Aux membres de la S.G.R.

L’assemblée générale du 8 août 1908 a chargé le comité de s’oc- cuper de la création d’un journal, organe particulier (Korrespon- denzblatt) de notre société internationale pour la propagande de la méthode Jaques-Dalcroze. Notre société qui compte actuellement plus de 200 membres a pour but de grouper tous ceux qui s’occupent de la « méthode ». Malheureusement nous n’avons l’occasion de nous rencontrer qu’aux cours normaux, et ceux-ci ne sont guère suivis que par le tiers de nos collègues. Si nous voulons nous connaître et profiter des relations créées entre nous, il faut donc qu’une autre occasion soit provoquée d’entrer en communication les uns avec les autres. Ce moyen est un « journal de correspondance » auquel chacun de nous serait encouragé à collaborer. Tout membre de la société serait prié de renseigner le comité sur la marche dans le bon ou le mauvais sens de ses cours de gym- nastique rythmique, sur les auditions publiques qu’il donne, sur les progrès de ses élèves etc., de façon à ce que puisse être rédigé un bulletin général d’informations qui paraîtrait dans le journal. Le “ journal donnerait en outre des renseignements sur l’institut, sur les modifications apportées par M. Jaques-Dalcroze à son enseignement (récits de cours d’hiver par les participants, etc.), sur les opinions de la presse, des encouragements, des conseils scolaires, etc. [...] Le journal paraîtra en langue française et allemande de 6 à 12 fois par an et avec un nombre de 8 à 16 pages, selon le nombre des abonnements. [...] Nous proposons de donner au journal le titre : Le Rythme, espérant que ses abonnés se souviendront toujours que c’est le Rythme qui les a réunis et groupés et que c’est lui qui organise désormais leur vie, régit leurs vouloirs et oriente leurs désirs artistiques. Avec un « Hop » confraternel et sympathique,

Paul Boepple, in Le Rythme 1909, n°1

Le Rythme est édité par la FIER (Fédération Internationale des Enseignants de Rythmique) Siège social : 44, Terrassière, CH-1207 Genève www.fier.com info@fier.com

Membres du comité Fabian Bautz ...... [email protected] Michèle de Bouyalsky, secrétaire ...... [email protected] Mary Brice, trésorière ...... [email protected] Madeleine Duret, présidente ...... [email protected] Paul Hille, vice-président...... [email protected]

Directrice de la rédaction Michèle de Bouyalsky

Rédacteurs Marie-Laure Bachmann, Marja-Leena Juntunen, Louise Mathieu, Ann-Krestin Vernersson, Karin Greenhead, John R. Stevenson, Dorothea Weise-Laurent, Angelika Hauser, Dick McCaw, Barbara Dutkiewicz, Pierre Kolp, Marianne Siegwolf, Sandra Nash, Reinhard Ring, Eri Inoue, Ruth Alperson, Fabian Bautz, David Frego et Donald Himes Robert M. Abramson nous a quittés avant d’ajouter son nom à cette liste. Sauf mention contraire, les résumés sont écrits par l’auteur de l’article (dans sa langue maternelle) et traduits par Madeleine Duret et Mary Brice.

Metteur en page Pierre Luypaert ...... [email protected]

Photographe Charlotte Sampermans ...... [email protected] Les illustrations en pages 19, 21, 30, 51, 73 et 90 ont été aimablement prêtées par l’IJD Genève. Illustrations des couvertures : photographie d’A.A. Gulliland, 1938, prêtée par l’IJD Genève (haut) Photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (bas et dos) © C.S. Sommaire/Contents

Qu’est-ce que la Gymnastique Rythmique ? (Jean d’Udine) ...... 6 Notes et questions autour de l’article de Jean d’Udine (Marie-Laure Bachmann) ...... 9

L’éducation par le rythme et pour le rythme (Émile Jaques-Dalcroze) ...... 12 Transformation of the body-mind through “L’éducation par le rythme et pour le rythme” (Marja-Leena Juntunen) ...... 16

À bâtons rompus Lettre aux rythmiciens (Émile Jaques-Dalcroze) ...... 20 « À bâtons rompus » Sur les traces de Jaques-Dalcroze (Louise Mathieu) ...... 25

Définition de « La Rythmique » (Émile Jaques-Dalcroze) ...... 28 Dear Jaques-Dalcroze (Ann-Krestin Vernersson)...... 32

La technique de la « Plastique vivante » (Émile Jaques-Dalcroze) ...... 34 Plastique Animée: yesterday, today and tomorrow...? (Karin Greenhead) ...... 37 An article based on “La Technique de la Plastique Vivante” (John R. Stevenson) ...... 41

Die Rhythmik und der Tänzer (Hélène Brunet-Lecomte) ...... 44 Der Tanz und die Rhythmiker: Ein Kommentar (Dorothea Weise-Laurent) ...... 46

La rythmique et l’acteur (Georges Pitoiëff) ...... 48 Lebendiges Theater (Angelika Hauser) ...... 49 Rhythm in Art and Life: Stanislavsky and the Art of Acting (Dick McCaw) ...... 52

Qu’est-ce que la « Rythmique » ? (Ernest Ansermet) ...... 56 Are Ansermet’s remarks still relevant? (Barbara Dutkiewicz) ...... 58

La Rythmique et le Musicien (Paul Boepple) ...... 60 La Rythmique pour le musicien dans l’art contemporain (Pierre Kolp) ...... 61 Damals - heute (Marianne Siegwolf) ...... 64

La grammaire de la Rythmique (Émile Jaques-Dalcroze) ...... 66 Some issues relating to movement technique for Dalcroze Eurhythmics (Sandra Nash) ...... 68

L’évolution de la Rythmique de M. Jaques-Dalcroze (Frank Martin) ...... 72 Zur Entwicklung der Rhythmik (Reinhard Ring) ...... 74

Musique et Mouvement (Émile Jaques-Dalcroze) ...... 76 Commentaire de « Musique et Mouvement » (Eri Inoue) ...... 78

Pourquoi la Gymnastique rythmique n’est pas moderne (Frank Martin) ...... 80 A comment on “Why Eurhythmics is not modern” by Frank Martin (Ruth Alperson) ...... 81 Warum die Rhythmische Gymnastik nicht ‚modern’ ist (Fabian Bautz) ...... 82

Reflections on Dance (R.B.P.) ...... 84 Plastique Animée: A Dance Genreand a Means to Artistry (David Frego) ...... 87 Glancing at Reflections (Donald Himes) ...... 90 Avant-propos par Madeleine Duret, présidente de la FIER

En 1909, les quelque 200 rythmiciens répartis dans le monde, ont senti la nécessité de rester en contact les uns avec les autres, en s’informant mutuellement de leurs activités. Est alors né un bulletin auquel il a été donné le In 1909, there were about 200 rhythmicians nom de LE RYTHME. Des articles plus substan- spread throughout the world. They began to tiels s’y ajoutèrent rapidement, signés d’Emile feel the need to create ways of staying in contact Jaques-Dalcroze et de ses proches collaborateurs. with each other, and of being able to share what On y précisait des points de méthodologie, on they were doing with others. développait certains thèmes, on y faisait part And so a bulletin, known as LE RYTHME, came de découvertes, on s’interrogeait, on répondait into being. It expanded rapidly, through substan- aux critiques. tial articles written by Emile Jaques-Dalcroze Au fil des ans, ce bulletin est devenu une and by his close colleagues, becoming the fo- revue. Paraissant en ses débuts plusieurs fois rum fort the articulation of the philosophy of par an, il est publié actuellement tous les deux the “Method” and for making known the latest ans, et est édité par la FIER. discoveries, reflecting on certain themes and Imprimé à 1’500 exemplaires, il est envoyé justifying the method to critics. principalement aux 15 Associations Nationales With the passing of the years, the small bul- de Rythmique, qui sont chargées de le distribuer letin became a magazine. Originally it was pub- à leurs membres. lished several times each year. Today it appears Rédigé en français et allemand en ses premiè- every two years, and is edited by the FIER. res années, LE RYTHME est maintenant bilingue, 1’500 copies of LE RYTHME are printed, and certains articles sont en français, d’autres en these are sent mainly to the 15 National Eu- anglais. rhythmics Associations, which distribute them Ce numéro fête les 100 ans de la revue. Le to their members. comité de la FIER, désireux de marquer cet an- During its first years, LE RYTHME was writ- niversaire, a sélectionné des articles entre 1909 ten in French and German. It is still bilingual, et 1939, qui ont été envoyés à des personnalités but now some articles are in French, and others compétentes. Nous leur avons demandé de poser in English. un regard d’aujourd’hui sur ces écrits d’hier : les This edition of LE RYTHME celebrates 100 idées émises à cette époque, sont-elles toujours years of its existence. The FIER committee se- d’actualité ? Quelle évolution ? Les utopies d’hier lected several articles written for the magazine se sont-elles réalisées ? Ou au contraire, tout between 1909 and 1939. We sent these articles cela n’est-il pas à ranger dans les tiroirs d’un to competent personalities, asking them to write passé révolu ? a contemporary commentary on the articles Dans ce numéro, vous trouverez les articles of yesterday: are the ideas still relevant for us anciens et en regard, la réponse moderne. En today? What evolution has there been? Have hommage aux premiers numéros, nous publions the ideals of a previous era been realized, or également des articles en allemand. has the past been relegated to the past? Et je terminerai comme le fit Paul Boepple In this edition, you will find the original ar- dans son article de présentation, dans le premier ticles, and beside them, their contemporary numéro de 1909, responses. We are publishing several articles « Avec un ‘Hop’ confraternel et sympathi- in German, out of respect for the original au- que ». thors. I conclude my introduction as did Paul Boep- ple in the very first edition of 1909, “With a brotherly and sympathetic ‘Hop’.” by Madeleine Duret, president of the FIER Foreword À MM. les membres du Comité de la S.G.R.

Chers messieurs et amis,

Vous avez bien voulu m’écrire pour me demander la possibilité de se renseigner sur la manière de si je serais disposé à répondre, dans les colonnes traiter certains cas isolés, de supprimer certains de votre journal, aux demandes qui me seraient tâtonnements, d’établir des rapports intimes Cherséventuellement adressées par les membres de entre l’art etmessieurs l’éducation, de varier les procédés la S.G.R. Et je m’empresse de vous dire que c’est d’étude selon les âges et selon les milieux. Votre avec le plus grand plaisir que je me mets à votre journal pourra remplir le rôle très utile de révé- disposition et à celles de vos collègues. lateur des expériences tentées dans le domaine Il est certain que la création de votre journal est du rythme, et d’indicateur de documents inédits de nature à resserrer les liens qui unissent entre ou publiés. Chacun des membres de votre société eux les partisans de la méthode d’éducation par se fera, j’en suis sûr, un devoir d’envoyer au jour- et pour le rythme. Il a été jusqu’à présent très nal les articles qu’il aura pu lire sur la question peu écrit sur le rythme. Les psycho-physiologues qui nous intéresse et dont la reproduction lui sont sans doute d’accord pour reconnaître le rôle paraîtra devoir être utile à tous. De mon côté, bienfaisant qu’il joue dans la coordination des je vous signalerai avec plaisir tous les livres ou actes et la formation des images sensorielles; les articles de revues où je pourrai découvrir des médecins préconisent une judicieuse éducation passages relatifs au rythme. Et je répondrai des centres nerveux; les pédagogues constatent selon mes moyens à toutes les questions d’ordre l’influence des mouvements rythmés sur les général que me poseront les lecteurs du journal progrès intellectuels des enfants anormaux; et que je jugerai susceptibles d’intéresser leurs les musiciens ne peuvent nier qu’une étude collègues, telles que celles concernant la recher- rationnelle des mouvements corporels dans che des rythmes et de leurs combinaisons dans leurs rapports de durée et d’intensité ne doive les oeuvres musicales, la manière de réaliser fatalement rendre plus puissant le sentiment de certains passages; la recherche de mouvements la mesure et de l’accentuation; les maîtres de rythmés dans des oeuvres plastiques et la pos- gymnastique consciencieux ne peuvent nier non sibilité de les interpréter musicalement s’il y a plus que la stylisation des exercices physiques lieu; la façon de traiter certains cas spéciaux grâce à une musique incarnant et spiritualisant d’arythmie que j’ai eu l’occasion d’observer et les rythmes corporels, ne soit de nature à rap- de noter moi-même; la possibilité de réfuter procher la gymnastique de l’art et à lui donner certaines objections faites contre la méthode de ainsi un but plus noble...... mais les expériences G.R. par des musiciens, médecins ou gymnastes, sont encore trop peu nombreuses, les essais etc, etc, etc. tentés trop peu connus, les documents publiés Je souhaite à votre journal longue vie et trop rares, pour que les pédagogues désireux joyeux succès, et vous prie, chers messieurs et d’essayer les méthodes nouvelles puissent agir amis, de recevoir et de transmettre à vos collè- en toute sécurité et en toute connaissance de gues, l’expression de ma cordiale sympathie et cause. L’encouragement d’expériences similai- de mon sincère dévouement. res tentées ailleurs leur manque. Ils n’ont pas Jaques-DalcrozeJaques-Dalcroze Lettre de M. Jaques-Dalcroze, in Le Rythme 1909, n°1 J. d’U. (1909) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Qu’est-ce que la Gymnastique Rythmique ? (extraits) par Jean d’Udine

OS OREILLES, NOS YEUX, NOTRE sens mus- autres. […] Mais ce ne sera qu’un à peu près, dont culaire nous permettent également L’éducation du sens rythmique com- l’effort musculaire, exigé par l’émission de contrôler la régularité des divi- mencée par l’enfant, au moyen de tous du son, assurera tant bien que mal la ré- sions de la durée. ses sens à la fois, s’arrête dès qu’on lui gularité. Et, pour peu que nous ne soyons Il est d’expérience courante que, enseigne chaque art isolément. pas doués d’un sens rythmique déjà bien pour chanter régulièrement, tout Cette faculté de diviser l’espace et le développé par l’exercice de toutes nos au moins pendant que l’on apprend une nouvelle temps au moyen de nos divers sens et de facultés physiques, cette régularité ne mélodie, le meilleur moyen est de « battre la me- graduer les divisions ainsi opérées est es- sera que très approximative. Au contraire, sure ». On est sûr, ou l’on se croit plus sûr, en exé- sentiellement le sens rythmique. Et l’on réalisons cette même marche corporelle- cutant ces mouvements conventionnels et répétés peut dire que les premières années de la ment, en faisant un pas par « noire » et en du bras ou de la main, de conserver une vitesse vie humaine se passent essentiellement battant avec les bras la mesure à 4 temps, constante – sans presser ni ralentir – et de donner à cultiver ce sens. immédiatement nous serons frappés des bien exactement aux notes leurs valeurs relatives. Malheureusement au bout de quelques irrégularités de notre propre démarche, Un violoniste ou un flûtiste, qui étudie un morceau, années cette éducation commune s’arrête. parce que notre sens rythmique est beau- bat de même la mesure avec le pied pour assurer Les parents et les maîtres de l’enfant n’uti- coup plus sensible aux indications four- la régularité de son jeu. lisent pas les relations de ses différents nies par des mouvements intéressant tous Réciproquement, si l’on veut obtenir que des sens les uns avec les autres, pour obtenir nos membres. […] soldats, des marins, des ouvriers effectuent des de son jeune corps une parfaite coordi- Si nous répétons cet exercice un cer- mouvements réguliers à la revue, dans la mâture nation de mouvements et un affinement tain nombre de fois, nous acquerrons ou sur les quais, on leur joue de la musique, on les organique, dont il profiterait toute la vie, forcément une perception et même une fait chanter, on les dirige avec les modulations ni pour introduire dans son cerveau des conception plus nette de la durée. Et si d’un sifflet. habitudes de précision dans la mesure du nous l’avons exécutée au son de la mu- Enfin, pour obtenir d’un orchestre, d’un choeur, temps et de l’espace, dont bénéficieraient sique, il se sera fait dans notre cerveau d’une équipe de rameurs ou d’une troupe de gym- toutes ses facultés, tant artistiques que une association intime et régularisatrice nastes un sentiment précis, une parfaite régula- philosophiques et littéraires. […] entre nos efforts musculaires successifs rité de sons ou de mouvements, on bat la mesure […]La Gymnastique Rythmique a et les durées sonores correspondantes. devant eux. pour but de remédier à cet état de choses Nous ne marcherons pas seulement plus Il y a donc, au point de vue de la régularité de et de coordonner les différents facteurs de régulièrement, nous saurons aussi chanter nos activités diverses, une parfaite solidarité entre l’éducation. Son principe est d’associer à et jouer une marche avec plus de sûreté les renseignements qui nous sont fournis par notre chaque rythme sonore, perçu par l’oreille, rythmique. […] sens musculaire, par nos oreilles et par nos yeux. un ou plusieurs mouvements qui créent, Si l’on peut se représenter corporel- En battant la mesure et en regardant battre dans tout ou partie de l’organisme, un lement, par des pas et des mouvements la mesure, nous faisons de la musique plus régu- rythme musculaire parfaitement synchro- de bras égaux, des durées sonores égales, lière. nique à ce rythme sonore, c’est à dire tel on conçoit qu’il est également possible de En écoutant jouer de la musique et en regardant que chacun de ces mouvements s’exécute représenter, par des mouvements et par battre la mesure, nous exécutons des mouvements rigoureusement en mesure et coïncide des gestes appropriés, les durées sonores plus réguliers. parfaitement comme durée avec la durée et les dessins rythmiques inégaux. Toute En écoutant jouer une musique et en effectuant de chacun des sons musicaux. la méthode de M. Dalcroze, différant en des gestes réguliers, nous divisons plus régulière- Il est important de donner au système cela des gymnastiques pratiquées au son ment l’espace1. musculaire entier et non à quelques mus- du piano dans certains pays, ou de la dan- Leurs activités étant solidaires, le sens muscu- cles seulement, le sentiment du rythme se – danse de salon ou de théâtre – telle laire, l’ouïe et la vue s’exercent à la fois chez l’enfant, et de la mesure. que la conçoit notre civilisation, consiste et chacun de ces trois sens sert à contrôler les deux Le geste du chef d’orchestre battant précisément à exiger du corps de l’élève la mesure et du soldat marchant au pas non pas un synchronisme global avec les 1. Tous les acrobates, qui exécutent des jeux basés ont servi à M. Jaques-Dalcroze de point rythmes musicaux concomitants, mais un sur l’appréciation optique des distances, le savent. Ils de départ pour cette division corporelle synchronisme analytique et rigoureux. se font accompagner par de la musique pour réussir de la durée. Prenons un rythme musical […] leurs tours d’adresse, ou du moins « comptent » très simple : par exemple celui produit […]A chaque valeur sonore (noire, mentalement en les exécutant, ce qui est une manière par une série de noires dans une marche blanche, blanche pointée, ronde, croche, de diviser acoustiquement la durée. De même pour à 4 temps. Si nous jouons cette marche double croche, noire pointée, triolet, etc.) faire, à main levée, un dessin décoratif régulier sur un instrument, ou si nous la chantons, elle associe un mouvement ou une série de (division optique de l’espace) le meilleur moyen est nous donnerons à toutes les notes qui la mouvements particuliers, que l’élève doit de régler le mouvement musculaire des doigts par un chant mental. composent des durées à peu près égales. effectuer lui-même, à l’audition des ryth-

6 1909-2009 J. d’U. (1909) mes, en choisissant, sous la dictée sonore, dans le durée et comme accélération, nous n’hé- que ordinaire attribue au cerveau un rôle vocabulaire créé par M. Dalcroze, le terme plastique siterons pas à admettre que son étude, tout petit par rapport à celui des muscles, qui constitue conventionnellement la traduction poursuivie méthodiquement et avec ne lui demande qu’un minimum d’inter- littérale du terme musical entendu. amour, puisse un jour déterminer dans vention et d’autorité, qui ne saurait ame- La Gymnastique Rythmique est donc l’art de la musique une évolution puissamment ner aucune amélioration, dans son empire représenter les durées musicales et leurs combi- novatrice. sur le corps3. naisons par des mouvements et des combinaisons Le second motif pour lequel la Gym- […]La Gymnastique Rythmique, en de mouvements corporels (musculaires et respi- nastique Rythmique aiguise et intensifie la revanche, spiritualise le corps et poé- ratoires), d’associer à chaque valeur sonore une sensibilité musicale, est d’un ordre direct tise l’esprit, en les mettant tous deux sur attitude, un geste corrélatif. et nous ne pourrons le concevoir qu’après un pied d’égalité. Elle assure, par là, au avoir examiné son rôle au point de vue même degré, l’équilibre et la beauté des plastique. attitudes. Perfectionnement du sens des valeurs rythmiques […] et des nuances rythmiques Obéissance rapide et passive Perfectionnement de l’équilibre des muscles au cerveau corporel […]et de la beauté des […]Après ce que nous venons de dire sur l’as- attitudes par la coordination sociation qui se produit entre le sentiment de l’ef- On comprend sans peine que la mé- des mouvements fort musculaire et le sentiment de la durée sonore, thode de M. Dalcroze, associant le geste quand des rythmes corporels et musicaux affectent à la musique et contraignant le premier à L’équilibre comporte l’aisance et simultanément notre organisme, il n’est pas né- se soumettre étroitement aux exigences l’énergie des mouvements. Être capable cessaire de méditer longuement, pour admettre de la seconde, oblige l’élève à une variété d’enchaîner les unes aux autres des atti- qu’aucun exercice ne saurait développer plus sû- et à une rapidité de mouvements qui sup- tudes diverses de tout ordre, mais aussi rement ni perfectionner davantage le sens de la posent, à la fois, une grande souplesse avec n’importe quelle vitesse, exige autant vision du temps. physique et une autorité absolue du cer- de force de que de souplesse. […] […]La Gymnastique Rythmique, en éduquant veau sur les membres. […] A ce problème de l’équilibre corporel l’un par l’autre notre sens du rythme musical et […]Dans ses exercices, la Gymnasti- est donc intimement lié celui de la beauté notre sens du rythme musculaire, nous rend […] plastique. L’expression corporelle dépend, extrêmement sensibles à tous les rapports de du- le même rôle qu’un tremplin pour un en effet, de la coordination de nos mou- rée. […] sauteur), jouent musicalement – et par vements. C’est par leur régularité, leur Ce qui est vrai[…]de l’étude des valeurs, ne l’est suite corporellement, en Gymnastique précision, leur amplitude en fonction de pas moins de l’étude des nuances rythmiques. Rythmique – le rôle de temps lourds. Les la durée, que nous pouvons donner l’im- […]En effet si l’étude de la Gymnastique Ryth- temps lourds constituent acoustiquement mique perfectionne au plus haut point le sens mé- et plastiquement l’intervention fatale de la pesanteur, qui exige un retour périodique 3. A cet égard, de tous les sports, l’escrime trique, la méthode de M. Dalcroze offre encore de contact avec la terre, un rythme attractif serait le meilleur, à notre point de vue, l’avantage de fortifier la sensibilité musicale ex- auquel l’artiste doit obéir passivement. Les mais elle reste inférieure à la G.R., non pressive, et cela pour deux raisons. accents pathétiques, répartis par la volonté seulement parce que le nombre de ses expressive du musicien sur des temps attitudes est beaucoup plus limité, mais quelconques de la mesure, représentent encore parce que les mouvements, dans Culture de l’éducation musicale par la part autonome de l’activité humaine. cet art, sont commandés par l’intelligence Leur dynamisme n’a pas sa source dans de l’agent réalisateur lui-même, tandis l’analyse qualitative des rythmes la gravitation universelle, mais dans le que, dans la G.R., les injonctions venant du libre effort des individus. Quand on a subi dehors exigent du cerveau un double rôle La première c’est que cette méthode ne se gymnastiquement l’attraction des accents de récepteur musical et de transmetteur contente pas d’une analyse rythmique quantitative. métriques et pratiqué les mouvements dynamique, qui crée ou perfectionne, chez Les temps ou fragments de temps n’y sont pas envi- essentiellement actifs des accents l’élève, un nombre de réflexes beaucoup sagés comme des entités indifférentes, qu’il s’agirait pathétiques, on est à jamais fixé sur leur plus considérable que l’escrime ne saurait de mesurer mécaniquement[…]. L’analyse métrique valeur expressive musicale. le faire. des durées par les mouvements de la Gymnastique Rythmique est au contraire qualitative. Soit une marche à 4 temps. Quatre de ces temps, pris entre le temps 3 d’une mesure et le temps 2 – inclusive- ment – de la mesure suivante, seront tout autre chose, comporteront une réalisation corporelle, une série d’attitudes très différentes des mouvements par lesquels on réaliserait les quatre temps compris, dans la même marche, entre le premier et le 4ème temps d’une mesure. […] Si nous songeons que les mouvements de la Gymnastique Rythmique comportent ainsi la re- présentation de toutes les modalités expressives des rythmes, tant comme accentuation – pesanteur rythmique ou dynamique pathétique2 – que comme

2. Nous sortirions du programme de cet exposé purement théorique, si nous voulions donner des détails relatifs aux diverses modalités des accents rythmiques. Observons, toutefois, que les accents métriques, ceux produits par les temps forts des mesures (que ces temps forts soient ou non précédés d’une anacrouse ou levée, suite de notes remplissant

