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de remarquables oubliés tome 1

illustrations de francis back LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page6

La collection « Mémoire des Amériques » est dirigée par David Ledoyen

Dans la même collection : - Gilbert Boulanger, L’alouette affolée - Jacques Cartier, Voyages au Canada - Gabriel Franchère, Voyage à la côte du Nord-Ouest de l’Amérique - Lahontan, Dialogues avec un Sauvage - Paul Lejeune, Un Français au « Royaume des bestes sauvages » - Jean-François Nadeau, Adrien Arcand, führer canadien - Nicolas Perrot, Mémoire sur les mœurs, coustumes et relligion des sauvages de l’Amérique septentrionale - Auguste-Henri de Trémaudan, Histoire de la nation métisse dans l’Ouest canadien

© Lux Éditeur, 2011 www.luxediteur.com

Dépôt légal : 2e trimestre 2011 Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec isBN 978-2-89596-097-3

Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la sODeC. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page7

À Émilienne et Denyse, nos mères par tous les temps. À la belle Geneviève, à sa génération. À Lou et Han Su, à Noëllie, Naïa, Naëve, à Laurie-Anne et Dorothée, ces petites filles de nos vies qui seront femmes au XXIe siècle. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page8 LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page9

AvANT-PrOPOs D’uN AmÉriCANisTe DÉçu eT D’uNe sOi-DisANT miCmAC issue D’uN ÉCHANGe De BÉBÉs

Lui C’est un projet immense, qui dure et qui dure. il y a quarante ans, au fil de mes études et de ma lecture du Hand book of North American Indians, je prenais des notes lorsque je rencontrais des noms de personnages qui sortaient du commun. Ce gros livre américain tenant en plusieurs tomes était la bible du savoir anthro- pologique et ethno-historique sur la question des Amérindiens. Nous n’étions pas à l’ère d’internet et des moteurs de recherche. il fallait lire tout simplement des milliers de pages, mois après mois, année après année, pour espérer faire des synthèses sur des points donnés. C’est ainsi qu’en étudiant les nations du missouri, je rencontrai marie iowa Dorion. mais qui donc était cette femme au nom inoubliable ? Je vis aussi passer Gabriel Franchère, un homme libre relié au commerce américain des fourrures et à l’empire des Astoriens. Puis, au chapitre portant sur les Omahas du Nebraska, je croisai la bien nommée susan La Flesche Picotte. Dans le même ordre d’idée, je suivis l’expédition de Lewis et Clark, qui porta mon attention vers sacagawea, Toussaint Char bonneau et leur formidable fils, Jean-Baptiste. C’était la porte d’entrée sur le monde de saint-Louis et des francophones de l’Ouest sauvage d’avant les Américains, le monde de Joseph robidoux, d’Étienne Provost et de combien d’autres. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page10

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eLLe Tandis que serge Bouchard lisait le Handbook of North American Indians et qu’il réalisait ses études de terrain à mingan pour sa thèse sur le savoir et la mémoire des chasseurs , moi, j’étais encore une enfant et, je le confesse, la peur des indiens me réveillait la nuit. Je suis née à Paspébiac, dans la Baie-des- Chaleurs. en fait, l’hôpital se trouvait à maria, à quelques pas de Gesgapegiag, une réserve micmac. ma mère, qui avait ses entrées et ses charmes, avait demandé qu’on me place à l’avant de la pou- ponnière, dans la première rangée derrière la vitre. À l’heure des visites, elle surprit les commentaires de gens qui contemplaient les nouveaux-nés. me montrant du doigt, une personne s’ex- clama : « regarde, un bébé de la réserve ! » J’avais les cheveux noirs, drus, et de petits yeux perçants. Quelques années plus tard, mes grands frères – des garçons comme les autres, taquins et méchants au besoin –, ayant entendu mille fois l’anecdote, se firent un plaisir de me dire, de me répéter et de me convaincre que je n’étais pas de la famille, que par erreur on avait échangé des bébés : j’étais une indienne ! Longtemps j’y ai cru ; longtemps j’en ai été blessée. Dans les années 1960, il n’y avait pas pire insulte que d’être apparenté aux indiens. Quand nous passions à travers la réserve de maria, nous, les enfants, nous cachions dans le fond de la voiture. Hélas, c’était l’esprit de l’époque, le triste fleuve des préjugés courants.

