MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE ----- ===== ----- UNIVERSITE DE TOAMASINA ----- ===== ----- FACULTE DES LETTRES & SCIENCES HUMAINES ----- ===== ----- DEPARTEMENT DE PHILOSOPHIE Fahaizaña sy Fañahy ----- ===== -----
LE PARTAGE DES BIENS DANS LA SOCIETE BETSIMISARAKA DU NORD. (LE CAS D’AMBATOHARANANA I, DISTRICT DE VAVATENINA)
Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Maîtrise en philosophie présenté par :
Mlle RAZAFIKALO Marie Onnie
Sous la direction de Monsieur RAZAFITSIAMIDY Antoine Maître de Conférences
13 Décembre 2008
Année universitaire : 2008
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DEDICACE
A mes parents.
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REMERCIEMENTS
Nous pouvons dire que le présent ouvrage n’aurait pu être réalisé sans l’aide de quelques personnes de très bonne volonté avec leurs expériences et leur compétence.
Pour cela, nous tenons à remercier de prime abord, Monsieur Antoine RAZAFITSIAMIDY, Maître de conférences, enseignant et encadreur, qui, malgré ses nombreuses occupations, nous a dirigée dans la réalisation de cet ouvrage.
Nos vifs remerciements s’adressent aussi à nos parents qui nous ont soutenue matériellement et moralement lors de la réalisation de ce mémoire.
Pour terminer, nous adressons également nos vifs remerciements à tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, à la réalisation de ce travail.
Mlle RAZAFIKALO Marie Onnie
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LISTE DES INFORMATEURS
N° Nom et Prénoms Age Sexe 1 Résidence Profession Appartenance religieuse Date d’entretien
1 Belanonana Maurice 68 M Andilamena Tangalamena Catholique 26/08/06 2 Visy 74 M Ambatoharanana Tangalamena Religion traditionnelle 27/08/06 3 Rasy Anasthasie 70 F Ambatoharanana Prêtre du village Catholique 26/08/06 4 Temoka Andriantsivalina 83 M Ambodivoanio Tangalamena Sans religion 15/05/07 5 Rajaonarivelo José 55 M Ambatoharanana Maire Catholique 26/08/06 6 Rodera Jérôme 55 M Andilamena Conseiller Catholique 26/08/06 7 Tabavy Euphrasie 90 F Ambatoharanana Ménagère Catholique 13/03/07 8 Tira Paul 80 M Ambatoharanana Cultivateur Sans religion 16/05/07 9 Lômbo 81 M Ambatoharanana Cultivateur Protestant 28/08/06 10 Maro Raymond 76 M Ambatoharanana Cultivateur Religion traditionnelle 28/08/06 11 Philibert 73 M Ambatoharanana Gardien de tombeau Religion traditionnelle 28/08/06 12 Kalo Justin 60 M Ambatoharanana Cultivateur Sans religion 16/05/07 13 Remi 40 M Ambatoharanana Cultivateur Religion traditionnelle 16/05/07 14 Berthine 42 F Ambatoharanana Tresseuse Religion traditionnelle 29/08/06 15 Senna 80 M Ambatoharanana Tangalamena Religion traditionnelle 29/08/06 16 Babity Laurent 66 M Toamasina Professeur retraité Catholique 15/03/07 17 Solo Vincent 73 M Ambatoharanana Chef de groupe Catholique 28/08/06 18 Maso Barthélémy 60 M Vavatenina Tangalamena Catholique 12/03/07 19 Bemanampy 83 M Vavatenina Tangalamena Catholique 12/03/07 20 Mosolahy 60 M Fiadanana Tangalamena Catholique 12/03/07
1 Sexe : M = masculin ; F = féminin. = 4 =
INTRODUCTION
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Madagascar est un pays qui a été colonisé par la France. Cette dernière est considérée comme la mère de ce pays. Il possède beaucoup de traditions. Presque la majorité du peuple malgache croit et respecte les ancêtres. En général, les Malgaches n’osent pas faire du mal aux ancêtres.
Il y a vingt et deux régions à Madagascar, mais nous prendrons seulement la région d’Analanjirofo, car c’est dans cette région que se trouve la commune d’Ambatoharanana I, objet de notre étude. Elle se situe exactement dans le district de Vavateninan un des six districts de la région d’Analanjirofo.
La commune est peuplée en majorité par des Betsimisaraka. Comme toutes les autres ethnies, les Betsimisaraka ont leur tradition telle le mariage traditionnel, la circoncision et surtout le partage des biens. C’est sur cette dernière que nous avons orienté notre étude. Ce rite prend une place importante pour les gens d’Ambatoharanana I. D’après la croyance betsimisaraka, l’homme est un être qui dépend nécessairement et toujours des ancêtres. Il n’est jamais indépendant sans les ancêtres. Leur rôle est de transmettre par les messages des êtres vivants au dieu suprême.
La vie d’un homme commence par la naissance et se termine par la mort. Mais d’après la croyance betsimisaraka, il y a immortalité de l’âme dans le monde invisible. Si un homme meurt, sa puissance, sa force et sa valeur augmentent par rapport à celles des vivants. Cette tradition est une des spécificités betsimisaraka. = 6 =
Nous avons choisi comme thème de recherches : « Le partage des biens dans la commune rurale d’Ambatoharanana I ».
Le partage des biens s’intègre dans la culture traditionnelle et plusieurs personnes ne savent même pas ce qu’on entend par partage des biens. Ainsi, nous avons voulu montrer à tout le monde que ce rite existe, il est bien vivant, et nous en avons besoin dans notre vie.
En général, la mort a une importance particulière pour les Betsimisaraka. Si quelqu’un meurt, tout le monde honore et respecte la dépouille mortelle. On pratique le partage des biens quelques années après la mort d’un individu. En Imerina, on pratique l’exhumation ou famadihana . Les Malgaches conservent avec attention le reste des ancêtres dans le tombeau ; il est interdit de négliger ces restes parce qu’ils ont de la valeur et sont nécessaires pour les vivants.
Le partage des biens est à la fois utile pour le défunt et très important pour les vivants. C’est le moment de lui dire au revoir et de lui demander de laisser les vivants tranquilles. Il doit aider les vivants dans leurs besoins. Ce rite constitue les dernières funérailles pour le défunt. Le partage des biens est le moment au cours duquel on donne sa part au mort et partage les biens entre les vivants et les morts. Le sang du bœuf est destiné spécialement aux ancêtres. Mais à part cela, pour les vivants, la famille pratique ce rite pour s’acquitter de ses dettes envers le défunt ou l’ancêtre.
Mais face à l’évolution du monde actuel, pourquoi les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I continuent-ils de pratiquer ce rite ? Quel est leur objectif et quelle est la valeur de ce rite de nos jours ?
Il est vraiment difficile d’effectuer des enquêtes sans connaître la situation géographique et historique et surtout l’économie et le contexte socioculturel de la commune rurale d’Ambatoharanana I. Cela fera l’objet de la première partie de notre travail.
La deuxième partie est consacrée à la description détaillée et précise de la cérémonie du partage des biens. C’est grâce à ce rite qu’un mort est inscrit dans la communauté ou la société des morts. Les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I croient au pouvoir des ancêtres et ont = 7 =
aussi peur d’eux. Nous voyons dans cette partie l’étape préparatoire avant la cérémonie, ainsi que le déroulement de la fête depuis le début jusqu’à la fin du partage des biens.
La troisième partie de notre mémoire fait l’inventaire des avantages et des inconvénients de ce rite dans notre vie. Ce dernier change parfois et la tradition change également. Comme le partage des biens est une culture qui existe depuis de nombreuses années dans la société betsimisaraka, on constate tout de même quelques changements.
Le partage des biens, en tant que culture traditionnelle, est un peu différent de la culture moderne qui envahit actuellement notre société. Il y a des gens qui n’aiment pas pratiquer ce rite, à cause de la difficulté de la vie. Et comme de nos jour le temps c’est de l’argent, les gens n’aiment pas faire engager de trop grosses dépenses d’argent dans ce rite.
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PREMIERE PARTIE
PRESENTATION DU TERRAIN D’ETUDE
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CHAPITRE I
LES DONNEES GEOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES
I.- Les données géographiques
1.- La situation géographique
Madagascar est une grande île située au large de la côte orientale de l’Afrique. Très étendue, sur une superficie de 587 041 km 2, l’île présente un relief varié et accidenté, constitué de plaines côtières et de montagnes dont l’altitude est comprise entre 500 et 2 800 mètres. Cette situation pose un réel problème d’accessibilité et parfois même d’isolement pour les populations en saison des pluies. De ce fait, Madagascar est composé actuellement de 22 régions. Sa capitale est Antananarivo.
Dans la région Analanjirofo, se trouve le district de Vavatenina, un des six districts de cette région. Vavatenina est situé à 137 km de la ville portuaire de Toamasina, on y accède par la route nationale numéro cinq jusqu’au village d’Antsikafoka, avant d’emprunter la route nationale numéro vingt-deux. Le district est limité au nord et à l’est par le district de Fénérive-Est, à l’ouest par le district d’Ambatondrazaka et au sud par le district de Toamasina II.
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LOCALISATION ET CARTE DU DISTRICT DE VAVATENINA 1
District. de Vavatenina
Le district de Vavatenina a dix communes rurales : Ampasimazava, Maromitety, Miarinarivo, Ambohibe, Anjahambe, Ambodimangavalo, Andasibe, Sahatavy, Vavatenina et Ambatoharanana I. Cette dernière fait l’objet de nos recherches.
Cette commune rurale d’Ambatoharanana I, avant de devenir une commune à part entière en 1996, faisait partie de la commune d’Anjahambe. La commune rurale d’Ambatoharanana I se trouve dans la
1 Régis Rajemisa-Raolison, Dictionnaire historique et géographique de Madagascar , p. 373. = 11 =
partie centrale de la zone nord de la rivière Maningory. Elle est limitée au nord par la commune rurale de Saranambana du district de Fénérive-Est, à
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DELIMITATION ADMINISTRATIVE DE LA COMMUNE RURALE D’AMBATOHARANANA I DISTRICT DE VAVATENINA 1
1 Source: Commune rurale d'Ambatoharanana I. = 13 =
l’ouest et au sud par la commune rurale d’Andasibe, à l’est par la commune rurale d’Anjahambe du district de Vavatenina.
En ce qui concerne les infrastructures, des pistes relient les huit fokontany et les communes environnantes. C’est une zone enclavée, distante de huit kilomètres de la route nationale. Sa superficie est de 145 km 2, soit 5,3 % de la superficie du district de Vavatenina 1, évaluée à 2 747 km 2. Fin 2006, Ambatoharanana I comptait 16 897 habitants 2. Depuis 1997, cette population augmente avec un taux d’accroissement annuel de 4,1 %. L’activité de base de la région se voit sous deux niveaux distincts : l’agriculture et l’élevage.
Cette commune d’Ambatoharanana I est formée de huit fokontany dont Manakambahiny, Vohitsivalana, Vatove, Ambatoharanana II, Ambodinonoka I, Ambalabe, Antsirabe et Mahambo. Deux fokontany ont une superficie plus élevée par rapport au six autres fokontany . Il s’agit du fokontany d’Ambodinonoka II qui occupe les 24,1 % de la superficie totale de la commune et Vohitsivalana, occupant les 21,4 %. Il est intéressant pour nous de signaler que la superficie du fokontany d’Ambatoharanana I s’élève à 20,7 % de celle de la commune et est le plus éloigné du chef-lieu de la commune.
2.- Situation climatique
Avant de voir le climat de la commune d’Ambatoharanana I, nous allons voir d’abord le climat de Vavatenina, en tant que district de cette commune.
En général, le climat de la région de Vavatenina est comme le climat de la région de Toamasina tout entière. Pour le professeur Eugène Régis Mangalaza : « Cette région se caractérise par une forte pluviosité allant de 2,50 mètres à 3 mètres de pluie par an, à raison de 213 jours de pluie [sur 365 jours] que compte l’année. C’est
1 Bureau de la Circonscription scolaire, service de la statistique, Vavatenina. 2 Monographie de la commune rurale d’Ambatoharanana I. = 14 =
un climat propre aux zones tropicales (constance de l’humidité ainsi que la température). Une végétation luxuriante couvre ce littoral oriental. Du mois de décembre au mois d’avril, cette région est constamment exposée à la menace des cyclones qui peuvent atteindre la vitesse de 150 à 200 km par heure, balayant alors tout sur leur passage : les dépressions atmosphériques sont suivies, la plupart du temps, d’inondation qui ravage bétail et récoltes »1.
De plus, la végétation a besoin d’une forte quantité de pluies. Ce régime de pluies abondantes explique l’importance des végétations qui existent dans cette région. Il y existe des végétations sempervirentes, c’est- à-dire qu’elles portent des feuilles vertes toute l’année ou une végétation exubérante. Mais à l’heure actuelle, cette végétation est dégradée à cause des cultures itinérantes sur brûlis.
Ensuite, le relief de la région de Vavatenina est semblable au relief de la région de Toamasina, caractérisé par des reliefs accidentés et des pentes très fortes. Cette région de Vavatenina est montagneuse, c’est-à- dire que la surface des plaines est inférieure à celle des montagnes. Cette caractéristique montagneuse de la région de Vavatenina pose un certain problème pour les cultures vivrières, mais elle favorise en revanche les cultures d’exportation.
Tout cela montre que le climat de la commune d’Ambatoharanana I est semblable à celui de la région de Vavatenina. Il s’agit d’un climat de type tropical humide avec deux saisons, une saison chaude et une saison fraîche. La précipitation annuelle est d’environ 2 000 mm. La saison fraîche, d’une température de 15° C à 18°C s’étend du mois d’avril au mois de septembre, et la saison chaude du mois d’octobre au mois de mars, avec une moyenne de 18° C. L’essentiel des pluies est apporté par des courants chargés d’humidité océaniques. La région reçoit parfois des cyclones.
1 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka, sens du famadihana , p. 10. = 15 =
3- Le relief du sol
On entend par relief, l’ensemble des inégalités qui se présentent sur la surface terrestre. Ainsi, la commune rurale d’Ambatoharanana I est dominée par de nombreuses montagnes et des collines. Sa topographie correspond à une succession de montagnes, de collines, de plaines et de vallées en direction de l’est vers l’ouest. Sa couverture végétale est principalement dominée par le radriaka , le mazambody et le lingosa . Elle a comme type de sol, celui d’alluvion fluviale dans la zone basse, alors que la terre rouge couvre les montagnes et les collines.
II.- Les données historiques
1.- L’origine du mot betsimisaraka
Avant de parler de l’origine de cette commune d’Ambatoharanana, il nous semble intéressant de voir brièvement l’histoire même de Toamasina, car cette ville est la terre des Betsimisaraka. C’est pour dire que l’histoire de cette ville est aussi l’histoire de l’ethnie betsimisaraka. Ce faisant, la ville de Toamasina qui coïncide à son origine avec l’installation des premiers occupants, remonte à une époque reculée de l’histoire de Madagascar.
L’histoire de l’ethnie betsimisaraka liée à celle de la ville reste mal connue jusqu’à la fin du XVI e siècle, période à laquelle les Européens touchent la côte Est de Madagascar pour faire du commerce. A cette époque, le pays betsimisaraka ne formait pas encore un tout, mais plutôt de petites unités. Chaque entité avait un roi et le roi regroupait ou dirigeait les individus qui se réclamaient de la même souche.
La ville de Toamasina qui est la capitale des Betsimisaraka a porté plusieurs noms au cours de l’histoire, entre autres, Antsarako, Ambodisalopy, Ladoany. Mais malgré ses divers noms, l’histoire n’a retenu que deux noms : Tamatave ou Toamasina. Des propos qui se transmettent de bouche à oreille, témoignés par certains écrivains montrent que : = 16 =
« C’est une princesse sakalava qui aurait été à l’origine du nom de Tamatave »1.
Les on-dit montrent que Ratsimilaho a épousé Matavy, une princesse sakalava qui est venue de loin pour se réaliser pleinement en tant que femme de Ratsimilaho. Ce dernier a eu le soutien du groupe sakalava qui était dans le temps le peuple le plus puissant de l’île. Avec cette aide, il a pu transformé les campements de pêcheurs, non seulement en un grand village, mais aussi en un grand centre de commerce qui a attiré tout le monde. C’est dans ce sens que les gens qui venaient pour visiter la ville disaient : « On va à An-tanan’i Matavy ». Cela veut dire on va à la ville de Matavy.
Quant au nom Toamasina, on le doit au roi merina Radama I lors d’une expédition sur la côte Est. Le jeune roi a découvert pour la première fois la mer. Comparant la mer avec l’eau douce, et après l’avoir goûtée, dans sa grande surprise, il disait : « Toa masina re izy izany ! ». (Elle est vraiment salée !).
En 1721, le chef Ratsimilaho, originaire d’Analanjirofo a créé une nouvelle organisation militaire et a conquis la totalité de cette région jusqu’à Maroantsetra. Avant sa mort, vers 1750, il a pris aussi le contrôle de la région sud, jusqu’à Vatomandry. C’est à ce niveau que le mot betsimisaraka a eu son sens dans la langue malagasy. Mais qu’est-ce qu’on entend vraiment par le mot betsimisaraka ?