1909-2009 7 J. d’U. (1909)

pression de la grâce. Rendons-lui son caractère mécanique, ses sibilité sont tour à tour et brusquement […]Et si le musicien ralentit parfois le dernier courses, ses bonds et aussi ses longs age- commandés par les sons longs ou brefs, ou les deux derniers temps d’une mesure, si, pour nouillements, ses bras tendus tout grands par les silences, par les « mesures à comp- donner plus de vigueur, plus d’accent à un temps vers le ciel, ses sanglots sans retenue et ter » de la musique, instaure, dans tout le fort, il le fait précéder d’un ritenuto, il nous faudra ses lentes prostrations! Rendons-lui toute mécanisme moteur de celui qui la prati- beaucoup d’habitude pour ne pas retomber trop tôt sa vie dramatique! […] que, cette force et ce calme d’où dérivent et gauchement sur le pied qui doit frapper ce temps […]Nous ne prétendons certes pas forcément l’attention et la volonté. fort, pour graduer notre geste, pour ménager suffi- qu’il faille gesticuler toute musique enten- samment notre énergie musculaire. Si l’on n’a pas due, ni nous démener comme des forcenés essayé cet exercice, on ne saurait s’imaginer à quel à l’audition d’un drame lyrique ou d’une Création de réflexes nouveaux, point il est difficile. Mais précisément aussi de cette pièce d’orchestre. Loin de là. Mais il n’en gestes primitivement solidarité de nos gestes avec la musique (solidarité est pas moins vrai que celui qui se sera volontaires qui deviennent qui est toute la Gymnastique Rythmique) résultent exercé à traduire méthodiquement en instinctifs par l’habitude et à la fois l’affinement de l’expression musicale et attitudes corporelles les diverses formes l’affinement de l’expression plastique. […] du langage sonore, percevra, à l’audition perfectionnent le mécanisme de toutes les oeuvres, des images motrices, de la pensée des représentations d’efforts musculai- […]Une telle méthode oblige des res, qui permettront à sa sensibilité un Développement simultané de parties du cerveau, qui ne fonctionnent épanouissement imaginaire mais précis, l’émotivité plastique et de l’émotivité jamais ensemble, ou même ne nous lui assurant la plénitude de la jouissance musicale ; […] épanouissement transmettent leurs injonctions qu’à des esthétique. […] et régularisation de la sensibilité intervalles de durée relativement longs, artistique à conquérir une activité absolument si- multanée. […]Or, des enfants de huit ou […]Possédant tous des bras, des jambes, un torse, Accroissement de la dix ans, qui ont fait avec soin une ou deux une physionomie mobiles, nous sommes si gauches, concentration psychique […] années de Gymnastique Rythmique, exé- quand il faut prendre une attitude vraiment élo- et organisation de l’économie cutent déjà ces exercices avec une facilité quente, si maladroits, si contraints! Nous avons un physique[…] relative sans que l’acquisition de cette corps et nous avons honte de le laisser prononcer une faculté nouvelle, qui se fait progressive- belle phrase. Ah! Luttons du moins pour que, chez Si l’étude de la Gymnastique Ryth- ment, leur cause jamais aucune fatigue, nos enfants, n’existe plus cette fausse pudeur qui mique permet à celui qui l’entreprend ni physique, ni cérébrale. Des adultes, amoindrit notre émotivité, quand elle ne la paralyse de compter sur un double perfectionne- au bout de quelques années de pratique, pas entièrement! Et que ce soit la musique qui fasse ment de sa sensibilité, dans le domaine obéissent à ces commandements sans y utiliser, par ces jeunes corps, toutes leurs énergies musical, et dans le domaine des attitudes, penser, tout à fait machinalement. Les musculaires, toutes leurs facultés motrices! et, par suite, d’affiner en même temps physiologistes en concluront que des Mais, réciproquement aussi, n’ayons pas peur que son goût pour tous les arts de la vue, à circuits neuroniques nouveaux se sont la musique fasse des gestes, de grands gestes, beau- côté de ces avantages purement esthé- créés dans le cerveau de ces élèves. Les coup de gestes! […]A force d’avoir exclusivement tiques, elle présente encore une vertu influx nerveux, à force de suivre certains associé la symphonie à notre vie intérieure, nous éducative d’ordre beaucoup plus général. chemins, sous l’empire de la volonté, pour l’avons privée de toute flexibilité, de tout dynamisme, Les artistes n’accorderont probablement aller de l’oreille au cerveau et du cerveau de tout élan, de tout rythme franc, net et vigoureux. pas une très grande attention à ce côté aux muscles moteurs, ont perfectionné du problème. Pour les philosophes et les ces chemins. […] physiologistes, en revanche, il domine En tout cas, tous les réflexes créés par toute la question. Et c’est à lui qu’à juste la Gymnastique Rythmique constituant, titre l’inventeur de la Méthode attache à n’en pas douter, un accroissement d’or- une importance capitale. dre et de précision dans notre activité Cette vertu éducative de la Gym- physique, ne peuvent déterminer qu’une nastique Rythmique, vertu dont il n’est amélioration corrélative de notre activité pas encore possible de mesurer toute la psychique. […] portée, peut se résumer en un mot : l’ac- La culture psychique doit retrouver croissement de la concentration psychi- sa base dans la culture rythmique du que. L’amélioration de toutes les facultés corps. mentales, qui doit résulter fatalement […] « C’est par l’intermédiaire du corps, d’un exercice où le corps et l’esprit sont écrivait Platon, que l’eurythmie – expres- contraints de collaborer sans cesse, tient sion de l’ordre de l’âme humaine – s’insinue principalement à deux causes : l’organisa- dans cette âme, et c’est la danse gymnas- tion de l’économie physique et la création tique qui enseigne l’eurythmie. » de réflexes nouveaux. La postérité vouera, je le gage, une Continuellement, en effet, nous gas- éternelle reconnaissance à Jaques-Dal- pillons nos énergies musculaires […] croze d’avoir compris la vraie portée de faute de les avoir mesurées à l’étalon de cette formule et d’avoir ressuscité la cultu- la durée, faute de les avoir graduées par re eurythmique, en lui redonnant des des exercices conscients. […] Il en résulte, bases techniques, assez précises et assez chez nous, des erreurs d’appréciation, qui générales tout ensemble, pour s’adapter nous couvrent continuellement de confu- parfaitement aux exigences les plus mo- sion. […] Pour éviter une bicyclette, dans dernes de l’art et de la civilisation.  la rue, nous faisons un bond désordonné et butons contre un trottoir ou nous jetons Cet article sera tiré à part pour la sous les pieds d’un cheval. […]La Gym- propagande. On peut commander les nastique Rythmique, avec ses exigences brochures auprès de la rédaction dès constantes, où le mouvement et l’impas- maintenant.

8 1909-2009 1909-2009 Illustration : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Notes et questions autour de l’article par Marie-Laure Bachmann de Jean d’Udine

suisse » fondée par Jaques-Dalcroze qui Paris son « Ecole française de gymnastique « Aucun art n’est plus en était le rédacteur en chef ; d’Udine y rythmique, méthode Jaques-Dalcroze ». tenait une rubrique intitulée “La Lettre Celle-ci va du même coup lui servir de près de la vie que la parisienne”. Mais c’est entre 1903 et 1906 laboratoire pour la suite de ses recher- que ce dernier comprend l’importance ches sur l’unité des arts6. Elle évoluera musique. » de la Gymnastique Rythmique pour ses bientôt vers ce que d’Udine nommera la propres travaux visant à la synthèse des « Géométrie rythmique7 », orientée plutôt (Émile Jaques-Dalcroze, 1905) arts. Ce qu’il cherche depuis quelque vers la chorégraphie, la mesure de l’espace temps, c’est à établir une théorie esthéti- et l’établissement de liens explicites entre que basée sur les synesthésies (associa- sensations, langage corporel et langage tions d’impressions venant de domaines verbal ; une évolution à laquelle le prédis- sensoriels différents)2, qui sont pour lui posaient ses recherches antérieures sur « De tout temps j’ai aimé nécessairement présentes chez tout vé- les couleurs8 et son goût de la systémati- ritable artiste. sation9. Il définira sa rythmique comme d’un égal amour tous les Sa découverte de la Rythmique lui fait étant le « succédané géométrique » de la prendre conscience que « la danse, ou plus méthode dalcrozienne10 et précisera qu’il arts. » généralement le geste, l’attitude, sont les l’a « imaginée et adjointe à la méthode dal- anneaux encore manquants » de sa chaîne crozienne, non pour la transformer mais de raisonnements3 . Il précisera plus tard pour la compléter. »11 (Jean d’Udine, 1910) sa pensée : si on peut faire l’analogie entre, Sa trajectoire va ce faisant l’éloigner par exemple, une couleur et un son, c’est parce que ce son et cette couleur « déter- minent, dans nos centres moteurs, des ryth- 6. Il écrit : « Le jour où j’aurai fait danser mes analogues ; […] si bien que finalement, des harmonies, même traditionnelles, par des Introduction : Jean d’Udine et la ce que nous trouvons à la base de tous les couleurs, même approximatives, autour de Rythmique arts c’est le geste humain, non seulement le danseurs traduisant par leurs mouvements geste directement perceptible, mais encore tous les rythmes musicaux, j’estime qu’après Jaques-Dalcroze, et grâce à lui, j’aurai fait De son vrai nom Albert Cozanet (1870–1938), le geste intérieur de nos passions4 ». faire à l’art un nouveau pas décisif vers l’unité Jean d’Udine1, avocat de formation, a déjà derrière Son chemin individuel, on le voit, de- à laquelle il tend éternellement… » (“Vers lui un passé important d’auteur, de théoricien et de vait immanquablement conduire Jean l’Unité”. art. cit., cf. note 2, 1911, p.675). critique musical et théâtral, lorsqu’il découvre la d’Udine à trouver chez Jaques-Dalcroze 7. Il publiera en 1926 son Traité complet de toute récente méthode de Gymnastique Rythmique un écho à plusieurs de ses propres préoc- Géométrie rythmique : théorie et pratique. de Jaques-Dalcroze. Celui-ci n’est son aîné que de cupations, et à partager avec lui–avec un (Paris, Heugel). Son fils, dans l’hommage cinq ans, mais d’Udine va dorénavant le considérer autre regard mais néanmoins un regard quasi hagiographique qu’il lui rend (cf. comme son maître. proche– la conviction que « le rythme est note 1), déclare que Jean d’Udine « sut mieux que le Maître lui-même, conserver à la Leurs premiers contacts semblent remonter à la base de toutes les manifestations ar- méthode son caractère de dépouillement et de à 1901, date de création de la « Revue musicale 5 tistiques ». Aussi consacre-t-il les années pureté […]Élève d’abord, puis disciple, il en 1907 et 1908 à s’initier à fond aux métho- devint irrésistiblement l’Apôtre, et l’entraîna 1. Nom d’un célèbre peintre du XVIè siècle, Giovanni des dalcroziennes ; et dès 1909 il crée à vers de très hautes cimes, bien au-delà de son da Udine ou Jean d’Udine, élève et collaborateur objet initial. » [sic] art.cit. 1958, p.12. de Raphaël. On peut imaginer que le choix de ce 8. Cf. les ouvrages cités à la note1. pseudonyme n’est pas sans relation avec les travaux 2. « … ce quelque chose si insaisissable en 9. Également cité dans l’article de sur l’esthétique des couleurs, auxquels Jean d’Udine apparence, qui permet de qualifier une ligne G.Cozanet,1958 (cf. note 1), le musicologue dit avoir « consacré sept années de [sa] vie » (cf. L’Art architecturale de chantante, une harmonie Paul de Stœeklin, précise (p.12): « Il et le Geste, Préface de 1909, p.X) et dont témoignent de colorée, une phrase de lourde, un style consacra à la rythmique et à son deux de ses premières publications importantes : de chaud… » (J. d’Udine, “Vers l’Unité”. Le développement ses vivantes facultés la Corrélation des sons et des couleurs en art, Paris, Courrier musical n°20, 1911, p.614) d’organisation. Il en fut le législateur, si l’on Fischbacher, 1897 et L’Orchestration des couleurs ; 3. J.d’Udine : L’Art et le Geste, Paris, F. peut dire […]La Rythmique était pour Jean analyse, classification et synthèse mathématiques Alcan, 1910. Préface de 1909, pp. XIII et XIV. d’Udine essentiellement un instrument de des sensations colorées, Paris, A.Joanin et Cie, 1903. 4. J.d’Udine : Qu’est-ce que l’éloquence et formation générale, de culture intellectuelle ; Il aurait décidé de ce choix dans l’urgence pour ne la poésie ?, Paris, H. Laurens, 1932, pp.157 une introduction à l’étude de la vie ». pas faire interférer ses prises de position en tant que et 159. 10. J. d’Udine :Qu’est-ce que la Danse ? critique d’art avec sa carrière juridique (voir à cet 5. E. Jaques-Dalcroze : “L’éducation par le Paris, H.Laurens, 1921, p.188 égard Guillaume Cozanet, 1958, p.11 : “Mon père, rythme et pour le rythme,”Le Rythme IIème 11. J. d’Udine : “L’Enfant et la culture Jean d’Udine”. Cahiers de la Danse, 1958, 10-12) année, n°2/3, mai 1910, p.28. rythmique”. Nos Loisirs, déc.1925, p.663.

1909-2009 9 1909-2009

du monde dalcrozien … À moins que ce ne soit l’inverse? 12 Toutefois, il continuera d’envoyer et de dédica- cer affectueusement à Jaques-Dalcroze nombre de ses ouvrages consacrés aux différents arts,13 dans les pages desquels il lui rendra souvent hommage et justice, par des mots reflétant l’admiration qu’il lui porte.14 À mon tour d’essayer de lui rendre justice dans les lignes qui suivent …

L’article publié dans Le Rythme de 1909 : une paternité contestée fait figurer au chapitre consacré à l’édu- fugitivement, le “ton Jaques-Dalcroze” cation du geste18, en s’en justifiant dans avec lequel j’ai eu par ailleurs si abon- En 1909 d’Udine est donc tout acquis aux idées un paragraphe liminaire : « Ce qu’est le damment l’occasion de me familiariser. dalcroziennes. Frais émoulu de leur étude, il les système de M. Dalcroze, je l’ai défini aussi Au contraire je constate un discours plus a faites siennes; penseur lui-même et homme de exactement qu’il m’a été possible de le faire, analytique, une présentation plus systé- plume, il en saisit parfaitement le langage et la dans une plaquette intitulée “Qu’est-ce que matique que chez le Jaques-Dalcroze que portée. Au point que son article « Qu’est-ce que la la Gymnastique rythmique ?”. Je demande je connais; j’observe que l’accent est porté Gymnastique Rythmique ? » non seulement est jugé la permission de citer ici les pages essentiel- de préférence sur la précision métrique, digne de figurer au sommaire de la toute nouvelle les de cette plaquette.19» la division des durées, le sens visuel, la revue Le Rythme (réparti sur deux numéros, car C’est dire que Jean d’Udine affiche très synchronisation, l’équivalence des sens ; il s’étend sur quatorze pages), mais encore les ré- ouvertement la paternité de son texte. je note une préoccupation “esthétique”. dacteurs de la revue avertissent les lecteurs qu’ils Or voici que cette paternité est contes- Et puis, je conçois mal, de la part des prévoient d’en faire « un tiré à part pour la propa- tée : M. Bablet, auteur d’un catalogue des deux créateurs que sont Jean d’Udine et gande ».15 écrits de Jaques-Dalcroze20, avertit le lec- Emile Jaques-Dalcroze, chacun jaloux de La même année, l’article paraît également dans teur que l’article “Qu’est-ce que la Gym- son œuvre et maître de ses écrits, qu’ils le Bulletin français de la S.I.M.16 Et lorsqu’en 1910 nastique rythmique ?” est de Jaques-Dal- eussent pu trouver un quelconque avan- il publie l’Art et le Geste,17 c’est encore son article, croze lui-même, bien que publié dans Le tage à se prêter au « subterfuge » invoqué ici amputé de quelques pages, que Jean d’Udine Rythme sous la signature de Jean d’Udine. par Bablet. Son affirmation se fonde sur un manuscrit Par ailleurs, j’apprécie ce long texte, dactylographié portant le même titre21, construit “à la française” de façon progres- 12. Il n’est pas cité au nombre des collaborateurs dont le rédacteur s’exprime à la première sive et logique, bien que non dépourvu de l’Ecole de rythmique parisienne de Vaugirard, personne là où le texte imprimé dans Le de quelques envolées lyriques dignes du ouverte dès avant 1920 et où Emile Jaques-Dalcroze passera les années 1924 à 1926. Une brève allusion Rythme fait état de « M. Jaques-Dalcroze ». créateur de la Rythmique. Il est propre à faite par H.Brunet-Lecomte dans la biographie A ses yeux, cet usage de la première per- informer et enrichir le lecteur, rythmi- qu’elle a consacré à son frère (Jaques-Dalcroze, sa sonne « prouve » que Jaques-Dalcroze est cien ou non,– même si les définitions du vie–son œuvre. Genève, Jeheber, 1950) marque cette l’auteur du manuscrit, et donc de l’article sens rythmique qu’il contient apparais- prise de distance (p.216) : « Philipp, professeur au imprimé, modifié avec son accord : « un sent incomplètes, comme désincarnées, Conservatoire […] ne se doutait pas de la musicalité subterfuge utile à la propagation de sa mé- à mes yeux de dalcrozienne.24 Pour moi, de l’enseignement de Jaques[-Dalcroze,] qu’il ne thode… et en vue de l’ouverture de l’école il est exclu que Jaques-Dalcroze en soit connaissait que par d’U***. » française.»22 l’auteur. 13. Ainsi de ses ouvrages Qu’est-ce que la peinture ? (Paris, H.Laurens, 1929) qui porte la dédicace Or mon intuition me pousse dans un Mais pour tenter d’étayer ce qui manuscrite : « A mon maître Jaques-Dalcroze, fidèle sens différent. Car plus je relis le texte n’est jusqu’ici guère plus qu’une intime souvenir » et Qu’est-ce que l’éloquence et la poésie ? de l’article, plus je le confronte aux écrits conviction, il me faut encore examiner la (op.cit. cf. note 4, 1932) dédié à la main « à Jaques- de Jaques-Dalcroze datant de la même photocopie du « manuscrit original dacty- Dalcroze, le génial prophète du rythme, son fidèle époque,23 et moins j’y retrouve, si ce n’est lographié » (BPU 698/14) d’où M. Bablet disciple et vieil ami Jean d’Udine ». tire ses certitudes. 14. Ainsi, dans Qu’est-ce que la Danse ? (op. cit. p.188) : « Seul celui qui pouvait […]imaginer une 18. L’Art et le Geste, op.cit. chapitre méthode logique et complète d’éducation plastique, de XII : “L’Éducation du geste. Les Étiquettes culture esthétique du mouvement corporel […], seul verbales”, pp. 204-221. in Le Rythme, la musique et l’éducation, celui-là devait créer quelque chose[ …]de certain, de 19. L’Art et le Geste, op.cit., p.205. Il 1920, p.37-45 ; “L’éducation par le rythme”. tangible et de durable. Ce fut Jaques-Dalcroze, avec sa s’agit sans doute du « tiré à part pour la Le Rythme, n°7, déc.1909, pp.63-70 ; Gymnastique Rythmique ». propagande » mentionné plus haut. Les “L’éducation par et pour le rythme”. Le 15. Cf. Le Rythme n°3 p. 32 et n°4 p.37. (N.B.Je n’ai parties non reproduites sont pour la plupart Rythme, IIème année, n°2/3, mai 1910, pas retrouvé à ce jour d’exemplaires de ce tiré à part celles ayant trait aux incidences musicales pp.18-31. et n’ai donc pu en vérifier la conformité avec l’article de la Gymnastique rythmique (jugées non paru dans Le Rythme. m-lb) essentielles pour le chapitre concerné), 24. Cf.p.26 : « …notre sens rythmique, c’est- 16. Jean d’Udine : “Qu’est-ce que la Gymnastique ainsi que les sous-titres, posés en marge à-dire notre faculté de diviser régulièrement Rythmique” ? Bulletin français de la Société dans l’article du Rythme. le temps et l’espace » ; ou encore : « Cette Internationale de Musique (ancien Mercure musical), 20. Misolette Bablet, Catalogue des écrits faculté de diviser l’espace et le temps au 5, 1909, 635-651.. (N.B. Renseignement obtenu sur d’Emile Jaques-Dalcroze, Institut Jaques- moyen de nos divers sens et de graduer les Internet. Il ne m’a pas été possible de le consulter à Dalcroze, Genève 1999. divisions ainsi opérées est essentiellement ce jour et je ne peux donc dire dans quelle mesure il 21. “Qu’est-ce que la Gymnastique le sens rythmique ». Alors que Jaques- recouvre celui du Rythme et encore moins celui de la rythmique ?” Bibliothèque publique Dalcroze fait une nette distinction entre plaquette non retrouvée. m-lb) universitaire de Genève, cote BPU 698/14. mesure et rythme : « La marche régulière 17. Cet ouvrage est dédié conjointement à Emile Photocopie consultée : Archives de la nous fournit un modèle parfait de mesure et Jaques-Dalcroze et au biologiste et philosophe Félix Bibliothèque de l’Institut Jaques-Dalcroze. de division du temps en parties égales. Mais Le Dantec, «… deux esprits si dissemblables et pourtant 22. Cf. Misolette Bablet, op.cit.,p.68. c’est le corps tout entier que l’éducation doit si voisins, qui ont eu sur l’évolution de ma pensée une 23. Cf. notamment Jaques- mettre en mouvement pour créer le sentiment influence prépondérante », écrit d’Udine. Dalcroze :“L’initiation au Rythme”, 1907 rythmique ».(cf. note 24, 1907, p.39)

10 1909-2009 1909-2009

L’enquête : un manuscrit qui livre – conférence ou démonstration, qui sait ?30– sentes, et pour cause, de l’article du Rythme une partie de ses mystères qui demandait qu’il s’impliquât davantage 1909, – où l’écriture de Jaques-Dalcroze est en prononçant le texte à la première per- parfaitement reconnaissable33. Ont-elles été Ne comportant ni date, ni signature, ni sonne. C’est donc en toute légitimité, j’en respectées ? Le saurons-nous jamais ?... nom d’auteur, ce manuscrit intitulé “Qu’est- suis persuadée, que Jean d’Udine a signé ce que la Gymnastique Rythmique ?” n’est à son article dans Le Rythme. Même si l’on 33. Cf. manuscrit dactylographié, BPU 698/14, première vue pas facile à attribuer. Ce qui peut dire que Jaques-Dalcroze n’en est pas p.3 :« L’éducation du sens rythmique commencée saute aux yeux en revanche, c’est un sur-titre totalement absent : par l’enfant, au moyen de tous ses sens à la fois, dactylographié au haut de la première page, Souvenons-nous en effet que Jean d’Udi- s’arrête ou est interrompue lorsqu’on lui enseigne sur-titre qui n’est pas mentionné par l’auteur ne est non seulement un chercheur amou- chaque art isolément » ; p.16 : « à force d’avoir reux des arts, aux préoccupations voisines, exclusivement associé la symphonie à notre vie du Catalogue (mais pourquoi ?), et qui est intérieure extérieure » ; p. 17 : « Rendons-lui sinon identiques à celles de Jaques-Dalcroze, ainsi libellé : « Tiré à part du “Rythme”, organe son caractère toutes ses facultés mécaniques », de la Société de Gymnastique Rythmique (mé- – mais qu’il est aussi un journaliste et un et : « la délicatesse et la profondeur nous thode Jaques-Dalcroze) ». Or par définition, critique cultivé, sachant manier la plume et appartiendront par surcroît, si notre sensibilité un tiré à part ne précède pas l’article publié, les idées, les siennes comme celles d’autrui. nous empêche de tomber dans l’outrance. » mais fait suite à sa publication dans une revue Qui sait combien d’entretiens il a pu avoir (écriture de J-D. indiquée ici en italiques). ou dans un volume. Premier constat : il ne avec le créateur de la Rythmique ; à com- s’agit donc pas du « manuscrit original » de bien de ses conférences il a pu assister31; l’article imprimé dans Le Rythme, comme le combien de ses leçons il s’est remémorées; prétend Bablet, mais c’est plutôt ce dernier combien de ses articles publiés il a pu lire... ? qui a servi de base au manuscrit dactylo- N’était-il pas particulièrement à même de Marie-Laure Bachmann est diplômée de graphié. Cela signifie que l’utilisation de la faire sien – ou presque sien – le langage du l’Institut Jaques-Dalcroze de Genève, où première personne dans le manuscrit est éga- maître ? Suffisamment en tout cas pour être elle fut professeure puis directrice jusqu’en lement survenue après la publication de l’ar- le premier, en-dehors de lui, à pouvoir ré- 2006. Licenciée en psychologie génétique et ticle dans Le Rythme. S’il en faut une preuve, pondre en toute conscience et avec talent à expérimentale de l’Université de Genève, elle on la trouvera dans ce fragment de phrase la question « Qu’est-ce que la Gymnastique est l’auteure de « La Rythmique Jaques-Dal- non-corrigé au moment de la frappe, puis Rythmique ? », par un texte qui se complète croze, une éducation par la musique et pour barré au crayon: « Et c’est à lui qu’à juste titre et qui s’étoffe au fil des pages, en une sorte de la musique » (1984, trad. angl. Dalcroze l’auteur de la Méthode attache une importance crescendo révélateur de sa nature artistique Today, 1991) ainsi que de nombreux articles 32 capitale ».25 Jamais Jaques-Dalcroze n’aurait et de son regard personnel. sur les branches de la méthode dalcrozienne. utilisé la troisième personne pour se qualifier Et je veux faire ici le pari que, même im- lui-même, s’il était l’auteur du manuscrit !26 patient de devenir à son tour le Maître qui Pas plus qu’il n’aurait, à l’inverse, “repêché” peut dire « je », Jean d’Udine aura été assez un article écrit par quelqu’un d’autre pour modeste pour soumettre à Jaques-Dalcroze se l’approprier ! le manuscrit de son tiré à part. Car parmi les Abstract (M-L. Bachmann) Pour moi, c’est bien Jean d’Udine qui a adjonctions portées à la main sur ce manus- 27 crit, il y en a quatre d’une autre plume, – ab- repris son propre texte , soit à partir de l’ar- To begin with, Marie-Laure Bach- ticle imprimé, soit à partir de son manuscrit mann portrays the article’s author, Jean initial (qui serait le vrai “manuscrit original” 30. L’une des corrections manuscrites d’Udine (1873-1938), as a theoretician de l’article imprimé, mais dans ce cas, où remplace les mots dactylographiés : je disais and a critic of arts, whose encounter 28 « en tête de ces pages », par : je disais « tout à le trouver ? ). Il l’a fait peut-être en prévi- with Jaques-Dalcroze and his methods 29 l’heure », ce qui laisse supposer la préparation sion de l’une des publications prévues , ou were of great signification for his own alors en vue d’une occurrence plus tardive d’un exposé oral. (ibid., p.5) 31. Jaques-Dalcroze a été particulièrement research, which aimed to a synthesis of prolifique en conférences pendant les années all arts based upon the idea of synesthe- 25. Cf. manuscrit dactylographié, BPU 1906-1908 (six au cours d’été 1906, quatre sis. After having studied with Jaques- 698/14, pp.18-19. Corrigé en « Et c’est à lui que à Paris en 1907, trois pour un cours d’été en Dalcroze during years 1907 and 1908, j’attache » etc… 1908…). Cf. Bablet, op.cit., pp.90-93 he opened his own school in Paris. He 26. De même trouve-t-on dans le manuscrit 32. Notamment, on admirera l’élégance et created there a « Rythmical Geometry » (op.cit.,pp.7,11,12) plusieurs allusions à « notre la modernité de sa formulation – en quelque méthode », alors que Jaques-Dalcroze à cette sorte plus pointue, plus ciblée que celle de which in his own views was supposed not époque disait invariablement « ma méthode », Jaques-Dalcroze à la même époque, et donnant to replace but to complete the Dalcroze ou « mon système ».(cf. ses articles note 23 ). en outre le point de vue de quelqu’un qui a method. This was to cause a breaking off 27. La dactylographie du manuscrit est plutôt pratiqué la rythmique comme élève, tout from the dalcrozian world, most prob- bâclée : fautes de frappe, omission involontaire en étant capable de l’examiner à la lumière ably due to the latter. de nombreux mots (parfois mais pas toujours de ses autres champs d’études – lorsqu’il Rather than commenting d’Udine’s rétablis à la main), placement des sous-titres énonce, avec parfois une prescience article (which at the time was considered dans le texte à la suite et sans soulignement, remarquable, des phrases telles que : « Dans exemplary enough to be sold apart and petites corrections manuscrites ultérieures, la G.R., les injonctions venant du dehors tout semble suggérer qu’il s’agit d’une recopie exigent du cerveau un double rôle de récepteur be published in other periodicals), Bach- hâtive. musical et de transmetteur dynamique, qui mann then deals with refuting the argu- 28. Il serait intéressant d’examiner les crée ou perfectionne, chez l’élève, un nombre ments given by M.Bablet – the author of a Archives Jean d’Udine, si elles existent. [considérable]de réflexes. » catalogue of Jaques-Dalcroze’s writings 29. Cf. notes 15 et 16. L’examen de Ou encore: « Les physiologistes en concluront – in order to deny d’Udine’s authorship, ces publications, jusqu’ici hors d’accès, que des circuits neuroniques nouveaux se sont which she attributes to Jaques-Dalcroze hélas, pourrait nous éclairer utilement, créés dans le cerveau de ces élèves. Les influx himself. non seulement quant au contenu, mais nerveux, à force de suivre certains chemins, sous By comparing styles and thoroughly éventuellement aussi quant à la date du l’empire de la volonté, pour aller de l’oreille au manuscrit dactylographié : certaines cerveau et du cerveau aux muscles moteurs, ont studying the manuscript upon which corrections à la main laissent penser qu’il perfectionné ces chemins. » Bablet established her thesis, she tries to est bien plus tardif que l’article publié ; cf. Voir aussi (cf. note 2 de l’article reproduit) rehabilitate Jean d’Udine’s figure while notamment : « sous les roues d’une automobile » sa définition particulièrement éclairante showing in which ways his writing dis- qui vient remplacer « sous les pieds d’un cheval » et synthétique des accents métriques et des tances itself from Jaques-Dalcroze’s. (cf. manuscrit BPU 698/14, p.19). accents pathétiques.