Lui Ces indiens et ces indiennes, marie iowa Dorion, susan La Flesche Picotte et les autres, ces coureurs de bois, ces fous d’espace, ces pionnières et exploratrices canadiennes-françaises, je les mettais en attente dans le fond de ma mémoire en me disant qu’un jour, j’allais les revoir pour de bon. C’était autant de rendez-vous remis à plus tard. Ce « plus tard », ce fut bien sûr l’émission de radio LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page11

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De remarquables oubliés. Ce livre s’inspire du matériau et de la philosophie de cette série produite et diffusée par la Première Chaîne de radio-Canada. Depuis que la réalisatrice rachel verdon m’a proposé en 2004 de mettre en format radio l’histoire de tous ces personnages mal connus qui habitaient mon univers de passionné de l’Amérique, nous avons créé soixante et onze récits originaux. J’ai débarqué en studio avec ce monde en tête, nourri de quarante ans de lectures et de questionnements. Au fil de mes recherches et voyages, je m’étais forgé une vision du monde, une vision de l’Amérique. et puis un parti pris, pour ne pas dire une conviction : c’est dans l’infra histoire que vous trou- verez l’émotion véritable. Dans les versions officielles, en anglais comme en français, on nous a souvent menti en nous présentant des personnages préfabriqués. Peu de mots sur les métis, tel Gabriel Dumont, presque rien sur les coureurs de bois comme Étienne Brûlé et Guillaume Couture, rien sur les Amé rin diens et sur leur rôle dans la construction de l’Amérique comme nous la connaissons. Qui se soucie de membertou, de Black Hawk ou de Tecumseh ? et pour ce qui est des femmes, que dire ? Non, vraiment, les femmes n’apparaissaient pas dans la trame, hormis quel ques dévotes et mystiques, quelques recluses. il fallait donc s’efforcer de « regarder à l’envers » pour débusquer le visage de ces gens que les autorités en la matière avaient choisi d’ignorer.

eLLe Dans son enfance, ma mère passait ses étés à La Prairie, près de la réserve de Caughnawaga. malgré les histoires de peur qui nourrissaient son imaginaire, elle alla avec son père les reliques de cette sainte iroquoise, Kateri Tekakwitha, mais avec quel effroi ! m’a-t-elle transmis cet héritage – elle qui, ainsi qu’elle l’apprendrait plus tard, avait bien du sang indien ? À moins que ce ne soit les films de cow-boys que nous regardions enfants qui m’ont fait une trop forte impression ? Ou encore, les LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page12

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manuels d’histoire où les pauvres missionnaires cuisaient à feu doux ? C’était aussi l’époque où nous lisions Tintin au Congo, et tout se mélangeait dans nos perceptions : les sauvages, les canni- bales, les marmites fumantes... Toujours est-il qu’après la réserve de maria, je connus la même frayeur en déménageant à Québec, lorsque j’appris que des indiens vivaient au village huron, aux portes de la ville... Je suis une enfant des années 1960, une femme qui a grandi entourée d’images imposées. il m’a fallu longtemps pour « regarder à l’envers », le temps qu’on me raconte l’histoire autrement.

