MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE ----- ===== ----- UNIVERSITE DE TOAMASINA ----- ===== ----- FACULTE DES LETTRES & SCIENCES HUMAINES ----- ===== ----- DEPARTEMENT DE PHILOSOPHIE Fahaizaña sy Fañahy ----- ===== -----

LE PARTAGE DES BIENS DANS LA SOCIETE BETSIMISARAKA DU NORD. (LE CAS D’ I, DISTRICT DE )

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Maîtrise en philosophie présenté par :

Mlle RAZAFIKALO Marie Onnie

Sous la direction de Monsieur RAZAFITSIAMIDY Antoine Maître de Conférences

13 Décembre 2008

Année universitaire : 2008

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DEDICACE

A mes parents.

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REMERCIEMENTS

Nous pouvons dire que le présent ouvrage n’aurait pu être réalisé sans l’aide de quelques personnes de très bonne volonté avec leurs expériences et leur compétence.

Pour cela, nous tenons à remercier de prime abord, Monsieur Antoine RAZAFITSIAMIDY, Maître de conférences, enseignant et encadreur, qui, malgré ses nombreuses occupations, nous a dirigée dans la réalisation de cet ouvrage.

Nos vifs remerciements s’adressent aussi à nos parents qui nous ont soutenue matériellement et moralement lors de la réalisation de ce mémoire.

Pour terminer, nous adressons également nos vifs remerciements à tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, à la réalisation de ce travail.

Mlle RAZAFIKALO Marie Onnie

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LISTE DES INFORMATEURS

N° Nom et Prénoms Age Sexe 1 Résidence Profession Appartenance religieuse Date d’entretien

1 Belanonana Maurice 68 M Andilamena Tangalamena Catholique 26/08/06 2 Visy 74 M Ambatoharanana Tangalamena Religion traditionnelle 27/08/06 3 Rasy Anasthasie 70 F Ambatoharanana Prêtre du village Catholique 26/08/06 4 Temoka Andriantsivalina 83 M Tangalamena Sans religion 15/05/07 5 Rajaonarivelo José 55 M Ambatoharanana Maire Catholique 26/08/06 6 Rodera Jérôme 55 M Andilamena Conseiller Catholique 26/08/06 7 Tabavy Euphrasie 90 F Ambatoharanana Ménagère Catholique 13/03/07 8 Tira Paul 80 M Ambatoharanana Cultivateur Sans religion 16/05/07 9 Lômbo 81 M Ambatoharanana Cultivateur Protestant 28/08/06 10 Maro Raymond 76 M Ambatoharanana Cultivateur Religion traditionnelle 28/08/06 11 Philibert 73 M Ambatoharanana Gardien de tombeau Religion traditionnelle 28/08/06 12 Kalo Justin 60 M Ambatoharanana Cultivateur Sans religion 16/05/07 13 Remi 40 M Ambatoharanana Cultivateur Religion traditionnelle 16/05/07 14 Berthine 42 F Ambatoharanana Tresseuse Religion traditionnelle 29/08/06 15 Senna 80 M Ambatoharanana Tangalamena Religion traditionnelle 29/08/06 16 Babity Laurent 66 M Toamasina Professeur retraité Catholique 15/03/07 17 Solo Vincent 73 M Ambatoharanana Chef de groupe Catholique 28/08/06 18 Maso Barthélémy 60 M Vavatenina Tangalamena Catholique 12/03/07 19 Bemanampy 83 M Vavatenina Tangalamena Catholique 12/03/07 20 Mosolahy 60 M Fiadanana Tangalamena Catholique 12/03/07

1 Sexe : M = masculin ; F = féminin. = 4 =

INTRODUCTION

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Madagascar est un pays qui a été colonisé par la France. Cette dernière est considérée comme la mère de ce pays. Il possède beaucoup de traditions. Presque la majorité du peuple malgache croit et respecte les ancêtres. En général, les Malgaches n’osent pas faire du mal aux ancêtres.

Il y a vingt et deux régions à Madagascar, mais nous prendrons seulement la région d’, car c’est dans cette région que se trouve la commune d’Ambatoharanana I, objet de notre étude. Elle se situe exactement dans le district de Vavateninan un des six districts de la région d’Analanjirofo.

La commune est peuplée en majorité par des Betsimisaraka. Comme toutes les autres ethnies, les Betsimisaraka ont leur tradition telle le mariage traditionnel, la circoncision et surtout le partage des biens. C’est sur cette dernière que nous avons orienté notre étude. Ce rite prend une place importante pour les gens d’Ambatoharanana I. D’après la croyance betsimisaraka, l’homme est un être qui dépend nécessairement et toujours des ancêtres. Il n’est jamais indépendant sans les ancêtres. Leur rôle est de transmettre par les messages des êtres vivants au dieu suprême.

La vie d’un homme commence par la naissance et se termine par la mort. Mais d’après la croyance betsimisaraka, il y a immortalité de l’âme dans le monde invisible. Si un homme meurt, sa puissance, sa force et sa valeur augmentent par rapport à celles des vivants. Cette tradition est une des spécificités betsimisaraka. = 6 =

Nous avons choisi comme thème de recherches : « Le partage des biens dans la commune rurale d’Ambatoharanana I ».

Le partage des biens s’intègre dans la culture traditionnelle et plusieurs personnes ne savent même pas ce qu’on entend par partage des biens. Ainsi, nous avons voulu montrer à tout le monde que ce rite existe, il est bien vivant, et nous en avons besoin dans notre vie.

En général, la mort a une importance particulière pour les Betsimisaraka. Si quelqu’un meurt, tout le monde honore et respecte la dépouille mortelle. On pratique le partage des biens quelques années après la mort d’un individu. En Imerina, on pratique l’exhumation ou famadihana . Les Malgaches conservent avec attention le reste des ancêtres dans le tombeau ; il est interdit de négliger ces restes parce qu’ils ont de la valeur et sont nécessaires pour les vivants.

Le partage des biens est à la fois utile pour le défunt et très important pour les vivants. C’est le moment de lui dire au revoir et de lui demander de laisser les vivants tranquilles. Il doit aider les vivants dans leurs besoins. Ce rite constitue les dernières funérailles pour le défunt. Le partage des biens est le moment au cours duquel on donne sa part au mort et partage les biens entre les vivants et les morts. Le sang du bœuf est destiné spécialement aux ancêtres. Mais à part cela, pour les vivants, la famille pratique ce rite pour s’acquitter de ses dettes envers le défunt ou l’ancêtre.

Mais face à l’évolution du monde actuel, pourquoi les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I continuent-ils de pratiquer ce rite ? Quel est leur objectif et quelle est la valeur de ce rite de nos jours ?

Il est vraiment difficile d’effectuer des enquêtes sans connaître la situation géographique et historique et surtout l’économie et le contexte socioculturel de la commune rurale d’Ambatoharanana I. Cela fera l’objet de la première partie de notre travail.

La deuxième partie est consacrée à la description détaillée et précise de la cérémonie du partage des biens. C’est grâce à ce rite qu’un mort est inscrit dans la communauté ou la société des morts. Les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I croient au pouvoir des ancêtres et ont = 7 =

aussi peur d’eux. Nous voyons dans cette partie l’étape préparatoire avant la cérémonie, ainsi que le déroulement de la fête depuis le début jusqu’à la fin du partage des biens.

La troisième partie de notre mémoire fait l’inventaire des avantages et des inconvénients de ce rite dans notre vie. Ce dernier change parfois et la tradition change également. Comme le partage des biens est une culture qui existe depuis de nombreuses années dans la société betsimisaraka, on constate tout de même quelques changements.

Le partage des biens, en tant que culture traditionnelle, est un peu différent de la culture moderne qui envahit actuellement notre société. Il y a des gens qui n’aiment pas pratiquer ce rite, à cause de la difficulté de la vie. Et comme de nos jour le temps c’est de l’argent, les gens n’aiment pas faire engager de trop grosses dépenses d’argent dans ce rite.

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PREMIERE PARTIE

PRESENTATION DU TERRAIN D’ETUDE

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CHAPITRE I

LES DONNEES GEOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES

I.- Les données géographiques

1.- La situation géographique

Madagascar est une grande île située au large de la côte orientale de l’Afrique. Très étendue, sur une superficie de 587 041 km 2, l’île présente un relief varié et accidenté, constitué de plaines côtières et de montagnes dont l’altitude est comprise entre 500 et 2 800 mètres. Cette situation pose un réel problème d’accessibilité et parfois même d’isolement pour les populations en saison des pluies. De ce fait, Madagascar est composé actuellement de 22 régions. Sa capitale est Antananarivo.

Dans la région Analanjirofo, se trouve le district de Vavatenina, un des six districts de cette région. Vavatenina est situé à 137 km de la ville portuaire de Toamasina, on y accède par la route nationale numéro cinq jusqu’au village d’Antsikafoka, avant d’emprunter la route nationale numéro vingt-deux. Le district est limité au nord et à l’est par le district de Fénérive-Est, à l’ouest par le district d’Ambatondrazaka et au sud par le district de Toamasina II.

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LOCALISATION ET CARTE DU DISTRICT DE VAVATENINA 1

District. de Vavatenina

Le district de Vavatenina a dix communes rurales : Ampasimazava, , Miarinarivo, , , , , , Vavatenina et Ambatoharanana I. Cette dernière fait l’objet de nos recherches.

Cette commune rurale d’Ambatoharanana I, avant de devenir une commune à part entière en 1996, faisait partie de la commune d’Anjahambe. La commune rurale d’Ambatoharanana I se trouve dans la

1 Régis Rajemisa-Raolison, Dictionnaire historique et géographique de Madagascar , p. 373. = 11 =

partie centrale de la zone nord de la rivière Maningory. Elle est limitée au nord par la commune rurale de du district de Fénérive-Est, à

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DELIMITATION ADMINISTRATIVE DE LA COMMUNE RURALE D’AMBATOHARANANA I DISTRICT DE VAVATENINA 1

1 Source: Commune rurale d'Ambatoharanana I. = 13 =

l’ouest et au sud par la commune rurale d’Andasibe, à l’est par la commune rurale d’Anjahambe du district de Vavatenina.

En ce qui concerne les infrastructures, des pistes relient les huit fokontany et les communes environnantes. C’est une zone enclavée, distante de huit kilomètres de la route nationale. Sa superficie est de 145 km 2, soit 5,3 % de la superficie du district de Vavatenina 1, évaluée à 2 747 km 2. Fin 2006, Ambatoharanana I comptait 16 897 habitants 2. Depuis 1997, cette population augmente avec un taux d’accroissement annuel de 4,1 %. L’activité de base de la région se voit sous deux niveaux distincts : l’agriculture et l’élevage.

Cette commune d’Ambatoharanana I est formée de huit fokontany dont Manakambahiny, Vohitsivalana, Vatove, Ambatoharanana II, Ambodinonoka I, Ambalabe, Antsirabe et . Deux fokontany ont une superficie plus élevée par rapport au six autres fokontany . Il s’agit du fokontany d’Ambodinonoka II qui occupe les 24,1 % de la superficie totale de la commune et Vohitsivalana, occupant les 21,4 %. Il est intéressant pour nous de signaler que la superficie du fokontany d’Ambatoharanana I s’élève à 20,7 % de celle de la commune et est le plus éloigné du chef-lieu de la commune.

2.- Situation climatique

Avant de voir le climat de la commune d’Ambatoharanana I, nous allons voir d’abord le climat de Vavatenina, en tant que district de cette commune.

En général, le climat de la région de Vavatenina est comme le climat de la région de Toamasina tout entière. Pour le professeur Eugène Régis Mangalaza : « Cette région se caractérise par une forte pluviosité allant de 2,50 mètres à 3 mètres de pluie par an, à raison de 213 jours de pluie [sur 365 jours] que compte l’année. C’est

1 Bureau de la Circonscription scolaire, service de la statistique, Vavatenina. 2 Monographie de la commune rurale d’Ambatoharanana I. = 14 =

un climat propre aux zones tropicales (constance de l’humidité ainsi que la température). Une végétation luxuriante couvre ce littoral oriental. Du mois de décembre au mois d’avril, cette région est constamment exposée à la menace des cyclones qui peuvent atteindre la vitesse de 150 à 200 km par heure, balayant alors tout sur leur passage : les dépressions atmosphériques sont suivies, la plupart du temps, d’inondation qui ravage bétail et récoltes »1.

De plus, la végétation a besoin d’une forte quantité de pluies. Ce régime de pluies abondantes explique l’importance des végétations qui existent dans cette région. Il y existe des végétations sempervirentes, c’est- à-dire qu’elles portent des feuilles vertes toute l’année ou une végétation exubérante. Mais à l’heure actuelle, cette végétation est dégradée à cause des cultures itinérantes sur brûlis.

Ensuite, le relief de la région de Vavatenina est semblable au relief de la région de Toamasina, caractérisé par des reliefs accidentés et des pentes très fortes. Cette région de Vavatenina est montagneuse, c’est-à- dire que la surface des plaines est inférieure à celle des montagnes. Cette caractéristique montagneuse de la région de Vavatenina pose un certain problème pour les cultures vivrières, mais elle favorise en revanche les cultures d’exportation.

Tout cela montre que le climat de la commune d’Ambatoharanana I est semblable à celui de la région de Vavatenina. Il s’agit d’un climat de type tropical humide avec deux saisons, une saison chaude et une saison fraîche. La précipitation annuelle est d’environ 2 000 mm. La saison fraîche, d’une température de 15° C à 18°C s’étend du mois d’avril au mois de septembre, et la saison chaude du mois d’octobre au mois de mars, avec une moyenne de 18° C. L’essentiel des pluies est apporté par des courants chargés d’humidité océaniques. La région reçoit parfois des cyclones.

1 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka, sens du famadihana , p. 10. = 15 =

3- Le relief du sol

On entend par relief, l’ensemble des inégalités qui se présentent sur la surface terrestre. Ainsi, la commune rurale d’Ambatoharanana I est dominée par de nombreuses montagnes et des collines. Sa topographie correspond à une succession de montagnes, de collines, de plaines et de vallées en direction de l’est vers l’ouest. Sa couverture végétale est principalement dominée par le radriaka , le mazambody et le lingosa . Elle a comme type de sol, celui d’alluvion fluviale dans la zone basse, alors que la terre rouge couvre les montagnes et les collines.

II.- Les données historiques

1.- L’origine du mot betsimisaraka

Avant de parler de l’origine de cette commune d’Ambatoharanana, il nous semble intéressant de voir brièvement l’histoire même de Toamasina, car cette ville est la terre des Betsimisaraka. C’est pour dire que l’histoire de cette ville est aussi l’histoire de l’ethnie betsimisaraka. Ce faisant, la ville de Toamasina qui coïncide à son origine avec l’installation des premiers occupants, remonte à une époque reculée de l’histoire de Madagascar.

L’histoire de l’ethnie betsimisaraka liée à celle de la ville reste mal connue jusqu’à la fin du XVI e siècle, période à laquelle les Européens touchent la côte Est de Madagascar pour faire du commerce. A cette époque, le pays betsimisaraka ne formait pas encore un tout, mais plutôt de petites unités. Chaque entité avait un roi et le roi regroupait ou dirigeait les individus qui se réclamaient de la même souche.

La ville de Toamasina qui est la capitale des Betsimisaraka a porté plusieurs noms au cours de l’histoire, entre autres, Antsarako, Ambodisalopy, Ladoany. Mais malgré ses divers noms, l’histoire n’a retenu que deux noms : Tamatave ou Toamasina. Des propos qui se transmettent de bouche à oreille, témoignés par certains écrivains montrent que : = 16 =

« C’est une princesse sakalava qui aurait été à l’origine du nom de Tamatave »1.

Les on-dit montrent que Ratsimilaho a épousé Matavy, une princesse sakalava qui est venue de loin pour se réaliser pleinement en tant que femme de Ratsimilaho. Ce dernier a eu le soutien du groupe sakalava qui était dans le temps le peuple le plus puissant de l’île. Avec cette aide, il a pu transformé les campements de pêcheurs, non seulement en un grand village, mais aussi en un grand centre de commerce qui a attiré tout le monde. C’est dans ce sens que les gens qui venaient pour visiter la ville disaient : « On va à An-tanan’i Matavy ». Cela veut dire on va à la ville de Matavy.

Quant au nom Toamasina, on le doit au roi merina Radama I lors d’une expédition sur la côte Est. Le jeune roi a découvert pour la première fois la mer. Comparant la mer avec l’eau douce, et après l’avoir goûtée, dans sa grande surprise, il disait : « Toa masina re izy izany ! ». (Elle est vraiment salée !).

En 1721, le chef Ratsimilaho, originaire d’Analanjirofo a créé une nouvelle organisation militaire et a conquis la totalité de cette région jusqu’à . Avant sa mort, vers 1750, il a pris aussi le contrôle de la région sud, jusqu’à Vatomandry. C’est à ce niveau que le mot betsimisaraka a eu son sens dans la langue malagasy. Mais qu’est-ce qu’on entend vraiment par le mot betsimisaraka ?

Tout d’abord, le mot betsimisaraka qui se décompose : be , nombreux et tsy misaraka , qui ne se séparent pas, peut se traduire en termes français par « les nombreux inséparables ». Littéralement donc, betsimisaraka veut dire les nombreux qui ne se séparent point. Ratsimilaho Jean René avait défini ainsi son peuple comme les inséparables. On voit cela quand ils organisent une fête par exemple.

Betsimisaraka est l’appellation d’une ethnie qui habite une grande partie de la côte Est malagasy : les trois quarts, selon le père français Vincent Cotte.

1 Mangalaza, Pierrot et E. Weiss, L’irrésistible Tamatave , p. 29. = 17 =

« Le Betsimisaraka ont le teint noir ; de taille moyenne, ils paraissent plutôt robustes, tout replets et ramassés et d’une souplesse que la vie libre entretient. Leurs cheveux sont en général crépus ; leurs yeux, d’un iris velouté noir, sont horizontaux, avec de grosses lèvres et un nez droit et large, leur face est d’un prognathisme à peine accusé. La barbe est rare : rasée au couteau ou au tesson de verre, parfois portée longue en signe de richesse. Les pieds nus étalés aux orteils, plats, forment ventouse en s’agrippant au sol et leur permettent, même embarrassés d’un fardeau sur la tête ou sur les épaules, de traverser avec aisance les fragiles ponts des rivières, faits souvent d’un simple bambou vernissé (de boue) glissant autant que balançant »1.

Sous cette version, nous pouvons avancer selon nos sources d’enquêtes, que les Betsimisaraka se présentent sous forme d’un groupe métissé, issus des liens des femmes indigènes avec des hommes étrangers qui étaient souvent des missionnaires anglais et français, des créoles de Maurice et de la Réunion. Toutefois, on rencontre aussi des Betsimisaraka qui ont des yeux pourris, aux yeux bridés. Ces derniers marquent bien la présence des Asiatiques et en particulier des Chinois. C’est ainsi qu’Aujas avance que : « Le Betsimisaraka est le résultat de la fusion à des époques antérieures de plusieurs familles d’origine assez diverse ».

En d’autres termes, les premiers habitants de cette ville les mieux connus sont les Betsimisaraka dont les chercheurs s’accordent pour dire qu’ils sont un brassage de différents peuples. Sous cet angle, Mangalaza dit dans Vie et mort chez les Betsimisaraka : Les groupes lignagers, souvent agnatiques, se trouvaient dispersés et n’occupaient chacun qu’une étendue moins large formée seulement par quelques vallées birantany »2.

Ainsi ces nombreuses souches qui se trouvaient dispersées sont entrées dans l’histoire des Betsimisaraka. Mais aujourd’hui, et à l’instar

1 R. P. V. Cotte, Regardons vivre une tribu malgache : les Betsimisaraka , p. 34. 2 Manassé Esoavelomandroso, La province maritime orientale du « royaume de Madagascar , p. 42. = 18 =

des anciens, tenant compte de certaines sources d’enquêtes nous pensons que Ratsimilaho est à l’origine de cette ethnie. Et Mangalaza ajoute : « En réalité, l’unité betsimisaraka n’a trouvé sa forme concrète et effective que seulement au niveau du nom qui ne s’écrit jamais séparément »1.

Cette citation laisse entendre que les Betsimisaraka sont toujours des Betsimisaraka depuis l’ancien temps.

2.- Histoire du district de Vavatenina et de la commune rurale d’Ambatoharanana

Historiquement, les Betsimisaraka demeurant à Vavatenina se classifient en deux ethnies : la première, dans la partie est, descendant d’Andonimaniry occupe quasiment la terre. La deuxième, dans la partie ouest, descendant de Zafisavony, occupe également le lieu.

Les descendants de Zafisavony abandonnent volontairement leur lieu habituel. Ils se sont établis dans la région d’Andilamena, de Sahatavy et de Sahamamy. Ces trois villages paraissent pour les Zafisavony les meilleurs endroits et ils ont choisi de les occuper. C’est pour cette raison que la terre de Vavatenina semble moins occupée.

De leur côté, les gens des hautes terres, plus précisément les Merina, ont cherché des endroits convenables à leur gré et ont intégré cette partie. Aujourd’hui, les descendants d’Imerina et des Betsimisaraka Andonimaniry et Zafisavony, résident à Vavatenina. Avant leur venue, la localité portait le nom d’Ambodisaina. Quelques années plus tard, les descendants de Savony cultivent le riz dans le champ d’Ambodisaina. Quand ils arrivent aux champs, ils se rendent compte que le riz pousse en même temps que les herbes. Il faut, en effet, arracher ces dernières.

Lorsqu’ils se rencontrent ou se croisent dans la rue, ils se questionnent comme suit : « Où allez-vous ? Et la réponse est la suivante :

1 Eugène Régis Mangalaza, Vie et mort chez les Betsimisaraka , p. 1 = 19 =

« Handeha hiavahava tenina izahay » (C’est-à-dire, nous allons arracher les tenina ). Le nom d’Ambodisaina s’est estompé et Vavatenina devient le nouveau nom d’Ambodisaina.

Au début, la commune rurale d’Ambatoharanana I s’appelait Sandrangazana. Le premier village situé à l’embouchure est celui de Sandrangazandrano (Ambalabe). Le deuxième, implanté à la source, est celui d’Ambinanisandrangazana (Manakambahiny). Et le troisième village, au milieu du cours de la rivière est celui d’Antsirabe I. Le village d’Ambinanisandrangazana a été créé par un homme du foko betsimisaraka, venant de Fénérive-Est et qui s’appelait Ravololontany. La fille d’Ambinanisandrangazana et le fils de Lohasandrangazana se sont mariés et ont vécu le long de Sahatsara et de Matoivany, mais ils se sont rapidement séparés. Un homme du foko sihanaka qui se nommait Ralavony arriva dans cette zone. Il a pris pour épouse cette fille d’Ambinanisandrangazana et ils ont habité Andraratranina (une montagne sacrée située à 1 km au nord du village d’Ambatoharanana I.

Les descendants d’Andraratranina ont ensuite créé le village d’Ambatoharanana I. Et enfin, les descendants d’Ambatoharanana I ont migré pour vivre le long de la rivière Manantsindro : à Vatove, à Ambatoharanana I et à Vohitsivalana. Ainsi, force est de constater que le nom Ambatoharanana provient de la découverte de grosses pierres qu’on appelait dans cette zone dans le temps « haranana ».

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CHAPITRE II

LA POPULATION D’AMBATOHARANANA I ET SA STRUCTURE ADMINISTRATIVE

I.- La population

La population qui se définit comme un ensemble de personnes habitant un espace bien déterminé, a connu son installation depuis fort longtemps dans la commune rurale d’Ambatoharanana I. Le recensement de l’année 2006 montre que le nombre de cette population est assez élevé, soit 16 897 habitants), et est en évolution croissante. Composée de différentes strates sociales, cette population se distingue par une pyramide des âges qui donne justement de la valeur à chaque individu dans cette société. Voici un tableau qui donne un aperçu assez détaillé de cette population.

5 - 17 18 ans Quartiers 1 Hommes Femmes 0 - 4 ans Total ans et plus Ambalabe 379 418 30 568 199 797 Ambatoharanana I 1 210 1 329 40 1 828 671 2 539 Ambodinonoka I 1 743 1 902 44 2 811 790 3 645 Antsirabe 1 147 1 169 41 1 922 353 2 316 Mahambo 1 192 1 221 36 1 972 405 2 413 Manakambahiny 819 910 37 1 350 342 1 729 Vatove 491 596 34 829 224 1 087 Vohitsivalana 1 145 1 226 39 1 994 338 2 371 Totaux 8 126 8 771 301 13 274 3 322 16 897

1 Source : Commune rurale d’Ambatoharanana I. = 21 =

Comme toutes les sociétés, la société d’Ambatoharanana I a non seulement sa spécificité au niveau de l’agriculture et de l’élevage, mais elle se modernise aussi comme toutes les autres communes. Le précédent tableau montre que le nombre de la population d’Ambatoharanana I est constitué en majorité par des femmes. De plus, presque la totalité de la population active, (soit environ 20 % de la population totale) travaille dans la branche agricole.

II.- La structure administrative

Il existe une relation réciproque entre la structure administrative de cette commune et les services publics comme la santé et l’enseignement. Ces deux pôles favorisent le développement de la population. Tenant compte des remarques lors de nos enquêtes, nous avançons que la population de cette commune est dominée par les jeunes. Cette dominance fait l’objet de faits négatifs qui s’observent surtout dans le domaine de l’économie, car justement, c’est par et dans cette dernière qu’une région se développe. Ainsi, le MAP ( Madagascar Action Plan ), qui constitue les huit engagements du président de la République, parlent de la transformation de l’éducation, c’est-à-dire un système éducatif qui stimule la créativité et qui guide les élèves à transformer leur rêve en réalité, et de la santé. Ceci nous amène successivement à parler de l’éducation et de la santé, sans oublier l’agriculture et l’élevage.

1.- L’éducation

Avant d’entrer dans le fin fond de notre étude au sujet de l’éducation, nous jugeons nécessaire de remonter un peu dans le temps pour parler de la première ouverture d’école dans la commune. Les enquêtes que nous avons faites sur terrain, nous ont permis de découvrir plusieurs choses.

C’était en 1890 que la première école est apparue dans cette commune. Il s’agissait d’une garderie dirigée par un homme du foko merina qui s’appelait Rabeangaly. Cette école était installée à 50 mètres au = 22 =

nord du village d’Ambatoharanana I, plus précisément dans le quartier de Vohitraomby. Le groupe scolaire d’Ambatoharanana I fut créé en 1950 et l’école du premier cycle de Manakambahiny, en 1970, tandis que les Sekoly Fanabeazana Fototra (S.F.F.) y existent depuis 1990. Actuellement, les enseignants dans ces écoles sont payés par le F.R.A.M. (Fikambanan’ny Ray aman-dRenin’ny Mpianatra )1.

Tableau de la structure administrative de la commune rurale d'Ambatoharanana I en 2006

Quartiers 2 Superficie en km 2 Distance au chef-lieu Nombre des écoles primaires de la commune en km Ambatoharanana I 30 – 2 Ambalabe 5 4 2 Ambodinonoka I 35 7 4 Antsirabe 7 4 2 Mahambo 10 5 1 Manakambahiny 12 7 2 Vatove 15 8 1 Vohitsivalana 31 18 2 Ensemble 145 – 16

Ce tableau montre que la commune rurale d’Ambatoharanana I a une superficie de 145 km 2. En 2005 - 2006, les établissements primaires sont constitués par 16 écoles primaires publiques et un collège d’enseignement général. Parmi ces écoles, il y en a qui s’appellent sekolim- pokonolona . Cela veut dire que ces écoles ont été construites par les parents des élèves. Depuis 2004, presque 70 % des enfants en âge scolaire sont entrés à l’école, enseignés par 42 maîtres d’école, soit avec une ratio de 64 élèves/maître.

L’éducation est la mise en œuvre de moyens propres qui assurent une formation, afin de pouvoir développer l’intellect humain. Elle est reconnue comme une nécessité fondamentale pour chaque enfant. Ceci doit s’exercer sur la base de l’égalité des chances tout en réfléchissant sur la distinction des élèves.

1 Enquêtes effectuées auprès des chefs coutumiers d’Ambalabe, de Manakambahiny et d’Ambatoharanana I. 2 Source : Commune rurale d’Ambatoharanana I. = 23 =

Cela veut dire que dans le monde de l’enseignement, le problème de la discrimination ne doit pas gagner du terrain, autrement, beaucoup d’enfants en seront victimes. Rappelons ici que la population de la commune d’Ambatoharanana I est quand même assez nombreuse : 116 habitants au km 2.

L’éducation est coûteuse. Partout dans le monde, plusieurs Etats ne sont pas en mesure de répondre sur ce plan aux besoins de leurs enfants. C’est peut-être la raison pour laquelle la commune rurale d’Ambatoharanana a connu du retard par rapport aux autres communes dans le domaine de l’enseignement. Toutefois, nous tenons à souligner quand même que l’éducation dans cette région évolue progressivement malgré le retard constaté.

