Bouquemaison : Une Recherche Minière En Picardie Au Xviiie Siècle
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BOUQUEMAISON Une recherche minière en Picardie au XVIIIe siècle et ses multiples rebondissements MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE D'ABBEVILLE TOME X RAYMOND PETIT Ingénieur des Arts et Manufactures Membre titulaire de la Société d'Émulation BOU QUEMAISON Une recherche minière en Picardie au XVIIIe siècle et ses multiples rebondissements PARIS ÉDITIONS A. ET J. PICARD ET Cle 1963 IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE CENT CINQUANTE EXEMPLAIRES SUR FLEUR D'ALFA NUMÉROTÉS I A 150 A LA MÉMOIRE DE MON GRAND-ONCLE HENRI MOREL (1857-1945) QUI A VECU 33 ANS A DOULLENS ET M'A TRANSMIS LA LÉGENDE DE BOUQUEMAISON, A LA MÉMOIRE DE SON FILS AINÉ PIERRE MOREL NÉ A DOULLENS (I885) MORT POUR LA FRANCE A REIMS (1914) AVANT-PROPOS 'A l'octasion d'une étude sur les sondages profonds du département de la Somme et des régions voisines (23 a), donnée à la Société Géologique du Nord le 5 janvier 1955, j'avais men- tionné, entre auteès, les travaux faits à Bouquemaison en i784 et ceux pratiqués à Lucheux quelques dizaines d'années plus tard. le savais depuis longtemps que, dans la région de Doullens, une légende extraordinaire, qu'avaient entretenue des écrits tendancieux, circulait sur Bouquemaison : on y aurait autrefois trouvé du charbon dans une fosse de recherche qui, noyée en des circonstances mystérieuses, avait été ensuite abandonnée. Le seul texte que j'avais pu atteindre était la citation par Buteux en T843 (7 a) 'd'un rapport de l'Ingénieur des mines Laverrière, « en date du 18 août 1793 », con- servé aux Archives du département de la Somme 1. Buteux donnait l'épaisseur et la nature des terrains traversés Par la fosse, mais il faisait observer que les dénominations des roches dont se composaient ces terrains n'étaient « guère intelligibles ». Cela est toujours vrai, quoiqu'on reconnaisse dans certains termes de ce rapport des expressions du langage des mineurs; mais, ce qui est encore moins intelligible c'est l'ordre de succession des couches, si, différent de celui qu'on rencontre dans la région minière du Nord et du Pas-de-Calais. Dès lors, je trouvais dénuées de, vraisemblance les indications du rapport Laverrière et je croyais inutile de chercher à résoudre le problème de Boùquemaison qui me paraissait trop compliqué. Par contre, je désirais obtenir des précisions sur l'emplacement du sondage de Lucheux afin de pouvoir en déterminer sur carte la cote d'orifice. A cet effet, sur le conseil de M. Roussin, archiviste de la ville de Doullens, je me suis adresse au service des Archives départementales de la Somme, et à M. Raymond Dubois, chargé de recherches, à Sus-Saint-Léger. Tandis que M. Dubois me donnait des renseignements précieux sur l'emplacement du sondage de Lucheux, M. Jean Estienne, Directeur des Services d'Archives du département de la Somme, en me répondant qu'il n'avait rien sur cette localité, m'informait qu'il détenait sur Bouquemaison des documents intéressants et m'engageait à les consulter. Quoique peu encouragé Par ce que je savais du rapport Laverrière, je me rendis à Amiens. C'est ainsi que je pris con- naissance des cotes C. I5II et C. 151g venant de l'Intendance de Picardie (II b) et de la cote M. IOJ.ÔJO venant de la Chambre de commerce d'Amiens. (II g). La cote C. I5II contient 5I pièces et la cote C. 151g en contient 21, soit en tout 7 2 pièces. La moitié environ de ces pièces est formée par les originaux des lettres reçues par l'Intendant ; l'autre moitié se compose des copies, gardées par son service, des lettres adressées à ses corres- pondants. Le plus ancien de ces documents date du I5 février I782 et le plus récent du 25 sep- tembre 1786; tous concernent le creusement de la fosse de Bouquemaison et mettent au premier plan le personnage d'A ndré- JosePh Pierard, initiateur de l'entreprise. I. En réalité, Bùteux a utilisé les renseignements contenus dans deux rapports de Laverrière : l'un du 18 août rédigé à Bouquemaison, l'autre du 19 août, rédigé à Doullens. La cote M. 107.670 forme un cahier de 16 pages ; les 6 premières sont la copie du Mémoire de Bienaimé dont il sera parlé Plus loin (2). Sur les IO pages suivantes sont copiées ou résumées diverses pièces. Ces copies ont été faites vers 1834-1836 ; elles sont numérotées sur le cahier. La première est un résumé de C. 1519-11 du 20 septembre I785, les autres vont du début de I792 jusqu'à fructidor an X, mais leur lieu de conservation n'est pas indiqué. Les pièces no 9 et no IO sont les copies des