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Lui elles ont fait l’Amérique. Faire, dans le sens de parcourir, faire dans le sens de tisser. Faire est un bien grand mot, l’Amérique est si vaste. elles ont fait, dans le sens d’avoir été, d’avoir sur- vécu, surnagé. elles sont si nombreuses à ne pas avoir fait les manchettes de l’histoire. elles sont si nombreuses au peloton des sacrifices, au foyer de la résistance, sur le palier de l’invisible exploit. Les femmes sont absentes de l’histoire, ne le dit-on pas assez ? Les Amérindiennes certainement, mais aussi toutes les autres, sans distinction culturelle : Canadiennes, Anglaises, Noires, Françaises, métisses. ici, dans ce livre, vous les verrez apparaître, ces femmes de tous horizons. elles nous reviennent comme un écho puissant, comme de profondes impressions, elles nous reviennent en des portraits bouleversants, de touchantes esquisses. Pourquoi, mon Dieu, avons-nous oublié de si belles parties de nous-mêmes ? LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page13

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eLLe Peut-être êtes-vous comme moi : vous n’aviez jamais entendu parler de marie-Anne Gaboury, de robertine Barry, d’Émilie Fortin-Tremblay, de mina Hubbard, d’esther eneutseak et de Nancy Columbia. Ou si peu. J’ai fait partie des auditeurs assidus des Remarquables oubliés, médusée de découvrir l’ampleur de ces mondes inconnus. J’étais aux premières loges, puisque j’assistais à la naissance de chacun des personnages sur la planche de tra- vail de serge Bouchard, mon compagnon de vie. Depuis des années la maison est envahie par des personnages qui, successi- vement, s’y invitent. Nous avons eu le temps des robidoux, le temps des Chalifoux. Nous avons vécu au quotidien avec les emma Lajeunesse, les maud Watt et les marie-Josèphe-Angélique. Nous avons voyagé du Covent Garden à Londres jusqu’à Waskaganish à la Baie-James, en nous arrêtant au passage dans le vieux-montréal qui brûlait. Dans le livre que vous vous apprê- tez à lire, vous rencontrerez des femmes d’exception dont rarement on nous fit l’éloge.

Lui marie iowa Dorion n’était pas une sénatrice, marie Brazeau ne sera jamais canonisée, madame montour n’a pas écrit de livre, shanadithit ne savait pas écrire – mais elle dessinait bien – et Françoise-marie Jacquelin se battait comme un pirate des Caraïbes. Aucune n’est fiction, toutes ces femmes ont existé, les portraits étonnent. il y a dans le présent livre quinze dimensions de la vie féminine. Nous n’avons pas opté pour une présentation des personnages en ordre chronologique. s’il est une logique sous-jacente dans ce classement forcément curieux, c’est celle de la dérive dans l’espace américain. Les femmes furent de grandes voyageuses, elles ont de tout temps sauté bien des clôtures, de Dawson au jusqu’en virginie, et de Terre-Neuve jusqu’en LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page14

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Californie. Femmes des bois, sauvagesses, guerrières, militantes, artistes, exploratrices, femmes d’affaires, personnages inimagi- nables ; oui, elles ont aussi fait l’Amérique – une Amérique qui nous échappe.

eLLe une Amérique qui me rattrape. en écrivant ce livre avec serge, je me suis inspirée de ces femmes folles et fortes. J’appartiens à la planète des Lettres, bien loin de celle des historiens et des anthropologues. Dès lors, mon rapport à l’ouvrage est différent. À ma manière, et ce sera le cas pour beaucoup d’entre vous qui lirez ce livre, j’ai aimé chacune des femmes. en toute humilité, je me suis identifiée à de nombreuses facettes de leurs vies. et j’ai voulu que chacune soit belle.