A l’heure actuelle, il n’y a qu’un seul collège d’enseignement général dans cette commune. Les classes ne sont pas cependant complètes, car la classe troisième ne sera ouverte que cette année scolaire. Force est de constater que l’éducation favorise la coopération entre les enfants tout en leur montrant qu’elle peut aussi jouer le rôle de moteur dans la croissance économique dans le temps à venir. Nous avons déjà remarqué, que les parents, à l’unanimité, sont convaincus pour offrir leurs enfants au monde de l’éducation. Au jour le jour, l’effectif des élèves augmente ainsi que les salles de classe, dans cette commune rurale d’Ambatoharanana I. Voici un tableau qui donne le nombre du personnel enseignant dans cette localité, au niveau de l’E.P.P.

Organismes Hommes Femmes Total payeurs

Etat malagasy 12 8 20

F.R.A.M. 10 10 20

Total 22 18 40

Ce tableau montre que l’ensemble du personnel enseignant dans les deux secteurs de la commune rurale d’Ambatoharanana I en 2005 – = 24 =

2006 est de 40 instituteurs. L’effectif du personnel enseignant payé par le F.R.A.M. dans cette commune constitue la moitié de l’ensemble de l’effectif. Selon l’interview faite auprès du chef Z.A.P (Zone d’Action Pédagogique) d’Ambatoharanana, cette contribution des parents d’élèves est le résultat de la sensibilisation faite par le chef de la circonscription scolaire (CISCO) de Vavatenina.

De plus, il a été constaté que les écoles primaires publiques (E.P.P.) sont vieilles de 20 ans. Celle du chef-lieu de la commune est la plus ancienne, vieille d’environ 50 années. Quant au collège d’enseignement général (C.E.G.), il a 4 enseignants dont 2 payés par le F.R.A.M. : deux enseignants pour les matières scientifiques, deux autres pour les matières littéraires.

Dans l’ensemble, il y a 44 enseignants dans le primaire et le secondaire dans la commune rurale d’Ambatoharanana I et qu’il existe des problèmes dans l’enseignement.

Après avoir fait l’analyse de l’enseignement primaire dans cette commune, en 2005-2006, le problème principal qui s’en dégage est son inefficacité. Le schéma ci-dessous synthétise les principales causes qui affectent les établissements scolaires de la Z.A.P. d’Ambatoharanana I et empêchent l’efficacité du système éducatif. Cette situation se traduit par les mauvaises conditions d’encadrement des élèves et les mauvaises conditions d’apprentissage des élèves dans les E.P.P. de la commune.

= 25 =

Schéma d’arbre des problèmes de l’enseignement primaire et secondaire de la commune rurale d’Ambatoharanana I

Insuffisance de l’effectif des enseignants

Insuffisance de l’effectif des enseignants Mauvaises conditions d’encadrement des élèves

Importance des classes multigrades L’inefficacité de l’enseignement primaire dans

la Commune Rurale d’Ambatoharanana I. Insuffisance de l’effectif des enseignants

Insuffisance de l’effectif des enseignants Mauvaises conditions d’encadrement des élèves

Importance des classes multigrades

Source : Z.A.P. d’Ambatoharanana I. La lecture du schéma doit se faire de gauche à droite.

= 26 =

2.- La santé

Madagascar, faisant partie de l’organe de la C.O.I. (Commission de l’océan Indien), a connu en 1960 un système de surveillance proposé par la France. Ce système a connu un succès notoire dans le contrôle des épidémies, de la fièvre jaune et l’éradication de la variole par des campagnes de vaccination, contrôle des épidémies infantiles par l’application de Programme Elargi de Vaccination (P.E.V.).

Devant ce résultat, le pays a progressivement diminué les ressources consacrées à cette question. La crise financière aidant, les infrastructures mises en place se sont dégradées, amenuisant du même coup la capacité du pays à identifier et à combattre les épidémies. Confronté depuis quelques années à des vagues épidémiques successives (choléra, peste, paludisme, fièvre jaune, fièvre virale hémorragique) et ne disposant pas de personnel familiarisé à la surveillance, à l’alerte et à l’intervention rapide, Madagascar et ses alliés ont fait appel à la communauté internationale. Le projet mis en place par la Coopération Française participe donc aux objectifs fixés par l’O.M.S. (Organisation Mondiale de la Santé) : réduction de 50 % du taux de mortalité et réduction de 25 % du taux de morbidité lié aux phénomènes épidémiques, en développant dans le pays bénéficiaire des actions visant à renforcer la capacité au système d’alerte. Des réunions périodiques étaient au programme, et la première réunion du comité de pilotage a eu lieu en octobre 2000 à Antananarivo. Ce qui a permis de définir un programme d’activités se rapportant aux maladies épidémiques.

Rapprochant ce système avec toutes les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtée pendant nos enquêtes dans la commune rurale d’Ambatoharanana I, nous témoignons que de sérieux problèmes se posent, surtout à l’heure actuelle au niveau de la santé dans cette commune. Cette localité ne dispose que d’une pharmacie en gestion communautaire, fonctionnant grâce au service d’un dispensaire et d’un C.S.B. II (Centre Sanitaire de Base niveau II). Selon le responsable sanitaire, les principales maladies qui frappent la population de cette zone sont le paludisme, les = 27 =

infections respiratoires, pour ne citer que ces deux-là. Le tableau ci- dessous essaie de mettre en lumière le fonctionnement du système sanitaire dans la commune rurale d’Ambatoharanana I.

Tableau de l’effectif en personnel de la santé dans la commune rurale d’Ambatoharanana I en 2006

Paramédicaux Médecin Consultations Médecins Sages- Infirmiers Aides- Lits généraliste mensuelles femmes sanitaires Public C.S.B. I C.S.B. II 00 00 00 01 10 01 213 Dispensaire Clinique Autres

Source : Plan Communal de Développement d’Ambatoharanana I.

Ce tableau montre que le C.S.B. II de la commune n’a qu’un médecin généraliste et un aide sanitaire comme personnel de la santé. Il n’y a aucun médecin privé. Bref, Ambatoharanana I n’a, pour ses 16 897 habitants, qu’un seul C.S.B. II situé dans un rayon de 1 heure 30 minutes à 4 heures de marche des lieux d’habitation de la population.

En général, la santé de la population de la région d’Ambatoharanana I est précaire. Certains paysans conservent la pratique de la médecine traditionnelle, et d’autres ont recours à l’automédication. De plus, le Centre de Santé de Base niveau II est insuffisant pour toute la population dans la commune. L’inexistence de sage-femme réduit le nombre de femmes qui viennent accoucher au C.S.B. II, malgré l’existence de renin-jaza (accoucheuses traditionnelles) qui ont bénéficié d’une formation. En cas de maladie, les paysans ont certaines possibilités de recours pour se faire soigner : l’utilisation de la médicine traditionnelle ; l’approvisionnement en médicaments sans prescription médicale, et/ou le recours au service d’une pharmacie ambulante, ainsi que l’évacuation vers le C.S.B. II d’Anjahambe dans un rayon de 8 à 20 km du village ou à Vavatenina suivant la gravité de la maladie.

= 28 =

Les maladies endémiques restent un problème de santé pour la population de cette commune. Il faut donner la possibilité à la population d’accéder à l’eau potable, car la diarrhée est une des maladies les plus connues dans la région.

III.- L’agriculture

L’agriculture est une activité spécifiquement humaine. Elle est l’affaire des agronomes. C’est ainsi que Edward V. K. Jaycex se questionne : « Je ne suis ni agronome ni spécialiste de l’agriculture africaine. C’est donc avec une certaine humilité que je viens au Programme spécial pour la recherche agricole en Afrique (S.P.A.A.R.). Je n’ai guère de réponses à apporter, mais beaucoup de questions à poser »1.

Et il ajoute : « Et je voudrais savoir aussi pourquoi nous n’avons pas mieux réussi à résoudre les grands problèmes agricoles africains »2.

Suite à ces idées de Edward que nous venons de sélectionner dans son œuvre intitulée : « Les défis de développement de l’Afrique », nous pouvons dire que dans toutes les régions, le développement est intimement lié au programme agricole. Cela signifie que l’agriculture a une tâche formidable qu’on ne saurait estimer. Elle doit répondre aux besoins d’une population donnée. Les cultures vivrières doivent progresser suffisamment pour faire reculer la famine et diminuer les importations. L’agriculture est la main d’œuvre de nombreuses personnes. C’est le cas de la commune rurale d’Ambatoharanana I.

Dans cette localité, les activités de la population sont centrées sur le domaine de l’agriculture. Cette dernière dispose au total de 85 hectares de plaines. La riziculture est la culture dominante de la région. Toutefois,

1 V. K. Jaycex Edward, Les défis de développement de l’Afrique , p. 76. 2 Ibidem . = 29 =

les villageois pratiquent presque toutes les cultures tropicales (les cultures vivrières, les cultures de rente, les cultures fruitières, etc.). Tous les fokontany pratiquent presque les mêmes cultures dans l’ensemble de la commune d’Ambatoharanana I. A la lumière de tout cela, la majorité des gens de la commune rurale sont presque tous des cultivateurs réputés, ils dépendent de la production du sol.

On observe chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I deux modes de riziculture : d’une part la riziculture en milieu sec ( vary an- tanety ou tavy ). Celle-ci se subdivise également en deux catégories : le vary jinja (le premier tour de culture du riz) et le vary kapa ou vary matrangy (le deuxième tour de culture de riz) ; et d’autre part, la riziculture en milieu humide faisant appel à une technique d’irrigation. Celle-ci se subdivise aussi en deux catégories : le vary taona (culture de saison d’été) et le vary ririnina (culture en hiver). En hiver, on commence le repiquage au mois d’août jusqu’au mois de septembre. La récolte du riz se fait environ aux mois de décembre et de janvier. Tandis que pour la riziculture d’été, son repiquage commence au mois de décembre ou au mois de janvier et la récolte se fait au mois de mai et juin.

Par ailleurs, il n’y a pas seulement le riz qui occupe une place importante chez les agriculteurs, mais il y a aussi le manioc. Celui-ci arrive en tête avec 475 tonnes en 2006, et jusqu’à présent, il joue le jeu d’alternance avec le riz. Quant au riz, sa production en 2006 s’est élevée à 185 tonnes. Force est de constater que le riz, sinon l’agriculture, intéresse beaucoup les agriculteurs. Voici un tableau qui illustre davantage les données que nous venons d’avancer dans le précédent paragraphe.

Cultures 1 Superficies Production Rendement (ha) (tonnes) (t/ha) Maïs 30 25 0,8 Manioc 95 475 5,0 Patate douce 15 75 5,0

1 Source : Commune rurale d’Ambatoharanana I. = 30 =

Riz 85 195 2,3

Le tableau montre que les rizières représentent 0,6 % de la surface totale de la commune, pour une production de 105,3 kg de paddy par habitant. Ces habitants de la commune rurale d’Ambatoharanana I ne cultivent pas uniquement du riz, mais ils cultivent aussi d’autres cultures secondaires comme la patate, le maïs et le manioc.

Pour les Betsimisaraka, la culture principale comme celle du riz est une culture autonome et indépendante, tandis que les cultures secondaires sont des cultures accessoires ou dépendantes.

Il faut dire aussi que les habitants cultivent également des cultures d’exportation, comme le giroflier, le caféier, le letchi, etc. Ils cultivent aussi le vanillier comme culture commerciale. Ainsi la plupart des surfaces sont consacrées aux cultures d’exportation. En effet, l’économie de cette commune vient de la production des cultures d’exportation ou commerciale.

En plus, il nous paraît également important de parler de la façon dont les habitants de la région pratiquaient l’agriculture dans l’ancien temps. Il s’agissait principalement de culture sur brûlis. Cette culture consistait à améliorer le sol. A part cela, ils pratiquaient aussi l’irrigation des rizières au niveau des collines. Ils plantaient des girofliers pour remplacer les arbres abattus.

Ambatoharanana I se trouve dans la région d’Analanjirofo. Cela sous-entend que la localité avait elle aussi beaucoup de cultures, entre autres des girofliers qui avaient alors une très bonne production. Mais ce n’est plus le cas présentement. Tout ce qui reste dans la commune c’est tout simplement le nom d’Analanjirofo.

Il y a beaucoup de caféiers dans cette commune. Nous savons qu’actuellement le prix du café a beaucoup baissé, donc la vie des habitants dans cette commune est en danger. Les cultures fruitières prennent aussi une place importante dans la commune rurale d’Ambatoharanana I. Ainsi, plusieurs habitants ont des bananiers, des

= 31 =

pieds de letchis, des ananas, des orangers, des mandariniers et des avocatiers. Mais le plus nombreux ce sont les bananiers. Pour les habitants de cette commune, la plantation de bananier est une activité secondaire.

Mais il existe aussi des problèmes en ce qui concerne l’infrastructure de transport. Il y a dans ce domaine une carence qui rend l’économie de la commune peu performante, car les échanges s’en trouvent ralentis. La commune reste tributaire d’un unique point d’évacuation de ses produits : la commune d’Anjahambe, distante de 9 km. Cela augmente considérablement le coût de transport. De plus, les pistes reliant la commune avec d’autres communes sont difficilement accessibles (à pied) pendant la saison des pluies. Bref, l’unique moyen de transport à partir du chef-lieu de la commune est le dos d’homme. En plus, il y a plusieurs cultures de rente dans cette commune, mais plus les produits sont nombreux, plus les prix diminuent comme le dit Adam Smith : « Le prix naturel d’un objet c’est son prix de revient plus une juste marge bénéficiaire. Le prix du marché d’un objet dépend de la loi de l’offre et de la demande. Si un produit est rare, la demande dépasse l’offre et le prix du marché s’élève au-dessus du prix “naturel”. Si le produit est très abondant, c’est le contraire : le prix du marché tombe au- dessous du “prix naturel”. Seulement il arrive que les prix très élevés stimulent l’offre ; les produits chers, fabriqués en plus grand nombre, baisseront la saison prochaine. Les prix trop bas découragent l’offre, la production diminue et les prix remontent quand l’offre s’est faite plus rare. Ainsi le prix du marché tend toujours à rejoindre le prix naturel. La loi de l’offre et de la demande sert de régulateur et “la quantité de chaque marchandise mise sur le marché se proportionne naturellement d’elle-même à la demande effective ”1.

C’est le plus grand problème des cultivateurs. Prenons le cas du letchi dans cette commune ou dans le district de Vavatenina. La localité n’étant pas à proximité de la mer, comme c’est le cas des districts de Mahanoro, de Brickaville, de Vatomandry, de Fénérive-Est et de

1 Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations , cité par Denis Huisman et André Vergez, Nouveau court traité de philosophie , Classes terminales A et B, tome II, Programme 1974, p. 388. = 32 =

Toamasina, et à cause de certaines conditions climatiques, les fruits mûrissent tardivement et viennent au marché en retard, alors que les exportations sont déjà clôturées. Et même si le letchi est de très bonne qualité, il se trouve qu’il est en retard dans la compétition pour l’exportation, et le prix reste très bas dans la consommation locale.

IV.- L’élevage

Faisant partie de la chaîne du développement, l’élevage est toujours considéré par la population d’Ambatoharanana I comme un outil de développement. Cela veut dire que le développement doit toujours embrasser le domaine de l’élevage. Ce dernier joue un rôle important dans la vie de la population de cette commune. Les espèces les plus exploitées dans cette région sont très distinctes : le bœuf, le porc, la poule, le canard. Ainsi, il semble très important pour nous de souligner ici que l’élevage n’est pas tout à fait lancé. Nous voyons par exemple, aujourd’hui, des poules qui pondent deux fois par jour dans les milieux urbains et qui grandissent rapidement. Pour le cas d’Ambatoharanana I, l’élevage reste traditionnel. Malgré ce retard de la technique, on peut dire que l’élevage seconde l’agriculture. Nous présentons ci-dessous les espèces élevées dans la commune d’Ambatoharanana I, entre 2003 et 2006.

Années Taux d’accroissement Espèces annuel moyen en % 2003 2004 2005 2006

Bœufs 850 925 75 800 - 2,00

Porcs 650 870 35 900 11,47

Volailles 15 000 15 700 16 500 17 500 5,27

Le tableau ci-dessus montre que les volailles occupent une place importante en nombre dans la région par rapport aux bovins et aux porcins. L’effectif s’accroît de 15 000 têtes en 2003 à 17 500 têtes en 2006, soit un taux d’accroissement annuel moyen (T.A.A.M.) de 5,3 %. Les moins

= 33 =

nombreux sont les porcins, mais leur effectif est tout de même en augmentation. Cela est dû au poids de l’animal quand il est grand et aussi à la durée de l’engraissement. Quant au bœuf, tenant compte de la durée pour avoir le poids de 80 kg, l’éleveur de porcin peut connaître trois à quatre générations de l’espèce. De ce fait, la population d’Ambatoharanana I est consciente que l’élevage qui est une activité spécifiquement humaine peut procurer, d’un moment à l’autre, un revenu assez substantiel.

La commune d’Ambatoharanana I fait partie de la circonscription administrative du poste d’élevage de Vavatenina. L’élevage pratiqué dans la région est de type contemplatif. En effet, dans chaque famille, généralement, on trouve quelques poulets, canards (toutes souches confondues), ou à échelon plus aisé, quelques zébus ou porcs. La filière est qualifiée de petit élevage et le cheptel vivant avec la famille constitue d’abord le porte-monnaie. Il arrive aussi que l’on en mange avec un petit pincement de cœur.

Au cours de nos enquêtes, nous avons fait le constat suivant : l’élevage bovin diminue de jour en jour et les zébus sont utilisés pour le piétinage des rizières. Les éleveurs sont contraints de garder des espèces de ce genre pendant plusieurs années. Ce qui fait que, pour une famille qui se livre à l’élevage de bœufs, les enfants fréquentent rarement l’école. Cela est attesté par le chef de zone d’activité pédagogique d’Ambatoharanana I

Comme tout être vivant, les animaux d’élevage ont besoin aussi de traitements spéciaux. Les vétérinaires doivent toujours veiller sur toutes les espèces pour la sécurité du peuple. Rappelons que parfois certaines espèces peuvent être malades, alors qu’elles sont destinées à la consommation. Actuellement, dans la région, manquent les espèces animales, car il n’y a pas de vétérinaire. Cela montre tout simplement que l’élevage de certaines espèces est tout à fait archaïque.

C’est pour cela que chaque année, une maladie appelée pomon’akoho ravage les poules. C’est une maladie mortelle pour elles. Dès lors, aucune famille ne possède de poule, vu que les médicaments pour traiter la maladie sont rares et trop chers pour les gens de la région. Par = 34 =

exemple, en 1999, il y avait une maladie qui a tué plusieurs porcs. Il a fallu attendre une année pour savoir comment traiter cette maladie. Mais le problème reste le même, car les médicaments doivent être achetés et coûtent chers.

= 35 =

CHAPITRE III

LE CONTEXTE SOCIO-CULTUREL

I.- Sur le plan social

1.- Le fihavanana

On peut dire tout que les habitants d’Ambatoharanana I s’entendent naturellement dans la vie quotidienne. Ils solidifient et fortifient le sens pratique du fihavanana . Tout d’abord, le mot fihavanana signifie l’amitié, comme modèle d’organisation sociale chez les Betsimisaraka. Pour eux, les havana ne sont pas constitués uniquement par le père, la mère et les enfants, mais de tous ceux qui ont un lien de parenté jusqu’à la neuvième génération. Mais à partir de la neuvième génération, les gens ont le droit de se marier entre eux. C’est à ce niveau que la notion de havana semble disparaître.

« Ainsi se disent mpihavana , tous ceux qui on un ancêtre commun. Ils sont liés par un lien qu’ils ne peuvent pas briser, un lien inaliénable, un lien qu’ils n’ont pas choisi, car il s’agit de l’ordre naturel, du destin »1.

Le peuple malagasy, et particulièrement les Betsimisaraka de la commune rurale d’Ambatoharanana I, respecte la relation sociale, l’unité

1 Guy Dauvic Andriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. (Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord) , p. 36. = 36 =

sociale et l’amitié, malgré les diversités régionales et provinciales. Les Malagasy sont très célèbres pour le respect du fihavanana . C’est la raison pour laquelle un auteur écrit : « Pour nous, Malgaches, ce qui donne sa coloration à notre civilisation, son accent à notre philosophie, est essentiellement social. Il est un terme intraduisible en français mais dont le sens évoquerait pour tout humain l’impérieuse obligation morale de considérer de quelque origine qu’il soit, comme son parent ( havana ) »1.

De plus ils montrent cela à travers les activités socioculturelles qui différencient les uns des autres.

De ce fait, « L’unité des mpihavana ne s’arrête pas seulement au niveau du sang, mais se concrétise et se manifeste dans l’ensemble de leur vie quotidienne. C’est pourquoi aussi, les ancêtres malagasys disaient : « Aleo very tsikakakalam-bola toy izay very tsikalakalam-pihavanana ». Cela veut dire : « Mieux vaut perdre une pacotille d’argent que de perdre une pacotille du lien du fihavanana »2.

C’est la raison pour laquelle les habitants d’Ambatoharanana I sont très exigeants quant à la protection de la liaison comme le fihavanana . En plus, pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, les liens de parenté tiennent une place privilégiée dans la vie. La vie s’exerce comme la recherche du bien-être. Ainsi, on doit s’unir sur tous les plans : bons ou mauvais, heureux ou malheureux.

De plus, ce n’est pas le membre de la famille seulement qui est havana pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, mais un ami l’est aussi. On peut se faire confiance l’un et l’autre. On le considère comme un frère. Il est reconnu par toute la famille. Il y a ceux qui, pour bien consolider cette amitié, font le fati-dra (serment par la fraternité de sang). (On incise le bout du doigt et on se goûte réciproquement le sang l’un de

1 J. Rabemananjary, in Annales de la propagation de la foi , n° 100, 2 ème trimestre, avril 1963. 2 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : le sens du fihavanana , p. 15. = 37 =

l’autre). De ce fait, on jure qu’on va se respecter et s’aimer comme des frères ou sœurs, parce qu’on est du même sang. On interdit aux descendants de s’épouser en les maudissant, en cas de transgression de cette interdiction.

2.- La solidarité

Chacune des ethnies de Madagascar a ses coutumes traditionnelles spécifiques. Par exemple, celles des Antandroy diffèrent de celles des Sakalava. Prenons le cas des Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. Réalisant à la lettre leur nom de Betsimisaraka (ceux qui ne se séparent jamais), ils sont toujours ensemble dans la joie et dans la tristesse. Un proverbe illustre bien cela : « Raha faly, miara-paly, raha ory miaraka ory » (Heureux ensemble, tristes ensemble).

De même, dans la société, les hommes s’unissent comme une seule grande famille pour former une vraie solidarité. De leur côté, les femmes et les jeunes aussi se rapprochent les uns des autres. « Firaisan- kina no hery » (L’union fait la force), disaient les ancêtres malagasy. Ainsi, la vie sociale des gens d’Ambatoharanana I se présente comme une vie communautaire et d’union. Cela montre que la solidarité prend une place importante et nous n’avons pas le droit de vivre seul, car nous avons toujours besoin des autres. Le proverbe le plus significatif est, à notre avis, le suivant : « Tondro tokana tsy mahazo hao » (Il est impossible d’attraper un pou avec un seul doigt). A propos de ces deux proverbes, on peut dire qu’il est impossible de réussir seul dans la vie, car on a besoin de l’autre. Un seul doit ne peut pas attraper un pou.

De plus, le travail en commun ( valin-tanana ) et l’entraide marquent la solidarité dans la société betsimisaraka du Nord. Dans cette société, on a le chef du groupe, ou chef du village et le tangalamena qui jouent des rôles très importants. Ils sont responsables de tous les événements qui surviennent. Par exemple, le tangalamena transmet la parole des familles au cours de certaines cérémonies rituelles. Tandis que dans un foyer ( tokantrano ), le père et la mère sont les chefs de la famille. Ils ont la responsabilité de l’éducation de leurs enfants. = 38 =

L’entraide entre les membres de la population d’Ambatoharanana I se présente surtout sur le plan du travail. Par exemple le tamby rô , étymologiquement, le mot tamby vient du verbe mitamby ou mitambitamby qui veut dire demander. Le rô veut dire bouillon. Dans le travail tamby rô , le tompon’asa (propriétaire du travail) doit fournir le bouillon comme le zébu, le coq…, tandis que les travailleurs apportent le riz cuit correspondant à leurs besoins. Et tout le monde mange ensemble, mais quand le travail est fini et que la nuit survient, le tompon’asa donne de la viande ou le ambiny (morceaux restants) aux travailleurs. Cela tient lieu de salaire.

Mais de nos jours, on rencontre rarement un homme ou une famille pratiquer le tamby rô , parce que le plus souvent, le bouillon commun devrait être un zébu ; nous savons qu’actuellement le zébu coûte très cher. De ce fait, les gens préfèrent de loin payer les travailleurs en argent liquide. Dans le tamby rô , on demande la participation de tout le monde, jusqu’aux villages environnants.

En plus, il y a aussi ce qu’on appelle le findramana (le fait d’emprunter). Le mot findramana est un mot qui vient du verbe mindrana (emprunter). Cela veut dire demander un coup de mains. Si l’on a un travail à faire, on demande aux gens de donner un coup de mains. Mais après, le propriétaire ( tompon’asa ) est obligé de donner ce qu’on appelle le valin-tanana (le retour du coup de mains). A ce propos, Claude Lévi- Strauss écrit : « La réalité sociale apparaît comme un système entre les parties duquel on peut découvrir des connexions, des équivalences et de la solidarité »1.

Il y a aussi ce qu’on appelle chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana, le farimbona (entraide dans un travail collectif) que les Betsimisaraka du Nord appellent fandriaka . Par exemple, un groupe de 10 personnes travaillent ensemble ce jour pour une personne. Le lendemain, les mêmes 10 personnes travaillent ensemble mais pour le compte d’une autre personne du groupe. Et il en est ainsi jusqu’à ce que chacune de ces

1 Claude Lévi-Strauss, L’anthropologie , p. 17. = 39 =

10 personnes ait reçu son tour de travail du groupe des dix personnes. Tout cela nous montre que la solidarité prend une place importante chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. S’agissant également du lampona , c’est aussi un travail au cours duquel on sert un bouillon commun et du betsabetsa (jus de canne à sucre fermenté). Il est cependant interdit d’apporter la viande ou le riz chez soi à la maison.

De ce fait, disons en peu de mots que dans le malheur comme dans la joie ( tsaboraha , mariage), le peuple d’Ambatoharanana I s’entraide beaucoup.

II.- Sur le plan culturel

1.- Le mariage traditionnel

Actuellement, il y a plusieurs sortes de mariages : le mariage civil et le mariage à l’église qui sont des phénomènes inhérents à la modernité. Le mariage traditionnel, en revanche, semble toujours prépondérant et beaucoup de gens l’apprécient encore. Pour cela, le mariage est l’union légale de l’homme et de la femme.

Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le mariage est la communauté de deux amants pour fonder une famille, pour avoir des enfants, parce que les enfants sont une marque de prestige des parents devant la société. En plus, le mariage est une grande coutume dans la vie de tout individu. C’est aussi un moyen utilisé par les Malagasy pour développer le fihavanana , c’est-à-dire, l’amitié. Le mariage est aussi le rapport d’un homme avec une femme, dans lequel les deux doivent vivre ensemble pour la vie. Un proverbe malagasy dit, en effet : « Lamban’akoho ny fanambadiana, ka faty no isarahana » (traduit librement : les époux doivent vivre ensemble jusqu’à la mort. Voilà donc ce que c’est que le mariage.

Dans la région de Vavatenina, les mois de juillet et d’août sont considérés comme propices et réservés à la réalisation du mariage traditionnel. Il faut dire que ces deux mois sont riches en produits agricoles = 40 =

comme le café. De plus, c’est également la saison de la récolte du riz et les greniers sont pleins. Les gens ont de l’argent pour faire face à ces différentes cérémonies rituelles, car leur pouvoir d’achat est momentanément accru.

Paradoxalement, le mois d’avril est un mois néfaste pour la célébration du mariage traditionnel du fait que, selon la pensée ancestrale, ce mois est dit « volam-posa » (mois du renard). En d’autres termes, ce mois est le symbole d’un animal féroce à l’instar du renard. Ce dernier prend le sens de difficultés surhumaines. Tous les projets que l’on souhaite mettre en œuvre pendant ce mois sont toujours voués à l’échec. De même, si quelqu’un se blesse au cours du mois d’avril, la plaie ne guérit que le mois suivant.