Tout d’abord, le mot betsimisaraka qui se décompose : be , nombreux et tsy misaraka , qui ne se séparent pas, peut se traduire en termes français par « les nombreux inséparables ». Littéralement donc, betsimisaraka veut dire les nombreux qui ne se séparent point. Ratsimilaho Jean René avait défini ainsi son peuple comme les inséparables. On voit cela quand ils organisent une fête par exemple.
Betsimisaraka est l’appellation d’une ethnie qui habite une grande partie de la côte Est malagasy : les trois quarts, selon le père français Vincent Cotte.
1 Mangalaza, Pierrot et E. Weiss, L’irrésistible Tamatave , p. 29. = 17 =
« Le Betsimisaraka ont le teint noir ; de taille moyenne, ils paraissent plutôt robustes, tout replets et ramassés et d’une souplesse que la vie libre entretient. Leurs cheveux sont en général crépus ; leurs yeux, d’un iris velouté noir, sont horizontaux, avec de grosses lèvres et un nez droit et large, leur face est d’un prognathisme à peine accusé. La barbe est rare : rasée au couteau ou au tesson de verre, parfois portée longue en signe de richesse. Les pieds nus étalés aux orteils, plats, forment ventouse en s’agrippant au sol et leur permettent, même embarrassés d’un fardeau sur la tête ou sur les épaules, de traverser avec aisance les fragiles ponts des rivières, faits souvent d’un simple bambou vernissé (de boue) glissant autant que balançant »1.
Sous cette version, nous pouvons avancer selon nos sources d’enquêtes, que les Betsimisaraka se présentent sous forme d’un groupe métissé, issus des liens des femmes indigènes avec des hommes étrangers qui étaient souvent des missionnaires anglais et français, des créoles de Maurice et de la Réunion. Toutefois, on rencontre aussi des Betsimisaraka qui ont des yeux pourris, aux yeux bridés. Ces derniers marquent bien la présence des Asiatiques et en particulier des Chinois. C’est ainsi qu’Aujas avance que : « Le Betsimisaraka est le résultat de la fusion à des époques antérieures de plusieurs familles d’origine assez diverse ».
En d’autres termes, les premiers habitants de cette ville les mieux connus sont les Betsimisaraka dont les chercheurs s’accordent pour dire qu’ils sont un brassage de différents peuples. Sous cet angle, Mangalaza dit dans Vie et mort chez les Betsimisaraka : Les groupes lignagers, souvent agnatiques, se trouvaient dispersés et n’occupaient chacun qu’une étendue moins large formée seulement par quelques vallées birantany »2.
Ainsi ces nombreuses souches qui se trouvaient dispersées sont entrées dans l’histoire des Betsimisaraka. Mais aujourd’hui, et à l’instar
1 R. P. V. Cotte, Regardons vivre une tribu malgache : les Betsimisaraka , p. 34. 2 Manassé Esoavelomandroso, La province maritime orientale du « royaume de Madagascar , p. 42. = 18 =
des anciens, tenant compte de certaines sources d’enquêtes nous pensons que Ratsimilaho est à l’origine de cette ethnie. Et Mangalaza ajoute : « En réalité, l’unité betsimisaraka n’a trouvé sa forme concrète et effective que seulement au niveau du nom qui ne s’écrit jamais séparément »1.
Cette citation laisse entendre que les Betsimisaraka sont toujours des Betsimisaraka depuis l’ancien temps.
2.- Histoire du district de Vavatenina et de la commune rurale d’Ambatoharanana
Historiquement, les Betsimisaraka demeurant à Vavatenina se classifient en deux ethnies : la première, dans la partie est, descendant d’Andonimaniry occupe quasiment la terre. La deuxième, dans la partie ouest, descendant de Zafisavony, occupe également le lieu.
Les descendants de Zafisavony abandonnent volontairement leur lieu habituel. Ils se sont établis dans la région d’Andilamena, de Sahatavy et de Sahamamy. Ces trois villages paraissent pour les Zafisavony les meilleurs endroits et ils ont choisi de les occuper. C’est pour cette raison que la terre de Vavatenina semble moins occupée.
De leur côté, les gens des hautes terres, plus précisément les Merina, ont cherché des endroits convenables à leur gré et ont intégré cette partie. Aujourd’hui, les descendants d’Imerina et des Betsimisaraka Andonimaniry et Zafisavony, résident à Vavatenina. Avant leur venue, la localité portait le nom d’Ambodisaina. Quelques années plus tard, les descendants de Savony cultivent le riz dans le champ d’Ambodisaina. Quand ils arrivent aux champs, ils se rendent compte que le riz pousse en même temps que les herbes. Il faut, en effet, arracher ces dernières.
Lorsqu’ils se rencontrent ou se croisent dans la rue, ils se questionnent comme suit : « Où allez-vous ? Et la réponse est la suivante :
1 Eugène Régis Mangalaza, Vie et mort chez les Betsimisaraka , p. 1 = 19 =
« Handeha hiavahava tenina izahay » (C’est-à-dire, nous allons arracher les tenina ). Le nom d’Ambodisaina s’est estompé et Vavatenina devient le nouveau nom d’Ambodisaina.
Au début, la commune rurale d’Ambatoharanana I s’appelait Sandrangazana. Le premier village situé à l’embouchure est celui de Sandrangazandrano (Ambalabe). Le deuxième, implanté à la source, est celui d’Ambinanisandrangazana (Manakambahiny). Et le troisième village, au milieu du cours de la rivière est celui d’Antsirabe I. Le village d’Ambinanisandrangazana a été créé par un homme du foko betsimisaraka, venant de Fénérive-Est et qui s’appelait Ravololontany. La fille d’Ambinanisandrangazana et le fils de Lohasandrangazana se sont mariés et ont vécu le long de Sahatsara et de Matoivany, mais ils se sont rapidement séparés. Un homme du foko sihanaka qui se nommait Ralavony arriva dans cette zone. Il a pris pour épouse cette fille d’Ambinanisandrangazana et ils ont habité Andraratranina (une montagne sacrée située à 1 km au nord du village d’Ambatoharanana I.
Les descendants d’Andraratranina ont ensuite créé le village d’Ambatoharanana I. Et enfin, les descendants d’Ambatoharanana I ont migré pour vivre le long de la rivière Manantsindro : à Vatove, à Ambatoharanana I et à Vohitsivalana. Ainsi, force est de constater que le nom Ambatoharanana provient de la découverte de grosses pierres qu’on appelait dans cette zone dans le temps « haranana ».
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CHAPITRE II
LA POPULATION D’AMBATOHARANANA I ET SA STRUCTURE ADMINISTRATIVE
I.- La population
La population qui se définit comme un ensemble de personnes habitant un espace bien déterminé, a connu son installation depuis fort longtemps dans la commune rurale d’Ambatoharanana I. Le recensement de l’année 2006 montre que le nombre de cette population est assez élevé, soit 16 897 habitants), et est en évolution croissante. Composée de différentes strates sociales, cette population se distingue par une pyramide des âges qui donne justement de la valeur à chaque individu dans cette société. Voici un tableau qui donne un aperçu assez détaillé de cette population.
5 - 17 18 ans Quartiers 1 Hommes Femmes 0 - 4 ans Total ans et plus Ambalabe 379 418 30 568 199 797 Ambatoharanana I 1 210 1 329 40 1 828 671 2 539 Ambodinonoka I 1 743 1 902 44 2 811 790 3 645 Antsirabe 1 147 1 169 41 1 922 353 2 316 Mahambo 1 192 1 221 36 1 972 405 2 413 Manakambahiny 819 910 37 1 350 342 1 729 Vatove 491 596 34 829 224 1 087 Vohitsivalana 1 145 1 226 39 1 994 338 2 371 Totaux 8 126 8 771 301 13 274 3 322 16 897
1 Source : Commune rurale d’Ambatoharanana I. = 21 =
Comme toutes les sociétés, la société d’Ambatoharanana I a non seulement sa spécificité au niveau de l’agriculture et de l’élevage, mais elle se modernise aussi comme toutes les autres communes. Le précédent tableau montre que le nombre de la population d’Ambatoharanana I est constitué en majorité par des femmes. De plus, presque la totalité de la population active, (soit environ 20 % de la population totale) travaille dans la branche agricole.
II.- La structure administrative
Il existe une relation réciproque entre la structure administrative de cette commune et les services publics comme la santé et l’enseignement. Ces deux pôles favorisent le développement de la population. Tenant compte des remarques lors de nos enquêtes, nous avançons que la population de cette commune est dominée par les jeunes. Cette dominance fait l’objet de faits négatifs qui s’observent surtout dans le domaine de l’économie, car justement, c’est par et dans cette dernière qu’une région se développe. Ainsi, le MAP ( Madagascar Action Plan ), qui constitue les huit engagements du président de la République, parlent de la transformation de l’éducation, c’est-à-dire un système éducatif qui stimule la créativité et qui guide les élèves à transformer leur rêve en réalité, et de la santé. Ceci nous amène successivement à parler de l’éducation et de la santé, sans oublier l’agriculture et l’élevage.
1.- L’éducation
Avant d’entrer dans le fin fond de notre étude au sujet de l’éducation, nous jugeons nécessaire de remonter un peu dans le temps pour parler de la première ouverture d’école dans la commune. Les enquêtes que nous avons faites sur terrain, nous ont permis de découvrir plusieurs choses.
C’était en 1890 que la première école est apparue dans cette commune. Il s’agissait d’une garderie dirigée par un homme du foko merina qui s’appelait Rabeangaly. Cette école était installée à 50 mètres au = 22 =
nord du village d’Ambatoharanana I, plus précisément dans le quartier de Vohitraomby. Le groupe scolaire d’Ambatoharanana I fut créé en 1950 et l’école du premier cycle de Manakambahiny, en 1970, tandis que les Sekoly Fanabeazana Fototra (S.F.F.) y existent depuis 1990. Actuellement, les enseignants dans ces écoles sont payés par le F.R.A.M. (Fikambanan’ny Ray aman-dRenin’ny Mpianatra )1.
Tableau de la structure administrative de la commune rurale d'Ambatoharanana I en 2006
Quartiers 2 Superficie en km 2 Distance au chef-lieu Nombre des écoles primaires de la commune en km Ambatoharanana I 30 – 2 Ambalabe 5 4 2 Ambodinonoka I 35 7 4 Antsirabe 7 4 2 Mahambo 10 5 1 Manakambahiny 12 7 2 Vatove 15 8 1 Vohitsivalana 31 18 2 Ensemble 145 – 16
Ce tableau montre que la commune rurale d’Ambatoharanana I a une superficie de 145 km 2. En 2005 - 2006, les établissements primaires sont constitués par 16 écoles primaires publiques et un collège d’enseignement général. Parmi ces écoles, il y en a qui s’appellent sekolim- pokonolona . Cela veut dire que ces écoles ont été construites par les parents des élèves. Depuis 2004, presque 70 % des enfants en âge scolaire sont entrés à l’école, enseignés par 42 maîtres d’école, soit avec une ratio de 64 élèves/maître.
L’éducation est la mise en œuvre de moyens propres qui assurent une formation, afin de pouvoir développer l’intellect humain. Elle est reconnue comme une nécessité fondamentale pour chaque enfant. Ceci doit s’exercer sur la base de l’égalité des chances tout en réfléchissant sur la distinction des élèves.
1 Enquêtes effectuées auprès des chefs coutumiers d’Ambalabe, de Manakambahiny et d’Ambatoharanana I. 2 Source : Commune rurale d’Ambatoharanana I. = 23 =
Cela veut dire que dans le monde de l’enseignement, le problème de la discrimination ne doit pas gagner du terrain, autrement, beaucoup d’enfants en seront victimes. Rappelons ici que la population de la commune d’Ambatoharanana I est quand même assez nombreuse : 116 habitants au km 2.
L’éducation est coûteuse. Partout dans le monde, plusieurs Etats ne sont pas en mesure de répondre sur ce plan aux besoins de leurs enfants. C’est peut-être la raison pour laquelle la commune rurale d’Ambatoharanana a connu du retard par rapport aux autres communes dans le domaine de l’enseignement. Toutefois, nous tenons à souligner quand même que l’éducation dans cette région évolue progressivement malgré le retard constaté.
A l’heure actuelle, il n’y a qu’un seul collège d’enseignement général dans cette commune. Les classes ne sont pas cependant complètes, car la classe troisième ne sera ouverte que cette année scolaire. Force est de constater que l’éducation favorise la coopération entre les enfants tout en leur montrant qu’elle peut aussi jouer le rôle de moteur dans la croissance économique dans le temps à venir. Nous avons déjà remarqué, que les parents, à l’unanimité, sont convaincus pour offrir leurs enfants au monde de l’éducation. Au jour le jour, l’effectif des élèves augmente ainsi que les salles de classe, dans cette commune rurale d’Ambatoharanana I. Voici un tableau qui donne le nombre du personnel enseignant dans cette localité, au niveau de l’E.P.P.
Organismes Hommes Femmes Total payeurs
Etat malagasy 12 8 20
F.R.A.M. 10 10 20
Total 22 18 40
Ce tableau montre que l’ensemble du personnel enseignant dans les deux secteurs de la commune rurale d’Ambatoharanana I en 2005 – = 24 =
2006 est de 40 instituteurs. L’effectif du personnel enseignant payé par le F.R.A.M. dans cette commune constitue la moitié de l’ensemble de l’effectif. Selon l’interview faite auprès du chef Z.A.P (Zone d’Action Pédagogique) d’Ambatoharanana, cette contribution des parents d’élèves est le résultat de la sensibilisation faite par le chef de la circonscription scolaire (CISCO) de Vavatenina.
De plus, il a été constaté que les écoles primaires publiques (E.P.P.) sont vieilles de 20 ans. Celle du chef-lieu de la commune est la plus ancienne, vieille d’environ 50 années. Quant au collège d’enseignement général (C.E.G.), il a 4 enseignants dont 2 payés par le F.R.A.M. : deux enseignants pour les matières scientifiques, deux autres pour les matières littéraires.
Dans l’ensemble, il y a 44 enseignants dans le primaire et le secondaire dans la commune rurale d’Ambatoharanana I et qu’il existe des problèmes dans l’enseignement.
Après avoir fait l’analyse de l’enseignement primaire dans cette commune, en 2005-2006, le problème principal qui s’en dégage est son inefficacité. Le schéma ci-dessous synthétise les principales causes qui affectent les établissements scolaires de la Z.A.P. d’Ambatoharanana I et empêchent l’efficacité du système éducatif. Cette situation se traduit par les mauvaises conditions d’encadrement des élèves et les mauvaises conditions d’apprentissage des élèves dans les E.P.P. de la commune.
= 25 =
Schéma d’arbre des problèmes de l’enseignement primaire et secondaire de la commune rurale d’Ambatoharanana I
Insuffisance de l’effectif des enseignants
Insuffisance de l’effectif des enseignants Mauvaises conditions d’encadrement des élèves
Importance des classes multigrades L’inefficacité de l’enseignement primaire dans
la Commune Rurale d’Ambatoharanana I. Insuffisance de l’effectif des enseignants
Insuffisance de l’effectif des enseignants Mauvaises conditions d’encadrement des élèves
Importance des classes multigrades
Source : Z.A.P. d’Ambatoharanana I. La lecture du schéma doit se faire de gauche à droite.
= 26 =
2.- La santé
Madagascar, faisant partie de l’organe de la C.O.I. (Commission de l’océan Indien), a connu en 1960 un système de surveillance proposé par la France. Ce système a connu un succès notoire dans le contrôle des épidémies, de la fièvre jaune et l’éradication de la variole par des campagnes de vaccination, contrôle des épidémies infantiles par l’application de Programme Elargi de Vaccination (P.E.V.).
Devant ce résultat, le pays a progressivement diminué les ressources consacrées à cette question. La crise financière aidant, les infrastructures mises en place se sont dégradées, amenuisant du même coup la capacité du pays à identifier et à combattre les épidémies. Confronté depuis quelques années à des vagues épidémiques successives (choléra, peste, paludisme, fièvre jaune, fièvre virale hémorragique) et ne disposant pas de personnel familiarisé à la surveillance, à l’alerte et à l’intervention rapide, Madagascar et ses alliés ont fait appel à la communauté internationale. Le projet mis en place par la Coopération Française participe donc aux objectifs fixés par l’O.M.S. (Organisation Mondiale de la Santé) : réduction de 50 % du taux de mortalité et réduction de 25 % du taux de morbidité lié aux phénomènes épidémiques, en développant dans le pays bénéficiaire des actions visant à renforcer la capacité au système d’alerte. Des réunions périodiques étaient au programme, et la première réunion du comité de pilotage a eu lieu en octobre 2000 à Antananarivo. Ce qui a permis de définir un programme d’activités se rapportant aux maladies épidémiques.
Rapprochant ce système avec toutes les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtée pendant nos enquêtes dans la commune rurale d’Ambatoharanana I, nous témoignons que de sérieux problèmes se posent, surtout à l’heure actuelle au niveau de la santé dans cette commune. Cette localité ne dispose que d’une pharmacie en gestion communautaire, fonctionnant grâce au service d’un dispensaire et d’un C.S.B. II (Centre Sanitaire de Base niveau II). Selon le responsable sanitaire, les principales maladies qui frappent la population de cette zone sont le paludisme, les = 27 =
infections respiratoires, pour ne citer que ces deux-là. Le tableau ci- dessous essaie de mettre en lumière le fonctionnement du système sanitaire dans la commune rurale d’Ambatoharanana I.