1909-2009 11 É. J-D. (1910) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

L’éducation par le rythme et pour le rythme par Émile Jaques-Dalcroze

la façon de faire des mouvements éner- mouvements corporels ; la musique joue giques ou souples dans un temps donné, un rôle d’accompagnement et n’effectue mais la manière de les effectuer dans tous pas une collaboration, elle n’inspire, ne les degrés de rapidité et de lenteur, c.à.d. pénètre, ni ne vivifie les gestes, les mou- Dans toutes les nuances dynamiques car la vements et les attitudes. Et c’est pourquoi pesanteur, au point de vue musculaire, dé- ni la gymnastique ni la danse de nos jours pend des rapports du temps et de l’espace. ne constituent des arts complets et ne peu- Il s’apercevra bientôt que ses élèves même vent contribuer au progrès de l’art. les mieux doués au point de vue physique Maître de musique, j’ai parcouru le et les mieux entraînés au point de vue chemin contraire de celui que je viens de gymnastique, auront une peine énorme décrire et, partant de la musique, suis ar- à rythmer leurs mouvements d’une façon rivé à la gymnastique, à une gymnastique aisée, à faire se succéder (ou à combiner) spéciale. Frappé de l’incapacité d’un grand un mouvement lent à un rapide, un mou- nombre d’élèves à s’assimiler intellectuel- vement accentué à un mouvement sans lement les éléments du rythme musical, A GYMNASTIQUE RYTHMIQUE EST AVANT tout et accent, à effectuer simultanément un cres- j’ai demandé au corps de me fournir des uniquement une expérience person- cendo d’énergie dans un membre et un modèles de mouvements rythmiques qui, nelle. A sa base se trouve le mouvement decrescendo dans un autre. C’est que les longtemps imités puis automatisés, devai- et il est difficile de faire apprécier celui- exercices de gymnastique pure n’auront ent fatalement créer dans le cerveau des ci à l’aide de simples mots. Le mouve- pas enseigné aux élèves les rapports en- élèves des images rythmiques précises ment ne peut être démontré que par tre les manifestations corporelles et les parcourant l’échelle entière des gradua- lui-même, comme la vie par la vie; il s’adresse aux conceptions cérébrales, ne leur auront pas tions dynamiques et temporelles. Mais sens de celui qui l’exécute ou à la mémoire de celui appris à déduire les actes des vouloirs, à ces modèles, la gymnastique usuelle ne qui l’a produit. Celui qui assiste au mouvement ne harmoniser les facultés imaginatives et les me les a pas fournis pour la raison déjà peut en comprendre toute la portée que s’il l’a aupa- facultés réalisatrices de l’individu. énoncée que cette gymnastique n’est pas ravant exécuté lui-même. Dans le cas particulier En tout domaine intellectuel ou corpo- édifiée sur le rythme mais uniquement sur de la G.R., j’ajouterai que l’on ne peut complètement rel, chez l’homme isolé aussi bien que dans la mesure. Et j’ai dû m’imposer la tâche de apprécier ses exercices que grâce à la perception la société, la phase de développement de la les créer moi-même en introduisant dans des changements que ceux-ci provoquent au bout personnalité est toujours précédée d’une les divers mouvements de gymnastique le d’un certain temps d’étude dans la mentalité. C’est période d’imitation. Le maître s’appliquera rythme qui leur manque, en convertissant de ces changements que je veux dire quelques mots à découvrir des modèles rythmiques que la gymnastique métrique en gymnastique ici : la pratique seule peut démontrer la nature son élève aura à réaliser en mouvements rythmique. Ma théorie était celle-ci, et la même de ces exercices. corporels. Et d’instinct il cherchera ses pratique m’a démontré depuis que cette Le but de la G.R. est de régulariser les rythmes modèles dans la musique qui, elle, les avait théorie était juste, – : « Toutes les causes de naturels du corps et, grâce à leur répétition fré- primitivement emprunté aux rythmes l’arythmie musicale sont d’ordre physique quente qui crée leur automatisation, de créer dans du corps humain mais dont, à travers les et si l’on veut guérir l’arythmie musicale qui le cerveau des images rythmiques définitives. siècles, elle a varié et multiplié les types est une véritable maladie, il faut avant tout Dans la gymnastique usuelle, suédoise ou alle- et les combinaisons jusqu’à oublier leur soigner le siège de cette maladie qui est le mande, la rythmique n’intervient guère. Tous les origine musculaire et à les spiritualiser corps ! » Je m’explique. mouvements sont ramenés à une unité inflexible entièrement cependant que, de son côté, le Être musicalement arythmique, c’est de mesure et détournés, dans un but d’énergisation corps s’en déshabituait à mesure que dans être incapable de poursuivre un mouve- musculaire et aussi de discipline, de leur rythme l’éducation augmentait la prépondérance ment pendant tout le temps nécessaire à primordial. Une innervation générale du corps doit de la culture purement intellectuelle. Et sa réalisation normale ; c’est le presser ou s’accomplir dans le même temps qu’une innervation c’est pourquoi la plupart des modèles ryth- le retarder quand il doit rester uniforme ; partielle; un mouvement du bras entier doit avoir la miques empruntés à la musique moderne, c’est ne pas savoir l’accélérer quand il doit même durée qu’un mouvement du poignet. Chaque fût-elle de ballet, ne peuvent plus être être accéléré, le ralentir quand il doit être mouvement est considéré comme une entité et imités par le corps. Certaines musiques ralenti, c’est le saccader et le morceler non comme le fragment d’un tout rythmique. Eh pourront être superposées aux mouve- quand il doit être lié et vice-versa ; c’est bien, supposons qu’un maître de gymnastique soit ments corporels mais non être interpré- le commencer trop tard ou trop tôt, le frappé du peu de liberté accordée à la manifestation tées par eux, mais non être pour ainsi dire terminer trop tôt ou top tard ; c’est ne naturelle des mouvements corporels et se décide transposés plastiquement. pas savoir enchaîner un mouvement à abandonner le côté purement métrique de son Les mouvements sonores se conten- d’une espèce à un mouvement d’une es- enseignement : il cherchera à enseigner non plus tent d’être développés parallèlement aux pèce différente, un mouvement lent à un

12 1909-2009 É. J-D. (1910) mouvement rapide, un mouvement souple à un clairement les rapports de mouvements accompagnée aussi d’une augmentation mouvement rigide, un mouvement énergique à un de le temps et dans l’espace. Il me reste à de la personnalité, car cette dernière n’est mouvement doux ; c’est être incapable d’exécuter démontrer quelles sont les conséquences pas autre chose que l’individualité ayant simultanément deux ou plusieurs mouvements morales de cette éducation. conscience et intelligence de soi (Lacor- contraires. C’est encore ne pas savoir nuancer un Et tout d’abord, après une courte daire). Et dans beaucoup de cas le manque mouvement, ç.à.d l’exécuter dans une gradation période d’agitation pendant laquelle le de personnalité provient d’une faiblesse insensible du piano au forte ou réciproquement, et cerveau se tourmente d’avoir tant de du système nerveux grâce à laquelle ne c’est ne pas pouvoir l’accentuer métriquement et peine à obtenir l’obéissance du corps, peut s’affirmer le tempérament. Savoir pathétiquement aux endroits fixés par la carrure ou voici qu’à mesure que diminue le temps agir vite, s’empêcher d’agir trop vite, sa- par l’émotion musicales. Or tous ces défauts dépen- perdu entre l’ordre cérébral et la réali- voir agir lentement, s’empêcher d’agir dent sans aucune exception soit de l’incapacité du sation musculaire, à mesure aussi que trop lentement, prendre rapidement une cerveau à donner des ordres suffisamment rapides les actions corporelles s’accomplissent bonne habitude, interrompre vivement aux muscles chargés d’exécuter le mouvement – soir plus aisément grâce à l’élimination des une habitude mauvaise, se forcer par une de l’incapacité du système nerveux à transmet- antagonismes musculaires exagérés, voici série de lents exercices à automatiser les tre ces ordres fidèlement et calmement, sans se que le calme s’instaure en l’organisme et actes utiles et à créer ainsi des réflexes tromper d’adresse, – soit encore de l’incapacité des avec lui la joie ! Je ne puis pas vous faire nouveaux, être capable de trouver rapi- muscles à les exécuter irréprochablement. L’aryth- comprendre la nature de cette joie, mais dement la solution d’une question, savoir mie provient donc d’un manque d’harmonie et de je tiens à affirmer qu’elle existe chez tous se concentrer pour la chercher lentement coordination entre la conception du mouvement les sujets ayant travaillé la G.R. pendant en pesant le pour et le contre..., voici les et sa réalisation et du désordre nerveux qui dans le temps nécessaire. Oh, je sais bien qu’il résultats d’une éducation qui étudie les certains cas est la cause de cette désharmonie et paraît exagéré de prêter à des exercices rapports de la vitesse et de la lenteur, de dans d’autres la conséquence. Chez certains sujets d’essence corporelle une telle influence la force et de la souplesse, du mouvement le cerveau conçoit normalement les rythmes, étant sur la mentalité générale. Et cependant et de l’arrêt, des sonorités et des silences, par hérédité pourvu d’images rythmiques nettes cette influence est bien telle que je l’af- du travail et du repos, de l’ombre et de la et claires, mais les membres très capables d’exé- firme. Elle provoque une joie paisible et lumière selon les lois d’alternance et qui cuter ces rythmes n’y parviennent cependant pas confiante, une satisfaction intime qui d’équilibre qui sont les lois du Rythme. parce que le système nerveux est en désarroi. Chez pénètre l’organisme tout entier. Cette Et parce que cette éducation produit en d’autres sujets les membres ne sont pas capables, joie provient du calme corporel et moral nous de la joie, elle développe en nous le par dégénérescence, d’exécuter les ordres cérébraux engendré par la diminution des énerve- sens esthétique, car de la joie qui vit en nettement donnés et les décharges nerveuses sans ments, des timidités, des inquiétudes et nous nous enveloppons tout ce qui nous effet finissent par détraquer le système nerveux. des rancunes qui résultent du désaccord entoure et nous créons de la beauté. Chez d’autres sujets encore, nerfs et muscles sont existant entre les facultés d’imagination J’attends beaucoup d’un enseignement en bon état mais l’insuffisance de leur éducation et celles de réalisation. Elle est augmentée par et pour le Rythme pratiqué dans les rythmique empêche l’enrégistration claire dans le par la confiance en soi que procurent la écoles d’une façon régulière et complète cerveau d’images durables. Le but de la gymnas- sécurité des actions rapides, la certitude et pendant un temps suffisant. C’est à l’âge tique rythmique, ai-je dit au début de cette étude, de pouvoir accomplir ce que l’on a décidé de 6 ans qu’il convient de commencer les est de « régulariser les rythmes naturels du corps et, et de l’accomplir exactement comme on le études et la façon la plus efficace de les grâce à leur automatisation, de créer dans le cerveau désire, et aussi la sensation très nette d’un pratiquer consiste à donner tous les jours des images rythmiques définitives. » développement de la volonté. Ce dernier à l’enfant une leçon d’une demi-heure Les exercices que j’ai créés sont de diverses caté- est dû à la conviction que l’affirmation des sous la forme de jeu. Si l’enseignement gories. Les uns contraignent les muscles à exécuter vouloirs est certaine de triompher peu est irrégulier et trop espacé, il devient avec précision dans un temps donné les ordres du à peu des résistances. À prendre plaisir inefficace. À partir de 12 ans, 2 heures de cerveau – que ce soient des ordres de mouvement à vouloir, on s’habitue à avoir de la vo- leçons par semaine suffisent. L’enseigne- ou des ordres d’inhibition (arrêt du mouvement). lonté. Et si cette joie se présente sous une ment du chant se trouve chez les garçons D’autres cherchent à automatiser des séries de forme sereine, paisible et permanente, entravé pendant une année ou deux par mouvements en leurs multiples enchaînements. c’est qu’elle est accompagnée de la fa- la période de mue. C’est à ce moment qu’il D’autres encore, enseignent à allier des mouve- culté de se concentrer, premier résultat conviendrait de la remplacer complète- ments automatiques à des mouvements volontaires d’une éducation dont le but est d’amener ment par l’enseignement de la G.R. Cel- d’un ordre contraire. D’aucuns visent à l’élimination l’élève à voir clair en soi-même. Elle est le-ci ne développe pas seulement le sens en toute action motrice des innervations inutiles et à provoquer l’équilibre des forces musculaires antagonistes. D’autres enfin à individualiser les sensations musculaires et à perfectionner le sens des attitudes... Tous ont pour but suprême un ac- croissement de la concentration psychique, une organisation claire de l’économie physique, une augmentation de la personnalité, et de plus grâce à une éducation progressive du système nerveux, un développement de la sensibilité chez les sujets insensibles ou peu sensibles et, au contraire, une régularisation des réactions nerveuses chez les indi- vidus hypersensibles ou désordonnés. Je crois pou- voir affirmer en toute conscience que des enfants sains soumis à l’éducation spéciale que je préconise, deviennent infailliblement au bout de 3 à 4 ans des sujets rythmiques, c.à.d débarrassés de tous dé- fauts d’ordre nerveux ou musculaire s’opposant à la pleine liberté de leurs mouvements, des sujets chez lesquels les fonctions cérébrales et corporelles sont pleinement harmonisées et qui savent apprécier

1909-2009 13 É. J-D. (1910)

esthétique et plastique en ce qu’elle forme l’oeil à la à redouter ces concurrences, car dès que Notez-le bien, si la rythmique musi- comparaison des beaux mouvements et des belles l’enseignement du rythme se modèle sur cale ne fait pas de progrès, ce n’est pas lignes, mais encore le sentiment musical. L’on ne peut la nature il ne peut pas exister de mau- parce que les musiciens ne cherchent se figurer combien nombreux sont les hommes qui vaises méthodes. pas de nouveaux rythmes, c’est parce n’aiment pas la musique ou ne la comprennent pas Si je crois fermement à la possibilité qu’il n’en découvrent point et parce que, (ce qui est la même chose), parce que leurs facultés de développer le sens artistique en même lorsque leur esprit en forge péniblement auditives ne sont pas intactes et que l’éducation temps que la volonté, la personnalité et un original, ils ne peuvent pas s’en servir, scolaire ne cherche pas à développer le sens auditif la concentration psychique chez les en- car ils ne le sentent point ; je prétends que de l’enfant, mais je vais plus loin : je prétends que fants soumis à l’éducation par et pour le les hommes des générations nouvelles la presque totalité des enfants qui n’aiment pas la Rythme, je crois aussi que l’art lui-même élevées par et pour le rythme auront subi musique parce qu’ils ont une mauvaise oreille, ar- (la musique comme la plastique) n’aura une évolution de la mentalité telle qu’ils riveront fatalement à l’apprécier si l’on développe qu’à gagner à s’appuyer sur cette édu- trouveront sans les chercher des rythmes leurs facultés rythmiques. Le rythme joue dans la cation. musicaux intéressants et cela parce que musique un rôle aussi important que la sonorité et Ne vous êtes-vous jamais demandé la musique des mouvements habitera en je sais par expérience que grâce à une éducation en constatant combien la musique vieillit eux, parce qu’en leurs êtres éduqués aux développant les rythmes naturels du corps, l’on vite, quels sont ceux de ses éléments qui se plus nombreux actes conscients du mou- peut faire aimer la musique même à ceux qui n’en sont développés si vite que nous ne savons vement l’émotion artistique s’exprimera apprécient pas les sonorités. plus apprécier qu’historiquement les œu- en mouvements inconscients également Ils l’aimeront à cause du mouvement qu’elle vres où ces éléments ne se trouvent encore plus nombreux et plus significatifs. renferme et parce que ce mouvement leur est chose qu’en germe ? Dès que vous aurez songé à Il faudra sans doute de nombreuses naturelle et familière. Vous me direz que c’est di- aborder cette question vous en trouverez années pour que se produise dans l’art minuer la musique que de la faire aimer par des la solution. Si la musique s’enrichit chaque musical cette souhaitable Renaissance gens qui n’en apprécient qu’une qualité sur deux. jour c’est en harmonie, en modulations et du Rythme, mais il est certain qu’un Et que vous répondrai que ce qui est vraiment di- en effets orchestraux de sonorités. Si une temps relativement court suffira pour minuer la musique c’est de ne jamais en enseigner musique nous paraît vieille c’est qu’elle ne faire servir l’éducation rythmique à l’amé- qu’un seul élément : la virtuosité. Et tel est le cas, renferme pas les harmonies pittoresques, lioration des interprétations musicales je l’affirme, dans tous nos conservatoires où il y a les modulations imprévues et les timbres dramatiques et chorégraphiques. Cette parfois des classes de chant d’ensemble, jamais de orchestraux savoureux auxquels notre éducation rythmique est tout d’abord classe de développement de l’oreille et jamais non oreille s’est habituée et qui constituent un indispensable pour amener les gens de plus de classe de rythme. En cultivant celui-ci, non enrichissement de ses moyens d’expres- théâtre qui s’y soumettront à reconnaî- seulement dans les conservatoires mais aussi dans sion. C’est pour cette raison que Gluck, tre que sans elle ils ne peuvent exprimer les écoles publiques, l’on développera le sens mu- que Hændel, que Haydn, que Mozart, tout rythmiquement la musique dramatique sical des générations futures dans des proportions en nous émouvant encore aux passages d’une façon satisfaisante. Car les 9/10 des incroyables. où leur génie a dominé la matière ne nous spectateurs d’une représentation lyrique Mais avant de songer à enseigner le rythme aux transportent plus au même degré d’en- ne se rendent pas compte qu’il existe un enfants, il faut l’enseigner aux instituteurs. C’est thousiasme qu’un Beethoven, un Wagner, trou béant entre l’orchestre et la scène et là évidemment le grand obstacle. Il est dur pour ou un Richard Strauss. Mais avez-vous que les chanteurs et les danseurs superpo- les maîtres d’école de faire de nouvelles études à jamais eu l’idée de vous plaindre de la sent sans aucun discernement des gestes un âge où l’on croit avoir le droit de se reposer. Si pauvreté rythmique d’œuvres de Gluck, et des attitudes à une musique qu’ils ne les maîtres d’école savaient la joie que procurent de Hændel, de Haydn ou de Mozart ? Il connaissent pas ou ne connaissent qu’im- ces études, sans doute n’hésiteraient-ils pas à les est certain que non et cela pour la bonne parfaitement, que leurs pieds marchent entreprendre, et je puis leur affirmer qu’aucun des raison que la pauvreté ne se constate que quand ils ne devraient pas marcher, que instituteurs qui étudie le rythme chez moi ne le par comparaison avec la richesse. Or les leurs bras se lèvent quand ils ne devraient regrette, bien au contraire. Mais pour se décider rythmes de nos œuvres modernes sont les pas se lever, que leurs corps agissent vis- à entreprendre ces études il faut d’autant plus de mêmes que ceux des œuvres des siècles à-vis de la musique exactement comme courage que les programmes scolaires sont sur- précédents. La musique n’a au point de se comporterait leur voix s’ils chantaient chargés, qu’ils n’accordent point d’heure libre aux vue rythmique fait aucun progrès ; au faux ou pas en mesure ou encore qu’ils études nouvelles. Il faudrait donc que l’élan partît contraire, hélas, elle a retrogradé. Ce n’est attaquaient la musique d’un autre opéra d’en haut, que dans les conseils scolaires supérieurs, pas un progrès en effet que faire entendre pendant que l’orchestre continue à jouer l’on s’occupât de la question. J’ai la conviction intime simultanément 4 rythmes différents peu l’œuvre commencée. Et ces défauts pro- que cela se fera avant peu. Déjà le ministère prussien intéressants. C’est une reculade de ne viennent autant de la maladresse des s’en occupe activement et il est à prévoir que d’ici plus se servir communément des ryth- membres mal entraînés au rythme que quelques années le Rythme entrera à l’École. Ce mes à 5, 7 ou 11 ou 15 temps employés d’une mentalité insuffisamment éduquée sera un jour joyeux pour moi et, j’en suis sûr, un jour dans les chants populaires, orientaux ou et par conséquent ignorante des rapports béni pour la pédagogie. Car le champ du Rythme slaves. Et la preuve la plus certaine de la intimes existant entre les mouvements est sans borne et de nombreuses méthodes seront pauvreté métrique et rythmique actuelle, dans l’espace et les mouvements dans le créées, de saines émulations aussi. Et il n’y aura pas c’est que les musiciens n’ont même pas temps. À la suite de ma première confé- cherché à inventer un signe pour dési- rence à Dresde a paru dans un journal de gner une note durant 5 temps (5 noires cette ville une lettre humoristique d’une ou 5 croches), c’est qu’ils divisent sans cantatrice s’inquiétant de savoir si les exception les mesures à 9 temps en 3 fois opéras de Wagner où le compositeur a de- 3 sans songer à aborder les combinaisons mandé la cessation complète des mouve- plus intéressantes de 4 + 5, de 5 + 3 + ments corporels, comme dans le premier 1, de 2 + 2 + 3 + 2 etc. Il reste dans le acte de Tristan, je ne commettais pas un domaine musical un champ énorme à crime de lèse majesté en obligeant les explorer et ce champ est celui du Rythme acteurs à battre à 3 temps d’une main et dont les combinaisons multiples doivent à 4 temps de l’autre ! J’ai trouvé inutile de fournir à l’art d’émouvoir par les sons un répondre à cette excellente personne qui incroyable trésor de nouveaux moyens évidemment n’avait rien compris à mes d’expression. idées. Et je me rends bien compte qu’à part

14 1909-2009 É. J-D. (1910) certains spécialistes de la scène s’étant l’art, car le rythme est à la base de toutes occupés à fond de la question, quelques les manifestations artistiques, à la base chefs d’orchestre, quelques régisseurs de la sculpture comme de la musique, de et quelques auteurs exceptionnellement l’architecture comme de la poésie. Les cultivés, sans parler de dilettantes et de enfants devenus maîtres de leurs propres critiques plus spécialement au courant de mouvements et appréciateurs des mou- la synthèse des arts, il est peu de gens de vements des autres seront facilement ac- théâtre et peu de spectateurs qui puissent cessibles aux émotions procurées par tout comprendre ce que j’entends par harmo- ce qui est dans les arts, leur rappellera le nisation des mouvements dans le temps mouvement. Et ce sera même le devoir de et dans l’espace. Mais je tiens à constater l’éducateur de créer périodiquement des aussi que les plus petits des élèves que occasions d’affirmer la toute puissance du j’ai emmenés avec moi dernièrement en rythme en des évolutions et des combinai- qui puissent exister. En effet, elle est créée par la Allemagne et que j’ai conduits au théâ- sons de gestes, de marches et d’attitudes possibilité de communiquer aux autres ce que l’on a tre ont été effroyablement choqués par constituant de véritables fêtes plastiques reçu ! N’est-ce pas une jouissance d’ordre supérieur l’arythmie des chanteurs, des danseurs et et rythmiques. Quel beau spectacle que que de pouvoir traduire librement et à sa manière des mimes sur les grandes scènes. Je défie celui d’un millier d’enfants exécutant en les sentiments qui nous agitent et qui sont l’essence du reste n’importe quel chanteur, fût-il mesure le même mouvement de gymnas- même de notre individualité, que d’extérioriser sans génialement doué, d’interpréter plasti- tique ! Mais quel plus sublime spectacle peine nos douleurs et nos joies, nos aspirations et nos quement la musique la musique la plus encore que celui d’une foule organisée vouloirs, que d’allier enrythmiquement nos moyens facile dans un sentiment rythmique exact en groupes distincts, dont chacun prend d’expression à ceux des autres pour grouper, grandir s’il ne s’est pas soumis à une éducation part d’une façon indépendante à la poly- et styliser les émotions inspirées par la musique et spéciale ayant pour but d’identifier les rythmie de l’ensemble ! L’art vit surtout la poésie ? Et cette jouissance n’est pas de celles que actions musculaires et les mouvements par les contrastes et ce sont les contrastes l’on peut considérer comme factices, occasionnelles sonores. Cette éducation devra être celle qui constituent ce que l’on appelle en art et anormales, non, elle fait partie intégrante des de tous les chanteurs lyriques de demain les valeurs. Dans un spectacle plastique conditions d’existence et de progrès de notre indi- et devra être menée conjointement à l’en- l’émotion esthétique sera produite par les vidu. Une satisfaction esthétique parfaite n’est pas seignement du chant. Et les résultats en oppositions de lignes et les contrastes de autre chose que de « l’hygiène au sens le plus haut et seront tels, j’en ai l’intime conviction, durées. Et ce sera une émotion puissante le plus excellent ». que le public de demain s’étonnera qu’il et véritablement humaine parce qu’elle Et voilà pourquoi je serais heureux de faire faire ait pu exister une époque où l’étude des sera directement inspirée par le méca- l’expérience de l’éducation par et pour le rythme rythmes corporels ne faisait pas partie nisme de notre vie individuelle dont nous dans des conditions spécialement favorables, qui de l’enseignement dramatique. retrouverons l’image en les évolutions sont les suivantes : L’étude du Rythme fera également rythmiques de tout un peuple. 1. Introduction de la G.R. dans une école partie du programme d’étude du chef J’ai dit tout à l’heure que le rythme est publique où cet enseignement figurerait au pro- d’orchestre et du régisseur de théâtre à la base de tous les arts ; il est aussi à la gramme d’une façon obligatoire et au même titre ainsi que du compositeur dramatique base de la société. L’économie corporelle que la gymnastique ordinaire dont elle peut profiter qui a besoin de connaître les ressources et spirituelle n’est pas autre chose qu’une et la gymnastique cérébrale qu’elle favorisera en multiples de l’instrument si expressif qui coopérative. Et le jour où la société sera rendant libres les voies de communication et de est le corps humain avant de songer à organisée dès l’école, elle sentira d’elle- transmission des forces physiques et psychiques. lui donner une musique à interpréter. Et même le besoin d’extérioriser ses joies et 2. Création d’un institut modèle destiné aux les apports des rythmes sonores et des ses douleurs en des manifestations d’art professionnels et où l’enseignement du rythme se- rythmes plastiques seront de même en- collectives, telles que les pratiquaient les rait spécialisé pour les futurs éducateurs, pour les seignés aux danseurs dont l’art pressenti Grecs de la belle époque. Celles-ci nous peintres, sculpteurs et leurs modèles, pour les futurs par Schiller, Goethe, Schopenhauer et offriront des spectacles bien ordonnés chefs d’orchestre, chanteurs, danseurs et régisseurs Wagner, s’ennoblira, deviendra plus qui seront l’expression même de ses vou- dramatiques. humain en même temps que plus poé- loirs esthétiques et où divers groupes 3. Organisation de fêtes artistiques pério- tique et cessera enfin d’être, ce qu’il est évolueront à la manière des individus diques où l’éducation rythmique favoriserait la aujourd’hui, un simple divertissement d’une façon métrique mais personnelle, création d’évolutions plastiques directement ins- des jambes indépendant de toute idée c’est-à-dire rythmique, car le rythme pirées par la musique, et cela sur une scène ad hoc, intelligente, de tout sentiment esthétique c’est la personnalité stylisée. Il y a de si construite spécialement en vue des mouvements ou musical, de toute portée sociale et de belles choses à créer dans le domaine du corporels et prévoyant par conséquent des pentes, tout intérêt artistique. mouvement rythmique de la foule ! Si des escaliers et des accidents de terrain, tels qu’on En mon idée l’enseignement ryth- peu de gens se doutent que ce domaine ne les trouve pas sur les scènes ordinaires. mique donné à l’école présente (outre est en partie inexploré et qu’un peuple Ces fêtes évidemment ne seraient que la consé- les avantages énumérés plus haut, dé- peut évoluer avec ordre et en beauté sur quence, que le couronnement de l’éducation donnée veloppement de la personnalité, de la la scène sans présenter forcément l’as- et un produit naturel, authentique et inévitable concentration d’esprit, de l’attention et pect d’un bataillon de soldats, qu’il peut du développement du sens esthétique, telles les de la volonté) celui de préparer peu à contrepointer de cent façons différentes, fleurs s’épanouissant au printemps sur les branches peu à l’art les sujets naturellement bien par les gestes, les marches et les attitudes, des arbres vivaces, aux racines indestructibles. En doués et dont les facultés normalement le dessin musical, tout en donnant aux attendant la floraison, il s’agit de préparer le ter- entraînées depuis l’enfance prendront spectateurs l’impression de l’unité et de rain, de faire les bonnes semailles et de surveiller rapidement leur complet essor dès qu’ils l’ordre. Nul doute que des générations la croissance du jeune arbrisseau. entreprendront dans une école artistique d’enfants instruits dans le rythme ne se J’ai déjà affirmé ma conviction que le sens esthé- ad hoc des études plus complètes et plus préparent et ne nous préparent pour de- tique a ses bases dans l’hygiène morale et corporelle. spéciales. L’école prépare l’enfant à toutes main des jouissances esthétiques insoup- Et c’est le rythme qui doit être l’organisateur de les professions, sauf à la carrière artisti- çonnées. La joie d’évoluer rythmique- cette hygiène instaurant l’ordre en notre corps et que. Or en introduisant l’étude du rythme ment, de donner tout son corps et toute notre cerveau, en nous éclairant sur nos moyens dans ses programmes, elle préparera for- son âme à la musique qui nous guide et d’action et en régularisant nos vouloirs et nos forces cément l’enfant à la compréhension de nous inspire est une des plus grandes réalisatrices.