Disons que tous les mois, mis à part le mois d’avril, sont fastes pour la préparation et la célébration du mariage traditionnel, mais cela dépend du jour faste choisi par chacun pour son mariage. Pour les deux amants qui décident de s’unir et pour en savoir davantage, l’oracle peut bien déterminer le jour qui convient au mariage et estimer si leur tonus se relie bien ou non.

Dans la région de Vavatenina, le samedi est le jour faste pour le mariage traditionnel, appelé aussi sintaka , alors que le mardi et le jeudi sont des jours néfastes à ce propos. D’après les croyances, ces jours néfastes apportent le- malheur au mariage et au foyer. Par exemple, si l’on travaille la terre pendant ces deux jours, on n’aura aucune production. C’est la raison pour laquelle les gens de Vavatenina prohibent toutes les activités, même les fêtes, le mardi et le jeudi. C’est également la raison pour laquelle le mariage traditionnel ne peut pas être célébré durant ces deux jours.

Nous savons tous que la pierre est une masse solide que ni l’eau ni le feu ne détruit. On la compare à la valeur du fondement du mariage qu’on appelle orimbato (littéralement, la fondation en pierre). C’est dans l’ orimbato que l’on peut trouver le diafotaka qui est, en quelque sorte la pierre angulaire du mariage et le grappin du foyer. Selon la coutume des Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, c’est le mari qui donne le diafotaka ou = 41 =

vodiondry aux parents de la jeune femme. Si l’on analyse bien, ce rite nous semble normal, parce que le jeune homme va s’occuper de la jeune fille et de tout ce qui est nécessaire au nouveau foyer. L’homme est remarquable par sa vigueur, tandis que la femme est considérée comme fanaka malemy (outil vulnérable).

Le diafotaka offert par la famille du jeune homme fait honneur à la famille de la jeune conjointe, malgré son aspect quelque peu mercantile. D’habitude dans le diafotaka , le jeune homme qui prend la fille en mariage est toujours averti d’avance sur ce que pouvait être ses engagements et ses devoirs. Par contre, la jeune fille est plutôt ménagée. C’est la raison pour laquelle, la partie de la jeune fille se presse de la livrer en mariage pour avoir un gendre.

Par ailleurs, il faut dire que le mariage civil ne tient aucunement compte du diafotaka ou du vodiondry , alors que le mariage traditionnel apprécie bien cette formalité. Le diafotaka renforçait la richesse des anciens, soit en zébus, soit en argent, soit en champ de cultures. Il prenait alors un peu le sens d’un échange ou mieux, d’un contrat. Si par exemple, la jeune femme arrive à rester chez son mari pendant une année entière, on ne rend plus le diafotaka .

En cas de divorce, souvent la jeune fille est toujours responsable ou victime de ce qui se passe au foyer. Le cas de la femme stérile par exemple. C’est un problème crucial pour les Malagasy et en particulier pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana II, qui valorisent les coutumes ancestrales. La séparation est inévitable dans ce cas, parce que les familles ou les habitants du village pourront bien mépriser la jeune victime. Si le mariage a été validé par l’Etat, c’est ce dernier qui résout la validation de la séparation. En dehors de cela, la séparation est illégale et peut être pénalisée. C’est sans doute la raison pour laquelle un proverbe betsimisaraka affirme : « Ny anambadian-kiterahana » (On se marie pour avoir des enfants).

= 42 =

2.- L’inceste

L’inceste, par définition, est l’union illicite entre parents à un degré pour lequel le mariage est interdit. Les Betsimisaraka croient profondément aux châtiments qu’on pourrait encourir à cause de l’inceste. Le mariage incestueux est donc, en quelque sorte, un mariage endogamique, c’est-à-dire un mariage contracté entre des collatéraux, entre les enfants de deux sœurs ou de deux frères ou avec des parents avérés ou classificatoires en ligne paternelle ou maternelle. Ce genre de mariage est prohibé. On évite non seulement de contracter un mariage, mais également d’avoir des rapports sexuels. Cependant, au-delà de la neuvième génération, en vertu de la fameuse coutume dite « lô ambora »1, l’endogamie n’est plus un inceste. Pour les autres unions, c’est-à-dire avant le 9 e petit-fils, le mariage est possible à condition que l’un des conjoints soit de la 3 e ou 4 e génération, et l’autre de la 4 e et 5 e génération. Et pour que le mariage illicite soit autorisé, les deux côtés de la famille offrent chacun un zébu aux ancêtres des deux côtés.

Par sanction, les couples incestueux n’ont pas le droit d’être ensevelis dans le tombeau familial ou ancestral. Chez les Betsimisaraka, un mariage ne peut être réalisé tant que l’arbre généalogique n’est pas scrupuleusement examiné. Au-dessus du 4 e zafy , la coutume n’autorise aucune union. Ceux qui manquent à cette règle doivent se purifier en offrant un sacrifice de zébu aux ancêtres des deux côtés et rompre leur

1 Lô ambôra : traduction littérale : lô signifie pourri et ambôra est le nom d’un arbre (Tambourina ). L’arbre ambôra pousse assez abondamment dans la forêt de la côte orientale malagasy. C’est un bois semi-précieux dont la fibre ressemble à celle de l’acacia. Le cœur ( teza ) est très apprécié pour la fabrication de cercueils. Il est facile à travailler quand il est vert, mais une fois sec, il a la réputation d’être dur et de se conserver très longtemps. L’expression « lô ambôra » est donc une manière de compter le temps chez les Betsimisaraka. Il correspond environ au temps de la 9 e génération ou degré de parenté ( sivy zafy ). Dans la pensée betsimisaraka, la disparition physique du cercueil de l’ancêtre commun des futurs conjoints, symbolise également la disparition de la parenté. Sur le lô ambôra , on peut se référer également à La poule de Dieu de Eugène Régis Mangalaza, I- « La prohibition de l’inceste, moyen de renforcer le fihavanaña » du chapitre III intitulé : « Le fihavanaña comme modèle d’organisation sociale », de la première partie intitulée : « Le pays betsimisaraka ».

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union sous peine d’interdiction de séjour au village, ou pire encore, d’expulsion du tombeau des ancêtres.

Un autre procédé pour se laver de l’inceste consiste à donner à boire à un poulet un breuvage contre l’inceste, parce que le poulet, dit-on, est un animal qui ne commet et ne meurt jamais d’inceste. Après avoir bu le breuvage, le poulet donne des coups de griffes, si la personne n’a pas tout avoué. Il faut préciser que certaines personnes continuent quand même à mener leur vie commune, même si leur union a été déclarée rompue, car elles estiment être déjà délivrées de leur lien de parenté et être en paix avec les ancêtres. D’où le proverbe plein d’ironie adressé à l’encontre des conjoints qui persistent dans leur union après le sacrifice aux ancêtres : « Aomby nañalan-döza, raha maty foaña » (Un bœuf sacrifié pour leur inceste, il est mort pour rien)1.

De la 5 e à la 9 e génération, il n’y a presque plus d’inceste : les parents des deux époux s’entendent seulement pour donner leur bénédiction, accompagnée d’une prière aux ancêtres, mais il n’y a pas de cérémonie de sacrifice, ni de zébu, ni de poulet comme nous l’avons vu précédemment. Il suffit tout simplement de payer une certaine somme d’argent, accompagnée de quelques kilos de sucre. Cela symbolise la fortification du fihavanana qui n’a pas été déchiré par l’inceste.

D’après les enquêtes effectuées à Ambatoharanana I et aux alentours, cependant, il faut noter que même si l’on est disposé à user de la possibilité d’union à l’intérieur du clan, à partir de la 5 e génération, les mariages restent toujours interdits, surtout si la génération de l’un des partenaires tombe sur les chiffres 7 et 8, des chiffres considérés comme maléfiques. Mais à partir de la 9 e génération, il n’y a plus d’interdit. C’est ce qu’on appelle « lô ambôra ».

Pour clore ce chapitre, disons que la société moderne ne connaît que deux sortes d’union : le concubinage et le mariage, alors que la société traditionnelle distingue plusieurs sortes d’unions intermédiaires. Ce qui

1 Ignace Rakoto, in Cahiers d’histoire juridique et politique , p. 68. = 44 =

permet de mieux connaître les divers cas et de porter ainsi une analyse plus adéquate.

Parent Parent Mariage Remarques

3e zafy 4e Interdiction Rupture du mariage après absolue levée de l’inceste.

4e 4e Interdit Même chiffre des 2 côtés

5e 6e Permis A cause des 5 e et 6 e zafy

6e 6e Interdit Même chiffre des 2 côtés

5e 7e Interdit Chiffres 7 et 8 maléfiques 6e 8e Interdit

5e 9e Permis 9e zafy : « lô ambôra »

Source : Informateur : M. Fulgence Fanony.

III.- Le fahan-jaza (le fait de mettre de la nourriture dans la bouche de ses enfants)

Le fahan-jaza est un rituel spécifiquement betsimisaraka. Il est pratiqué par les gens d’Ambatoharanana I sous la forme d’un rite traditionnel. Le fahan-jaza est une fête consistant pour les parents à donner à manger à leurs enfants quand le nombre de ces derniers a atteint le nombre quatorze. Ainsi, un couple qui a eu la chance d’avoir 14 enfants doit pratiquer ce rite, si ses moyens financiers le lui permettent. Ainsi, ce rite n’a pas un caractère strictement obligatoire, mais dépend du pouvoir d’achat du couple concerné.

Mais force est de constater que dans cette région, il y a des couples qui ont jusqu’à 14 enfants et plus. Pour pratiquer le rituel, le couple invite ses proches pour partager ce bon moment. Il sert alors un repas, au cours duquel, le couple donne à manger à ses enfants en

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commençant par le faralahy (le dernier-né) ou la faravavy (la dernière- née), pour finir avec le talañoloña . Chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le nombre 14 est conçu comme un chiffre de bonheur. Le lendemain de la fête, on remarque effectivement que le bonheur règne dans la famille. Voici ce que M. Jérôme Rodera nous a laissé entendre lors de nos enquêtes : « Le rite du fahan-jaza apporte la bénédiction au sein de ceux qui le pratiquent et fait régner un climat de bonheur et de lumière pour l’avenir des enfants »1.

Ces paroles de M. Jérôme Rodera nous permettent de constater que les parents d’Ambatoharanana I préparent bien leurs enfants à la vie en favorisant leur développement dans toutes les mesures de leur potentialité. Aller jusqu’à accepter une pratique d’enfance pour des adultes, sous la forme du fahan-jaza , prouve bien l’existence d’un amour profond des parents pour leurs enfants.

Ce rite, nous semble-t-il, prépare les enfants de la région à de hautes responsabilités dans la vie sociale et encourage également la tolérance et l’amitié entre les gens. Un an après le rite, il y a le valy fahana , au cours duquel ce sont les 14 enfants présents, qui à leur tour, donnent à manger à leurs deux parents également présents, car en cas de décès, la famille n’organise pas de valy fahana . Ce rite témoigne donc de la réalisation de la bénédiction des ancêtres.

1 Jérôme Rodera, un ray aman-dreny de la région d’Ambatoharanana I. C’est nous qui avons traduit. = 46 =

DEUXIEME PARTIE

DESCRIPTION DETAILLEE ET PRECISE DE LA CEREMONIE

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CHAPITRE I

LES CAUSES DU PARTAGE DES BIENS

I.- Définition du rasahariaña

Dans le présent chapitre, nous allons essayer de voir avec Fulgence Fanony ce qu’on entend vraiment par « partage des biens ». « C’est le fait de partager avec le défunt les biens qu’il a accumulés lors de la vie, de la part de sa famille vivante »1.

Cette définition de Fanony nous renvoie à l’étude étymologique de ce terme connu en malagasy sous le nom de rasahariaña . Ce dernier vient de rasa qui signifie partage et de hariaña qui veut dire biens matériels. Et Fanony d’ajouter : « Le mort n’est pas oublié, un absent, mais bien présent, envers qui, on a des devoirs d’amour. Ce sacrifice guidé par l’amour, l’est aussi et surtout par la fidélité à une coutume ancestrale et par la crainte »2.

En ce sens, le partage des biens est la restauration de l’honneur du défunt. Le défunt qui a quitté la société des vivants, adhère à la société des morts. Le partage des biens chez les Betsimisaraka marque la supériorité du défunt, parce que, selon eux, la société des vivants est

1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 265. 2 Ibidem . = 48 =

inférieure à celle des ancêtres. Mais la confiance entre ces deux sociétés est très profonde, malgré la distinction qui existe entre elles.

Par ailleurs, le partage des biens est comme une demande d’aide adressée aux ancêtres et à Dieu. Ainsi, le lignage du défunt a des devoirs envers les ancêtres. Ce sont plutôt des obligations et non pas simplement du plaisir. Parfois, le partage des biens est dit involontaire, car tous les membres du lignage du défunt ne sont pas indépendants, mais dépendent de la force divine et de la force des ancêtres. Par exemple, au cours du sacrifice, les vivants demandent une aide en biens matériels et en santé aux ancêtres et à Dieu.

Enfin, le rasahariaña est la dernière façon de prouver l’amour et la cohésion qui existent entre le défunt et les vivants, et de donner l’honneur aux ancêtres et à Dieu ( Zañahary ), car dans l’inhumation, l’homme vit l’expérience douloureuse de la rupture qui l’oblige à couper la relation physique avec le mort.

Certes, la pratique du partage des biens matériels chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I est un devoir envers les ancêtres pour les vivants. A ce propos, Mangalaza dit justement : « Il y a un devoir des vivants envers les morts. Cette obligation d’accomplir le rasahariaña relève du numineux. Parce que la vie est ce qu’il y a de plus sacré, le fait de s’occuper des restes mortels de ceux qui vous ont transmis la vie, de ceux qui véhiculent avec vous le même flux vital, un devoir sacré »1.

Par contre, ce ne sont pas les vivants seulement qui ont des devoirs envers les morts, mais ceux-ci ont aussi des devoirs envers les vivants. Dans ce cas, les ancêtres sont les intermédiaires entre les vivants et Dieu. Ainsi, les ancêtres assurent le trait d’union entre le monde divin et le monde des hommes. Ils jouent le rôle de relais de transmission pour toute communication avec Dieu.

1 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : le sens du famadihana , p. 53. = 49 =

En effet, les vivants ne peuvent pas entrer en rapport direct avec Dieu. Mais ceci ne se produit que dans le cas exceptionnel, comme au moment des cérémonies rituelles où l’officiant ( mpijoro ) invoque directement Dieu en personne. L’invocation du gardien du tombeau familial lors du partage des biens est très explicite sur ce point. Comme disent les Betsimisaraka : « Zañahary a d’autres occupations que d’être à tout moment avec les humains » ( mifanosinosy amin’olombelona ) »1.

Ensuite, dans ce rite, les ancêtres ont une double fonction. Dans le monde des vivants, ils représentent Dieu, et dans le monde divin, ils transmettent les paroles des vivants, lors du sacrifice. Comme le dit justement un proverbe betsimisaraka : « Karaha tañan’akanjo : sady mahazo havia no mahazo havanana »2 (Les razaña sont comme les manches d’une chemise, en tant qu’êtres ayant passé quand même par l’expérience de la mort, ils relèvent du monde des vivants).

En privilégiant cet adage, nous constatons que les ancêtres bénéficient d’une attention particulière de la part des vivants. C’est parce qu’ils sont censés aider les vivants qu’ils deviennent objet d’un culte. C’est ainsi que les morts appartiennent au monde divin, qu’ils peuvent capter et distribuer les forces transcendantes nécessaires à la meilleure organisation de la vie.

Mais malgré la puissance des ancêtres qui sont les intermédiaires entre les vivants et Dieu, cette puissance est limitée devant celle de Dieu, c’est-à-dire que cette puissance des ancêtres ne dépasse pas celle de Dieu. C’est à ce propos que Descartes dit : « Dieu est le seul garant de toutes choses ». Ainsi, Dieu est le seul maître de la vie. Cela veut dire que c’est lui, par sa bonté, qui nous fait don de la vie et du souffle vital. Et c’est lui seul qui a le droit de nous retirer ce souffle vital.

1 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : le sens du famadihana , p. 53. 2 Ibidem . = 50 =

Nous savons bien qu’il y a une relation très étroite entre Dieu et les hommes. Cette relation agit à partir d’un acte réel des hommes. En effet, les Malagasy conçoivent tout ce qui existe comme faisant partie d’une grande et unique société, où il y a certes une hiérarchie, où, tout en étant transcendant, Dieu est en relation avec les hommes, soit par l’intermédiaire des ancêtres, soit par le simple fait que c’est lui qui donne la vie et en dispose comme il l’entend.

Il est vrai que Dieu est trop loin et trop haut pour qu’il soit aussi présent dans l’esprit comme les ancêtres ou les êtres supraterrestres. Justement, un proverbe betsimisaraka dit : « A monter jusqu’à lui, on aurait le vertige ».

De plus, comme les ancêtres sont vraiment les médiateurs ou les intermédiaires entre les deux communautés (les vivants et les morts), on constate qu’il y a une relation réciproque entre les vivants et les morts. En ce sens, la société des vivants et la société des ancêtres sont plus communautaires. Cela veut dire qu’elles sont plutôt inséparables.

Mais parfois, l’une obtient du tsiny de l’autre, si l’une ou l’autre de ces sociétés n’accomplit pas son devoir. Par exemple, si les vivants n’offrent pas leur part de richesses au défunt, ils obtiennent alors du tsiny venant des ancêtres. Dans cette condition, nous avons appris que les ancêtres ont besoin des vivants pour perpétuer leur souvenir, pour manifester leur force. Les vivants ont également besoin des morts pour les éclairer dans l’organisation de leur existence terrestre.

La communauté des vivants dépend donc toujours de la communauté ancestrale pour leur adresser des prières au cours des sacrifices. La cérémonie rituelle apporte une harmonie qui est le fondement de l’ordre social dans une société. Cela veut dire que les Betsimisaraka croient aux forces et aux pouvoirs des ancêtres. Nous allons approfondir cette croyance aux forces des ancêtres chez les Betsimisaraka.

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II.- La croyance aux forces des ancêtres

Comme tous les Malagasy qui donnent de l’importance à l’existence de la vie au-delà de la mort, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I prennent soin de leurs ancêtres. En plus, d’après la pensée malagasy, c’est après avoir donné la part de richesse que le défunt trouve sa place dans la vie éternelle et qu’il devient Razana mitahy (ancêtre bénéfique).

Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I : « Les ancêtres sont perçus comme des semi-dieux, plus proches des vivants que le fondateur de l’Univers, Andriananahary , le seigneur des ancêtres. D’où une célébration et un respect inconditionnels. Ils imprègnent le quotidien des vivants et régissent leur vie »1.

Pour cela, la croyance aux forces des ancêtres pousse aussi les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I à s’occuper d’eux, car la philosophie malagasy pense qu’en dehors de cette vie terrestre, il y aura une autre vie qu’on appelle « fiainana any ankoatra 2 » (la vie dans l’au-delà) et que là- bas, les mort ont leur société qui est différente de la nôtre.

Concernant cette vie de l’au-delà des Malagasy, si nous restons oisifs vis-à-vis des ancêtres, ces derniers, même s’ils ont des pouvoirs, n’aideront pas les vivants. A ce propos, voici ce que dit Auzias : « Au-delà du monde tangible et concret que l’homme peut rationaliser, le Malgache imagine et reconnaît l’existence d’un autre monde, non perceptible aux sens normaux. Ce monde, avec ses lois, ses volontés et ses intentions particulières qu’il lui faut neutraliser, exerce sur lui à la fois peur et fascination. Ainsi apparaissent des rites qui domestiquent cet Univers obscur avec lequel certains ont le pouvoir d’entrer en contact »3.

Tout cela montre donc que les ancêtres prennent une place importante dans la vie du Malagasy. Ce dernier pense que les ancêtres

1 Auzias Labourdette, Le petit futé Madagascar , p. 75. 2 Selon la conception chrétienne. 3 Auzias Labourdette, Le petit futé Madagascar , p. 76. = 52 =

aident les vivants. Le défunt aurait donc honte de ne jamais pouvoir inviter ses amis à participer à la fête qui lui est réservée. Comme il n’a plus la même manière de penser que nous, il peut se mettre en colère contre ses descendants et ceux-ci peuvent avoir des problèmes. C’est ce que les Betsimisaraka d’Ambatoharahana I appellent « alahelon-drazana » (la colère des ancêtres).

Les Betsimisaraka d’Ambatoharahana I croient qu’après le partage des biens matériels, les ancêtres aident les vivants. Mais avant l’accomplissement du rite, ils n’aident ni les vivants, ni leurs famille. Soulignons cependant que le partage des biens pour un ancêtre se fait une fois seulement et que, par ailleurs, les tout jeunes enfants et les défunts âgés de moins de 18 ans ne deviendront jamais des ancêtres, parce qu’ils ne sont que des enfants et n’ont pas encore de pouvoir pour aider les vivants. Et comme ils ne sont pas des ancêtres et ne le seront jamais, il est interdit de leur organiser un rite de partage des biens. En quelques mots, disons que le partage des biens se fait pour ceux qui sont morts à partir de 18 ans. Auzias dit justement : « La mort n’est pas généralement perçue comme une fin (sauf pour les athées, et il y en a à Madagascar), mais plutôt comme une transition vers quelque chose d’autre qui n’est pas toujours défini, ni imaginé. Les ancêtres peuvent aider les vivants, leur rendre la vie plus facile et plus belle. Leur efficacité est admise par tous… souvent bien plus que les prières faites au Dieu des religions importées »1.

C’est pourquoi, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I pratiquent le partage des biens, car ce dernier est un moyen pour demander la bénédiction aux ancêtres ( fangahoan-tso-drano ). Ils pensent qu’après la cérémonie, tout ira bien, la famille deviendra heureuse, et il n’y aura plus de dette envers les ancêtres. A cet effet, Auzias affirme : « La mort, pour la religion traditionnelle malgache, marque le passage du rang d’être humain au haut rang d’ancêtre ( Razana ). Ce dernier dominera d’un autre monde les

1 Auzias Labourdette, Le petit futé Madagascar , p. 75. = 53 =

générations nouvelles qui le craindront et l’honoreront à leur tour »1.

III.- La colère des ancêtres

Si une famille ne fait pas le partage des biens pour les ancêtres, ces derniers sont tristes et se mettent en colère, laquelle se manifeste par la négativité : les maladies, les différents échecs dans la vie. Nos réflexions faites à partir des enquêtes dans la région d’Ambatoharanana I ont cependant abouti à la constatation suivante : « Les Malgaches croient tout en ne croyant pas ». Cette affirmation apporte, nous semble-t-il, un éclairage assez juste sur la mentalité et le caractère des Betsimisaraka de la commune rurale d’Ambatoharanana I.

D’après la croyance des Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le partage des biens est source de réussite dans la vie. Pour avoir tout ce que l’on désire, on est obligé de faire la cérémonie, parce que le jour de la cérémonie, les ancêtres viennent et donnent la bénédiction à la famille organisatrice. La bénédiction est la marque de la reconnaissance de la part des ancêtres. Voici, à ce propos ce que nous dit Vincent Verra : « Le retournement des ancêtres que nous continuons maintenant et depuis des siècles, nous le faisons pour demander leur bénédiction, car les os sont dans le tombeau, mais l’esprit reste vivant. Donc, nous demandons la bénédiction à l’esprit vivant. Il y aura des gens vivants qui rêvent des morts. Les morts leur disent : « Nous avons froid ». Cela signifie qu’ils veulent un nouveau « lamba »2.

De ce fait, le partage des biens ne se limite pas seulement au zébu qu’on tue, mais la famille donne aussi des lamba (vêtements) aux ancêtres : père, grand-père… Auparavant, le ati-damba (offrande de vêtements) se fait le même jour que le partage des biens. Mais aujourd’hui, cela se pratique une semaine avant le partage des biens.

1 Vincent Verra, Madagascar le guide , p. 43. 2 Ibidem , p. 44. = 54 =

En plus, le culte des ancêtres est une célébration de la « science de la vie », car les défunts sont porteurs de pouvoirs et sont défenseurs de la vie sur terre, matérielle autant que spirituelle. Chaque ancêtre garde son individualité et ses attaches familiales. Son pouvoir est révélé à travers les « ordres sacrés » qui dictent l’organisation politique, culturelle, médicale de la famille ou de la communauté. La croyance considère que certains sinistres, tels que les accidents, les maladies, sont les conséquences d’un manquement au culte des ancêtres. C’est une justice infligée par ceux-ci pour avoir violé un fady (tabou), par exemple. Tout cela montre donc que le culte des ancêtres est nécessaire et très important chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I

= 55 =

CHAPITRE II

LES ETAPES PREPARATOIRES AVANT LA CEREMONIE DU PARTAGE DES BIENS

I.- Les discussions familiales à propos de cette cérémonie

Comme aucun mortel n’est parfait, on oublie souvent que le moment de donner au défunt sa part de biens qu’il a laissés est arrivé. Mais c’est après avoir passé des moments pénibles (maladies graves, mort ou toutes sortes d’échecs) que le sojabe (le doyen du lignage) est conscient que quelque chose ne va pas bien. Parfois, les ancêtres lui parlent par l’intermédiaire d’un rêve pendant la nuit. De ce fait, le plus âgé du lignage va consulter le mpanandro pour lui demander ce qu’on doit faire, « puisque le devin est quelquefois astrologue en même temps, il est capable de lui conseiller ce qu’il doit faire, car ce sont « les vintana qui déterminent les moments favorables à toute entreprise »1.

Pendant la séance de consultation, le mpanandro interpelle les ancêtres par le sikidy pour demander leur opinion face à la misère qui frappe leurs descendants. Les ancêtres lui expliquent alors tout ce qu’ils doivent faire.

Après avoir connu la cause de tout ce qui s’est passé dans la famille, et puisque les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I mettent en tête

1 Jacques-Yves Cousteau, François Sarano, L’île des esprits, Madagascar , p. 71. = 56 =

le fihavanana et le firaisan-kina , tous les membres du lignage se réunissent pour pouvoir bien discuter tout ce qui concerne cette fête, notamment la date et les dépenses.

Toute cérémonie betsimisaraka est précédée d’une discussion, pour préciser la date, le jour et le mois. Cette discussion peut être longue, car tout individu présent a droit à la parole et doit donner son assentiment. Cette discussion demande alors beaucoup de temps, puisque chacun développe et défend son point de vue.

Voici justement ce que dit Mangalaza à ce propos : « Les sojabe (les anciens du groupe) se concertent pour convenir d’une date. Parfois, il y a friction, parce que celui-ci estime que les charges sont mal réparties. Celui-là pense plutôt qu’on n’a pas à inviter telle famille. Mais on finit toujours par s’entendre. Un des sojabe résume alors tout le débat et annonce la décision finale »1.

Quand cette discussion est terminée par la décision finale du chef de groupe, le jour, la date et le mois sont précisés, on distribue les charges : le riz, l’argent et les boissons. Parfois, cette division des charges est égale, mais le niveau de vie de chaque famille est toujours différent. Dans ce cas, ces charges ne sont pas lourdes, parce qu’il y a une interdépendance entre les famille. Tout cela pour manifester la solidarité. En ce sens, chaque individu est libre de donner son opinion. Cela veut qu’il n’y a plus de distinction, ni de discrimination chez les Betsimisaraka au moment de l’organisation de la cérémonie. Toutefois, il faut souligner que parfois, certaines idées font l’objet de discussion. Mais toujours est-il que le dernier mot revient à la majorité. Lorsque tout le monde a participé à cette conversation familiale, et que la décision n’est pas encore prise, on attribue la parole au zokiolona (chef de lignage) pour l’honorer, et on est sûr qu’il va prendre la bonne décision en analysant toutes les idées émises. Face à l’honneur qu’on lui a donné, il ne va pas pratiquer la dictature, mais il va essayer de trouver des solutions pour éviter les murmures, les mécontentements.

1 Eugène-Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : sens du famadihana , p. 52. = 57 =

II.- Les invitations et la répartition des tâches

Avant de distibuer les invitations pour la cérémonie, la famille organise une réunion spéciale appelée toro jery . C’est un moment au cours duquel on annonce à tout le monde, ou plus précisément aux membres de la famille, que la décision du partage des biens a été prise et pour permettre de distribuer les tâches.

La famille se réunit donc une nouvelle fois pour examiner la réalisation effective de la cérémonie. Un chef de groupe est placé à la tête de chacune des différentes tâches. Il joue le rôle d’intermédiaire entre les invités et la famille organisatrice. A cet effet, il y a deux sortes de réunions. La première consiste uniquement à sélectionner les meilleures propositions venant des membres de la famille. Cette réunion est présidée par le sojabe . Tous les membres de la famille comptent sur lui. Lors de la deuxième réunion, le sojabe va mettre seulement en exergue les multiples propositions et rappeler à nouveau les attributions de chacun.