Tableau de l’effectif en personnel de la santé dans la commune rurale d’Ambatoharanana I en 2006
Paramédicaux Médecin Consultations Médecins Sages- Infirmiers Aides- Lits généraliste mensuelles femmes sanitaires Public C.S.B. I C.S.B. II 00 00 00 01 10 01 213 Dispensaire Clinique Autres
Source : Plan Communal de Développement d’Ambatoharanana I.
Ce tableau montre que le C.S.B. II de la commune n’a qu’un médecin généraliste et un aide sanitaire comme personnel de la santé. Il n’y a aucun médecin privé. Bref, Ambatoharanana I n’a, pour ses 16 897 habitants, qu’un seul C.S.B. II situé dans un rayon de 1 heure 30 minutes à 4 heures de marche des lieux d’habitation de la population.
En général, la santé de la population de la région d’Ambatoharanana I est précaire. Certains paysans conservent la pratique de la médecine traditionnelle, et d’autres ont recours à l’automédication. De plus, le Centre de Santé de Base niveau II est insuffisant pour toute la population dans la commune. L’inexistence de sage-femme réduit le nombre de femmes qui viennent accoucher au C.S.B. II, malgré l’existence de renin-jaza (accoucheuses traditionnelles) qui ont bénéficié d’une formation. En cas de maladie, les paysans ont certaines possibilités de recours pour se faire soigner : l’utilisation de la médicine traditionnelle ; l’approvisionnement en médicaments sans prescription médicale, et/ou le recours au service d’une pharmacie ambulante, ainsi que l’évacuation vers le C.S.B. II d’Anjahambe dans un rayon de 8 à 20 km du village ou à Vavatenina suivant la gravité de la maladie.
= 28 =
Les maladies endémiques restent un problème de santé pour la population de cette commune. Il faut donner la possibilité à la population d’accéder à l’eau potable, car la diarrhée est une des maladies les plus connues dans la région.
III.- L’agriculture
L’agriculture est une activité spécifiquement humaine. Elle est l’affaire des agronomes. C’est ainsi que Edward V. K. Jaycex se questionne : « Je ne suis ni agronome ni spécialiste de l’agriculture africaine. C’est donc avec une certaine humilité que je viens au Programme spécial pour la recherche agricole en Afrique (S.P.A.A.R.). Je n’ai guère de réponses à apporter, mais beaucoup de questions à poser »1.
Et il ajoute : « Et je voudrais savoir aussi pourquoi nous n’avons pas mieux réussi à résoudre les grands problèmes agricoles africains »2.
Suite à ces idées de Edward que nous venons de sélectionner dans son œuvre intitulée : « Les défis de développement de l’Afrique », nous pouvons dire que dans toutes les régions, le développement est intimement lié au programme agricole. Cela signifie que l’agriculture a une tâche formidable qu’on ne saurait estimer. Elle doit répondre aux besoins d’une population donnée. Les cultures vivrières doivent progresser suffisamment pour faire reculer la famine et diminuer les importations. L’agriculture est la main d’œuvre de nombreuses personnes. C’est le cas de la commune rurale d’Ambatoharanana I.
Dans cette localité, les activités de la population sont centrées sur le domaine de l’agriculture. Cette dernière dispose au total de 85 hectares de plaines. La riziculture est la culture dominante de la région. Toutefois,
1 V. K. Jaycex Edward, Les défis de développement de l’Afrique , p. 76. 2 Ibidem . = 29 =
les villageois pratiquent presque toutes les cultures tropicales (les cultures vivrières, les cultures de rente, les cultures fruitières, etc.). Tous les fokontany pratiquent presque les mêmes cultures dans l’ensemble de la commune d’Ambatoharanana I. A la lumière de tout cela, la majorité des gens de la commune rurale sont presque tous des cultivateurs réputés, ils dépendent de la production du sol.
On observe chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I deux modes de riziculture : d’une part la riziculture en milieu sec ( vary an- tanety ou tavy ). Celle-ci se subdivise également en deux catégories : le vary jinja (le premier tour de culture du riz) et le vary kapa ou vary matrangy (le deuxième tour de culture de riz) ; et d’autre part, la riziculture en milieu humide faisant appel à une technique d’irrigation. Celle-ci se subdivise aussi en deux catégories : le vary taona (culture de saison d’été) et le vary ririnina (culture en hiver). En hiver, on commence le repiquage au mois d’août jusqu’au mois de septembre. La récolte du riz se fait environ aux mois de décembre et de janvier. Tandis que pour la riziculture d’été, son repiquage commence au mois de décembre ou au mois de janvier et la récolte se fait au mois de mai et juin.
Par ailleurs, il n’y a pas seulement le riz qui occupe une place importante chez les agriculteurs, mais il y a aussi le manioc. Celui-ci arrive en tête avec 475 tonnes en 2006, et jusqu’à présent, il joue le jeu d’alternance avec le riz. Quant au riz, sa production en 2006 s’est élevée à 185 tonnes. Force est de constater que le riz, sinon l’agriculture, intéresse beaucoup les agriculteurs. Voici un tableau qui illustre davantage les données que nous venons d’avancer dans le précédent paragraphe.
Cultures 1 Superficies Production Rendement (ha) (tonnes) (t/ha) Maïs 30 25 0,8 Manioc 95 475 5,0 Patate douce 15 75 5,0
1 Source : Commune rurale d’Ambatoharanana I. = 30 =
Riz 85 195 2,3
Le tableau montre que les rizières représentent 0,6 % de la surface totale de la commune, pour une production de 105,3 kg de paddy par habitant. Ces habitants de la commune rurale d’Ambatoharanana I ne cultivent pas uniquement du riz, mais ils cultivent aussi d’autres cultures secondaires comme la patate, le maïs et le manioc.
Pour les Betsimisaraka, la culture principale comme celle du riz est une culture autonome et indépendante, tandis que les cultures secondaires sont des cultures accessoires ou dépendantes.
Il faut dire aussi que les habitants cultivent également des cultures d’exportation, comme le giroflier, le caféier, le letchi, etc. Ils cultivent aussi le vanillier comme culture commerciale. Ainsi la plupart des surfaces sont consacrées aux cultures d’exportation. En effet, l’économie de cette commune vient de la production des cultures d’exportation ou commerciale.
En plus, il nous paraît également important de parler de la façon dont les habitants de la région pratiquaient l’agriculture dans l’ancien temps. Il s’agissait principalement de culture sur brûlis. Cette culture consistait à améliorer le sol. A part cela, ils pratiquaient aussi l’irrigation des rizières au niveau des collines. Ils plantaient des girofliers pour remplacer les arbres abattus.
Ambatoharanana I se trouve dans la région d’Analanjirofo. Cela sous-entend que la localité avait elle aussi beaucoup de cultures, entre autres des girofliers qui avaient alors une très bonne production. Mais ce n’est plus le cas présentement. Tout ce qui reste dans la commune c’est tout simplement le nom d’Analanjirofo.
Il y a beaucoup de caféiers dans cette commune. Nous savons qu’actuellement le prix du café a beaucoup baissé, donc la vie des habitants dans cette commune est en danger. Les cultures fruitières prennent aussi une place importante dans la commune rurale d’Ambatoharanana I. Ainsi, plusieurs habitants ont des bananiers, des
= 31 =
pieds de letchis, des ananas, des orangers, des mandariniers et des avocatiers. Mais le plus nombreux ce sont les bananiers. Pour les habitants de cette commune, la plantation de bananier est une activité secondaire.
Mais il existe aussi des problèmes en ce qui concerne l’infrastructure de transport. Il y a dans ce domaine une carence qui rend l’économie de la commune peu performante, car les échanges s’en trouvent ralentis. La commune reste tributaire d’un unique point d’évacuation de ses produits : la commune d’Anjahambe, distante de 9 km. Cela augmente considérablement le coût de transport. De plus, les pistes reliant la commune avec d’autres communes sont difficilement accessibles (à pied) pendant la saison des pluies. Bref, l’unique moyen de transport à partir du chef-lieu de la commune est le dos d’homme. En plus, il y a plusieurs cultures de rente dans cette commune, mais plus les produits sont nombreux, plus les prix diminuent comme le dit Adam Smith : « Le prix naturel d’un objet c’est son prix de revient plus une juste marge bénéficiaire. Le prix du marché d’un objet dépend de la loi de l’offre et de la demande. Si un produit est rare, la demande dépasse l’offre et le prix du marché s’élève au-dessus du prix “naturel”. Si le produit est très abondant, c’est le contraire : le prix du marché tombe au- dessous du “prix naturel”. Seulement il arrive que les prix très élevés stimulent l’offre ; les produits chers, fabriqués en plus grand nombre, baisseront la saison prochaine. Les prix trop bas découragent l’offre, la production diminue et les prix remontent quand l’offre s’est faite plus rare. Ainsi le prix du marché tend toujours à rejoindre le prix naturel. La loi de l’offre et de la demande sert de régulateur et “la quantité de chaque marchandise mise sur le marché se proportionne naturellement d’elle-même à la demande effective ”1.
C’est le plus grand problème des cultivateurs. Prenons le cas du letchi dans cette commune ou dans le district de Vavatenina. La localité n’étant pas à proximité de la mer, comme c’est le cas des districts de Mahanoro, de Brickaville, de Vatomandry, de Fénérive-Est et de
1 Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations , cité par Denis Huisman et André Vergez, Nouveau court traité de philosophie , Classes terminales A et B, tome II, Programme 1974, p. 388. = 32 =
Toamasina, et à cause de certaines conditions climatiques, les fruits mûrissent tardivement et viennent au marché en retard, alors que les exportations sont déjà clôturées. Et même si le letchi est de très bonne qualité, il se trouve qu’il est en retard dans la compétition pour l’exportation, et le prix reste très bas dans la consommation locale.
IV.- L’élevage
Faisant partie de la chaîne du développement, l’élevage est toujours considéré par la population d’Ambatoharanana I comme un outil de développement. Cela veut dire que le développement doit toujours embrasser le domaine de l’élevage. Ce dernier joue un rôle important dans la vie de la population de cette commune. Les espèces les plus exploitées dans cette région sont très distinctes : le bœuf, le porc, la poule, le canard. Ainsi, il semble très important pour nous de souligner ici que l’élevage n’est pas tout à fait lancé. Nous voyons par exemple, aujourd’hui, des poules qui pondent deux fois par jour dans les milieux urbains et qui grandissent rapidement. Pour le cas d’Ambatoharanana I, l’élevage reste traditionnel. Malgré ce retard de la technique, on peut dire que l’élevage seconde l’agriculture. Nous présentons ci-dessous les espèces élevées dans la commune d’Ambatoharanana I, entre 2003 et 2006.
Années Taux d’accroissement Espèces annuel moyen en % 2003 2004 2005 2006
Bœufs 850 925 75 800 - 2,00
Porcs 650 870 35 900 11,47
Volailles 15 000 15 700 16 500 17 500 5,27
Le tableau ci-dessus montre que les volailles occupent une place importante en nombre dans la région par rapport aux bovins et aux porcins. L’effectif s’accroît de 15 000 têtes en 2003 à 17 500 têtes en 2006, soit un taux d’accroissement annuel moyen (T.A.A.M.) de 5,3 %. Les moins
= 33 =
nombreux sont les porcins, mais leur effectif est tout de même en augmentation. Cela est dû au poids de l’animal quand il est grand et aussi à la durée de l’engraissement. Quant au bœuf, tenant compte de la durée pour avoir le poids de 80 kg, l’éleveur de porcin peut connaître trois à quatre générations de l’espèce. De ce fait, la population d’Ambatoharanana I est consciente que l’élevage qui est une activité spécifiquement humaine peut procurer, d’un moment à l’autre, un revenu assez substantiel.
La commune d’Ambatoharanana I fait partie de la circonscription administrative du poste d’élevage de Vavatenina. L’élevage pratiqué dans la région est de type contemplatif. En effet, dans chaque famille, généralement, on trouve quelques poulets, canards (toutes souches confondues), ou à échelon plus aisé, quelques zébus ou porcs. La filière est qualifiée de petit élevage et le cheptel vivant avec la famille constitue d’abord le porte-monnaie. Il arrive aussi que l’on en mange avec un petit pincement de cœur.
Au cours de nos enquêtes, nous avons fait le constat suivant : l’élevage bovin diminue de jour en jour et les zébus sont utilisés pour le piétinage des rizières. Les éleveurs sont contraints de garder des espèces de ce genre pendant plusieurs années. Ce qui fait que, pour une famille qui se livre à l’élevage de bœufs, les enfants fréquentent rarement l’école. Cela est attesté par le chef de zone d’activité pédagogique d’Ambatoharanana I
Comme tout être vivant, les animaux d’élevage ont besoin aussi de traitements spéciaux. Les vétérinaires doivent toujours veiller sur toutes les espèces pour la sécurité du peuple. Rappelons que parfois certaines espèces peuvent être malades, alors qu’elles sont destinées à la consommation. Actuellement, dans la région, manquent les espèces animales, car il n’y a pas de vétérinaire. Cela montre tout simplement que l’élevage de certaines espèces est tout à fait archaïque.
C’est pour cela que chaque année, une maladie appelée pomon’akoho ravage les poules. C’est une maladie mortelle pour elles. Dès lors, aucune famille ne possède de poule, vu que les médicaments pour traiter la maladie sont rares et trop chers pour les gens de la région. Par = 34 =
exemple, en 1999, il y avait une maladie qui a tué plusieurs porcs. Il a fallu attendre une année pour savoir comment traiter cette maladie. Mais le problème reste le même, car les médicaments doivent être achetés et coûtent chers.
= 35 =
CHAPITRE III
LE CONTEXTE SOCIO-CULTUREL
I.- Sur le plan social
1.- Le fihavanana
On peut dire tout que les habitants d’Ambatoharanana I s’entendent naturellement dans la vie quotidienne. Ils solidifient et fortifient le sens pratique du fihavanana . Tout d’abord, le mot fihavanana signifie l’amitié, comme modèle d’organisation sociale chez les Betsimisaraka. Pour eux, les havana ne sont pas constitués uniquement par le père, la mère et les enfants, mais de tous ceux qui ont un lien de parenté jusqu’à la neuvième génération. Mais à partir de la neuvième génération, les gens ont le droit de se marier entre eux. C’est à ce niveau que la notion de havana semble disparaître.
« Ainsi se disent mpihavana , tous ceux qui on un ancêtre commun. Ils sont liés par un lien qu’ils ne peuvent pas briser, un lien inaliénable, un lien qu’ils n’ont pas choisi, car il s’agit de l’ordre naturel, du destin »1.
Le peuple malagasy, et particulièrement les Betsimisaraka de la commune rurale d’Ambatoharanana I, respecte la relation sociale, l’unité
1 Guy Dauvic Andriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. (Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord) , p. 36. = 36 =
sociale et l’amitié, malgré les diversités régionales et provinciales. Les Malagasy sont très célèbres pour le respect du fihavanana . C’est la raison pour laquelle un auteur écrit : « Pour nous, Malgaches, ce qui donne sa coloration à notre civilisation, son accent à notre philosophie, est essentiellement social. Il est un terme intraduisible en français mais dont le sens évoquerait pour tout humain l’impérieuse obligation morale de considérer de quelque origine qu’il soit, comme son parent ( havana ) »1.
De plus ils montrent cela à travers les activités socioculturelles qui différencient les uns des autres.
De ce fait, « L’unité des mpihavana ne s’arrête pas seulement au niveau du sang, mais se concrétise et se manifeste dans l’ensemble de leur vie quotidienne. C’est pourquoi aussi, les ancêtres malagasys disaient : « Aleo very tsikakakalam-bola toy izay very tsikalakalam-pihavanana ». Cela veut dire : « Mieux vaut perdre une pacotille d’argent que de perdre une pacotille du lien du fihavanana »2.
C’est la raison pour laquelle les habitants d’Ambatoharanana I sont très exigeants quant à la protection de la liaison comme le fihavanana . En plus, pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, les liens de parenté tiennent une place privilégiée dans la vie. La vie s’exerce comme la recherche du bien-être. Ainsi, on doit s’unir sur tous les plans : bons ou mauvais, heureux ou malheureux.
De plus, ce n’est pas le membre de la famille seulement qui est havana pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, mais un ami l’est aussi. On peut se faire confiance l’un et l’autre. On le considère comme un frère. Il est reconnu par toute la famille. Il y a ceux qui, pour bien consolider cette amitié, font le fati-dra (serment par la fraternité de sang). (On incise le bout du doigt et on se goûte réciproquement le sang l’un de
1 J. Rabemananjary, in Annales de la propagation de la foi , n° 100, 2 ème trimestre, avril 1963. 2 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : le sens du fihavanana , p. 15. = 37 =
l’autre). De ce fait, on jure qu’on va se respecter et s’aimer comme des frères ou sœurs, parce qu’on est du même sang. On interdit aux descendants de s’épouser en les maudissant, en cas de transgression de cette interdiction.
2.- La solidarité
Chacune des ethnies de Madagascar a ses coutumes traditionnelles spécifiques. Par exemple, celles des Antandroy diffèrent de celles des Sakalava. Prenons le cas des Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. Réalisant à la lettre leur nom de Betsimisaraka (ceux qui ne se séparent jamais), ils sont toujours ensemble dans la joie et dans la tristesse. Un proverbe illustre bien cela : « Raha faly, miara-paly, raha ory miaraka ory » (Heureux ensemble, tristes ensemble).