1909-2009 15 1910-2009

Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (pp.16-18) © C.S. Page 19, de gauche à droite : Irène Reichel, Sergine Eckstein et Monica Jaquet (1938)

Transformation of the body-mind through “L’éducation par le rythme by Marja-Leena Juntunen et pour le rythme”

HAVE BEEN INVITED TO respond to and through movement, activation does not reflect on Jaques-Dalcroze´s article happen only in one particular area of the L’èducation par le rythme et pour brain but all sensations through different le rythme published in Le Ryhtme senses fuse into one experience. Accord- 1910. In this article, Jaques-Dal- ing to Merleau-Ponty, such cross activa- croze articulates the changes, or tion of the senses is always happening: transformations, that one can experience “The sound and the colour are received into in oneself (especially in one’s mentality) my body, and it becomes difficult to limit and learn to appreciate, after practicing my experience to a single sensory depart- “la gymnastique rythmique” for some time. ment: it spontaneously overflows towards In the following, I will discuss these trans- all the rest”4. Daniel Stern has found the formations that Jaques-Dalcroze describes origin of synesthetic experiences through as ends and/or advantages of his approach. examining the early sensory experiences In other words, I will examine how, in of a child. He uses the notion of amodality Jaques-Dalcroze’s understanding, the to describe the infant’s ability to instantly body affects the mind and vice versa, unite the sensations gained through vari- through the training in and through ous senses and to transfer the received rhythm. information from one sensory modality to another.5 The advantage of a rich store of images Creating rhythmic images is that the images can be recalled and be applied in new and different situations. Rhythm is a central issue in Jaques- Damasio writes, “.. without the guidance Dalcroze’s pedagogy. According to him of images, the actions would not take us through rhythm it is possible to bring far. Good actions need the company of good the mind, body, feeling, music and all images. Images allow us to choose among the forms of arts together in a conscious repertoires of previously available patterns human experience1 (see Endnotes). Jaques-Dal- of action and to optimize the delivery of the croze2 argues that rhythm has its origin chosen action – we can, more or less delib- in natural body movements and thus is erately, more or less automatically, review physical in nature. Accordingly, he sug- mentally the images which represent differ- gests that it is most natural to develop the ent options of action, different scenarios, sense of rhythm through movement. In different outcomes of action. We pick and this particular article, he argues that the choose the appropriate and reject the bad goal of his education is to regularize the ones. Images also allow us to invent new control rhythmic movements. As he saw it, a-rhythm natural rhythmic movements of the body actions to be applied to novel situations and is due to disharmony between the functions of the and, by their frequent repetition and thus to construct plans for future actions – the mind and body, it is due to excessive intellectual achieved automation, to create definite ability to transform and combine images thinking, imbalance between thinking and sensing, rhythmic images in the brain. of actions and scenarios is the wellspring or physical movements; a lack of co-ordination and Following Antonio Damasio’s (2000)3 of creativity.”6 This process also explains harmony between the idea and the execution of the understanding, image means “a mental how experiences gained in Dalcroze les- movement, and involves the “nervous irregularity pattern in any of the sensory modalities, e.g. sons can be applied and made good use that in some cases produces, and in others is the a sound image, a tactile image, the image of in other situations such as playing an product of, this dis-harmony”8. He also listed the of a state of well-being”. Thus, by applying instrument. deficits of musicianship exhibited in physical ac- today’s understanding of the matter, we tions under this heading9, such as accelerating or could say that rhythmic experiences com- slowing down the tempo of the movements when bining music and movement are stored Malady called a-rhythm one should keep it steady, starting or ending too as aural, visual, and kinaesthetic images, early or too late, not being able to master the quality which can be then recalled when read- One goal of Jaques-Dalcroze’s educa- of movements, etc. He thought that all the causes ing, notating, composing, performing, or tion was a person, who could think and act for “musical a-rhythm” (l’arythmie musicale) were creating music. Even though in action we rhythmically, whereas a person, who was physical in nature and could be cured only by ‘heal- would focus on one specific type of sensa- not rhythmic, according to him, suffered ing the body’. tion, for example, sensing a rhythm in and from a-rhythm (l’arythmie)7 – inability to Jaques-Dalcroze was not alone with these ideas.

16 1909-2009 1910-2009

John Dewey, a contemporary of Jaques-Dal- For Jaques-Dalcroze, teaching of rhyth- dispute whether the rationale for teaching croze, defended F. Matthias Alexander’s view mic movement, although based on music, is music should be based exclusively on musical that many of the physical and mental ills that not solely a preparation for musical studies, values or whether the advantages of musical people suffer in the modern world result from but rather is a more profound education of study for development of general capacities disharmony between our more advanced general culture12. He believed that his ap- useful in learning and life should be acknowl- intellectual behaviour and our more basic proach developed not only the physical body edged as well. Music’s educational ends and bodily functions.10 Alexander was after bet- but also the whole psycho-physiological hu- aims are too often wrongly regarded as ‘extra ter somatic awareness and a new attention man being as a whole. In this article, Jaques- musical’ and unnecessarily separated from to bodily experiences, offering a concrete Dalcroze lists and describes the different music’s intrinsic nature and value. Though method for such reflective education (e.g. types of exercises and the significant results music may not be considered fundamental to Alexander 1987). Richard Shusterman writes, at which these exercises aim. Some of the life, and while many of the outcomes of musi- “[t]his insistence on thinking through the body, goals relate primarily to one’s psychological cal study may not presently be valued highly to achieve more conscious control and more or mental qualities (such as concentration, at- in society at large, studying music can clearly acute perception of its condition, clearly dis- tention, intellectual quickening, the growth affect who we are and how we relate to oth- tinguishes Alexander’s approach from stan- of personality, sensitivity, etc.); some others ers. As Wayne Bowman14 notes, it develops dard physical culture and body building”.11 mainly concern physiological aspects (e.g., certain modes of reflective attitudes toward Neither Dewey, Alexander, Jaques-Dalcroze the balance of the nervous system) and oth- experience, openness toward possible mean- nor many of their contemporaries thought ers physical capacities (e.g., mastering the ing, and educates a person who is capable of that bodies are like ‘tabula rasa’ upon which quality of movements), all of which are inter- acting and reflecting open-mindedly, coop- society just stamps its symbolic imprint. They related, and become outcomes of the holistic eratively, and independently. recognized that body-functioning influences process that educates the whole body-mind, By emphasizing the large variety of skills, the mind and vice versa, in a heterogeneous the human being as a whole. Jaques-Dalcroze capacities and competencies as ends of this way. This implies, for example, that by be- believed that through regular training of his approach, Jaques-Dalcroze suggests a ho- coming consciously aware of one’s otherwise approach, the functions of the mind and the listic approach to music education in which subconscious movements, it is possible to pre- body would be perfectly balanced. He was al- musicianship is viewed in a large perspective. vent oneself from doing unnecessary habitual so convinced that the physical wellbeing and There is an attempt to educate the whole of movements and, thus, to improve the body the balance between thinking and moving the human being. By emphasising the devel- functioning. Similarly, by consciously learn- would promote freedom of imagination and opment of musicianship, Dalcroze teaching ing new social habits, for instance, musical emotion, and thus general well being13. has some similarities with the praxial ap- expression and dance, we can improve our Even though it is difficult to prove Jaques- proaches of music education.15 psychophysical existence. The body needs Dalcroze’s arguments to be true, I am con- Although Jaques-Dalcroze understood cultivation and habituation. vinced that many Dalcroze teachers believe that the mind and body were inseparable in the approach’s possibilities to develop a and intensively interrelated, and wanted to large variety of skills and capacities needed unify the ‘intellectual man’ and the ‘physi- Profound education through in all areas of life. Anyhow, these arguments cal man’16, he applied a rather dualistic ex- rhythmic movement lead us into discussion about the goals of mu- planation of the stimulus-response relation sic education in general. Music teachers often between mind and body. At any rate, these

1909-2009 17 1910-2009

explanations are dated and should be modernized according to contemporary research. For me, the dualistic explanation does not seem to support the practice of teaching and, instead, focuses away from the lived experience; it is even in conflict with the practical pedagogical ideas of Jaques-Dalcroze. It is possible that if he had been acquainted with writings of phenomenology (e.g., Merleau-Ponty’s ideas) or Eastern philosophies, his writings on this matter would be considerably different. However, by understanding the positive impact on musi- cal action and on neuronal activation of training through rhythmic movement, he seems to have been on the right track. As Bowman states, “[o] ur bodily actions build on habits and on the firing of neural pathways whose routine depends on the contingencies of personal experience”.17

Joy in learning

Jaques-Dalcroze was convinced that physical skilfulness would also promote joy. According to him, the better we know and use our body, the more joy and freedom of spirit we have. Jaques-Dalcroze was convinced that as a student feels delivered from all physical embarrassment and mental obsession of a lower order, he or she will conceive a profound joy, which he looked upon as the most powerful consciousness through the knowledge problem is that the teaching stops at the mental stimulus to learning.18 created of one’s own power to control activity level, whereas learning through Generally, in Dalcroze teaching the importance life. Play challenges, since it demands movement necessitates the movement to of one’s emotional state in learning is recognized. the reordering of one’s own know-how be qualitatively sensed. In order to inspire a free and joyful atmosphere in order to overcome and rise beyond ob- and feeling, many of the exercises, are shaped as stacles and the unexpected. Joy arises musical games. Mihalyi Csikszentmihalyi’s (1990) when students experience balance be- Conclusion understanding of play may clarify the idea: Play tween present capacities and the task in sustains interest and enjoyment because it orders question. Csikszentmihalyi refers to this In today’s terminology, we could say experience of balance by the notion of that the understanding of the human flow. Furthermore, positive experiences being that underlined Jaques-Dalcoze’s foster positive motivation toward study. pedagogical views was holistic: he As Maxine Sheets-Johnstone19 reminds stressed that the body and the mind were us, merely acquiring information does not inseparable and wanted to bring thoughts generate motivation, because motivation “into immediate contact with behaviour”.21 is not embodied in cognition. Motivation, Broadly, Jaques-Dalcroze’s arguments rather, comes from and is experienced were opposed to the dualistic view of mind by the ‘felt’ body. Even today, the results and body and the nature of knowing in of brain research prove that motivation, this dualistic framework. Similar critiques especially intrinsic motivation, which were posed in the early 20th century in entirely depends on the learner’s own a more general level, and have grown needs and desires, “has a pivotal role in extensively in the past years. The basic the success of learning”.20 cornerstones of Dalcroze pedagogy can Jaques-Dalcroze (1910) was very con- thus be seen as an early critique of the vinced that children always enjoy moving Cartesian tradition within the profession and that through movement it was even of musicians. Jaques-Dalcroze aimed at possible to make them love music. This is resolving the imbalance caused by the probably often the case. However, we also intellectualisation of musical knowledge need to acknowledge possible problems: and the tendency for abstractions without Nowadays, children do not necessarily practical or bodily connections in learning feel comfortable with movement. Also, practices. His idea of bodily transforma- learning through movement is difficult tion and therefore of better musicianship for students who are self-conscious about seems to have been in many ways ahead moving to music. This lack of ease, even of his time. Jaques-Dalcroze’s insight embarrassment, prevents them from en- reflects the current outlook on the role joying the exercises and thus from having of the body in musical learning and per- positive experiences. Moreover, awaken- formance22, and his pedagogy highlights ing sensitivity towards movement and the embodiment of the human being and establishing a connection between sens- embodied ways of learning within music ing, thinking, feeling and moving usually education.23 takes a lot of time, and the necessary time is not always available. Sometimes, the

18 1909-2009 1910-2009

Endnotes References

1. J-D 1920/1965, 101; J-D 1930/1985, 106-117  Alexander M (1987) The Use of the Body. Orig. 1932. London: 2. J-D 1920/1965, 38–40 Victor Gollancz. 3. Damasio 2000, 9  Bachmann M-L (1984) La Rythmique Jaques-Dalcroze. Une 4. Merleau-Ponty 1962, 227 éducation par la musique et pour la musique. La Baconnière, 5. Stern 1985, 47-53 Neuchâtel. 6. Damasio 2000, 24  Bowman WD (1998) Philosophical perspectives on music. Oxford 7. A-rhythm should not be confused with arythmie (or arrhythmia) University Presss, New York. which means a change in the regular beat of the heart that is  Bowman WD (2002) Educating musically. In: Colwell R & Rich- often related to levels of stress and emotional trauma. ardson C (eds) The handbook of research on music teaching and 8. J-D 1921/1980, 152, also J-D 1930/1985, 103 learning, Schirmer Books, New York, 63–84. 9. J-D 1920/1965, 136–137, also Bachmann 1984, 109–110  Damasio AR (2000) The feeling of what happens. Body, emotion 10. Shusterman 1994, 137 and the making of consciousness. Vintage, London. 11. Shusterman 1994, 137  Elliott D J (1995) Music matters. A new philosophy of music 12. J-D 1930/1985, 102 education. Oxford University Press, Oxford. 13. See also J-D 1930/1985, 6  Jaques-Dalcroze É (1910) L’éducation par le rythme et pour le 14. Bowman 2002, 63,66 rythme. Le Rythme 2/3: 18–31. 15. See Elliott 1995; Regelski 1998  Jaques-Dalcroze É (1920/1965) Le rythme, la musique et 16. “L’homme intellectuel ne doit plus désormais être indépendant l’éducation. Fœtisch, Lausanne. de l’homme physique” (J-D 1920/1965, 163).  Jaques-Dalcroze É (1921/1980) Rhythm, music and education. 17. Bowman 2002, 71 The Dalcroze Society, London. 18. See also J-D 1920/1965, 58-59, 91  Jaques-Dalcroze É (1930/1985) Eurhythmics, art and education. 19. Sheets-Johnstone 1999, 267 Arno Press, New York. 20. OECD 2007, 27, also available in French: Comprendre le cerveau:  Juntunen M-L (2004) Emodiment in Dalcroze Eurhythmics. naissance d’une science de l’apprentissage Ph.D. diss. University of Oulu, (available in http://herkules.oulu. 21. J-D 1921/1980, x fi/isbn9514274024). 22. see, e.g., Bowman 1998; 2000; Stubley 1998  Merleau-Ponty M (1962) Phenomenology of perception. Rout- 23. see, Juntunen 2004 ledge, New York & London.  Merleau-Ponty M (1964/1982) Signs. Northwestern University Press, Evanston, IL.  OECD (2007) Understanding the brain: The birth of a leaning science. OECD: Centre for educational research and science, Paris.  Regelski TA (1998b) Schooling for musical praxis. Finnish Journal of Music Education 3(1): 7–37.  Sheets-Johnstone M (1999) The primacy of movement. John Benjamins, Amsterdam.  Shusterman R (1994) Dewey on experience: foundation or re- construction? Philosophical forum XXVI(2): 127–148.  Stern D (1985) The Interpersonal World of the Infant. Basic Books.  Stubley E (1998) Being in the body; being in the sound: a tale of modulating identities. Journal of Aesthetic Education 32(4): 93–106.

Marja-Leena Juntunen, PhD, is a licenced Dalcroze pedagogue and also Assistant Professor at the University of Oulu, Finland.

Résumé

Dans son article, Jaques-Dalcroze articule les changements ou les transformations que l’on peut expérimenter en soi-même et apprendre à apprécier après avoir pratiqué la « gymnastique rythmique » un certain temps. ML Juntunen commente ces transformations que Jaques- Dalcroze décrit comme des finalités, et/ou des avantages de son approche. Elle examine donc comment, dans la pensée de Jaques-Dalcroze, le corps influence l’esprit et vice-versa, grâce à cette formation « par et pour le rythme ».

1909-2009 19 É. J-D. (1916) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (p.20) © C.S. Photo Denso, 1910 (p.21)

À bâtons rompus Lettre aux rythmiciens (extraits) par Émile Jaques-Dalcroze

l’entoure. Plus que jamais, une lourde il n’en trouve point autour de lui, mais trop responsabilité incombe aux éducateurs. souvent ne songe pas à les découvrir en C’est à eux de sauvegarder le lendemain lui-même. En somme, il n’existe rien de de cet aujourd’hui atroce, d’entretenir nouveau sous le soleil, mais il importe chez ceux qui vont devenir responsables, que notre volonté crée en chacun de nous les sentiments de sécurité et d’espoir en un état d’esprit si pimpant, si frais, si in- l’avenir, de préserver les générations qui génu, que chaque vieillerie s’en trouve nous suivront du découragement auquel transformée et rajeunie. Toute joie nous les voueraient inévitablement les misères paraît nouvelle. Or, nous avons beaucoup actuelles, si les petits hommes de demain travaillé à Genève depuis deux ans, et n’étaient mis en possession de toute leur avec tant de plaisir que nous nous figurons énergie et si les éducateurs ne les prépa- avoir trouvé de nouveaux exercices. En raient à un travail régénérateur, grâce à réalité, ce ne sont que de nouvelles formes un appel énergique et persistant à leur d’exercices. Je ne vous les décrirai pas par volonté. Ils auront besoin d’un jugement le menu ; je vous dirai seulement quelle net, spontané, d’un esprit d’ordre, de pré- est leur nature. À vous de découvrir vous- cision, de ténacité et de promptitude et en mêmes la manière ou plutôt les manières leur âme doit être entretenu désormais un de les rendre vôtres et de les faire vivre impérieux appétit d’idéal et de progrès. selon votre tempérament. C’est ainsi que Et c’est parce que j’ai toute confiance l’ouvrier fait sien l’outil dont il se sert pour en la vertu de notre travail spécial qui son métier et l’emploie selon la confor- est certainement de nature à établir chez mation particulière de sa main, de son les enfants une collaboration plus intime bras, selon l’intensité de son souffle et les entre les vouloirs conscients et les possi- aptitudes de son organisme tout entier. bilités instinctives de réalisation, – c’est En Rythmique, nous nous sommes parce que l’étude de la Rythmique est voués particulièrement cette année à appelée plus que toute autre à préserver l’étude approfondie et ordonnée des di- les hommes de demain de la mollesse verses mesures, traitées chacune l’une intellectuelle ou de l’hésitation dans les après l’autre avec toutes les combinaisons moyens personnels et sociaux de régéné- anacrousiques praticables dans les doubles ration, que je me décide à rouvrir la série et triples lenteurs et vitesses (24/16, 18/8, des numéros du Rythme, à publier pério- etc., etc.). Puis les rapports entre chaque Genève, le 1er juin 1916 diquement des renseignements sur notre mesure (de 2 à 9 temps), avec chacune ES CHERS ÉLÈVES, méthode et sur la carrière de ses adeptes, des autres. Nous arrivons ainsi à saisir Voilà tout juste deux ans que espérant que ces notes, non coordonnées pour ainsi dire la physiologie des mesures, paraissait le dernier numéro de mais significatives, pourront circuler li- puis leur caractère psychologique et nous notre intermittent journal. Que brement entre les frontières antagonistes, entrons en outre en possession d’un ma- d’événements se sont produits renouer certaines attaches, dissiper quel- tériel métrique complet, grâce auquel nos depuis, dépourvus, tous, de cette ques erreurs et ranimer certains espoirs. moyens rythmiques d’expression devien- logique, de cet équilibre et de cet enchaînement or- Et tout d’abord, avant de jeter les bases nent plus variés et plus intéressants. Nous donné que nous cherchons péniblement à provoquer d’un programme ordonné, laissez-moi, avons consacré aussi des leçons particu- en nos études et qui devraient se retrouver en toute dans ce premier fascicule, répondre d’une lières à la notation musicale qui laissait manifestation humaine. Hélas, les Rythmiciens se façon générale, à bâtons rompus, à un cer- jadis beaucoup à désirer. Il est de toute sont dispersés et des difficultés de toutes sortes tain nombre de questions que me posèrent importance que nous sachions noter la s’opposent en ce moment à la libre circulation de quelques-uns d’entre vous, au cours de musique rapidement et clairement. Le fait nos idées et même à l’émission spontanée de tous cette dernière année, et qui me paraissent d’avoir consacré un temps spécial à cette nos espoirs communs. Car il est trop tôt encore de nature à vous intéresser tous. Vous me étude a beaucoup développé nos élèves pour tenter une réunion définitive : les voies ne pardonnerez de sauter du « coq à l’âne », des classes de pédagogie. Et l’ami Lang a sont pas libres, il faut que l’histoire suive son cours. sans souci de progression ni de style. su rendre ces leçons très attrayantes. Mais il est à espérer que chaque Rythmicien est en Quelles sont les nouveautés de la mé- Pour développer davantage l’audition train d’accomplir son devoir, qui est de travailler thode ? Voilà certes, la question la plus intérieure, nous cherchons à composer et individuellement à se perfectionner et à agir pour fréquemment posée. L’homme cherche et à noter de simples périodes mélodiques de la bonne cause dans le cercle, même restreint, qui aime les nouveautés ; il se lamente quand 4 mesures, pendant que d’autres partici-

20 1909-2009 É. J-D. (1916) pants à la leçon, chantent des gammes ou simple- nuances. Le corps, grâce à la Rythmique, les, nous en donnons parfois de naïves ment se livrent aux charmes de la conversation. Cela doit être prêt à se plier à toutes les fluc- interprétations, il est évident pour l’ob- pour que nous apprenions à nous isoler ! Combien tuations des rythmes musicaux, à évoluer servateur attentif que ces interprétations de fois, dans la vie de tous les jours, sommes-nous dans toutes les nuances de rapidité, de ne sont pas le but de notre enseignement, obligés d’assister à des discussions oiseuses, à des lenteur, de force et de souplesse. Une vir- mais un des moyens que nous employons spectacles inutiles ? Quel temps nous gagnons alors tuosité corporelle, – j’entends une science pour entrer en contact avec les émotions en cherchant à isoler notre pensée de par notre des effets et non des sensations – acquise musicales qui inspirent les œuvres. Pour volonté de concentration, à continuer mentale- avant le développement terminé de l’étude faire comprendre le but de notre méthode ment notre activité, tout en satisfaisant aux devoirs des sensations et des sentiments détrui- et donner à celle-ci le rang qu’elle mé- de politesse que nous impose la société à laquelle rait toutes les possibilités d’interprétation rite de tenir en l’éducation moderne, il nous nous trouvons mêlés ! À ceux qui deviennent spontanée. Cette virtuosité devra être le faut que tous ceux qui l’ont étudiée se capables de poursuivre leur rêve intérieur, de déve- couronnement de nos études ; elle devien- persuadent qu’il n’y a qu’un moyen de lopper leur pensée ordonnée au milieu de tous les dra nécessaire pour tous les spécialistes l’imposer, c’est de ne pas s’inquiéter des fracas des extériorités et au sein des ambiances les de l’art, entre autres pour les danseurs. piètres arguments que lui opposent les plus hostiles, le progrès devient plus facile et la vie Un de vous m’écrit, au nom sans doute de incompétents. Toute méthode éducative s’avère meilleure, plus paisible et moins ennemie. cette pléiade d’ignorants qui se figurent a été combattue à outrance à ses débuts. D’autre part, au point de vue purement musical, il que la Rythmique est une école de ballet, La nôtre n’échappe pas à la loi humaine est absolument nécessaire que notre individualité que nous ne devrions pas encourager ceux de la résistance instinctive contre tout auditive devienne assez forte pour que notre oreille qui se destinent à l’art inférieur qui est la travail nouveau rompant avec la tradition. sache percevoir les sons, et notre concept musical danse et n’accepter dans nos classes que Elle n’échappera pas non plus – et c’est là les réaliser, alors même qu’autour de nous résonnent des adeptes de la musique pure. Pour- notre consolation et notre espoir – à la loi d’autres sons et d’autres harmonies. Aucun chanteur quoi ? La Rythmique prépare à tous les d’adaptation à laquelle doivent se soumet- n’est digne de faire partie d’une société chorale arts. Un danseur qui traduit la musique tre tous les hommes. Ce sont ceux-là qui s’il ne sait déchiffrer sa partie sans être gêné par avec son corps entier peut être un aussi s’adapteront à nos idées : – ce n’est pas à les sonorités émises par ses voisins chantant une grand artiste que le pianiste qui ne danse nous d’adapter nos idées à la mentalité partie différente ! Et à ce propos, laissez-moi dire qu’avec les doigts. L’important est que présente. Notre but est de faire évoluer le plaisir que j’ai éprouvé, il y a deux ou trois ans, à sa virtuosité soit mise au service de ses cette mentalité. provoquer en une grande ville musicale étrangère, qualités et volontés d’expression. Le but de la Rythmique est de mettre la déconfiture d’un célèbre professeur très hostile à Il est certain que notre but n’est pas ses adeptes à même de dire à la fin de notre méthode, qui dans une de nos démonstrations de former des danseurs, mais il est indé- leurs études, non : « Je sais », mais bien publiques s’était proposé pour écrire à la planche niable que l’éducation que je préconise « J’éprouve » et avant tout à créer en eux une mélodie que mes élèves avaient à déchiffrer. se basant sur les relations étroites des le désir impérieux de s’exprimer, après Vous n’avez pas d’opposition, lui dis-je, – au moment mouvements du corps et de l’âme, des avoir développé leurs facultés émotives et où il montait sur le podium avec le désir intense de sensations et des émotions, replace la leur imagination créatrice. Mais, encore nous mettre dedans, – vous n’avez pas d’opposition danse, au sens le plus noble et le plus une fois, la connaissance de la technique à ce que mes élèves chantent le cycle des gammes élevé du mot, au niveau supérieur où la corporelle est nécessaire et c’est pour- pendant que vous écrivez votre mélodie ? – Aucune- situèrent les anciens philosophes. Nous quoi j’engage certains d’entre vous à tenir ment, me répondit-il, avec un sourire pédant. Mais provoquons une renaissance de la danse, davantage en estime les divers systèmes ce sourire ne persista point, et, malgré les efforts en la faisant entrer dans l’éducation inté- de gymnastique et de culture physique acharnés du professeur, sa mélodie ne répondit ni grale de l’homme. Notre corps doit être actuellement en usage. L’on trouve du aux désirs de mes élèves, ni à ceux du public, ni – la belle maison mouvante qu’habitent nos bon partout si l’on sait analyser et les probablement – aux siens propres. Sachons nous sentiments et nos vouloirs et dont les pa- comparaisons sont nécessaires. D’autre isoler pour chanter et entendre notre mélodie, au rois sonores tressaillent aux vibrations part, plus le public s’intéresse aux mani- milieu de celles des autres, sachons garder notre changeantes et constamment renouvelées festations corporelles, à la gymnastique personnalité au moment même où nous prenons de nos émotions, de nos désirs de beau et la danse, et plus aussi son éducation plein contact avec la société, quelle joie que nous et de bien, de nos appétits de vie. Si pour sera facile à faire. Vous devriez donc éprouvions à en faire partie. prendre contact avec les œuvres musica- considérer comme une heureuse preuve Et sachons aussi nous appliquer à une concen- tration telle, qu’à première audition nous puis- sions percevoir nettement le caractère général du rythme dicté, même si quelques-uns de ses détails nous échappent. Il faut procéder du général au particulier. Je vous parlerai un jour en détails de la plastique animée. Il est évident que la connaissance des pos- sibilités de mouvements que possède notre corps est nécessaire à tout Rythmicien. Il doit savoir choisir entre les diverses manières d’effectuer une certaine série de mouvements, celle qui nécessite le moindre effort, et c’est par les sensations réitérées, par leur comparaison et leur analyse qu’il y parviendra. Cette technique élémentaire, chacun de nous doit la posséder, comme l’improvisateur au piano a besoin d’une technique digitale. Mais ni l’une, ni l’autre n’ont rien de commun avec ce que l’on appelle la virtuosité. C’est la Rythmique qui doit donner aux élèves la possibilité de découvrir eux-mêmes, sous la direction de Rythmiciens plus expérimentés, les façons corporelles de rendre des impressions, des émotions sincères et spontanées en leurs infinies

