur analyse. La quantification de d’HGA dans les échantillons végétaux a été réalisée par chromatographie en couche mince haute performance (HPTLC) avec un appareil CAMAG (CAMAG, Muttenz, Suisse). L’HGA utilisée dans la préparation des courbes d’étalonnage a été obtenue auprès de Toronto Research Chemicals, Inc., Ontario, Canada. Une solution étalon et les échantillons ont été déposées sur des plaques de silice HPTLC 60 Å F254 (Merckx) de taille 20 × 10 ou 10 × 10 cm grâce à un applicateur CAMAG Linomat V. La composition de la solution d’élution était la suivante : méthanol, acide acétique, eau Millipore 70/20/10 (v/v/v). La révélation a été effectuée par application (3 pulvérisations successives dans 3 directions différentes) d’une solution de ninhydrine à 0,2% p/v dans du méthanol suivie d’une incubation de 5 minutes à 110°C. La détermination et la quantification de l’HGA ont été effectuées sur un scanner TLC CAMAG 3 à 490 nm en mode absorbance contrôlée avec le logiciel WinCATS 4.3 (CAMAG, Muttenz, Suisse). Les limites de détection et de quantification de la méthode ont été déterminées et sont de 6 mg HGA/kg et 12 mg HGA/kg de poids frais, respectivement.

1.2 Dosage de l’hypoglycine A dans l’eau L’eau ayant ruisselé sur les samares collectées début avril a été récupérée et analysée directement par HTPLC. La limite de détection de l’HGA dans l’eau par la méthode utilisée est de 3 mg/L.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J. A. Habyarimana et al. Page 159

2 Résultats L’HGA a été détectée dans tous les échantillons issus des érables sycomores (samares, plantules, fleurs (Figure I), plants âgés ; Tableau 1) à l’exception des samares d’une prairie prélevées le 01/03. Les samares prélevées ultérieurement dans cette prairie (et qui avaient commencé à germer) contenaient de l’HGA. Le suivi du taux de toxicité des samares et plantules d’érables sycomores au cours du temps montre que le taux d’HGA (par g de matière fraiche) augmente avec la germination de la graine (Figure II), atteint un maximum puis diminue avec la croissance de la plantule. Il est à noter que de l’HGA était encore détectée dans les plants d’érables de l’année antérieure. Les samares des autres espèces d’érables collectées ne contenaient pas de toxine. L'eau de pluie en contact avec les plantules contenait de l’HGA. Le foin produit sur une de ces prairies contenait de l’HGA en une concentration dépendant du nombre de plantules séchées et incluses dans celui-ci (Figure III). Figure I : Inflorescences d’un érable sycomore (mai 2016) Figure I: Inflorescences of sycamore maple (May 2016)

Commentaire : Un seul arbre mature peut avoir plus de 800 inflorescences et chaque inflorescence peut donner jusqu'à 30 fruits. Ainsi, un tel arbre peut produire plus de 24 000 graines (Pasta et al., 2017). Comment: A single mature tree may have more than 800 inflorescences and each inflorescence may result in up to 30 fruits. Thus, such a tree may produce more than 24,000 seeds (Pasta et al., 2016).

Figure II : Déroulement des deux cotylédons émergeant de l'enveloppe rompue de la samare Figure II: Unrolling of two cotyledons from the ruptured pericarp

Figure III : Foin (a) et plantule séchée (b) extraite du foin Figure III: Hay (a) and dried seedling (b) taken out from hay (a) (b)

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

J. A. Habyarimana et al. Page 160

Tableau 1 : Toxicité des échantillons d’érables sycomores récoltés au cours du printemps 2016 Table 1: Toxicity of sycamore maple samples harvested during spring 2016 HGA Date Quantité toxique P1 : 406±1 mg/kg 05/04/2016 64 g - samares en germination P2: 1180±84 mg/kg 01/03/2016 22 g (valeur maximale mesurée) P3: 1450±12 mg/kg 15/03/2016 17 g - eau en contact P2: 12,9±1,0 mg/L 05/04/2016 2 L - fleurs P1, P2 & P3: 174±26 mg/kg 11/05/2016 150 inflorescences

Légende : HGA = taux d’hypoglycine A en mg par gramme de matière fraiche (moyenne de 3 mesures ± l’écart-type) ; P1, P2 & P3 : prairies 1, 2 et 3 ; la date correspond à la date d’échantillonnage. Legend: HGA = rate of hypoglycin A in mg per gram of fresh material (mean ± SD of 3 measurements); P1, P2 & P3: meadows 1, 2 and 3; the date corresponds to the sampling date.

3 Conclusions À partir des concentrations maximales d’HGA mesurées dans les échantillons d’érables sycomores et en extrapolant la dose toxique pour un cheval à partir des données de littérature basées sur des animaux de laboratoire, il peut être estimé qu’à certaines périodes, moins de 20 g de samares ou moins de 50 plantules sont suffisantes pour atteindre la dose maximale tolérée pour un cheval. Lors de fortes précipitations, les fleurs et l’eau de ruissellement sont des sources de contamination supplémentaires. Remerciements Les auteurs de cette étude remercient l’Institut français du cheval et de l’équitation (ifce) pour son soutien financier ainsi que les Fonds spéciaux pour la Recherche de l’Université de Liège. Références Baise, E., Habyarimana, J.A., Amory, H., Boemer, F., Douny, C., Gustin, P., Marcillaud Pitel, C., Patarin, F., Weber, M., Votion, D.M. 2015. Samaras and seedlings of Acer pseudoplatanus are potential sources of hypoglycin A intoxication in atypical myopathy without necessarily inducing clinical signs. Equine Vet J. Bochnia, M., Ziegler, J., Sander, J., Uhlig, A., Schaefer, S., Vollstedt, S., Glatter, M., Abel, S., Recknagel, S., Schusser, G. F., Wensch-Dorendorf, M. Zeyner, A. 2015. Hypoglycin A Content in Blood and Urine Discriminates Horses with Atypical Myopathy from Clinically Normal Horses Grazing on the Same Pasture. PLoS One 10, e0136785 Fowden, L., Pratt, H.M. 1973. Cyclopropylamino acids of the genus Acer: distribution and biosynthesis. Phytochemistry 12, 1677-1681. Habyarimana, J. B. A., Baise, E., Douny, C., Weber, M., Boemer, F., De Tullio, P., Franck, T., Marcillaud- Pitel, C., Frederich, M., Mouithys-Mickalad, A., Richard, E., Scippo, M.-L., Votion, D., Gustin, P. 2017. Development of an HPTLC method for determination of hypoglycin A in aqueous extracts of seedlings and samaras of Acer species. bioRxiv Pasta, S., De Rigo, D., Caudullo, G. 2016. Acer pseudoplatanus in Europe: distribution, habitat, usage and threats. In European atlas of forest tree species. Eds J. San-Miguel-Ayanz, D. De Rigo, G. Caudullo, T. Houston Durrant, A. Mauri. Luxembourg, Publication Office of the European Union. pp 56-58 Unger, L., Nicholson, A., Jewitt, E.M., Gerber, V., Hegeman, A., Sweetman, L., Valberg, S. 2014. Hypoglycin a concentrations in seeds of acer pseudoplatanus trees growing on atypical myopathy-affected and control pastures. J Vet Intern Med 28, 1289-1293. van Galen, G., Marcillaud Pitel, C., Saegerman, C., Patarin, F., Amory, H., Baily, J.D., Cassart, D., Gerber, V., Hahn, C., Harris, P., et al. 2012. European outbreaks of atypical myopathy in grazing equids (2006-2009): Spatiotemporal distribution, history and clinical features. Equine Vet J 44, 614-620. Westermann, C.M., van Leeuwen, R., van Raamsdonk, L.W., Mol, H.G. 2016. Hypoglycin A Concentrations in Maple Tree Species in the Netherlands and the Occurrence of Atypical Myopathy in Horses. J Vet Intern Med 30, 880-884.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Amélioration des biotechnologies de la reproduction dans l'espèce asine : congélation de la semence, insémination artificielle, collecte et maturation in vitro d’ovocytes

M. Halgrain1, I. Couty1, F. Reigner2, C. Douet1, P. Barrière2, T. Blard2, T. Gascogne2, Y. Gaudé2, A. Garot3, G. Goudet1, M. Magistrini1

1 INRA, UMR Physiologie de la Reproduction et des Comportements, 37380 Nouzilly, France 2 INRA, Unité Expérimentale de Physiologie Animale de l’Orfrasière, 37380 Nouzilly, France 3 IFCE, Direction Appui à la Filière et Animation des Territoires, 383 Avenue Emile Gounin, CS 70380, 37400 Amboise, France

Résumé Aujourd’hui, les sept races d’ânes françaises sont menacées d’extinction. Dans le cadre du projet « Infrastructure CRB-Anim », nos travaux se sont portés sur la conservation du matériel génétique de cette espèce. Notre laboratoire a ainsi travaillé sur la mise au point d’une technique de congélation efficace de la semence de baudet afin d’assurer des taux de gestation acceptables pour les éleveurs (fertilité/cycle actuelle < 15%). Les objectifs ont donc été 1) de tester les milieux mis au point et brevetés chez le cheval; 2) d’étudier l’effet de la descente de température lors de la congélation sur la qualité de la semence. Ainsi, nous avons démontré que les spermatozoïdes d’ânes étaient plus sensibles que ceux de l’étalon et qu’ils nécessitaient donc une protection supplémentaire pouvant être apportée par du plasma de jaune d’œuf (JO) ou des liposomes de phospholipides (PL) de JO. La voie femelle a également été explorée : la physiologie et la réactivité du col de l’utérus de l’ânesse lors de l’IA ont été évaluées et une technique de collecte d’ovocytes par ponction folliculaire transvaginale sous échographie sur ânesse tranquillisée et de maturation in vitro des ovocytes a été mise au point. Mots clés : Congélation, semence, milieux, utérus, ovocytes.

Summary Today, the seven donkey breeds in France are endangered. In the CRB-Anim project, our studies focus on the conservation of genetic material in this species. Our lab has worked on the development of a freezing method for donkey semen in order to obtain reasonable pregnancy rates (at present, fertility per cycle <15%). The aims were 1) to test extenders developed in the stallion and 2) to study the effect of decrease in temperature in the cryopreservation procedure, on semen quality. Thus, we demonstrated that donkey spermatozoa need more protection than stallion spermatozoa that can be improved by the addition of sterilized egg yolk plasma or by liposomes of egg yolk phospholipids. Moreover, some female specificities were studied: the physiology and the reactivity of jenny cervix have been evaluated throughout insemination and a technique of oocyte collection using transvaginale ultrasound guided follicular puncture on standing jenny and oocyte in vitro maturation has been developed. Key-words: Freezing, semen, extenders, uterus, oocytes.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Halgrain et al. Page 162

Introduction A l’heure actuelle, la plupart des races d’ânes sauvages telles que l’âne sauvage d’Asie (Equus asinus hemionus) ou celui d’Afrique (Equus asinus africanus) sont en voie d’extinction. De nombreuses races d’ânes domestiques sont également menacées. En effet, en France, les sept races que nous comptons sont en cours d’extinction avec moins de 100 femelles à la reproduction en 2016 et un nombre de naissances par an qui ne cesse de diminuer (924 naissances en 2012 vs 538 en 2016) (d’après IFCE, 2016). La préservation de ce patrimoine génétique est donc aujourd’hui primordiale et passe notamment par la cryoconservation de la semence, des ovocytes ou des embryons via la mise en place de projet comme celui de l’infrastructure CRB- Anim. Ce dernier vise à lever les verrous technologiques des techniques de cryopréservation afin d’enrichir les collections de la Cryobanque Nationale. Actuellement, il n’existe pas de méthode efficace pour congeler la semence asine permettant d’assurer des taux de gestation acceptables pour les éleveurs (fertilité / cycle actuelle <15%). Le but de nos travaux, dans un premier temps, a donc été la mise au point d’une méthode de congélation adaptée pour les spermatozoïdes de baudet. En effet, la cryoconservation de la semence s’accompagne de différents phénomènes assimilables à des stress, tels que la descente de température (« le cold shock »), la déshydratation ou bien encore la formation de cristaux. Ces stress induisent ensuite des dommages cellulaires irréversibles (perturbation de la membrane plasmique, altération de l’acrosome et des mitochondries, modification du contenu lipidique, etc…) qui vont affecter le pouvoir fécondant des spermatozoïdes. La composition du milieu ainsi que la méthode de congélation doivent donc être les plus protectrices possible afin d’assurer une fertilité optimale après congélation. La réussite de l’insémination de semence congelée (IAC) est donc conditionnée par ces facteurs. En raison des particularités du tractus génital de l’ânesse et des difficultés rencontrées lors de l’insémination artificielle, nous avons développé une nouvelle technique d’insémination. De plus, pour pallier aux problèmes de fertilité rencontrés après IAC, une technique de collecte d’ovocytes par ponction folliculaire transvaginale sous échographie sur ânesse tranquillisée debout et de maturation in vitro des ovocytes a été mise au point. Ces techniques sont les premières étapes pour la congélation du patrimoine génétique femelle. Nos travaux se sont donc articulés autour de deux grands axes présentés ci-dessous.

1 L’optimisation des milieux de conservation de la semence La première étape a consisté à tester les milieux Inra96 et InraFreeze (INF), mis au point et brevetés chez le cheval, sur les spermatozoïdes de baudets. Les paramètres de mobilité après congélation dans le milieu InraFreeze étaient très encourageants et équivalents à ceux obtenus chez l’étalon. Cependant, les premières données de fertilité ont été décevantes (fertilité / cycle : 14%, 1/7). Nous avons alors analysé les effets des différents composants du milieu de congélation InraFreeze (INF = Inra96 + 2% de plasma de JO + 2,5% de glycérol) et ainsi évalué leur protection respective.