Par ailleurs, une fois la mission au sein de la famille accomplie, le sojabe ordonne à ceux qui en sont capables de passer le message aux membres de la famille qui habitent hors de la région. Cela doit être fait dans un délai de deux semaines à un mois. Pour le cas de ceux qui sont en dehors du territoire national, mais qui font partie de la famille, le sojabe se charge de la communication, quelle que soit la forme que cela peut prendre. A l’heure actuelle, grâce au système d’information, les messages sont rapidement transmis. Nous pensons tout particulièrement ici à l’Internet.

Il faut dire que les familles qui viennent de loin apportent toujours des biens en fonction de leurs moyens, afin de contribuer et d’honorer leur part dans la cérémonie. C’est l’occasion pour les ancêtres d’accorder la bénédiction et pour les vivants d’avoir un moral au beau fixe. Etant donné que c’est un rite traditionnel, chaque famille est censée bien organiser la cérémonie, car cela constitue un événement d’une grande ampleur pour elle. Les moyens d’information et de communication se font

= 58 =

soit à partir d’une lettre d’invitation, soit à partir d’un porte-parole, soit, enfin, à travers d’une visite directe chez la personne concernée.

Ainsi, la préparation de la cérémonie demande beaucoup de temps, parce que cette cérémonie concerne beaucoup de personnes qui doivent être présentes. Comme c’est une fête, le lignage du défunt se procure un bœuf gras, prépare une grande quantité de riz blanc et de boissons.

Tout cela ne constitue pas un gaspillage économique, mais c’est la marque de l’importance de ce rite pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, et pour montrer que cette cérémonie est une grande rencontre souhaitée entre les vivants et les morts.

III.- La cérémonie proprement dite

Le rasahariaña est un rite funéraire qui consiste à montrer que les morts deviennent razaña (ancêtres) : ( môdy razaña , razaña mitahy ).

1.- Le tsimandrimandry (la veillée)

« Le mot tsimandrimandry est formé d’une racine doublée mandrimandry de la racine mandry qui signifie “dormir”, “sommeiller” et du privatif tsi -. Il peut donc être traduit littéralement comme “le fait de ne pas s’appliquer volontairement au sommeil »1.

Pour le partage des biens, il y a des jours néfastes comme le mardi et le jeudi, parce que les ancêtres croyaient que ces jours étaient source de maladies. ( Tsy mahasalama, tsy tombaky ny vinañy ). Mais le mardi et le vendredi sont des jours fastes pour la veillée du partage des biens. En plus, le lundi, le mercredi, le samedi et le dimanche sont des jours fastes pour le partage des biens, parce que ces jours sont une source de biens. Chez les Betsimisaraka, le mardi et le jeudi sont néfastes.

1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 106. = 59 =

Autrefois, élever un enfant né un mardi était interdit. Il fallait obligatoirement le tuer.

Que se passe-t-il alors pendant la veillée ?

Supposons que le samedi est le jour précis de la cérémonie du partage des biens. Deux jours avant ce jour proposé, c’est-à-dire le jeudi, les lignages du défunt doivent être présents pour préparer la veillée et le partage des biens proprement dit. Les invités se présentent normalement un jour à l’avance. A ce moment-là, les jeunes garçons cherchent le bois de chauffe, tandis que les filles préparent les feuilles ( ravina ).

Le vendredi après-midi, la cérémonie commence par le tsimandrimandry . Mais avant cela, à partir de seize heures, les jeunes amènent le bœuf avec des cris et des chants vers le tompon-tsaboraha (l’organisateur du partage des biens). Une fois arrivés, ils ligotent les deux pattes avant et les deux pattes arrière du zébu avec une corde en liane (vahy ) et l’attachent à un poteau.

Les tangalamena du défunt arrivent pour faire le joro ou offrande du bœuf. En effet, après le repas du vendre soir, le gardien du tombeau (mpiambin-jiñy ) ou le tangalamena fait un discours ( rasavolaña ) concernant cette cérémonie. De plus, le gardien remercie le fokonolona (la communauté villageoise) pour sa présence et demande des jeunes l’aide. Il conseille ensuite d’éviter toutes rivalités.

Chez les gens d’Ambatoharanana I, les tangalamena constituent deux groupes : un groupe de deux appartenant au père du défunt, et un autre groupe de deux appartenant à la mère du défunt. C’est le plus âgé du groupe appartenant au père du défunt qui parle le premier. Le groupe venant de la mère du défunt répond au discours. Il faut dire que plusieurs discours ont lieu tout au long de la veillée, car ce sont les tangalamena qui dirigent la fête. A minuit, par exemple, ils ordonnent d’entamer les travaux pour la cuisson du riz.

Signalons que la veillée du partage des biens est différente de la veillée funèbre ainsi que de la veillée des ossements, car lors de ces deux derniers événements, veiller est synonyme de garder ou de surveiller. Ici, = 60 =

« le tsimandrimandry ne consiste plus à surveiller un objet particulier, sinon le zébu, car il faut le visiter, maintes fois, la nuit, pour assurer la garder »1. En d’autres termes, la veillée mortuaire consiste à veiller ou à garder le mort ; la veillée des ossements, pour garder et surveiller les ossements. Mais la veillée du partage des biens, c’est la fête totale. Il n’y a qu’une seule chose à visiter et à garder : le bœuf.

Ainsi, à la veillée du partage des biens, on danse, parce que cette cérémonie est comme une fête. A cette occasion, le lignage du défunt offre des boissons aux hommes qui sont présents. Mais aux alentours de minuit, les jeunes se répartissent en deux groupes : l’un prépare le repas du lendemain, tandis que l’autre continue à prendre part au bal. De toute façon, le travail n’est pas très dur, puisque tout le monde y participe. Pendant le tsimandrimandry , les invités offrent des dons, soit de l’argent (soroñafo ), soit une quantité de riz blanc, soit des boissons.

2.- La marche vers le campement

La marche vers le campement a lieu le jour du partage des biens. C’est au campement qu’on réalise tous les rites de la fête. Cela veut dire que la veillée n’est qu’une étape préparatoire avant le jour de la cérémonie qui est une grande fête.

De ce fait, à partir de cinq heures du matin, le riz est déjà cuit et enveloppé dans des ravina . La quantité de riz est à peu près de trois gobelets par fonosoña (enveloppes), et un fonosana est destiné à deux personnes. De leur côté, les jeunes garçons apportent les aliments cuits au campement. Souvent, à cette occasion, les hommes ont plus de responsabilités que les femmes.

Vers six heures du matin, les garçons amenant le bœuf avec des cris et des chants, se dirigent vers le campement. A ce moment-là, le bœuf est surexcité et devient méchant, à cause des cris des garçons et du fokonolona . Une fois arrivé au campement, on l’attache de nouveau à un pieu et on le laisse tranquille. Les tangalamena se dirigent alors vers le

1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 258. = 61 =

campement où ils doivent préparer beaucoup de choses avant le début de la fête.

A partir de sept ou huit heures, on commence à arriver au campement. Chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le séjour au campement constitue un stade ou une étape dans la réalisation du rite du partage des biens. Le campement est constitué d’une maison sans murs, tout en longueur ou tranolava , sous laquelle prennent place les tangalamena , ainsi que les femmes et les enfants. Le campement dispose de quatre chaises : deux dans le sens de la longueur, et deux dans le sens de la largeur. Les tangalamena s’assoient dans la partie ouest du campement, les femmes mères et leurs enfants à l’est. Il est entendu que tout le monde ne peut pas s’asseoir dans le campement vu sa petitesse par rapport au nombre des invités. Les jeunes s’installent donc autour de l’aire du campement.

3.- L’allumage du feu et l’élection des tangalamena officiants pendant la séance rituelle

Les gens d’Ambatoharanana I ont un rite à suivre avant d’allumer le feu pour faire la cuisson lors du partage des biens. En effet, chaque fois que l’on fait quelque chose, on doit demander la permission des ancêtres. Mais comme ces derniers sont saints, il est interdit de les appeler sans offrandes de toaka gasy . Ces offrandes sont le signe du respect pour les ancêtres malgaches.

Il est interdit de faite le joro avec de la bière ou des boissons gazeuses. De ce fait, le tangalamena du défunt fait l’offrande de toaka gasy , il en jette quelques gouttes dans le fataña (foyer). Ensuite, on allume le feu, et la cuisson commence. Une fois l’offrande au foyer faite, on procède à l’élection des tangalamena qui vont présider la séance du partage des biens. Rappelons ici que chaque fois qu’il y a usage rituel du toaka , il y a toujours un rasavolaña ou un discours.

= 62 =

Il faut dire que chaque famille a son tangalamena élu par les membres de la famille. Souvent, c’est l’homme le plus âgé de la famille qui est élu à ce poste. Toutefois, il doit être sain d’esprit. Ainsi, avant de commencer la fête, les tangalamena choisissent parmi eux ceux qui doivent présider la séance. C’est un peu, mutatis mutandis , comme l’élection du souverain pontife, chez les catholiques romains. Seuls les cardinaux ont le droit d’élire le pape. Seuls les tangalamena participent donc à cette élection.

D’habitude, les tangalamena mpirasavolaña sont déjà sélectionnés : il s’agit des deux tangalamena venant de la mère du défunt et des deux tangalamena venant du père du défunt. Le problème qui se pose ici, c’est le choix du tangalamena qui va répondre aux discours (mpamaly rasavolaña ). En effet, chaque fois qu’il y a partage des biens, presque tous les tangalamena environnants viennent assister à la cérémonie. Pendant l’élection, les tangalamena désignent alors deux personnes, parce que pour les gens d’Ambatoharanana I, le mpamaly rasavolaña doit être composé de deux personnes.

Soulignons qu’avant de commencer l’élection, on fait un petit discours. Après cela, les tangalamena disposent de 15 à 30 minutes pour l’élection. Les noms des élus sont aussitôt proclamés. Nos enquêtes nous ont révélé que l’élection est organisée en vue de faciliter la communication au sein des villageois.

4.- Le défrichement du toby ou zava-toby

Le défrichement du toby est un travail sacré et respecté par les gens d’Ambatoharanana I, parce qu’il est interdit de nettoyer le toby en dehors d’une cérémonie de partage des biens. En d’autres termes, quand il y a défrichement du toby , il y a toujours sacrifice de zébu ou vono aomby . S’il n’y a pas de vono aomby , le toby reste en friche. A ce propos, Guy Dauvic Randriamalanto dit : « Le toby est un espace à étendue moyenne pouvant recevoir des centaines de personnes. Cette étendue a un usage spécifique : elle est uniquement le lieu des sacrifices = 63 =

ancestraux. Par conséquent, on n’y touche à rien, on ne la défriche même pas, sauf si un sacrifice doit avoir lieu »1.

Le défrichement du toby doit être effectué le jour du rasahariaña proprement dit. Cela veut dire qu’avant de commencer la cérémonie, les hommes défrichent le toby avec des boriziny (couteaux à long manche). Mais, avant de commencer, il y a le fomba à suivre comme dans le discours, c’est-à-dire l’utilisation du toaka gasy . Nos enquêtes nous ont révélé qu’autrefois le défrichement du toby se faisait un jour avant le sacrifice. Chez les Betsimisaraka de Maroantsetra, ce défrichement se fait la veille du partage des biens, mais de nos jours, ce défrichement se fait le même jour que la cérémonie. Il y a donc là une certaine différence quant au choix du jour, mais ce n’est là, nous semble-t-il, qu’une question d’organisation.

De plus, Guy Dauvic Randriamalanto signale : « Qu’avant d’user de ce genre de terrain, il faut demander aux ancêtres la permission, et en même temps, il faut leur annoncer les raisons »2.

C’est pourquoi, avant le défrichement du toby , le tangalamena fait l’offrande de rhum et de betsa . Chez les Betsimisaraka, on ne parle jamais aux ancêtres sans présenter une boisson non gazeuse. Cette boisson est la marque de toutes les perspectives dans les sacrifices aux ancêtres, comme le dit justement James Rabehanoanina : « Le toaka est une marque de respect et de remerciements pour les invités aussi bien pour les humains que pour les dieux »3.

C’est un rituel spécifique aux Malagasy, en général.

D’habitude, le toby se situe loin du village. Et chaque fois qu’on trouve le toby , on trouve aussi le tombeau qu’on n’a pas le droit de visiter, sauf s’il y a un mort. Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, une fois

1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 105. 2 Ibidem , p. 105. 3 Ibidem , p. 105. = 64 =

par an, lors de la fête des morts, ils s’autorisent à visiter le tombeau ancestral.

5.- Le ava vato (débrouissaillage des pierres levées)

Le défrichement du toby achevé, presque tous les invités sont arrivés sur le terrain du toby , parce que, souvent, ils arrivent après les organisateurs ( tompon-tsaboraha ). Lors de l’allumage du feu, de l’élection des tangalamena officiants et du défrichement du toby , les invités venus sur place ne sont pas encore très nombreux, car on commence les cérémonies de très bon matin. Mais qu’est-ce alors le ava vato ?

Tout d’abord, les vato sont des pierres sacrées et considérées comme les ancêtres, comme le souvenir des cadavres perdus. Précisant cette situation, Guy Dauvic Randriamalanto écrit : « Quant à l’introuvable dont les ossements ne sont pas installés dans le tombeauancestral, il doit être représenté par une pierre levée ( tsangam-bato ) à côté de son tombeau ancestral ou du moins sur la partie sud-est du toby (lieu du sacrifice ancestral) de son côté paternel, pour qu’il puisse recevoir ses parts de richesses »1.

Avant donc de commencer le sacrifice, il faut se débarrasser des herbes à l’intérieur et autour des pierres levées. De plus, pendant la cérémonie du partage des biens, le toaka est utilisé à chaque instant.

Le discours terminé, les tangalamena sortent du toby . Pour les gens d’Ambatoharanana I, en effet, le rasavolaña se fait dans le toby même. Mais pour offrir le sacrifice, ou plus précisément pour le vono aomby , ils doivent aller devant l’autel ou fanambanambato .

Tous les membres de la famille du défunt, surtout les filles, se débarrassent alors des herbes autour des pierres levées. Pendant ce ava vato , les jeunes filles et les jeunes garçons chantent des chansons

1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 104. = 65 =

traditionnelles ou hosika . Le ava vato terminé, les chansons et les danses continuent encore pendant trente minutes à peu près, avec le hehy selatra .

Le ava vato est une occasion pour se faire connaissance, parce que chacun est présenté et presque tous les membres de la famille du défunt dansent autour des pierres levées. Tout cela montre que le partage des biens est une grande fête pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I.

6.- Le vono aomby (sacrifice du zébu)

Le bœuf a une place importante chez les Malagasy et surtout pour les Betsimisaraka d’Analanjirofo. C’est un animal qui sert à faire le joro ou le fangatahana auprès des ancêtres. Mais les bœufs de couleur jaune (mavo ), ou qui n’ont pas de queue ou ayant la queue folaka (coupée), ou vilan’oritra , qui n’a pas de bosse ( trafo ), sont prohibés pour la cérémonie du partage des biens. La couleur jaune ( mavo ), en effet, est source d’échec dans la vie, d’après un tangalamena d’Ambatoharanana I. De plus, les ancêtres n’ont pas besoin d’animal incomplet, parce qu’ils considèrent que les ancêtres sont des demi-dieux. Ils sont notre lumière et la source de la réussite.

Sur ce sujet, Fulgence Fanony est catégorique: « Le zébu sacrificiel ne doit pas avoir de défaut, sinon, on pense que le mort n’accepte pas »1.

Le ava vato fini, les hommes se préparent au tolona aomby (tauromachie). Mais avant cela, il y a toujours un discours accompagné de toaka gasy . Et le discours terminé, tous les individus se sentant assez forts forment un cercle autour du zébu à tuer. Par mesure de prudence, les mères et leurs enfants restent dans le toby , car souvent, le bœuf devient très méchant ; tout cela pour prévenir les dangers. Les hommes bien forts entrent donc en lutte contre le bœuf. Et lorsque ce dernier tombe par terre, tout le monde chante et lance des cris pour encourager les mpitolona (lutteurs).

1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 258. = 66 =

Il y a des choses interdites dans le tolona aomby . « Ny vinantolahy tsy mahazo mitolona aombin-drafôzana fa mañambaka » (Littéralement, les gendres n’ont pas le droit de lutter contre le zébu des beaux-parents parce qu’ils peuvent tricher).

Voilà ce qui concerne le vono aomby dans la commune rurale d’Ambatoharanana I, nous allons passer maintenant à l’offrande du zébu.

7.- L’offrande du cru ( joro manta )

Lorsque le bœuf est bien couché, on tourne sa tête vers l’est de l’autel ( fanambanambato ). C’est le plus âgé des tangalamena de la famille du mort qui a le droit de faire le joro . Avant de commencer, la famille déroule une natte pour s’asseoir pendant le joro (mamelatra tsihy mba hipetrahana mandritra ny joro ). Et après, tous les hommes ôtent leur chapeau. C’est ce qui s’observe également à l’Eglise catholique quand on fait la prière. Les hommes n’ont pas le droit, ce n’est pas le cas des femmes, de mettre leur chapeau à l’église. De plus, pendant le joro : « Personne n’a le droit de se placer dans la partie à l’est de l’autel. Cette zone est réservée aux ancêtres qui sont venus assister à la cérémonie. C’est la même raison qui interdit de se placer à l’est lors d’une quelconque invocation ancestrale »1.

Les Betsimisaraka croient, en effet, que les ancêtres viennent toujours de l’est, mais non pas de l’ouest, du nord ou du sud. L’est est la source de notre vie grâce au soleil.

On invite des garçons non orphelins à enlever le volovolo (poils de zébu) ou « hanondro volon’aomby » (pour montrer la robe du zébu) dans la partie de la tête, du trafo (bosse), du ventre et du vodiny (arrière- train). Ils mettent ces poils dans une assiette volafotsy (en argent) contenant de l’eau pure et une pièce de monnaie. On dépose ensuite l’assiette sur l’autel. La famille du défunt et le mpijoro s’assoient sur une natte ( tsihy ), à l’ouest de l’autel. Ils se tournent vers l’est pour faire le joro .

1 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 109. = 67 =

Pendant le joro , l’aîné de la famille du défunt prend la queue du bœuf et il dit en même temps, selon Fulgence Fanony : « Je te parle, ô bœuf ! ( Manozoña anao omby tô ). La raison est la mort de notre père que nous regrettons beaucoup et dont nous ne voulons pas être séparés, notre père qui maintenant repose parmi les ancêtres ».

Puis, il continue en s’adressant à son père : « Nous sommes venus aujourd’hui samedi, pour t’offrir ta part de biens ô notre père X, nous, tes enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Voici ta part ! Ne nous rends pas malades. Ne nous apparais pas dans les rêves. Ne nous tourmente pas. Dors en paix ! Si nous n’avons pas accompli jusqu’à présent tout ce que nous devons faire pour toi, l’aîné est toujours l’aîné, le cadet est toujours le cadet. ( Ny zoky, zoky ihany ; ny zandry, zandry ihany ). Ne rends pas le bœuf nerveux à cause de son retard, qu’il dorme paisiblement ».

Ne rends pas malades les enfants, ne nous rends pas malades. Tout ce que nous devons accomplir pour toi, nous le ferons un jour. Ne détruis pas le riz que nous cultivons. A son tour, l’aîné des filles s’adresse au défunt, A partir de ce jour, ne nous rends pas malades, n’apparais pas dans le sikidy . Ta part t’est donnée aujourd’hui, donc sois-nous propice »1.

Après ces paroles de l’aîné de la famille du défunt, le mpijoro fait l’appel de tous les ancêtres de venir assister au sacrifice ou à la cérémonie. C’est pourquoi : « Dans ce domaine, le fampilazaña (annonce) est l’invitation faite par les vivants aux ancêtres sans exception de venir assister à une cérémonie sacrificielle »2.

Pour les gens d’Ambatoharanana I, l’invitation se fait le jour même, pendant le sacrifice, parce que, comme le dit Mangalaza :

1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , pp. 261 – 262. 2 Guy Dauvic Randriamalanto, La mort chez les Betsimisaraka. Le cas de la terre d’Amboavavy : Mananara-Nord , p. 105. = 68 =

« Contrairement aux vivants, les ancêtres n’ont pas besoin de beaucoup de temps pour se préparer »1.

De ce fait, le mpijoro appelle tous les ancêtres et il prend la partie du bœuf :

Texte en malagasy 2 Traduction en français «Iamandriaanaoaomby « Oui, couche-toi bien ô itôhony ê! Mandry anao bœuf que voici. Si tu te tsara, hifôha anao tsara. couches, c'est bon, si tu te Ampandriañaanaotsyraha lèves c'est bon. Si on te moa malalay ankijany, tsy couche, ce n'est pas par aomby feno vala fô misy jalousie, ni le trop grand antony. nombre de zébus dans le parc, mais il y a une raison. Lasaña anao Solanga Il y a quelques jours, il y Augustetamin’nymaromaro a quelques années, Solanga andro, taoña maromaro. Auguste est mort. Alors la Ehe nijaretiña ñy communauté villageoise fôkonôloña, nañome s'est levée et vos enfants, et anjaranao ny zanañao, ny petits-enfants, vos zafinao, ny vinantonao gendres/brus et surtout la indrindra fa ny fôkonôloña communauté villageoise niaraka taminjareo samy donné votre part avec eux, nalahelonañomenyanjara. ont tous participé dans la Ka raha efa ela douleur pour verser leur nangiananao,nahatsiarony part. Longtemps après, vos zanañao valo tarimy, anao enfants de huit mères se namôlavôla vao niteraka, sont souvenus de vous qui nañome fioka vao nirehitra. avez mis au monde et avez Nahatsiaro zareo hañatitra corrigé avec le bâton. Ils se ny anjaranao. Tamin’ny sont souvenus pour alatsinainy zareo nañatitra apporter votre part. Lundi,

1 Eugène Régis Mangalaza, Vie et mort chez les Betsimisaraka , p. 221. 2 Mpijoro : Belagnonana Maurice. = 69 =

ny lamba, voarainao ny ils ont apporté des lamba. Namatoko andro vêtements. Ils ont fixé un zareohañatitranyaomby. jour pour offrir le bœuf. Ke ano tsarabe ny zaza Alors, protégez bien les madinika,nyankibohoavy, petits enfants, que ceux qui ny teraka hotombo, sont dans le ventre hitsangatsangana hahazo naissent, grandissent et se vola, hipetraka hahazo promènent pour avoir des fanañana, hiteradahy, richesses, qu'ils enfantent hiterabavy, izay zavatra garçons et filles, que tout kasaiña hotanteraka. Izany ce qu'ils projettent se angatahiña aminao réalise. Voilà ce que nous handavoañanyaomby. te demandons et c'est pourquoi on couche le zébu. “Antsoviña anareo aketo Nous vous appelons ici Ambilañisatsara. Akeo Ambilañisatsara. Parmi eux Rabe, akeo Sorimanjaka, Rabe, Sorimanjaka, Ratonga antsovina izany fa Ratonga, on les appelle razana, ny zaza mbola tsy parce qu'ils sont des mahafantatra ka mila ancêtres, les enfants ne les fañantsôvaña fô hanondro connaissent pas encore et volon’aomby ê!… Fô mbôla ont besoin d'appeler pour hahandro ny zaza montrer la robe du zébu !… madinika. Ke irô ny toaka Car les enfants vont faire fandesaña izany ka anô cuire encore. Et pour tsarabe. attendre la cuisson, voilà du rhum, et protégez-nous bien. Miteky ny antso mioriky Nous appelons vers Manantsindry paky lôhany, l'amont de Manantsindry et mioriky Maningory paky Maningory jusqu'à leur lohany. Izaho mitôkatôka, source. Je parle et Dieu ny Zañahary mankamasiny sanctifie ma parole, vous ananjy.TompokoZañahary, Seigneur Créateur, le bien avynytsara. arrive.

= 70 =

8.- Le transfert du zébu

Quand le sacrifice est achevé, les jeunes garçons prennent le bœuf devant l’autel. A ce moment-là, le bœuf est déjà offert, mais non pas égorgé. On dit cela en betsimisaraka : « Nifindra toerana ny omby » (le bœuf a été transféré). Mais avant d’égorger le bœuf, on le couche sur des feuilles de ravinala pour que sa viande soit propre. Quand tout cela est bien placé, on égorge le bœuf.

Il faut dire aussi que le ati-damba (donation de vêtements) se fait le même jour que le sacrifice du zébu. En effet, après l’immolation du zébu, la famille du défunt et le tangalamena vont au tombeau ancestral et apportent des vêtements tels des chemises, des chapeaux, etc. De plus un membre de la famille du défunt apporte du sang du bœuf et le jette sur le tombeau pour montrer que ce bœuf est pour le défunt.

Aujourd’hui, cependant, le ati-damba se fait une semaine avant le sacrifice, au moment où la lune est dans sa phase décroissante, parce que le mort est considéré comme haizina ou obscurité, il est donc interdit de pratiquer cette cérémonie au cours de la phase croissante de la lune.

La tête et les pattes du zébu sont placées devant l’autel. Elles sont spécialement pour la famille du défunt et le tangalamena de chaque fokontany . Mais la peau et la viande sont pour tous les invités.

On distribue ensuite la viande aux invités, qu’on appelle henan- tsoroñafo ou tataña . D’après les explications d’un tangalamena , autrefois, le morceau de viande du tataña était formé d’un long morceau de viande. Mais à cause de la pauvreté et le changement de vie qui sévissent actuellement, le tantaña est devenu un petit morceau carré. C’est la raison pour laquelle, les tangalamena suivent et surveillent la viande avant la distribution, parce que le responsable peut bien détourner quelques morceaux.

Enfin, il faut dire que les offrandes apportées par les invités sont catégorisées en fanampiaña (aide) auquel participe toute la communauté.

= 71 =

Cette aide doit recouvrir toutes les dépenses engagées par l’organisateur. La seconde catégorie s’appelle soroñafo (entretien du feu). Cette participation des invités remplace leur devoir de prendre part au travail pendant la cérémonie.

Actuellement, un morceau de viande du tantaña est évalué à 100 Ariary . C’est le minimum. L’ambiance tumultueuse de la distribution du tanaña nous amène à approfondir nos recherches sur le sorontsoroña

9.- Le sorontsoroña : offrande du cuit

Pour réaliser le sorontsoroña (offrande destinée aux ancêtres) les garçons non orphelins font cuire de bons morceaux de viande : de la bosse, de la langue, du foie, des intestins grêles, du poitrail, du filet et les rognons. Cette cuisson est spécialement destinée aux ancêtres. Les tangalamena participent également à ce repas. Mais après que les ancêtres aient mangé, le reste est pris d’assaut par les enfants. On parle d’assaut puisque la viande offerte est insuffisante pour toute l’assemblée.

Il faut dire aussi que les morceaux de viande sont distribués à toute l’assistance. Guy Dauvic Randriamalanto précise cependant que : « Au moment de la cuisson du zébu, la tête et les pattes ne sont pas à cuisiner, mais laissées à côté de l’autel et gardées par les löhandriaña1 pour servir de preuves aux retardataires que le zébu qui a été offert n’a pas de défaut »2.

Après cela, la narine gauche du zébu est bouchée avec des feuilles de lingoza pour montrer aux ancêtres que le zébu est bien mort. Les hommes qui, tantôt, ont eu peur du zébu, se rassurent maintenant en voyant la narine gauche bouchée avec des feuilles de lingoza . Dans le

1 Löhandriaña , litt. la tête de cascade. Le mot löhandriaña est usité surtout lors des cérémonies sacrificielles pour désigner l’ensemble des notables de la région qui viennent assister à la cérémonie. Note de Guy Dauvic Randriamalanto. 2 Le zébu sacrificiel ne doit pas avoir de défaut, sinon on pense que le mort ne l’accepte pas. Cf . Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme social et recours à la tradition , p. 258 (note en bas de page). Une autre raison : c’est aussi de servir de preuve pour les retardataires que ce qui a été sacrifié était bel et bien un zébu cornu, car il y a des gens dont la chèvre et le zébu dépourvu de cornes ( aomby bory ) sont tabous. = 72 =

partage de la viande, le tritriahoatrany (deux côtes au niveau de la poitrine) est coupé en longueur. L’organisateur donne le tritriahoatrany à chaque fokontany . Plus précisément, le tritriahoatrany revient au tangalamena du fokontany . Et le vodihena (l’arrière-train du zébu) est réservé spécialement au sacrificateur. Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, l’arrière-train du zébu a une très grande valeur, car ce morceau de viande est destiné aux plus âgés du groupe. Il est interdit aux enfants d’en manger, car ce morceau est attribué aux parents à titre de respect honorifique.

Une fois la viande cuite, le sacrificateur fait ce qu’on appelle joro masaka (offrande du cuit). Mais avant de faire l’appel, on trie les meilleurs morceaux de viande cuite. On les mélange avec du riz et on les met dans une assiette de couleur blanche. On sert le tout sur le fanambanambato avec deux verres en bambou pleins de toaka gasy , tandis que la viande et le riz non cuits sont placés en bas de l’autel, sur du ravinala . Cela signifie que ce qui est placé sur l’autel est pour les grands ancêtres, mais ce qui est en bas, est réservé aux jeunes et aux enfants.