1909-2009 21 É. J-D. (1916)

de son désir de développement qu’il prenne goût à la culture physique, – et témoigner davantage d’indulgence aux nouveaux essais. Oh, sans doute, le public est-il malheureusement trop porté à juger les systèmes non d’après leur valeur, mais d’après l’intérêt que lui inspire leurs auteurs. L’on ne loue, souvent, hélas, une méthode qu’au détriment d’une autre. Sachons nous mettre au-dessus de ces vaines querelles, apprécier les qualités que nous trouvons chez les autres, et ne pas imiter leurs défauts ! La plupart des musiciens-nés qui fréquentent les cours de Rythmique croient, au bout de deux ou trois ans, en savoir assez pour se lancer dans la vie musicale, ou encore ils estiment qu’une fois au courant de tous les principes de la méthode, ils auront avantage à poursuivre des études musicales cultivées, aux talents les plus éprouvés et connaître. conventionnelles, parce que ces études ont toujours pourrait fournir aux compositeurs de la Ce qui m’a toujours frappé dans le été faites dans les Conservatoires et sont considé- musique des formes d’expression toutes programme des écoles, c’est que ce sont rées comme nécessaires par les musiciens faisant nouvelles. Quant aux pédagogues pra- les études abstraites qui semblent jouer le autorité. Le malheur est qu’ils courent ainsi le risque tiquants, combien peu d’entre eux son- rôle principal dans l’éducation des petits de perdre les facultés d’intervention qu’ils avaient gent à s’intéresser à nos efforts ? L’on fait comme des grands. Dans certains jardins péniblement acquises chez nous, j’entends cette in- pourtant dans tous les arts dans toutes d’enfants, comme cette admirable « mai- tervention qui consiste à deviner le meilleur parti à les classes de la population, pour élever son des petits » de l’institut J.-J. Rousseau à tirer des lectures et des analyses, à se créer soi-même les mentalités des adultes au niveau des Genève, l’on s’occupe avant tout de rendre des sentiers dans la forêt de la science au lieu de beautés répandues par la Musique, le les enfants conscients d’eux-mêmes. Mais suivre les chemins battus. Car, je le répète, les étu- Théâtre et les Beaux-Arts… Et cependant, dès qu’ils entrent dans les écoles de l’État, des musicales classiques sont certes indispensables, tant d’anciens élèves m’écrivent : – « Ah ! – il semble que l’on cherche à leur faire mais la manière dont elles sont menées trop souvent Monsieur Jaques, si vous saviez combien oublier que leur personnalité est le point dans les Conservatoires ne convient qu’à ceux qui j’ai à lutter autour de moi pour convertir de départ et d’arrivée de leur développe- ne se connaissent pas encore, qui ont besoin d’être les gens à la beauté simple et naturelle ! Les ment. Le but des études paraît consister conduits et en lesquels ne sont pas nés l’instinct gens ne savent pas voir, ils voient autre- uniquement à communiquer aux élèves personnel de développement et la divination des ment ! Ce que nous avons appris à mépriser, des notions générales sur une quantité de procédés particuliers à chaque tempérament. les effets de mauvais goût, les exagérations sujets qu’on ne leur donne pas l’occasion Et c’est ainsi que les musiciens formés à notre de style, les recherches ambiguës de pit- de contrôler par eux-mêmes. Il y a un école risquent, s’ils rentrent dans la routine de la mu- toresque, les gens l’admirent ! Comment abîme entre l’éducation du premier âge, sique intellectuelle et formelle, de se laisser envahir convertir ces gens, comment les amener à telle que Froebel et Pestalozzi l’ont im- par la griserie des développements contrapuntiques la simplicité ! »… posée de par la logique de leurs procédés et des recherches harmoniques ou orchestrales, et Mais, parbleu, mes chers amis, ces naturels, et l’instruction qu’une routine de substituer l’imitation volontaire puis involontaire gens voient mal ou autrement, parce qu’ils multi-séculaire fait subir aux adolescents. des procédés de composition à nous léguer par des n’ont pas, dans leur premier âge, fait les Dès qu’un enfant entre dans une école ascendants d’une autre essence que la nôtre, aux re- mêmes études que vous… Si vous voulez supérieure, il semble que le programme cherches instinctives et élémentaires que devraient contribuer au progrès de votre milieu, il scolaire cherche à faire oublier à cet en- susciter actuellement en nous la conscience de notre vous faut apprendre à être patient, à voir fant qu’il existe. L’hygiène corporelle, la présente situation physique. L’on écrit beaucoup sur loin ! Ce ne sont pas les adultes qui vous conscience physique, les instincts sen- l’art après la guerre, comme si c’était vraiment la entourent qu’il vous faut éduquer, ce sont soriels sont mis au troisième plan. Avant guerre qui pouvait être appelée à influer sur l’art ? leurs enfants. Aucun progrès n’est possi- tout, il s’agit de faire emmagasiner par Ce qui déterminera un nouveau style, c’est notre ble, si les idées de beauté et de progrès l’esprit le plus grand nombre de connais- attitude durant et après la guerre et la façon dont artistique ne sont pas enseignées à l’âge sances spéciales que chaque professeur nous chercherons, au moment de reconstitution, de le plus tendre, si grâce à une sollicitude enseigne à sa guise, sans s’enquérir des réparation et de reconstruction, à nous débarras- éducative de tous les instants, elles n’arri- procédés de ses collègues et sans souci ser de toute empreinte antérieure, à nous épurer, vent pas à germer naturellement en l’âme des règles naturelles de l’éducation géné- à nous vider de doctrines toutes faites et d’actions des enfants. C’est à eux que nous devons rale. Loin de moi la pensée d’incriminer automatiques pour devenir capables d’exprimer consacrer tous nos efforts. – Ce sont eux, le moins du monde des cours spéciaux irrésistiblement et définitivement, chacun à notre éduqués selon nos idées, qui feront peut- qui chez nous sont donnés souvent par manière mais solidairement aussi, nos sentiments être l’éducation de leurs parents, – que les professeurs consciencieux et capables nouveaux, – enfin dégagés des formes périmées de fois j’ai eu à constater ce fait ! – et qui à la fois maîtres de leur sujet et désireux et des éducations surannées et pénétrés jusqu’aux créeront pour demain l’atmosphère de de l’enseigner de la façon la plus rapide et moelles de la conscience aiguë du présent et de la pureté esthétique dont l’absence vous fait la plus efficace. Mais ce qui me paraît im- prescience de l’avenir. aujourd’hui tant souffrir. Vous me dites parfait dans cette éducation supérieure, Quelle tristesse pour nous qui entrevoyons toutes que « l’école ne veut pas accueillir vos ser- c’est qu’elle suppose l’élève capable de les possibilités de développement artistique, moral vices et qu’en dehors de l’école il reste bien se l’assimiler, de la pénétrer, de l’aimer et intellectuel que pourrait assurer une éducation peu de temps aux enfants pour étudier ! » et de la faire sienne, alors que l’élève, la complète par et pour le Rythme, d’après notre mé- Nous nous heurtons évidemment à de plupart du temps, n’est pas préparé par thode ou une autre, – quelle tristesse de voir si peu très grandes difficultés. L’on enseigne une connaissance préalable de ses facul- de disciples avoir le courage de poursuivre cette toutes les sciences à l’école, sauf celle tés, de ses vouloirs et de ses pouvoirs à éducation jusqu’au bout et d’en faire le but de leur vie qui consiste à reconnaître et apprécier la considérer comme une réponse à une entière ! Et aussi de voir si peu d’artistes déjà formés la beauté. L’école prépare à toutes les pro- interrogation de son être, comme un re- et mûris, s’arrêter quelque temps en leur carrière fessions, mais elle ne met pas les écoliers mède indispensable dans son ignorance, pour partager nos expériences. Ma conviction est à même de devenir artistes ni de jouir de comme une délivrance de son moi empri- que celle-ci serait profitable aux intelligences les plus l’art. On ne leur apprend même pas à se sonné dans le doute. Goethe a dit : « Peu

22 1909-2009 É. J-D. (1916) importe que l’on m’apporte des connaissan- accomplis ne finissent pas par attirer l’attention n’a pas connu la joie de créer, cette joie qui ces parfaites, l’essentiel est que l’éducateur des autorités scolaires ou à engager les parents s’imprègne en l’œuvre et en lui insuffle la vie me mette à même d’agir par moi-même, de à réclamer d’elles d’inscrire la Rythmique au – comment la communiquer aux autres et leur penser par moi-même et d’aller spontané- programme des écoles publiques. faire comprendre que le travail de création ment à la rencontre de l’instruction que Mais d’autre part, je vous en supplie, péné- artistique ne dépend pas seulement des fa- mon âme réclame. » trez-vous bien de cette idée : une des premières cultés d’analyse et de la volonté d’agir, mais Et c’est là que le rôle de la musique, conditions pour agir pédagogiquement dans surtout du besoin irrésistible de s’exprimer, dans le sens grec du mot, me paraît totale- un sens favorable au progrès, c’est d’aimer de laisser jaillir hors de son être épanoui les ment méconnu dans nos écoles. Méconnu enseigner et de se donner corps et âme, tout sèves généreuses de la vie ? ou dénaturé ! L’élément le plus humain entier aux leçons que l’on donne. Il n’est pas En notre temps de guerre, combien de gens de la musique est la connaissance du nécessaire d’en savoir beaucoup pour être utile qui sacrifient leurs journées entières en faveur temps et de ses divisions et subdivisions, aux autres, mais le peu que l’on sait, si on le d’œuvres nobles et utiles au détriment de leurs de l’accentuation en ses divers degrés, de sait bien, il faut l’enseigner avec joie, avec force, devoirs habituels et de leur perfectionnement l’équilibre réglé par les résistances, de la avec persuasion, en sacrifiant ses aises, en en la carrière spéciale qu’ils ont choisie. Ces dynamique en ses nuances multiples de s’oubliant soi-même pour ne penser qu’à ceux gens donnent sans doute un bel exemple d’al- pesanteur et de légèreté, de souplesse et qui dépendent de nous. Sans doute, existe- truisme et sont à admirer et à féliciter. Mais d’énergie, toutes qualités d’essence phy- t-il beaucoup trop de maîtres de Rythmique si la société humaine était mieux organisée, sique que seule une éducation rationnelle qui ne sont pas suffisamment artistes, et dont un tel sacrifice de la part de certains citoyens basée sur les appréciations du temps, de l’enseignement ne rayonne pas de cet serait inutile. Ce travail serait partagé entre l’espace et de la pesanteur peut faire naî- enthousiasme persistant et sincère tous les citoyens sacrifiant chacun une tre et développer. Elle y parviendra grâce devant le beau qui suscite chez ou deux heures par jour au travail com- à une étude approfondie des rapports des les élèves l’envie irrésistible de mun, et de cette manière l’avenir sens et de l’esprit, de l’âme et du corps, le découvrir et qui provient de serait sauvegardé. Car il ne des bonnes conditions physiologiques et la faculté d’apercevoir ce beau faut pas qu’une préoccu- psychologiques de l’être, que seuls peu- partout et constamment autour pation exclusive des vent assurer l’harmonisation consciente de soi et de le créer quand il devoirs d’aujourd’hui du système nerveux, le perfectionnement n’y est pas. Tout homme qui nous fasse oublier des instincts naturels et la culture intégra- enseigne les lois de l’art doit la préparation des le des facultés organiques et spirituelles. être capable de créer lui-même devoirs impérieux Tout notre être est esclave des exigences des œuvres vibrantes, car si l’on de demain. En du temps. C’est le temps qui règle nos fonctions vitales, c’est le même temps qui assure à notre esprit la pleine liberté de son contrôle, c’est le temps qui modifie, nuance nos actes et nos vouloirs, notre imagination et nos facultés de réalisation. Et c’est la musique qui est le seul art qui puisse régler les fonctions du temps et en donner à nos esprits la libre conscience. C’est ce que les grecs ont compris, c’est ce que nous ne comprenons plus. Le rôle que doit jouer la musique en nos program- mes scolaires est supérieur à celui qu’on lui fait jouer et qui consiste en l’étude d’un certain nombre de chants nationaux. Ap- prendre à être musicien, c’est apprendre à se connaître soi-même, car la musique est l’art de l’expression et la base des études musicales est de ressentir d’abord, d’ex- primer ensuite. Pour ressentir et exprimer, il faut tout d’abord savoir clairement ce qu’on est : or, savoir ce que l’on est, c’est affirmer sa personnalité. Une fois devenu conscient de sa personnalité, l’enfant est prêt à s’instruire. Il demande à s’instruire. Il demande à aimer ! Et c’est pourquoi, pour répondre toujours à certaines ques- tions que vous m’avez posées, je vous en- gage, mes chers amis, si l’école ne veut pas de votre collaboration officielle, à faire des essais privés, sous forme de cours à quelques instituteurs désireux de s’éva- der des traditions, et surtout des leçons gratuites, très courtes, mais fréquentes et poursuivies pendant de longues années, à des enfants pauvres que leurs parents seront désireux de vous confier indéfini- ment dès qu’ils auront constaté quelle joie elles seront susceptibles de leur procurer. Il est impossible qu’à la longue, les progrès

1909-2009 23 É. J-D. (1916)

ce moment, l’art ne court-il pas le risque de sombrer dans l’anarchie ? En ce qui concerne la musique, par exemple, l’on voit le public se ruer à des concerts de charité, composés sans goût, sans souci d’ordre ni de style, et ne pas faire de différence entre des programmes de circonstance et des programmes vraiment artistiques. Il ne faut pas considérer l’art, en temps de guerre, uniquement comme un précieux incitateur à la charité. Le contact avec les œuvres de style est un purificateur des personnalités et, même à notre époque troublée, le public musicien devrait aller entendre une symphonie dans d’autres dis- positions d’esprit que celles où se trouvent la majeure partie des auditeurs de nos fes- tivités artistiques actuelles, dont le genre nous reporte, comme choix de programme, à quarante ans en arrière. La guerre est un facteur de désordre dans tous les domaines. Nous l’avons constaté surtout au début des terribles hostilités actuelles. Mais petit à petit, l’on s’est ressaisis et nous cherchons à vivre normalement, en la plénitude de nos fonctions vitales, et à réagir contre le trouble momentané de nos esprits. Dans l’art, il n’y a pas seulement des jouissances esthétiques, il y a aussi une large part d’éducation. L’art putent et se jalousent, c’est, ma foi, qu’ils jamais, que, grâce à des relations plus nom- est fait d’équilibre, ne l’oublions pas. Il im- ne sont vraiment pas artistes. Une fois que breuses, à davantage d’esprit d’initiative, que porte donc que nos études artistiques soient l’on est prêt à combattre pour une idée, il sais-je ? l’autre se fasse une place plus large poursuivies avec opiniâtreté, car ce sont elles faut se tenir prêt à aider et à aimer ceux qui que la leur ! Les efforts des uns doivent fa- qui assurent la continuité des progrès intel- combattent pour cette même idée, même s’il talement profiter aux autres. Le temps est le lectuels de la race. Sachons prendre sur nos existe, entre eux et nous, des divergences grand régulateur de toutes choses. Si un maî- plaisirs tout le temps nécessaire pour être d’opinion en ce qui concerne les formes et tre de rythmique n’a ni talent, ni conviction, utile aux malheureux directement frappés les moyens. Chacun de nous rencontre de il sombrera malgré son diplôme. À chaque par la guerre, mais ne prenons pas ce temps grosses difficultés sur son chemin. Mais est- être son dû ! Chacun récolte selon ce qu’il (ou du moins prenons-en le moins possible) ce que le fait de surmonter les difficultés en sème. Tel fait de la réclame et réussit grâce à sur celles de nos heures consacrées jadis à commun, ne procure pas toujours et toujours cette réclame, puis n’a plus de succès dès que notre développement moral, intellectuel et de la sécurité et de la joie ? Vous m’écrivez cette réclame cesse ! Plus il y a de semeurs, artistique, car le développement de chaque que cette joie est souvent gâtée par le sen- plus dur le blé pousse ! Toutes ces senten- individu contribue à celui de la Société. timent des difficultés à craindre,… voyons ces à la Sancho Panza résument ma pensée. Je suis persuadé, comme je le disais au souvenez-vous de ces fameuses réalisations Travaillons ensemble en la mesure de nos début de cette lettre, que la Rythmique est rythmiques qui vous procurèrent à tous tant moyens. Et si certains réussissent mieux que appelée à exercer une salutaire influence d’inquiétudes et de désespérées agitations nous, ne songeons pas à les jalouser. Perfec- au lendemain de la guerre. Il est à craindre morales ? Ne souriez-vous pas maintenant, à tionnons-nous pour acquérir plus d’influence. qu’après la grande excitation physique des un secret contentement, en voyant patauger Aimons pour être davantage aimés ! Si peu combats, les soldats, de retour au foyer, ne se vos élèves ? Et ne leur dites-vous pas avec talentés [sic.] que nous puissions être, nous sentent attirés irrésistiblement par le sport conviction : « Mais voyons, ce n’est pas si dif- pourrons avoir, chacun, une action définitive violent et ne perdent leurs instinct intellec- ficile que cela ! allez-y carrément !… soyez sur le développement de notre race, de par tuels. Notre Rythmique qui développe une calmes !… Je ne comprends pas que cela vous l’apport, si minime soit-il, que nous procu- communion intime entre les facultés physi- paraisse difficile !… » Ah, c’est que vous avez rons à l’éducation générale du peuple, de ques et morale, me semble destinée à allier eu le certificat ou le diplôme, c’est que vous par la volonté qui est la nôtre, n’est-ce pas ? dans une juste proportion les exercices de n’avez plus d’examens à faire ! Alors vous êtes de nous unir à tous ceux qui travaillent pour concentration à ceux de dépense nerveuse et devenus vous-mêmes, vous vous êtes conquis, le progrès. musculaire. D’autre part, le concours d’une et vous jugez les gens d’après votre savoir et Et s’il y a d’autres difficultés à vaincre, musique simple et basée sur les rythmes cor- votre quiétude, en oubliant que vous avez ja- nous en discuterons à notre réunion générale porels ne peut que contribuer à idéaliser le dis beaucoup hésité comme eux et beaucoup su mois d’août, à laquelle j’espère vous voir as- sport. Sachons, nous qui voulons enseigner souffert. Ceux qui ont encore à affronter les sister le plus nombreux possible. Vous y ferez la Rythmique, ne pas oublier la collaboration épreuves des examens, puisent leur force connaissance de la belle maison nouvelle où nécessaire de la musique à la danse idéale et en leur union, en la communauté de leurs des amis dévoués ont installé la Rythmique que négliger l’un des facteurs de cette éduca- travaux de préparation, en l’échange de leurs sans aucune préoccupation « d’affaire » et tion serait une faute grave. Et n’oublions pas effarements, en l’appui de leurs sympathies. sans autre souci que sa réussite morale, ce surtout que si, aimant la Rythmique, nous Il faut que cette union persiste une fois les dont je leur suis sincèrement reconnaissant. voulons la faire connaître, il est indispen- épreuves terminées ! Et que ceux qui sont C’est là que nous avons travaillé avec entrain sable que nous, les Rythmiciens, nous nous lancés pour de bon dans la vie pédagogique cet hiver et que je me réjouis de vous retrouver aimions les uns les autres. L’art ne peut pas ne considèrent jamais comme une difficulté cet été pour parler avec vous des idées qui exister sans amour mutuel. À quoi bon com- que d’autres Rythmiciens puissent leur faire nous sont chères, pour récapituler les travaux muniquer des sensations artistiques à des concurrence en donnant des leçons dans la passés et pour vous redire de vive voix ma gens que nous n’aimerions point ? Si tant même ville. Qu’ils s’associent, qu’ils rendent cordiale affection. de musiciens que nous connaissons se dis- communs leurs efforts et qu’ils ne redoutent

24 1909-2009 1916-2009 Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

« À bâtons rompus » Sur les traces par Louise Mathieu de Jaques-Dalcroze

D’entrée de jeu, Jaques-Dalcroze rap- de sujets qu’on ne leur donne pas l’occa- pelle aux rythmiciens leurs responsabili- sion de contrôler par eux-mêmes. Il y a un tés d’éducateurs. Ils doivent préparer « les abîme entre l’éducation du premier âge, petits hommes de demain » qui « auront telle que Froebel et Pestalozzi l’ont im- besoin d’un jugement net, spontané, d’un posée de par la logique de leurs procédés esprit d’ordre, de précision, de ténacité et naturels, et l’instruction qu’une routine de promptitude et [écrit-il] en leur âme doit multi-séculaire fait subir aux adolescents. être entretenu désormais un impérieux Dès qu’un enfant entre dans une école appétit d’idéal et de progrès. » Ici, il n’est supérieure, il semble que le programme nullement question de transmettre aux scolaire cherche à faire oublier à cet en- enfants une quantité remarquable de no- fant qu’il existe. tions et de connaissances sur des sujets de Pour Jaques-Dalcroze, le rôle principal toutes sortes, mais plutôt de les préparer de l’éducation consiste à amener l’enfant de façon à ce qu’ils puissent se réaliser à se connaître et à développer sa person- pleinement et exercer un rôle positif dans nalité. Soulignant que la personnalité est la société. le point de départ et d’arrivée du dévelop- Cette conception de la pédagogie s’ins- pement humain, il rappelle les paroles de crit dans la foulée des idées de Rousseau Goethe : « Peu importe que l’on m’apporte qui considère que toute pédagogie doit des connaissances parfaites, l’essentiel est découler de l’observation de l’enfant et que l’éducateur me mette à même d’agir favoriser le développement naturel et par moi-même, de penser par moi-même complet de l’être humain. À la fin du 19e et d’aller spontanément à la rencontre de et au début du 20e siècle, la pensée éduca- l’instruction que mon âme réclame. » tive de Rousseau sera reprise par plusieurs Jaques-Dalcroze considère que les auteurs dont Pestalozzi, Fröbel, Claparède, arts, et plus particulièrement la musique, Dewey, Decroly, Montessori, Freinet, et sont à même d’éveiller chez l’individu les un peu plus tard, Neil et Piaget. Malgré forces vives qui lui permettront d’agir et les tendances diverses et les approches de penser de façon autonome. Musicien- variées de ces auteurs, tous s’opposent à compositeur, improvisateur de grand ta- l’école traditionnelle et prônent la néces- lent, n’avait-il pas lui-même ressenti les sité pour l’enseignant de fonder la pédago- pouvoirs qu’exerce la musique en l’âme de gie sur la science et de centrer son action celui qui s’en laisse imprégner? Il écrit : E TIENS À FÉLICITER MES collègues du comité sur l’enfant et ses caractéristiques propres. « Apprendre à être musicien, c’est apprendre exécutif de notre Fédération d’avoir Selon Gauthier (1996, p. 146), cette pé- à se connaître soi-même […] or savoir ce songé à souligner le centenaire de notre riode « est un moment fort, peut-être même que l’on est, c’est affirmer sa personnalité. » revue de façon aussi originale et les re- inégalé dans l’histoire de la pédagogie au C’est donc grâce au rapport intime que mercie de l’honneur qu’ils me font en sens large, et de la pédagogie nouvelle en Jaques-Dalcroze a eu avec la musique qu’il m’invitant à contribuer, à ma façon, à particulier ». Gauthier considère que cette a pris conscience de sa valeur éducative. cette édition toute spéciale. vision de la pédagogie a traversé le 20e Aussi écrit-il : « Dans l’art, il n’y a pas seu- À Bâtons Rompus, titre que Jaques-Dalcroze siècle et sert encore de fondement aux lement des jouissances esthétiques, il y a donne à la lettre qu’il adresse aux rythmiciens le pratiques pédagogiques actuelles. aussi une large part d’éducation. » 1er juin 1916, est quelque peu trompeur. Dans le C’est donc en cette période de contes- À maintes reprises dans sa lettre, dictionnaire Le Petit Robert (1984, p. 234), nous tation, voire de révolution de la concep- Jaques-Dalcroze souligne comment le lisons : « Parler à bâtons rompus, parler de manière tion de l’éducation, que Jaques-Dalcroze développement musical contribue au peu suivie, parler en changeant de sujet ». Il est vrai écrit cette lettre et élabore la rythmique. développement personnel. Rappelons, que, à première vue, comme l’écrit Jaques-Dalcroze De toute évidence, il est influencé par à titre d’exemple, le lien qu’il fait entre lui-même, ce texte semble « sauter du coq à l’âne ». les idéologies de son époque et adhère l’importance pour le musicien d’être capa- Mais ne nous méprenons pas : loin d’entrer en ca- aux courants de la pédagogie nouvelle. Il ble d’entendre intérieurement les sons et cophonie, le chant du coq et le braiment de l’âne se conteste ouvertement l’école traditionnel- celle pour l’individu d’être à l’écoute de sa complètent et se font écho, s’unissant pour chanter le, comme on peut le lire dans sa lettre : propre personnalité : « Sachons nous isoler la valeur éducative de l’art. Car c’est bien de l’art Le but des études paraît consister pour chanter et entendre notre mélodie, au et du rôle qu’il joue dans le développement de la uniquement à communiquer aux élèves milieu de celles des autres, sachons garder personnalité dont il est question ici. des notions générales sur une quantité notre personnalité au moment même où