De même, dans la société, les hommes s’unissent comme une seule grande famille pour former une vraie solidarité. De leur côté, les femmes et les jeunes aussi se rapprochent les uns des autres. « Firaisan- kina no hery » (L’union fait la force), disaient les ancêtres malagasy. Ainsi, la vie sociale des gens d’Ambatoharanana I se présente comme une vie communautaire et d’union. Cela montre que la solidarité prend une place importante et nous n’avons pas le droit de vivre seul, car nous avons toujours besoin des autres. Le proverbe le plus significatif est, à notre avis, le suivant : « Tondro tokana tsy mahazo hao » (Il est impossible d’attraper un pou avec un seul doigt). A propos de ces deux proverbes, on peut dire qu’il est impossible de réussir seul dans la vie, car on a besoin de l’autre. Un seul doit ne peut pas attraper un pou.
De plus, le travail en commun ( valin-tanana ) et l’entraide marquent la solidarité dans la société betsimisaraka du Nord. Dans cette société, on a le chef du groupe, ou chef du village et le tangalamena qui jouent des rôles très importants. Ils sont responsables de tous les événements qui surviennent. Par exemple, le tangalamena transmet la parole des familles au cours de certaines cérémonies rituelles. Tandis que dans un foyer ( tokantrano ), le père et la mère sont les chefs de la famille. Ils ont la responsabilité de l’éducation de leurs enfants. = 38 =
L’entraide entre les membres de la population d’Ambatoharanana I se présente surtout sur le plan du travail. Par exemple le tamby rô , étymologiquement, le mot tamby vient du verbe mitamby ou mitambitamby qui veut dire demander. Le rô veut dire bouillon. Dans le travail tamby rô , le tompon’asa (propriétaire du travail) doit fournir le bouillon comme le zébu, le coq…, tandis que les travailleurs apportent le riz cuit correspondant à leurs besoins. Et tout le monde mange ensemble, mais quand le travail est fini et que la nuit survient, le tompon’asa donne de la viande ou le ambiny (morceaux restants) aux travailleurs. Cela tient lieu de salaire.
Mais de nos jours, on rencontre rarement un homme ou une famille pratiquer le tamby rô , parce que le plus souvent, le bouillon commun devrait être un zébu ; nous savons qu’actuellement le zébu coûte très cher. De ce fait, les gens préfèrent de loin payer les travailleurs en argent liquide. Dans le tamby rô , on demande la participation de tout le monde, jusqu’aux villages environnants.
En plus, il y a aussi ce qu’on appelle le findramana (le fait d’emprunter). Le mot findramana est un mot qui vient du verbe mindrana (emprunter). Cela veut dire demander un coup de mains. Si l’on a un travail à faire, on demande aux gens de donner un coup de mains. Mais après, le propriétaire ( tompon’asa ) est obligé de donner ce qu’on appelle le valin-tanana (le retour du coup de mains). A ce propos, Claude Lévi- Strauss écrit : « La réalité sociale apparaît comme un système entre les parties duquel on peut découvrir des connexions, des équivalences et de la solidarité »1.
Il y a aussi ce qu’on appelle chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana, le farimbona (entraide dans un travail collectif) que les Betsimisaraka du Nord appellent fandriaka . Par exemple, un groupe de 10 personnes travaillent ensemble ce jour pour une personne. Le lendemain, les mêmes 10 personnes travaillent ensemble mais pour le compte d’une autre personne du groupe. Et il en est ainsi jusqu’à ce que chacune de ces
1 Claude Lévi-Strauss, L’anthropologie , p. 17. = 39 =
10 personnes ait reçu son tour de travail du groupe des dix personnes. Tout cela nous montre que la solidarité prend une place importante chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. S’agissant également du lampona , c’est aussi un travail au cours duquel on sert un bouillon commun et du betsabetsa (jus de canne à sucre fermenté). Il est cependant interdit d’apporter la viande ou le riz chez soi à la maison.
De ce fait, disons en peu de mots que dans le malheur comme dans la joie ( tsaboraha , mariage), le peuple d’Ambatoharanana I s’entraide beaucoup.
II.- Sur le plan culturel
1.- Le mariage traditionnel
Actuellement, il y a plusieurs sortes de mariages : le mariage civil et le mariage à l’église qui sont des phénomènes inhérents à la modernité. Le mariage traditionnel, en revanche, semble toujours prépondérant et beaucoup de gens l’apprécient encore. Pour cela, le mariage est l’union légale de l’homme et de la femme.
Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le mariage est la communauté de deux amants pour fonder une famille, pour avoir des enfants, parce que les enfants sont une marque de prestige des parents devant la société. En plus, le mariage est une grande coutume dans la vie de tout individu. C’est aussi un moyen utilisé par les Malagasy pour développer le fihavanana , c’est-à-dire, l’amitié. Le mariage est aussi le rapport d’un homme avec une femme, dans lequel les deux doivent vivre ensemble pour la vie. Un proverbe malagasy dit, en effet : « Lamban’akoho ny fanambadiana, ka faty no isarahana » (traduit librement : les époux doivent vivre ensemble jusqu’à la mort. Voilà donc ce que c’est que le mariage.
Dans la région de Vavatenina, les mois de juillet et d’août sont considérés comme propices et réservés à la réalisation du mariage traditionnel. Il faut dire que ces deux mois sont riches en produits agricoles = 40 =
comme le café. De plus, c’est également la saison de la récolte du riz et les greniers sont pleins. Les gens ont de l’argent pour faire face à ces différentes cérémonies rituelles, car leur pouvoir d’achat est momentanément accru.
Paradoxalement, le mois d’avril est un mois néfaste pour la célébration du mariage traditionnel du fait que, selon la pensée ancestrale, ce mois est dit « volam-posa » (mois du renard). En d’autres termes, ce mois est le symbole d’un animal féroce à l’instar du renard. Ce dernier prend le sens de difficultés surhumaines. Tous les projets que l’on souhaite mettre en œuvre pendant ce mois sont toujours voués à l’échec. De même, si quelqu’un se blesse au cours du mois d’avril, la plaie ne guérit que le mois suivant.
Disons que tous les mois, mis à part le mois d’avril, sont fastes pour la préparation et la célébration du mariage traditionnel, mais cela dépend du jour faste choisi par chacun pour son mariage. Pour les deux amants qui décident de s’unir et pour en savoir davantage, l’oracle peut bien déterminer le jour qui convient au mariage et estimer si leur tonus se relie bien ou non.
Dans la région de Vavatenina, le samedi est le jour faste pour le mariage traditionnel, appelé aussi sintaka , alors que le mardi et le jeudi sont des jours néfastes à ce propos. D’après les croyances, ces jours néfastes apportent le- malheur au mariage et au foyer. Par exemple, si l’on travaille la terre pendant ces deux jours, on n’aura aucune production. C’est la raison pour laquelle les gens de Vavatenina prohibent toutes les activités, même les fêtes, le mardi et le jeudi. C’est également la raison pour laquelle le mariage traditionnel ne peut pas être célébré durant ces deux jours.
Nous savons tous que la pierre est une masse solide que ni l’eau ni le feu ne détruit. On la compare à la valeur du fondement du mariage qu’on appelle orimbato (littéralement, la fondation en pierre). C’est dans l’ orimbato que l’on peut trouver le diafotaka qui est, en quelque sorte la pierre angulaire du mariage et le grappin du foyer. Selon la coutume des Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, c’est le mari qui donne le diafotaka ou = 41 =
vodiondry aux parents de la jeune femme. Si l’on analyse bien, ce rite nous semble normal, parce que le jeune homme va s’occuper de la jeune fille et de tout ce qui est nécessaire au nouveau foyer. L’homme est remarquable par sa vigueur, tandis que la femme est considérée comme fanaka malemy (outil vulnérable).
Le diafotaka offert par la famille du jeune homme fait honneur à la famille de la jeune conjointe, malgré son aspect quelque peu mercantile. D’habitude dans le diafotaka , le jeune homme qui prend la fille en mariage est toujours averti d’avance sur ce que pouvait être ses engagements et ses devoirs. Par contre, la jeune fille est plutôt ménagée. C’est la raison pour laquelle, la partie de la jeune fille se presse de la livrer en mariage pour avoir un gendre.
Par ailleurs, il faut dire que le mariage civil ne tient aucunement compte du diafotaka ou du vodiondry , alors que le mariage traditionnel apprécie bien cette formalité. Le diafotaka renforçait la richesse des anciens, soit en zébus, soit en argent, soit en champ de cultures. Il prenait alors un peu le sens d’un échange ou mieux, d’un contrat. Si par exemple, la jeune femme arrive à rester chez son mari pendant une année entière, on ne rend plus le diafotaka .
En cas de divorce, souvent la jeune fille est toujours responsable ou victime de ce qui se passe au foyer. Le cas de la femme stérile par exemple. C’est un problème crucial pour les Malagasy et en particulier pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana II, qui valorisent les coutumes ancestrales. La séparation est inévitable dans ce cas, parce que les familles ou les habitants du village pourront bien mépriser la jeune victime. Si le mariage a été validé par l’Etat, c’est ce dernier qui résout la validation de la séparation. En dehors de cela, la séparation est illégale et peut être pénalisée. C’est sans doute la raison pour laquelle un proverbe betsimisaraka affirme : « Ny anambadian-kiterahana » (On se marie pour avoir des enfants).
= 42 =
2.- L’inceste
L’inceste, par définition, est l’union illicite entre parents à un degré pour lequel le mariage est interdit. Les Betsimisaraka croient profondément aux châtiments qu’on pourrait encourir à cause de l’inceste. Le mariage incestueux est donc, en quelque sorte, un mariage endogamique, c’est-à-dire un mariage contracté entre des collatéraux, entre les enfants de deux sœurs ou de deux frères ou avec des parents avérés ou classificatoires en ligne paternelle ou maternelle. Ce genre de mariage est prohibé. On évite non seulement de contracter un mariage, mais également d’avoir des rapports sexuels. Cependant, au-delà de la neuvième génération, en vertu de la fameuse coutume dite « lô ambora »1, l’endogamie n’est plus un inceste. Pour les autres unions, c’est-à-dire avant le 9 e petit-fils, le mariage est possible à condition que l’un des conjoints soit de la 3 e ou 4 e génération, et l’autre de la 4 e et 5 e génération. Et pour que le mariage illicite soit autorisé, les deux côtés de la famille offrent chacun un zébu aux ancêtres des deux côtés.
Par sanction, les couples incestueux n’ont pas le droit d’être ensevelis dans le tombeau familial ou ancestral. Chez les Betsimisaraka, un mariage ne peut être réalisé tant que l’arbre généalogique n’est pas scrupuleusement examiné. Au-dessus du 4 e zafy , la coutume n’autorise aucune union. Ceux qui manquent à cette règle doivent se purifier en offrant un sacrifice de zébu aux ancêtres des deux côtés et rompre leur
1 Lô ambôra : traduction littérale : lô signifie pourri et ambôra est le nom d’un arbre (Tambourina ). L’arbre ambôra pousse assez abondamment dans la forêt de la côte orientale malagasy. C’est un bois semi-précieux dont la fibre ressemble à celle de l’acacia. Le cœur ( teza ) est très apprécié pour la fabrication de cercueils. Il est facile à travailler quand il est vert, mais une fois sec, il a la réputation d’être dur et de se conserver très longtemps. L’expression « lô ambôra » est donc une manière de compter le temps chez les Betsimisaraka. Il correspond environ au temps de la 9 e génération ou degré de parenté ( sivy zafy ). Dans la pensée betsimisaraka, la disparition physique du cercueil de l’ancêtre commun des futurs conjoints, symbolise également la disparition de la parenté. Sur le lô ambôra , on peut se référer également à La poule de Dieu de Eugène Régis Mangalaza, I- « La prohibition de l’inceste, moyen de renforcer le fihavanaña » du chapitre III intitulé : « Le fihavanaña comme modèle d’organisation sociale », de la première partie intitulée : « Le pays betsimisaraka ».
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union sous peine d’interdiction de séjour au village, ou pire encore, d’expulsion du tombeau des ancêtres.
Un autre procédé pour se laver de l’inceste consiste à donner à boire à un poulet un breuvage contre l’inceste, parce que le poulet, dit-on, est un animal qui ne commet et ne meurt jamais d’inceste. Après avoir bu le breuvage, le poulet donne des coups de griffes, si la personne n’a pas tout avoué. Il faut préciser que certaines personnes continuent quand même à mener leur vie commune, même si leur union a été déclarée rompue, car elles estiment être déjà délivrées de leur lien de parenté et être en paix avec les ancêtres. D’où le proverbe plein d’ironie adressé à l’encontre des conjoints qui persistent dans leur union après le sacrifice aux ancêtres : « Aomby nañalan-döza, raha maty foaña » (Un bœuf sacrifié pour leur inceste, il est mort pour rien)1.
De la 5 e à la 9 e génération, il n’y a presque plus d’inceste : les parents des deux époux s’entendent seulement pour donner leur bénédiction, accompagnée d’une prière aux ancêtres, mais il n’y a pas de cérémonie de sacrifice, ni de zébu, ni de poulet comme nous l’avons vu précédemment. Il suffit tout simplement de payer une certaine somme d’argent, accompagnée de quelques kilos de sucre. Cela symbolise la fortification du fihavanana qui n’a pas été déchiré par l’inceste.
D’après les enquêtes effectuées à Ambatoharanana I et aux alentours, cependant, il faut noter que même si l’on est disposé à user de la possibilité d’union à l’intérieur du clan, à partir de la 5 e génération, les mariages restent toujours interdits, surtout si la génération de l’un des partenaires tombe sur les chiffres 7 et 8, des chiffres considérés comme maléfiques. Mais à partir de la 9 e génération, il n’y a plus d’interdit. C’est ce qu’on appelle « lô ambôra ».
Pour clore ce chapitre, disons que la société moderne ne connaît que deux sortes d’union : le concubinage et le mariage, alors que la société traditionnelle distingue plusieurs sortes d’unions intermédiaires. Ce qui
1 Ignace Rakoto, in Cahiers d’histoire juridique et politique , p. 68. = 44 =
permet de mieux connaître les divers cas et de porter ainsi une analyse plus adéquate.
Parent Parent Mariage Remarques
3e zafy 4e Interdiction Rupture du mariage après absolue levée de l’inceste.
4e 4e Interdit Même chiffre des 2 côtés
5e 6e Permis A cause des 5 e et 6 e zafy
6e 6e Interdit Même chiffre des 2 côtés
5e 7e Interdit Chiffres 7 et 8 maléfiques 6e 8e Interdit
5e 9e Permis 9e zafy : « lô ambôra »
Source : Informateur : M. Fulgence Fanony.
III.- Le fahan-jaza (le fait de mettre de la nourriture dans la bouche de ses enfants)
Le fahan-jaza est un rituel spécifiquement betsimisaraka. Il est pratiqué par les gens d’Ambatoharanana I sous la forme d’un rite traditionnel. Le fahan-jaza est une fête consistant pour les parents à donner à manger à leurs enfants quand le nombre de ces derniers a atteint le nombre quatorze. Ainsi, un couple qui a eu la chance d’avoir 14 enfants doit pratiquer ce rite, si ses moyens financiers le lui permettent. Ainsi, ce rite n’a pas un caractère strictement obligatoire, mais dépend du pouvoir d’achat du couple concerné.
Mais force est de constater que dans cette région, il y a des couples qui ont jusqu’à 14 enfants et plus. Pour pratiquer le rituel, le couple invite ses proches pour partager ce bon moment. Il sert alors un repas, au cours duquel, le couple donne à manger à ses enfants en
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commençant par le faralahy (le dernier-né) ou la faravavy (la dernière- née), pour finir avec le talañoloña . Chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le nombre 14 est conçu comme un chiffre de bonheur. Le lendemain de la fête, on remarque effectivement que le bonheur règne dans la famille. Voici ce que M. Jérôme Rodera nous a laissé entendre lors de nos enquêtes : « Le rite du fahan-jaza apporte la bénédiction au sein de ceux qui le pratiquent et fait régner un climat de bonheur et de lumière pour l’avenir des enfants »1.
Ces paroles de M. Jérôme Rodera nous permettent de constater que les parents d’Ambatoharanana I préparent bien leurs enfants à la vie en favorisant leur développement dans toutes les mesures de leur potentialité. Aller jusqu’à accepter une pratique d’enfance pour des adultes, sous la forme du fahan-jaza , prouve bien l’existence d’un amour profond des parents pour leurs enfants.
Ce rite, nous semble-t-il, prépare les enfants de la région à de hautes responsabilités dans la vie sociale et encourage également la tolérance et l’amitié entre les gens. Un an après le rite, il y a le valy fahana , au cours duquel ce sont les 14 enfants présents, qui à leur tour, donnent à manger à leurs deux parents également présents, car en cas de décès, la famille n’organise pas de valy fahana . Ce rite témoigne donc de la réalisation de la bénédiction des ancêtres.