Quand les meilleurs morceaux de viande sont bien préparés (masaka ny henan-tsorontsoroña ), le sacrificateur entre en scène pour officier. La plupart des personnes âgées se placent alors près de l’autel.

10.- L’offrande du cuit ( joro masaka

Tout comme les malades qui ont besoin de médicaments pour guérir, le partage des biens a aussi son système qui est le suivant : il s’agit d’un triple cri que l’homme lance pour appeler les ancêtres et Dieu. Louis Molet, dans Le bain royal à Madagascar , écrit : « Un homme crie trois fois pour appeler les ancêtres et Dieu et aussi fait aux aïeux (ancêtres) des appels répétés pour obtenir leur bénédiction et leur appui »1.

Par cette affirmation de Louis Molet, nous constatons que ce cri du cœur a non seulement un sens, mais a également une valeur importante

1 Louis Molet, Le bain royal à Madagascar , p. 19. = 73 =

dans la société betsimisaraka d’Ambatoharanana I, car après le triple cri, toutes les personnes présentes font silence pour faire face à la puissance invisible. Fanony écrit : « Nous vous invoquons, les Zanahary d’en haut, les Zanahary d’en bas, vous les ancêtres, venez manger le bœuf que X nous a donné. Une telle nourriture ne peut se manger qu’en commun. Vous tous les grands ancêtres, en premier…, le propriétaire de ce lieu… et tous ceux qu’on peut nommer, venez tous. Vous venez avec vos enfants, vos petits-enfants, manger la nourriture de X. Vous tous, ancêtres de tous les âges, venez sans exception partager ce repas en commun »1.

Cela a pour objet d’inviter Zanahary et les ancêtres.

Après ces invitations de Zanahary et des ancêtres, on mange le sorontsoroña distribué par le lohandriana . On laisse les offrandes 5 à 10 minutes sur l’autel pour le repas des ancêtres. Cela signifie que les vivants laissent les ancêtres manger en paix. Mais après quelques minutes, les garçons prennent le riz et la viande sur l’autel et les mangent, parce que les divinités ne mettent pas beaucoup de temps pour leur repas. Il est à signaler que les morceaux de viande offerts aux ancêtres n’ont plus de goût quand les jeunes les mangent, parce que la saveur a été déjà prise par les ancêtres.

Il est interdit de pratiquer le joro l’après-midi, parce que le joro mihilan’andro (un sacrifice au moment où le soleil décline) apporte toujours des malheurs. En d’autres termes, le joro ne se pratique qu’au miakatrandro , (c’est-à-dire, au moment où le soleil monte dans le ciel) parce que le soleil qui apparaît et monte ( miposaka sy miakatra ) apporte chances selon la croyance betsimisaraka. Par conséquent, le joro pratiqué avant le coucher du soleil ne donne aucun rendement. Et voilà donc une des raisons parmi tant d’autres pour laquelle personne n’ose faire un sacrifice pendant la nuit.

Pour cela, le sacrificateur dit :

1 Fulgence Fanony, Fasina. Dynamisme et recours à la tradition , p. 263. = 74 =

Texte en malagasy 1 Traduction en français «Antony nañantsôvaña « Nous vous appelons nifañantsovaña, ny zaza parce que les enfants ne mbola tsy mahafantatra ka vous connaissent pas et ils milafifankataraña. ont de présentation [et le repas est déjà cuit]. Akeo aminjañy On appelle alors les Ambilañisandrangazana, Ambilañisandrangazana, antsoina izany fa razaña, parce que vous êtes des ny zaza milaza tsy ancêtres. Les jeunes mahafantatra ka nahandro enfants ont dit qu’ils ne namasaka ny zaza vous connaissent pas et ils madinika. Tongava daholo ont déjà fini de cuire. Venez anareo ê! na voatoñina na donc vous tous, nommés tsy voatoñina. Izahay itô ou non nommés ! Nous alôhan’ny hazazaña fô tsy sommes avant la lumière, mahay raha, ka tokaña mais nous ne connaissons voatoñinaarivomandihana. rien, nous en nommons un Ka antsoviña anareo jiaby. et venez-en au nombre de Ka tongava daholo anareo mille. On vous appelle tous. ihinana. Venez tous pour manger.

11.- Le fihinanana ou le repas commun

Après l’offrande et le repas sacrificiel, les jeunes préparent les ravinala et les ravin-dingoza pour le repas. Tout le monde s’assoit par terre : un convive fait face à l’autre. Ils distribuent alors le repas aux invités : iray foñosaña pour deux personnes. Le repas se mange avec le sorôka (une cuillère en ravin-dingoza ). Pour ce repas commun, tout le monde se rassemble à l’intérieur et aux alentours du toby . On met des nappes de feuilles qui servent en même temps de famoñosam-bary ou riz recouvert, une sorte d’assiette pour le riz. Ce sont les jeunes gens qui viennent servir la viande dans des bouts de bambou : un bambou pour deux personnes.

1 Mpijoro : Belagnonana Maurice. = 75 =

L’enfant de cinq ans compte pour une personne dans la distribution du riz. Pendant le repas, tout le monde, membre de la famille ou invité, est mis sur le même pied d’égalité. Tous mangent dans les feuilles avec des sorôka . Le partage des biens est un rituel typique aux Betsimisaraka, parce que tout est « vita gasy », même les boissons. A part quelques rares invités, tout le monde utilise le sorôka . Pendant la distribution, on donne d’abord aux lohandriana 1 pour témoigner du respect pour les olombe , ensuite à tous les autres. Les parents occupent une place importante pour les Betsimisaraka, et il est interdit aux enfants, par exemple, de manger avec les parents. C’est ce qu’explique le proverbe : « Aza mitsako aloan’ny vazana » (Les autres dents ne doivent pas mâcher avant les molaires). C’est pourquoi on sert d’abord les tangalamena avant tous les autres.

Les ravinala et le ravin-dongoza sont très utiles pour les Betsimisaraka. Ils sont indispensables pour le rite de la fête ou les rites mortuaires. On met le riz dans des foñosaña ravin-dingoza . Le riz, en plus d’être bien couvert, dégage un parfum particulier. De plus, ces feuilles se trouvent partout à la campagne. Le repas fini, que reste-t-il alors à faire ?

Texte en malagasy 2 Traduction en français Mpirasavolaña: L’orateur: Silence s’il Salañitraê! vous plaît ! “Tsatôka lakile zato, On enfonce cent clés, latsaka lakile arivo, lakile mille clés tombent. La clé fanokafantamiaña, sert à ouvrir la porte et la salañitrafanokafanteny. demande de silence à ouvrir la parole. Zahay mañano Par la demande de salañitra mañasa silence, nous invitons

1 Les löhandriaña (litt. les têtes de cascade) qui sont formés par le collège des anciens de la région et des honorables invités en la circonstance (Guy Dauvic Randriamalanto). 2 Source : Babity Laurent, Rasavôlaña betsimisaraka , pp. 10-11. = 76 =

mangingiña viavy, ñy discrètement les femmes : lavitra mañatoña, ñy que celles qui sont éloignées mariñymitainoa… s'approchent et que celles qui sont proches écoutent. Aza mañano tadiñin Ne faites pas comme les tona sofin’amalombe, oreilles du serpent tona ou ambany riaña tsy de la grosse anguille, sous la mahareñy fentany, an cascade, elles n'entendent tanety tsy mahareñy rien et hors de l'eau, elles rasavolaña.Hivolañazaho n’entendent aucun discours. torobok’amböra, tsapa Quand je parle, c'est comme pôla hely, korodoña l'arbre amböra qui est mañeno pöla vao. Tsy encore petit, comme un zahomivôlañapölatanora accordéon encore neuf, ce fô teny namỳ n'est pas moi qui parle et qui mahasolanga, teny tsy suis encore jeune mais la namỳmahajôko. parole donnée rend la tête fière, si elle n'a pas été donnée, elle fait baisser la tête.

Zahay mankasitraka Nous remercions la anare fôkonôlôna vory, communauté villageoise zanaky ñy razaña, be tsy réunie, enfants des ancêtres voaisa, maro tsy innombrables, qu'on ne peut voatoñona, ankilantanety pas dénommer de l'autre tsy mahareñy koka, côté de la montagne, on diavölaña aminjany: n'entend plus l'écho au clair tônga mita, velonboadia, de lune. Vous ne mourez pas tsy maty antanin’olôna, en terre étrangère, vous veloña antaninteña, vivez sur votre propre terre, mivoaka mañantso i Vôto, vous sortez Vôto, vous miditra mañantso i Kabo, appelle, vous entrez Kabo andraño iravoan’ny vous appelle, dans la maison zanaka, añaty lay les enfants sont contents de iravoan’ny vady, mivoaka vous dans la moustiquaire le hely singen’ny zaotra; partenaire a du plaisir, vous sodifaka ambônin’ny sortez un peu dehors, vous êtes courtisée par le beau- = 77 =

dimanjato, lavo frère, si vous faites un faux ambônin’ny dimy arivo, pas, votre pied est sur une vatsitohintintely lavo somme de 500 Ariary . Si amintsiramamy, vous tombez sur une somme kêlakêlambôla hotry de 5 000 Ariary , comme matilò, völa fohaniña quelqu’un qui glisse sur du mangazay raika. Vañona miel, il tombe sur du sucre. gisy, vañona drakidraky, Vous avez beaucoup de iaviandrafôzaña tsy billets comme matelot, il a mirekireky, iavianbahiny un magasin de billets à tsymangaroharoloha. consommer. Que les oies et les canards soient nombreux, quand les beaux- parents arrivent, on ne soit pas pris au dépourvu, que les visiteurs ne vous fassent pas gratter la tête. Si les remerciements et Raha lasaña ny les marques de fankasitrahaña, vita ny reconnaissance sont fankatilemena,anareoavy adressés, vous êtes venus à antsôvinay.Zaonyantony notre invitation. Voici la nañantsovaña, nipetraka raison de l’appel. Solanga takêto i Solanga Auguste. Auguste a résidé ici. Il est Nañano toñotoño êla longtemps resté ici en mandiñy antambo, attendant les malheurs qui antambo misy lasité existent toujours, un abri trematrema manam pour rentrer et l’homme finit podiaña, ölombeloña par mourir. manampahafatesaña Il est mort, un peu plus Maty izy, tafarafara tard, il a rendu son enfant takato nankarary ny malade. A cause de cette zanañy. Ke lêka narary maladie, ils sont allés izy tamin’izany, nañatoña consulter un devin. Le devin mpampila zare, nizaha a dit que leur père demande mpisikidy. Nilaza ny quelque chose. mpampila fô i babanare i

= 78 =

kony azalahy misy raha Il demande un zébu et angahoeñaaminareoê! des vêtements. Alors le Mangaho aomby izy io samedi passé, comme la sady mangaho lamba. Ke lune était encore claire, ny andro asabotsy pourquoi ne pas le faire le irôhony, mivôlaña ilay efa lundi. Quand on a décidé de lasaña iñy. Oh, efa faire le lundi, nous sommes mazava ny vôlaña amin allés, ce jour-là, déposer des jañy kale, mañino koa vêtements sur les atao andro alatsinainy. ossements. Rehefa natao alatsinainy nandeha tatoe izahay tamin’ny andro izany, nandeha nandatsaka lamba tamin’ny Pour faire cela, nous ne taolambalo. sommes pas allés seuls, Izahayzanyndrekytsy mais avec la famille. Voici raha izahay foaña fô les vêtements déposés ce niaraka tamin’ny jour pour Solanga Auguste, fianakavianaê!Nylamba propriétaire de l’argent et de nalatsaka tamin’ny andro richesse : un drap, un tricot, izany: an’i Solanga une chemise, un short, un Auguste, izany tompom chapeau, comme part de bôla tompompanañana: richesse de Solanga. Solanga dararaika,lambamafana n’est pas tombé du ciel ou a raika, somizy raika, paru de la terre. Mais il a eu patalompohy raika, une source de provenance. satroka raika izany an’i Alors, ils ont amené un Solanga. I Solanga io tsy drap, un pagne pour son raha latsaka avy père Bôtra. tañambo, naniry avy tantany fa nisy loharano nipoirany. Ke dara raika, sikina raika izany nindesinjare amin’ny babanyiBôtrazany. Et aujourd’hui, les enfants vont donner un zébu Ka iñiany hañomỳ à leur père. C’est pour cela = 79 =

aomby i Babanjareo ny que le bœuf a été renversé. zanañy. Zany ny C’est la raison pour laquelle ilavoan’nyaomby.Kelêka nous sommes ici pour tönga akêto, korañina l’anoncer à la communauté aminarefôkonôlona. villageoise. Deuxièmement, troisièmement, le bœuf nous Faharoè appartient et nous avons fahatelon’izany,ñyaomby payé le ticket à andrasanay, nazahoanay l’Administration. La hache tike tamin’ny fanjakana, sert à couper les os et le famaky fanapahaña ny couteau pour trancher la taolañy, kiso handidiaña viande. nyisiny. Ayez des enfants et des filles, car il n’a pas de mains Manaña zaza, manaña pour gratter ni des pieds viavy fô tsisy tañany pour donner des coups. Si handrangotra sady tsisy on suce les os, c'est pour hongony hanipaka. Sao pouvoir manger la viande et ndraika mitrôtrô ny on boit son bouillon. taolañy hômaña ñy isiny, Demain, il ne faut pas faire minôma ñy ranony. Kalê comme le manioc qui est amaraiñandraikahañano couché se relève, ni comme tangelitrambazaha lavo les plumes de la queue du mifôha, vôlombodin canard qui sont d’abord drakidraky, mirintsaña droites et deviennent alöha, mivika afara, recourbées, ni comme les tandrombengy mahery cornes d’un bouc qui sont avôho, ka hizaka mañano dures d’un côté, en disant hoe: izy iñy aby arao c’est le bœuf de tonton, ou aombin’i zama, na le bœuf de grand-père. Si aombin’nykakolahy,zany quelqu’un dit cela, nous le lê mañano zany dy ê, livrerons aux autorités. indôsiña amina manam La clôture d’un fou, la pahefaña. cour d’une folle, une maison Kivingovingon’ny fôka, à court toit, celui qui le fefen’ny adala, gamêla connaît fait monter et celui

= 80 =

vody, traño fohy tafo, qui ne le connaît pas reste mahay ananjy miakatra, en bas. tsy mahay ananjy tavela Deuxièmement, akañy. troisièmement, des Faharoè, proverbes existent. Le drap fahatelon’izany, ñy sert à couvrir une personne, ohabolañarahamisyake: le rhum est servi avec les Salampin’ny ôloña ñy zébus sacrificiels. Nous dara, salampin’ny aomby n’avons pas cependant de añanovandrahanytoaka. rhum, mais il constitue une Izy itô ny toaka aminay habitude. Voici alors une tsisy kanefa ndrekiny somme de 1 200 Ariary pour môhany lamôdy. Ito remplacer le rhum, si nous ndreky vola 1200 Ariary en trouvons, nous vous en itoeny atao solontoaka, parlerons ici, si nous n’en mahita zahay mikoraña trouvons pas, nous sommes aminareo aketo, tsy quittes. Vous n’allez pas mahita zahay safy nous déshonorer mais tous lañanaña. Tsy raha reconnaissent les difficultés. anareo hikabary anay fô Troisièmement, nohon’nyfahasahirañana. autrefois, le zébu Fahatelo ressemblait à la tige de manarak’izany, ny aomby harongana (bois) pour faire moa taloha tsôratsôraka une clôture. Maintenant, qui harongana atao fefy, izy voit un homme voit un avizany izao kôfa mahita bœuf. L’enfant élève son oloña mahita aomby. Ka zébu en l’attachant avec une tarimy aombinjaza corde. Il n’est pas poli de zavatra tadiaña. Fa izy io dire zalahy , mais excusez- zalahy ê, tsy zalahy fô moi de ma mauvaise toetry ñy teny, toa habitude. Voici du rhum qui drazaña raika, bêlaka vient de l’ouest, nous allons andrêfaña sy tavoangy, l’utiliser pour renverser le ataontsikafandavoañany bœuf et pour désigner la aomby sady couleur de sa robe. añondroantsika ñy Deuxièmement, vôlon’aomby. troisièmement, nous

= 81 =

sommes tous de la famille Faharoè, comme la lime en fer et les fahatelon’izany, tsöfa vy, tenailles en fer. Nous tandra vy, antsika sommes tous une famille, mpihavaña fañangainy. une même tribu ici. Nous Tambirondrônga, rôn vous appelons parce que taitso,antsikasômbyfôko nous avons besoin de ñy aketo. Zahay l’offrande. C’est pourquoi mañantso, hila jôro ñy nous vous appelons. añantsovanay. S’il y a de mauvais cœur depuis longtemps jusqu’ici, un crabe puant dans une Sao ndraika misy loña malle, comme le mari qui ampô ambarakaliña,fôza n’ose pas agir, quand il mantsiña ambatra, arrive ici, il fait la chose. Ce fañano vady tsy n’est pas pour cela que nous fankasahy, tonga aketo avons appelé. ndraika kale anoiña i raha, zany dy tsy Ensuite, vous la nañantsovanayê! communauté villageoise qui êtes venue, vous n’êtes pas Mañarakarak’izany, venus les mains vides mais anareo fôkônôlona tönga, avez apporté de l’argent, des tsynitöndratañampölofö richesses, vous avez nitondra völa, nitondra présenté de l’honneur. Vous fanañana, fady misy avez amené de l’argent, du mpanolotra voninahitra rhum en bouteille. Cela ne misy mañomy. Nitöndra dit pas que nous vous anare vola… toaka… an redonnons, mais nous tavoahangy. Tsy izy parlons de tout cela parce haheriña aminare que le bien que vous la hizakaña ananjy zany fô communauté villageoise fait, soa nataonareo nous ne pouvons pas le fokonôloña zany kale tsy cacher. Mais ce qui est azonay avony. Fô ratsy mauvais, c’est de danser au aminanjy iñy, mañano cimetière, c’est perdre de tôtodia ampasaña very l’énergie, travailler avec un ton’aiña, miasa jamba beau-père aveugle, et être rafôzaña very fararano. perdu son remerciement. = 82 =

Tönga aketo toritoriña C’est pourquoi nous zany karaha vatango coupons comme le vatango fotsiaña karaha vary an (espèce de courge) blanc, dioña, baribariña karaha comme le riz dans le mortier, volaña, biañina karaha on le regarde comme la lune masoandro. ou on le contemple comme le soleil. Vous avez entendu l’appel et vous êtes venus. On court en plein jour, pour Ke tonga aketo avoir des richesses, on court mahareñy ñy le soir par peur d’arriver de vatatênanare. nuit, La parole est comme Mihazakazaka antoandro un poisson zômpoña dont on mirömbaka hihinaña, s’approche, et comme le mihazakazaka ariva profane qui joue de matahotra ho aliña, vely l’accordéon se contentant zômpoña ny teny hatoñy d’enfoncer les touches. vonjeña, vely korodonan’i Les criquets sont des jeunes tsy mahay, masony sauterelles. Les poux du riz potsehina.Sômpatrabeny sont des sauterelles. Quand le riz est blanchi, on dépose kijêja, sômpatra ñyhaom le pilon. Ceux qui ont fini de bary. Fôtsy ny vary piler vannent le son, ceux napêtraka ñy alo, nandio qui ont fini entrent à la ny nahafotsy, nitôndra maison. Que ceux qui ont niditra ñy mahêfa, une bouche me remplace mandimbaza ñy manan que celui qui a quelque drahakorañina,milazañy chose à dire parle, car j’ai manankolazaiña fö vita fini, Messieurs et ñy anahy, Tompokolahy Mesdames ». syTompokovavy».

C’est ainsi que nous allons voir comment se fait l’offrande chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I.

= 83 =

Texte en malagasy 1 Traduction en français «Iamandriaanaoaomby « Oui, dors bien ô bœuf itôhony ê! Mandry anao que voici ! Que tu te tsara, hifôha anao tsara. couches ou te lèves, tout Ampandriañaanaotsyraha cela est bon. Si l’on te moa malalay ankijany, tsy couche, ce n’est pas que tu aomby feno vala fô misy n’aimes pas les pâturages, antony. ou que tu sois un zébu de trop dans le parc, mais il y a une raison. Lasaña anao Solanga Il y a quelques jours, il y Augustetamin’nymaromaro a quelques années, Solanga andro, taoña maromaro. Auguste est mort. Alors la Ehè nijaretiña ñy communauté villageoise est fôkonôloña, nañome là et tes enfants, tes petits- anjaranao ny zanañao, ny enfants, tes brus/gendres, zafinao, ny vinantonao surtout la communauté indrindra fô ny fôkonôloña villageoise qui est avec eux, niaraka taminjareo samy ont tous participé à nalahelonañomenyanjara. l’offrande de ta part. Ka raha efa ela De ce fait, cela fait nangiananao,nahatsiarony longtemps que tu étais zanañao valo tarimy, anao parti. Tes huit enfants se namôlavôla vao nitèraka, sont souvenus de toi ; Tu nañome fioka vao nirehitra. as donné la naissance, et le Nahatsiaro zareo hañatitra bois pour allumer le feu. Ils ny anjaranao. Tamin’ny se sont souvenus et ils alatsinainy zareo nañatitra apportent ta part. Lundi ny lamba, voarainao ny dernier, ils ont offert des lamba. Namantok'andro vêtements. Tu as reçus les zareohañatitranyaomby. vêtements. Ils ont fixé un jour pour offrir le zébu. Ké ano tsarabe ny zaza Nous souhaitons que les madinika,nyankibohoavy, enfants soient en bonne

1 Mpijoro : Belagnonana Maurice. = 84 =

ny teraka hotombo, santé, que les bébés encore hitsangatsangana hahazo dans le ventre naissent, vôla, hipètraka hahazo que ceux qui sont nés fanañana, hitèradahy, grandissent et se hitèrabavy, izay zavatra promènent pour avoir de kasaiña hotantèraka. Izany l’argent, restés au village, angatahiña aminao qu’ils gagnent des handavoañanyaomby. richesses, mettant au monde des garçons et des filles. Que tout ce qu’on désire se réalise. Voilà ce que nous te demandons en couchant le bœuf.

“Antsoviña anareo aketo On vous appelle ici Ambilañisatsara. Akeo Ambilañisatsara, parmi eux Rabe, akeo Sirimanjaka, Rabe, Sirimanjaka et Ratônga antsovina izany fa Ratonga. On vous appelle razana, ny zaza mbola tsy parce que vous êtes des mahafantatra ka mila ancêtres. On vous appelle fañantsôvaña fô hanôndro parce que les enfants qui vôlon’aomby ê! fô mbôla vont présenter la robe du hahandro ny zaza zébu ne vous connaissent madinika. Ke irô ny toaka pas ! Mais pendant que les fandesaña izany ka anô jeunes enfants vont faire tsarabe. cuire encore, voici du rhum pour attendre tout cela. Et soyez en bonne santé ! Miteky ny antso mioriky Nous vous appelons de Manantsindro paka lôhany, marcher en amont du fleuve mioriky Maningory paka Manantsindro jusqu’à la lohany. Izaho mitôkatôka, source, de marcher en amont du Maningory ny Zañahary mankamasiny jusqu’à la source. Moi, je ananjy.TômpokoZañahary, parle, tandis que Dieu avynytsara. donne la sainteté. Seigneur mon Dieu, le bien arrive ».

= 85 =

12.- Le fafa lapa

Ces deux termes qui se traduisent en français par le mot remerciements, tracent une image emblématique dans le monde de l’anthropologie. Ils jouent le rôle du balayage du palais et annonce le renvoi de l’assemblée. Ils viennent en effet de deux mots à savoir, fafa qui signifie justement balayage et lapa qui signifie palais.

On dit que le fafa lapa marque la fin du sacrifice. Après le repas, les gens enlèvent les ravina (feuilles de ravinala ) dans et autour du campement. Cela veut dire qu’on balaie le campement. Ainsi, les membres du lignage du défunt offrent alors des boissons aux hommes qui sont là, parce que, après le repas, les invités peuvent retourner au village, tandis que les autres restent au lieu de campement avant les remerciements.

Nous savons bien qu’avant de commencer une fête ancestrale, on va d’abord défricher le toby , et quand on sort, on va le balayer. C’est pour respecter cette coutume que le tangalamena offre du toaka aux invités. Il dit ceci :

Texte en malagasy Traduction en français «Salañitra ê! Izahay « Du silence, s’il vous zanaky ny razaña pôla plaît ! Nous les fils des mametraka salañitra, ancêtres nous demandons aviany salañitra zany toujours le silence parce môhanysatriaantsikalaitry que depuis le matin nous nandraiña iñy nañano disons toujours le mot salañitra satria misy raha silence, car il y a des choses korañina. Rehefa lasaña à dire. Quand la demande salañitra, izahay de silence est passée, nous mametraka fankasitrahaña, témoignons notre fankatilemaña amin’ny reconnaissance et nos tenantsikanolahynovavy, remerciements à nous tous, na zaza na bebe. Antony hommes ou femmes, petits hanomezaña ou grands. Nous vous = 86 =

fankasitrahaña, leky tsy remercions parce que sans anareo i raha itôhony tsy votre présence, ce rite vita ny raharahan’ny zaza organisé par les enfants madinika. Kanefany n’aurait pas été réalisé. nohon’ny firaisankina dia Mais à cause de la vita izy itô. Na dia vita izy solidarité, cela a été réalisé. io,tsyizahayiraikanañano Et s’il est bien fini, ce n’est ananjyfôantsikajiaby. pas nous seuls qui l’avons accompli, mais nous tous. Raha vita môa izy io: Si le partage des biens tody ny lakaña est terminé, la pirogue antsirañana, tody ny asa arrive au port, le travail amboarevika. Noho izany touche à sa fin. Alors nous izahay io mametraka présentons un petit zavatra hely libe tsy foaña quelque chose. Il a été ihôny. Izy io karaha rora comme la salive en été, si fahatôña,alôatsymahalen on la crache, il n’aurait pas tany, atelina tsy mahalen trempé le sol, si on le tenda. Ny voninahitranare buvait, la gorge n’en serait mirôngorôngo hotry ny pas humectée. Votre tanety, kanêfa ny raha honneur est grand comme amiaña libe tsy foaña. la montagne, alors que la Tonga amin’ny ohabôlaña; chose est bien petite. Tout “Akôhomitraotraobady,tsy cela rejoint les proverbes : fahabêzandraha fô fañahy « Un coq qui appelle sa ifanohöfaña, tintely tapa femelle, ce n’est pas la batra: vava mankafeno; quantité mais c’est une sakatôvo 1 nifahanam manière de faire, du miel piziña, fady tsy latsaka, dans un bidon à moitié hafotr’antsotry: sady plein, c’est la bouche qui le teñany fañahy. Todiana 2 remplit ». Un sakatovo à mandro,drongamiseka:tsy qui on a donné à manger izy ho fôtsy fô böra ho un pigeon, l’interdit n’est mendo”. pas rompu, une corde faite avec l’arbre antsotry , elle

1 Sakatovo, Fatidra. Information donnée par M. Babity Laurent, Ankirihiry, Toamasina. 2 Todiana : un oiseau de robe fond noir tacheté de blanc sur le ventre. Information donnée par M. Jean Bernard, médecin, le 4 avril 2008, à la cité Valpinson. = 87 =

forme un tout. Un bœuf tacheté de blanc et un oiseau dronga 1 qui prennent un bain, ce n’est pas pour devenir blancs, mais pour se rafraîchir. C’est pourquoi, on dépose Ka izany ametrahana quelque chose pour le zavatra libe tsy foaña balayage du palais. Et nous ihoany fafalapa. Kanefa vous faisons une demande aketo moa fitalahoana ka de ne pas rentrer la nuit en montant Ambatoharañana I miangavynytenantsikaaza et vous dormez à mandrava aliña fô miorika Antanakôro. J’arrête ici ma AmbatoharañanaI any parole. Je vous présente matahitra ka Antanakôro mes respects. akao mandry. Ka omba aketo korañina haniko hongonare.

Quand le discours est terminé, après les remerciements, les autres membres de la famille du défunt distribuent la tête du bœuf et les pattes. On met le bucrane devant l’autel, parce que les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I n’emploient pas de fisokina dans le toby , mais ils l’utilisent dans d’autres endroits. C’est pourquoi, on place le bucrane devant l’autel, avant de le transférer ensuite dans le toby . Alors, que reste-il encore à faire après le fafa lapa ?