1909-2009 25 1916-2009

nous prenons plein contact avec la société, quelle joie ces énoncés de politique et la vie de l’enfant à l’école, que nous éprouvions à en faire partie. » Il est intéres- il semble encore y avoir un écart important. sant de noter ici que pour Jaques-Dalcroze, l’individu Au Québec notamment, l’énoncé de politique ne se développe pas en vase clos. Bien au contraire, éducative qui a présidé au contenu du Programme c’est au contact de la société qu’il pourra affermir sa de formation de l’école québécoise (2003) a identifié personnalité, et ce faisant, contribuer non seulement cinq grands domaines d’apprentissage disciplinaires à son développement personnel mais aussi à celui de dont la présence doit être assurée dans le curriculum : la société. les langues; la technologie, les sciences et les mathé- Il y a un parallèle à faire ici entre les propos de matiques; l’univers social; les arts; le développement Jaques-Dalcroze et ceux de Piaget. Dans son livre personnel (L’école, tout un programme, 1997). Or, intitulé Où va l’éducation, Piaget cite l’article 26 de malgré l’importance accordée aux arts dans le pro- la Déclaration universelle des droits de l’homme : gramme de formation, un examen attentif du régime « L’éducation doit viser au plein épanouissement de la pédagogique déterminant les matières au programme personnalité humaine et au renforcement du respect et le temps qui leur est respectivement alloué, dé- des droits de l’homme et des libertés fondamentales » montre que les arts – dont bien sûr la musique – sont (Piaget, 1972, p.83). Ensuite, il précise en quoi consiste considérés comme des matières à option. Le temps l’épanouissement de la personnalité et présente les mé- qu’on leur alloue n’est donc pas prédéterminé, mais thodes par lesquelles l’éducation parviendra à assurer plutôt laissé au bon vouloir d’un conseil d’établisse- cet épanouissement. Pour Piaget, la personnalité est ment qui peut même décider de ne pas les inclure constituée de la corrélation des deux aspects suivants : du tout dans la grille-matières. Ainsi, force est de l’autonomie et la réciprocité. Selon lui, « la personne est constater que, malgré le caractère « obligatoire » qu’on l’individu qui situe son moi dans sa vraie perspective par leur reconnaît dans le programme, les arts ont peu de rapport à celui des autres, c’est-à-dire qui l’insère en son place dans la grille-matières et peuvent, à toute fin système de réciprocité impliquant simultanément une pratique, être absents de la vie de l’enfant à l’école discipline autonome et une décentration fondamentale (Mathieu et al., 2008). de l’activité propre » (Piaget, 1972, p.105). Ainsi la vie Le contexte québécois qui vient d’être décrit ici collective s’avère indispensable à l’épanouissement de est loin d’être unique. En effet, il représente assez la personnalité. Quant aux méthodes qui contribuent bien l’importance secondaire accordée aux arts à au développement de cette personnalité, Piaget se l’école dans de nombreux pays. Encore aujourd’hui, prononce clairement en faveur de l’école active et tout comme l’écrivait Jaques-Dalcroze en 1916, « les critique l’école traditionnelle : études abstraites semblent jouer le rôle principal dans [Le fait de] conquérir soi-même un certain savoir l’éducation ». Pourtant, même si la musique n’est pas au cours de recherches libres et par un effort spontané aussi présente qu’on pourrait le souhaiter, il n’en conduira à le retenir davantage; cela permettra sur- demeure pas moins qu’elle est enseignée dans bon tout à l’élève d’acquérir une méthode qui lui servira nombre d’écoles au Québec, comme ailleurs dans le toute la vie, et qui élargira sans cesse sa curiosité sans monde. Aussi est-il intéressant de constater que, là risquer de la tarir; tout au moins, au lieu de laisser sa où l’on enseigne la musique, les idées préconisées mémoire primer son raisonnement ou de soumettre par Jaques-Dalcroze en 1916 sont encore actuelles. son intelligence à des exercices imposés du dehors, Et pour preuve, on dénombre dans le domaine de apprendra-t-il librement ses propres notions. (Piaget, l’éducation musicale une grande quantité de livres, 1972, p.88) manuels et guides pédagogiques vantant les mérites Force est de constater la parenté entre les propos de de l’approche dalcrozienne. La majorité des cours Piaget et ceux de Jaques-Dalcroze. Dans sa lettre, Ja- de méthodologie s’adressant aux futurs musiciens- ques-Dalcroze rappelle aux rythmiciens l’importance éducateurs aborde les principes fondamentaux de la d’effectuer une recherche personnelle, de prendre Rythmique Jaques-Dalcroze. conscience de sa relation au monde et de s’approprier Jaques-Dalcroze est certainement considéré les nouveaux exercices de la méthode. Il écrit : « À vous comme l’un des grands pédagogues du XXe siècle. de découvrir vous-mêmes […] les manières de les rendre Déjà en 1916, il rappelait aux rythmiciens l’impor- vôtres et de les faire vivre selon votre tempérament. C’est tance de considérer la personne comme un tout et de ainsi que l’ouvrier fait sien l’outil dont il se sert pour son chercher « à établir une collaboration plus intime entre métier et l’emploie selon la conformation particulière les vouloirs conscients et les possibilités instinctives de de sa main, de son bras, selon l’intensité de son souffle réalisation ». Or, la nature de ce travail qui souligne et les aptitudes de son organisme tout entier. » les liens indissociables entre les dimensions senso- Ces idéaux d’autrefois guident-ils toujours les rielles, émotives et cognitives de l’être humain, a été éducateurs d’aujourd’hui? Certes, nombreux sont validée par de nombreuses recherches scientifiques ceux qui considèrent de nos jours que le rôle de l’édu- au cours du XXe siècle et sert encore de fondement à cateur consiste à guider l’élève de façon critique et la pédagogie contemporaine. à le préparer à s’orienter dans le monde. Aussi les En outre, pour Jaques-Dalcroze, le rôle du corps débats pédagogiques s’appuient-ils toujours sur la est central et nécessaire à toute éducation. Les travaux science, se nourrissant des données de la psychologie, de Juntunen (2004) et de Seitz (2005) ont permis de la neurophysiologie et de disciplines connexes. À d’établir une parenté de vue entre Jaques-Dalcroze l’instar des pionniers de la « pédagogie nouvelle », les et plusieurs auteurs de divers champs disciplinaires, concepteurs des projets pédagogiques actuels situent notamment Dewey, Merleau-Ponty, Damasio, qui l’élève au centre du processus d’apprentissage et visent considèrent que le corps est la source principale d’ap- le développement global de l’individu. Les politiques propriation, de connaissance et de compréhension éducatives servant à l’élaboration du curriculum et des du monde. programmes d’études reconnaissent la contribution En 2003, dans une édition révisée de son livre, A des arts au développement affectif, physique, intellec- Philosophy of Music Education. Advancing the Vision, tuel et social de l’élève, et recommandent qu’une place Bennett Reimer s’appuie sur les travaux du neurologue leur soit réservée dans la formation. Toutefois, entre chercheur Antonio R. Damasio pour démontrer la

26 1909-2009 1916-2009 valeur éducative de la musique. Damasio considère  Gouvernement du Québec. Ministère de que la conscience est construite sur trois phénomènes l’Éducation (1997). L’école tout un programme. distincts mais interdépendants : « an emotion, the Énoncé de politique éducative. Québec : Gouverne- feeling of that emotion, and knowing that we have a ment du Québec. feeling of that emotion » (Damasio cité dans Reimer,  Gouvernement du Québec. Ministère de l’Éducation 2003, p. 79). La connaissance est donc incarnée, le (2003). Programme de formation de l’école québé- savoir s’établissant dans et à travers le corps, dans coise : Enseignement secondaire, premier cycle. et à travers les sensations que nous procure notre Québec : Gouvernement du Québec. corps, et dans la prise de conscience que notre être  Juntunen, M-L et Hyvönen L. (2004). Embodi- les ressent. Damasio souligne que « because of their ment in Musical Knowing: How Body Movement inextricable ties to the body, they [the feelings] come Facilitates Learning within Dalcroze Eurhyth- first in development and retain a primacy that subtly mics. British Journal of Music Education, 21 (no pervades mental life. Because the brain is the body’s 2), 199-214. captive audience, […] feelings have a say on how the  Mathieu L., Moreno M., Peters V., Vilar M., (2008). rest of the brain and cognition go about their business. « La situation de l’enseignement musical dans le Their influence is immense » (Damasio cité dans Rei- milieu scolaire du Québec, dans From Sea to Sea. mer, 2003, p.78). Reimer en conclue que la musique Perspectives on Music Education in Canada. Ed. permet d’éduquer les sensations et émotions sans Beynon C. A., Veblen K. K., http://coalitionformu- lesquelles toute conscience et connaissance humaine siced.ca/html/sec4-advocacy/ebook/. ne pourraient exister. Les écrits de Reimer ont exercé  Piaget J. (1972). Où va l’éducation? U.N.E.S.C.O. : et exercent encore aujourd’hui une influence majeure Paris. sur les pratiques pédagogiques musicales.  Reimer, B. (2003). A Philosophy of Music Educa- Comment ne pas rappeler ici qu’au tout début du tion. Advancing the Vision. Third Edition. Pearson XXe siècle, l’éducation que préconise Jaques-Dalcroze Education, Inc. : New Jersey. se base déjà « sur les relations étroites des mouvements  Robert, P. (2004). Le Petit Robert 1. Édition re- du corps et de l’âme, des sensations et des émotions », et maniée et amplifiée sous la direction de J. Rey-De- que l’enseignement de la musique ne peut se passer bove et A. Rey. Dictionnaires Le Robert : Paris. selon lui de la collaboration nécessaire de la « danse  Seitz, J. (2005). Dalcroze, the Body, Movement idéale ». En 1916, à l’époque où Jaques-Dalcroze ré- and Musicality. Psychology of Music, 33 (no 4), dige cette lettre aux rythmiciens, il écrit : « Le but de 419-435. la Rythmique est de mettre ses adeptes à même de dire, non : ‘Je sais’ mais bien ‘J’éprouve’ ». En 1924, il précise sa pensée : « avant tout elle [la rythmique] cherche à nous révéler à nous-mêmes, à dire : ‘Je sais et je pense Professeure titulaire à la Faculté de musique de parce que je ressens et j’éprouve’ » (Jaques-Dalcroze, l’Université Laval de Québec, Canada, Louise p.7). S’il vivait aujourd’hui, Jaques-Dalcroze, avec Mathieu détient le Diplôme Supérieur de la méthode l’esprit chercheur qu’on lui connaît – caractéristique Jaques-Dalcroze de l’Institut Jaques-Dalcroze de intrinsèque de l’artiste comme du scientifique – nous- Genève, Suisse. Elle détient également un Doctorat rappellerait sûrement la nature de notre travail qui ès arts de la New York University de New York. Outre doit permettre aux élèves de découvrir eux-mêmes l’enseignement des branches dalcroziennes, Dr les sensations et émotions qui les habitent. Il nous Mathieu donne des cours de méthodologie de la mettrait en garde contre l’utilisation mécanique et recherche et supervise des projets de recherche en superficielle du corps dans l’éducation en général et éducation musicale. Elle est régulièrement invitée à dans l’éducation musicale en particulier : ce n’est pas donner des cours et des conférences au Canada, aux en faisant gesticuler le corps ou en le faisant bouger Etats-Unis, en Europe et en Asie. Elle a dirigé des pour bouger – sous prétexte qu’il est le moteur de ensembles musicaux et chorégraphié et mis en scène toute connaissance – dirait-il, que nous parviendrons plusieurs oeuvres musicales. Membre du comité de au développement harmonieux et équilibré des di- lecture de la revue Recherche en éducation musicale, verses dimensions de notre personnalité, et à une elle contribue au développement de la recherche conscience aiguisée de nous-mêmes et du monde en éducation musicale et à sa diffusion en langue qui nous entoure. Il nous rappellerait aussi le rôle française. de la musique et ses « qualités d’essence physiques » qui traduisent la morphologie des émotions et nous permettent de comprendre la réalité subjective et Abstract (L. Mathieu) l’univers du sentiment. Il nous rappellerait encore que l’incarnation de la musique nous fait « entrer en This paper comments upon a letter to eu- communion plus intime avec les œuvres » et, ce faisant, rhythmics practitioners written by Jaques-Dal- avec soi-même. Que cette incarnation de la musique croze in June 1916. First, it recalls the movement par la Rythmique assure la mise en action simultanée of protest against traditional education which et interdépendante de nos sensations, nos émotions, prevailed at the turn of the century, as well as nos sentiments et de notre conscience. the foundations of the new pedagogy. Then, it stresses how Dalcroze prized the development of one’s personality and the educational value of Liste des références art. Finally, it focuses on Dalcroze’s contribution to contemporary music pedagogy, and draws a  Gauthier, C. (1996). « De la pédagogie tradition- parallel between his views and those of scholars nelle à la pédagogie nouvelle », sous la direction from various disciplines, such as Piaget (Psychol- de C. Gauthier et M. Tardif. La pédagogie. Théorie ogy), Merleau-Ponty (Philosophy) and Damasio et pratiques de l’Antiquité à nos jours. Gaëtan (Neurology). Morin : Montréal.

1909-2009 27 É. J-D. (1921) Illustrations : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (p.31) © C.S. Dessins d’Hugo Bottinger (pp. 28-29) Photographie d’A.A. Gulliland, 1938 (p.30)

Définition de « La Rythmique » par Émile Jaques-Dalcroze

E BUT DE TOUTE GYMNASTIQUE est d’éveiller et de développer, grâce à des exercices répétés, le mécanisme vivant de l’objet humain auquel elle s’adresse. La gym- nastique hygiénique assure au corps son complet fonctionnement, la gym- nastique sportive donne à ce même corps son maxi- mum de rendement dans certaines épreuves spé- ciales. La gymnastique vocale développe le mécanisme du larynx, du diaphragme et de l’ap- pareil pulmonaire en vue de la bonne émission du son. La gymnastique pianistique assure le méca- nisme complet du bras, de la main et des doigts et le met au service de l’interprétation des oeuvres de piano. Il existe des gymnastiques purement spirituelles destinées à développer la mémoire, la concentration d’esprit et la volonté, etc..., etc... S’il s’agit, par conséquent, de définir la méthode de gymnastique « rythmique », il nous sera facile d’af- firmer que son but est d’éveiller et de développer, grâce à des exercices répétés, les rythmes naturels du corps. Mais il sera plus difficile de définir ces usuelle ne cherche à provoquer l’éveil et ments ne dépendent pas uniquement du rythmes eux-mêmes, car ils sont de nature très l’activité que d’un nombre assez restreint bon fonctionnement musculaire, et qu’un complexe, et d’expliquer les exercices de la mé- de rythmes naturels nécessaires à la vie rythme naturel convenablement effectué thode, car chacun d’eux se trouve appelé – que la courante telle que la constituent nos ha- en tel état d’esprit perd de sa régularité et méthode le veuille ou non – à satisfaire à plusieurs bitudes d’aujourd’hui. Et dès que nous de son aisance dès que cet état d’esprit se besoins différents. Essayons tout d’abord d’expli- nous trouvons transplantés au dehors de trouve altéré. Les rythmes spontanés du quer quels rythmes humains la méthode cherche nos conditions actuelles d’existence et corps sont complétés par la collaboration à éveiller et à développer. de motricité, nous nous apercevons que de rythmes mentaux synchroniques. Dès Un rythme est une série de mouvements en- nous sommes privés de l’usage de certains qu’il y a changement dans un rythme men- chaînés formant un tout et pouvant être répétée. rythmes naturels qui ne se manifestent tal, il devrait par conséquent, pour rétablir Le nombre minimum de mouvements constituant plus d’une façon spontanée, parce qu’ils l’équilibre, se produire une modification un rythme est le nombre « deux ». Le rythme respi- ne sont pas directement nécessaires à du rythme corporel et vice-versa. Mal- ratoire se compose d’un mouvement d’inspiration notre genre d’existence... À la suite de la heureusement, l’équilibre entre les deux puis d’un mouvement d’expiration. Celui du manger création de nombreux engins mécaniques rythmes est le plus souvent compromis d’un mouvement d’absorption puis d’un mouvement de locomotion, nos jambes ne possèdent par des résistances d’ordre nerveux. Le de déglutition. Ces deux rythmes élémentaires se plus l’ensemble de leurs facultés de salta- rythme corporel, non averti, ne s’adapte passent de toute éducation. Mais un autre rythme tion, de reptation et de « grimpement ». En pas au rythme mental, l’esprit lutte contre élémentaire, celui de la marche, qui se compose de conséquence de notre façon de nous vêtir la matière. De là un désordre dans tout deux mouvements aussi, celui de lever une jambe et de nous chausser, nos pieds, nos coudes, l’organisme, une inharmonie des diver- légère, puis de la poser pesante sur le sol, ce rythme nos épaules, nos hanches ont perdu de ses parties de l’individu, qui enlèvent à tout à fait naturel chez les animaux, demande, chez leur souplesse, et des résistances de toute l’ensemble des facultés psycho-physiques beaucoup d’enfants, à être provoqué par les pa- nature faussent à tel point le mécanisme leur liberté entière de fonctionnement. La rents, grâce à des exercices de gymnastique passive. de certaines habitudes motrices que leurs gymnastique rythmique cherche à établir J’entends que ce rythme ne devient automatique enchaînements – qui seuls pourraient des rapports entre les rythmes corporels qu’après une certaine période d’entraînement. Ce provoquer des rythmes – s’en trouvent à instinctifs et les rythmes créés par la phénomène nous permet d’affirmer l’existence de jamais rendus difficiles ou même impos- sensibilité ou par la volonté raisonnée. toute une série de mouvements rythmiques hu- sibles. La gymnastique hygiénique et la Elle est un complément indispensable de mains qui ne peuvent se passer pour s’exercer libre- gymnastique sportive restituent au corps toute gymnastique hygiénique, comme ment, c’est-à-dire automatiquement, de la pratique un grand nombre de rythmes naturels de toute gymnastique intellectuelle ou d’un certain nombre d’exercices préparatoires dont que l’on croyait à jamais perdus, mais si artistique. l’ensemble constitue une gymnastique, faisant par- nous analysons l’organisme humain, nous Nous savons que toute mauvaise nou- tie de toute éducation corporelle. Mais l’éducation nous rendons compte que tous ses mouve- velle, toute émotion, agit directement sur

28 1909-2009 É. J-D. (1921)

rêts subits, soit encore des combinaisons des rythmes musicaux, de siècle en siècle, d’arrêt et d’activité – de mettre l’esprit en correspondent si parfaitement aux trans- demeure de choisir dans l’ensemble des formations de caractère, de tempérament muscles celui qui est le plus nécessaire à et de coutumes, qu’il suffit de jouer une l’action demandée et d’immobiliser les phrase musicale de telle composition- autres, – d’assouplir le système nerveux type pour faire revivre tout l’état d’âme de façons à ce que les commandements de de l’époque où elle a été composée, et – par l’esprit soient immédiatement et intégra- association d’idées – pour éveiller en nos lement exécutés – d’associer ou de disso- corps d’aujourd’hui l’écho musculaire des cier des rythmes imposés, – de provoquer mouvements corporels imposés à cette l’invention ou l’enchaînement de ryth- époque par les conventions ou les néces- mes dits : « de situation » – de combiner et sités sociales. Si nous voulons restituer au d’interchanger les rythmes spontanés et corps la somme entière des rythmes qu’il les rythmes commandés par le raisonne- a peu à peu oubliés, il ne suffira pas de lui ment – d’influencer l’esprit grâce à l’élan donner comme modèles les rythmes caho- irrésistible de la rythmique instinctive, tés et tumultueux des musiques sauvages, comme d’influencer le corps grâce à il faudra encore l’initier, petit à petit, à l’énergie des centres de volition, – en un toutes les transformations successives mot, de pénétrer les forces subconscien- que le temps à fait subir à ces rythmes tes d’afflux conscients, et vice-versa. Les élémentaires. Il ne suffira donc pas que le commandements sont donnés sous une maître de Rythmique ne serve, au cours forme visuelle et sous une forme sonore. de ces leçons, d’instruments de percussion notre diaphragme qui se contracte. Tant que la J’entends que le geste ou l’attitude du tels que ceux qu’utilisent les nègres ou les contraction persiste, le rythme cardiaque est modi- maître commande chez l’élève soit une Indiens. Il faudra qu’en outre, il connaisse fié, les rythmes de l’esprit subissent des altérations, imitation directe et immédiate, soit une à fond les éléments de la mélodie et de et tout rythme d’action se trouve entravé. Si la pra- rapide association d’idées motrices. Ou l’harmonie, ainsi que leur rapport avec le tique de certains exercices de décontraction nous encore ce sont les mots prononcés par le dynamisme. Il faudra qu’il soit un musi- permet de rendre rapidement notre diaphragme à maître qui influencent l’élève et le forcent cien complet. Car la mélodie et l’harmonie son état normal, la liberté en même temps est ren- à l’action. Mais ces deux sortes de com- ennoblissent la rythmique et pénètrent due à tous nos autres rythmes naturels. L’équilibre mandements n’agissent que sur la volonté l’organisme d’une excitation de bon aloi de nos rythmes organiques dépend de la vivacité ou n’exercent que des réflexes ; ils n’édu- qui stimule les énergies musculaires en avec laquelle nous saurons rendre la liberté à tel quent par conséquent que le conscient ou même temps qu’elle renforce les facultés fonctionnement partiel dont l’arythmie compromet l’inconscient des élèves. Toute la partie d’imagination. L’expérience nous a mon- le rythme de l’ensemble. Il convient dès lors de se de l’éducation par le rythme qui vise à la tré, dans les écoles primaires, que les ryth- demander si l’éducation usuelle prévoit la possibilité pénétration du subconscient est confiée mes frappés par le maître dans les mains de dissocier les rythmes naturels de l’enfant, puis à un agent plus puissant que la parole ou sur le sol avec un bâton parviennent à de lui assurer la possibilité de réagir sur chacun ou que la vue : à la musique, art rythmi- être imités par les enfants avec exactitude, d’eux isolément, afin de devenir à même de les que par excellence, à la fois excitateur et force et intelligence, mais qu’ils ne les in- harmoniser, même à son insu, et de lutter à l’instant reposant, qui agit non seulement sur la citent pas à les compléter ou à les nuancer et instinctivement contre toute inharmonie passa- sensibilité nerveuse, mais aussi, et d’une d’une façon personnelle, tandis que dès gère. C’est là la question que je me suis posée jadis façon directe, sur le sentiment. Depuis qu’ils sont joués sur le piano, ils infusent et que mes efforts cherchent à résoudre. Ah certes, sa naissance, la musique a enregistré les la joie et l’entrain dans les petits corps suis-je bien loin encore d’avoir atteint le but, mais rythmes corporels de l’organisme humain comme dans les jeunes esprits et stimu- l’important est que la question ait été posée et que dont elle présente l’image sonore ampli- lent directement les facultés d’invention. la curiosité d’un certain nombre de pédagogues et fiée et idéalisée. Elle est le substratum de Sans doute, ne faut-il pas que les enfants de psychologues ait été suffisamment éveillée pour toutes les émotions de l’homme à travers soient pendant une leçon tout entière sti- qu’un mouvement commun se dessine, ayant pour le temps. Les transformations successives mulés et entraînés par une musique qui but de chercher dans l’éducation de demain, les moyens les plus sûrs et les plus rapides d’établir une communication entre les divers courants de notre vie psycho-physique, de mettre les enfants à même de posséder des corps entièrement imprégnés de leur pensée, et des esprit certains de dominer leurs instincts corporels. Nos exercices, en somme, ont un double but : 1° grâce aux « hops » (au comman- dement inopiné), ils provoquent le déclenchement des rythmes corporels spontanés dans toutes les parties du corps ; 2° grâce à des appels constants et divers à la concentration d’esprit, ils diminuent l’action néfaste de certains rythmes intempestifs, et renforcent celle des rythmes utiles, de façon à obtenir un équilibre des centres nerveux et des dynamismes musculaires ; 3° grâce à l’harmonisa- tion des fonctions corporelles avec celles de l’esprit et à l’état de satisfaction et de paix joyeuse qui en résulte, ils assurent à l’imagination et au sentiment leur libre épanouissement. Tous ces exercices sont accompagnés de commandements qui ont pour but de maintenir le corps et l’esprit « sous pression » – de provoquer soit des mouvements, soit des ar-