1 Jérôme Rodera, un ray aman-dreny de la région d’Ambatoharanana I. C’est nous qui avons traduit. = 46 =
DEUXIEME PARTIE
DESCRIPTION DETAILLEE ET PRECISE DE LA CEREMONIE
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CHAPITRE I
LES CAUSES DU PARTAGE DES BIENS
I.- Définition du rasahariaña
Dans le présent chapitre, nous allons essayer de voir avec Fulgence Fanony ce qu’on entend vraiment par « partage des biens ». « C’est le fait de partager avec le défunt les biens qu’il a accumulés lors de la vie, de la part de sa famille vivante »1.
Cette définition de Fanony nous renvoie à l’étude étymologique de ce terme connu en malagasy sous le nom de rasahariaña . Ce dernier vient de rasa qui signifie partage et de hariaña qui veut dire biens matériels. Et Fanony d’ajouter : « Le mort n’est pas oublié, un absent, mais bien présent, envers qui, on a des devoirs d’amour. Ce sacrifice guidé par l’amour, l’est aussi et surtout par la fidélité à une coutume ancestrale et par la crainte »2.
En ce sens, le partage des biens est la restauration de l’honneur du défunt. Le défunt qui a quitté la société des vivants, adhère à la société des morts. Le partage des biens chez les Betsimisaraka marque la supériorité du défunt, parce que, selon eux, la société des vivants est
1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 265. 2 Ibidem . = 48 =
inférieure à celle des ancêtres. Mais la confiance entre ces deux sociétés est très profonde, malgré la distinction qui existe entre elles.
Par ailleurs, le partage des biens est comme une demande d’aide adressée aux ancêtres et à Dieu. Ainsi, le lignage du défunt a des devoirs envers les ancêtres. Ce sont plutôt des obligations et non pas simplement du plaisir. Parfois, le partage des biens est dit involontaire, car tous les membres du lignage du défunt ne sont pas indépendants, mais dépendent de la force divine et de la force des ancêtres. Par exemple, au cours du sacrifice, les vivants demandent une aide en biens matériels et en santé aux ancêtres et à Dieu.
Enfin, le rasahariaña est la dernière façon de prouver l’amour et la cohésion qui existent entre le défunt et les vivants, et de donner l’honneur aux ancêtres et à Dieu ( Zañahary ), car dans l’inhumation, l’homme vit l’expérience douloureuse de la rupture qui l’oblige à couper la relation physique avec le mort.
Certes, la pratique du partage des biens matériels chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I est un devoir envers les ancêtres pour les vivants. A ce propos, Mangalaza dit justement : « Il y a un devoir des vivants envers les morts. Cette obligation d’accomplir le rasahariaña relève du numineux. Parce que la vie est ce qu’il y a de plus sacré, le fait de s’occuper des restes mortels de ceux qui vous ont transmis la vie, de ceux qui véhiculent avec vous le même flux vital, un devoir sacré »1.
Par contre, ce ne sont pas les vivants seulement qui ont des devoirs envers les morts, mais ceux-ci ont aussi des devoirs envers les vivants. Dans ce cas, les ancêtres sont les intermédiaires entre les vivants et Dieu. Ainsi, les ancêtres assurent le trait d’union entre le monde divin et le monde des hommes. Ils jouent le rôle de relais de transmission pour toute communication avec Dieu.
1 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : le sens du famadihana , p. 53. = 49 =
En effet, les vivants ne peuvent pas entrer en rapport direct avec Dieu. Mais ceci ne se produit que dans le cas exceptionnel, comme au moment des cérémonies rituelles où l’officiant ( mpijoro ) invoque directement Dieu en personne. L’invocation du gardien du tombeau familial lors du partage des biens est très explicite sur ce point. Comme disent les Betsimisaraka : « Zañahary a d’autres occupations que d’être à tout moment avec les humains » ( mifanosinosy amin’olombelona ) »1.
Ensuite, dans ce rite, les ancêtres ont une double fonction. Dans le monde des vivants, ils représentent Dieu, et dans le monde divin, ils transmettent les paroles des vivants, lors du sacrifice. Comme le dit justement un proverbe betsimisaraka : « Karaha tañan’akanjo : sady mahazo havia no mahazo havanana »2 (Les razaña sont comme les manches d’une chemise, en tant qu’êtres ayant passé quand même par l’expérience de la mort, ils relèvent du monde des vivants).
En privilégiant cet adage, nous constatons que les ancêtres bénéficient d’une attention particulière de la part des vivants. C’est parce qu’ils sont censés aider les vivants qu’ils deviennent objet d’un culte. C’est ainsi que les morts appartiennent au monde divin, qu’ils peuvent capter et distribuer les forces transcendantes nécessaires à la meilleure organisation de la vie.
Mais malgré la puissance des ancêtres qui sont les intermédiaires entre les vivants et Dieu, cette puissance est limitée devant celle de Dieu, c’est-à-dire que cette puissance des ancêtres ne dépasse pas celle de Dieu. C’est à ce propos que Descartes dit : « Dieu est le seul garant de toutes choses ». Ainsi, Dieu est le seul maître de la vie. Cela veut dire que c’est lui, par sa bonté, qui nous fait don de la vie et du souffle vital. Et c’est lui seul qui a le droit de nous retirer ce souffle vital.
1 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : le sens du famadihana , p. 53. 2 Ibidem . = 50 =
Nous savons bien qu’il y a une relation très étroite entre Dieu et les hommes. Cette relation agit à partir d’un acte réel des hommes. En effet, les Malagasy conçoivent tout ce qui existe comme faisant partie d’une grande et unique société, où il y a certes une hiérarchie, où, tout en étant transcendant, Dieu est en relation avec les hommes, soit par l’intermédiaire des ancêtres, soit par le simple fait que c’est lui qui donne la vie et en dispose comme il l’entend.
Il est vrai que Dieu est trop loin et trop haut pour qu’il soit aussi présent dans l’esprit comme les ancêtres ou les êtres supraterrestres. Justement, un proverbe betsimisaraka dit : « A monter jusqu’à lui, on aurait le vertige ».
De plus, comme les ancêtres sont vraiment les médiateurs ou les intermédiaires entre les deux communautés (les vivants et les morts), on constate qu’il y a une relation réciproque entre les vivants et les morts. En ce sens, la société des vivants et la société des ancêtres sont plus communautaires. Cela veut dire qu’elles sont plutôt inséparables.
Mais parfois, l’une obtient du tsiny de l’autre, si l’une ou l’autre de ces sociétés n’accomplit pas son devoir. Par exemple, si les vivants n’offrent pas leur part de richesses au défunt, ils obtiennent alors du tsiny venant des ancêtres. Dans cette condition, nous avons appris que les ancêtres ont besoin des vivants pour perpétuer leur souvenir, pour manifester leur force. Les vivants ont également besoin des morts pour les éclairer dans l’organisation de leur existence terrestre.
La communauté des vivants dépend donc toujours de la communauté ancestrale pour leur adresser des prières au cours des sacrifices. La cérémonie rituelle apporte une harmonie qui est le fondement de l’ordre social dans une société. Cela veut dire que les Betsimisaraka croient aux forces et aux pouvoirs des ancêtres. Nous allons approfondir cette croyance aux forces des ancêtres chez les Betsimisaraka.
= 51 =
II.- La croyance aux forces des ancêtres
Comme tous les Malagasy qui donnent de l’importance à l’existence de la vie au-delà de la mort, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I prennent soin de leurs ancêtres. En plus, d’après la pensée malagasy, c’est après avoir donné la part de richesse que le défunt trouve sa place dans la vie éternelle et qu’il devient Razana mitahy (ancêtre bénéfique).
Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I : « Les ancêtres sont perçus comme des semi-dieux, plus proches des vivants que le fondateur de l’Univers, Andriananahary , le seigneur des ancêtres. D’où une célébration et un respect inconditionnels. Ils imprègnent le quotidien des vivants et régissent leur vie »1.
Pour cela, la croyance aux forces des ancêtres pousse aussi les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I à s’occuper d’eux, car la philosophie malagasy pense qu’en dehors de cette vie terrestre, il y aura une autre vie qu’on appelle « fiainana any ankoatra 2 » (la vie dans l’au-delà) et que là- bas, les mort ont leur société qui est différente de la nôtre.
Concernant cette vie de l’au-delà des Malagasy, si nous restons oisifs vis-à-vis des ancêtres, ces derniers, même s’ils ont des pouvoirs, n’aideront pas les vivants. A ce propos, voici ce que dit Auzias : « Au-delà du monde tangible et concret que l’homme peut rationaliser, le Malgache imagine et reconnaît l’existence d’un autre monde, non perceptible aux sens normaux. Ce monde, avec ses lois, ses volontés et ses intentions particulières qu’il lui faut neutraliser, exerce sur lui à la fois peur et fascination. Ainsi apparaissent des rites qui domestiquent cet Univers obscur avec lequel certains ont le pouvoir d’entrer en contact »3.
Tout cela montre donc que les ancêtres prennent une place importante dans la vie du Malagasy. Ce dernier pense que les ancêtres
1 Auzias Labourdette, Le petit futé Madagascar , p. 75. 2 Selon la conception chrétienne. 3 Auzias Labourdette, Le petit futé Madagascar , p. 76. = 52 =
aident les vivants. Le défunt aurait donc honte de ne jamais pouvoir inviter ses amis à participer à la fête qui lui est réservée. Comme il n’a plus la même manière de penser que nous, il peut se mettre en colère contre ses descendants et ceux-ci peuvent avoir des problèmes. C’est ce que les Betsimisaraka d’Ambatoharahana I appellent « alahelon-drazana » (la colère des ancêtres).
Les Betsimisaraka d’Ambatoharahana I croient qu’après le partage des biens matériels, les ancêtres aident les vivants. Mais avant l’accomplissement du rite, ils n’aident ni les vivants, ni leurs famille. Soulignons cependant que le partage des biens pour un ancêtre se fait une fois seulement et que, par ailleurs, les tout jeunes enfants et les défunts âgés de moins de 18 ans ne deviendront jamais des ancêtres, parce qu’ils ne sont que des enfants et n’ont pas encore de pouvoir pour aider les vivants. Et comme ils ne sont pas des ancêtres et ne le seront jamais, il est interdit de leur organiser un rite de partage des biens. En quelques mots, disons que le partage des biens se fait pour ceux qui sont morts à partir de 18 ans. Auzias dit justement : « La mort n’est pas généralement perçue comme une fin (sauf pour les athées, et il y en a à Madagascar), mais plutôt comme une transition vers quelque chose d’autre qui n’est pas toujours défini, ni imaginé. Les ancêtres peuvent aider les vivants, leur rendre la vie plus facile et plus belle. Leur efficacité est admise par tous… souvent bien plus que les prières faites au Dieu des religions importées »1.
C’est pourquoi, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I pratiquent le partage des biens, car ce dernier est un moyen pour demander la bénédiction aux ancêtres ( fangahoan-tso-drano ). Ils pensent qu’après la cérémonie, tout ira bien, la famille deviendra heureuse, et il n’y aura plus de dette envers les ancêtres. A cet effet, Auzias affirme : « La mort, pour la religion traditionnelle malgache, marque le passage du rang d’être humain au haut rang d’ancêtre ( Razana ). Ce dernier dominera d’un autre monde les
1 Auzias Labourdette, Le petit futé Madagascar , p. 75. = 53 =
générations nouvelles qui le craindront et l’honoreront à leur tour »1.
III.- La colère des ancêtres
Si une famille ne fait pas le partage des biens pour les ancêtres, ces derniers sont tristes et se mettent en colère, laquelle se manifeste par la négativité : les maladies, les différents échecs dans la vie. Nos réflexions faites à partir des enquêtes dans la région d’Ambatoharanana I ont cependant abouti à la constatation suivante : « Les Malgaches croient tout en ne croyant pas ». Cette affirmation apporte, nous semble-t-il, un éclairage assez juste sur la mentalité et le caractère des Betsimisaraka de la commune rurale d’Ambatoharanana I.
D’après la croyance des Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le partage des biens est source de réussite dans la vie. Pour avoir tout ce que l’on désire, on est obligé de faire la cérémonie, parce que le jour de la cérémonie, les ancêtres viennent et donnent la bénédiction à la famille organisatrice. La bénédiction est la marque de la reconnaissance de la part des ancêtres. Voici, à ce propos ce que nous dit Vincent Verra : « Le retournement des ancêtres que nous continuons maintenant et depuis des siècles, nous le faisons pour demander leur bénédiction, car les os sont dans le tombeau, mais l’esprit reste vivant. Donc, nous demandons la bénédiction à l’esprit vivant. Il y aura des gens vivants qui rêvent des morts. Les morts leur disent : « Nous avons froid ». Cela signifie qu’ils veulent un nouveau « lamba »2.
De ce fait, le partage des biens ne se limite pas seulement au zébu qu’on tue, mais la famille donne aussi des lamba (vêtements) aux ancêtres : père, grand-père… Auparavant, le ati-damba (offrande de vêtements) se fait le même jour que le partage des biens. Mais aujourd’hui, cela se pratique une semaine avant le partage des biens.
1 Vincent Verra, Madagascar le guide , p. 43. 2 Ibidem , p. 44. = 54 =
En plus, le culte des ancêtres est une célébration de la « science de la vie », car les défunts sont porteurs de pouvoirs et sont défenseurs de la vie sur terre, matérielle autant que spirituelle. Chaque ancêtre garde son individualité et ses attaches familiales. Son pouvoir est révélé à travers les « ordres sacrés » qui dictent l’organisation politique, culturelle, médicale de la famille ou de la communauté. La croyance considère que certains sinistres, tels que les accidents, les maladies, sont les conséquences d’un manquement au culte des ancêtres. C’est une justice infligée par ceux-ci pour avoir violé un fady (tabou), par exemple. Tout cela montre donc que le culte des ancêtres est nécessaire et très important chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I
= 55 =
CHAPITRE II
LES ETAPES PREPARATOIRES AVANT LA CEREMONIE DU PARTAGE DES BIENS
I.- Les discussions familiales à propos de cette cérémonie
Comme aucun mortel n’est parfait, on oublie souvent que le moment de donner au défunt sa part de biens qu’il a laissés est arrivé. Mais c’est après avoir passé des moments pénibles (maladies graves, mort ou toutes sortes d’échecs) que le sojabe (le doyen du lignage) est conscient que quelque chose ne va pas bien. Parfois, les ancêtres lui parlent par l’intermédiaire d’un rêve pendant la nuit. De ce fait, le plus âgé du lignage va consulter le mpanandro pour lui demander ce qu’on doit faire, « puisque le devin est quelquefois astrologue en même temps, il est capable de lui conseiller ce qu’il doit faire, car ce sont « les vintana qui déterminent les moments favorables à toute entreprise »1.
Pendant la séance de consultation, le mpanandro interpelle les ancêtres par le sikidy pour demander leur opinion face à la misère qui frappe leurs descendants. Les ancêtres lui expliquent alors tout ce qu’ils doivent faire.
Après avoir connu la cause de tout ce qui s’est passé dans la famille, et puisque les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I mettent en tête
1 Jacques-Yves Cousteau, François Sarano, L’île des esprits, Madagascar , p. 71. = 56 =
le fihavanana et le firaisan-kina , tous les membres du lignage se réunissent pour pouvoir bien discuter tout ce qui concerne cette fête, notamment la date et les dépenses.
Toute cérémonie betsimisaraka est précédée d’une discussion, pour préciser la date, le jour et le mois. Cette discussion peut être longue, car tout individu présent a droit à la parole et doit donner son assentiment. Cette discussion demande alors beaucoup de temps, puisque chacun développe et défend son point de vue.
Voici justement ce que dit Mangalaza à ce propos : « Les sojabe (les anciens du groupe) se concertent pour convenir d’une date. Parfois, il y a friction, parce que celui-ci estime que les charges sont mal réparties. Celui-là pense plutôt qu’on n’a pas à inviter telle famille. Mais on finit toujours par s’entendre. Un des sojabe résume alors tout le débat et annonce la décision finale »1.
Quand cette discussion est terminée par la décision finale du chef de groupe, le jour, la date et le mois sont précisés, on distribue les charges : le riz, l’argent et les boissons. Parfois, cette division des charges est égale, mais le niveau de vie de chaque famille est toujours différent. Dans ce cas, ces charges ne sont pas lourdes, parce qu’il y a une interdépendance entre les famille. Tout cela pour manifester la solidarité. En ce sens, chaque individu est libre de donner son opinion. Cela veut qu’il n’y a plus de distinction, ni de discrimination chez les Betsimisaraka au moment de l’organisation de la cérémonie. Toutefois, il faut souligner que parfois, certaines idées font l’objet de discussion. Mais toujours est-il que le dernier mot revient à la majorité. Lorsque tout le monde a participé à cette conversation familiale, et que la décision n’est pas encore prise, on attribue la parole au zokiolona (chef de lignage) pour l’honorer, et on est sûr qu’il va prendre la bonne décision en analysant toutes les idées émises. Face à l’honneur qu’on lui a donné, il ne va pas pratiquer la dictature, mais il va essayer de trouver des solutions pour éviter les murmures, les mécontentements.
1 Eugène-Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : sens du famadihana , p. 52. = 57 =
II.- Les invitations et la répartition des tâches
Avant de distibuer les invitations pour la cérémonie, la famille organise une réunion spéciale appelée toro jery . C’est un moment au cours duquel on annonce à tout le monde, ou plus précisément aux membres de la famille, que la décision du partage des biens a été prise et pour permettre de distribuer les tâches.