1.1 Le plasma de jaune d’œuf : un « cryoprotecteur » déterminant 1.1.1 Matériel et méthodes Les premières analyses ont porté sur de la semence fraîche conservée à 4°C pendant 24h. La semence de deux baudets a été collectée et diluée selon le protocole INRA-Haras Nationaux. Lors du refroidissement, la descente de température utilisée dans le protocole de congélation INRA-Haras Nationaux a été appliquée. Chaque éjaculat a été dilué soit dans le milieu Inra96 seul (IN96), dans l’Inra96 + 2% de plasma de JO (p/v) (INJO), dans l’Inra96 + 2,5% de glycérol (ING) ou dans l’InraFreeze (INF). La semence a ensuite été analysée par analyse automatisée de mobilité (IVOS, Hamilton Thorne) et par cytométrie en flux (Guava EasyCyte) à l’aide des tests d’intégrité membranaire (sondes CFDA-IP) et d’activité mitochondriale (kit EK2, IMV- Technologies, L’Aigle) immédiatement après la collecte (T0) et après 24h de conservation à 4°C (T24). 1.1.2 Résultats Afin de simplifier la présentation des résultats, seuls ceux concernant le pourcentage de spermatozoïdes rapides (%RAP, pourcentage de spermatozoïdes dont la vitesse moyenne est supérieure à 40µm/sec) sont représentés dans les figures ci-dessous. Ce critère a été utilisé pendant de nombreuses années par les Haras Nationaux lors de la sélection des éjaculats des étalons nationaux.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Halgrain et al. Page 163

Figure I: Pourcentage de spermatozoïdes rapides à T0 (après collecte) (A) et T24h (24h de conservation à 4°C) (B) et à la décongélation (C) pour chacun des milieux : IN96 = INRA96, INF = InraFreeze, ING = INRA96 + glycérol (2,5%) et INJO = INRA96 + plasma de jaune d’œuf (2% p/v) (a,b,c : p<0,05). Figure I: Percentage of rapids spermatozoa at T0 (after semen collection) (A) and T24h (24h after storage at 4°C) (B) and after thawing (C) for each of the extenders: IN96 = INRA96, INF = InraFreeze, ING = INRA96 + glycérol (2,5%) and INJO = INRA96 + egg yolk plasma (2% p/v) (a,b,c : p<0,05).

Aucune différence n’est observée au moment de la dilution (T0) entre chacun des lots. Cependant, après conservation pendant 24h à 4°C (T24), les lots INJO et INF sont nettement supérieurs aux lots IN96 et ING. Par contre, le lot ING apporte la moins bonne protection ; il semble donc que le glycérol ait un effet négatif sur la mobilité des spermatozoïdes de baudets et que cet effet soit supprimé en présence de plasma de JO (Figure IB : INF-T24 > ING-T24 ; p<0,05). Les résultats obtenus après analyses de l’intégrité membranaire et de l’activité mitochondriale (non présentés dans cet article) montrent les mêmes différences entre milieux. La figure I-C montre que si le milieu de dilution à la collecte contient du plasma de JO (INF et INJO), la mobilité à la décongélation est significativement améliorée (p<0,05). L’ensemble des résultats obtenus nous a alors incités à utiliser le milieu INRA96 + 2% de plasma de JO (INJO) pendant la descente de température à 4°C et à conserver le milieu InraFreeze pour la congélation proprement dite.

1.2 Les liposomes de phospholipides de jaune d’œuf : une alternative à considérer Chez l’étalon, Pillet et al., en 2012, ont démontré que des liposomes de phospholipides (PL) de JO apportaient une protection équivalente au plasma de JO. Les résultats obtenus chez le baudet, tant lors de conservation à 4°C qu’après congélation-décongélation nous ont donc incité à tester l’effet de liposomes de PL. Cette piste est aujourd’hui envisagée et des travaux sont en cours au sein de notre laboratoire afin d’évaluer leur impact sur la protection des spermatozoïdes de baudets que ce soit lors de la conservation à 4°C ou lors de la congélation.

2 La voie femelle

2.1 Visualisation du tractus femelle à l’aide d’un nouvel outil : l’AlphaVision L’AlphaVision est un outil d’aide à l’insémination artificielle (IA) conçu à l’origine pour l’espèce bovine et commercialisé par la société IMV-Technologies. Il permet, à l’aide d’une caméra à son extrémité, de visualiser le col de l’utérus de la femelle. Nous travaillons actuellement sur son adaptation pour la jument et l’ânesse (en collaboration avec la société concernée). Grâce à cet appareil, nous avons pu optimiser le geste d’insémination en prenant en compte les particularités anatomiques et physiologiques du tractus génital de l’ânesse et limiter ainsi les éventuels traumatismes du col de l’utérus au moment de l’IA. Figure II: Photos de col d’utérus d’ânesses obtenues avec l’AlphaVision, © INRA, 2017, A, B : avant IA, C : lors de l’IA, D: après IA Figure II: Pictures of jennies cervix obtained with AlphaVision, © INRA, 2017, A, B: before AI, C: during AI, D: after AI

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

M. Halgrain et al. Page 164

2.2 Collecte in vivo et maturation in vitro des ovocytes d’ânesses Le personnel de l’Unité Expérimentale de Physiologie Animale de l’Orfrasière a mis au point pour la première fois au monde une technique de collecte d’ovocytes par ponction folliculaire transvaginale sous échographie sur ânesse tranquillisée debout, en accord avec le comité d’éthique en expérimentation animale (Figure III A). Depuis 3 ans, cette technique est utilisée en routine dans notre laboratoire. Nous avons collecté en moyenne 4,2 ovocytes par ânesse en 2015 (92 ovocytes collectés au cours de 22 ponctions), 3,3 ovocytes par ânesse en 2016 (39 ovocytes sur 12 ponctions) et 6,1 ovocytes par ânesse en 2017 (61 ovocytes sur 10 ponctions) (Figure III B). Les rendements de collecte d’ovocyte par follicule sont passés de 48% en 2015 à 55% en 2017. Ensuite, le personnel de l’unité de recherche de Physiologie de la Reproduction et des Comportements a adapté une technique de maturation in vitro des ovocytes équins aux ovocytes d’ânesses, permettant d’étudier pour la première fois la chronologie de la maturation des ovocytes d’ânesses. Ils ont ainsi mis au point une technique de maturation in vitro des ovocytes d’ânesses permettant d’obtenir 44% d’ovocytes matures après 34 heures de culture in vitro (Figure III C). Figure III: A) ponction folliculaire transvaginale sous échographie sur ânesse tranquillisée debout; B) 7 ovocytes d’ânesses entourés de leurs cellules du cumulus (x50); C) un ovocyte d’ânesse mature avec des chromosomes en métaphase II (flèche) et un globule polaire (*) (x400). Figure III: A) transvaginale ultrasound guided follicular puncture on standing jenny; B) 7 donkey oocytes surrounded by their cumulus cells (x50); C) a donkey mature oocyte containing chromosomes in metaphase II (arrow) and a polar body (*) (x400).

3 Conclusion Nos résultats ont mis en évidence les propriétés cryoprotectrices du plasma de JO. Il semble également que le plasma de JO soit capable d’inhiber l’effet néfaste du glycérol (Figures IB et IC). Il serait alors intéressant de mieux cerner les mécanismes qui interviennent lors de cette interaction pour éventuellement optimiser cette protection. Par ailleurs, l’AlphaVision a permis d’optimiser le geste d’insémination chez l’ânesse. Enfin, nous avons développé une technique de collecte d’ovocytes sur ânesses par ponction folliculaire sous échographie et de maturation in vitro des ovocytes, deux étapes cruciales dans la conservation du patrimoine génétique femelle des espèces en cours d’extinction. Remerciements Nous remercions l’infrastructure « Investissements d’avenir CRB-Anim » (Centre de Ressources Biologiques pour les Animaux Domestiques, ANR-11-INBS-0003,) pour les financements de l’ensemble des expérimentations ainsi que le CDD de Maeva Halgrain. Nous remercions également les associations nationales de races d’ânes (Grand Noir du Berry, Baudet du Poitou) et en particulier, les associations de l’Ane Normand et de l’Ane du Cotentin ainsi que l’IFCE. Enfin, nos remerciements s’adressent à la société IMV- Technologies pour le prêt de l’AlphaVision ainsi que pour la production de plasma de jaune d’œuf stérile. Références Haras Nationaux, 2014. Insémination artificielle équine, 258p. IFCE-SIRE, Haras Nationaux, 2016. Stats&Cartes. http://statscheval.haras-nationaux.fr/core/tabbord.php Pillet, E., Labbe, C., Batellier, F., Duchamp, G., Beaumal, V., Anton, M., Desherces, S., Schmitt, E., Magistrini, M., 2012. Liposomes as an alternative to egg yolk in stallion freezing extender. Theriogenology 77, 268-279

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Activ’Protect; Etude de l’efficacité d’un aliment élaboré pour la gestion des ulcères gastriques.

H. Lemoine1

1 Clinique vétérinaire Saint Roch, 665 route de Tessy, 50000 SAINT LO

Résumé

Les ulcères gastriques du cheval sont un enjeu économique d’importance pour la filière équine. Leur développement est en relation avec de nombreux facteurs environnementaux et alimentaires, liés au mode de vie du cheval de compétition. Cette étude a pour but de tester l’efficacité qu’un aliment adapté sur la résolution et/ou le non développement d’ulcères sur des chevaux en conditions réelles. 43 chevaux (course et sport) sont intégrés à l’étude et divisé en deux groupes, recevant deux aliments floconnés fibreux similaires, Activ’Protect® et Contrôle, attribués en double aveugle, pendant 60 jours. A l’issue de cette période, on ne note pas de différence significative sur le poids, la note d’état corporel et les tests sanguins pour les deux aliments. Par contre, le niveau de stress du cheval, évalué par son détenteur par une note, ainsi que l’intensité des lésions observées par gastroscopie montrent une amélioration significative sur la période, avec une supériorité d’action pour l’Activ’Protect®. Mots clés : effet, aliment, ulcère, gastrique, cheval

Summary

Gastric ulcers are a great economic subject for equine professionals. They occurred mostly because of housing and feeding conditions, due to competition horse management. The aim of this study is to assess the efficacy of a specially formulated feeding to prevent or /and help healing gastric ulcers on a sample of horses in real working and leaving conditions. 43 sport and race horses were recruited and divided into two groups and received, double blinded, two different fiber mix (Activ’ Protect® and Control) for 60 days. At the end of the period, there is no difference concerning weight gain, body condition and blood tests for the two food. On the opposite, stress level of the horse, evaluated by a note attributed by his guardian, and the intensity of gastroscopic lesions showed a significant improvement, superior for Activ’ Protect®. Key-words: efficacy, feeding, horse, gastric, ulcers

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

H. Lemoine Page 166

Introduction Les ulcères gastriques chez le cheval sont responsables de contre-performance, de baisse d’état général, etc. On considère que plus de 80% des chevaux de course à l’entraînement, et jusqu’à 59% des chevaux de loisirs et sport en sont porteurs. L’alimentation riche en céréales, le stress dû au confinement et aux compétitions sont des facteurs majeurs de développement de ces ulcères. Les traitements médicamenteux existent mais ils sont peu nombreux, souvent coûteux, et n’ont d’intérêt que s’ils sont suivis de mesures alimentaires et environnementales rigoureuses. L’objet de cette étude est de tester un aliment spécifiquement élaboré pour les chevaux suspects d’être porteurs d’ulcères gastriques; Dynavena Activ’Protect®. L’effet escompté est le non développement, voire la résolution des ulcères, mais aussi une action sur l’état physique et psychique de ces chevaux.

1 Matériels et méthodes L’étude porte sur des chevaux de CSO et courses au travail, en conditions réelles. Le recrutement se fait auprès de propriétaires volontaires pour lesquels les chevaux doivent satisfaire à une note supérieure à 4 /11 d’un questionnaire visant à cibler les chevaux suspects d’être porteurs d’ulcères gastriques. 45 chevaux sont recrutés suite à cette sélection, 43 seront intégrés à l’étude (Tableau 1). L’étude se déroule sur 60 jours, en double aveugle. Les chevaux sont divisés en deux groupes selon tirage au sort; Les deux aliments, floconné fibreux, sont visuellement identiques, ils seront nommés Test 1 pour l’aliment Contrôle et Test 2 pour l’Activ’Protect®. Pendant cette période, les chevaux doivent être conduits dans les mêmes conditions qu’auparavant, en ne changeant ni leur environnement, leurs habitudes ou leur programme de compétition. Ils doivent être exempts de tout traitement médical anti-ulcéreux et il est primordial de détecter toute autre affection susceptible d’induire les signes cliniques observés. A JO, tous les chevaux sont soumis à un examen clinique, une prise de sang, une pesée, une évaluation de la note d’état corporel (NEC ; sur 5, grille INRA) et une gastroscopie sous sédation (note globale sur 6, synthèse de deux notes Partie Glandulaire sur 4 + Partie Non Glandulaire; 0 = Absence / 1 = Modérés / 2 = Sévères). Si l’examen clinique fait suspecter une autre cause qui expliquerait l’état général du cheval, il sera exclu de l’étude pour mise en place d’examens complémentaires et/ou traitement. Le détenteur est amené à répondre à un nouveau questionnaire élaboré par nos soins, visant à évaluer les expressions physiques et psychiques du stress et de la douleur chez son cheval. La note attribuée se situe entre 10 et 50. Une note élevée est en faveur de stress et/ou de douleur. On recherche donc un abaissement de cette note. Les chevaux sont soumis à une transition alimentaire sur 10j avant de passer à l’aliment Test exclusivement. Tableau 1 : Répartition de l’échantillon en fonction de la race et de l’aliment attribué aléatoirement, à JO Table 1: Division of the sample depending of the food tested on Day 0. Test 1 / Contrôle Test 2 / Activ’Protect® Total Trotteurs 8 10 18 Pur sangs 5 8 13 Sport 7 5 12 TOTAL 20 23 43

A J30, une nouvelle visite est réalisée dans l’écurie pour réaliser le même questionnaire d’évaluation du cheval par le détenteur. A J60, les chevaux sont de nouveau soumis à un examen clinique, une prise de sang, une pesée, une évaluation de l’état général et une gastroscopie sous sédation. Le questionnaire est de nouveau soumis au détenteur.