1909-2009 29 É. J-D. (1921)

leur enlève leur libre contrôle et facilite trop leur tâche personnelle. Aussi convient-il que la musique ne joue pas un rôle constant dans la leçon et ne collabore pas à tous les exerci- ces. Il n’en demeure pas moins nécessaire que le maître soit en état de recourir – dès qu’il le juge nécessaire – à ce stimulant d’ordre supérieur. C’est pourquoi, tant que l’homme n’aura pas retrouvé le plus grand nombre de ces rythmes naturels, l’éducation par et pour le rythme aura-t-elle besoin d’être donnée par des maîtres possédant l’instinct musical, et connaissant toutes les ressources de cet art. À lui de savoir doser l’emploi des moyens musi- caux et de ne se servir dans son enseignement que d’une musique simple appropriée à leur âge et à leur caractère. D’aucuns se sont figuré (l’erreur est aujourd’hui moins commune) que la com- plexité de nos exercices serait de nature à provoquer chez l’enfant une certaine fatigue cérébrale. Il n’en est rien, il est impossible qu’un état d’équilibre puisse créer de la fati- d’inertie de chaque membre ou de l’ensem- les faces du grand problème. Notre tâche gue. L’important est que les exercices soient ble de tous les membres, et leurs différents est actuellement très complexe, puisque les posés, distribués et ordonnés de telle façon états d’activité. Ce n’est du reste que grâce à diverses branches de la Rythmique n’ont en- qu’il n’y ait jamais prédominance de l’élément l’intervention fréquente de l’état complet de core fait l’objet d’aucune spécialisation. Nous cérébral sur l’élément physique, que chaque décontraction que pourront être indiqués les avons donc à nous occuper simultanément tentative de dissociation ou d’association de rapports étroits qui existent entre les nuan- de physiologie, de psychologie, de musique, mouvements non spontanés soit précédée ces dynamiques musculaires et les divers de géométrie, de plastique et de pédagogie. Il d’exercices destinés à créer des automatismes degrés de la durée, comme les divers seg- ne faut pas que les difficultés de cette tâche – que les rythmes naturels de l’enfant soient, ments de l’espace. Dans une leçon d’adulte multiple nous effraie. Si nos connaissances dès le début des études, rendus à tel point le tiers des exercices peuvent être exécutés musicales sont suffisantes, si notre amour vivants, que leur constante intervention au dans l’état de station couchée. Quelle dé- de l’humanité est assez ardent pour nous cours de l’apprentissage de rythmes nouveaux tente lorsqu’on demande ensuite aux élèves communiquer – lui seul le peut – le talent de ou de rythmes oubliés, agisse comme une joie des mouvements primesautiers vigoureux, faire vibrer les coeurs, d’instruire les esprits et comme un repos, – et enfin que le maître des déclenchements subits de rythmes, des et de les convaincre, – nous parviendrons expose au moins la moitié des exercices de la courses et des élans spontanés ! Il est, à mon à mener de front nos travaux nombreux leçon sur la forme du jeu. De cette façon, il n’y sens, complètement inutile de soumettre et divers, car un élément commun d’une a aucune fatigue à craindre. Il n’est du reste l’esprit des élèves dilettantes à des opérations force singulière, – le rythme – les réunit et pas possible au maître de méconnaître l’état difficiles d’ordre mathématique. L’important les anime. La rythmique musicale est faite de fatigue de l’enfant ; dès qu’il est signalé pour eux, comme pour les enfants, n’est- d’enchaînements de durées, la géométrie par de l’inattention ou par des bâillements, il il pas de faire se pénétrer réciproquement d’enchaînements de fragments d’espace, et est facile de créer l’état de repos soit par des l’esprit et le corps ? Or, dès que l’esprit d’un la plastique animée complète ces mêmes en- exercices de décontraction, soit encore par des adulte est en train de résoudre un problème chaînements par des nuances d’énergie. Il ne appels directs à la curiosité et à l’imagination. compliqué, sont corps devient une masse faut pas que la nécessité de cumuler tant de J’ai parlé de décontraction : il me semble que inerte complètement séparée de l’esprit. Pour savoirs et d’entreprendre tant d’études diffé- le rôle bienfaisant d’exercices ayant pour but faire participer le corps à l’action cérébrale, rentes nous paraisse si dure que nous ayons d’interrompre momentanément toute acti- il importe que celle-ci n’absorbe pas toutes peur de continuer à suivre le chemin que vité nerveuse, musculaire ou spirituelle, est les forces de l’être. En ce qui concerne nos nous nous sommes tracés. Pensons-y bien : encore méconnu par beaucoup d’éducateurs. études à nous, professionnels de la Ryth- le simple travail que nous effectuons pour Les exercices de décontraction sont particu- mique, il est évident qu’elles doivent être nous rendre compte des divers mécanismes lièrement bienfaisants pour les adolescents poussées vigoureusement dans le sens de la dont dispose notre corps comporte lui-même et pour les adultes, généralement entravés résolution des problèmes les plus difficiles. des recherches nombreuses et toute une série en leurs études générales par des innerva- Si nous voulons mériter l’honneur d’ensei- de travaux d’ordre différent. Chaque mou- tions ennemies. Je ne saurais trop insister gner de nouveaux principes aux générations vement que nous avons à effectuer dans un sur la nécessité de créer des comparaisons futures, il importe que nous possédions ces temps donné demande une autre préparation constantes, dans l’esprit des élèves, entre l’état principes à fond, que nous abordions toutes musculaire si nous désirons le répéter dans

« Il est impossible qu’un état d’équilibre puisse créer de la fatigue »

30 1909-2009 É. J-D. (1921)

un temps différent. Chaque ligne parcourue comme une partie vivante de nous-mêmes, sachions nettement quels progrès la nature par un membre dans un espace et dans un nous aurons beaucoup moins de peine à en nous permet d’opérer, et que nous ne nous temps donnés, devient plus courte ou plus étudier les innombrables problèmes. Nous obstinions pas à progresser dans la même longue selon le degré d’énergie musculaire dépenserons aussi moins de temps. Car nous mesure que ceux qui ont plus de talent et de qui déclenche le mouvement. Chaque durée saurons économiser et équilibrer nos vouloirs facilité que nous. Il ne faut pas oublier que de temps parcouru par un membre dans tel et nos forces, fixer les rapports entre nos for- l’inégalité entre les talents constitue aussi degré donné d’énergie musculaire se trouve ces et le temps, entre le temps et nos vouloirs. un équilibre. S’il n’existait que des person- prolongée ou raccourcie selon la longueur Économiser, équilibrer, telle doit être notre nalités supérieures aptes à accomplir les be- de l’espace à parcourir. Et de plus, chaque devise. Il nous faut économiser nos dépenses sognes pédagogiques les plus compliquées, modification de l’espace, de la durée ou de nerveuses, qui se traduisent en sauts d’hu- il n’y aurait plus personne pour accomplir la dynamique exerce une influence telle sur meur, en brusqueries, en irrégularités, en les besognes toutes simples. Les enfants ont l’équilibre corporel qu’elle doit être forcément impatiences, en dépression, en hypersensi- avant tout besoin de maîtres qui les aiment accompagnée de toute une série de travaux de bilité. Il nous faut économiser notre temps, et qui cherchent à les connaître. Ces maîtres, rectification confiés aux muscles synergiques ne pas travailler jusqu’à la fatigue, prévoir – en notre cas particulier – doivent savoir ou antagonistes. Ces travaux eux-mêmes ont le moment où le repos devient nécessaire. Il improviser au piano des rythmes musicaux besoin de la collaboration de centres nerveux nous faut économiser nos vouloirs de progrès, corrects, connaître le mécanisme corporel instruits de leur pouvoir. Chaque erreur dans mesurer nos appétits, équilibrer nos désirs en ces rapports avec les forces nerveuses la transmission des vouloirs cérébraux intro- de création et nos moyens de réalisation... et cérébrales, et avoir une certaine culture duit l’anarchie dans le système musculaire. Ah ! Sans doute est-il parfois nécessaire de se générale. Il n’y a là rien qui soit au-dessus des Chaque résistance dans le système nerveux laisser aller à certaines expansions de toutes forces humaines. Seulement, il faut chercher introduit le trouble dans le cerveau. Chaque les forces de l’être, à des enthousiasmes qui à savoir, avant d’entreprendre ces études, erreur du cerveau introduit le trouble dans nous font franchir, telles des ailes, les bornes combien de temps elles exigent de nos forces, le système nerveux. En somme les multiples de la vie courante, à des élans puissants qui et à ne pas s’obstiner (seule exception à la facteurs de notre vie mouvementée agissent nous entraînent loin des mesquineries, des règle énoncée plus haut) à vouloir économiser à la façon d’une coopérative. Et c’est aussi calculs, des prévoyances et des égoïsmes. ce temps, car il ne faut pas oublier qu’il existe comme une coopérative que doivent agir les Mais il faut savoir aussi retrouver notre équi- des rapports immodifiables entre l’action et applications spécialisées de la Rythmique libre, au moment où nous le jugeons néces- la durée... Si nous savons tout cela et si les élémentaire. saire et il importe qu’après nous être égarés difficultés ne vous font pas peur, vous serez Toutes les lois qui régissent l’harmonisa- dans la fantaisie nous sachions rejoindre la heureux, mes chers amis, car votre tâche est tion de nos rythmes corporels régissent celles réalité. De cet équilibre de nos forces actives, suprêmement réconfortante, et l’activité d’un des rythmes spécialisés et établissent des rap- naîtra la confiance en nous-mêmes et une maître de Rythmique le met, plus que toute ports entre les arts visuels et les arts sonores, plus grande aptitude à projeter efficacement autre, à même de réagir contre la fatigue et entre l’architecture et la mécanique, entre la hors de nous tout ce qui peut être utile aux les soucis. La Rythmique est un foyer d’éner- mécanique et la musique, entre la musique autres. Nous avons absolument besoin de gie et de joie. Et nous tous, les Rythmiciens, et la poésie, entre la poésie et la peinture, posséder de la confiance en le but que nous sommes soutenus en nos recherches par le entre l’art et la science, entre la science et la poursuivons comme dans les moyens que sentiment que nous sommes nombreux à vie, entre la vie et la société. Si nous savons nous avons de l’atteindre. Le travail effec- poursuivre le même but, et que nous avons que la science du Rythme consiste avant tout tué dans l’angoisse et l’incertitude est un les uns pour les autres, une grande et solide à fixer les lois de l’équilibre et de l’économie, mauvais travail. Sachons au début de nos affection qui nous assure la force, la sécurité et si nous faisons l’effort nécessaire pour hu- études limiter nos désirs de progrès et ne et le courage. maniser cette science de telle sorte que nous pas exiger de nous-mêmes plus que nous ne la sentions vibrer et palpiter en notre corps, pouvons donner. L’important est que nous

1909-2009 31 1921-2009

Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

by Ann-Krestin Vernersson Dear Jaques-Dalcroze...

Malmö, 2008-10-07 erarchy were evened out. Teachers and the relation between colour, sound and EAR MONSIEUR JAQUES-DALCROZE, students got closer to one another. movement.) Thank you for the article Défini- In the field of music, impressionism, In 1921 your method had got a ‘foot- tion de la Rythmique of December expressionism, neo-classicism, twelve tone hold’, but wasn’t it driven away from some 1921! music, electro- acoustic music, aleatoric parts of Europe? What did it feel like when The year of 1921 is notable from music, happenings and minimalism ap- the second world war broke out and free many points of view and it has prob- peared… thinking got a loop around its neck? How ably been of importance for both big and small Movements similar in character arose did you react? More questions: How did worlds and values. Hitler was appointed leader simultaneously in several places around you look at the age in which you lived? of the National Socialist Party in Germany, and the world. New combinations of music, Psychoanalytical theories? Twelve tone in Italy Mussolini became leader of the Fascists. movement, colour, form and pedagogics. music? Jazz music? Turkey became an independent state, and in Swe- You, as well as Steiner, von Laban and You list some forms of gymnastics: Hy- den the way was paved for equality between the Kodaly, belonged to the reform teachers gienic, sportive, pianistic, vocal, mental/ sexes through women’s suffrage and the election and you worked for the development of spiritual. I am not familiar with these in of five women to parliament. Death penalty was pedagogical ideas like balls in a game particular, but I can tell you that most in- abolished in Sweden… and Einstein was awarded of skittles. The Bauhaus collective, that strumental teachers and school teachers the Nobel prize in physics. was founded in 1919 and brought together are nowadays well aware of the importance “Space – time – energy are basic concepts for painters, musicians, designers, set design- of movement in relation to learning and the theoretical description of elementary particle ers and actors, was also hit hard by Hitler’s well being. Many new strategies for learn- physics and cosmology. The definition of time and abuse of power and was forced to end its ing, with connections between movement, space is related to our own existence on earth. Speed, activity in 1933. body and brain, have been developed. In which is the quotient between space and time, has “The result is in no way any form of this context, however, eurhythmics is still a fixed point in the speed of light (c). The particles rhythmic movements à la Dalcroze. On the considered outstanding with its direct con- of matter are associated with a mass, and we know contrary, the inhibited intellectualist clearly nection to music. through Einstein’s formula that this mass is a form differs from the flowing naive human being What do you say about the following of energy (E = Mc2). We also know that energy just as the essence of a man differs from that description of rhythmic gymnastics? has an important second form, namely that of mo- of a woman. An intellectualist covers his eyes “At the olympic games in Los Angeles in tion. Einstein’s formula contains, in fact, this part with his hands as if unrelieved, and moves 1984 rhythmic gymnastics was selected the too since M is an effective mass.” (Göran Jarlskog, with dragging feet, while the free man finds most beautiful sport by the assembled sport emeritus professor at the university of Lund) himself in a regular rhythmic movement press. Female sport branch. The gymnast The consequences of Einstein’s experiments that involves both hands and legs.” (Gunow, performs her exercises with hand appara- with form mass were devastating. Too bad he quoted by Droste, 1990) tuses to music. Every movement is meant didn’t put his energy on a eurythmic nuclear Monsieur Jaques-Dalcroze! Did you to correspond to the character of the music bomb… with great spreading power. ever get to know that Gertrud Gunow and to follow its rhythm… There are five dif- It would be foolish to believe that the con- criticized you, and if so, how did you an- ferent hand apparatuses, each with its own cepts – space – time – energy – (form) belong to swer her? (Gunow, a music pedagogue technical regulation: rope, hoop, ball, clubs the eurythmics method!! and teacher of harmonization based on and ribbon… During all programs the hand On the other hand it feels inspiring to think that “rhythm is to jump on the law of gravita- tion”. The 20th century brought technological, med- ical, social, ideological and political renewal. New terms appeared, like world war, genocide, nuclear war, the theory of relativity and quantum physics. In the Western World the means of transportation changed from horses to cars. Pollution and long time effects on the environment were debated. Other innovations were the development from steam ship to space shuttle and the first steps on the moon. In Sweden the reform of dropping the for- malities of address was introduced in 1967 and it affected us radically. The psychological and pedagogical differences of level within the hi-

32 1909-2009 1921-2009

Örebro as well. We do our best to put the pedagogical legacy of eurhytmics to good use. The programmes work well and we educate people who have a passion for the method and who can teach school children as well as adult music students and furthermore make use of the method within the field of health care. Some eurhythmics teachers have even spe- cialized the method of eurhythmics. What about, for example: Saxophone eurhythmics? Violine eurhythmics? Eurhythmics and mathematics? Eurhythmics teachers must know a lot! How to play, sing, move and have a good ability to apparatus is to be in constant movement huddling up when insecure – approaching communicate. Music is a large and wide concept, and in harmony with the gymnastical and in love – backing off when insecure, might and we may, in good communication with the musical performance. The hand apparatus be classified as natural movements. Among movements of the body, reach unforeseen com- shall be in the hands of the gymnast, on her the movements classified as learnt were – binations and levels that concern both body and body, on the floor or in the air…” (source: playing an instrument – talking – sport soul. General pedagogics, general thinking… still Swedish Gymnastics Society) – dance – everyday chores – swimming. characterizes the method of eurhythmics. But Monsieur Jaques-Dalcroze! Today we Some thought that – gripping – swallow- the specific strategies of the eurhythmics teach- say eurhythmics teacher! Some call them- ing – twinkling – screaming – swimming ers have lead to the development of teaching in selves Dalcroze pedagogues! There is a and breathing are instinctive movements. different directions. The method of eurhythmics certain confusion of ideas! Eurhytmics? Are the natural movements equal to the is of course mainly transmitted orally and the The rhythm of the music or a pedagogi- autonomus ones? Or can what is learnt be pedagogics might therefore not get the spread- cal method? Or both? Is eurhythmics the or become natural? A possible metamor- ing it deserves. We should have followed your proper word? Eurhythmics method? Dal- phosis for the phrasing of respiration may example, since you had an incredible ability to croze pedagogy? The Dalcroze method? be expressed with the following: express thoughts and visions in writing. The problem is that some believe that we … “takes off like the rooster – puts Monsieur Jaques-Dalcroze! I wonder how you only work with rhythms and/or percussion down like the crane – sinks like the drom- would have reacted to the way things have devel- instruments. We are in constant debate edary…” oped since you wrote your article 87 years ago? about the title of the subject and try to In your article you advise us to be eco- Our perception of time has changed and has agree on it and express the pedagogical nomical with our time, our powers, our got a new meaning. Today it takes only a few strategies. ambition and our will for development seconds to get in contact with someone on the But in everyday speech eurhythmics is and progress. You mean that out of this other side of the earth and data might be obtained often said to be a pedagogic method origi- balance between our powers a self confi- with the speed of thought or light by computers nating from Emile Jaques-Dalcroze. dence will be born that allows us to work and so on. A little anecdote… in the 1970s and 80s for others. And we do! Above all should be You had a vision that eurhythmics teachers you could mostly distinguish eurhythmics mentioned the Swedish women who went together could make people happier. My teacher teachers from a crowd by their choice of to Switzerland to study what was new in colleagues at Malmö Academy of Music usually clothes. Batik-coloured, lots of velour and your method. Without their interest and describe the eurhythmics students and the way preferably socks with different colours…! will to learn new things there probably they confront their learning process in different I myself belonged to that group and was wouldn’t have been any development of subjects like this: “they feel happy at the prospect once presented as “… she who personified eurhythmics in Sweden. of new tasks; they are in control of their bodies and the velour trousers…!” In 1933 the Dalcroze seminar was movements; they have the music rooted in their bod- My music teacher students were asked founded in Stockholm and is now part of ies; they perceive and learn easily; they are positive to write some words to the titles: What the Music Academy. In Malmö the Eurhyth- and alert; they are obliging and cooperative…!” is natural? What is instinctive? What is mics teachers programme started in 1961 Wonderful tidings! The eurhythmics stu- learnt? After some discussion they wrote and in Gothenburg in 1978. Today there dents are very active and curious in the way that – closing your eyes – gravitation – foe- are eurhythmics teachers programmes they learn, a fact that gives hope for the future tus position – looking – atoms – smiling – at the music academies of Ingesund and of eurhythmics.

Ann-Krestin Vernersson is a Senior Lecturer at Malmö Academy of Music/Lund University.

Résumé

Une lettre de 2008 à 1921, de la Suède à la Suisse...de la part de Ann-krestin Vernesson à Jaques-Dalcroze.

1909-2009 33 É. J-D. (1922) Illustration : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

La technique de la « Plastique vivante » Par Émile Jaques-Dalcroze

etc., actuellement à la mode, soient tous avec une ou plusieurs autres parties de également propres à préparer l’enfant à la l’organisme. vie intégrale, à établir des rapports étroits Évidemment l’étude de cette techni- entre les mécanismes corporel et céré- que sera facilitée par le fait qu’une éduca- bral et à réunir dans un même courant les tion sportive ou gymnastique aura préa- rythmes naturels du corps et de l’esprit ? lablement assoupli, fortifié et rendu sains Il ne nous semble pas que, dans la plupart le corps qui doit l’acquérir. Cependant la de ces méthodes, les exercices aient une pratique d’un seul sport, – ou d’une seule autre destination que d’assurer la préci- série de sports – spécialise l’individu dans sion et la régularité des mouvements dans un nombre défini de mouvements. D’autre certaines durées fixées. Il constituent par part, les exercices gymnastiques usuels conséquent une instruction essentielle- ne comportent qu’un très petit nombre ment métrique. Dans d’autres systèmes, de variation de vitesse ou de lenteur. Il les rythmes spontanés et instinctifs du en résulte que la majorité des sportifs ou corps font l’objet d’une observation plus des gymnastes se trouvent en possession attentive, mais l’étude des relations natu- d’un certain nombre d’automatismes nui- relles entre le dynamisme musculaire et sibles à l’acquisition de cette souplesse les lois de l’« agogique » (étude des nuances synchronique des évolutions corporelles, de durée) n’y es pas suffisamment poussée dans le temps et l’espace, que doit requérir pour que l’élève puisse devenir maître un système d’éducation psycho-physique absolu de ses facultés motrices et apte à vraiment complet. Ils sont donc obligés, juger de l’opportunité des mouvements à dès qu’ils entreprennent d’introduire l’art faire ou à empêcher. J’entends que notre dans leurs manifestations motrices, de corps, constamment sous pression, doit se songer tout d’abord à se débarrasser de tenir continuellement en état de se mou- certains procédés techniques particuliers, voir et évoluer sans effort, selon l’idée qui trop fortement ancrés en leur mémoire naît dans notre cerveau et de réagir sans musculaire pour permettre à leur fantaisie résistance aux élans spontanés de notre de varier les nuances musculaires d’éner- fantaisie – et qu’inversement, les rythmes gie et de durée en toute liberté. instinctifs d’un corps délivré de toute em- Il y a une vingtaine d’années, Antoine prise intellectuelle, entretiennent la vie créait de toutes pièces une mise en scène en notre pôle cérébral, enrichissent notre des foules, et obtenait, grâce à la seule L Y A TRENTE ANS, peu d’écoles avaient la cultu- imagination et augmente le nombre des force de son merveilleux instinct, des re corporelle à leur programme. Les parents manifestations de notre vouloir comme résultats surprenants avec des acteurs étaient hostiles à toute gymnastique et cher- de notre fantaisie. sans technique ; de nos jours quelques chaient, pour la plupart, à faire dispenser Cette technique de réaction autant directeurs de théâtre – tel Copeau, Gémier, leurs enfants d’un enseignement physique que d’action est comparable à celle dont etc. – soucieux d’introduire dans l’art de que certains jugeaient même préjudiciable doit disposer l’escrimeur, mais, au lieu la « gestique » plus d’aisance, de naturel à la santé. De nombreux pédagogues et médecins d’être spécialisée dans un ou deux mem- et d’humanité, cherchent à soumettre les s’insurgeaient contre la sévérité de la méthode bres, elle nécessite le concours de toutes jeunes acteurs à une éducation corporelle suédoise de Ling et la question si importante de les parties de l’organisme. Son acquisi- plus complète. Par quels moyens spéciaux l’hygiène scolaire n’attirait pas l’attention des auto- tion est le résultat d’une série d’actions une renaissance de la plastique vivante, rités. Depuis lors, les mentalités ont changé, l’exer- très compliquées. En effet, elle suppose individuelle ou collective, peut-elle être cice en plein air est adopté un peu partout, le sport non seulement la connaissance « vécue » tentée ? Quelles sont les nouvelles habi- a envahi la vie de tous les jeunes gens et même des de toutes les possibilités musculaires de tudes motrices à créer, les combinaisons enfants ; à l’école comme à la maison, la culture contraction et de détente, en toutes les inédites à rechercher, de quelle gamme physique triomphe, et tous les pédagogues comme nuances de la force et de la durée, mais de moyens physiques la technique corpo- tous les artistes ressentent le besoin d’une techni- encore la collaboration incessante des relle propre à assurer la vie et la beauté au que corporelle propre à entretenir l’organisme en centres nerveux comme des facultés de mouvement corporel peut-elle disposer ? pleine vigueur et en pleine souplesse. contrôle, avec chacun des membres de C’est là ce que nous allons tenter de définir Est-ce dire que les innombrables systèmes de notre corps, avec chaque partie isolée de en le bref exposé suivant des études indis- gymnastique « hygiénique », « esthétique », « dyna- ce membre, avec chaque association de ce pensables à tout « plasticien » complet. mique », « plastique », « artistique », « sportive », etc., membre (ou d’une de ses parties isolées) 1. Étude des moyens pour passer

34 1909-2009 É. J-D. (1922)

de l’état de complète décontraction selon que celui-ci dépend du dépla- « plastique vivante » est certainement l’ex- musculaire (station couchée) aux di- cement d’équilibre du corps entier pression directe des sentiments et des émo- vers états de redressement du corps ou d’un déclenchement musculaire tions animiques ou esthétiques, sans même (agenouillement, station debout, ayant lieu dans telle ou telle autre le concours de la parole, sans le concours sans, puis avec extension verticale partie du corps ou sous la prime in- de la musique. Mais la plastique « dans le des bras. fluence d’un mouvement respiratoire. silence » demande une technique prodigieuse 2. Étude dans la station debout des Différenciation du geste provoqué par acquise au cours d’expériences prolongées moyens d’action de la respiration sur l’obéissance à la pesanteur et de celui au-delà d’une seule existence humaine. Or, les différentes parties de l’organisme, qui est la conséquence de la volonté bien malheureusement, si la musique est au point de vue dynamique comme d’échapper à la pesanteur. un des arts les plus jeunes, l’on peut haute- au point de vue spatial : c’est-à-dire 11. Étude des résistances et oppositions ment affirmer que la plastique animée est pour renforcer ou amoindrir l’inten- musculaires réglant les rapports des de nos jours le moins étudié de tous les arts. sité énergétique des attitudes, ou gestes d’un bras avec ceux de l’autre Les expansions naturelles du corps ont été pour amplifier ou diminuer la place bras, avec les mouvements des jam- contrariées par les usages d’une vie de jour occupée par nos membres dans l’es- bes, de l’épaule ou du torse. en jour plus antinaturelle. La gamme des pace qui nous entoure. Étude aussi 12. Influence des attitudes corporelles gestes et des attitudes est réduite dès lors au des rapports entre l’action exercée sur la résistance matérielle du décor, strict minimum. Il en résulte que la réédu- par la respiration sur l’extension et la collaboration des lignes corporelles cation des moyens corporels d’expression a contraction des membres dans l’émis- avec les lignes des parois, colonnes, besoin de s’étayer sur des procédés éducatifs sion vocale du son parlé ou chanté. escaliers et plans inclinés que le empruntés à des techniques déjà éprouvées, 3. Étude de l’équilibre dans la station contraste rend vivantes. celle de la parole et celle de la musique. La debout, des « départs d’orientation » 13. Rapports du geste et de la marche, première, celle du « verbe », s’est à tel point dans l’espace environnant grâce leur alternance, leurs oppositions, spécialisée, et les images qu’elle cherche à au relâchement de tel ou tel autre leurs contrastes, leur concordance, concrétiser se succèdent avec une rapidité groupe musculaire, et des contras- leur contrepoint. Dissociation et har- telle que les mouvements corporels ont de tes de pesanteur entre des membres monisation des différentes manifes- la peine à épouser leur forme et leur durée. différemment disposés. tations motrices de l’organisme. D’autre part, l’expression verbale confond 4. Étude des relations dans la station de- 14. Rapport de la voix (parlée ou chantée) à tel point le réalisme du mot avec l’émo- bout, entre le corps et les diverses di- avec la marche et la gesticulation. tion élémentaire de la pensée que le geste visions de l’espace dont il est le centre. 15. Reprise de tous les exercices ci-dessus constamment hésite entre le réalisme et le Établissement des distances du centre dans toutes les nuances de force et lyrisme, entre le mouvement oratoire et di- jusqu’à la périphérie. Graduation de de durée, double et triple vitesse ou dactique et le mouvement de situation. Celui- l’espace en ligne horizontales, ver- lenteur d’un membre ou plusieurs ci crée l’atmosphère et traduit directement ticales et obliques. Étude des lignes membres. Association et dissociation l’émotion par le dynamisme. courbes. Étude des rapports entre de durée ou de dynamisme. Il en résulte que, si la plastique animée l’amplitude des gestes et le temps en 16. Étude des rapports entre deux corps peut s’associer heureusement au verbe, il lequel ils tracent des lignes droites humains associés, harmonisation importe, dès que l’on souhaite leur complète ou courbes. de leurs gestes ou de leur marche. harmonisation, que le verbe ne cherche pas à 5. Étude des divers moyens de transfert Opposition de l’arrêt d’un individu s’isoler, et qu’au contraire il songe constam- du centre de gravité du corps en un avec l’activité de l’autre, opposition ment à cette plastique à laquelle il demande à autre point de l’espace, sous l’impul- de deux activités semblables ou dis- s’unir. J’entends que le poète doit consentir à sion du sentiment, de la sensation ou semblables, dans les déplacements condenser sa pensée en un plus petit nombre de la volonté. La « marche » considé- comme dans les dynamismes, dans de mots, à éliminer les digressions, à suggérer rée comme succession de divers états telle vitesse ou dans telle autre. plus qu’à décrire et à faire, des silences, des d’équilibre, réglée par les diverses 17. Étude des rapports entre des indivi- arrêts et des suspensions, des collaborateurs intensités de tension musculaire et dus associés formant un groupe, et indispensables des rythmes corporels. Tan- les diverses sollicitations de la pe- des rapports entre plusieurs grou- dis que la musique, qui, dès ses origines, est santeur. Les attaques diverses du sol pements d’individus, au triple point issue directement non de la pensée, mais par le pied, par la jambe et le pied, de vue de la division de l’espace, des de l’émotion, est – actuellement – plus capa- par le corps et le pied. Les diverses synergies et des antagonismes dy- ble que la poésie verbale de seconder ou de révélations de silhouettage des corps namiques et de la nuanciation de la provoquer – dans les situations lyriques – le sur des parois de hauteur et de lar- durée. geste corporel spontané. Elle est parvenue geur variées. Étude des multiples Les études de Rythmique ne constituent à exprimer les vérités humaines à l’aide de mouvements de marche continue, que l’A.B.C. de la technique corporelle néces- la sonorité, du dynamisme et de la durée en de marche scandée ou de marche saire à tout « plasticien » complet. Car elles ne toutes leurs nuances. Or, le corps humain est interrompue. s’adressent qu’à l’intelligence et à la volonté. susceptible de s’adapter ou de transposer soit 6. Les diverses durées des pas scandés L’acquisition de toutes les qualités plastiques, les nuances de ce dynamisme, soit les nuan- ou continus. dynamiques et agogiques indispensables ces de cette durée. Et que si, dédaigneuse des 7. Les diverses longueurs des pas et au rythmicien, au danseur, à l’acteur ou au nuances de la sonorité, la plastique animée leurs relations avec la dynamique et mime, ne fera de lui qu’un adaptateur, qu’un veut s’affirmer en dehors d’elles, il n’en reste avec la durée. transpositeur, qu’un automate, si ces qualités pas moins qu’elle ne pourra jamais mieux 8. Les ornements de la marche, la cour- techniques ne sont pas mises au service d’une régler les nuances de sa dynamique et de se, le saut, le sautillé, le bondissement, riche fantaisie, d’un tempérament souple son agogique, qu’en adoptant la technique les alternances de « staccato », de « le- et élastique, d’une généreuse spontanéité agogique et dynamique musicales qui sont gato », de « pizzicato », « portando », de sentiments, et d’une nature artistique d’ores et déjà ordrées et réglées, et qui peu- « glissando », etc. et vibrante. Toute éducation plastique, par vent, certainement, lui servir de modèles. 9. Les divers jeux d’arrêt de la marche, conséquent, doit avoir comme prime objet Sans doute, la plastique vivante pourra-t-elle, de la course et du saut, en leurs suc- l’éveil des instincts naturels, des élans pri- à son tour, modifier cette dynamique et cette cessions et leurs alternances. mesautiers, des conceptions individuelles. agogique, mais l’important n’est-il pas en 10. Étude des points de départ du geste, L’aboutissement suprême des études de tout développement artistique, de partir de