13.- Le vono afo (l’extinction du feu)

Nous avons déjà appris que les tangalamena des membres de la famille du défunt sont les responsables de la fête depuis le début jusqu’à la fin. Ils sont les premiers à arriver sur place pour préparer le sacrifice de la cérémonie, et les derniers à partir après la remise en grande propreté du

1 Dronga : Dicrurus forficatus , selon le Dictionnaire malgache-français des RR. PP. Abinal et Malzac, p. 502, à l’entrée : railovy . = 88 =

lieu où s’est déroulée la cérémonie. Quand tout est alors fini, avant d’éteindre le feu ( mamono afo ), il y a des fomba (coutumes) à suivre. Il est interdit d’éteindre le feu sans l’intervention des tangalamena . Pour cela, ils prennent du toaka gasy qu’ils laissent devant le feu. Ensuite, ils font le joro pour remercier les ancêtres et Zanahary .

Le joro terminé, le doyen des tangalamena prend un verre en bambou ou pendaña rempli de toaka et il le jette dans le feu. A ce moment-là, c’est le toaka qui est l’élément servant à éteindre le feu, mais non pas de l’eau. En cela, ce rite diffère des manières de faire des autres. Cela est fait en marque de respect pour les ancêtres. Quand le feu cesse de brûler, les tangalamena et les autres se préparent à retourner au village avec le tompon-tsaboraha .

Souvent, c’est à partir de dix-sept heures que tout se termine, parce que les gens ont peur de rester au toby pendant la nuit. La fête a duré de deux à trois jours, mais cela dépend de l’organisateur du partage des biens. Autrement dit, c’est seulement le sacrifice pour les ancêtres qui est fait au toby , car après cela, la fête continue au village des membres de la famille du défunt. Disons pour terminer ce sous-chapitre que le feu est une chose essentielle pour l’homme, et qu’il est source de vie sur notre planète.

14.- Le retour au village avec le tompon-tsaboraha

Tout le monde retourne au village avec le tompon-tsaboraha . Quand on y arrive, il y a des gens qui retournent chez eux, surtout les invités qui habitent le même village que les membres de la famille. Mais les autres invités restent dans la maison de l’organisateur. Après le repas du soir, le tangalamena fait un discours et la fête continue jusqu’au matin. Alors, tout le monde danse, surtout les jeunes.

Les remerciements au toby et au village sont adressés à tous les invités. Le lendemain, après le repas du matin, presque tous les invités retournent chez eux. Néanmoins, les amis et les autres membres de la famille restent pour laver les ustensiles utilisés pendant la fête.

= 89 =

Quand tous ces travaux sont finis, un membre de la famille remercie encore une fois les gens. Cela constitue une grande joie parce que la fête s’est bien passée. Voici un discours de remerciements :

Texte en malagasy 1 Traduction en français «Azafady fô zahay tô « Pardon, nous avons misy raha hikoranina. quelque chose à dire. Nous Mankasitraka anare sady vous remercions beaucoup mankateliñy, nohon’ny pour votre venue dans la fahatongavanareoañatin’ny maison, parce que nous trano, fö izahay tö avy venons d'accomplir un rite nañano tsaboraha ta là-bas à Ambinanisahatsara takañy, Ambinanisahatsara, nous tönga, ary anare mbö sommes de retour et vous nañano tamin’ny tabà, avez participé au travail tamin’izañy tokony hatao. qu'on devait faire. Nous Misaotrabetsakaanareoka vous remercions beaucoup i, misy raha kely, libe tsy et voilà quelque chose que foaña atôlotra amimpady, nous vous offrons avec tous amiaña amimboninahitra. les respects, on vous l'offre Nyfadinaremandôngorôngo avec les honneurs. Votre hotry ny tanety, mandriaka honneur est grand comme hoatrynyranomasinaföny la montagne, étendu comme rahaatôlotrahely. la mer, alors que la chose présentée est petite. Misaotra betsaka, Merci beaucoup et que tahin’Andriamanitra. Dieu vous bénisse. Prenez Mandraisa anare tous ma parole, petits ou amin’izany teniky zany, ño grands, hommes ou helyñobe,ñolahyñovavy. femmes. Indesorö! Indesorö,Aza Apporte : apporte ; Ne manaoiorö! » fais pas comme cela : ».

1 Babity Laurent, Rasavôlaña betsimisaraka , p. 12. = 90 =

Valiny: Réponse : Azafady, haniko Pardon, je vous présente hongonare ô, añanôvako tous mes respects. Je azafady möa ôhabolaña: demande pardon parce qu'il “ray mandêha misy alöha, y a un proverbe qui dit : "Si telo mandêha misy añivo” un marche, il y a quelqu'un Aomby hanosika amin devant, si trois marchent il tandroka, ölombeloña y a un au milieu". Le bœuf fañosikaamimpady. pousse avec les cornes, l'homme on le pousse avec des excuses. Izy koa misy koraña Si j'ai quelque chose à ndraika zaho kale tsy dire et que je ne demande hañano azafady, tsy mety. pas pardon, cela ne va pas. Kanêfa zaho tsy hañano Mais je ne ferai pas comme vato afo kale hitsêlaka la pierre à feu, elle s'allume alohan’ny vanja, fö leka avant la poudre, mais si natao jery i raha iñy, nous avons discuté indôso,hozyanare.Kamisy ensemble cette chose, öhabôlaña: “Soanieraña apportez, avez-vous dit. Il y gara, teny iereña tsara”. a un proverbe qui dit : Tsyhaikyhañambofözaho "Soanierana est une gare, ambony tany, teny une entente commune est ifañerana tsy maharatsy. très bonne". Je ne suis pas Sambaha zaho mañano en haut parce que je suis zañy,hanikohongonare,tsy sur la terre, une parole tohibarinkevitra ño convenue ne donne pas lapan’nyfañahy. malheur. Même si je dis cela, je présente tous mes respects. Je ne suis pas la maison des idées, ni le château de l'esprit. Voalohany ho’areo, Premièrement, vous nañantsoareofömisyraha disiez, que vous avez appelé korañina, zaho ho zaho parce que vous avez mialatsiñymialafondrolai quelque chose à dire. Moi

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tadiñy atolaka alöha aussi, je m'excuse maharoaka ando, atôlaka beaucoup, comme la canne afara mahalanja kitapo, qu'on jette devant, elle apêtraka antanaña chasse la rosée, portée sur mandrökatra. l'épaule, en arrière, elle peut porter le sac, laissée au village, elle est un ornement. Afaka ny tsiñy, teny Le blâme est enlevé, une alantraladiña tsy mahavoa parole précédée d'excuse ne tsiñy.Voalohanyahozyare, peut pas apporter du avy nañano tsaboraha ta blâme. Premièrement, vous Ammbinanisahatsara are, disiez que vous venez de faly sady ravo. Nañano faire le partage des biens à nahavita antsikany. Noho Ambinanisahatsara, izany koa io raha hely, libe contents et heureux. Nous tsy foaña atôvo tsara avons accompli et bien rasavôlaña. Zahay accompli cela. C'est aminanjy iñy nahareñy. pourquoi, il y a une petite Misy ohabolaña; “Mañiry chose et faites un bon sira, amiamboamaho”. discours. Nous avons Zahay nañano entendu cela. Il y a un mankasitraka, mañano proverbe qui dit : "Vous mankaleliñy, sitraka indao désirez du sel et on vous mandry, fanina indao donne du voamaho 1". Nous matôry, fararano i vous disons merci Marokapika, salakady beaucoup, andiañahanjaika,

tôrimaso ñy hariaña, des remerciements qu'on miditraandro,miditraaliña,

1 Voamaho : nom de graine du Dombeya astrapœfolia et du Bombeya lancefolia , ainsi que de celles d’un petit arbuste, qu’on mange et dont on tire une huile odoriférante. Dictionnaire malgache-française des RR. PP. Abinal et Malza, p. 841. = 92 =

itany miditra, andraño apporte en se couchant, un mivoaka, fotsy volo étourdissement qu'on antsiraka, miaraka antitra amène dormir, Marokapika aminjafy. Akora maro am est en automne. C'est le pôtotra,tsymarompihinana moment de se montrer avec mitety tanety fôhy, fohy de beaux vêtements, le aretimañano, mitety tanety sommeil est une richesse, il lava, lava fôfok’aina, haka entre jour et nuit, à ñy rano, haka ny aretina, l'intérieur, il entre et à la sôrona ñy havilömaña. maison il sort. Vous auriez Tifatifaho hely koa zaho a des cheveux blancs à la zalahy! côte et vieillirez avec vos petits-enfants. Un pied de bambou aux nombreux rejetons que personne ne mange, traversant une petite colline, vos maladies seront de courte durée, traversant une longue colline, votre souffle de vie sera long. Vous prendrez de l'eau, vous enlevez les maladies, le sacrifice apportera la vie. Applaudissez-moi un peu les gars ! Zaho ôloña fôhy tsômba Moi, je suis un homme de lava raha korañina. petite taille, je n'ai pas de «Diafôtaka nambidy lay longues paroles à dire. Avec la dot on a acheté une hiarahantsika mikosoka», moustiquaire pour notre joie kazahaymiaramilabynify commune". Nous sommes tsömbalavaarahaba. des soldats avec de grandes dents, nos salutations ne sont pas longues. = 93 =

Misaotra betsaka, Merci beaucoup, que Dieu tahin’Andriamanitra,azony vous protège. Les marques de respects et les honneurs fadysynyvoninahitra.Libe ont été obtenus. Cela est izyfôtsyhely.Tahôhinoña grand et non pas petit. zahay. Viloma Bénissez-nous, nous allons tahin’Andriamanitra». boire. Que Dieu nous donne vie et bénédiction ».

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TROISIEME PARTIE

REFLEXIONS PHILOSOPHIQUES SUR LE PARTAGE DES BIENS

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CHAPITRE I

LES AVANTAGES

I.- Sur le plan social

La famille a une grande importance pour les Malgaches. Pour cela, le partage des biens est un rite très intéressant parce qu’à chaque fois qu’il y a une cérémonie, presque toutes les familles arrivent pour y participer. C’est là une grande occasion pour se connaître.

Dans ce cas, le partage des biens est un moyen pour les Malgaches, non seulement de chercher une ambiance de convivialité dans la fête, mais aussi et surtout pour assurer le renforcement comme l’élargissement de la liaison familiale. Le partage des biens est un moyen pour les familles malgaches de se réunir et de se connaître entre elles, puisque tous les membres de la famille doivent être présents au moment de la cérémonie. C’est aussi une occasion pour la famille venant de loin de visiter son village d’origine et de visiter tous les membres de sa famille.

En plus, pour le partage des biens, la bénédiction venant du tangalamena et des ancêtres est nécessaire, car ceux qui y assistent pensent que ce rite est source de bien et de bonheur. Pour avoir le bonheur, il faut pratiquer ce rite parce que c’est un des moyens qui montre d’une manière claire et exacte le renouvellement de la parenté. Ainsi, l’ancêtre est très sacré pour les Betsimisaraka. Ils pensent et croient que s’ils ne font pas ce = 96 =

rite, tout sera négatif dans la vie. Les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I pensent que le partage des biens est la fin des rites de ce mort en lui donnant sa part de richesses, pour demander l’harmonie dans la vie. Ce rite est un moyen pour faire connaître aux enfants leurs grand-père et grand- mère. Si nous ne faisons rien, la valeur de la famille diminue dans la société betsimisaraka. Pour cela, ce rite montre l’existence et la puissance des défunts.

Le partage des biens est une tradition très utile à notre vie. En outre, ce partage des biens unit les hommes. A ce moment-là, beaucoup de gens viennent. Ainsi, on cherche tous les moyens possibles pour avoir la richesse, afin de pouvoir dépenser beaucoup au cours de la cérémonie. Cela suscite la concurrence économique entre les hommes dans la société. La richesse est la source de l’obtention de l’honneur au sein d’une société, parce que celui qui est riche peut satisfaire les invités au cours de la cérémonie.

Le partage des biens n’est pas le devoir d’une partie de la famille, mais il est le devoir de toutes les familles. Dans ce cas, tous les gens présents au moment de la fête se présentent de plusieurs façons : la façon de vivre, la façon de parler, la façon de danser et de s’habiller.

En effet, les différentes façons forment l’évolution culturelle et sociale d’une certaine société. Ensuite, on constate que le partage des biens est aussi une source de connaissance pour l’homme. Au cours de la cérémonie, on obtient beaucoup d’informations et d’expériences, car cette cérémonie forme immédiatement la connaissance de l’homme.

La présence des personnes au cours de la cérémonie montre l’existence de l’amour au sein de la société. Ainsi, cette cérémonie ne serait pas menée à terme, s’il n’y a pas d’amour entre les uns et les autres. L’amour, en tant que source et fondement de l’union et de l’association des hommes, entraîne aussi la solidarité. En effet, on peut dire que cette solidarité véhicule la vie dans la société. Mais cette solidarité ne serait pas réellement certaine, s’il n’y avait pas de respect. Cela veut dire que la pratique du partage des biens a besoin de respect entre les uns et les autres. Justement, un proverbe malgache dit : = 97 =

« Manan-jandry afaka olan’entana, manan-joky afaka olan-teny » (Qui a un cadet est déchargé des bagages, un aîné, de la parole) »1.

Dans ce sens, la solidarité et le respect sont importants pour apporter l’ordre social dans une société. Ces trois façons montrent que la société betsimisaraka vit réellement dans le cadre du fihavanana . L’ordre social platonicien catégorise les citoyens en trois classes selon la nature et leur potentialité respective, suivant leur race : race d’or, race d’argent et race d’airain. Mais pour nous les Malgaches, l’ordre social est le fihavanana et la solidarité.

En plus, le partage des biens est nécessaire parce que c’est dans ces circonstances que les parents enseignent et racontent à leurs enfants leur jijy karazaña (arbre généalogique) dans le but d’éviter l’inceste. En un mot, le fait de faire le partage des biens est une occasion non seulement pour préserver l’honneur de la famille ou de la société, mais il est aussi un moyen pour sauvegarder le fihavanana .

Les avantages se situent surtout en majeure partie sur le plan social, car qui dit social dit vie en société et son organisation. La vie en société vise l’amélioration des conditions de vie. Quand on réfléchit bien aux rites betsimisaraka, on constate qu’il y a plusieurs avantages. En général, les Betsimisaraka pensent que l’homme vit en relation osmotique avec ce qui les entoure, et rien ne sépare fondamentalement la nature de la surnature, le visible de l’invisible. Pour cela, il doit toujours avoir un échange entre les vivants et les morts.

II.- Sur le plan philosophique

La pensée malgache ne peut pas accepter que la vie soit déterminée par la naissance et la mort. Depuis la nuit des temps, les ancêtres malgaches pensaient qu’après la mort physique, l’âme va trouver une autre vie dans l’au-delà. Cette conception pousse donc les

1 Eugène Régis Mangalaza, Essai de philosophie betsimisaraka : sens du famadihana , p. 15. = 98 =

Betsimisaraka d’Ambatoharanana I à s’occuper de leurs ancêtres, car elle devient une habitude pour tous les Malgaches.

Le partage des biens est un des rites reçus des ancêtres betsimisaraka. On peut ne pas savoir à quel moment ce rite a commencé, mais comme nos ancêtres le pratiquaient, nous ne pouvons pas vivre tranquillement sans le faire. Puisqu’on croit que l’âme du défunt ne reste pas dans la tombe et qu’elle devient une force invisible ( hery tsy hita ), on craint que le défunt soit en colère et on essaie toujours de s’entendre avec les ancêtres.

Faute de respect pour les rites reçus des ancêtres, il peut toujours arriver des malheurs que la science ne peut pas expliquer. Devant tous les événements, les zokiolona trouvent toujours des explications qui sont conformes à une telle manifestation, parce qu’ils croient que c’est la colère des ancêtres qui en est la cause. Face à ces événements, les experts en science expliquent aussi à leur manière, mais d’une façon globale. La philosophie malgache permet donc aux Betsimisaraka de prendre toutes les précautions pour éviter les malheurs.

D’après la conception betsimisaraka, c’est après le partage des biens que le défunt peut guider la vie de ses descendants dans la vertu, parce que son âme surveille toujours ses enfants et qu’elle leur fait signe en cas de faute. Sans relation avec les ancêtres, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I ne comptent pas pouvoir vivre dans la tranquillité de l’âme parce qu’ils ne connaissent même pas si leurs actes sont bons ou mauvais.

En plus, les Betsimisaraka ne peuvent pas faire quoi que ce soit sans demander l’autorisation des ancêtres parce qu’ils craignent que ces derniers soient déshonorés à cause d’eux. Mais les razana (ancêtres) qui ne le sont pas encore, ne peuvent rien faire. Les Betsimisaraka doivent donc toujours accomplir leurs tâches envers les ancêtres pour donner des leçons aux descendants, afin de pouvoir bien maintenir ces rites ancestraux qui sont en voie de disparition à cause des progrès scientifiques.

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En d’autres termes, la pratique du partage des biens est source de progrès, de succès et de connaissance pour les gens d’Ambatoharanana I.

III.- Sur le plan humanitaire

L’être humain a toujours cherché l’argent et l’honneur. Ces derniers montrent que quelqu’un est puissant et utile dans sa vie. Il a sacrifié beaucoup de choses pour avoir de l’argent et de l’honneur. Par exemple, il ne mange pas beaucoup chaque jour, il se sacrifie et s’habille simplement pour avoir un jour un bœuf pour pratiquer le partage des biens. Parce que chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, les gens font ce rite et invitent plusieurs personnes avec un grand bœuf. Grâce à l’homme ou la famille deviennent célèbres. Le bœuf occupe une place importante chez les Malgaches. Une famille qui ne pratique pas le partage des biens est une famille faible et n’est pas considérée par les autres. Après la pratique du partage des biens, la famille pense que tous les malheurs disparaissent. En d’autres termes, ce rite entraîne la richesse, parce que les ancêtres gardent et aident les vivants pour empêcher que les malheurs surviennent, pour faciliter l’amélioration de la vie et pour que la famille soit prospère.

Pour les gens d’Ambatoharanana I, à chaque fois que quelqu’un demande une chose aux ancêtres, il est facile pour ces derniers de la donner, car le vivant pratique ce rite. Mais si nous ne faisons pas ce rite, l’ancêtre est aussi capable de punir les vivants.

Cela veut dire que l’ancêtre malgache connaît deux choses : le mal et le bien. Les Betsimisaraka pratiquent donc ce rite pour avoir la bénédiction et surtout aussi la santé pour éviter la maladie.

Après ce rite, toute la famille est très heureuse parce qu’elle a la puissance et la force venant des ancêtres. Au fait, les ancêtres jouent un grand rôle envers les vivants en ce sens qu’ils apportent de l’aide aux hommes au cas où ceux-ci connaissent des difficultés. Les Betsimisaraka ont leur façon de célébrer cette cérémonie. Si l’on ne pratique pas ce rite, la maladie règne dans toute la famille.

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Nous pensons que c’est un devoir sacré pour nous de faire valoir notre culture traditionnelle, car elle vaut « un brevet de marque malgache ». C’est ce que les Betsimisaraka entendent par justice sociale au sein de l’organisation générale de la vie en société. Mais, même si la pratique de ce rite apporte des avantages pour les vivants, il y a aussi des inconvénients.

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CHAPITRE II

LES INCONVENIENTS

I.- Sur le plan économique

La pratique du partage des biens a des inconvénients sur le plan économique, parce que le but de l’économie, c’est de ne dépenser que ce qui convient, de réduire les dépenses. Par contre, on peut dire que la pratique des rites peut causer trop de dépenses, non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan temporel. Pour les gens d’Ambatoharanana I, le mardi et le jeudi seulement sont des jours néfastes pour le partage des biens, et cela depuis le mois de juin jusqu’au mois de septembre ; ces jours néfastes pour ce rite sont néfastes aussi pour travailler. Pendant presque trois mois, les gens ne travaillent pas la terre. Le partage des biens, surtout la préparation, occupe par ailleurs beaucoup de temps. En effet, la pratique de ce rite engendre une grande perte de temps, car la préparation se fait pendant un ou deux mois avant la date fixée pour la cérémonie.

Par ailleurs, ce rite nécessite beaucoup de dépenses et pourrait être une source d’appauvrissement, si l’on ne fait pas bien attention.

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Ensuite, on sait que le niveau de vie des gens dans certaine société, est inégal, mais la division des charges au moment de cette cérémonie peut être souvent équitable. Alors, celui qui est moins riche ne peut pas honorer ses charges au cours de la cérémonie. En outre, cette division des charges est souvent égale, sans considération de classe sociale. Dans ce cas, les gens moins riches vendent leur part de source de richesse aux autres, comme les rizières, les champs de culture. En bref, le partage des biens nécessite des réflexions pour éviter le désordre dans la société. Mais si le défunt a été riche, sa richesse à elle toute seule peut subvenir aux besoins, lors du partage des biens.

Les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I sont des gens attachés à la tradition. A cause de cela, ils ne veulent pas agir contre le fomban- drazana (coutumes ancestrales). Or, la pratique de cette coutume peut entraîner le blocage du développement économique. A notre avis, le respect de la tradition engendre un certain traumatisme chez les gens, c’est pour cela que la pratique de ce rite provoque beaucoup de conséquences dans la vie des gens. De plus, on peut dire aussi que la pratique des rites et des coutumes engendre des obligations chez les vivants, c’est-à-dire que dès la mort d’un parent, par exemple, ses descendants doivent déjà préparer ce qu’ils doivent faire pour le partage des biens.

Parfois, les cérémonies rituelles amènent des problèmes dans la société. Durant les fêtes, à la campagne, certaines familles dépensent beaucoup pour la boisson et les aliments, elles vont alors, au-delà de leur possibilité. Des problèmes surgissent alors et c’est le conflit, parce que les individus sont ivres à cause des boissons alcooliques.

En outre, quelques familles dépensent beaucoup trop au moment de la cérémonie, alors que leur pouvoir d’achat ne le leur permet pas. Par conséquent, elles demandent de l’aide auprès d’autres familles sous forme de dette. La cérémonie rituelle entraîne donc la pauvreté de certaines familles.

On constate que la pratique des rites est réduite au minimum ou même n’existe plus dans les pays développés, à cause de la modernisation et du progrès des scientifiques. Une fois l’enterrement terminé, les gens ne = 103 =

s’occupent plus des morts, c’est-à-dire que le tombeau est cimenté une fois pour toute.

II.- Sur le plan religieux

Actuellement, à Madagascar, vu l’abondance des religions étrangères, nous les Malgaches, vivons très bien dans le monde du christianisme. Cette religion est considérée comme une forme de nouvelle culture pour nous. Cette culture étrangère aux Malgaches n’est autre qu’une culture comme toutes les autres, elle a son propre principe de base.

De ce fait, s’occuper des ancêtres et surtout le partage des biens engendrent des ruptures familiales, car le christianisme ne peut pas accepter ce rite ; le joro (invocation des ancêtres) est interdit, surtout pour les protestants. Mais dans une famille, la moitié des membres sont des chrétiens qui ne croient qu’à un seul et unique Dieu, et l’autre moitié donne de l’importance aux ancêtres et à leurs forces.

Pour les chrétiens, leur religion ne leur laisse pas parler ou demander quelques faveurs aux morts, car pour eux, ils ont déjà fini ce qu’ils avaient à faire ici-bas, et c’est l’âme qui compte mais non pas le corps. En effet, dans la religion chrétienne, les fidèles croient en un seul Dieu et en la continuité de la vie dans l’au-delà ainsi qu’en la sainte Trinité. Ils adressent leur prière à Dieu (le Maître de l’Univers), font le baptême pour intégrer les adeptes au sein de la famille chrétienne. Ils reconnaissent aussi le message de Dieu par le Christ.

Ainsi, pour les juifs, cette culture ancestrale est scandaleuse et une pure folie pour les Grecs, pourtant elle est associée à une autre culture. Mais dans la religion traditionnelle malgache, à travers le partage des biens : « Nous nous appuyons sur le Zañahary pour toute chose »1.

1 Robert Dubois, Olombelona , p. 46. = 104 =

Lors du joro , le mpijoro (prêtre traditionnel) invoque en premier lieu Zanahary , parce que, pour nous les Malgaches, la source unique du courant vital est Zañahary . Ce courant passe ensuite par les ancêtres, puis par les anciens encore présents ici-bas.

Mais si nous élargissons notre discussion, il y a un rapport entre la religion malgache et le christianisme, parce que pour le christianisme, Jésus est l’unique passage pour parvenir à Dieu, mais nous, dans la religion traditionnelle, ce sont les ancêtres qui forment ce rôle, c’est-à-dire par le pouvoir divino-ancestral. En effet, on ne peut pas entrer dans le monde divin sans passer par l’intermédiaire des ancêtres. Cela veut dire également que les bénédictions et les atouts dans la vie offerts par Zañahary passent d’abord par les ancêtres. En d’autres termes, la réconciliation du divin et de l’humain n’est pas possible sans l’intervention des ancêtres.

Tout cela montre que dans la religion traditionnelle malgache, comme dans la religion des chrétiens, force est de constater que les fidèles adorent Dieu et honorent également des être surnaturels (les dieux). Alors, pour les chrétiens, c’est le Christ (prophète) qui transmet le message à Dieu, alors que pour les Malgaches, ce sont les ancêtres ou les tromba qui transmettent le message de l’homme vers Dieu.

Pour les chrétiens, ceux qui croient aux forces des ancêtres ne pensent donc pas à ce raisonnement, mais ils croient que les chrétiens déshonorent leurs ancêtres et ils se détournent de leurs tâches envers eux. Tant qu’il y a des chrétiens et des protestants dans une famille, il y aura toujours des mésententes et des murmures à cause de ce rite. Sinon, il n’y aurait pas de purs chrétiens dans la région des Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, parce que ceux qui le sont ont peur d’être rejetés par la famille,mais la conception chrétienne qui n’accepte pas tout ce qui concerne les ancêtres leur convient. Pour résoudre ce problème, ils prennent donc comme solution la pratique de ces deux rites en même temps, alors qu’ils sont tout à fait contradictoires. De ce fait, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I qui sont chrétiens se trouvent sur le point d’intersection : ils ne sont ni chrétiens, ni païens.

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III.- Sur le plan moral

La pratique du rite rasahariaña qui est causée parfois par la peur de la force des ancêtres peut aussi provoquer des problèmes moraux, parce que les Betsimisaraka, en suivant les normes ancestrales, ne peuvent pas avoir une vie propre à eux. Ils vivent toujours dans le doute du bien et du mal, face aux ancêtres, en faisant quelque chose. Ils vivent alors dans la crainte. Cela est une marque ou un signe de faiblesse de presque tous les Malgaches en général, devant les ancêtres et même devant Zañahary . Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, chaque fois qu’un malheur survient dans la famille, ils pensent toujours que c’est à cause de la colère des ancêtres. Cela veut dire que les gens ne sont pas responsables de ce qui arrive dans leur vie. Ils croient que toutes les choses qui passent viennent de la puissance divine.

En d’autres termes, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I ont foi aux ancêtres, et ne raisonnent pas. Or, l’être humain est responsable de sa vie quoi qu’il arrive. S’il devient pauvre, c’est à cause de son oisiveté. Si tout le monde assure sa responsabilité, le pays serait déjà développé. C’est la même chose pour le christianisme, parce qu’un proverbe dit : « Zañahary tsy mitahy ny vaka » (Dieu n’aide pas les gens qui ne font rien ».

A cause de la croyance en la puissance divine, les Malgaches font ce qu’on appelle le sikidy , un art divinatoire qui maintient la relation entre la société des hommes et la société des dieux. Il est donc le fond même de la religion traditionnelle malgache. En d’autres termes, presque tous les êtres humains croient en un être rempli de forces. Par exemple, le sikidy du christianisme c’est la Bible , et pour le musulman, c’est le Coran . Pour les Malgaches, la communication des dieux passe par l’écran du sikidy . « Les dieux restent lointains et leur message reste divin »1.

1 Robert Jaovelo-Djao, Mythes, rites et transes à Madagascar , (Angano, joro sy tromba sakalava ), p. 292. = 106 =

En effet, le sikidy possède la sacralité provenant de Zañahary , la sagesse divine ainsi que l’amour divin en faveur de l’humanité. Le sikidy qui présente la tradition héritée des premières familles arabes devient pour les Malgaches un livre sacré dans le sorabe dont les lettres sont en gros caractères arabes.

Mais, par la force des démons, on peut consulter dans le sikidy le mal. Autrement dit, les démons peuvent changer la sacralité divine selon leur propre volonté. Zañahary est donc, par sa nature, un être naturellement bon et miséricordieux, contrairement aux démons qui visent toujours à faire le mal.

Mais, nous voyons très bien que presque tous les pays développés d’aujourd’hui pratiquent la science dans leur vie. Quelquefois, ils ont la foi, mais ils utilisent la science pour développer leurs pays. La pensée scientifique a sa méthode basée sur l’évidence et la vérité. Ainsi, dans la théorie de la connaissance, Descartes dit : « Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle, et de ne comprendre rien de plus à mes jugements que ce qui se présentait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute »1.