Lui L’historien ne retrouvera pas ici les balises rassurantes de ses réfé- rences, de ses preuves, manières et raisonnements. il sera facile au pointilleux de reprendre les récits un à un, chipotant sur un détail, disputant ceci ou cela – entreprise bien inutile aux yeux des auteurs qui admettent la relative vérité de tous leurs dits et écrits. et s’il est vrai que les histoires nationales sont des men- songes énormes, s’il est vrai que chacun y va de son mythe défor- mant, alors autant choisir ses fables et les choisir avec soin, autant retenir les plus belles, les plus grandes. Dans ce livre, comme de raison, l’intention des auteurs est bonne. Au fond, quelle est la nature de l’exercice ? voyez-y la mauvaise humeur d’un américaniste déçu. Ces histoires que je raconte, que les auditeurs aiment tant, ce sont celles que j’aurais voulu entendre lorsque jadis on s’avisa de m’enseigner l’histoire du Canada. mais on ne l’a pas fait. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page15

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eLLe Les chemins de tous ces personnages se recoupent. ils finissent par dessiner une histoire, par-dessus les récits particuliers. Chaque « oubliée » contribue à sa façon à ce renouvellement de la vision de l’histoire nord-américaine. Le voyage dans le temps et dans l’espace prend toute la place dans le fond de la toile. Nous sommes au Nord, nous sommes à l’Ouest, dans la ville ou dans le bois, à la vie à la mort, en 1680 comme en 1880, nous avons de redorer le blason de ceux et celles dont on a présumé qu’ils n’en avaient pas, pas plus qu’une vie digne d’être rappelée. Derrière ces quinze femmes, il y en a quinze autres – pardon d’ailleurs à irma Levasseur, mary shadd, Henriette Dessaules, Émily stowe, Jeanne mance, sacagawea, marie de l’incarnation, mary Pickford et Kateri Tekakouita de ne pas avoir droit au cha- pitre, il fallait bien trancher –, sans compter toutes les autres femmes remarquables, celles-là anonymes, dont on ne parlera jamais. Car le projet de se raconter soi-même est sans fin. Ce pro- jet, c’est une nouvelle définition d’un pays, quel qu’il soit, ainsi qu’un nouveau regard sur nous toutes, sur nous tous.

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Lui il fut souvent proposé par les auditeurs de faire un livre tiré de la série. « Ces histoires à la radio sont si intéressantes, elles feraient un bon livre. il suffirait de transcrire le texte audio. » Ce n’était malheureusement pas aussi simple. Le saut entre l’oral et l’écrit est quantique, l’un s’oppose à l’autre et le combat, en quelque sorte. Le récit oral, avec sa mise en scène radiophonique, est une chose. Écrire en est une autre. Je suis bien placé pour le LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page16

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comprendre, puisque je joue régulièrement sur les deux tableaux. s’il faut au conte rendre honneur, il faut aussi à la littérature rendre ses droits. il est encore et toujours impressionnant d’en- tendre l’histoire d’esther eneutseak et de Nancy Columbia, lors- qu’une voix vous la raconte. mais pour passer l’océan qui sépare l’oreille de l’œil, il faut plus qu’une simple transcription : il faut créer la version littéraire. et c’est ici que le rôle de marie-Christine prend sa pleine mesure.

eLLe Confidence : serge écrit à la hache, laissant de gros copeaux traî- ner dans des textes qu’il oublie aussitôt brouil lonnés. il écrit comme un ours, renversant tout et ne ramassant rien. moi, je suis un peu son contraire, nous sommes un couple dépareillé. Je suis littéraire, minimaliste. serge me donne le spectacle de l’abondance, je lui propose le théâtre du menu rien. L’oiseau- mouche sur le museau d’un ours, voilà ce que nous sommes.

Lui Parce que marie-Christine a réalisé les deux tomes de mes Confessions animales : Bestiaire en tant qu’éditrice, parce qu’elle écrit et aime démesurément l’écriture, nous avons eu, elle et moi, le projet d’Elles ont fait l’Amérique. rien de ce qui s’écrit ne doit être pris à la légère. Nous avons ensemble ramassé les copeaux, passé le balai entre les mots, préparé les lieux, sans trop nous concerter. Car nous avions la même idée : écrire pour donner vie, écrire en effet pour que personne ne soit laissé pour compte.