La famille se réunit donc une nouvelle fois pour examiner la réalisation effective de la cérémonie. Un chef de groupe est placé à la tête de chacune des différentes tâches. Il joue le rôle d’intermédiaire entre les invités et la famille organisatrice. A cet effet, il y a deux sortes de réunions. La première consiste uniquement à sélectionner les meilleures propositions venant des membres de la famille. Cette réunion est présidée par le sojabe . Tous les membres de la famille comptent sur lui. Lors de la deuxième réunion, le sojabe va mettre seulement en exergue les multiples propositions et rappeler à nouveau les attributions de chacun.
Par ailleurs, une fois la mission au sein de la famille accomplie, le sojabe ordonne à ceux qui en sont capables de passer le message aux membres de la famille qui habitent hors de la région. Cela doit être fait dans un délai de deux semaines à un mois. Pour le cas de ceux qui sont en dehors du territoire national, mais qui font partie de la famille, le sojabe se charge de la communication, quelle que soit la forme que cela peut prendre. A l’heure actuelle, grâce au système d’information, les messages sont rapidement transmis. Nous pensons tout particulièrement ici à l’Internet.
Il faut dire que les familles qui viennent de loin apportent toujours des biens en fonction de leurs moyens, afin de contribuer et d’honorer leur part dans la cérémonie. C’est l’occasion pour les ancêtres d’accorder la bénédiction et pour les vivants d’avoir un moral au beau fixe. Etant donné que c’est un rite traditionnel, chaque famille est censée bien organiser la cérémonie, car cela constitue un événement d’une grande ampleur pour elle. Les moyens d’information et de communication se font
= 58 =
soit à partir d’une lettre d’invitation, soit à partir d’un porte-parole, soit, enfin, à travers d’une visite directe chez la personne concernée.
Ainsi, la préparation de la cérémonie demande beaucoup de temps, parce que cette cérémonie concerne beaucoup de personnes qui doivent être présentes. Comme c’est une fête, le lignage du défunt se procure un bœuf gras, prépare une grande quantité de riz blanc et de boissons.
Tout cela ne constitue pas un gaspillage économique, mais c’est la marque de l’importance de ce rite pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, et pour montrer que cette cérémonie est une grande rencontre souhaitée entre les vivants et les morts.
III.- La cérémonie proprement dite
Le rasahariaña est un rite funéraire qui consiste à montrer que les morts deviennent razaña (ancêtres) : ( môdy razaña , razaña mitahy ).
1.- Le tsimandrimandry (la veillée)
« Le mot tsimandrimandry est formé d’une racine doublée mandrimandry de la racine mandry qui signifie “dormir”, “sommeiller” et du privatif tsi -. Il peut donc être traduit littéralement comme “le fait de ne pas s’appliquer volontairement au sommeil »1.
Pour le partage des biens, il y a des jours néfastes comme le mardi et le jeudi, parce que les ancêtres croyaient que ces jours étaient source de maladies. ( Tsy mahasalama, tsy tombaky ny vinañy ). Mais le mardi et le vendredi sont des jours fastes pour la veillée du partage des biens. En plus, le lundi, le mercredi, le samedi et le dimanche sont des jours fastes pour le partage des biens, parce que ces jours sont une source de biens. Chez les Betsimisaraka, le mardi et le jeudi sont néfastes.
1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 106. = 59 =
Autrefois, élever un enfant né un mardi était interdit. Il fallait obligatoirement le tuer.
Que se passe-t-il alors pendant la veillée ?
Supposons que le samedi est le jour précis de la cérémonie du partage des biens. Deux jours avant ce jour proposé, c’est-à-dire le jeudi, les lignages du défunt doivent être présents pour préparer la veillée et le partage des biens proprement dit. Les invités se présentent normalement un jour à l’avance. A ce moment-là, les jeunes garçons cherchent le bois de chauffe, tandis que les filles préparent les feuilles ( ravina ).
Le vendredi après-midi, la cérémonie commence par le tsimandrimandry . Mais avant cela, à partir de seize heures, les jeunes amènent le bœuf avec des cris et des chants vers le tompon-tsaboraha (l’organisateur du partage des biens). Une fois arrivés, ils ligotent les deux pattes avant et les deux pattes arrière du zébu avec une corde en liane (vahy ) et l’attachent à un poteau.
Les tangalamena du défunt arrivent pour faire le joro ou offrande du bœuf. En effet, après le repas du vendre soir, le gardien du tombeau (mpiambin-jiñy ) ou le tangalamena fait un discours ( rasavolaña ) concernant cette cérémonie. De plus, le gardien remercie le fokonolona (la communauté villageoise) pour sa présence et demande des jeunes l’aide. Il conseille ensuite d’éviter toutes rivalités.
Chez les gens d’Ambatoharanana I, les tangalamena constituent deux groupes : un groupe de deux appartenant au père du défunt, et un autre groupe de deux appartenant à la mère du défunt. C’est le plus âgé du groupe appartenant au père du défunt qui parle le premier. Le groupe venant de la mère du défunt répond au discours. Il faut dire que plusieurs discours ont lieu tout au long de la veillée, car ce sont les tangalamena qui dirigent la fête. A minuit, par exemple, ils ordonnent d’entamer les travaux pour la cuisson du riz.
Signalons que la veillée du partage des biens est différente de la veillée funèbre ainsi que de la veillée des ossements, car lors de ces deux derniers événements, veiller est synonyme de garder ou de surveiller. Ici, = 60 =
« le tsimandrimandry ne consiste plus à surveiller un objet particulier, sinon le zébu, car il faut le visiter, maintes fois, la nuit, pour assurer la garder »1. En d’autres termes, la veillée mortuaire consiste à veiller ou à garder le mort ; la veillée des ossements, pour garder et surveiller les ossements. Mais la veillée du partage des biens, c’est la fête totale. Il n’y a qu’une seule chose à visiter et à garder : le bœuf.
Ainsi, à la veillée du partage des biens, on danse, parce que cette cérémonie est comme une fête. A cette occasion, le lignage du défunt offre des boissons aux hommes qui sont présents. Mais aux alentours de minuit, les jeunes se répartissent en deux groupes : l’un prépare le repas du lendemain, tandis que l’autre continue à prendre part au bal. De toute façon, le travail n’est pas très dur, puisque tout le monde y participe. Pendant le tsimandrimandry , les invités offrent des dons, soit de l’argent (soroñafo ), soit une quantité de riz blanc, soit des boissons.
2.- La marche vers le campement
La marche vers le campement a lieu le jour du partage des biens. C’est au campement qu’on réalise tous les rites de la fête. Cela veut dire que la veillée n’est qu’une étape préparatoire avant le jour de la cérémonie qui est une grande fête.
De ce fait, à partir de cinq heures du matin, le riz est déjà cuit et enveloppé dans des ravina . La quantité de riz est à peu près de trois gobelets par fonosoña (enveloppes), et un fonosana est destiné à deux personnes. De leur côté, les jeunes garçons apportent les aliments cuits au campement. Souvent, à cette occasion, les hommes ont plus de responsabilités que les femmes.
Vers six heures du matin, les garçons amenant le bœuf avec des cris et des chants, se dirigent vers le campement. A ce moment-là, le bœuf est surexcité et devient méchant, à cause des cris des garçons et du fokonolona . Une fois arrivé au campement, on l’attache de nouveau à un pieu et on le laisse tranquille. Les tangalamena se dirigent alors vers le
1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 258. = 61 =
campement où ils doivent préparer beaucoup de choses avant le début de la fête.
A partir de sept ou huit heures, on commence à arriver au campement. Chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le séjour au campement constitue un stade ou une étape dans la réalisation du rite du partage des biens. Le campement est constitué d’une maison sans murs, tout en longueur ou tranolava , sous laquelle prennent place les tangalamena , ainsi que les femmes et les enfants. Le campement dispose de quatre chaises : deux dans le sens de la longueur, et deux dans le sens de la largeur. Les tangalamena s’assoient dans la partie ouest du campement, les femmes mères et leurs enfants à l’est. Il est entendu que tout le monde ne peut pas s’asseoir dans le campement vu sa petitesse par rapport au nombre des invités. Les jeunes s’installent donc autour de l’aire du campement.
3.- L’allumage du feu et l’élection des tangalamena officiants pendant la séance rituelle
Les gens d’Ambatoharanana I ont un rite à suivre avant d’allumer le feu pour faire la cuisson lors du partage des biens. En effet, chaque fois que l’on fait quelque chose, on doit demander la permission des ancêtres. Mais comme ces derniers sont saints, il est interdit de les appeler sans offrandes de toaka gasy . Ces offrandes sont le signe du respect pour les ancêtres malgaches.
Il est interdit de faite le joro avec de la bière ou des boissons gazeuses. De ce fait, le tangalamena du défunt fait l’offrande de toaka gasy , il en jette quelques gouttes dans le fataña (foyer). Ensuite, on allume le feu, et la cuisson commence. Une fois l’offrande au foyer faite, on procède à l’élection des tangalamena qui vont présider la séance du partage des biens. Rappelons ici que chaque fois qu’il y a usage rituel du toaka , il y a toujours un rasavolaña ou un discours.
= 62 =
Il faut dire que chaque famille a son tangalamena élu par les membres de la famille. Souvent, c’est l’homme le plus âgé de la famille qui est élu à ce poste. Toutefois, il doit être sain d’esprit. Ainsi, avant de commencer la fête, les tangalamena choisissent parmi eux ceux qui doivent présider la séance. C’est un peu, mutatis mutandis , comme l’élection du souverain pontife, chez les catholiques romains. Seuls les cardinaux ont le droit d’élire le pape. Seuls les tangalamena participent donc à cette élection.
D’habitude, les tangalamena mpirasavolaña sont déjà sélectionnés : il s’agit des deux tangalamena venant de la mère du défunt et des deux tangalamena venant du père du défunt. Le problème qui se pose ici, c’est le choix du tangalamena qui va répondre aux discours (mpamaly rasavolaña ). En effet, chaque fois qu’il y a partage des biens, presque tous les tangalamena environnants viennent assister à la cérémonie. Pendant l’élection, les tangalamena désignent alors deux personnes, parce que pour les gens d’Ambatoharanana I, le mpamaly rasavolaña doit être composé de deux personnes.
Soulignons qu’avant de commencer l’élection, on fait un petit discours. Après cela, les tangalamena disposent de 15 à 30 minutes pour l’élection. Les noms des élus sont aussitôt proclamés. Nos enquêtes nous ont révélé que l’élection est organisée en vue de faciliter la communication au sein des villageois.
4.- Le défrichement du toby ou zava-toby
Le défrichement du toby est un travail sacré et respecté par les gens d’Ambatoharanana I, parce qu’il est interdit de nettoyer le toby en dehors d’une cérémonie de partage des biens. En d’autres termes, quand il y a défrichement du toby , il y a toujours sacrifice de zébu ou vono aomby . S’il n’y a pas de vono aomby , le toby reste en friche. A ce propos, Guy Dauvic Randriamalanto dit : « Le toby est un espace à étendue moyenne pouvant recevoir des centaines de personnes. Cette étendue a un usage spécifique : elle est uniquement le lieu des sacrifices = 63 =
ancestraux. Par conséquent, on n’y touche à rien, on ne la défriche même pas, sauf si un sacrifice doit avoir lieu »1.
Le défrichement du toby doit être effectué le jour du rasahariaña proprement dit. Cela veut dire qu’avant de commencer la cérémonie, les hommes défrichent le toby avec des boriziny (couteaux à long manche). Mais, avant de commencer, il y a le fomba à suivre comme dans le discours, c’est-à-dire l’utilisation du toaka gasy . Nos enquêtes nous ont révélé qu’autrefois le défrichement du toby se faisait un jour avant le sacrifice. Chez les Betsimisaraka de Maroantsetra, ce défrichement se fait la veille du partage des biens, mais de nos jours, ce défrichement se fait le même jour que la cérémonie. Il y a donc là une certaine différence quant au choix du jour, mais ce n’est là, nous semble-t-il, qu’une question d’organisation.
De plus, Guy Dauvic Randriamalanto signale : « Qu’avant d’user de ce genre de terrain, il faut demander aux ancêtres la permission, et en même temps, il faut leur annoncer les raisons »2.
C’est pourquoi, avant le défrichement du toby , le tangalamena fait l’offrande de rhum et de betsa . Chez les Betsimisaraka, on ne parle jamais aux ancêtres sans présenter une boisson non gazeuse. Cette boisson est la marque de toutes les perspectives dans les sacrifices aux ancêtres, comme le dit justement James Rabehanoanina : « Le toaka est une marque de respect et de remerciements pour les invités aussi bien pour les humains que pour les dieux »3.
C’est un rituel spécifique aux Malagasy, en général.
D’habitude, le toby se situe loin du village. Et chaque fois qu’on trouve le toby , on trouve aussi le tombeau qu’on n’a pas le droit de visiter, sauf s’il y a un mort. Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, une fois
1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 105. 2 Ibidem , p. 105. 3 Ibidem , p. 105. = 64 =
par an, lors de la fête des morts, ils s’autorisent à visiter le tombeau ancestral.
5.- Le ava vato (débrouissaillage des pierres levées)
Le défrichement du toby achevé, presque tous les invités sont arrivés sur le terrain du toby , parce que, souvent, ils arrivent après les organisateurs ( tompon-tsaboraha ). Lors de l’allumage du feu, de l’élection des tangalamena officiants et du défrichement du toby , les invités venus sur place ne sont pas encore très nombreux, car on commence les cérémonies de très bon matin. Mais qu’est-ce alors le ava vato ?
Tout d’abord, les vato sont des pierres sacrées et considérées comme les ancêtres, comme le souvenir des cadavres perdus. Précisant cette situation, Guy Dauvic Randriamalanto écrit : « Quant à l’introuvable dont les ossements ne sont pas installés dans le tombeauancestral, il doit être représenté par une pierre levée ( tsangam-bato ) à côté de son tombeau ancestral ou du moins sur la partie sud-est du toby (lieu du sacrifice ancestral) de son côté paternel, pour qu’il puisse recevoir ses parts de richesses »1.
Avant donc de commencer le sacrifice, il faut se débarrasser des herbes à l’intérieur et autour des pierres levées. De plus, pendant la cérémonie du partage des biens, le toaka est utilisé à chaque instant.
Le discours terminé, les tangalamena sortent du toby . Pour les gens d’Ambatoharanana I, en effet, le rasavolaña se fait dans le toby même. Mais pour offrir le sacrifice, ou plus précisément pour le vono aomby , ils doivent aller devant l’autel ou fanambanambato .
Tous les membres de la famille du défunt, surtout les filles, se débarrassent alors des herbes autour des pierres levées. Pendant ce ava vato , les jeunes filles et les jeunes garçons chantent des chansons
1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 104. = 65 =
traditionnelles ou hosika . Le ava vato terminé, les chansons et les danses continuent encore pendant trente minutes à peu près, avec le hehy selatra .
Le ava vato est une occasion pour se faire connaissance, parce que chacun est présenté et presque tous les membres de la famille du défunt dansent autour des pierres levées. Tout cela montre que le partage des biens est une grande fête pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I.
6.- Le vono aomby (sacrifice du zébu)
Le bœuf a une place importante chez les Malagasy et surtout pour les Betsimisaraka d’Analanjirofo. C’est un animal qui sert à faire le joro ou le fangatahana auprès des ancêtres. Mais les bœufs de couleur jaune (mavo ), ou qui n’ont pas de queue ou ayant la queue folaka (coupée), ou vilan’oritra , qui n’a pas de bosse ( trafo ), sont prohibés pour la cérémonie du partage des biens. La couleur jaune ( mavo ), en effet, est source d’échec dans la vie, d’après un tangalamena d’Ambatoharanana I. De plus, les ancêtres n’ont pas besoin d’animal incomplet, parce qu’ils considèrent que les ancêtres sont des demi-dieux. Ils sont notre lumière et la source de la réussite.
Sur ce sujet, Fulgence Fanony est catégorique: « Le zébu sacrificiel ne doit pas avoir de défaut, sinon, on pense que le mort n’accepte pas »1.
Le ava vato fini, les hommes se préparent au tolona aomby (tauromachie). Mais avant cela, il y a toujours un discours accompagné de toaka gasy . Et le discours terminé, tous les individus se sentant assez forts forment un cercle autour du zébu à tuer. Par mesure de prudence, les mères et leurs enfants restent dans le toby , car souvent, le bœuf devient très méchant ; tout cela pour prévenir les dangers. Les hommes bien forts entrent donc en lutte contre le bœuf. Et lorsque ce dernier tombe par terre, tout le monde chante et lance des cris pour encourager les mpitolona (lutteurs).
1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 258. = 66 =
Il y a des choses interdites dans le tolona aomby . « Ny vinantolahy tsy mahazo mitolona aombin-drafôzana fa mañambaka » (Littéralement, les gendres n’ont pas le droit de lutter contre le zébu des beaux-parents parce qu’ils peuvent tricher).
Voilà ce qui concerne le vono aomby dans la commune rurale d’Ambatoharanana I, nous allons passer maintenant à l’offrande du zébu.