2 Résultats Pour tous les critères, le test choisi est le test de Wilcoxon car la population ne suit pas une loi normale. Les résultats sont interprétés comme suit; NS = Non Significatif, T=Tendance (P < 0,1), *Significatif (P<0,05), **Très significatif (P < 0,01), **Hautement Significatif (P<0,001).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

H. Lemoine Page 167

A l’issue des 60 jours, les deux groupes tests restent équilibrés mais nous avons perdu environ 50 % des effectifs. Tous les chevaux présentent en début et fin de période de test un examen clinique satisfaisant. Tableau 2 : Répartition de l’échantillon en fonction de la race et de l’aliment attribué aléatoirement, à J60 Table 2: Division of the sample depending on the food tested on Day 60 Test 1 / Contrôle Test 2 / Activ’Protect® Total Trotteurs 8 6 14 Pur sangs 0 0 0 Sport 4 5 9 TOTAL 12 11 23 Les paramètres poids et NEC ne montrent pas d’évolution significative sur la période pour les deux aliments testés. Les tests hématobiochimiques du bilan de forme avaient pour mission de valider l’entrée des chevaux dans le protocole, en mettant en évidence une éventuelle affection concomitante. Le bilan biochimique spécifique d’évaluation des ulcères n’a lui pas montré de corrélation avec la présence et le grade des ulcères gastriques. L’ensemble des paramètres sanguins testés ne montre pas d’évolution significative sur la période. Par contre, la note attribuée aux “observations du détenteur”, sur l’état physique et psychique de leur cheval montre une évolution positive. Si c’est une tendance amorcée entre J0 et J60 pour l’aliment Contrôle, elle est significative dès le premier mois et très significative entre J0 et J60 pour l’Activ’Protect® (Figure I). Figure I : Evaluation du stress par la note attribuée par le détenteur à J0, J30 et J60 Figure I: Stress assessment by the guardian at D0, D30 and D60 T **

NS * NS NS

Enfin, concernant les lésions observées par gastroscopie (Figure II). On notera que sur 45 chevaux ayant subi une gastroscopie à JO, 43 étaient porteurs d’ulcères. Les deux “indemnes” ont été retirés. Les 43 chevaux intégrés à l’étude souffraient d’ulcères de grade 1 à 5,5/6, avec une médiane à 2/6, identique pour les deux groupes. Sur les 23 chevaux restants, le grade des lésions gastroscopiques diminue sur la période. Il s’agit d’une tendance pour le Contrôle, et d’une réduction significative pour l’Activ’Protect®. Le grade des ulcères diminue pour 67% (NS) des chevaux Contrôle et pour 82%* du groupe Activ’Protect®, et on observe une guérison complète pour 17% (NS) du lot Contrôle contre 45%* du lot Activ’Protect®. Figure II : Evolution des lésions gastroscopiques entre J0 et J60 Figure II: Gastroscopic lesions assessment between D0 and D60.

NS *

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

H. Lemoine Page 168

3 Discussion Cette étude a pour force d’avoir été menée en double aveugle avec un nombre de chevaux important. Le questionnaire préliminaire a permis une sélection efficace des chevaux (43/45 = 96%). La part importante de chevaux n’ayant pas achevé l’étude est due à une appétence moyenne pour certains chevaux, qui de plus nécessitaient un volume d’ingestion important. L’enjeu de la formulation d’un tel aliment est bien sa densité énergétique, puisqu’on le souhaite peu riche en amidon et que la fibre apporte du volume. L’apport de matière grasse est aussi un enjeu technique d’importance. L’apport d’un aliment floconné fibreux, dans les deux groupes, apporte un bénéfice à la résolution des ulcères gastriques. La bibliographie a déjà mis en évidence l’intérêt de la luzerne, qui se confirme ici. Il était donc attendu que les deux aliments aient une influence positive. Dans notre étude, nous n’avons pas mis en place de fractionnement des repas différent de celui qui était en place précédemment et qui était propre à chaque écurie, pour ne pas induire de biais. On peut donc supposer qu’un plus grand fractionnement aurait amené une amélioration supérieure. L’aliment Activ’Protect® montre une supériorité dans son action. On observe une amélioration significative du grade des ulcères (baisse d’au moins 1 ,5) chez la grande majorité des chevaux (82%*), et une résolution complète dans près de la moitié des cas*, ce qui n’est pas le cas pour un floconné fibreux standard. On peut donc considérer que le complexe développé pour l’Activ’Protect® apporte un bénéfice. Sans pour autant pouvoir dire si l’un des différents composants à une plus grande efficacité, ou si c’est la synergie qui crée l’avantage. L’utilisation d’extraits de plantes est en développement, et il semblerait que l’Argousier ait un effet bénéfique sur les ulcères glandulaires. De même, l’apport de pré et probiotiques et d’antiacides comme la magnésie ont déjà été testés et apporteraient un avantage intéressant. En ce qui concerne la spiruline, elle n’a a priori pas de spécificité anti-ulcéreuse mais on lui attribue de nombreuses vertus en alimentation humaine; antioxydante, anti inflammatoire, stimulatrice du système immunitaire et prébiotique, qui trouvent des applications en alimentation animale. L’adjonction d’une part de gras supplémentaire, permet une élévation de la densité énergétique de la ration sans augmentation de la part d’amidon, mais aussi la stimulation de la production de la prostaglandine, nécessaire à la protection de la muqueuse gastrique. L’autre point fort est l’observation de l’évolution des critères comportementaux de ces chevaux pendant la période test. En effet, cette évolution se révèle très significative pour l’Activ’Protect® et cela très précocement. C’est un avantage capital quand on sait que le développement des ulcères gastriques est multifactoriel et qu’il implique un facteur “stress” non négligeable. Le stress et la douleur, intimement liés, sont très dégradants pour la performance sportive. L’intérêt d’un aliment validé dans le management des chevaux “suspects d’être porteurs d’ulcères” est donc majeur.

Remerciements Cette étude est le fruit d’un partenariat entre les sociétés Agrial et Sopral, qui ont financé le projet et le service équin de la Clinique Vétérinaire Saint Roch à St Lô, qui a assuré l’ensemble des actes techniques. Le protocole de l’étude et le traitement des données est le fruit d’un travail collectif entre des intervenants de ces trois parties. Merci à tous ceux qui ont apporté leur compétence pour permettre sa réalisation.

Références Sykes, B.W. et al. “European College of Equine Internal Medicine Consensus Statement—Equine Gastric Ulcer Syndrome in Adult Horses.” Journal of Veterinary Internal Medicine 29.5 (2015): 1288–1299. PMC. Web. 5 Oct. 2017 Huff, N.K., Auer, A.D., Garza, F., Keowen, M.L., Kearney, M.T., McMullin, R.B. and Andrews, F.M. (2012), Effect of Sea Buckthorn Berries and Pulp in a Liquid Emulsion on Gastric Ulcer Scores and Gastric Juice pH in Horses. J Vet Intern Med, 26: 1186–1191. doi:10.1111/j.1939-1676.2012.00975.x Clark CK, Merritt AM, Burrow JA, Steible CK. Effect of aluminium hydroxide/magnesium hydroxide antacid and bismuth subsalicylate on gastric pH in horses. J Am Vet Med Assoc 1996;208:1687–1691. Sanchez, Martha et al. Spirulina (Arthrospira): An edible microorganism: A Review. Universitas Scientiarum, [S.l.], v. 8, n. 1, p. 7-24, jan. 2003. ISSN 2027-1352. Cargile, J. L., Burrow, J. A., Kim, I., Cohen, N. D. and Merritt, A.M. (2004), Effect of Dietary Corn Oil Supplementation on Equine Gastric Fluid Acid, Sodium, and Prostaglandin E2 Content before and during Pentagastrin Infusion. Journal of Veterinary Internal Medicine, 18: 545–549. doi:10.1111/j.1939- 1676.2004.tb02583.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Entrainement proprioceptif et stabilité posturale chez le cavalier : Etude pilote C. Lalouette12, JP. Viseu124, L. Tirel12, A. Denis3, A. Olivier124

1 CIAMS, Univ. Paris-Sud, Université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France 2 CIAMS, Université d'Orléans, 45067, Orléans, France 3 UFR des Sciences, Université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France 4 Groupe Voltaire & Forestier Sellier, 64210 Bidart, France.

Résumé L’équilibre est une notion prépondérante dans le maintien de la posture à cheval. Le cavalier expert démontre une particularité : son attention est partagée à la fois sur des informations externes, liées à l’environnement, mais aussi sur des informations internes, reliées au corps (informations proprioceptives). L’objectif de cette étude a été d’évaluer la contribution d’une préparation physique spécifique sur l’équilibre postural des cavaliers. 8 cavaliers « Galop 6-7 » ont été partagé en deux groupes de 4 cavaliers, un groupe proprioceptif (GP) ayant effectué une préparation physique proprioceptive et un groupe témoin (GT) n’ayant pas effectué de préparation physique spécifique. La période d’entraînement a duré 4 semaines. L’équilibre statique et dynamique dans plusieurs conditions de sollicitations sensorielles (yeux ouverts vs yeux fermés vs sol mou vs sol dur) a été enregistré avant et après cette période. Les résultats montrent une amélioration de l’équilibre dynamique du groupe GP les yeux fermés après quatre semaines d’entraînement proprioceptif montrant une moindre dépendance aux informations visuelles. Mots clés : équilibre, cavalier, proprioception, préparation physique.

Summary Balance is an important paramount in rider posture. The expert rider demonstrates a specific characterisation: his attention is shared both on external information, related to the environment, but also on internal information, related to the body (proprioceptive information). The aim of this study was to evaluate the contribution of a specific physical preparation on the postural balance of the riders. 8 riders "Galop 6-7" were divided into two groups of 4 riders, one proprioceptive group (GP) having performed a proprioceptive physical preparation and a control group (GT) that did not perform a specific conditioning. The training period lasted four weeks. The static and dynamic equilibrium in several conditions of sensory disturbance (open eyes vs. closed eyes vs. soft soil vs. hard soil) was recorded before and after this period. The results show an improvement in the dynamic equilibrium of the GP group with their eyes closed after four weeks of proprioceptive training showing a lesser dependence on visual information. Key-words: balance, rider, proprioception, conditioning.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Lalouette et al. Page 170

Introduction En équitation, l’équilibre est une notion fondamentale qui repose sur l’interaction de systèmes sensori- moteurs tel que la vision, le système vestibulaire (récepteurs de l’oreille interne), la proprioception (informations provenant de la stimulation de récepteurs ligamentaires, musculaires et articulaires pour créer la conscience du corps). Les travaux sur l’expertise en sport (Vuillerme et al., 2001) montrent qu’avec l’entraînement, la contribution des informations sensorielles dans le contrôle postural évolue vers une prépondérance des informations proprioceptives. Les études sur le contrôle postural des cavaliers selon leur niveau d’expertise sont peu nombreuses et montrent dans l’ensemble une meilleure stabilité des cavaliers experts liée à leur capacité de repondération sensorielle (Galloux et al., 1995 ; Olivier et al., 2012 ; Olivier et al. 2017). L'objectif de cette étude pilote est d’évaluer les effets d’une préparation physique proprioceptive sur l’équilibre statique et dynamique du cavalier. Notre hypothèse est que l’amélioration de la prise d’information sensorielle et de son traitement, via un entraînement physique proprioceptif, améliorerait l’efficacité des muscles posturaux (réactions coordonnées avec les informations perceptives). De ce fait, elle sensibiliserait davantage les capteurs proprioceptifs (détection du déplacement du corps) afin d’opérer de nouvelles stratégies de rééquilibration fines et plus rapides, éléments indispensables à l’augmentation de la performance en équitation.

1 Matériel et méthode

1.1 Sujets étudiés Huit cavaliers de niveaux « Galop 6 et 7 » étudiants à l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences et Techniques des APS (UFR STAPS) de l’Universitaire Paris-Sud ont participé à cette étude. Deux groupes homogènes ont été constitués. Un groupe composé de quatre cavaliers ont suivi une préparation physique proprioceptive (GP) et un groupe de quatre autres cavaliers ont suivi leur entrainement et leurs activités physiques habituelles (groupe témoins : GT).

1.2 Matériel et procédure expérimentale L’ensemble des cavaliers ont réalisé un bilan postural complet avant et après quatre semaines de préparation physique « proprioceptive ». 1.2.1 La préparation physique La préparation physique proprioceptive a duré 4 semaines (Tsang & Hui-Chang, 2004). Ce cycle a compris : une analyse de la tâche du cavalier (qualités physiques requises pour la pratique, sollicitations musculaires, bio-énergétiques, gestuelle…), une analyse technique individualisée (points forts/points faibles à cheval), la réalisation d’un état des lieux physique (pathologies, douleurs, antécédents de blessures). Ce cycle fut constitué de six séances d’une heure par semaine, comprenant : une séance de Yoga, une séance de Pilates, une séance de stretching, une séance de renforcement musculaire ciblé (tronc/bas du corps), deux séances d’équilibre et d’exercices proprioceptifs à base d’équilibre dynamique (d’après, Broussal-Derval & Delacourt, 2015). Les effets de cet entraînement ont été évalués avant et après le cycle de préparation physique au moyen d’une plateforme de force ainsi qu’à cheval (nous ne l’évoquerons pas dans le cadre de cette communication). 1.2.2 Evaluation posturale L’évaluation de l’équilibre postural a été enregistré au moyen d’une plateforme de force stabilométrique à 40 Hz. dans différentes conditions d’équilibre (statique et dynamique) et de stimulations sensorielles (yeux ouverts « YO », yeux fermés « YF », yeux ouverts avec mousse plantaire « YOM » et yeux fermés avec mousse plantaire « YFM »). Les conditions d’équilibres et sensorielles ont été enregistrées de manière aléatoire.