D’après cette citation, on voit que la méthode scientifique est basée sur l’observation précise, sur l’esprit expérimental. Autrement dit, les scientifiques ne croient à la chose que si elle se présente clairement et bien distinctement à leur esprit.

Par contre, on pratique le partage des biens parce qu’on croit que les ancêtres peuvent encore aider les vivants. Les scientifiques ne peuvent pas croire à cela, parce qu’on ne peut pas avoir des preuves que les ancêtres aident réellement les vivants.

C’est pour toutes ces raisons que les Betsimisaraka d’Ambatoharahana I pratiquent le partage des biens. Ils sont faibles et craintifs devant les ancêtres. Mais tout le monde a sa faiblesse. Les

1 René Descartes, Discours de la méthode, 2 ème partie, p.32. = 107 =

Betsimisaraka n’ont plus leur identité personnelle et manquent d’initiative dans leur vie à cause de la croyance aux forces des ancêtres.

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CHAPITRE III

SITUATION ACTUELLE DU PARTAGE DES BIENS

I.- Evolution

Actuellement, le partage des biens perd petit à petit sa vraie valeur à cause des difficultés de la vie. Les gens, de nos jours, ne pensent pas trop à cette tradition parce qu’ils vivent dans la modernisation et la mondialisation. A cause de cette dernière, notre coutume commence à se perdre. Le Malgache actuel vit dans la croyance au Dieu suprême, il suit la civilisation étrangère comme la foi chrétienne, musulmane ou des sectes. Madagascar s’est vraiment développé, si on considère le plan religieux. Le développement et l’évolution sont des choses nécessaires pour un pays. Mais pour nous, les Malgaches, dès que nous disons que nous sommes civilisés, nous abandonnons notre culture. Cela veut dire que les Malgaches suivent bêtement ( mañaraka ambokony ) le développement dans le monde.

La vie est vraiment difficile. De nos jours, le partage des biens demande beaucoup d’argent. Actuellement, les familles limitent de plus en plus les dépenses qu’elles effectuent au cours des fêtes et elles vont même jusqu’à sélectionner les invités pour ne pas engager trop de dépenses. Tout

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cela nous montre que le partage des biens a presque perdu son originalité. Il faut rappeler que tout le monde peut assister à la cérémonie, ou du moins tous les villageois peuvent être invités lors de la fête, il ne sert à rien de sélectionner les invités, car aux yeux de tout le monde cela peut être déshonorant, non seulement pour la famille qui organise la fête, mais aussi pour la tradition dans sa totalité.

De nos jours, le partage des biens est un symbole pour sauvegarder la tradition qui ne doit pas disparaître. Le second sens de cette culture, à savoir le renforcement du fihavanana , est tombé dans l’oubli. Cela est dû, non seulement à la difficulté de la vie, mais aussi à la mauvaise compréhension de la modernité. Cela montre que les Malgaches, de nos jours, ont changé, parce qu’auparavant les os ( taolana ) des ancêtres sont très respectés et sont sacrés pour nos grands-parents. Mais de nos jours, il y a beaucoup de gens qui vendent les os des ancêtres. Tout cela montre que les Malgaches ont vraiment changé. Certains d’entre nous ne croient plus à la sacralité des ancêtres, à cause de l’égoïsme et du trop grand amour de l’argent.

En plus, il n’y a pas que la tradition seulement qui est perdue, mais notre langue aussi. Beaucoup de Malgaches qui se disent modernisés ne connaissent plus vraiment les mots malgaches. Ils parlent en langue métissée par exemple, un petit mot français avec un petit mot malgache. C’est cela la modernisation à Madagascar. Mais si nous approfondissons notre enquête, ces gens-là ne comprennent pas très bien le vrai malgache ni le vrai français. Il en est de même pour la façon de s’habiller. Regardez bien l’habit des jeunes actuels, ils ne respectent plus la valeur de nos cultures et de nos traditions.

Le Malgache actuel n’aime pas dépenser pour la tradition, même s’il a de l’argent. Certains pensent que c’est de l’argent jeté dans l’eau. Mais, n’oublions pas que ce rite a aussi des côtés positifs parce qu’il procure un honneur inoubliable pour la famille de la part des villageois, et il y a un proverbe qui dit : « Ny soa atao levenam-bola » (Le bien que nous faisons est de l’argent enterré). Cela veut dire que dans la pensée malgache, le bien que nous faisons lors d’une cérémonie traditionnelle peut

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être récompensée par les ancêtres plus tard. Par contre, un autre proverbe affirme : « Ny ratsy atao loza mihantona » (Le mal que nous faisons est un danger en suspens). Dans la pensé malgache, les ancêtres punissent tous ceux qui font du mal envers les autres et surtout ceux qui manquent du respect pour la tradition. C’est pour cette raison aussi que les Malgaches disent : « Ny tody tsy misy fa ny atao no miverina » (Il n’y a pas de sanction sur ce qu’on a fait, c’est ce qu’on a fait qui revient). Il faut donc éviter de faire le mal, afin de ne pas subir des conséquences fâcheuses ultérieurement.

II.- Civilisation

Nous savons que Madagascar est une ancienne colonie française. En d’autres termes, la civilisation moderne qui règle notre vie est issue de la civilisation européenne qui, au départ, est fondée sur la société capitaliste en général. Or, dans la société dite capitaliste, il n’y a pas d’acte gratuit car « toute peine mérite salaire », comme l’affirme le proverbe. Si le Malgache adopte un tel point de vue, la notion de fihavanana va sûrement disparaître. La civilisation occidentale n’est pas compatible avec la culture malgache en ce sens qu’elle peut changer la mentalité des gens et ils ne respectent plus leur propre culture.

Dans certaines régions de Madagascar, les gens vivent comme des civilisés, ils oublient leur propre culture, la vie est devenue de plus en plus complexe, car il y a mélange des deux cultures différentes et capables de former une autre culture métissée. Cette nouvelle culture peut engendrer un autre mode de vie. La notion d’égoïsme règne souvent dans ces régions car le « nous » se transforme en « moi », au sens précis du terme, c’est le chacun pour soi. Par conséquent, on ne trouve presque plus de solidarité communautaire dans de telles régions.

Tout cela montre que la vraie originalité des Malgaches se perd, surtout le fihavanana et la solidarité, parce que les Malgaches actuels vivent plus selon un proverbe qui dit : « Havana raha misy patsa » (traduit littéralement, vous êtes mes parents si vous avez des crevettes). En d’autres termes, seul celui qui a de la fortune fait partie de la famille. Or, nous = 111 =

savons qu’auparavant, le Malgache ne tient pas compte de la fortune parce qu’il dit : « Aleo very tsikalakalam-bola toy izay very tsikalakalam- pihavanana (Il vaut mieux perdre un peu d’argent, plutôt que de perdre un peu d’amitié).

De nos jours, le pauvre n’a aucune chance de réussir, car même sa propre famille peut le rejeter. En ce sens, il est considéré non seulement comme un fardeau pour la famille, mais aussi comme une honte. Le proverbe suivant renforce cette opinion : « Ny omby mahia tsy lelafin’ny namany » (Un bœuf maigre n’est pas léché par ses congénères). Au sens large, le pauvre est écarté par tout le monde puisqu’il est sans intérêt. Tout cela montre l’égoïsme qui règne en ce moment dans la société malgache moderne. Puisque nous parlons de la société malgache contemporaine, certaines familles malgaches vivent comme des familles modernes ; elles se contentent de la famille restreinte et ne se préoccupent pas de la famille élargie. Elles finissent par vivre isolées.

Notre thème concerne le partage des biens, en particulier des familles betsimisaraka qui ne cessent de préserver l’originalité et la vraie valeur du partage des biens. Il est vrai que la vie est devenue très dure, mais cela ne les empêche pas de respecter et de pratiquer la culture traditionnelle. De plus, la dépense est tolérable en ce sens que la communauté tout entière participe à la réalisation de la cérémonie. La solidarité universelle ou fihavanana continue de se renforcer dans ces conditions-là.

En d’autres termes, presque tous les êtres humains aspirent à la civilisation, mais il faut, note Béret, malgré cela, prendre en mains nos cultures et traditions et suivre avec attention la civilisation. Cela veut dire : « Feheziko ny an’ny hafa, ary ny an’ny tena koa tsy ariana » (Je maîtrise la culture des autres, la mienne je ne la rejette pas).

De nos jours, le partage des biens est une des plus belles traditions betsimisaraka, ce rite est comme la base fondamentale de toutes les relations sociales dans cette société.

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Par contre, quand nous sommes en face d’une bonne chose, le fihavanana et la solidarité malgaches disparaissent. Mais confronté au malheur, telles la mort, la guerre, la solidarité et le fihavanana résurgissent toujours chez les Malgaches.

De nos jours, à cause de la civilisation, les gens n’ont pas le temps de discuter longtemps avec les autres, ils sont tous préoccupés par leur problème personnel et ils vivent dans le silence ou dans la solitude. Un proverbe dit : « Le temps est de l’argent ». A cause de tout cela, les Malgaches commencent à ne plus aimer les autres ; ils ne les considèrent pas comme des havana ou de sa famille, alors qu’auparavant tout le monde était havana à part les ennemis. Ainsi, il n’y a plus de solidarité.

Revenons à notre contexte. Malgré cette déformation de la pensée malgache, il y a toujours dans de nombreuses régions de Madagascar des gens qui mettent en valeur la protection de la culture traditionnelle. Dans ces régions, la notion de fihavanana garde toujours sa vraie valeur et joue aussi un rôle très important au niveau de la société.

III.- Nouvelle valeur du partage des biens

Nous utilisons le terme de culture aussi bien pour décrire les coutumes, les croyances, les langues, les idées et la connaissance technique, que l’organisation de l’environnement total de l’homme, à savoir la culture matérielle, les outils, l’habitat et plus particulièrement tout l’ensemble technologique transmissible, régulant les rapports et les comportements des groupes sociaux avec son environnement, ou l’organisation symbolique d’un groupe avec tout l’ensemble des valeurs qui forme le groupe. La culture est comme un système symbolique véhiculé par tout groupe humain, elle est toujours présente dans toutes les diversités de la société humaine.

Si nous nous référons à cette définition, il nous paraît clair que le partage des biens n’est pas exclu du domaine de la culture. Etant donné que la culture n’est pas innée, mais qu’elle s’acquiert par apprentissage et qu’elle se transmet généalogiquement mais non héréditairement, nous

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pouvons dire que la culture, confrontée au temps et à l’espace, ne cesse d’évoluer, car l’esprit humain est le résultat de son activité et le dépassement de l’immédiateté. L’homme est un être insatisfait, en ce sens qu’il ne se contente pas du présent, mais il préfère aller vers le plus loin possible, dans tout le domaine de la vie, à la recherche du bien ou du bonheur.

Dans ces conditions, il nous paraît évident de suggérer une sorte de réforme dans la pratique du partage des biens.

Dans le temps, le partage des biens tenait une place très importante, car il symbolisait le respect des ancêtres et constituait aussi un rite pour avoir la bénédiction des ancêtres. Les gens respectent la pratique du rite car selon la croyance, après avoir fait le partage des biens, on obtiendra le fahasoavana (bénédiction). C’est parce qu’ils croient à cette bénédiction que les gens d’Ambatoharanana I ne cessent pas de pratiquer le partage des biens.

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CHAPITRE IV

QUELQUES SIGNES OU SYMBOLES EMPLOYES DANS LE PARTAGE DES BIENS

I.- L’eau

L’eau tient une place importante chez les êtres humains. Nous avons toujours besoin de l’eau dans notre vie, au moins un litre d’eau par jour, par personne. On utilise l’eau pour les besoins quotidiens, mais aussi pour la tradition comme le joro , parce que l’eau peut se réduire à trois thèmes dominants : source de vie, moyen de purification et centre de régénérescence. Ainsi, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I utilisent l’eau pour bénir et purifier les invités à la cérémonie. C’est avec de l’eau aussi que les jeunes gens lavent le zébu à sacrifier avant l’invocation sacrée d’offrande du zébu vivant.

L’eau, en tant qu’élément nécessaire aux humains, a pour fonction de purifier toutes les souillures. Pour la famille, dans le partage des biens, l’eau symbolise la lumière et l’espoir menant au bonheur dans la vie. Dans une cérémonie de partage des biens, l’eau utilisée concerne à la fois les conditions de la vie humaine et les forces invisibles. L’eau a une grande importance dans une cérémonie betsimisaraka. Dans leur

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conception, l’eau puisée très tôt le matin a un caractère sacré et saint (masina ). Cette eau est réputée avoir la vertu de rendre fort. Tout cela montre donc que l’eau est une source de notre vie, mais sans l’argent, l’être humain devient impuissant.

II.- L’argent

A chaque fois qu’ils célèbrent un événement heureux, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I utilisent une pièce non morcelée (volatsivaky ), pièce de monnaie avec trois personnes en position debout, une chaînette en argent. La pièce non morcelée symbolise l’héritage des ancêtres ( haren-drazana ). D’autre part, elle évoque la liaison, l’interdépendance, l’unité et la cohésion de la famille, ainsi que la plénitude. C’est l’image de l’union familiale : le fihavanana qui est un idéal pour les Malgaches.

En un mot, si l’unité est l’image de la vie, l’éparpillement est le symbole de la mort. C’est la raison pour laquelle les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I se servent du volatsivaky ou volatsanganolono , lors de la célébration de différents joro de bénédiction, de consécration, de demande de bien-être, de destinée heureuse et de réussite dans la vie. C’est pour dire que la vie doit être comme une pièce de monnaie non morcelée, entière et ne saurait être émiettée, sinon elle perdrait totalement sa valeur. En d’autres termes, la valeur de cette pièce d’argent est liée à la solidarité familiale et à la longévité symbolisée par la pièce de monnaie.

En plus, cette pièce d’argent symbolise le hasina (la sacralité et l’honneur) comme le dit James Rabehanoanina : « Ny vola dia fanamafisana ny razana ho mariky ny fampiasana azy eo amin’ny fiainana an-davanandro ». Traduit littéralement : (L’argent est une confirmation pour les ancêtres pour marquer son emploi dans la vie quotidienne).

En effet, l’homme qui se tient debout au milieu de cette pièce de monnaie, entouré de deux femmes comme son nom l’indique (volatsanganolo ), en est la représentation.

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En réalité, dans la culture betsimisaraka, l’homme occupe une place importante, a une certaine considération de l’honneur, voire même est sacré. Nous constatons cela dans la répartition des places dans la maison, dans le partage de la parole ; les femmes restent toujours ignorées. C’est impossible pour les femmes betsimisaraka d’être sur le même pied d’égalité que les hommes, surtout dans le rite ancestral, parce que le prêtre est toujours un homme. Il est inconcevable de rencontrer une mpijoro , prêtre traditionnel femme. La mondialisation donne le même pouvoir aux femmes et aux hommes, mais la culture malgache n’accepte pas cela.

La pièce de monnaie non fractionnée ou tsanganolo est donc le symbole de l’honneur et de la sacralité. Dans la pensée betsimisaraka, la valeur que porte l’argent représente le divin, c’est-à-dire que l’argent symbolise la sacralité ( hasina ) qui veut aussi dire que le divin est sacré. Mais pourquoi les Betsimisaraka utilisent-ils une assiette de couleur blanche ?

III.- Le kopy fotsy ou assiette blanche

Le kopy fotsy est spécifique au joro et pour toutes sortes de tsaboraha betsimisaraka. Comme le rite du partage des biens est un tsaboraha , littéralement, le fait de faire quelque chose, on a besoin d’une assiette blanche pendant le joro . On utilise le kopy fotsy au cours du tsaboraha , parce que pour les Betsimisaraka, le prêtre traditionnel sanctifie l’eau en demandant aux Zañahary sy ny razaña . Pour les chrétiens, il y a aussi ce qu’on appelle eau bénite qu’on met dans un vase sacré, mais non dans un kopy fotsy . C’est le prêtre qui demande à Dieu.

En plus, le prêtre traditionnel ( mpijoro ) utilise une assiette blanche parce que selon la croyance betsimisaraka ou plutôt malagasy, la couleur blanche est le symbole de la sagesse, de la transparence et de la pureté. La couleur blanche attribue au mercure, à l’innocence, à l’illumination le bonheur. C’est la raison pour laquelle ils estiment que la famille pratiquant le partage des biens est innocente devant les dieux et les ancêtres et qu’ils méritent à leur tour le respect.

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En un mot, la couleur blanche est une image de la vie et du bonheur. Le blanc symbolise la lumière, l’espoir et la joie pour l’organisateur du partage des biens.

IV.- Le nombre six

Chaque nombre a une signification pour les Betsimisaraka. Les nombres pairs sont très importants et portent bonheur pour les Betsimisaraka. Mais les nombres impairs sont comme des nombres incomplets ( tsy feno ), ils sont source de maux. Parmi les nombres pairs, le nombre six est un chiffre complet. Dans le partage des biens, les gens souhaitent vivre une vie complète, de ne manquer de rien. En ce sens, Louis Molet confirme : « Six, par assonance avec le mot henika (qui s’abrège) de la même façon, plein, comblé, saturé, est le nombre de la plénitude de richesse »1.

Cela veut dire que dans la pensée betsimisaraka, le nombre six est censé avoir la vertu de vie qui traduit littéralement ce que ce groupe appelle « enina », « enin-kavelomana » (Six, six fois comblé de vie). Il désigne aussi l’honneur, comme ils le disent : « enin-kaja, enim- boninahitra » (littéralement, plein d’honneur et de gloire). En d’autres termes, cela est fait pour souhaiter à la famille d’avoir une vie meilleure.

Tout cela montre que le nombre six ( enina ) est un nombre de la bénédiction et du souhait pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. C’est pourquoi dans « enina comme adjectif, signifie aussi qui a sa part, pourvu de quelque chose. C’est le nombre de la bénédiction »2.

Les Chinois adorent le nombre huit, valo , parce que, d’après eux, ce nombre est la source du bonheur. Bien au contraire, pour nous les

1 Louis Molet, La conception malgache du monde du surnaturel et de l’homme en Imerina , tome I, p. 84. 2 Ibidem , tome I, p. 84. = 118 =

Malgaches, le chiffre huit est source de malheur, et l’ennemi est appelé fahavalo , huitième. Cette racine valo veut dire ennemi.

En un mot, le nombre six est donc le symbole du souhait et du respect pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, même pour les Malgaches en général. Mais quelle est la valeur des ravina pour les Betsimisaraka ?

V.- La feuille de lingôsa et la feuille de hasina

La feuille de lingôsa est très indispensable pour le rite traditionnel betsimisaraka, car elle est capable d’empêcher le malheur et est source du bonheur, d’après la conception des gens d’Ambatoharanana I.

A chaque fois qu’il y a la tradition, on utilise toujours cette feuille. S’il y a un mort, par exemple, la famille lave le cadavre avec des feuilles de lingôsa , pour renvoyer hors de la maison ou du village le malheur et pour que la famille vivante vive en paix. Et avant de poser le défunt dans le tombeau ancestral, on met des feuilles de lingôsa sur le toit du tombeau pour couper définitivement les relations du mort avec les vivants.

En plus, si on pense qu’il y a une mauvaise chose autour de quelqu’un, on place des feuilles de lingôsa dans le grenier ( tohitra ), pour que le malheur reste en dehors de la famille.

Il faut dire aussi que quand quelqu’un est malade, le Betsimisaraka d’Ambatoharanana I n’oublie pas de mettre sur la porte des feuilles de lingôsa pour que les maux s’enfuient.

Si l’on vient de couper le cordon ombilical ( tadim-poetra ), sa mère met des feuilles de lingôsa sur le foetra comme une bande pour faciliter la guérison de la plaie ( vay , ratra ). Il en est de même pour la circoncision ( famosirana ). On pose des feuilles de lingôsa sur la verge de l’enfant circoncis pour que la plaie guérisse rapidement.

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Chez les gens d’Ambatoharanana I, il est formellement interdit à la femme qui a un petit bébé d’emprunter une route par laquelle vient de passer un mort, parce qu’ils pensent que la femme étant dans des conditions fragiles, il est facile au malheur d’entrer chez elle ou chez son enfant. Pour faire obstacle à tous ces malheurs, on met donc des feuilles de lingôsa sur la route. Ainsi, au lieu de marcher sur la route, la femme marche sur les feuilles de lingôsa .

Tout cela montre l’importance des feuilles de lingôsa chez les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. Il est interdit cependant de n’utiliser qu’une seule feuille de lingôsa , car le nombre impair est un chiffre incomplet ( tsy añona ). Il est la source des maux dans la société, comme la folie ( mahôla ) ou la mortalité infantile ( zaza tsy añona ).

A part le nombre huit, on doit employer les chiffres pairs pour avoir du bonheur et de la chance dans la vie.

Pendant la cérémonie du partage des biens, les Betsimisaraka utilisent les feuilles de lingôsa comme assiette et cuillère et même comme verre. On pose le riz dans les feuilles de lingôsa (foñosana ), parce que ces feuilles ont un très bon parfum et donne à tout le monde l’envie de manger.

Les Betsimisaraka n’emploient pas l’assiette moderne parce que pendant la cérémonie, il y a beaucoup d’invités, et cela facilite le travail, car les feuilles peuvent être jetées. Il n’est donc pas nécessaire de faire la vaisselle.

La feuille de hasina prend aussi une valeur pour l’invocation ancestrale, parce qu’elle marque la sainteté, comme son nom l’indique. C’est avec la feuille de hasina que le prêtre traditionnel pratique le fafy rano (littéralement, l’aspersion d’eau) lors de la bénédiction de la famille et des invités. Il est formellement interdit de pratiquer la bénédiction avec l’eau sacrée sans la feuille de hasina .

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Enfin, on emploie aussi le ravinala (feuille de l’arbre des voyageurs) comme matériel ménager pour servir le repas, particulièrement dans les grandes réunions de famille ou de la communauté villageoise.

VI.- Le bœuf

Le zébu est un animal emblématique nécessaire pour les Malgaches et surtout pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. Parfois, il est destiné à l’alimentation. Dans ce cas, il n’y a pas de distinction de race pour la viande de zébu, parce que tous les Malagasy en mangent, même les vaches laitières ( ombivavy be ronono ). De plus, le zébu est un « animal de prestige et une bête de sacrifice ». Cela veut dire qu’à chaque fois qu’il y a un rite traditionnel quelconque à Madagascar, le zébu est toujours présent pour faire le sacrifice. En d’autres termes, le zébu est sacré et nécessaire pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I.

Mais le rite du partage des biens n’accepte pas tous les zébus indistinctement, il y a des règlements à suivre. Par exemple, le zébu importé comme la vache et le bœuf sans bosse ( trafo ), sans cornes sont formellement interdits pour faire le partage des biens. En plus, le zébu handicapé qui a des défauts est aussi prohibé. Cela veut dire qu’on doit offrir un bœuf en bonne santé et sans handicap aux ancêtres pour avoir une bonne bénédiction et de l’honneur.

Il faut choisir la couleur du zébu. La couleur jaune n’est pas permise pour faire le partage des biens, parce que cette couleur est source d’échec dans la vie des Betsimisaraka. Les zébus de couleur blanche, rouge et noire sont acceptables pour le partage des biens. La couleur blanche symbolise la vie et le bonheur. Le blanc symbolise la lumière, l’espoir et la joie pour l’organisateur du partage des biens. La couleur rouge est source de force, tandis que la couleur noire marque l’énergie et la puissance.

En effet, si le mort est un homme, si un jour on va pratiquer le partage des biens, on lui donnera un zébu mâle. S’il s’agit d’une femme, on donnera une vache. Le partage des biens à Ambatoharanana I se passe

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ainsi : pour respecter les ancêtres, on offre un bœuf du même sexe que le défunt.

Mais de nos jours, le zébu malgache commence à disparaître, parce que d’après le journal de la Radio Madagascar, auparavant, il y avait beaucoup de bœufs dans notre pays, un bœuf pour une personne. Mais de nos jours, ils diminuent : on compte un bœuf pour trois personnes. Nous savons aussi qu’on exporte le bœuf malgache à l’extérieur. Tout cela a des conséquences sur la culture malgache.

En plus, actuellement, la vache est distribuée partout, alors que nos rites, nos cultures, nos traditions ont besoin du zébu malgache. A l’heure actuelle, le prix du bœuf ne cesse d’augmenter. A cause de tout cela, les traditions ont tendance à se perdre.

VII.- Le sens du joro chez les Betsimisaraka

Le joro occupe une place importante chez les Betsimisaraka d’Ambatoharahana I. En d’autres termes, le joro est une prière traditionnelle. A chaque fois que les Betsimisaraka demandent quelque chose, ils vont faire le joro . C’est pourquoi Rakotoniary dit : « Le mot joro est la racine du verbe mijoro qui signifie se tenir debout »1.

Avant de faire ce joro , un garçon crie trois fois pour demander le silence à tout le monde et pour appeler les ancêtres. En plus, dans la cérémonie du partage des biens, le mpijoro , c’est-à-dire le prêtre traditionnel ou tangalamena est considéré comme une autorité spirituelle habilitée pour cet acte. Et pendant ce joro , il prie à la fois Dieu et demande aux ancêtres. Il croit que c’est à travers le joro que l’homme exprime la réconciliation avec Dieu par l’intermédiaire des ancêtres. C’est pourquoi Pascal Lahady affirme également que le mot joro chez les Betsimisaraka : « englobe à la fois le discours religieux comprenant toutes les cérémonies coutumières y compris le culte des

1 Rakotoniary dans Le fandrangitanaombilà (la circoncision) : sens et valeurs chez les Sihanaka , p. 98. = 122 =

esprits, culte des ancêtres et culte de l’être suprême, et aussi pour désigner une invocation sacrée, appel, ce qui exprime en même temps le sens général du verbe mijoro , prier, souhaiter, tant il est vrai que le fond de toute prière c’est l’appel »1.

Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, il y a des jours interdits pour faire le joro , comme le mardi et le jeudi. Il est interdit aussi de pratiquer le joro l’après-midi, parce que l’après-midi est la phase décroissante du jour. Si on fait le joro en ce moment-là, les Betsimisaraka croient que leur vie va aussi décroître. En plus, le joro est formellement interdit pendant le mahizim-bolana (sans clair de lune), car cela donne une impression pessimiste qui suggère l’idée de mort et de malheur.

C’est pourquoi les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I pratiquent le joro un jour faste et au lever du soleil, parce qu’il est la source de la plénitude de vie et de bonheur. C’est pour cette raison que le professeur Eugène Régis Mangalaza confirme cette idée en disant : « En pays betsimisaraka, le jôro se fait au lever du jour, face au soleil, pour profiter de la corrélation étroite entre la phase ascendante du soleil et la force vitale que l’on espère recevoir d’une telle cérémonie »2.

Cela veut dire que le soleil est la source de la vie, des biens, du bonheur du monde. Mais parfois, si pendant le joro la pluie tombe, les Betsimisaraka pensent aussi que c’est une bénédiction de Dieu. Il y a un rapport étroit entre les êtres humains en prière et le soleil. A ce propos, Rakotoniary dit également : « Certes, le Soleil montant dans le ciel a une influence considérable sur le bien-être de l’espèce humaine, mais par la quantité de chaleur qu’il dégage, ce grand astre exerce également une action sur les matières inertes : celles-ci semblent être ravivées comme si elles ont encore l’énergie vitale »3.

1 Pascal Lahady, Le culte betsimisaraka et son système symbolique , p. 63. 2 Eugène Régis Mangalaza, La poule de Dieu , p. 156. 3 Rakotoniary dans Le fandrangitanaombilà (la circoncision) : sens et valeurs chez les Sihanaka , p. 101. = 123 =

On comprend donc que la lumière visible provenant du soleil agit également sur la matière non vivante en agitant ses molécules producteurs de chaleur, car avec une température élevée, les molécules ont plus d’énergie.

La lumière solaire ordinaire échauffe les éléments constitutifs des corps inertes pour pouvoir garder, en quelque sorte, un souffle vital.

Tout cela montre que le joro est une prière sacrée pour les Betsimisaraka. Quelle est alors au juste sa valeur ?

VIII.- La valeur du joro chez les Betsimisaraka

Le joro est une prière ou une liturgie. A chaque fois que nous croyons qu’une chose est sacrée, nous la respectons. Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, le joro est la chose la plus sacrée du monde. Mais si nous réfléchissons sur le joro , nous nous apercevons qu’il a beaucoup de ressemblances avec le christianisme, parce que si nous entrons dans une église, il y a l’autel, il y a le ciboire pour mettre le corps de Jésus-Christ. Pour le joro , l’autel c’est le fanambanam-bato , et sur cet autel il y a une assiette blanche pleine d’eau sacrée.

