NOTRE EPOQUE Fo.t et corruption : prol ngations en Bretagne L'énigme du: -MarseiII

Pourquoi l'OM a-t-il versé 420 000 francs sur le compte suisse de l'ex- entraîneur nantais Blazevzc en 1989, à la veille d'un match opposant les deux clubs ? Quatre ans après, personne n'arrive à s'en souvenir... ous ne pouvez pas vous imaginer le jamais eu lieu. Interrogé en janvier 1991, Gérard nombre de joueurs et d'arbitres qui ont Gili, ancien entraîneur de POM, confia d'ailleurs pu être corrompus en , c'est in- aux policiers qu'il n'avait jamais entendu parler de croyable. je n'ai pas de preuves, mais ces matchs... je suis sûr de moi. » Les déclarations A quoi a donc servi l'argent ? Au « Nouvel Ob- du joueur marseillais Jean-Jacques Eydelie au juge servateur », les dirigeants de First Erben répètent

Beffy, le 12 juillet — dont « le Nouvel Observa- ce qu'ils ont indiqué - à la police : le compte avait teur)) le 1505 du 9 septembre a publié de larges été ouvert « à la demande de fleur] ami Miroslav extraits —, ont donné le frisson à bon nombre de Blazevic ». Or Blazevic, entraîneur croate réputé, dirigeants du football français. Et déjà déclenché était en 1989... le manager du FC Nantes. En une deuxième affaire mars de cette année, les policiers débarquent dans Le joueur évoquait notamment une autre tenta- sa résidence de Lausanne (ex-sélectionneur de tive de corruption dont il aurait été le témoin en l'équipe nationale suisse, aujourd'hui responsable 1992, à la veille d'un match Nantes-OM, alors de la Croatia de Zagreb, Blazeviç a conservé ses qu'il portait encore les couleurs du FC Nantes. habitudes — et une carte de résident — au pays C'est ce qui a motivé l'ouverture d'une enquête du secret bancaire). Aux enquêteurs, comme au- préliminaire par le parquet de Nantes, le 5 oc- jourd'hui au « Nouvel Observateur », il confirme tobre. « Bernès, toujours lui, m'a proposé une somme avoir lui-même « retiré l'argent très rapidement ». de 350 000 francs pour que je lève le pied, expliquait Mais il assure «Ye n'ai jamais pris un centime pour Eydelie. J'avais refusé catégoriquement. Nantes avait moi. L'argent a été intégralement reversé au Sarajevo perdu 1-0 sur un but très clair, et je ne pense pas que le Football Club, qui servait Parfois d'intermédiaire lors match ait été arrangé. Jean-Claude S'uaudeau [l'en- des transferts de joueurs de l'ex-Yougoslavie. » traîneur de Nantes] avait eu quand même des doutes, A l'appui de ses dires, une lettre écrite le 15 avril car il savait que Desailly et moi-même avions été 1993 par un responsable du club de Sarajevo, contactés par Marseille pour un éventuel transfert la Ahmet Pasalic, le remerciant d'avoir «facilité le saison suivante. Il m'a toutefois confié qu'il n'avait pas - transfert » des fonds entre Marseille et la capitale de doute en ce qui me concernait. » bosniaque. Miroslav Blazevic jure n'avoir pas joué Des doutes, le parquet de Nantes, lui, semble 1. d'autre rôle dans cette affaire. Quant aux presta- en avoir. Et la PJ locale pourrait bientôt se pen- tions ainsi rémunérées par POM, l'ancien entraî- cher sur les dossiers personnels — contrats, sa- Au mois de mars dernier, neur nantais reste vague : il évoque pêle-mêle un laires, primes et avances -- des deux joueurs, qui Miroslav Blazevic contrat de « recherche de talents », une intervention furent bien engagés par Marseille quelques se- reçoit la visite des policiers lors du transfert du joueur Dragan Stojkovic, et maines après le fameux match évoqué par Eydelie. dans sa résidence de Lausanne. « des pratiques assez courantes dans le monde du foot- Dossiers saisis le 30 juin lors de la perquisition du « je n'ai pas pris un centime ball». Lui-même n'est sans doute pas en mesure juge Beffy au siège de l'OM. pour moi», assure-t-il. de percer le mystère de la véritable destination des Décidément soupçonneux, les enquêteurs nan- E fonds. Quant aux dirigeants de rom— Alain La- tais étaient déjà entrés en contact en juin avec roche, directeur financier, et Jean-Louis Levreau, leurs collègues de Lille. Ils désiraient savoir si le les comptes de l'. Un dos- Vice-président —, ils disent ne pas se souvenir de dossier Valenciennes-0M contenait des indices ré- sier qui a conduit les policiers à interroger la plu- ce mouvement de fonds : « A l'époque, c'était jean- vélant une affaire de corruption à Nantes... Mais il part des intermédiaires du football européen, de Pierre Bernés qui s'occupait de ces questions... » s'agissait encore d'un autre match : celui dii 20 Lisbonne à Dublin et d'Athènes à .Panama, et qui Reste une certitude : l'Olympique de Marseille a mars 1993, toujours contre l'OM. Ce jour-là, les a fini par les ramener à Nantes... bel et bien versé, à l'automne 1989, plus de observateurs avaient trouvé douteuse la sortie sur Les faits, cette fois, remontent à 1989. Le club • 400 000 francs sur un compte anonyme, dont le blessure du défenseur croate de Nantes Zoran de Bernard Tapie verse alors — sa comptabilité, titulaire était le manager du FC Nantes. Le tout à Vulic. Mais aucun élément concret n'est venu de- saisie par les enquêteurs, en fait foi — la somme 'quelques jours d'une rencontre Nantes-0M, dis- puis conforter ce soupçon, même si Vulic,,« en ac- de 420 000 francs surie compte en Suisse de la putée le 25 novembre 1989. Le match s'est achevé cord avec le club », a quitté la Bretagne Un an avant société zurichoise First Erben AG, en règlement sur un score nul de 1-1 et aucun spécialiste n'a re- le terme de son contrat. d'un contrat passé le 17 octobre 1989. Objet du levé la moindre anomalie dans le déroulement de - Ce n'est pas tout. Début septembre, c'est la bri- contrat : « l'organisation de matchs amicaux » entre la partie. Conclusion de Blazevic : « Si l'OM a gade financière de Marseille qui surgit au siège du l'OM et deux clubs britanniques, les Glasgow versé de l'argent, il y a bien quelqu'un qui doit savoir FC Nantes pour entendre plusieurs de ses cadres. Rangers et Liverpool. Mais la First Erben, à en pourquoi. » L'objet de cette visite surprise ? Les suites loin- croire ses dirigeants, ne fait que dans « l'import-ex- taines de l'enquête ouverte en novembre 1990 sur port », pas dans le football. Et les rencontres n'ont HERVÉ GATTEGNO 104/ LE NOUVEL OBSERVATEUR