7.- L’offrande du cru ( joro manta )
Lorsque le bœuf est bien couché, on tourne sa tête vers l’est de l’autel ( fanambanambato ). C’est le plus âgé des tangalamena de la famille du mort qui a le droit de faire le joro . Avant de commencer, la famille déroule une natte pour s’asseoir pendant le joro (mamelatra tsihy mba hipetrahana mandritra ny joro ). Et après, tous les hommes ôtent leur chapeau. C’est ce qui s’observe également à l’Eglise catholique quand on fait la prière. Les hommes n’ont pas le droit, ce n’est pas le cas des femmes, de mettre leur chapeau à l’église. De plus, pendant le joro : « Personne n’a le droit de se placer dans la partie à l’est de l’autel. Cette zone est réservée aux ancêtres qui sont venus assister à la cérémonie. C’est la même raison qui interdit de se placer à l’est lors d’une quelconque invocation ancestrale »1.
Les Betsimisaraka croient, en effet, que les ancêtres viennent toujours de l’est, mais non pas de l’ouest, du nord ou du sud. L’est est la source de notre vie grâce au soleil.
On invite des garçons non orphelins à enlever le volovolo (poils de zébu) ou « hanondro volon’aomby » (pour montrer la robe du zébu) dans la partie de la tête, du trafo (bosse), du ventre et du vodiny (arrière- train). Ils mettent ces poils dans une assiette volafotsy (en argent) contenant de l’eau pure et une pièce de monnaie. On dépose ensuite l’assiette sur l’autel. La famille du défunt et le mpijoro s’assoient sur une natte ( tsihy ), à l’ouest de l’autel. Ils se tournent vers l’est pour faire le joro .
1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 109. = 67 =
Pendant le joro , l’aîné de la famille du défunt prend la queue du bœuf et il dit en même temps, selon Fulgence Fanony : « Je te parle, ô bœuf ! ( Manozoña anao omby tô ). La raison est la mort de notre père que nous regrettons beaucoup et dont nous ne voulons pas être séparés, notre père qui maintenant repose parmi les ancêtres ».
Puis, il continue en s’adressant à son père : « Nous sommes venus aujourd’hui samedi, pour t’offrir ta part de biens ô notre père X, nous, tes enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Voici ta part ! Ne nous rends pas malades. Ne nous apparais pas dans les rêves. Ne nous tourmente pas. Dors en paix ! Si nous n’avons pas accompli jusqu’à présent tout ce que nous devons faire pour toi, l’aîné est toujours l’aîné, le cadet est toujours le cadet. ( Ny zoky, zoky ihany ; ny zandry, zandry ihany ). Ne rends pas le bœuf nerveux à cause de son retard, qu’il dorme paisiblement ».
Ne rends pas malades les enfants, ne nous rends pas malades. Tout ce que nous devons accomplir pour toi, nous le ferons un jour. Ne détruis pas le riz que nous cultivons. A son tour, l’aîné des filles s’adresse au défunt, A partir de ce jour, ne nous rends pas malades, n’apparais pas dans le sikidy . Ta part t’est donnée aujourd’hui, donc sois-nous propice »1.
Après ces paroles de l’aîné de la famille du défunt, le mpijoro fait l’appel de tous les ancêtres de venir assister au sacrifice ou à la cérémonie. C’est pourquoi : « Dans ce domaine, le fampilazaña (annonce) est l’invitation faite par les vivants aux ancêtres sans exception de venir assister à une cérémonie sacrificielle »2.
Pour les gens d’Ambatoharanana I, l’invitation se fait le jour même, pendant le sacrifice, parce que, comme le dit Mangalaza :
1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , pp. 261 – 262. 2 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 105. = 68 =
« Contrairement aux vivants, les ancêtres n’ont pas besoin de beaucoup de temps pour se préparer »1.
De ce fait, le mpijoro appelle tous les ancêtres et il prend la partie du bœuf :
Texte en malagasy 2 Traduction en français « Ia mandria anao aomby « Oui, couche-toi bien ô itôhony ê ! Mandry anao bœuf que voici. Si tu te tsara, hifôha anao tsara. couches, c'est bon, si tu te Ampandriaña anao tsy raha lèves c'est bon. Si on te moa malalay an kijany, tsy couche, ce n'est pas par aomby feno vala fô misy jalousie, ni le trop grand antony. nombre de zébus dans le parc, mais il y a une raison. Lasaña anao Solanga Il y a quelques jours, il y Auguste tamin’ny maromaro a quelques années, Solanga andro, taoña maromaro. Auguste est mort. Alors la Ehe nijaretiña ñy communauté villageoise fôkonôloña, nañome s'est levée et vos enfants, et anjaranao ny zanañao, ny petits-enfants, vos zafinao, ny vinantonao gendres/brus et surtout la indrindra fa ny fôkonôloña communauté villageoise niaraka tamin jareo samy donné votre part avec eux, nalahelo nañome ny anjara. ont tous participé dans la Ka raha efa ela douleur pour verser leur nangiananao, nahatsiaro ny part. Longtemps après, vos zanañao valo tarimy, anao enfants de huit mères se namôlavôla vao niteraka, sont souvenus de vous qui nañome fioka vao nirehitra. avez mis au monde et avez Nahatsiaro zareo hañatitra corrigé avec le bâton. Ils se ny anjaranao. Tamin’ny sont souvenus pour alatsinainy zareo nañatitra apporter votre part. Lundi,
1 Eugène Régis Mangalaza, Vie et mort chez les Betsimisaraka , p. 221. 2 Mpijoro : Belagnonana Maurice. = 69 =
ny lamba, voarainao ny ils ont apporté des lamba. Namatoko andro vêtements. Ils ont fixé un zareo hañatitra ny aomby. jour pour offrir le bœuf. Ke ano tsarabe ny zaza Alors, protégez bien les madinika, ny ankibo hoavy, petits enfants, que ceux qui ny teraka hotombo, sont dans le ventre hitsangatsangana hahazo naissent, grandissent et se vola, hipetraka hahazo promènent pour avoir des fanañana, hitera dahy, richesses, qu'ils enfantent hitera bavy, izay zavatra garçons et filles, que tout kasaiña hotanteraka. Izany ce qu'ils projettent se angatahiña aminao réalise. Voilà ce que nous handavoaña ny aomby. te demandons et c'est pourquoi on couche le zébu. “Antsoviña anareo aketo Nous vous appelons ici Ambilañisatsara. Akeo Ambilañisatsara. Parmi eux Rabe, akeo Sorimanjaka, Rabe, Sorimanjaka, Ratonga antsovina izany fa Ratonga, on les appelle razana, ny zaza mbola tsy parce qu'ils sont des mahafantatra ka mila ancêtres, les enfants ne les fañantsôvaña fô hanondro connaissent pas encore et volon’aomby ê !… Fô mbôla ont besoin d'appeler pour hahandro ny zaza montrer la robe du zébu !… madinika. Ke irô ny toaka Car les enfants vont faire fandesaña izany ka anô cuire encore. Et pour tsarabe. attendre la cuisson, voilà du rhum, et protégez-nous bien. Miteky ny antso mioriky Nous appelons vers Manantsindry paky lôhany, l'amont de Manantsindry et mioriky Maningory paky Maningory jusqu'à leur lohany. Izaho mitôkatôka, source. Je parle et Dieu ny Zañahary mankamasiny sanctifie ma parole, vous ananjy. Tompoko Zañahary, Seigneur Créateur, le bien avy ny tsara. arrive.
= 70 =
8.- Le transfert du zébu
Quand le sacrifice est achevé, les jeunes garçons prennent le bœuf devant l’autel. A ce moment-là, le bœuf est déjà offert, mais non pas égorgé. On dit cela en betsimisaraka : « Nifindra toerana ny omby » (le bœuf a été transféré). Mais avant d’égorger le bœuf, on le couche sur des feuilles de ravinala pour que sa viande soit propre. Quand tout cela est bien placé, on égorge le bœuf.
Il faut dire aussi que le ati-damba (donation de vêtements) se fait le même jour que le sacrifice du zébu. En effet, après l’immolation du zébu, la famille du défunt et le tangalamena vont au tombeau ancestral et apportent des vêtements tels des chemises, des chapeaux, etc. De plus un membre de la famille du défunt apporte du sang du bœuf et le jette sur le tombeau pour montrer que ce bœuf est pour le défunt.
Aujourd’hui, cependant, le ati-damba se fait une semaine avant le sacrifice, au moment où la lune est dans sa phase décroissante, parce que le mort est considéré comme haizina ou obscurité, il est donc interdit de pratiquer cette cérémonie au cours de la phase croissante de la lune.
La tête et les pattes du zébu sont placées devant l’autel. Elles sont spécialement pour la famille du défunt et le tangalamena de chaque fokontany . Mais la peau et la viande sont pour tous les invités.
On distribue ensuite la viande aux invités, qu’on appelle henan- tsoroñafo ou tataña . D’après les explications d’un tangalamena , autrefois, le morceau de viande du tataña était formé d’un long morceau de viande. Mais à cause de la pauvreté et le changement de vie qui sévissent actuellement, le tantaña est devenu un petit morceau carré. C’est la raison pour laquelle, les tangalamena suivent et surveillent la viande avant la distribution, parce que le responsable peut bien détourner quelques morceaux.
Enfin, il faut dire que les offrandes apportées par les invités sont catégorisées en fanampiaña (aide) auquel participe toute la communauté.
= 71 =
Cette aide doit recouvrir toutes les dépenses engagées par l’organisateur. La seconde catégorie s’appelle soroñafo (entretien du feu). Cette participation des invités remplace leur devoir de prendre part au travail pendant la cérémonie.
Actuellement, un morceau de viande du tantaña est évalué à 100 Ariary . C’est le minimum. L’ambiance tumultueuse de la distribution du tanaña nous amène à approfondir nos recherches sur le sorontsoroña
9.- Le sorontsoroña : offrande du cuit
Pour réaliser le sorontsoroña (offrande destinée aux ancêtres) les garçons non orphelins font cuire de bons morceaux de viande : de la bosse, de la langue, du foie, des intestins grêles, du poitrail, du filet et les rognons. Cette cuisson est spécialement destinée aux ancêtres. Les tangalamena participent également à ce repas. Mais après que les ancêtres aient mangé, le reste est pris d’assaut par les enfants. On parle d’assaut puisque la viande offerte est insuffisante pour toute l’assemblée.
Il faut dire aussi que les morceaux de viande sont distribués à toute l’assistance. Guy Dauvic Randriamalanto précise cependant que : « Au moment de la cuisson du zébu, la tête et les pattes ne sont pas à cuisiner, mais laissées à côté de l’autel et gardées par les löhandriaña1 pour servir de preuves aux retardataires que le zébu qui a été offert n’a pas de défaut »2.
Après cela, la narine gauche du zébu est bouchée avec des feuilles de lingoza pour montrer aux ancêtres que le zébu est bien mort. Les hommes qui, tantôt, ont eu peur du zébu, se rassurent maintenant en voyant la narine gauche bouchée avec des feuilles de lingoza . Dans le
1 Löhandriaña , litt. la tête de cascade. Le mot löhandriaña est usité surtout lors des cérémonies sacrificielles pour désigner l’ensemble des notables de la région qui viennent assister à la cérémonie. Note de Guy Dauvic Randriamalanto. 2 Le zébu sacrificiel ne doit pas avoir de défaut, sinon on pense que le mort ne l’accepte pas. Cf . Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme social et recours à la tradition , p. 258 (note en bas de page). Une autre raison : c’est aussi de servir de preuve pour les retardataires que ce qui a été sacrifié était bel et bien un zébu cornu, car il y a des gens dont la chèvre et le zébu dépourvu de cornes ( aomby bory ) sont tabous. = 72 =
partage de la viande, le tritriahoatrany (deux côtes au niveau de la poitrine) est coupé en longueur. L’organisateur donne le tritriahoatrany à chaque fokontany . Plus précisément, le tritriahoatrany revient au tangalamena du fokontany . Et le vodihena (l’arrière-train du zébu) est réservé spécialement au sacrificateur. Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, l’arrière-train du zébu a une très grande valeur, car ce morceau de viande est destiné aux plus âgés du groupe. Il est interdit aux enfants d’en manger, car ce morceau est attribué aux parents à titre de respect honorifique.
Une fois la viande cuite, le sacrificateur fait ce qu’on appelle joro masaka (offrande du cuit). Mais avant de faire l’appel, on trie les meilleurs morceaux de viande cuite. On les mélange avec du riz et on les met dans une assiette de couleur blanche. On sert le tout sur le fanambanambato avec deux verres en bambou pleins de toaka gasy , tandis que la viande et le riz non cuits sont placés en bas de l’autel, sur du ravinala . Cela signifie que ce qui est placé sur l’autel est pour les grands ancêtres, mais ce qui est en bas, est réservé aux jeunes et aux enfants.
Quand les meilleurs morceaux de viande sont bien préparés (masaka ny henan-tsorontsoroña ), le sacrificateur entre en scène pour officier. La plupart des personnes âgées se placent alors près de l’autel.
10.- L’offrande du cuit ( joro masaka
Tout comme les malades qui ont besoin de médicaments pour guérir, le partage des biens a aussi son système qui est le suivant : il s’agit d’un triple cri que l’homme lance pour appeler les ancêtres et Dieu. Louis Molet, dans Le bain royal à Madagascar , écrit : « Un homme crie trois fois pour appeler les ancêtres et Dieu et aussi fait aux aïeux (ancêtres) des appels répétés pour obtenir leur bénédiction et leur appui »1.
Par cette affirmation de Louis Molet, nous constatons que ce cri du cœur a non seulement un sens, mais a également une valeur importante
1 Louis Molet, Le bain royal à Madagascar , p. 19. = 73 =
dans la société betsimisaraka d’Ambatoharanana I, car après le triple cri, toutes les personnes présentes font silence pour faire face à la puissance invisible. Fanony écrit : « Nous vous invoquons, les Zanahary d’en haut, les Zanahary d’en bas, vous les ancêtres, venez manger le bœuf que X nous a donné. Une telle nourriture ne peut se manger qu’en commun. Vous tous les grands ancêtres, en premier…, le propriétaire de ce lieu… et tous ceux qu’on peut nommer, venez tous. Vous venez avec vos enfants, vos petits-enfants, manger la nourriture de X. Vous tous, ancêtres de tous les âges, venez sans exception partager ce repas en commun »1.
Cela a pour objet d’inviter Zanahary et les ancêtres.
Après ces invitations de Zanahary et des ancêtres, on mange le sorontsoroña distribué par le lohandriana . On laisse les offrandes 5 à 10 minutes sur l’autel pour le repas des ancêtres. Cela signifie que les vivants laissent les ancêtres manger en paix. Mais après quelques minutes, les garçons prennent le riz et la viande sur l’autel et les mangent, parce que les divinités ne mettent pas beaucoup de temps pour leur repas. Il est à signaler que les morceaux de viande offerts aux ancêtres n’ont plus de goût quand les jeunes les mangent, parce que la saveur a été déjà prise par les ancêtres.
Il est interdit de pratiquer le joro l’après-midi, parce que le joro mihilan’andro (un sacrifice au moment où le soleil décline) apporte toujours des malheurs. En d’autres termes, le joro ne se pratique qu’au miakatrandro , (c’est-à-dire, au moment où le soleil monte dans le ciel) parce que le soleil qui apparaît et monte ( miposaka sy miakatra ) apporte chances selon la croyance betsimisaraka. Par conséquent, le joro pratiqué avant le coucher du soleil ne donne aucun rendement. Et voilà donc une des raisons parmi tant d’autres pour laquelle personne n’ose faire un sacrifice pendant la nuit.
Pour cela, le sacrificateur dit :
1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 263. = 74 =
Texte en malagasy 1 Traduction en français « Antony nañantsôvaña « Nous vous appelons nifañantsovaña, ny zaza parce que les enfants ne mbola tsy mahafantatra ka vous connaissent pas et ils mila fifankataraña. ont de présentation [et le repas est déjà cuit]. Akeo amin jañy On appelle alors les Ambilañisandrangazana, Ambilañisandrangazana, antsoina izany fa razaña, parce que vous êtes des ny zaza milaza tsy ancêtres. Les jeunes mahafantatra ka nahandro enfants ont dit qu’ils ne namasaka ny zaza vous connaissent pas et ils madinika. Tongava daholo ont déjà fini de cuire. Venez anareo ê ! na voatoñina na donc vous tous, nommés tsy voatoñina. Izahay itô ou non nommés ! Nous alôhan’ny hazazaña fô tsy sommes avant la lumière, mahay raha, ka tokaña mais nous ne connaissons voatoñina arivo mandihana. rien, nous en nommons un Ka antsoviña anareo jiaby. et venez-en au nombre de Ka tongava daholo anareo mille. On vous appelle tous. ihinana. Venez tous pour manger.
11.- Le fihinanana ou le repas commun
Après l’offrande et le repas sacrificiel, les jeunes préparent les ravinala et les ravin-dingoza pour le repas. Tout le monde s’assoit par terre : un convive fait face à l’autre. Ils distribuent alors le repas aux invités : iray foñosaña pour deux personnes. Le repas se mange avec le sorôka (une cuillère en ravin-dingoza ). Pour ce repas commun, tout le monde se rassemble à l’intérieur et aux alentours du toby . On met des nappes de feuilles qui servent en même temps de famoñosam-bary ou riz recouvert, une sorte d’assiette pour le riz. Ce sont les jeunes gens qui viennent servir la viande dans des bouts de bambou : un bambou pour deux personnes.