De ce fait, si le mpijoro , le prêtre, est bien concentré dans le joro , il n’est plus lui-même, mais il se trouve dans un autre monde. Cela montre la supériorité du joro . C’est sans doute pour cette raison que Rowa dit : « C’est durant la cérémonie du joro que le mpijoro se sent comme dans un état d’extase, c’est-à-dire comme dans un état hors de soi, se trouvant dans un autre monde vis-à-vis de toute assistance présente lors de la cérémonie »1.

Les ancêtres sont les intermédiaires entre les êtres vivants et l’Etre suprême, parce que le joro est un moyen pour demander le pardon de Dieu, et les ancêtres, à leur tour, transmettent les messages envoyés par les êtres humains. Le joro est la marque des grandeurs éternelles, de la vénération et de la glorification de Zañahary .

1 Rakotoniary dans Le fandrangitanaombilà (la circoncision) : sens et valeurs chez les Sihanaka , p. 101. = 124 =

Mais les Betsimisaraka, avant de faire le joro , respectent tout règlement pour empêcher le malheur, c’est-à-dire le non-respect des règles du joro a des inconvénients graves sur les humains. C’est pourquoi Dominique Zahan confirme cette idée : « En tant que régulateurs des cycles liturgiques, le soleil, la lune, les étoiles, la faune et la flore exercent directement leur influence sur les humains en prière »1.

Cela veut dire que nous les vivants dépendons toujours des éléments cosmiques. L’être humain est né et dépend de quelque chose. Il y a toujours une relation entre l’être humain et le monde sacré, c’est pourquoi, Rakotoniary ajoute : « Les joro sont des occasions favorables où divers éléments du cosmos participent pour promouvoir l’harmonie universelle ou plus précisément le bien-être des humains en prière »2.

En plus, le joro est un moyen pour remercier, pour demander tout ce que nous voulons dans la vie. Par exemple, si un couple souhaite obtenir un fils, il fait le joro pour demander cela aux ancêtres. Un jour, si son vœu est exaucé, il va aussi faire un joro pour les remercier. Tout cela montre que les Betsimisaraka croient en l’existence d’un Dieu suprême et tout- puissant, mais nous n’avons pas le droit de demander, ni de prier sans l’intermédiaire des ancêtres. C’est pourquoi les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, pendant le joro , s’adressent à la fois à Dieu et aux ancêtres.

En d’autres termes, le joro est un moyen pour demander le pardon à Dieu, il appartient aux ancêtres de transmettre les messages envoyés par les êtres humains.

En un mot, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I pratiquent le joro pour avoir la bénédiction et un avenir meilleur pour les vivants.

1 Dominique Zahan, cité par Rakotoniary dans Le fandrangitanaombilà (la circoncision) : sens et valeurs chez les Sihanaka , p. 101. 2 Rakotoniary dans Le fandrangitanaombilà (la circoncision) : sens et valeurs chez les Sihanaka , p. 101. = 125 =

CONCLUSION

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Depuis longtemps, les ancêtres malgaches connaissent qu’une autre vie existe, à part la nôtre. Mais avant d’entrer dans la vie des morts, il faut pratiquer le partage des biens pour que le défunt ait de la valeur. Cette tradition est la clé ou le droit d’adhérer permettant au défunt de devenir un ancêtre. Ce rite permet au mort d’avoir sa carte d’identité.

Le partage des biens est très important pour le défunt, il est aussi nécessaire pour les vivants. D’après ce rite, le mort devient ancêtre, et quand un mort devient ancêtre, il devient un saint pour les vivants. Pour ces derniers, ce rite est un moyen pour obtenir la bénédiction venant des ancêtres. Le tangalamena est un prêtre traditionnel pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I. Il joue le rôle de prêtre dans les cérémonies traditionnelles : il a eu l’autorisation des ancêtres.

La cérémonie du rasahariaña commence par la veillée tsimandrimandry . A cette occasion, chaque famille est présentée. Ce rite est une bonne occasion de se connaître entre les familles et surtout de savoir ce qu’on appelle tradition betsimisaraka, pour empêcher l’inceste, et pour prouver qu’il y a de la solidarité et de l’amitié dans la société betsimisaraka.

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De nos jours, le fihavanana commence à se perdre. C’est à cause de cela que les Betsimisaraka pratiquent le partage des biens, pour permettre aux familles de se réconcilier et pour montrer à tout le monde qu’il y a toujours le fihavanana chez les Malgaches. Plusieurs familles pratiquent l’inceste parce qu’elles ignorent le fihavanana .

Le partage des biens est une cérémonie sacrée pour les Betsimisaraka. Il y a des jours fastes et des jours néfastes pour réaliser ce rite. Si le rite est fait au cours d’un jour néfaste, tous les maux arrivent dans la société et dans la famille. Pour empêcher tout cela, les Betsimisaraka pratiquent ce rite un jour faste pour avoir le bonheur et tout ce qu’ils veulent dans la vie.

Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, il est formellement interdit de visiter le tombeau ancestral, sauf à l’occasion d’un enterrement, ou le jour de la fête des morts. Il est interdit de défricher le toby s’il n’y a pas de partage de biens à faire. Cela montre la sainteté et la valeur du tombeau ancestral chez les Betsimisaraka.

Sur le plan de la croyance, chaque être humain croit à quelque chose. A chaque fois qu’il réussit quelque chose, il pense que c’est grâce à la prière qu’il a faite. Pour les Betsimisaraka, la croyance est la source de la réussite. Si nous faisons confiance à quelque chose, tout ira pour le mieux.

Les ancêtres sont la source de notre vie. C’est grâce à eux que nous vivons sur la planète terre. S’ils n’avaient pas existé, nous ne serions pas ce que nous sommes. Ce n’est donc pas étonnant, si les Betsimisaraka croient au pouvoir des ancêtres. Ils ont la force pour aider les vivants. Ils sont l’intermédiaire entre le Dieu suprême et les vivants. Ici, ils jouent le rôle de fils de Dieu. Nous ne pouvons pas aller à Dieu sans passer par les ancêtres. Pour les Betsimisaraka, ils sont comme des prophètes. D’autre part, ils sont capables d’envoyer le malheur aux vivants si ces derniers font des choses qu’ils ne veulent pas. Pour empêcher les malheurs, les Betsimisaraka pratiquent le partage des biens.

Par contre, à cause de ce rite, les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I vivent dans la crainte, dans le doute du bien et du mal.

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Ils travaillent sous l’influence de la croyance, mais non de la raison. Ils n’ont pas confiance en eux. Ils n’ont donc pas l’esprit créatif. S’ils ne pratiquent pas ce rite, à chaque fois, il y a le malheur dans leur vie. Ils pensent toujours que cela vient de la colère des ancêtres. Ils ne sont pas responsables de leur vie, mais dépendent toujours des ancêtres.

Malgré tout cela, le partage des biens, en tant qu’œuvre humanitaire avec toutes ses imperfections, pose plusieurs problèmes au niveau de la société. La famille consacre beaucoup d’argent pour préparer ce rite. Pour les Betsimisaraka d’Ambatoharanana I, il vaut mieux que les vivants ne mangent pas, plutôt que de ne pas pratiquer ce rite. Ce qui entraîne parfois des conflits entres les familles. Cela a aussi des conséquences morales et financières, surtout au niveau de la société et de la famille. Economiquement, cette tradition est source d’appauvrissement pour le peuple. On perd beaucoup de temps, mais cela ne rapporte pas de l’argent.

De nos jours, l’être humain ne cesse d’évoluer. Les religions chrétienne et musulmane règnent partout, alors que les Betsimisaraka ignorent leur tradition. Ils s’intéressent à la tradition étrangère. Nos traditions prouvent que nous sommes des Malgaches. Chaque ethnie a sa tradition. Pour empêcher tout cela, il est bien de connaître la sienne avant de savoir celle des autres, pour connaître le mal et le bien.

Nous vivons donc dans la modernité. Il faut moderniser notre tradition, mais non pas la haïr. Il y a plusieurs leçons, des modes de vie à retenir, à appliquer dans ce rite. Nous devons travailler ensemble pour que tout le monde connaisse nos traditions. Nous savons très bien que actuellement, les gens s’orientent vers la vision capitaliste. Chacun pense d’abord à son propre intérêt. Mais l’être humain sent toujours qu’il a besoin des autres dans sa vie. L’argent est nécessaire et utile, mais en tant qu’être humain nous avons besoin d’autre chose.

Enfin, même si l’on critique beaucoup ce rite, nous pouvons dire qu’il ne disparaîtra pas. Beaucoup de Betsimisaraka travaillent ensemble avec les prêtres traditionnels pour que la tradition ne perde pas sa valeur. Plusieurs Malgaches pratiquent et valorisent ce rite. Ce dernier est un rite = 129 =

traditionnel ancestral. Ce n’est donc pas étonnant que plusieurs Malgaches le pratiquent.

= 130 =

BIBLIOGRAPHIE

= 131 =

I. OUVRAGES EN MALGACHE

BABITY Laurent, Rasavölana betsimisaraka , Antananarivo, 1994-1996, 48 p.

RABENANTOANINA (James), Ny fihevernana ny Ra ao amin’ny tsaboraha betsimisaraka , Antananarivo, 1987, 18 p.

II. OUVRAGES EN FRANÇAIS

ANDRIAMANJATO (Richard M.), Le tsiny et le tody dans la pensée malgache , Paris, Présence Africaine, 1957, 101 p.

AUZIAS (Dominique), Le petit futé Madagascar , quatrième édition, Paris, 1999, 314 p.

COTTE (Vincent), Regardons vivre une tribu malgache : les Betsimisaraka , Paris, La Nouvelle Edition, 1947, 236 p.

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JAOVELO-DJAO (Robert), Mythes, rites et transes à Madagascar , (Angano, joro sy tromba sakalava ), Paris, Karthala, 1996, 392 p. = 132 =

LAHADY (Pascal), Le culte betsimisaraka et son système symbolique , Ambozontany, Fianarantsoa, 1979, 280 p.

MANGALAZA (Eugène Régis), Essai de philosophie betsimisaraka : sens du famadihana , Centre Universitaire Régional de Tuléar, 1980, 79 p.

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MANGALAZA, PIERROT, WEISS, L'irrésistible Tamatave .

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RAKOTONIARY, Le fandrangitanaombilà (la circoncision) : sens et valeurs chez les Sihanaka , mémoire de maîtrise, Département de philosophie, Université de Toamasina, avec un index-glossaire, 1999, 196 p.

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= 133 =

III. DICTIONNAIRES

ABINAL et MALZAC (S. J.), Dictionnaire malgache-français , Fianarantsoa, Ambozontany, 2000.

RAJEMISA-RAOLISON (Régis), Dictionnaire historique et géographique de Madagascar , Fianarantsoa, Ambozontany, 1966, 384 p.

= 134 =

INDEX-GLOSSAIRE

= 135 =

= 136 =

azamitsakoaloan’nyvazana , les autres dents ne doivent pas Cet index reprend les principales mâcher avant les molaires .. 75 notions traitées dans le mémoire. Pour les mots = B = malgaches, il joue également le be, nombreux ...... 16, 75, 89 rôle d'un glossaire, fournissant betsa , jus de canne à sucre pour chaque terme ou chaque fermenté ...... 63 expression une traduction betsabetsa , jus de canne à sucre sommaire. fermenté ...... 39 birantany , vallées habitées ...... 17 = A = boriziny , couteaux à long

manche ...... 63 alahelondrazana , la colère des ancêtres ...... 52 = D = aleo very tsikakakalambola toy izay very tsikalakalam diafotaka , contrat de mariage pihavanana, il vaut mieux que paie le gendre à ses perdre un peu d’argent, beaux-parents ...... 40, 41 plutôt que de perdre un peu d’amitié ...... 36, 111 = E = ambiny , morceaux restants ...... 38 antanan’i Matavy , à la ville de eninkaja, enimboninahitra , rempli d’honneur et de gloire ...... 117 Matavy ...... 16 aomby nañalandöza, raha maty eninkavelomana , six fois comblé de foaña , un bœuf sacrifié pour vie ...... 117

leur inceste, il est mort pour = F = rien ...... 43 atidamba , donation de linceuls F.R.A.M. ( Fikambanan’ny Ray aux défunts ...... 53, 70 amandRenin’ny Mpianatra ), ava vato , débrouissaillage des Association des parents pierres levées ou stèles 64, 65 d'élèves ...... 22 fady , tabou, interdit ...... 54 fafa , balayage ...... 85, 87

= 136 =

= 137 = fafalapa , balayage du palais 85, fiainana any ankoatra , la vie 87 dans l’au-delà ...... 51 fafyrano, aspersion d'eau ...... 118 fihavanana , amitié, convivialité, fahanjaza , le fait pour les 35, 36, 39, 43, 56, 97, 109, enfants de donner à manger à 110, 111, 112, 115, 127 leurs parents ...... 44, 45 findramana , l'action d'emprunter fahavalo , ennemi ...... 118 ...... 38 famadihana , exhumation 8, 14, firaisankina , l'union, entraide 48, 49, 56, 97 ...... 56 famoñosambary ou riz recouvert firaisankina no hery » (L’union de feuilles de ravinala ou de fait la force ...... 37 lingoza ...... 74 fisokina , poteau pointu ...... 87 fampilaza ña, annonce ...... 67 foko , ethnie ...... 19, 21 famosirana , circoncision ...... 118 fokonolona , la communauté fanaka malemy , meubles villageoise ...... 59, 60 fragiles, termes appliqués aux fokontany, quartier, division femmes ...... 41 administrative la plus petite fanambanambato , autel ...... 13, 29, 70, 72 sacrificiel ...... 64, 66, 72, 123 folaka , coupé, cassée ...... 65 fanampiaña , aide, généralement fomba , usage, coutume ...... 63, 88 en argent ...... 70 fombandrazana , coutumes fandriaka , entraide ...... 38 ancestrales ...... 102 fangahoantsodrano , demande fonosona , paquet, enveloppe ... 60, de bénédiction ...... 52 119 fangatahana , demande ...... 65 faralahy , le dernier né ...... 45 = H = faravavy , la dernière née ...... 45 haizina , ténèbres, obscurité ..... 70 fataña , foyer ...... 61 fatidra , serment par la fraternité handeha hiavahava tenina izahay , nous allons arracher de sang ...... 36 ...... 19 feheziko ny an’ny hafa, ary ny les herbes tenina . hanondro volon’aomby , pour an’ny tena koa tsy ariana , je montrer la robe du zébu ...... 66 maîtrise la culture des haranana , grosse pierre ...... 19 autres, la mienne je ne la rejette pas ...... 111 = 137 =

= 138 =

harendrazana , richesse des relèvent du monde des ancêtres ...... 115 vivants ...... 49 hariaña , richesse ...... 47, 89 kopyfotsy ...... 116 hasina , sacralité .... 115, 116, 119 havana , parenté, parent 35, 36, = L =

112 lamba , tissu, linceul des morts havana raha misy patsa , vous êtes mes parents si vous avez ...... 53 lamban’akohonyfanambadiana, des crevettes ...... 110 henantsoroñafo ou tataña , ka faty no isarahana , le mariage est comme les viande sacrificiel ...... 70 plumes de la poule, seule la herytsyhita , force invisible ...... 98 hosika , chanson traditionnelle mort l'en sépare ...... 39 lampona , entraide ...... 65 communautaire ...... 39 = J = lingôsa , plante lingouze15, 118, 119 jijy karazaña , récit d'arbre lingoza , lingouze, plante ...... 71 généalogique ...... 97 lô ambôra , le bois ambora est joro , appel sacré, sacrifice 59, 61, pourri, il y a de nombreuses 65, 66, 67, 73, 88, 103, 104, années ...... 42, 43, 44 105, 114, 115, 116, 121, 122, lohandriana , conseiller du roi 123, 124 ...... 73, 75 joromasaka , offrande du cuit ...... 72 = M = = K = mahizimbolana , sans clair de karaha tañan’akanjo: sady lune ...... 122 mahazo havia no mahazo mamelatra tsihy mba havanana , les razaña sont hipetrahanamandritranyjoro comme les manches d’une ...... 66 chemise, en tant qu’êtres mamonoafo , éteindre le feu ..... 88 ayant passé quand même par mananjandry afaka l’expérience de la mort, ils olan’entana, mananjoky afaka olanteny , qui a un

= 138 =

= 139 =

cadet est déchargé des mpanandro , astrologue ...... 55 bagages, un aîné, de la parole mpiambinjiñy , gardien du ...... 97 tombeau familial ...... 59 mañaraka ambokony , suivre à mpihavana , en relation de l'aveuglette ...... 108 parenté ...... 35, 36 mandry , se coucher .... 58, 85, 89 mpijoro , le prêtre, le sacrificateur manozoñaanaoombytô , zébu, je dans le rite traditionnel 49, t'adjure ...... 67 66, 67, 68, 104, 116, 121, masaka ny henantsorontsoroña , 123 la viande sacrificeille est cuite mpitolona , lutteurs ...... 65 ...... 72 masina , saint, sacré ...... 16, 115 = N = mavo , jaune ...... 65 nifindra toerana ny omby , le mazambody , plante ...... 15 miakatrandro , au moment où le bœuf a été transféré ...... 70 ny anambadiankiterahana , on soleil monte dans le ciel ...... 73 mifanosinosy amin’olombelona , se marie pour avoir des en relation étroite avec les enfants ...... 41 ny omby mahia tsy lelafin’ny personnes vivantes 49 namany, u n bœuf maigre mihilan’andro , un sacrifice au n’est pas léché par ses moment où le soleil décline 73 mijoro , faire une invocation congénères ...... 111 nyratsy ataoloza mihantona , le sacrée ...... 121, 122 mal que nous faisons est un mindrana , emprunter ...... 38 miposaka sy miakatra , le soleil danger en suspens ...... 110 se lève et monte dans le ciel nysoaataolevenambola , le bien que nous faisons est de ...... 73 ...... 109 mitamby ou mitambitamby , l’argent enterré ny tody tsy misy fa ny atao no demander quelque chose avec miverina , il n’y a pas de insistance ...... 38 môdy razaña , razaña mitahy , sanction sur ce qu’on a fait, devenir ancêtre, ancêtre c’est ce qu’on a fait qui revient ...... 110 bénéfique ...... 58 mpamaly rasavolaña , celui qui ny vinantolahy tsy mahazo mitolona aombindrafôzanafa répond à discours rituel ...... 62 = 139 =

= 140 =

manambaka , les gendres raha faly, miarapaly, raha ory n’ont pas le droit de lutter miaraka ory » (Heureux contre le zébu des beaux- ensemble, tristes ensemble 37 parents parce qu’ils peuvent rasahariaña , partage des biens tricher ...... 66 47, 48, 58, 63, 105, 126 ny vola dia fanamafisana ny rasavolaña , discours rituel ...... 59, razana ho mariky ny 61, 64, 75 fiampiasana azy eo amin’ny ravina , feuille, particulièrment fiainana andavanandro , de ravinala ...... 59, 60, 85, 118 l’argent est une confirmation ravinala , arbre des voyageurs pour les ancêtres pour 70, 72, 74, 75, 85, 120 marquer son emploi dans la ravindingoza , feuille de lingouze vie quotidienne ...... 115 ...... 74, 75 nyzoky,zokyihany;nyzandry, razana , ancêtre 49, 51, 52, 58, zandry ihany , l'aîné est 74, 75, 85, 116 toujours un aîné, le cadet, un razana mitahy , ancêtre cadet...... 67 bénéfique ...... 51 reninjaza , accoucheuses = O = traditionnelles ...... 27

rô , bouillon ...... 38 ombivavy be ronono , vache laitière importée de l'étranger = S = ...... 120 orimbato , la fondation en pierre, sekolimpokonolona ...... 22 la somme donnée en Sekoly Fanabeazana Fototra fondement du mariage ...... 40 (S.F.F.), Ecole de l'Education de Base ...... 22 = P = sikidy , géomancie 55, 67, 105,

106 pomon’akoho , maladie aviaire .. 33 sintaka , mariage traditionnel .. 40

sojabe , chef de clan, le doyen du = R = lignage ...... 55, 56, 57

sorabe , écritures arabico- radriaka , plante sauvage ...... 15 malgaches ...... 106

= 140 =

= 141 = sorôka , cuillère en feuille de tolonaaomby , tauromachie ..... 65, ravenala ...... 74, 75 66 soroñafo , aide en argent qu'on tompon’asa , propriétaire du inscrit dans un cahier .. 60, 71 travail ...... 38 sorontsoroña , offrande du cuit tompontsaboraha , organisateur aux ancêtres et à Dieu . 71, 73 de la cérémonie ...... 64, 88 Tondro tokana tsy mahazo hao » = T = (Il est impossible d’attraper

un pou avec un seul doigt .. 37 tamby , action de demander avec toro jery , réunion spéciale de la insistance ...... 38 famille ...... 57 tamby rô , travail au cours trafo , bosse ...... 65, 66, 120 duquel chacun apporte le riz tranolava , maison longue ...... 61 à consommer et le bouillon tritriahoatrany , deux côtes au est fourni par le propriétaire niveau de la poitrine ...... 72 du travail ...... 38 tromba , culte de possession 104, tangalamena , le sacrificateur, le 105 doyen d'âge du clan, le chef tsaboraha , rituel traditionnel 39, de clan 37, 59, 60, 61, 62, 59, 88, 89, 116 63, 64, 65, 66, 70, 71, 72, tsangambato , pierre levée, stèle 75, 85, 87, 88, 95, 121, 126 ...... 64 tantaña , un long morceau de tsanganolo , ancienne pièce de viande ...... 70, 71 cinq francs en argent ...... 116 taolana , os ...... 109 tsihy , natte ...... 66 toa masinare izy izany !, que la tsimandrimandry , veillée 58, 59, mer est vraiment salée !) ...... 16 60, 126 toaka , rhum, alcool 61, 63, 64, tsiny , blâme, génie forestier ..... 50 65, 68, 72, 75, 83, 85, 88 tsyfeno , non rempli ...... 117 toakagasy , rhum de fabrication Tsy mahasalama, tsy tombaky locale interdit61, 63, 65, 72, ny vinañy , ne donne pas la 88 santé, la rivière ne coule pas toby , camp ancestral 62, 63, 64, à la mer directement ...... 58 65, 74, 85, 87, 88, 127 tsy misaraka , qui ne se sépare tokantrano , foyer ...... 37 pas ...... 16

= 141 =

= 142 =

= V = vodihena , l’arrière-train du zébu ...... 72 vahy , liane ...... 59 vodiondry , cadeau offert par le valintanana , entraide dans le gendre à ses beaux-parents travail des champs ...... 37, 38 ...... 41 valo , huit ...... 68, 83, 117 volafotsy , en argent ...... 66 valy fahana , littéralement le volamposa , mois du renard ..... 40 retour d'un repas donné ...... 45 volatsanganolo ou vary antanety ou tavy , riz volatsanganolono ou planté sur brûlis, essart ...... 29 volatsivaky , une ancienne vary jinja , le premier tour de pièce de cinq francs ...... 115 culture du riz ...... 29 vono aomby , abattage d'un zébu vary kapa ou vary matrangy , le ...... 62, 64, 66 deuxième tour de culture de riz ...... 29 = Z = varyririnina , culture au moment de l’hiver ...... 29 zafy , petits-enfants ...... 42, 44 vary taona , culture de saison Zañahary , Dieu Créateur 48, 49, d’été ...... 29 68, 83, 103, 104, 106, 106, vato , pierre ...... 64, 65, 89 116, 123 vay , plaie ...... 118 Zañahary tsy mitahy ny vaka , vilan’oritra , un zébu de fond Dieu n’aide pas les gens qui noir, tache blanche en ne font rien ...... 105 oblique sur la partie gauche zokiolona , les aînés dans la ou droite de la face...... 65 société ...... 56, 98 vita gasy , fabriqué à zokiolona (chef de lignage ...... 56 Madagascar, con²noté comme de mauvaise qualité ...... 75

= 142 =

= 143 =

TABLE DES MATIERES

= 143 =

= 144 =

LE PARTAGE DES BIENS DANS LA SOCIETE BETSIMISARAKA DU NORD. (LE CAS D’AMBATOHARANANA I, DISTRICT DE VAVATENINA) ...... 1

DEDICACE ...... 2

REMERCIEMENTS ...... 3

LISTE DES INFORMATEURS ...... 3

INTRODUCTION ...... 5

PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU TERRAIN D’ETUDE 9 CHAPITRE I : LES DONNEES GEOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES ...... 10 I.- Les données géographiques ...... 10 1.- La situation géographique ...... 10 LOCALISATION ET CARTE DU DISTRICT DE VAVATENINA ..... 11 DELIMITATION ADMINISTRATIVE DE LA COMMUNE RURALE D’AMBATOHARANANA I DISTRICT DE VAVATENINA ...... 13 2.- Situation climatique ...... 14 3- Le relief du sol ...... 16 II.- Les données historiques ...... 16 1.- L’origine du mot betsimisaraka ...... 16 2.- Histoire du district de Vavatenina et de la commune rurale d’Ambatoharanana ...... 19 CHAPITRE II : LA POPULATION D’AMBATOHARANANA I ET SA STRUCTURE ADMINISTRATIVE ...... 21 I.- La population ...... 21 II.- La structure administrative ...... 22 1.- L’éducation ...... 22 2.- La santé ...... 27 = 144 =

= 145 =

III.- L’agriculture ...... 29 IV.- L’élevage ...... 33 CHAPITRE III : LE CONTEXTE SOCIO-CULTUREL ...... 36 I.- Sur le plan social ...... 36 1.- Le fihavanana ...... 36 2.- La solidarité ...... 38 II.- Sur le plan culturel ...... 40 1.- Le mariage traditionnel ...... 40 2.- L’inceste ...... 43 III.- Le fahan-jaza (le fait de mettre de la nourriture dans la bouche de ses enfants) ...... 45

DEUXIEME PARTIE : DESCRIPTION DETAILLEE ET PRECISE DE LA CEREMONIE ...... 47 CHAPITRE I : LES CAUSES DU PARTAGE DES BIENS ...... 48 I.- Définition du rasahariaña ...... 48 II.- La croyance aux forces des ancêtres ...... 52 III.- La colère des ancêtres ...... 54 CHAPITRE II : LES ETAPES PREPARATOIRES AVANT LA CEREMONIE DU PARTAGE DES BIENS ...... 56 I.- Les discussions familiales à propos de cette cérémonie ...... 56 II.- Les invitations et la répartition des tâches ...... 58 III.- La cérémonie proprement dite ...... 59 1.- Le tsimandrimandry (la veillée) ...... 59 2.- La marche vers le campement ...... 61 3.- L’allumage du feu et l’élection des tangalamena officiants pendant la séance rituelle ...... 62 4.- Le défrichement du toby ou zava-toby ...... 63 5.- Le ava vato (débrouissaillage des pierres levées) ...... 65 6.- Le vono aomby (sacrifice du zébu) ...... 66 7.- L’offrande du cru ( joro manta ) ...... 67 8.- Le transfert du zébu ...... 71 9.- Le sorontsoroña : offrande du cuit ...... 72 10.- L’offrande du cuit ( joro masaka ...... 73 11.- Le fihinanana ou le repas commun ...... 75

= 145 =

= 146 =

12.- Le fafa lapa ...... 86 13.- Le vono afo (l’extinction du feu) ...... 88 14.- Le retour au village avec le tompon-tsaboraha ...... 89

TROISIEME PARTIE : REFLEXIONS PHILOSOPHIQUES SUR LE PARTAGE DES BIENS ...... 95 CHAPITRE I : LES AVANTAGES ...... 96 I.- Sur le plan social ...... 96 II.- Sur le plan philosophique ...... 98 III.- Sur le plan humanitaire ...... 100 CHAPITRE II : LES INCONVENIENTS ...... 102 I.- Sur le plan économique ...... 102 II.- Sur le plan religieux ...... 104 III.- Sur le plan moral ...... 106 CHAPITRE III : SITUATION ACTUELLE DU PARTAGE DES BIENS ...... 109 I.- Evolution ...... 109 II.- Civilisation ...... 111 III.- Nouvelle valeur du partage des biens ...... 113 CHAPITRE IV : QUELQUES SIGNES OU SYMBOLES EMPLOYES DANS LE PARTAGE DES BIENS ...... 115 I.- L’eau ...... 115 II.- L’argent ...... 116 III.- Le kopy fotsy ou assiette blanche ...... 117 IV.- Le nombre six ...... 118 V.- La feuille de lingôsa et la feuille de hasina ...... 119 VI.- Le bœuf ...... 121 VII.- Le sens du joro chez les Betsimisaraka ...... 122 VIII.- La valeur du joro chez les Betsimisaraka ...... 124

CONCLUSION ...... 126

BIBLIOGRAPHIE ...... 131 I. OUVRAGES EN MALGACHE ...... 132 II. OUVRAGES EN FRANÇAIS ...... 132 III. DICTIONNAIRES ...... 134

= 146 =

= 147 =

INDEX-GLOSSAIRE ...... 143

TABLE DES MATIERES ...... 143

= 147 =