1.3 Analyse des données Dans le cadre de cette communication, parmi l’ensemble des paramètres stabilométriques enregistrés, nous avons analysé la surface de déplacement du centre des pressions (CP). Elle comprend 90% des positions échantillonnées du CP et permet d’évaluer la stabilité du sujet. Une ANOVAs à 3 facteurs a été effectuée sur cette variable : Groupe (Groupe Préparation physique vs Groupe Témoin) × Proprioception (sol dur vs sol mou) × Vision (Yeux Ouverts vs Yeux Fermés).

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Lalouette et al. Page 171

2 Résultats

2.1 Effet du groupe (GP vs GT) L’analyse statistique ne montre pas d’effet principal du Groupe (p=NS) sur la surface du déplacement du CP. Les groupes ne se distinguent pas dans l’ensemble indiquant une certaine homogénéité des cavaliers. Ces derniers sont des étudiants en STAPS ce qui implique une pratique sportive intensive (plus de 5 heures par semaine) réduisant ainsi les écarts entre les groupes et l’effet de la préparation physique spécifique proprioceptive.

2.2 Effet de la préparation physique (Evaluation Avant vs Après) L’analyse n’a pas révélé d’effet principal de l’évaluation de la posture avant et après 4 semaines. La surface de déplacement du CP ne diffère pas avant et après 4 semaines. En outre, nous obtenons un effet d’interaction Evaluation × Groupe lors de l’épreuve posturale dynamique dans l’axe ML au niveau de la surface de déplacement du CP (p = 0,02). Les cavaliers ayant subi une préparation physique de 4 semaines GP diminuent leur surface de déplacements du CP au contraire des cavaliers GT lors de la condition d’équilibre dynamique médio-latéral (ML).

2.3 Effet de la mousse (Sol dur vs Sol mou) L’ANOVA montre un effet principal de la Mousse sur la surface de déplacement du CP (p = NS). L’ajout de la mousse sous les pieds des cavaliers n’a pas eu d’effet sur la surface de déplacement du CP.

2.4 Effet de la vision (YO vs YF) L’analyse statistique montre un effet principal de la vision lors de l’équilibre dynamique AP et ML (p<0,001) En condition YO la surface du déplacement du CP est moins importante qu’en condition YF. La fermeture des yeux augmente les oscillations posturales. En outre l’analyse relève un effet d’interaction Vision × Mousse lors de l’équilibre dynamique ML sur la surface du déplacement du CP (p<0,001). Les yeux ouverts nous relevons moins d’oscillations que les yeux fermés. L’ajout de la mousse sous les pieds diminue la surface de déplacement du CP en condition YF par rapport à un sol dur. La mousse aurait un effet « équilibrant ». L’analyse montre un triple effet d’interaction Evaluation × Vision × Groupe (p<0,001) sur la surface du déplacement du CP en condition d’équilibre dynamique ML. En condition yeux ouverts les cavaliers ont une surface de déplacement du CP moins importante qu’en condition yeux fermés. Le groupe GP diminue la surface d’oscillation du CP en condition Yeux fermés après 4 semaines d’entrainement proprioceptif dans cette situation. De manière descriptive, le groupe GT augmente légèrement sa surface d’oscillation du CP dans ces mêmes conditions (Figure II).

Figure II : Moyennes et écart types de la surface de déplacement du CP selon l’évaluation de la stabilité posturale (Avant vs Après), la vision (YO vs YF) et le groupe (GP vs GT). Figure II : Means and standard deviation of surface of the CP displacement according to the evaluation (Before vs After), vision (YO vs YF) and the group (GP vs GT)

2500

2000

1500

Yeux Ouverts 1000 Yeux Fermés Surface en mm.

500

0 Avant Après Avant Après

Cavaliers GP Cavaliers GT

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Lalouette et al. Page 172

3 Discussion L’objectif de cette étude pilote visait à mesurer les premiers effets d’une préparation physique proprioceptive sur l’équilibre statique et dynamique du cavalier. L’analyse de la surface de déplacement du CP a permis de mettre en évidence un effet de la préparation physique proprioceptive sur les cavaliers étudiés principalement lors de l’équilibre dynamique ML. Les cavaliers GP diminuent la surface du CP les yeux fermés par rapport aux cavaliers n’ayant pas suivi une préparation physique proprioceptive. Les cavaliers GP accordent moins d’importance aux informations visuelles que les cavaliers GT après la préparation physique proprioceptive. Ce constat corrobore les études menées dans d’autres disciplines sportives comme chez les véliplanchistes (Linares et al. 2012). Avec peu de participant (4 cavaliers GP vs 4 cavaliers GT), nous avons mis en évidence qu’une préparation physique proprioceptive de 4 semaines de manière intensive suffit à développer les capacités d’équilibration dynamique (Tsang & Hui-Chang, 2004). Ces effets devraient être retrouvés dans la pratique équestre. Les exercices proposés (Pilates, Yoga, Stretching, exercices d’équilibre proprioceptifs) dans le cadre de la préparation physique, sollicitent particulièrement le tonus des muscles profonds participants à la fonction d’équilibration. La proprioception est développée et expliquerait l’amélioration de l’équilibre en condition d’équilibre dynamique. Toutefois ces résultats sont relatifs compte tenu du nombre de participants et pourraient être modulés selon les différences interindividuelles : test du style perceptif, tests d’habilités motrices etc. Cette première étude pilote sur la contribution de la préparation physique proprioceptive met en évidence l’importance d’une bonne perception des informations sensorielles dans une activité d’équilibration (Olivier et al. 2012, 2017). Développer cette qualité améliore la performance des cavaliers à long terme et prévient des blessures. Remerciements Nous tenons à remercier le COST de l’IFCE qui a financé en partie ces travaux de recherche. Nous remercions particulièrement, Pr Le Scanff, directrice de l’UFR STAPS ainsi que M. Maupu, Directeur du SUAPS de l’Université Paris-Sud pour la mise à disposition des moyens d’entrainement liées à cette étude. Aussi nous remercions M. Caretti, responsable du centre équestre de l’UFR STAPS pour son intérêt dans nos recherches ainsi que M. Gonnel, préparateur physique et réathlétiseur pour le suivi de la préparation physique proprioceptive. Cette étude n’aurait pu être réalisée sans l’investissement des étudiants de l’UFR STAPS option équitation. Bibliographie Broussal-Derval, A., Delacourt, L. 2015. La proprioception, le développement des qualités neuromusculaire au service de l’équilibre. Editors : Trainer. Gagey, P. M., Gentaz, R., Guillamon, J. L., Bizzo, G., Bodot-Bréaeard, C., Debruille, C., Baudry, J. 1985. Normes 85, Etude statistiques des mesures faites sur l’homme normal à l’aide de la plateforme de stabilométrie clinique normalisée. Association Française de Posturologie, Paris. Galloux, P., Barrey, E. 1995. Analyse du mouvement du cavalier à l’obstacle. Médecine du sport – Hors Serie n°69. Linares, R, Micallef, J-P, Marin, L. 2012. L’entraînement proprioceptif améliore l’équilibre des véliplanchistes olympiques – Science & sports, 27,5, 283-292. Olivier, A., Faugloire, E., Biau, S., Lejeune, L., Isableu, B. 2012. Sensibilité proprioceptive et stabilité de la tête : marqueur d’expertise chez les cavaliers, In : Actes de la 39ème Journée de la Recherche Équine, Session spéciale : sport de haut niveau, Paris. Olivier, A, Faugloire, E, Lejeune, L, Biau, S, Isableu B. 2017. Head Stability and Head-Trunk Coordination in Horseback Riders: The Contribution of Visual Information According to Expertise. Front. Hum. Neurosci. 11:11. doi: 10.3389/fnhum.2017.00011. Tsang, WW, Hui-Chang, CW. 2004. Effect of four and heigt weeks intensive Tai Chi training on balance control in the eldery. Med Sci Sports Exercice, 34, 4, 648-657. Vuillerme, N., Teasdale, N., & Nougier, V. 2001. The effect of expertise in gymnastics on proprioceptive sensory integration in human subjects. Neuroscience letter, 311, 73-76

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Intérêt de la mesure objective de la locomotion dans le cadre d’une carrière sportive : revue de la littérature

C. Saute1

1 Equisense, 165 avenue de Bretagne, 59800 Lille

Résumé L’équitation a toujours été un sport basé en quasi-totalité sur les sensations du cavalier et sur l’analyse visuelle de l’entraineur, qui sont tout sauf objectives tant leurs limites sont connues. La mesure objective au quotidien de la locomotion prend alors tout son intérêt : elle apporte notamment un suivi longitudinal qui n’était pas possible jusque-là. Cela permettrait notamment de découvrir des pans entiers encore inconnus notamment sur les variations subtiles de la locomotion jour après jour sur une très longue durée. Ce suivi permettrait ainsi de planifier l’entraînement en ciblant les paramètres locomoteurs à travailler en priorité et donc d’élaborer une stratégie d’entraînement pertinente, adaptée, individualisée, ciblée. Enfin, un entrainement bien planifié permettrait de progresser plus vite, dans le respect du cheval, et en limitant les problèmes de santé. L’arrivée sur le marché des premiers objets connectés dédiés à l’équitation rend cette mesure quotidienne possible. C’est donc un champ nouveau et des perspectives nouvelles qui s’offrent aux cavaliers et aux entraineurs. Mots clés : Programmation de l’entrainement ; Suivi longitudinal ; Analyse de la locomotion ; Mesure objective

Summary Horse riding has always been based on the rider’s feeling and on the trainer’s visual analysis, neither can be considered as objective, their limits being well known. The daily objective analysis of the horse’s locomotion takes all its interest: it allows a longitudinal follow-up that hasn’t been possible until now. It could potentially lead us to a whole undiscovered section of the locomotion, like the daily variations of the locomotion within a long period. This follow-up could allow the rider to plan its training and to adjust its target according to the locomotion parameters that need to be focused on. This could lead to a more relevant, appropriate, individualized and targeted training strategy. Finally, a well-planned training allows the rider to move in the right direction while respecting his horse and while minimizing its health issues. The arrival on the market of new digital products, especially those dedicated to horse-riding, facilitate this objective measurement/analysis. It’s a new dimension that riders and trainers need to be part of. Key-words: Training programming; Longitudinal follow-up; Locomotion analysis; Objective measurement

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Saute Page 174

Introduction L’équitation est, et a toujours été un sport basé en quasi-totalité sur les capacités du cavalier à ressentir avec précision les mouvements du cheval, à s’y synchroniser et à y réagir rapidement et de manière appropriée. Or, les informations sensorielles du cavalier et l’analyse visuelle d’une personne à pied ne peuvent pas être considérées comme objectives tant leurs dérives sont connues. Il existe pourtant des moyens permettant au cavalier de gagner en objectivité et donc d’améliorer leur progression dans leur carrière sportive. Deux axes sont ainsi envisageables : l’analyse objective des aides ou plus globalement des mouvements des cavaliers, et l’analyse du cheval en mouvement que l’on appellera ici « analyse de la locomotion ». Nous ne nous contenterons ici que de cette dernière.

1 Limites du modèle actuel

1.1 Les sens du cavalier Des études récentes sur l’interaction cavalier-cheval ont montré que la proprioception est le sens qui distingue le plus les cavaliers experts et novices (Olivier et al., 2014). Ceci souligne donc l’importance de la capacité perceptive du cavalier dans sa pratique au quotidien. Pour autant, la proprioception ou plus globalement les informations sensorielles du cavalier, comme de tout être humain, peuvent être trompées, en témoignent les différentes illusions d’optiques mais aussi haptiques qui existent (Metral et al. 2017). Aussi, de nombreuses études sur la locomotion ont été faites en s’appuyant sur la perception du propriétaire du cheval quant à la qualité de locomotion de leurs chevaux. L’une de ces études a ainsi été réalisée sur 57 chevaux présentés comme étant sains par leurs cavaliers ou propriétaires. Finalement 75% des chevaux étaient considérés comme boiteux après analyse objective de la locomotion (Dyson et al. 2016). D’autres études montrent des résultats similaires (Rhodin et al. 2016, 2017). Ces études montrent bien une partie des limites de la perception dans la pratique de l’équitation et de l’objectivité des cavaliers envers leurs sensations.

1.2 L’analyse visuelle Les capacités d’analyse visuelle dans le cadre de l’équitation ont été étudiées notamment chez une population de vétérinaires « experts » avec lesquels on s’intéressait à la cohérence inter-observateurs dans la détection subjective de la boiterie. Il se trouve que même auprès de cette population considérée comme étant référente, les résultats diffèrent énormément d’un individu à l’autre et même de manière intra-individuelle face à un même sujet (Hammarberg et al., 2016) (Keegan et al., 2010). Les études montrent ainsi que pour des boiteries postérieures ou pour des boiteries plus fines (grade <1,5), la concordance inter et intra observateurs était assez faible. S. Dyson l’explique avec brio (Dyson, 2009), concernant l’analyse de la boiterie, les biais sont extrêmement nombreux (couleur des membres ou balzanes, asymétries musculaires, changements de vitesse, cheval trop chaud etc.) et peuvent considérablement affecter la capacité des vétérinaires à analyser la boiterie. Les conséquences d’une erreur de diagnostic face à une boiterie peuvent être colossales : traitement inadapté ou mis en place sur le mauvais membre etc. Face à ces potentielles conséquences, les outils d’analyse objective montrent de grands intérêts.

2 Intérêt de la mesure objective

2.1 Méthodes A ce jour, on peut distinguer deux grandes méthodes d’analyse de la locomotion : • l’Optical Motion Capture, utilisée dans un très grand nombre d’études et réputé pour sa précision (Buchner et al., 1996) • l’accélérométrie utilisée depuis les années 90 et introduite notamment par le Dr Barrey (Barrey et al., 1994) et qui a montré son efficacité dans la détection précoce de la boiterie (McCracken et al., 2012).