deux rapports de Laverrière des I8 et I9 août I793 utilisés par Buteux en I843, mais il existe sous le no II un troisième rapport du même auteur daté dit 24 août I793. A l'ex- ception de la première pièce qui date du creusement de la fosse, les autres pièces de cette cote résument l'histoire des démarches faites auprès des gouvernements successifs pour obtenir d'eux la reprise des travaux de recherche à Bouquemaison. Elles font souvent allusion au contenu des pièces des cotes C. I5II et C. I5I9, mais en l'utilisant d'une manière incomplète ou inexacte qui devient ainsi partiale. Ces textes n'étaient pas tout à fait tombés dans l'oubli, car ils sont men- tionnés dans l'Inventaire des Archives de la Somme (10), et le n° 42 de la cote C. 1511, est signalé dans la Bibliographie Macqueron (19), mais personne ne paraît les avoir publiés en entier, ni surtout commentés; c'est ce que je crois opportun de faire maintenant. L'intérêt de cet ensemble n'est pas tant dans les indications géologiques bien réduites qu'on peut en tirer (23 b), que dans la possibilité qu'il offre de dégager quelques faits certains d'une masse d'interprétations erronées et de reconstituer l'histoire d'une recherche audacieuse et de ses multiples rebondissements. On verra aussi des analogies transparentes avec la situation actuelle : difficulté de se procurer le matériel nécessaire, obligation d'aller chercher au loin le personnel spécialisé, concurrence entre les diverses sociétés, alors que les débouchés semblent largement assurés. Les pièces des cotes C. I5II et C. I5I9 forment une suite à peu près complète à laquelle il ne paraît manquer que peu d'éléments. Par contre, quelques copies formant la cote M. I07.670 semblent incomplètes et même comporter quelques erreurs : il importait donc, au moins pour les trois pièces capitales que sont les rapports de Laverrière, de trouver si possible l'original ou, à défaut, une autre copie présentant des garanties d'authenticité. Il fallait voir à Paris. Les recherches effectuées à la demande de M. Dégot, Ingénieur en chef des mines, ont montré qu'il n'existait rien à la Direction des mines du Ministère de l'Industrie et du Commerce. Cependant, aux Archives Nationales, grâce à l'obligeance et à la compétence de mile Ghis- laine Bellart, archiviste-paléographe, les recherches ont été rapides et fructueuses. Elles ont permis de trouver, non seulement des copies des trois rapports de Laverrière, déjà connus par les copies d'Amiens, mais également celle d'un quatrième rapport daté du 29 août I793 et une lettre originale d'envoi au Comité de Salut public. Ces documents sont réunis sous la cote F. 14- I307 (I a, b) et d'autres pièces intéressantes figurent sous la cote F. 14-4248 (I d), mais on n'a pas trouvé les originaux signés de Laverrière, ni les lettres originales envoyées de I782 à I786 par l'Intendant de Picardie au Ministre des finances et à l'Intendant des mines. Toutes ces pièces ne nous apprenaient sur Pierard rien de plus que ce que nous en con- naissions par ses lettres ; il était souhaitable d'en savoir plus long. C'est ce que nous avons pu obtenir grâce à M. Lefrancq, conservateur de la bibliothèque et des archives de Valenciennes, qui par ses longues et patientes recherches a permis d'entrevoir quelques aspects de la vie et de la carrière de Pierard (IV a, b). Les études de M. Eric Hamoir, de Bruxelles, sur sa propre famille (16 a, b), ont de leur côté, fourni des détails sur l'entreprise à laquelle Pierard avait participé avant de s'intéresser à Bouquemaison. Mme Agache-Lecat, bibliothécaire d'Abbeville, m'a beaucoup aidé de ses conseils, et m'a facilité l'entrée en relation avec plusieurs services. fe dois une reconnaissance toute particulière à M. Bouroz, Ingénieur en chef du Service géologique des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, qui a eu l'amabilité de m'informer, au fur et à mesure de leur creusement, des résultats qu'obtenaient les sondages entrepris dans la région de Doullens de I954 à I959 (5 b, c, d). Je peux affirmer que c'est grâce à lui si ce travail a été mené à terme, car les renseignements qu'il m'a donnés m'ont permis de voir clair peu à peu dans une affaire embrouillée et m'ont encouragé à l'étudier en détail. Enfin, la Société d'Emulation historique et littéraire d'Abbeville, que préside M. Gaston Vasseur, a bien voulu accueillir dans sa collection de Mémoires ce travail dont le centre d'intérêt se trouve pourtant assez loin d'Abbeville. M. Vasseur a eu l'obligeance de me suggérer de nom- breuses rectifications et améliorations que je me suis empressé d'apporter à mon texte.