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eLLe eT Lui Notre fille est d’origine chinoise, mais elle ressemble à s’y méprendre à une petite innue de mingan. une beauté suprême qui résume le Nord entier, du lac Baïkal en sibérie jusqu’au lac Petisikapau, au . Comme quoi le sujet se creuse et s’ap- profondit. Tombée dans la soupe québécoise des Lévesque- Bouchard, éduquée à la petite école de ce village des Laurentides où nous avons choisi de vivre, qui est-elle ? et ses parents ? sommes-nous de voltaire, de Lao Tseu ou de Donnacona ? Notre fille étudie les iroquoiens à l’école et quand elle joue dans la forêt avec ses amies, elles construisent des maisons longues. sans le savoir, elles refont l’Amérique. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page18 LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page19

Shanadithit

L a dernière des béothuks LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page20

st. John’s (terre-neuve)

lac des indiens rouges LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page21

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E llesur portait elle un petit fragment toujours de quartz qu’elle disait être un morceau de son pays – ce fut son seul héritage, avec les histoires qu’elle avait racontées et quelques dessins. surtout, elle portait le poids du destin tragique de son peuple. un peuple malheureux comme les pierres. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page22 LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page23

N 1500, iLs OCCuPeNT toute l’île de Terre-Neuve ; avant ed’être nouvelle, cette terre est la leur. mais le long des côtes, en ce jour de mars 1823, les Béothuks sont à peine six, une petite bande affamée, effarouchée, menacée par la tuberculose et les chasseurs d’indiens. Autrefois, on autorisait les Blancs à les abattre, maintenant le gouvernement de Terre-Neuve octroie des primes pour la capture de Béothuks vivants. L’hiver a été dur, la nourriture rare. Les trappeurs anglais pénètrent de plus en plus profondément à l’intérieur du terri- toire, ils remontent même jusqu’au lac des indiens rouges. Pour survivre, les Béothuks doivent demeurer invisibles. ils fuient plus qu’ils ne chassent ; ce sont eux-mêmes des proies. Les voici donc terrés dans leur petit campement de la baie Badger : un couple, leurs deux filles, leur fils, un gendre. L’une des filles est frêle, toussoteuse. sa sœur, shanaditith, est épanouie, volontaire. elle a environ vingt-trois ans, et déjà deux cicatrices de blessures par balle. Le plus récent incident remonte à son adolescence lorsque, occupée à gratter une peau de caribou au bord du lac, un micmac du nom de Noël Bosse lui a tiré dessus. Le bonhomme se vantait d’avoir tué quatre-vingt-dix-neuf Béothuks et il comp- tait bien en tuer un centième avant de « prendre sa retraite ». La balle a traversé le bras de shanadithit, qui a pu s’enfuir dans la forêt. La première fois, elle était petite, une balle lui avait traversé la jambe. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page24

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Ainsi vont leur vie et leur histoire : fuir, fuir. il y a un mois tout juste, la bande a été surprise par des trappeurs terre-neuviens. Chez les envahisseurs, la manière d’opérer est de tirer à vue, sans avertissement. L’oncle de shanadithit et sa fille ont été tués, et deux hommes de la famille ont pris la fuite dans les bois ; on ne les a jamais revus. La situation est désespérée. Aussi, ce matin, lorsqu’un groupe de trappeurs se présente sur le lac, en raquettes, les hommes de la famille discutent ferme. Peut-être pourraient-ils tenter leur chance, les approcher pour obtenir de la nourriture ? Le gendre dit que certains Blancs sont moins méchants que d’autres, qu’il y en a qui sont dans de meilleures dispositions envers les indiens. il a même connu des hommes de son peuple qui prétendent avoir reçu de la nourriture et des objets utiles de la part de certains pêcheurs. Comment y croire ? De toute façon, si on ne tente rien aujourd’hui, déclare le gendre, on mourra de faim. D’autant plus que sa femme, la sœur de shanadithit, a contracté la « toux du diable » et est gravement malade. C’est donc en désespoir de cause qu’il entreprend de marcher à découvert sur le lac, à la ren- contre des trappeurs. il leur fait des signes, de grands signes éper- dus des mains, des bras : Aidez-nous ! Aidez-nous ! Apparemment, ces Blancs ne sont pas moins méchants que d’autres, le gendre est tué à bout portant sous les yeux de sa famille. Les trappeurs entourent le cadavre du Béothuk. regardent vers la forêt d’où il est venu. suivent des pistes. se dirigent vers le campement. sortis de la tente, le père et le frère de shanadithit, répétant une vieille stratégie mille fois expérimentée par les Béothuks, s’élancent, crient, courent vers une baie pour faire diversion, espérant que les femmes pourront s’enfuir. mais le temps est doux, le printemps hâtif. en traversant la baie sur la rivière exploits, la glace cède et le père de shanadithit disparaît et se noie. L’autre poursuit sa course, mais n’atteint pas la rive. Lui aussi disparaît sous la glace. Ce sacrifice n’aura servi à rien : les trois femmes, trop faibles, sont capturées et ramenées sur la LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:14 Page25