La Motion Capture, bien que présentant de nombreux avantages a l’inconvénient d’être difficilement utilisable au quotidien, de par sa difficulté d’installation (encombrante) et surtout son coût. L’accélérométrie

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Saute Page 175

par contre, peut être utilisée en routine puisque cette méthode a la particularité d’être miniaturisable et très abordable financièrement puisqu’étant désormais présente dans tous les smartphones.

2.2 Le suivi Jusqu’alors, le « carnet d’entrainement » dont parle Authie (Authie, 2011) était soit inexistant pour la plupart des chevaux, soit fait manuellement et donc sans analyse précise et objective du travail qui avait été effectué. De fait, aucun suivi réel et précis ne pouvait être effectué. L’intérêt de la mesure objective quasi quotidienne de la locomotion repose alors dans la possibilité de suivi sur le long terme qu’elle offre. Cela permettrait de découvrir des pans entiers encore inconnus notamment sur les variations subtiles de la locomotion jour après jour (Van Weeren et al., 2017), de comprendre les causes de ces variations et par conséquent connaître parfaitement ce qui convient ou non au cheval, en termes d’entrainement mais également de soins (vétérinaire, ostéopathe, etc.). Ce suivi objectif d’indicateurs relatifs à la locomotion permettrait ainsi de mieux évaluer le niveau individuel du cheval, de visualiser son évolution à l’échelle de la séance, de la saison et de sa carrière.

2.3 La planification Cette mesure, ce suivi et donc les connaissances acquises sur les réponses des chevaux aux différents traitements et entrainements permettrait ainsi de les planifier. Le fait d’avoir pu évaluer la locomotion et constater les paramètres et événements qui influent dessus permet alors de planifier les entrainements selon les échéances à venir et d’adapter les soins qui sont fait au cheval pour qu’ils lui correspondent au mieux. L’entrainement peut alors être conduit en ciblant les paramètres locomoteurs à travailler en priorité et donc d’élaborer une stratégie de programmation d’entraînement pertinente, adaptée, individualisée, ciblée et sur le long terme. Enfin, un entrainement bien planifié permettrait de progresser plus vite, dans le respect du cheval, et en limitant les problèmes de santé. En effet, une mauvaise gestion de l’entrainement peut conduire au surentrainement ou au sous-entrainement qui, dans les deux cas, a des conséquences importantes sur l’intégrité physique et mentale du cheval. Le surentrainement, bien que n’ayant pas de signe caractéristique peut avoir des conséquences importantes sur la carrière sportive du cheval notamment par les blessures qui peuvent en résulter (Authie, 2014) (McGowan et al., 2002). Il revient alors au cavalier et à l’entraineur de programmer un entrainement adapté au cheval et à l’évolution de ses caractéristiques locomotrices et à sa réponse à l’entrainement. De la même manière, un cheval non suffisamment entrainé pourra être mis en danger sur des épreuves d’un niveau technique et physique auquel il n’est pas suffisamment préparé.

3 Perspectives d’avenir : les objets connectés La mesure objective de la locomotion dépasse donc largement l’aspect purement « recherche » comme ça l’a été pendant longtemps ou purement « curiosité » ou « gadget » que l’on pourrait injustement lui accorder. Plus que la mesure à l’instant t, ce sont les perspectives de mesure au long terme (suivi longitudinal), les aspects de planification et donc de prévention qu’il faut mettre en avant. L’arrivée sur le marché des premiers objets connectés (Polar, Equisense, Arionéo, HorseCom etc.) rend cette mesure quotidienne possible et abordable pour tous les cavaliers, et facilite ainsi le partage et la communication pour mettre en valeur le côté « équipe » souvent oublié de ce sport individuel. C’est donc un champ nouveau et des perspectives nouvelles qui s’offrent aux cavaliers, aux entraineurs et aux soignants dans le sens large du terme. Références Authie, E.C. Contribution à l’évaluation de la charge de travail des jeunes chevaux de concours complet d’équitation à l’entraînement et en compétition. Comparaison avec une population de chevaux de 7 ans. 2011. Thèse d’exercice vétérinaire, ONIRIS. Barrey, E., Hermelin, M., Vaudelin, J.L., Poirel, D., Valette, J.P. 1994. Utilisation of an accelerometric device in equine gait analysis. Equine Veterinary Journal Suppl. 17, 7-12.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

C. Saute Page 176

Buchner, H.H., Savelberg, H.H., Schamhardt, H.C., Barneveld, A. 1996. Head and trunk movement adaptations in horses with experimentally induced fore- or hindlimb lameness. Equine Veterinary Journal, 28, 71-76. Dyson, S., 2009. The clinician’s eye view of hindlimb lameness in the horse: Technology and cognitive evaluation. Equine Veterinary Journal, 41, 2, 99-100.

Dyson, S., Greve, L., 2016. Subjective gait assessment of 57 sports horses in normal work: a comparison of the response to flexion tests, movement in hand, on the lunge and ridden. Journal of Equine Veterinary Science, 38, 1-7. Hammarberg, M., Egenvall, A., Pfau, T., Rhodin, M. 2016. Rater agreement of visual lameness assessment in horses during lungeing. Equine Veterinary Journal, 48, 1, 78-82. Keegan, K.G., Dent, E.V., Wilson, D.A., Janicek, J. 2010. Repeatability of subjective evaluation of lameness in horses. Equine Veterinary Journal, 42, 2, 92-97. Mccracken, M.J., Kramer, J., Keegan, K.G., Lopes, M., Wilson, D.A., Reed, S.K., Lacarrubba, A., Rasch, M. 2012. Comparison of an inertial sensor system of lameness quantification with subjective lameness evaluation. Equine Veterinary Journal, 44, 6, 652-656. McGowan, C.M., Golland, L.C., Evans, D.L., Hodgson, D. R., Rose, R. J. 2002. Effects of prolonged training, overtraining and detraining on skeletal muscle metabolites and enzymes. Equine Veterinary Journal, 34, 257–263. Metral, M., Gonthier, C., Luyat, M., Guerraz, M. 2017. Body Schema Illusions: A Study of the Link between the Rubber Hand and Kinesthetic Mirror Illusions through Individual Differences, Biomed Research International., 2017, 1-10. Olivier, A., Jeuvrey, J., Teulier, C., Isableu, B. 2014. Interaction cavalier-cheval : contribution des informations sensorielles et du niveau d’expertise, Journée de la Recherche Equine, Paris. Rhodin, M., Roepstorff, L., French, A., Keegan, K.G., Pfau,T., Egenvall, A. 2016. Head and pelvic movement asymmetry during lungeing in horses with symmetrical movement on the straight. Equine Veterinary Journal, 48, 315-320. Rhodin, M., Egenvall, A., Haubro Andersen, P., Pfau, T. 2017. Head and pelvic movement asymmetries at trot in riding horses in training and perceived as free from lameness by the owner. PLoS One, 12. Van Weeren, P.R., Pfau, T., Rhodin, M., Roepstorff, L., Serra Bragança, F., Weishaupt, M. A. 2017. Do we have to redefine lameness in the era of quantitative gait analysis?, Equine Veterinary Journal, 49, 5, 567- 569.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Prédiction de la vitesse du cheval de sport à l’aide de données accélérométriques et gyroscopiques

A. Schmutz1,2,3, J. Jacques2, L. Chèze3, P. Martin1

1 CWD – Chemin Fontaine de Fanny – 24300 Nontron 2 Université de Lyon – Lyon 2 – ERIC EA3083 – 69676 Bron 3 Université de Lyon – Lyon 1 – LBMC UMR T9406 – 69100 Villeurbanne

Résumé Avec l’essor des nouvelles technologies, le monitoring des activités physiques pour évaluer les performances sportives est en pleine expansion. Ce type d’objet connecté est en train d’être décliné à de nombreuses disciplines sportives dont les sports équestres. Pour autant, l’estimation de la vitesse et de la longueur de foulée restent des paramètres problématiques complexes pour toutes les disciplines sportives. C’est dans cette thématique que CWD a positionné sur le garrot de chevaux un accéléromètre et un gyroscope. Ainsi à chaque foulée l’accélération et la vitesse angulaire selon les 3 axes du déplacement (x, y, z) sont mesurées. L’objectif de ce travail est d’estimer à partir de ces données la vitesse du cheval à chaque foulée afin de la retranscrire au cavalier avec une précision d’au moins 0,6 m/s. Différents modèles prédictifs ont été testés, les résultats obtenus avec le modèle présentant la meilleure précision sont présentés ici. Mots clés : prédiction, vitesse, accélérométrie

Summary With the growth of smart devices market, the monitoring of physical activities to evaluate sports performance is expanding. Currently this type of connected device is declined to numerous disciplines whose equestrian sports. For all that, speed estimation and length of stride estimation are complicated parameters to estimate for all sport disciplines. It is in this theme that CWD put an accelerometer and a gyroscope on horse’s withers. So, it collects data from the 3 space directions (x, y, z) at each stride. The objective is to predict, from those data, the speed of the horse at each stride in order to give it to the rider with an exactness of 0.6 m/s. Different predictive models has been tested, results obtained with the model which has the best exactness, will be shown. Key-words: prediction, speed, accelerometry

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Schmutz et al. Page 178

Introduction Avec l’essor des nouvelles technologies, le monitoring des activités physiques pour évaluer les performances sportives est en pleine expansion. Ce type d’objet connecté est en train d’être décliné à de nombreuses disciplines sportives. Dans les sports équestres, plusieurs entreprises développent actuellement des objets connectés. L’estimation de la vitesse et de la longueur de foulée restent cependant des paramètres problématiques complexes pour toutes les disciplines sportives. C’est dans cette thématique que CWD a positionné sur le garrot de chevaux un accéléromètre et un gyroscope. Ainsi à chaque foulée l’accélération et la vitesse angulaire selon les 3 axes du déplacement (x, y, z) sont mesurées. Ce dispositif ne comporte pas de GPS car il fallait un dispositif d’acquisition pouvant fonctionner aussi bien en manège qu’en extérieur. L’objectif de ce travail est d’estimer à partir de ces données, la vitesse du cheval à chaque foulée afin de la retranscrire au cavalier avec une précision d’au moins 0,6 m/s.

1 Les données Les données sont récoltées à l’aide d’un accéléromètre et d’un gyroscope positionnés sur le garrot du cheval. Leur fréquence d’échantillonnage est de 100 Hertz, ils récoltent les données selon les 3 axes du mouvement : dorso-ventral (x), medio-latéral (y) et cranio-caudal (z). Une base de données a été constituée en couplant les mesures de l’accéléromètre et du gyroscope avec celles utilisant une méthode de référence : l’acquisition de vidéos rapides 2D. Cette méthode permet d’évaluer la vitesse à chaque foulée dans un champ d’étude de 26 mètres à l’aide de 4 caméras, 2 ordinateurs et des marqueurs réfléchissants positionnés sur les membres du cheval, le tapis, la selle et sur le champ d’étude (cf. Figure I). Actuellement 2685 foulées de galop en ligne droite ont été mesurées sur 44 chevaux. Figure I : Cheval équipé avec les marqueurs réfléchissants (à gauche) et champ d’étude vidéo (à droite) Figure I: Horse equipped with reflective markers (left) and video study field (right)

2 Méthode Différentes méthodes statistiques adaptées aux données de grande dimension (Ramsey J. et al, 2005 ; Hastie T. et al, 2009) ont été testées pour prédire la vitesse à partir des données d’accéléromètre et de gyroscope. Pour cela, la base de données est découpée de façon aléatoire en 2 parties selon le ration 80/20. La plus grosse base de données va permettre de créer un modèle où l’on cherche à approcher la vitesse mesurée par vidéos rapides avec les valeurs mesurées par les capteurs. La plus petite base de données va servir à vérifier sa validité : on injecte ces données dans l’équation et on regarde quelle est la vitesse calculée par le modèle pour chaque foulée. Puis on calcule le pourcentage d’erreurs, entre la vitesse prédite par le modèle et la vitesse mesurée par le système 2D, qui est supérieur à 0,6 m/s à l’aide de la formule suivante :

Cette formule permet de comparer les performances des différents modèles testés.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Schmutz et al. Page 179

En se référant à la littérature, un modèle de prédiction performant est le découpage de la base de données en plusieurs sous-groupes homogènes à l’aide d’une méthode de classification non supervisée (Jacques J. et al, 2014) suivie d’un modèle de régression (Ferraty F. et al, 2006) adapté à chaque sous-groupe. Le modèle de régression non paramétrique fonctionnel s’écrit de la façon suivante :

1 6 Avec Yi la vitesse associée à la foulée i (i ꞓ [1,2685]), (X , …, X ) les covariables correspondant à nos 6 variables mesurées et r l’opérateur de régression fonctionnel.

3 Résultats 500 simulations ont été réalisées en échantillonnant de façon aléatoire la base de données. Les meilleurs résultats ont été obtenus en scindant les données en 2 sous-groupes homogènes à l’aide de la méthode de clustering non supervisée de Jacques J. et al (2014). Puis d’appliquer le modèle de régression fonctionnelle non paramétrique sur chaque sous-groupe. Les résultats d’une simulation sont présentés en Figure II. Figure II : Vitesse prédite versus vitesse mesurée pour les données de test sur une simulation pour le groupe 1 (à gauche) et le groupe 2 (à droite) Figure II: Predicted speed versus measured speed for the test dataset of one simulation for the group 1 (left) and the group 2 (right)

La courbe bleue est la première bissectrice : si nos prédictions étaient parfaites tous les points seraient alignés sur cette droite. On peut voir que pour le 2ème groupe que moins d’une dizaine de points s’éloignent fortement de la première bissectrice. Alors que dans le cas du premier groupe le nuage de points est moins resserré autour de la première bissectrice. Avec cette succession d’une méthode de clustering et d’un modèle de prédiction ajusté pour chaque sous- groupe, on arrive à estimer la vitesse avec une précision de 0,6 m/s avec un taux de réussite de 87%. C’est-à- dire que, sur un parcours d’obstacle où l’on a 130 foulées, la vitesse affichée pour 113 foulées aura une précision d’au minimum 0,6 m/s. De plus, nous avons pu observer que l’accélération selon l’axe Z est la variable qui apporte le plus d’information dans le modèle de prédiction. Mais la prise en compte des différents axes du mouvement et de la vitesse angulaire est nécessaire pour l’obtention du modèle de prédiction avec le plus faible taux d’erreur supérieur à 0,6 m/s.