1 Mpijoro : Belagnonana Maurice. = 75 =
L’enfant de cinq ans compte pour une personne dans la distribution du riz. Pendant le repas, tout le monde, membre de la famille ou invité, est mis sur le même pied d’égalité. Tous mangent dans les feuilles avec des sorôka . Le partage des biens est un rituel typique aux Betsimisaraka, parce que tout est « vita gasy », même les boissons. A part quelques rares invités, tout le monde utilise le sorôka . Pendant la distribution, on donne d’abord aux lohandriana 1 pour témoigner du respect pour les olombe , ensuite à tous les autres. Les parents occupent une place importante pour les Betsimisaraka, et il est interdit aux enfants, par exemple, de manger avec les parents. C’est ce qu’explique le proverbe : « Aza mitsako aloan’ny vazana » (Les autres dents ne doivent pas mâcher avant les molaires). C’est pourquoi on sert d’abord les tangalamena avant tous les autres.
Les ravinala et le ravin-dongoza sont très utiles pour les Betsimisaraka. Ils sont indispensables pour le rite de la fête ou les rites mortuaires. On met le riz dans des foñosaña ravin-dingoza . Le riz, en plus d’être bien couvert, dégage un parfum particulier. De plus, ces feuilles se trouvent partout à la campagne. Le repas fini, que reste-t-il alors à faire ?
Texte en malagasy 2 Traduction en français Mpirasavolaña : L’orateur: Silence s’il Salañitra ê! vous plaît ! “Tsatôka lakile zato, On enfonce cent clés, latsaka lakile arivo, lakile mille clés tombent. La clé fanokafan tamiaña, sert à ouvrir la porte et la salañitra fanokafan teny. demande de silence à ouvrir la parole. Zahay mañano Par la demande de salañitra mañasa silence, nous invitons
1 Les löhandriaña (litt. les têtes de cascade) qui sont formés par le collège des anciens de la région et des honorables invités en la circonstance (Guy Dauvic Randriamalanto). 2 Source : Babity Laurent, Rasavôlaña betsimisaraka , pp. 10-11. = 76 =
mangingiña viavy, ñy discrètement les femmes : lavitra mañatoña, ñy que celles qui sont éloignées mariñy mitainoa… s'approchent et que celles qui sont proches écoutent. Aza mañano tadiñin Ne faites pas comme les tona sofin’amalom be, oreilles du serpent tona ou ambany riaña tsy de la grosse anguille, sous la mahareñy fentany, an cascade, elles n'entendent tanety tsy mahareñy rien et hors de l'eau, elles rasavolaña. Hivolaña zaho n’entendent aucun discours. torobok’amböra, tsapa Quand je parle, c'est comme pôla hely, korodoña l'arbre amböra qui est mañeno pöla vao. Tsy encore petit, comme un zaho mivôlaña pöla tanora accordéon encore neuf, ce fô teny namỳ n'est pas moi qui parle et qui mahasolanga, teny tsy suis encore jeune mais la namỳ mahajôko. parole donnée rend la tête fière, si elle n'a pas été donnée, elle fait baisser la tête.
Zahay mankasitraka Nous remercions la anare fôkonôlôna vory, communauté villageoise zanaky ñy razaña, be tsy réunie, enfants des ancêtres voaisa, maro tsy innombrables, qu'on ne peut voatoñona, ankilan tanety pas dénommer de l'autre tsy mahareñy koka, côté de la montagne, on diavölaña amin jany : n'entend plus l'écho au clair tônga mita, velon boadia, de lune. Vous ne mourez pas tsy maty an tanin’olôna, en terre étrangère, vous veloña an tanin teña, vivez sur votre propre terre, mivoaka mañantso i Vôto, vous sortez Vôto, vous miditra mañantso i Kabo, appelle, vous entrez Kabo an draño iravoan’ny vous appelle, dans la maison zanaka, añaty lay les enfants sont contents de iravoan’ny vady, mivoaka vous dans la moustiquaire le hely singen’ny zaotra; partenaire a du plaisir, vous sodifaka ambônin’ny sortez un peu dehors, vous êtes courtisée par le beau- = 77 =
dimanjato, lavo frère, si vous faites un faux ambônin’ny dimy arivo, pas, votre pied est sur une vatsitohin tintely lavo somme de 500 Ariary . Si amin tsiramamy, vous tombez sur une somme kêlakêlam bôla hotry de 5 000 Ariary , comme matilò, völa fohaniña quelqu’un qui glisse sur du mangazay raika. Vañona miel, il tombe sur du sucre. gisy, vañona drakidraky, Vous avez beaucoup de iavian drafôzaña tsy billets comme matelot, il a mirekireky, iavian bahiny un magasin de billets à tsy mangaroharo loha. consommer. Que les oies et les canards soient nombreux, quand les beaux- parents arrivent, on ne soit pas pris au dépourvu, que les visiteurs ne vous fassent pas gratter la tête. Si les remerciements et Raha lasaña ny les marques de fankasitrahaña, vita ny reconnaissance sont fankatilemena, anareo avy adressés, vous êtes venus à antsôvinay. Zao ny antony notre invitation. Voici la nañantsovaña, nipetraka raison de l’appel. Solanga takêto i Solanga Auguste. Auguste a résidé ici. Il est Nañano toñotoño êla longtemps resté ici en mandiñy antambo, attendant les malheurs qui antambo misy lasité existent toujours, un abri trematrema manam pour rentrer et l’homme finit podiaña, ölombeloña par mourir. manam pahafatesaña Il est mort, un peu plus Maty izy, tafarafara tard, il a rendu son enfant takato nankarary ny malade. A cause de cette zanañy. Ke lêka narary maladie, ils sont allés izy tamin’izany, nañatoña consulter un devin. Le devin mpampila zare, nizaha a dit que leur père demande mpisikidy. Nilaza ny quelque chose. mpampila fô i babanare i
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kony azalahy misy raha Il demande un zébu et angahoeña aminareo ê ! des vêtements. Alors le Mangaho aomby izy io samedi passé, comme la sady mangaho lamba. Ke lune était encore claire, ny andro asabotsy pourquoi ne pas le faire le irôhony, mivôlaña ilay efa lundi. Quand on a décidé de lasaña iñy. Oh, efa faire le lundi, nous sommes mazava ny vôlaña amin allés, ce jour-là, déposer des jañy kale, mañino koa vêtements sur les atao andro alatsinainy. ossements. Rehefa natao alatsinainy nandeha tatoe izahay tamin’ny andro izany, nandeha nandatsaka lamba tamin’ny Pour faire cela, nous ne taolambalo. sommes pas allés seuls, Izahay zany ndreky tsy mais avec la famille. Voici raha izahay foaña fô les vêtements déposés ce niaraka tamin’ny jour pour Solanga Auguste, fianakaviana ê ! Ny lamba propriétaire de l’argent et de nalatsaka tamin’ny andro richesse : un drap, un tricot, izany : an’i Solanga une chemise, un short, un Auguste, izany tompom chapeau, comme part de bôla tompom panañana : richesse de Solanga. Solanga dara raika, lamba mafana n’est pas tombé du ciel ou a raika, somizy raika, paru de la terre. Mais il a eu patalom pohy raika, une source de provenance. satroka raika izany an’i Alors, ils ont amené un Solanga. I Solanga io tsy drap, un pagne pour son raha latsaka avy père Bôtra. tañambo, naniry avy tantany fa nisy loharano nipoirany. Ke dara raika, sikina raika izany nindesin jare amin’ny babany i Bôtra zany. Et aujourd’hui, les enfants vont donner un zébu Ka iñiany hañomỳ à leur père. C’est pour cela = 79 =
aomby i Babanjareo ny que le bœuf a été renversé. zanañy. Zany ny C’est la raison pour laquelle ilavoan’ny aomby. Ke lêka nous sommes ici pour tönga akêto, korañina l’anoncer à la communauté aminare fôkonôlona. villageoise. Deuxièmement, troisièmement, le bœuf nous Faharoè appartient et nous avons fahatelon’izany, ñy aomby payé le ticket à andrasanay, nazahoanay l’Administration. La hache tike tamin’ny fanjakana, sert à couper les os et le famaky fanapahaña ny couteau pour trancher la taolañy, kiso handidiaña viande. ny isiny. Ayez des enfants et des filles, car il n’a pas de mains Manaña zaza, manaña pour gratter ni des pieds viavy fô tsisy tañany pour donner des coups. Si handrangotra sady tsisy on suce les os, c'est pour hongony hanipaka. Sao pouvoir manger la viande et ndraika mitrôtrô ny on boit son bouillon. taolañy hômaña ñy isiny, Demain, il ne faut pas faire minôma ñy ranony. Kalê comme le manioc qui est amaraiña ndraika hañano couché se relève, ni comme tangelitrambazaha lavo les plumes de la queue du mifôha, vôlom bodin canard qui sont d’abord drakidraky, mirintsaña droites et deviennent alöha, mivika afara, recourbées, ni comme les tandrom bengy mahery cornes d’un bouc qui sont avôho, ka hizaka mañano dures d’un côté, en disant hoe : izy iñy aby arao c’est le bœuf de tonton, ou aombin’i zama, na le bœuf de grand-père. Si aombin’ny kakolahy, zany quelqu’un dit cela, nous le lê mañano zany dy ê, livrerons aux autorités. indôsiña amina manam La clôture d’un fou, la pahefaña. cour d’une folle, une maison Kivingovingon’ny fôka, à court toit, celui qui le fefen’ny adala, gamêla connaît fait monter et celui
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vody, traño fohy tafo, qui ne le connaît pas reste mahay ananjy miakatra, en bas. tsy mahay ananjy tavela Deuxièmement, akañy. troisièmement, des Faharoè, proverbes existent. Le drap fahatelon’izany, ñy sert à couvrir une personne, ohabolaña raha misy ake: le rhum est servi avec les Salampin’ny ôloña ñy zébus sacrificiels. Nous dara, salampin’ny aomby n’avons pas cependant de añanovan draha ny toaka. rhum, mais il constitue une Izy itô ny toaka aminay habitude. Voici alors une tsisy kanefa ndrekiny somme de 1 200 Ariary pour môhany lamôdy. Ito remplacer le rhum, si nous ndreky vola 1 200 Ariary en trouvons, nous vous en itoeny atao solon toaka, parlerons ici, si nous n’en mahita zahay mikoraña trouvons pas, nous sommes aminareo aketo, tsy quittes. Vous n’allez pas mahita zahay safy nous déshonorer mais tous lañanaña. Tsy raha reconnaissent les difficultés. anareo hikabary anay fô Troisièmement, nohon’ny fahasahirañana. autrefois, le zébu Fahatelo ressemblait à la tige de manarak’izany, ny aomby harongana (bois) pour faire moa taloha tsôratsôraka une clôture. Maintenant, qui harongana atao fefy, izy voit un homme voit un avizany izao kôfa mahita bœuf. L’enfant élève son oloña mahita aomby. Ka zébu en l’attachant avec une tarimy aombin jaza corde. Il n’est pas poli de zavatra tadiaña. Fa izy io dire zalahy , mais excusez- zalahy ê, tsy zalahy fô moi de ma mauvaise toetry ñy teny, toa habitude. Voici du rhum qui drazaña raika, bêlaka vient de l’ouest, nous allons andrêfaña sy tavoangy, l’utiliser pour renverser le ataontsika fandavoaña ny bœuf et pour désigner la aomby sady couleur de sa robe. añondroantsika ñy Deuxièmement, vôlon’aomby. troisièmement, nous
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sommes tous de la famille Faharoè, comme la lime en fer et les fahatelon’izany, tsöfa vy, tenailles en fer. Nous tandra vy, antsika sommes tous une famille, mpihavaña fañangainy. une même tribu ici. Nous Tambiron drônga, rôn vous appelons parce que taitso, antsika sômby fôko nous avons besoin de ñy aketo. Zahay l’offrande. C’est pourquoi mañantso, hila jôro ñy nous vous appelons. añantsovanay. S’il y a de mauvais cœur depuis longtemps jusqu’ici, un crabe puant dans une Sao ndraika misy loña malle, comme le mari qui am pô ambarakaliña, fôza n’ose pas agir, quand il mantsiña am batra, arrive ici, il fait la chose. Ce fañano vady tsy n’est pas pour cela que nous fankasahy, tonga aketo avons appelé. ndraika kale anoiña i raha, zany dy tsy Ensuite, vous la nañantsovanay ê! communauté villageoise qui êtes venue, vous n’êtes pas Mañarakarak’izany, venus les mains vides mais anareo fôkônôlona tönga, avez apporté de l’argent, des tsy nitöndra tañam pölo fö richesses, vous avez nitondra völa, nitondra présenté de l’honneur. Vous fanañana, fady misy avez amené de l’argent, du mpanolotra voninahitra rhum en bouteille. Cela ne misy mañomy. Nitöndra dit pas que nous vous anare vola… toaka… an redonnons, mais nous tavoahangy. Tsy izy parlons de tout cela parce haheriña aminare que le bien que vous la hizakaña ananjy zany fô communauté villageoise fait, soa nataonareo nous ne pouvons pas le fokonôloña zany kale tsy cacher. Mais ce qui est azonay avony. Fô ratsy mauvais, c’est de danser au aminanjy iñy, mañano cimetière, c’est perdre de tôtodia am pasaña very l’énergie, travailler avec un ton’aiña, miasa jamba beau-père aveugle, et être rafôzaña very fararano. perdu son remerciement. = 82 =
Tönga aketo toritoriña C’est pourquoi nous zany karaha vatango coupons comme le vatango fotsiaña karaha vary an (espèce de courge) blanc, dioña, baribariña karaha comme le riz dans le mortier, volaña, biañina karaha on le regarde comme la lune masoandro. ou on le contemple comme le soleil. Vous avez entendu l’appel et vous êtes venus. On court en plein jour, pour Ke tonga aketo avoir des richesses, on court mahareñy ñy le soir par peur d’arriver de vatatênanare. nuit, La parole est comme Mihazakazaka antoandro un poisson zômpoña dont on mirömbaka hihinaña, s’approche, et comme le mihazakazaka ariva profane qui joue de matahotra ho aliña, vely l’accordéon se contentant zôm poña ny teny hatoñy d’enfoncer les touches. vonjeña, vely korodonan’i Les criquets sont des jeunes tsy mahay, masony sauterelles. Les poux du riz potsehina. Sômpatra be ny sont des sauterelles. Quand le riz est blanchi, on dépose kijêja, sômpatra ñy haom le pilon. Ceux qui ont fini de bary. Fôtsy ny vary piler vannent le son, ceux napêtraka ñy alo, nandio qui ont fini entrent à la ny nahafotsy, nitôndra maison. Que ceux qui ont niditra ñy mahêfa, une bouche me remplace mandimbaza ñy manan que celui qui a quelque draha korañina, milaza ñy chose à dire parle, car j’ai manan kolazaiña fö vita fini, Messieurs et ñy anahy, Tompokolahy Mesdames ». sy Tompokovavy».
C’est ainsi que nous allons voir comment se fait l’offrande chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I.
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Texte en malagasy 1 Traduction en français « Ia mandria anao aomby « Oui, dors bien ô bœuf itôhony ê ! Mandry anao que voici ! Que tu te tsara, hifôha anao tsara. couches ou te lèves, tout Ampandriaña anao tsy raha cela est bon. Si l’on te moa malalay an kijany, tsy couche, ce n’est pas que tu aomby feno vala fô misy n’aimes pas les pâturages, antony. ou que tu sois un zébu de trop dans le parc, mais il y a une raison. Lasaña anao Solanga Il y a quelques jours, il y Auguste tamin’ny maromaro a quelques années, Solanga andro, taoña maromaro. Auguste est mort. Alors la Ehè nijaretiña ñy communauté villageoise est fôkonôloña, nañome là et tes enfants, tes petits- anjaranao ny zanañao, ny enfants, tes brus/gendres, zafinao, ny vinantonao surtout la communauté indrindra fô ny fôkonôloña villageoise qui est avec eux, niaraka tamin jareo samy ont tous participé à nalahelo nañome ny anjara. l’offrande de ta part. Ka raha efa ela De ce fait, cela fait nangiananao, nahatsiaro ny longtemps que tu étais zanañao valo tarimy, anao parti. Tes huit enfants se namôlavôla vao nitèraka, sont souvenus de toi ; Tu nañome fioka vao nirehitra. as donné la naissance, et le Nahatsiaro zareo hañatitra bois pour allumer le feu. Ils ny anjaranao. Tamin’ny se sont souvenus et ils alatsinainy zareo nañatitra apportent ta part. Lundi ny lamba, voarainao ny dernier, ils ont offert des lamba. Namantok'andro vêtements. Tu as reçus les zareo hañatitra ny aomby. vêtements. Ils ont fixé un jour pour offrir le zébu. Ké ano tsarabe ny zaza Nous souhaitons que les madinika, ny ankibo hoavy, enfants soient en bonne
1 Mpijoro : Belagnonana Maurice. = 84 =
ny teraka hotombo, santé, que les bébés encore hitsangatsangana hahazo dans le ventre naissent, vôla, hipètraka hahazo que ceux qui sont nés fanañana, hitèra dahy, grandissent et se hitèra bavy, izay zavatra promènent pour avoir de kasaiña hotantèraka. Izany l’argent, restés au village, angatahiña aminao qu’ils gagnent des handavoaña ny aomby. richesses, mettant au monde des garçons et des filles. Que tout ce qu’on désire se réalise. Voilà ce que nous te demandons en couchant le bœuf.