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côte. Les trappeurs, menés par William Cull, sont heureux de leur triple capture qui leur vaudra une forte prime.

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et pourtant, ils sont chez eux, les Béothuks, depuis la nuit des temps. Qui sont-ils ? et pourquoi sont-ils ostracisés, réduits à vivre cachés ? Pourquoi les chasse-t-on comme des cerfs ? Leurs origines sont complexes et imprécises, on croit qu’ils descendent d’un peuple archaïque maritime, qu’ils seraient issus de la grande famille algonquienne. On les décrit comme très grands et la légende en fera quasiment des géants. Ce qui frappe, c’est leur couleur rouge. De fait, ils s’enduisent le visage, les bras, les jambes, le corps entier d’ocre rouge – même leurs canots, leurs pagaies, et même les squelettes retrouvés dans leurs tombes étaient rouges. Les Blancs les appelleront les Red Indian. Certains historiens prétendent que cette désignation s’étendit ensuite à l’ensemble des peuples amérindiens qu’on nomma, après eux, les Peaux-rouges. Les Béothuks sont des chasseurs-cueilleurs, mais surtout des pêcheurs chevronnés, qui vivent principalement de saumon, de phoque et de toutes sortes de mammifères marins et d’oiseaux. Ce sont de formidables artisans ; ils fabriquent des canots solides et, avec beaucoup d’habileté, tout leur attirail de survie, arcs et pointes de flèche, lances et harpons. On les connaît aussi comme de grands navigateurs. Dispersés en plusieurs bandes, ils passent l’été au bord de la mer dans leurs mamateeks, des tentes coniques couvertes d’écorce et de peaux. L’automne, ils remontent les rivières, canotant des centaines de kilomètres jusqu’aux lacs de l’intérieur. ils suivent alors les hordes de caribous qu’ils chassent selon une technique préhistorique : il s’agit de diriger et de regrouper le troupeau vers un lieu circonscrit à l’aide de clôtures et de goulots d’étranglement. LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:15 Page448 LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:15 Page449 LUX-RO-Elles_Waridel 12-10-15 16:15 Page450

CeT OuvrAGe A ÉTÉ imPrimÉ eN NOvemBre 2012 sur Les Presses Des ATeLiers De L’imPrimerie GAuviN POur Le COmPTe De Lux, ÉDiTeur À L’eNseiGNe D’uN CHieN D’Or De LÉGeNDe DessiNÉ PAr rOBerT LAPALme

Le graphisme est de Louise-Andrée LAuZière La révision du texte et la correction des épreuves ont été réalisées par eve DeLmAs, Thomas DÉri et marie-eve LAmY

Lux Éditeur c.p. 129, succ. de Lorimier montréal, Qc H2H 1v0

Diffusion et distribution au Canada : Flammarion en europe : Harmonia mundi

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