4 Discussion et conclusion La performance des modèles statistiques de prédiction de vitesse par rapport aux modèles biomécaniques et physiques existants (Watanabe T. et al, 2011 ; Li Q. et al, 2010) pour le cheval est indéniable. En effet, l'intégration de l'accélération pour calculer la vitesse est la technique la plus exploitée actuellement. Cependant cette méthode réalise une intégration des erreurs entrainant une perte de précision importante. Les résultats obtenus par cette méthode ne descendaient pas en dessous de 30% d’erreur de prédiction supérieure à 0,6 m/s. Afin d’affiner encore la précision des prédictions des campagnes de mesures sur des chevaux de taille, d’âge et de races différentes vont être réalisées. Notre panel de 44 chevaux ne suffit pas à modéliser le comportement de l’ensemble des chevaux du fait de leur diversité.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Schmutz et al. Page 180

Pour conclure, l’utilisation de modèles statistiques permettrait d’atteindre les attentes de précision des cavaliers et des entraineurs, critère indispensable à l’utilisation d’objets connectés par les professionnels. Ces modèles permettent aussi de proposer un paramètre de la locomotion du cheval, la vitesse instantanée, qui n’est fournie par aucun autre objet connecté à ce jour. Notre méthode présente tout de même des limites. La diversité des disciplines équestres va nécessiter une adaptation du modèle pour chacune d’entre elle. En effet, un galop de saut d’obstacle a plus de rebond qu’un galop d’endurance par exemple. Le modèle applicable à une discipline ne sera pas transposable à une autre, ce qui va nécessiter de récolter des données et constituer des bases de données de référence différentes. Références Ferraty F., Vieu P. 2006. Nonparametric Functional Data Analysis. Editors : Springer-Verlag New York. Hastie T., Tibshirani R., Friedman J. 2009. The Elements of Statistical Learning. Editors : Springer-Verlag New York. Jacques J., Preda C. 2014. Model based clustering for multivariate functional data. Computational Statistics and Data Analysis 71, 92-106. Li Q., Young M., Naing V., Donelan J.M. 2010. Walking speed estimation using a shank-mounted inertial measurement unit. Journal of Biomechanics 43, 1640-1643. Ramsay J., Silverman B.W. 2005. Functional Data Analysis. Editors : Springer-Verlag New York. Watanabe T., Saito H., Koike E., Nitta K. 2011. A preliminary test of measurement of joint angles and stride length with wireless inertial sensons for wearable gait evaluation system. Computational Intelligence ans Neuroscience 2011, 12.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

La concordance entre cardiofréquencemètre et ECG holter est bonne pour la fréquence cardiaque mais faible pour l’estimation du contrôle autonome cardiaque à l’effort

A. Lenoir1, D. Trachsel1,2, M. Younes3, E. Barrey4, C. Robert1,4

1 Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, 7 av. du Gal de Gaulle, F-94700, Maisons-Alfort 2 CIRALE-Hippolia, Médecine Sportive, RD 674, F-14430 Goustranville 3 CIAMS, Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay, F-91405 Orsay 4 GABI, INRA, UMR1313, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, F-78350 Jouy-en-Josas

Résumé L’analyse de la variabilité cardiaque (VFC) est de plus en plus utilisée pour l’évaluation des pratiques d’entrainement ou du bien-être du cheval. L’écart entre deux battements cardiaques (intervalles RR) peut être mesuré à l’aide de deux techniques différentes : le cardiofréquencemètre (CFM) ou l’électrocardiogramme (ECG). Cependant, la concordance et la fiabilité de ces deux outils n’ont pas été évaluées chez le cheval à l’effort. Le but de ce travail était d’étudier la concordance entre le CFM Polar® et l’ECG holter Televet® principales références utilisées pour l’analyse VFC chez le cheval. Des enregistrements à l’échauffement et au galop ont été obtenus simultanément avec les deux appareils sur 36 chevaux. Les données ont été comparées en utilisant un graphique de Bland et Altman et le coefficient de Lin. Les deux outils de mesure se sont révélés concordants uniquement pour la mesure de la fréquence cardiaque moyenne. L’ECG apparait plus complet pour une étude VFC poussée mais est plus difficile à maintenir en place pendant l’exercice, tandis que le CFM peut suffire pour un suivi de la fréquence cardiaque à l’entraînement. Mots clés : Cardiologie, équine, comparaison, outils d’enregistrement

Summary Analysis of the heart rate variability (HRV) is frequently used for the assessment of training practices and welfare in the equine industry. Actually, RR intervals can be obtained using two different devices: a heart rate meter (HRM) or an electrocardiogram (ECG). However, the agreement and reliability of these devices has not been assessed in exercising horses. The purpose of the present study was to assess the agreement between the HRM Polar® and the ECG holter Televet®, the two main devices used to evaluate HRV in horses. Simultaneous recordings obtained during light exercise and during canter with both devices were available for 36 horses. Data were compared using a Bland-Altman analysis and the Lin’s coefficient. The agreement between the assessed HRV parameters was acceptable only for the mean RR interval and the mean heart rate. The ECG appears to be more accurate for a VFC study but is more difficult to maintain in place during exercise, while the CFM may be sufficient for heart rate monitoring during training. Keywords: Cardiology, equine, comparison, recording devices

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Lenoir et al. Page 182

Introduction Avec le développement des objets connectés, de plus en plus d’outils sont disponibles pour mesurer des paramètres physiologiques chez le cheval au repos comme à l’effort. Cependant, peu d’entre eux ont été validés sur le terrain et on peut s’interroger sur la fiabilité des mesures obtenues. Pour l’évaluation de l’activité cardiaque, deux types de dispositifs existent depuis de nombreuses années : l’électrocardiographe holter (ECG) et le cardio-fréquencemètre (CFM), permettent de mesurer la fréquence cardiaque (FC). L’ECG est plus complet puisqu’il enregistre tout le cycle de dépolarisation cardiaque tandis que le CFM ne retient que les intervalles entre deux battements consécutifs (intervalles RR). ECG et CFM peuvent aussi être utilisés pour calculer la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC), c’est-à-dire les variations de temps entre deux intervalles RR, témoins de la régulation de l’activité du cœur par le système nerveux autonome (von Borell et al., 2007). Chez le sportif humain, le suivi d’entrainement à l’aide des paramètres de VFC commence à être utilisé et semble prometteur. Chez le cheval, la VFC est utilisée en médecine sportive (Kuwahara et al. 1996) et pourrait s’avérer intéressante à l’entrainement. La concordance des données VFC entre ECG et CFM a été jugée satisfaisante dans des études effectuées sur cheval au repos au box et au pré (Parker et al., 2009, Ille et al., 2014). En revanche, aucune étude n’a été réalisée chez le cheval à l’exercice. L’objectif de ce travail était d’établir la concordance entre les deux appareils de référence chez le cheval pour les mesures d’activité cardiaque à l’effort.

1 Matériel et méthodes

1.1 Animaux Trente-six jeunes chevaux d’endurance âgés de quatre à six ans ont participé à un test d’effort standardisé. Ils avaient tous au moins un parent de race Arabe et étaient inscrits au programme d’élevage endurance de l’Association Nationale Française du Cheval Arabe pur-sang et demi-sang (ACA).

1.2 Collecte des données Un examen clinique était effectué avant le test d’effort, puis les deux appareils de mesure étaient placés sur le cheval : un ECG télémétrique (Televet 100®, Jørgen Kruuse, Danemark) et un CFM (Polar S810, Polar Electro Öy, Finlande). Le test d’effort se divisait en trois étapes standardisées incluant une phase d’échauffement de 15 minutes au pas puis au trot, suivie d’une phase de galop à 20 km/h d’une durée de 15, 30 ou 45 minutes pour les chevaux de 4, 5 et 6 ans respectivement, et enfin d’une phase de galop rapide entre 22 et 25 km/h sur 500 m. L’ECG était retiré avec la selle entre 5 et 10 min après la fin de l’exercice tandis que la récupération cardiaque était suivie pendant 30 min au CFM.

1.3 Analyse des données Les données enregistrées étaient transférées vers un ordinateur Windows® par Bluetooth. Pour chaque outil de mesure, une première correction était effectuée sur son programme propre (logiciels Polar Pro Trainer 5® et Televet 100 5.0,0®). Les données en intervalles RR étaient ensuite exportées sous forme de fichier texte. Puis, elles étaient corrigées dans un classeur Excel® par recherche dans la liste des intervalles RR d’une déviation de plus de 30% avec l’intervalle RR précédant ou suivant ; une correction manuelle cas par cas était réalisée, en suivant les 5 types d’erreurs connues (Marchant-Forde et al., 2004, von Borell et al., 2007). Les fichiers corrigés étaient ensuite importés dans le logiciel Kubios HRV® (Université de Finlande de l’est) et l’analyse VFC était lancée sur une période de 5 min à partir d’un pic commun repéré visuellement. Une paire de données CFM-ECG était analysée pendant l’échauffement et une pendant le galop. Une analyse de tendance était appliquée à chaque analyse, selon la procédure de Tarvainen et al. (2002), avec un paramètre de lissage de 500 ms. Les basses fréquences (LF) étaient fixées entre 0,01 et 0,07 Hz et les hautes fréquences entre 0,07 et 0,6 Hz (Kuwahara et al., 1996). Les paramètres retenus pour l’analyse VFC étaient : intervalle RR (RR), fréquence cardiaque (FC), écart-type des intervalles RR (SDRR), racine carrée de la moyenne des carrés des différences (RMSSD), les variables SD1 et SD2 du graphique de Poincaré et les basses et hautes fréquences (LF et HF) en ms² et en unités normalisées (n.u.). La concordance des séries de données a été évaluée à l’aide d’un graphique de Bland et Altman (Bland et Altman, 1999) et du coefficient de Lin (CC Lin) (Lin, 1989). Pour l’analyse de Bland et Altman, le premier critère de concordance était fixé a priori à 5% et le second à 20% de la valeur moyenne du paramètre étudié.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Lenoir et al. Page 183

Pour le CC Lin, la concordance était qualifiée de « bonne » au-delà de 0,75, « modérée » entre 0,6 et 0,75, « mauvaise » entre 0,5 et 0,6, et « inacceptable » en-dessous de 0,5 (Partik et al., 2002).

2 Résultats Sur les 36 chevaux étudiés, 23 paires de données ont pu être exploitées à l’échauffement et 14 au galop. Les critères d’exclusion étaient des artefacts ou une synchronisation impossible. Les artefacts étaient plus souvent présents sur les enregistrements du CFM, tandis que les enregistrements ECG étaient parfois incomplets à cause de décollements d’électrodes.

2.1 Echauffement L’intervalle RR moyen et la fréquence cardiaque sont les deux seules mesures concordantes avec les méthodes statistiques utilisées (Tableau 1). Les résultats sont ambigus pour les paramètres issus de l’analyse fréquentielle de la variabilité cardiaque (LF (n.u.) et HF (n.u.)), avec une concordance acceptable pour un seul des critères de concordance de Bland et Altman. Pour tous les autres paramètres, la concordance a été jugée insuffisante.

Tableau 1 : Valeurs du coefficient de concordance de Lin pour les indices de VFC Table 1: Lin's concordance coefficient values for VFC indices Echauffement (N=23) Galop (N=14) RR (ms) 0,95 [0,93 ; 0,97] 0,92 [0,89 ; 0,95]

FC (bpm) 0,95 [0,93 ; 0,97] 0,92 [0,89 ; 0,95]

SDNN (ms) 0,71 [0,53 ; 0,89] 0,51 [0,15 ; 0,87]

RMSSD (ms) 0,84 [0,74 ; 0,94] 0,02 [-0,36 ; 0,40]

SD1 (ms) 0,84 [0,74 ; 0,94] 0,02 [-0,55 ; 0,59]

SD2 (ms) 0,68 [0,48 ; 0,88] 0,63 [0,35 ; 0,91]

LF (n.u.) 0,73 [0,55 ; 0,91] 0,73 [0,53 ; 0,93]

HF (n.u.) 0,73 [0,55 ; 0,91] 0,73 [0,53 ; 0,93]

Moyenne [Intervalle de confiance], N = nombre d’enregistrements comparés, bpm = battements par minute, n.u. = unité normalisée

2.2 Galop De façon similaire à l’échauffement, seuls l’intervalle RR moyen et la fréquence cardiaque moyenne ont montré une concordance acceptable avec les deux méthodes statistiques utilisées (Tableau 1). Pour tous les autres paramètres VFC, la concordance n’était pas respectée. Par ailleurs, les valeurs absolues du CC lin diminuent entre l’échauffement et le galop, montrant une baisse de la concordance des données avec l’augmentation de l’intensité de l’effort.

3 Discussion Malgré une perte de données substantielle en raison de la mauvaise qualité de certains enregistrements, ce travail a été réalisé sur un nombre conséquent de comparaisons (23 à l’échauffement et 14 au galop). Ce type d’analyse à l’effort n’avait jusqu’alors jamais été effectué. Les résultats montrent que CFM et ECG fournissent des valeurs de FC concordantes à l’exercice mais ne sont pas équivalents pour les mesures de VFC. La littérature évoque une concordance satisfaisante entre CFM et ECG pour des enregistrements au repos (Parker et al., 2009, Ille et al., 2014), ce qui est confirmé dans notre étude, avec des enregistrements de bonne qualité au repos et à l’échauffement. La qualité des enregistrements diminue avec l’augmentation de la vitesse, car les capteurs sont alors plus mobiles – mouvements de la peau, contraction musculaires, frictions avec la selle - et se décollent parfois avec la transpiration. Le traitement nécessaire des nombreux artefacts d’enregistrement ou la perte d’informations lors du prétraitement CFM (enregistrements des RR uniquement) alors que l’ECG garde l’intégralité du signal sont autant de raisons pouvant expliquer la discordance entre les deux systèmes.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Lenoir et al. Page 184

D’un point de vue pratique, pour les mesures chez le cheval au repos, l’ECG apparaît préférable : le signal est de bonne qualité (en l’absence de sueur les électrodes restent en place), l’information sur l’activité cardiaque est complète et le calcul de la VFC ne nécessite qu’une seule correction des données. Chez le cheval à l’effort, le CFM reste plus souvent en contact avec la peau et capte plus facilement le signal. Il présente aussi l’avantage de pouvoir être couplé à un GPS et il affiche en direct la FC sur une montre portée par le cavalier. En revanche, la fiabilité des données de VFC est moindre qu’avec l’ECG. De ce fait, pour les travaux poussés où l’étude de la VFC est centrale, l’ECG est à préférer tandis que le CFM suffit pour un suivi d’entraînement au quotidien.

4 Conclusion Ce travail montre que CFM et ECG fournissent des valeurs de FC équivalentes à l’exercice. En revanche, la concordance est insuffisante pour les mesures de VFC. Ceci incite à être précautionneux dans l’interprétation des résultats de VFC à l’exercice car ils varient avec l’appareil de mesure, le filtre utilisé et la stratégie de correction des artéfacts. ECG et CFM permettent la mesure correcte de la FC aux allures, mais l’analyses de la VFC est plus hasardeuse et nécessiterait d’établir des valeurs de référence pour chaque type d’outil. Remerciements Nous remercions tous les propriétaires, cavaliers et entraineurs de chevaux qui ont participé à cette étude, ainsi que les associations régionales d’éleveurs de chevaux d’endurance qui ont contribué à l’organisation des sessions de tests d’effort. Cette étude a été financée par le Fonds Eperon, l’Institut Français du Cheval et de l’Equitation (IFCE), l’Association du Cheval Arabe (ACA), l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) et l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort (ENVA). Références Bland, J.M., Altman, D.G. 1999. Measuring agreement in method comparison studies. Statistical Methods in Medical Research 8, 135–160. Ille, N., Erber, R., Aurich, C., Aurich, J. 2014. Comparison of heart rate and heart rate variability obtained by heart rate monitors and simultaneously recorded electrocardiogram signals in non-exercising horses. Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research 9, 341–346. Kuwahara, M., Hashimoto, S., Ishii, K., Yagi, Y., Hada, T., Hiraga, A., Kai, M., Kubo, K., Oki, H., Tsubone, H., Sugano, S. 1996. Assessment of autonomic nervous function by power spectral analysis of heart rate variability in the horse. Journal of the Autonomic Nervous System 60, 43–48. Lin, L.I. 1989. A concordance correlation coefficient to evaluate reproducibility. Biometrics 45, 255–268. Marchant-Forde, R.M., Marlin, D.J., Marchant-Forde, J.N. 2004. Validation of a cardiac monitor for measuring heart rate variability in adult female pigs: accuracy, artefacts and editing. Physiology & Behavior 80, 449–458. Parker, M., Goodwin, D., Eager, R.A., Redhead, E.S., Marlin, D.J. 2009. Comparison of Polar® heart rate interval data with simultaneously recorded ECG signals in horses. Comparative Exercise Physiology 6, 137– 142. Partik, B.L., Stadler, A., Schamp, S., Koller, A., Voracek, M., Heinz, G., Helbich, T.H. 2002. 3D versus 2D ultrasound: accuracy of volume measurement in human cadaver kidneys. Investigative Radiology 37, 489– 495. Tarvainen, M.P., Ranta-Aho, P.O., Karjalainen, P.A. 2002. An advanced detrending method with application to HRV analysis. IEEE transactions on bio-medical engineering 49, 172–175. von Borell, E., Langbein, J., Després, G., Hansen, S., Leterrier, C., Marchant-Forde, J., Marchant-Forde, R., Minero, M., Mohr, E., Prunier, A., Valance, D., Veissier, I. 2007. Heart rate variability as a measure of autonomic regulation of cardiac activity for assessing stress and welfare in farm animals - a review. Physiology & Behavior 92, 293–316.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Proposition d’une nouvelle méthode de test des casques hippiques

N. Bourdet1, C. Deck1, S. Premi1, R .Willinger1

1 ICube UMR 7357, Université de Strasbourg

Résumé Le casque constitue le seul élément de protection de la tête lors de chutes hippiques. A ce jour le test normatif de protection d’absorption du choc du casque est uniquement vertical et utilise des critères de blessure obsolètes. L’existence d’une composante normale et tangentielle de la vitesse d’impact de la tête, a été vérifiée lors de précédentes études entraînant un angle d’impact de l’ordre de 30° à 50°. Afin de reproduire plus précisément ces conditions d'impact de la tête, un banc d'impact a été adapté en proposant à la fois une enclume horizontale et une enclume inclinée à 45 °. De plus, la nouvelle méthode de test de casque associe des résultats de tests d'impact expérimentaux à des simulations numériques en utilisant un modèle avancé de tête par éléments finis et permet d'estimer le niveau de risque de blessure neurologique en calculant l'allongement axonal dans le cerveau. Finalement la faisabilité et la robustesse de la méthode ont été vérifiées. En conséquence de quoi tous les éléments sont en place pour progresser vers la proposition d’une nouvelle norme de casques hippiques et l’organisation de campagnes de tests consuméristes. Mots clés : Jockey, lésion de la tête, élongation axonale, conditions d’impact de la tête, méthode de test

Summary The helmet is the only protection element of the head for jockey in falling situation. To date, the standard test for shock absorption capacity of the helmet consists of only linear impact and uses outdated injury criteria. Previous studies have shown the existence of normal and tangential component of the impact velocity, resulting in an angle of impact ranging from 30° to 50°. In order to reproduce these impact conditions of the head more accurately, an impact bench was adapted by proposing both, a horizontal and an inclined anvil at 45°. Also, the new helmet test method couples experimental impact test results with numerical simulations by using an advanced finite element head model and makes it possible to estimate the level of neurological injury risk by computing the axonal elongation in the brain. Finally, the feasibility and robustness of the method were verified by performing five tests on the same type of helmets for three oblique impact configurations. As a result, all elements are in place to propose a new helmet test standard for equestrian sports and for consumer test rating. Key-words: jockey, head injury, axonal strain, head impact conditions, test method

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

N. Bourdet et al. Page 186

Introduction Dans la mesure où des impacts à énergie modérée mais « fréquents » peuvent survenir chez un même individu, le casque joue également un rôle majeur dans la santé à long terme du cavalier. En France de l’ordre de huit incapacités définitives et environ deux décès sont enregistrés tous les ans. En cas de chute, le risque de blessure est de l’ordre de 15% et il a été constaté une commotion cérébrale toutes les 78 chutes. A ce jour les normes de protection envisagent un test d’absorption du choc du casque sous impact vertical uniquement et évaluent la qualité du casque sur la base de critères de blessure obsolètes tel que l’accélération maximum de la tête qui est fixée à 250 G. Dans l’étude Bourdet et Willinger menée en 2015, une analyse paramétrique par simulations multi-corps de la cinématique du jockey correspondant à un grand nombre de situations de chutes a permis de définir des conditions d’essais plus réalistes en calculant le vecteur vitesse de la tête juste avant l’impact. Les résultats ont montré qu’il existait une composante normale et tangentielle de cette vitesse, entraînant un angle d’impact de l’ordre de 30 à 50 °. Pour favoriser l’amélioration des casques il est indispensable de disposer d’outils avancés d’évaluation et d’optimisation du casque. Dans ce contexte, l'objectif de cet article est de proposer une nouvelle méthode d’essai du casque qui consiste d’abord à redéfinir les conditions d’impact réalistes à prendre en compte lors de l’essai d’un casque, de reproduire ces conditions de choc sur un banc d’essai et finalement d’évaluer le niveau de protection sur la base de critères de blessures biomécaniques.

1 Matériels et méthodes Dans le but de reproduire les conditions d’impact de la tête dans le cadre d’un essai de choc, un banc d’impact a été adapté en proposant à la fois une enclume horizontale et une enclume inclinée à 45°, comme illustrées dans la figure I. Par ailleurs la fausse tête ISO a été remplacée par une tête de mannequin de type « Hybrid III » d’une masse de 4,5 kg, et présentant une inertie plus réaliste, instrumentée de capteurs d’accélérations linéaires et rotatoires. Finalement des vitesses d’impact vertical à 6,0 m/s pour les impacts linéaires puis obliques à 6,5 m/s pour les impacts obliques ont été proposées. Dans cette étude, les tests expérimentaux obliques ont été réalisés sur cinq casques existants. Les trois configurations d'impact ont été répétées cinq fois afin de vérifier la répétabilité des expériences. Les impacts obliques visent à introduire les rotations autour des axes X, Y et Z (XRotSide, YRotFront et ZRotSide). Figure I : Illustration des trois conditions d’impacts linéaires et des trois impacts obliques. Figure I: Illustration of three linear impact conditions and three oblique impacts.

Impacts linéaires

Impacts Obliques

Actuellement, les seuils concernant les performances du casque sont fixés en termes d'accélération maximale de la fausse tête (fixée à 250 g, avec 1 g correspondant à 9,81 m / s²) selon la courbe de tolérance WSU publiée dans les années 1950. Aujourd'hui, des modèles de tête numériques de pointe existent et ont été utilisés pour la définition des critères de blessure à des mécanismes de blessures spécifiques (Deck et al 2008). Ces modèles sont devenus des outils de prédiction des blessures beaucoup plus puissants que l'accélération rotationnelle maximale, de sorte que la présente proposition consiste à mettre en œuvre des critères de traumatisme crânien améliorés basés sur un modèle dans une nouvelle procédure d'impact de casque. Le modèle de tête par éléments finis de l'Université de Strasbourg (SUFEHM) prend en compte l'orientation des fibres axonales extraites de l'imagerie médicale du cerveau. Ce modèle de tête permet alors de

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

N. Bourdet et al. Page 187

reconstruire des traumas crâniens provenant de tout type d’accident. Il est ainsi utilisé en tant qu’outil de prédiction de blessures afin d’anticiper de potentielles lésions de la tête. L’approche consiste à coupler l’expérience et la modélisation numérique en implémentant dans le modèle les courbes d’accélérations linéaires et rotatoires enregistrées lors de chocs expérimentaux, comme le montre la figure II. Le modèle par éléments finis permet alors de calculer des paramètres mécaniques à l’intérieur du cerveau, comme l’élongation des axones. Il convient de préciser qu’un critère de lésions a été établit par Sahoo et al. en 2016 au sujet de cette élongation, le seuil limite étant fixé à 14,65 % de la déformation axonale correspondant à 50% de risque de lésion neurologique modérée (perte de connaissance). Figure II : Illustration de la méthode couplée expérimentale/numérique pour l’évaluation du risque de lésions cérébrales modérée (perte de connaissance). Figure II: Illustration of the experimental/numerical coupled method for assessing the risk of moderate brain damage (loss of consciousness). Linear Accelerations Experimental Test Standard Parameters

Improved Model Based Head Injury Criteria

SUFEHM Assessment of Brain Injury Risk γ Rotational Accelerations z

Ωz

Ωy Ωx γy γx

2 Résultats Pour l'évaluation de la capacité de protection du casque, les trois tests expérimentaux obliques conduisent aux courbes d’accélérations linéaires et rotationnelles en fonction du temps illustrées à la figure III. Pour chacun de ces impacts, l'évaluation du risque de traumatisme crânien a été calculée selon la méthodologie décrite précédemment. Les résultats en termes de déformation axonale maximale et de risque modéré de lésion cérébrale sont rapportés dans le tableau 1. Tableau 1. Synthèse des résultats en termes d'accélération, de déformation axonale et de risque de lésion neurologique modérée. Table 1: Synthesis of results in terms of acceleration, axonal deformation and risk of moderate neurological injury. Accélération Vitesse Accélération Déformation Risque de perte de Test rotatoire rotatoire linéaire [g] axonale max connaissance [rad/s2] [rad/s] Moyenne 149 6895 31 0,17 88% YRotFront Écart-type 10 235 1,5 0,01 11% Moyenne 118 7364 31 0,23 100% XRotSide Écart-type 7 866 1 0,03 0% Moyenne 118 12165 42 0,16 79% ZRotSide Écart-type 3 605 2 0,01 15% Les principaux résultats de cette étude sont: - L'accélération linéaire s’étend de 108 g à 168 g. - Les impacts YrotFront et ZrotSide montrent des accélérations rotationnelles très élevées (jusqu'à 12 krad/s²) - Pour ce casque, l'impact XRotSide montre des accélérations rotationnelles plus faibles (7 krad/s²) - Pour l'impact YrotFront, le risque de lésion cérébrale modérée (perte de connaissance) est d'environ 88%. - Pour l'impact XRotSide, le risque de lésions cérébrales est très élevé, même si l'accélération rotationnelle est plus faible. - Enfin, l'impact ZrotSide est la configuration la moins critique, car cet impact entraîne un risque de perte de connaissance de 79%.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

N. Bourdet et al. Page 188

Figure III : Résultats expérimentaux en termes d’accélérations (rouge axe X, vert axe Y et bleu axe Z). Figure III: Experimental results in terms of accelerations (red X axis, green Y axis and blue Z axis). YrotFront XRotSide ZrotSide 50 50 150

0 100 0 0 10 20 30 -50 0 10 20 30 50 -50 -100 0 -100 0 10 20 30 -150 -50 Linear Acceleration [g] Acceleration Linear Linear Acceleration [g] Acceleration Linear Linear Acceleration [g] Acceleration Linear -200 -150 -100 Times [ms] Times [ms] Times [ms] 8 4 5 6 2 0 0 4 0 10 20 30 -2 0 10 20 30 2 -5 -4 0 -6 0 10 20 30 -10 -2 Acc. [krad/s²] Rot. -8 Rot. Acc. [krad/s²] Rot. Rot. Acc. [krad/s²] Rot. -4 -10 -15 Times [ms] Times [ms] Times [ms] 3 Conclusion Dans le but de prendre en compte les conditions d’impact de la tête des jockeys en situations de chutes pour tester la capacité de protection des casques, cette étude a proposé une nouvelle méthode de test basée sur des impacts d’une fausse tête casquée sur enclumes horizontale et oblique à 45°, et qui associe les résultats expérimentaux à des simulations numériques en utilisant un modèle numérique avancé de la tête humaine capable d'estimer le niveau de risque lésionnel neurologique modérée (perte de connaissance) en calculant l'allongement axonal dans le cerveau. Par ailleurs, la faisabilité et la robustesse de la méthode ont été vérifiées en réalisant cinq tests sur un même type de casque pour trois configurations d’impact oblique. Selon la direction de l’impact, l’accélération linéaire et rotatoire maximum sont données avec une précision de 4 à 10 % et l’élongation des axones est estimée avec une reproductibilité de 6 à 12 %. En conséquence de quoi tous les éléments sont en place pour progresser vers la proposition d’une nouvelle norme d’évaluation des casques hippiques et l’organisation de campagnes de tests consuméristes. Remerciements Les auteurs souhaitent remercier France Galop, l’IFCE, l’Association des Jockeys ainsi que la Fondation MAIF pour leur soutien. Références C. G. Ball, J. E. Ball, A. W. Kirkpatrick, and R. H. Mulloy, “Equestrian injuries: incidence, injury patterns, and risk factors for 10 years of major traumatic injuries,” Am. J. Surg., vol. 193, no. 5, pp. 636–640, May 2007. N. Bourdet and R. Willinger, “Head impact conditions in case of equestrian accident,” in IRCOBI Conference Proceedings, 2015. C. Deck and R. Willinger, “Improved head injury criteria based on head FE model,” Int. J. Crashworthiness, vol. 13, no. 6, pp. 667–678, 2008. J. Hutchinson, M. J. Kaiser, and H. M. Lankarani, “The head injury criterion (HIC) functional,” Appl. Math. Comput., vol. 96, no. 1, pp. 1–16, 1998. G. Northey, “Equestrian injuries in New Zealand, 1993-2001: Knowledge and experience,” Httpwwwnzmaorgnzjournal116-1182601, 2003. K. E. Thomas, J. L. Annest, J. Gilchrist, and D. M. Bixby-Hammett, “Non-fatal horse related injuries treated in emergency departments in the United States, 2001–2003,” Br. J. Sports Med., vol. 40, no. 7, pp. 619–626, Jan. 2006. D. Sahoo, C. Deck, and R. Willinger, “Brain injury tolerance limit based on computation of axonal strain,” Accid. Anal. Prev., vol. 92, pp. 53–70, Jul. 2016.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

44ème Journée de la Recherche Équine Jeudi 15 mars 2018

Contribution des stimuli auditifs dans l’interaction cavalier-cheval chez les cavaliers Pro dressage

A. Olivier123, L. Roepstorff4, N. Vuillerme5,6, B. Isableu7

1 CIAMS, Univ. Paris-Sud, Université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France 2 CIAMS, Université d'Orléans, 45067, Orléans, France 3 Groupe Voltaire & Forestier Sellier, 64210 Bidart, France. 4 Swedish University of Agricultural Sciences, Unit of Equine Studies, Uppsala, Sweden 5 Univ. Grenoble Alpes, AGEIS, 38000 Grenoble, France 6 Institut Universitaire de France, Paris, France 7 Aix Marseille Université, PSYCLE, Aix en Provence

Résumé Les stimuli auditifs sont couramment utilisés dans la pratique de l’équitation à tous les niveaux, de la reprise libre en musique en dressage à l’apprentissage du trot enlevé chez les débutants. L’objectif principal de cette étude est de déterminer la contribution de différents types de feedback auditif (métronome vs musique) dans la régulation optimale du rythme cavalier-cheval lors d’une tâche de dressage. Nous avons étudié 7 couples cavaliers-cheval Pro Elite. Les résultats montrent que la régulation du rythme cavalier-cheval a été améliorée par le son de la musique principalement et que le poignet reste le segment le plus variable. Ces résultats suggèrent que des stimuli auditifs tels que la musique peuvent être utilisés dans l’entrainement sportif équestre. Mots clés : Stimulis auditifs, interaction cavalier-cheval, performance.

Summary Auditory stimuli are commonly used in the practice of horseback riding at all levels, from free style to music in training to learning rising trot for beginners. The main objective of this study is to determine the contribution of different types of auditory feedback (metronome vs. music) in the optimum regulation of the rider-horse rhythm during a training task. We studied 7 Pro Elite rider-horse pairs. The results show that the regulation of the rider-horse rhythm has been improved mainly by the sound of music and that the wrist remains the most variable element. These results suggest that hearing stimuli such as music can be used in equestrian sports training. Key-words: Auditory stimuli, Horse and rider interaction, performance.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Olivier et al. Page 190

Introduction Certains stimuli auditifs, comme la musique ou le métronome, sont couramment utilisés en sport afin d’améliorer la performance (Bood & al., 2013, Repp & Su, 2013). La musique est particulièrement utilisée en équitation, où le rythme joue un rôle primordial dans la régulation des trois allures du cheval, par exemple dans la discipline du dressage lors des reprises libres en musique ou à l’entrainement comme dans le saut d’obstacle (Delalande, 2006). Toutefois, l’effet de stimuli auditifs sur la relation cavalier-cheval n’a à ce jour pas fait l’objet d’étude scientifique. L’objectif principal de cette étude est de déterminer la contribution de différents types de feedback auditifs (métronome vs musique) dans la régulation de différents rythmes dans l’optimisation de l’interaction cavalier-cheval.

1 Matériel et méthode

1.1 Sujets étudiés Nous avons étudié sept couples cavalier-cheval Pro Elite en dressage auprès de la Fédération Française d’Equitation (FFE). Le tableau 1 récapitule leurs principales caractéristiques. Tableau 1 : Caractéristiques des sujets étudiés Table 1: Characteristic of subjects Nombre Nombre d'années de Genre Age Poids Taille IMC d'années de pratique en pratique compétition Moyenne 6F 1H 23.20 54.60 1.66 19.70 17 10.2 Ecart type 1.88 1.70 0.04 1.30 3.5 4.4

1.2 Matériel et procédure expérimentale L’expérience a été réalisée en milieu écologique dans un manège (dimension 40 × 80) dans le cadre d’un stage fédéral au Pôle Européen du Cheval au Mans (Boulerie Jump). Les cavaliers ont été équipés de six centrales inertielles Delsys (150 Hz) placés au niveau de la tête, de la 10ème thoracique (T10), de la 5ème lombaire (L5) et du poignet droit du cavalier. Les chevaux ont été équipés de deux centrales inertielles au niveau du sternum et du boulet. Les mouvements du cavalier et du cheval ont été enregistrés dans quatre conditions de stimulations auditives et deux de contrôles à l’allure trot. Chaque cavalier a réalisé 10 passages dans chaque condition dans un couloir de barres en ligne droite : • « Warm up pré» ou condition neutre de référence, cette condition permet de vérifier le rythme de l’allure du cheval sans stimulus auditif, • « Métronome synchrone» condition dans laquelle un métronome émet un signal sonore en rythme avec le cheval, • « Métronome asynchrone» condition dans laquelle le métronome émet un signal sonore asynchrone avec le rythme du cheval, • « Musique synchrone» condition dans laquelle une musique en rythme avec l’allure du cheval est diffusée (musique des reprises libres des cavaliers de dressage), • « Musique asynchrone» condition dans laquelle une musique est diffusée de manière asynchrone au rythme du cheval (correspondant à un rythme de galop), • « Warm up post» à la fin de l’expérience, dans laquelle il n’y a aucun stimulus auditif (condition neutre de référence) permettant de vérifier s’il y a eu un effet de passation entre la warm-up pré et post expérience. Les quatre conditions auditives ont été présentées dans un ordre aléatoire.

1.3 Analyse des données L’analyse en Phase Relative (PR) discrète des marqueurs du cavalier (instant lors de la position maximale d’un point du cavalier) par rapport à l’axe vertical (z) des mouvements du sternum du cheval (instant lors de

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Olivier et al. Page 191

la position maximale du sternum du cheval) a été effectuée sur les différents points anatomiques étudiés. Les PR étudiées sont la tête, T10, L5, le poignet droit du cavalier par rapport au mouvement du cheval.

La formule utilisée pour le calcul de la phase relative (PR) discrète est : T max – T max PR en ° = (cavalier) (cheval) x 360 ° Temps d’un cycle

Une phase relative à 0° indique une parfaite synchronisation entre les mouvements du cavalier et du cheval. La coordination est dite « en phase ». Une phase relative négative (-0°) informe une anticipation (« anticipation de phase ») et à l’inverse une phase relative positive (+0°) montre un retard (« décalage de phase ») entre deux systèmes. Une analyse de variance a été réalisée sur les moyennes et les écarts types des PR dans les six conditions de stimuli auditifs : warm up pré, métronome synchrone, métronome asynchrone, musique synchrone, musique asynchrone, warm up post. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Statistica au seuil de significativité de p<0,05.

2 Résultats

2.1 Effet Auditif L’analyse de variance révèle un effet principal des conditions auditives sur la moyenne des PR (F(5,25) = 3,51 ; p = 0,019). Le post-hoc indique que la condition de « musique synchrone» se distingue des conditions : « musique asynchrone», « métronome asynchrone», ainsi que les « warm up » pré et post (p <0,05), excepté la condition « métronome synchrone ». En condition « musique synchrone», la moyenne de la PR diminue indiquant un meilleur couplage du cavalier avec le mouvement du cheval (diminution de la PR). Seule la condition musique synchrone a eu un effet d’amélioration du couplage cavalier-cheval. Le son d’un métronome synchrone semble s’apparenter à la musique. Les deux warm up ne se distinguent pas montrant ainsi qu’il n’y a pas d’effet de la passation des conditions sonores. L’ANOVA ne montre pas d’effet des conditions auditives sur les écarts types des PR (F(5,25) = 0,22 ; p = 0,94). Il n’y a pas de variabilité entre les cavaliers dans les différentes conditions auditives.

2.2 Effet Segment L’analyse statistique ne montre pas d’effet principal Segment sur la moyenne des PR (F(5,25) = 1,98 ; p = 0,16). Les segments étudiés ne se distinguent pas, indiquant qu’ils semblent participer de manière équivalente au couplage du cavalier avec les mouvements du cheval. L’ANOVA montre un effet Segment sur les écarts types des PR (F(5,25) = 12,15 ; p = 0,006). Le post-hoc nous précise que les écarts types des PR du poignet se différentient des autres segments : Tête, T 10, L3. Le poignet montre une variabilité des PR plus importante que les autres, indiquant une moindre synchronisation avec les mouvements du cheval selon les cavaliers.

3 Discussion L’objectif principal de cette étude est de déterminer la contribution de différents types de feedback auditifs (métronome vs musique) dans la régulation du rythme entre le cavalier et son cheval dans une position de dressage. La régulation du couplage cavalier-cheval a été améliorée par la musique dite synchrone. Ce résultat va dans le sens de la littérature scientifique (Bood et al. 2013) et empirique (Delalande, 2006). Le feedback sonore synchrone améliorerait la synchronisation cavalier-cheval. Ces résultats suggèrent que des stimuli auditifs tels que la musique ou un métronome peuvent être utilisés dans l’entrainement sportif équestre. Le poignet des cavaliers est le segment le moins synchrone avec le cheval, quelles que soient les conditions de stimuli auditifs. La main du cavalier est l’élément le plus instable et le plus variable (Olivier et al. 2014). Travailler avec un stimulus auditif synchrone ne semble pas impacter la synchronisation du couplage de la main avec le cheval. D’autres analyses sur la locomotion du cheval doivent être réalisées afin de montrer si l’impact de stimuli auditifs aurait eu aussi un effet sur la régulation des mouvements du cheval.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

A. Olivier et al. Page 192

Remerciements Nous tenons à remercier le COST de l’IFCE qui a financé en partie ces travaux de recherche. Nous remercions particulièrement, E. Schramm (Directrice de Technique Nationale de Dressage), pour son accueil au sein du stage fédéral et son intérêt pour nos recherches. Aussi nous remercions les cavaliers ayant réalisé l’étude pendant leur stage de préparation. Bibliographie Bood, R. J., Nijssen, M., Van Der Kamp, J., & Roerdink, M. (2013). The power of auditory-motor synchronization in sports : enhancing running performance by coupling cadence with the right beats. PloS one, 8(8), e70758.

Debarnot, U., & Guillot, A. (2014). When music tempo affects the temporal congruence between physical practice and motor imagery. Acta psychologica, 149, 40-44.

Delalande, X. (2006). L’équitation par le rythme, ed Belin, 64 p.

Falko Eckardt, F., Münz, A., Witte, K. (2014). Application of a Full Body Inertial Measurement System in Dressage Riding. Journal of Equine Veterinary Science, 34, 1294–1299.

Münz, A., Eckardt, F., & Witte, K. (2014). Horse–rider interaction in dressage riding. Human movement science, 33, 227-237.

Olivier, A., Jeuvrey, J., Teulier, C., Isableu, B. (2014). Interaction cavalier-cheval : Contribution des informations sensorielles et du niveau d’expertise, communication orale –Actes de la 40ème Journée de la Recherche Équine. Paris

Repp, B.H. & Su, YH. (2013). Sensorimotor synchronization : A review of recent research (2006-2012). Psychonomic Bulletin & Review, 20 : 403.

Sofianidis, G., Elliott, M., Wing, A., Hatzitaki, V. (2015). Interaction between interpersonal and postural coordination during frequency scaled rhythmic sway: The role of dance expertise. Gait & Posture, 41, 209- 216.

© Institut français du cheval et de l’équitation 2018

EQUISENSE MOTION LE 1ER OBJET CONNECTÉ POUR LES SPORTS ÉQUESTRES

equisense.com