1909-2009 35 É. J-D. (1922)

ce qui est, pour parvenir à ce que l’on veut la fois leurs corps et leurs âmes. En ce qui concerne les professionnels qui différent ? Et cela est si vrai que, même le Est-il possible que certains hommes se vouent plus particulièrement aux études nuancé sonore (les diverses élévations du n’aient pas besoin de faire des études de de plastique, je suis fermement convaincu son) peut, soit dans la musique, soit dans la technique, parce qu’ils ont la science in- qu’il y a pour eux un avantage à sensibiliser diction poétique, amener le plasticien à se fuse ? Mais sans doute. Nous connaissons leur organisme en l’imprégnant de musique construire une gamme de gestes correspon- tous des enfants prodiges qui jouent sans avant de les laisser tenter les expériences dant à la gamme des sons. Qui sait si cette en avoir jamais étudié le mécanisme, des nécessaires à l’élaboration d’un système ten- dernière ne fut pas autrefois inspirée par les jeunes gens qui s’improvisent écrivains ou dant à faire de la plastique animée un art mouvements de la respiration et par l’action peintres, d’autres qui dansent ou jouent la qui se suffit à lui-même, et dégagé de toute de celle-ci sur les muscles du larynx ? comédie sans s’être soumis à aucun ensei- relation avec la poésie et la musique. Cet art L’important pour tous ceux qui consi- gnement. Pourquoi ne serait-il pas possible existera certainement un jour. Il aura ses dèrent le corps en mouvement comme un que certains corps humains n’aient jamais lois personnelles basées sur des expériences interprète direct des émotions humaines, connu les résistances nerveuses, musculaires, d’ordre géométrique et spatial, ayant pour est de ne dédaigner aucun moyen d’enrichir intellectuelles ou morales qui s’imposent si but de créer une architecture en mouvement, les moyens techniques d’expression de ce souvent au libre essor des rythmes naturels ? s’orientant et s’équilibrant selon l’influence corps. Qu’importe si pendant quelque temps Trop souvent l’homme pourvu d’un système fatale d’une pesanteur graduée et nuancée. encore la plastique humanisée s’associe à la moteur sans défaut est empêché de s’en ser- Cette architecture vivante n’aura de com- musique et au verbe ? L’important n’est-il pas vir, grâce à une timidité, à un manque de mun avec les autres arts que le rythme, mais qu’elle parvienne à multiplier et à clarifier confiance en soi-même qui paralysent ses sa rythmique sera triple et comprendra : 1° ses moyens d’expression ? Or, à une époque moyens. Être sûr de soi, savoir oublier ses la connaissance et l’expérience des mouve- telle que la nôtre, où tous les efforts tendent faiblesses, ne penser qu’au but à poursuivre, ments rythmés musculaires spontanés ; 2° à associer tous les arts en une harmonieuse se sentir entièrement envahi par l’idée, c’est celles des mouvements rythmés créés par entente, pour humaniser la pensée, pour la en somme nier l’existence des résistances, et les modifications de la pesanteur ; et 3° cel- rendre et plus large et plus diverse et plus une certaine technique naturelle se révèle dès les de l’adaptation de ces deux rythmes aux complète, il me semble que tout effort ten- lors au moment où l’esprit la réclame, et sous rythmes unifiés de l’espace et de la durée. La dant à spécialiser la plastique animée serait l’excitation même d’émotions supérieures. métaphysique de cet art plastique intégral stérile et propre à amoindrir sa profonde Les trouvailles du génie ont besoin d’être consistera en l’imagination de pesanteurs portée. Comme l’a dit Canudo, « toute énergie complétées par des recherches guidées par et d’espaces fictifs, et en une succession de d’impression, de représentation et d’évocation l’intelligence. Le domaine de l’inconscience modifications et transformations de leurs de ces phalanges de sensitifs et de créateurs au sein de laquelle opèrent l’intuition et la rapports. Une fois parvenu à vivre de sa pro- que l’on dénomme ‘artistes’, est de plus en plus sensibilité et palpite le tempérament, a besoin pre vie, d’une vie réglée par ses propres lois, influencée par des lois musicales, par le be- d’être agrandi grâce à l’acquisition de qualités l’art plastique ne se fondra plus dans la mu- soin de transmettre les lois les plus larges de conscientes qui permettent au tempérament sique, mais s’associera avec elle comme elle la vie à l’aide du plus universel des langages, d’abord de s’équilibrer avec l’intellect, puis de s’associe la parole dans le drame lyrique. Il n’y celui qui ‘suggère sans définir’, qui seul peut le dominer sans porter de préjudice à l’Ordre aura plus identification, mais superposition imposer à des collectivités diverses, sous des et à la Raison. et collaboration. Pour se développer, cet art climats éthiques et individuels différents, la Plus aussi l’étendue de certains procédés nouveau devra se dégager de toute imitation même émotion idéale. L’évolution de la musi- techniques élémentaires de technique cor- directe de la nature, de toute préoccupation que est en rapport direct avec l’accroissement porelle expressive aura pénétré dans l’en- littéraire, de toute intention mimique, et il de l’humanité ». seignement scolaire, plus le public sera mis faudra, je crois, de longues et répétées expé- Le propre de la musique est avant tout de à même de comprendre l’effort des artistes riences jusqu’à ce qu’il se soit dégagé de toutes provoquer en l’âme des hommes un besoin créateurs. Pourquoi le piano est-il de nos les influences qui emmaillotent aujourd’hui d’imagination et de réalisation. Pourquoi jours l’agent le plus puissant de vulgarisation le langage du mouvement. Ces expériences renoncer à ce pouvoir ? La musique est née en musicale ? C’est parce que tous nos enfants me paraissent devoir être toutes d’ordre ryth- nous d’un besoin absolu de sortir de nous-mê- sont plus ou moins initiés à la technique de cet mique et puisque, indubitablement, les lois mes, d’extérioriser nos aspirations, de donner instrument. L’enseignement de la Rythmique naturelles de la durée et de l’accentuation des des ailes à nos vouloirs mal définis, de don- doit, par conséquent, lorsqu’il est donné à gestes ont presque totalement disparu, que le ner un corps à des aspirations souvent peu des enfants ou à des dilettantes, se garder nombre de nos rythmes corporels spontanés claires et mal ordonnées, mais impérieuses. de toute spécialisation outrée, d’ordre ma- est réduit au strict minimum, je ne vois pas Du moment qu’elle fixe des moments divins thématique ou métaphysique. Tout au plus d’autre moyen de reconstruire cet art nou- où un être nouveau s’échappe de notre moi tiendra-t-il à faire comprendre aux élèves les veau qu’en étudiant le rythme dans les arts habituel, pourquoi ne pas nous appuyer sur possibilités de relation directe de l’éducation déjà complets, et surtout dans la musique elle dès qu’il s’agit de nous exprimer grâce à technique, musculaire et nerveuse qu’ils re- qui, incontestablement, est, de tous les arts, un mécanisme humain aussi inconnu de la çoivent, avec la métaphysique et les mathé- le plus riche en mouvements rythmiques et plupart des êtres que les origines mêmes de matiques. Posséder son corps, en toutes ses en nuances de la durée. leurs actes et de leurs pensées ? Initier à la relations avec l’esprit et la sensibilité, c’est musique les artistes du théâtre et de la danse, briser les résistances qui paralysent le libre c’est renforcer la puissance de leurs mouve- développement de nos facilités d’imagination ments, car la technique musicale libérera à et de création.

« Il me semble que tout effort tendant à spécialiser la plastique animée serait stérile et propre à amoindrir sa profonde portée. »

36 1909-2009 1922-2009 (K.G.)

Plastique Animée: yesterday, today by Karin Greenhead and tomorrow...?

Introduction ers can and should be expressive from head sic has been “ingrained in the body” and to foot” and that “all the arts should have the human organism impregnated with Plastique Animée–or realisation as it is some- complete equality”. the many rhythms of the emotions of the times known today–generally refers to the reali- Nevertheless Dalcroze thought that soul and only requires to react naturally sation of a musical composition in movement al- even the Russian dancers did not respond to express them in movement. “Orchesis”, though as early as 1912 Dalcroze himself speaks appropriately to music. He also criticises he says, “is the product of impression trans- of an expressive art of movement in silence or as Isadora Duncan (who he otherwise ad- formed into expression”. This expression a dialogue to music.In the diverse practices that mired) for not being able to walk in time may take the form of a dialogue in which have evolved worldwide since this 1921 article was and her students for copying the poses the dancer like a concerto soloist engages published there are schools that devote themselves on Greek vases without relation to music, in dialogue with the other instruments: to choreography while others do not practise it at rather than moving as an expression of sometimes one pauses, sometimes the all, imagining perhaps that Plastique is an element their own personal feeling. other. This shows that he was not think- of the Dalcroze work that is no longer relevant. ing simply of “mickey-mousing” as was Those who have attended FIER congresses will often stated later. have seen many such choreographies in many dif- Why was dalcroze so opposed Dalcroze prioritied the moral and ferent styles that are the result of group collabora- to ballet? The desire to define social development of children, learn- tion or work by an individual teacher or student. ing through experience and individual The story of Plastique Animée is central to the and reform freedom. He saw technical virtuosity as history of the method itself and explains one of the empty if it did not appear to express the Dalcroze saw himself as a pedagogue reasons why the spread of this most comprehensive authentic and finer states of soul of the and social reformer as much as an artist. and richest of all teaching methods has been dif- performer. Although he had worked in His jovial and optimistic personality and ficult to sustain. Periodically it rises again, as it is the theatre in his youth, participated in Apollonian view of life, strongly influ- now rising, like a phoenix from the ashes of the Festspiele and loved spectacle and perfor- enced by the philosophy of Rousseau2 and latest war, artistic or educational reform. mances of all kinds, he enjoyed them, as other French writers of the 18th century, It is interesting to compare the 1921 article Ansermet was to point out, as social events had no room for disorder and conflict. The with two others: “Eurhythmics and Moving Plastic” that everyone could engage in5. liberation and co-ordination of the natu- (1919) and “How to revive Dancing” (1912). By 1919, conceding that ballet concen- ral rhythms of mind and body by means In the earliest of these articles Dalroze (who trates on harmony and grace, Dalcroze of music through movement would lead reveals that he considers the art of dance to be states that a conventional dancer adapts derived from music rather than an art in its own students to freedom through the recov- music to his restricted technique and au- right) deplores the state of classical ballet, as he ery of natural responses suppressed by tomatisms while the eurhythmist lives the sees it, grown decadent through the cultivation of mechanization, rationalism and restric- music. By this time Dalcroze had received virtuosity at the expense of expression and through tive clothes and attitudes. This reawaken- a lot of criticism. The Russian choreog- the lack of unity between body movement and ing and expression of “primary emotion” rapher and teacher Fyodor Lopukhov6 musical rhythm. through unblocking the creative urges has suggested that Dalcroze’s teaching was In fact he was far from the first to make such no dark or chaotic side, only joy and order. for “the visualisation of beat, metre and judgements. There has from the beginning always However, the art of the early 20th century details of rhythmical pattern”. This was been a tension between technical virtuosity and became very much concerned with the rather unfair as the work did encourage the expressive and social aspects of ballet–perhaps expression of the dark and conflicted in a response to other musical parameters as because people enjoy virtuosity: they enjoy the human nature. Dalcroze constantly tried stated in this article which goes into more challenge and exhilaration of pushing the body to discover or define Laws3 or rules gov- detail concerning the relationships be- to its limits and watching others do so too. From erning musical expression (after Lussy4), tween music and movement. This includes the early 18th century various critics, dancers and structures, the use of space, balance and a feeling for space and its laws, shades of choreographers tried to rescue ballet from its ori- movement. time, inward sense of decorative line and gins as a courtly diversion. One of the first, Noverre, By “dancer” Dalcroze meant anyone form, balance, nuance and dynamism. published an influential book in 1760.introducing who interprets music bodily, such as con- Here Dalcroze produces a list of elements drama and the expression of human emotion and ductors and opera singers. He wanted common to music and moving plastic7: teaching that musician, choreographer and de- to “restore (dance) to its ancient glories” By 1919 too he had suffered the loss signer should work together. through the “rhythmic regulation of ges- of Hellerau and many of his brightest stu- In Dalcroze’s own time Fokine1(see Endnotes) wrote ture” and ridiculed not only exaggerated or dents. Perottet. Wigman, Holm, Chladek as early as 1904 to his superiors that more attention false emotion but athleticism itself. Even and others felt, as Wigman said in 1914, should be paid to the integration of story, music, at this early stage he says that movement the movement at Hellerau was chiefly scenic design and choreography. He said that “danc- without sounds will be possible when mu- of the extremities of the body and not

1909-2009 37 1922-2009 (K.G.)

expressive enough8. Perottet sought “dissonance” Plastique exemplified in a letter of 1932 croze’s ideas and included Eurhythmics in to express her character which was not possible to Gertrude Ingham10 (then Head of the the curriculum of her Denishawn School– under Dalcroze’s “harmonious structure”. Although Dalcroze School in London): the cradle of American Dance where Doris the articles mention movement initiated from the “I have decided in general to give only Humphrey studied and worked. Famous centre, following dynamic changes and articula- pedagogical demonstrations, finding that for her “music visualizations” Humphrey tion in the music and the embodiment of authentic this is the best way to protect the method eventually moved away from a literal thought and feeling, the fact remains that many felt against all equivocation while affirming interpretation of music in search of dance that the work was not sufficiently visceral to cover that it represents a preparation for art and as an art in its own right. In 1938 she cre- the full range of human expression which required not an art itself. I have confirmed moreover ated Water Study a choral ballet with no plumbing the depths of human passion and not only that many people prefer to see exercises of music in which the movement is initiated aspiration and the heights of human emotion. Some rhythmics and not plastic realisations.” by the dancers’ breathing echoing, prob- of these left Dalcroze to pursue greater authenticity He received a reply from Natalie Tingey ably unknowingly, Dalcroze’s mention of in the study of movement in and for itself, following informing him that “plastic movement still breath and gesture in the article of 1921. Laban, who taught movement without music, or has a place in London”. A further letter to The Plastique element of the Dalcroze creating their own schools. Many became important the school begins: “Too often people con- work could not be suppressed. figures who effected profound changes in European found our method with a system of dance. The family tree of Dalcroze influ- and American dance. Ausdruckstanz developed by That stems from our use of body movement ence in American dance was reinforced Chladek and Wigman found its way to America via to reinforce our physical sensations and by John Colman who worked with most Hanya Holm whose work became part of the strong transform them into feelings. For that we of the great choreographers at one time Dalcroze influence found in the whole of Modern have our own technique which consists of or another. It descends through Graham, American Dance. a deep knowledge of the diverse conditions Weidman, Limon (who “orchestrated” the By this time Dalcroze feels optimistically that of possible movement of the organism. We body), Cunningham, Taylor (from Gra- “only a short time is needed to reform musical, dra- know how to move in all degrees of slowness ham’s company) and Tharp, Nikolais (stu- matic and choreographic interpretations”. Despite and speed, of impulse, of continuity and dent of Hanya Holm), Ailey and George stating again that “forms of movement will be created of elasticity. We learn to orient ourselves Balanchine. Many of these great choreog- without resort to sound” he is becoming insistent. in the space around us, which we think raphers had a very strong background in “There is only one way of restoring the complete scale of as a collaborator, as an accomplice of music in addition to absorbing Dalcroze’s of its means of expression to the body, and that is to movement. We know also all degrees of ideas. Balanchine studied harmony and submit it to an intensive musical culture” muscular energy and the way to grade counterpoint for three years and earned The 1921 article is as remarkable for what it does dynamics” and goes on to say that the his living as a pianist from cabaret and not say as for what it does. There is little comment movement technique connected with his silent films in his youth. Dalcroze in the on music, the realisation of musical repertoire or teaching “is certainly not that of ballet and States has also produced Meredith Monk dance and more about movement, space and con- modern dance”; he wishes to dispel the who works across all the disciplines using trol. Here there is less confidence and enthusiasm: “error of those who believe that we have time, space, voice, movement and music. musical phenomena play a small part and the list choreographic pretensions. Our method The Central European trees of influence of indispensible necessities is dry and often seems does not form virtuousos”. take us through Wigman, Chladek, Per- to quote Duncan’s notebook - This dry and conservative description ottet, Laban, Jooss and others to Pina “they will learn first the values of straight lines, had little effect on the English teachers Bausch in our time and through Rambert, then angles and finally curves...they will possess an who had included demonstrations of Plas- Massine and Ashton and countless others. unconsciousness in the execution as to be merely the tique Animée since the very beginning Of internationally successful choreogra- expression of the unfolding of the Human Will in Bodily of training. The London School, even- phers today Mark Morris’ choreography movement...they will be learning the notes as one tually founded officially in 1913, sent is marked by music visualisation and an might call them of the scale of movement” – or an students to Hellerau. Ethel Driver with eclectic mixture of styles including ev- even older influence, the actor Delsarte (1811-1871) her students had produced plastic move- eryday movement and folk dance; Jiri who connected the inner emotional experience of ment studies on Bach and Debussy and Kylian also uses a combination of cho- the actor with a systematised set of gestures based the ballets from Holst’s “the Perfect Fool” reography based on the musical score on his observations of human interaction9. and in 1933 Ann Driver was invited by including movement as a counterpoint to Here speech as well as music can help re-educate Ninette de Valois11 to teach Dalcroze Eu- or dialogue with music (Dalcroze’s 1921 the body but music is more powerful because it “ex- rhythmics as applied to choreography on article refers to this possibility) and dance presses human truths through sound, dynamic force a training course for the new Association with no music accompanied only by the and duration in all gradations”. of Operatic Dancing. During the 1930s body percussion and sounds generated Already in 1912 Dalcroze had suggested that Dalcroze principles, touching so many ar- through movement as seen in Return to musical accompaniment “may not be necessary” to eas connected with music, movement and the Stamping Ground. The young but Plastique Vivante. In 1919 he wrote that it would education, began to be absorbed into the internationally celebrated British chore- “not take long to reform musical, dramatic and cho- general education system in England and ographer Christopher Wheeldon, noted reographic interpretations”. By 1921, although he elsewhere so that, as Tingey observed, for the musicality of his work, had Eu- is open to any means of enriching the technical people benefited from his ideas without rhythmics classes twice a week in which means of body expression, silent plastique is far realising where they came from. This is he improvised and composed movement away–it requires such wonderful technique as lies still the case today. to music from the age of 11 – 14 at the byond the span of a single human life: plastique Royal Ballet School. will need to be allied to words and music for some All that Dalcroze rejected: the train- time to come. He also sees less of a role for it as a After the first world ing of “virtuosos”, the inclusion of mime specialism as “there is a tendency to link all the arts war: developments in or imitation of the natural world and for the purpose of humanising thought”. contemporary dance dance technique, has been included, in- The savage criticism of the influential ballet corporated and remixed with his ideas critic André Levinson which resulted in the even- Those who left Hellerau and Europe during the twentieth century to form new tual banning of Rouché’s Eurhythmics classes at the itself took their ideas and experience with schools and styles of dance training and Paris Opéra in 1925 added to the wave of negative them. In America, Ruth St Denis devel- produce generations of virtuosi! A fertile views of the Dalcroze work in the dance world and oped a form of choreography she called ground indeed! was the probable cause of Dalcroze’s retreat from “Music visualization” clearly based on Dal- Contemporary research in neurosci-

38 1909-2009 1922-2009 (K.G.)

ence and related fields shows a natural almost all string players they tended to said that had he had a standing company he would connection between musical listening lchoose string-quartets for plastique re- have set up an ongoing project for dancers in the and bodily response and also between alisation. In teaching them I discovered company and himself to study this work and produce actual, observed and imagined move- how to help them show more aspects of work of their own. ment and stimulation of the motor cortex. the music than the obvious rhythm pat- The FIER congresses have often included various Eleanor Stubley (McGill University) has terns, accents and form on which I had kinds of choreographies. Some of them are wonder- written on how dancers come to know been advised to concentrate by many of ful artworks, original, compelling and authentic in music directly through the body and the my own teachers. Were four people re- expression and some are less successful. The range bodily basis of linguistic concepts such as ally sufficient to convey the opening of goes from the very simple to the involvement of balance, repetition and continuity. This the slow movement of Bartok’s String computer technology and complex staging. Dalcroze leads her to a conception of musical form Quartet no IV with its chords and solo considered that the best pieces to use were ones with as something both felt and heard. This part, or to handle very rapid music? How unequal beats, metrical changes and accents but may explain why the practice of creating about the relationship between the parts, even his supporter Ansermet said he felt Dalcroze realizations of music in movement can be the texture and density? Nijinsky had had emphasised metrical rhythm at the expense so rewarding not only to dancers but to been criticised for running every semi- of phrase and cadence14. Was this because he had conservatory music students. quaver. From my musical training and been put off by his experiences in Paris as far as performance in orchestra, opera, as interpretation went – or because of his Apollonian soloist and as accompanist I knew that and rational approach to art or a mixture of the Plastique animee today: a the written notes are signs indicating to two? The London School never gave up Plastique personal account a performer an impression a composer despite Dalcroze’s advice, knowing that it “worked” wants to effect. Sometimes the busy in some way for them. I have taught Plastique Animée as semi-quavers mean murmur or a sense In my experience plastique as realisation is not realization, dialogue, with body percus- of speed or power. The notes are not the only entirely valid as a way of studying music and sion, bruitages and in silence to trainee music and the music is not always “about” music and movement relationships but a kind of sum- and professional dancers and musicians semi-quavers. So would it be better to mary of the method itself. It is there that students for many years at the Royal Ballet School show this as a swirly movement or just practise and apply their aural skills, their harmonic then Central School of Ballet and North- as a visual crescendo by adding more knowledge, their understanding of structure, style ern Ballet theatre. At the same time I people instead of running about? I gave and meaning. It is there that they study the score, was teaching Dalcroze to dancers I was the string quartets to my dance students learn to co-operate and work with one another, teaching it in conservatories. Plastique is to see how they would approach them. If to express and project the music in and through a requirement in the UK Dalroze Certifi- we think of Plastique today as answering movement to an audience. It can be preceded and cate exam and at its best is a wonderful the question “How does the music move?” complemented by exercises in silence, so that the discipline that allows the student to dis- as opposed to “what does it look like on sense of movement in its own right can be explored cover and plumb the depths of music as paper?” we are far nearer a useful result and studied. Plastique as realisation can be studied an interpreter of a score, to be a primary with music realisation. We could ask what using a wide range of repertoire, as a way of study- creator when working without music and the composer means by what he writes, ing music and musical performance: plastique as to discover him/herself and one another we could attempt to embody this our- dialogue with the music or other kinds of relation- at the same time. selves and show it to others. So Plastique ship can follow. Successful study in Plastique does Like some of Dalcroze’s students, I as realisation is a kind of living analysis in not result from seeking “laws” but through deep too was irritated by the emphasis on real time–a deep way to study music for listening with all the senses, knowing how to ask “joie”, skipping and a lot of exercises. To both dancers and musicians which both questions and find answers, finding an authentic me it was about discovery and revela- groups found completely valid. From the response. This reflection in, on and after action tion, including the dark and conflictual: dance point of view learning to hear into requires the experience of using space and weight the whole of life in and through art. As the musical text and express it meant and orientation so that the study of phrase is not a student I discovered plastique as a they got more out of the music and could only about sustained line but also about direction way of learning music and engraving it choose if they wanted to counterpoint it and cadence. Does the phrase travel or not? Does in the memory through taking part in or not. It gave both groups a chance to it come towards us or move away, or change direc- plastique performances of movements ponder on musical repertoire and absorb tion or energy? What is the emotional or dramatic from Messiaen’s Quatuor pour la fin du its messages and meanings and create relationship between foreground and background temps. Over 30 years later I still know meanings for themselves. For the musi- of the music? How can we make the audience see this score from memory. As a teacher I cians’ group choreographies it lead to that? Bringing this work to performance really is a moved quickly from teaching children to insights concerning interpretation, a real transformative experience for students and audi- training teachers and would-be perform- need to co-operate with others to arrive ence alike. ing artists. Here the exploration, study at solutions: combined lessons in aural and creation of artworks and not only training, score reading, harmony, inter- preparatory exercises and improvisa- pretation, performance and projection. Endnotes tion became essential. I often use body- When eventually we started performing percussion to sharpen up rhythmicity “the best from exams” to the College public 1. Fokine (1880–1942) choreographer of the Bal- and “bruitages” to form a bridge between and friends, more than one dancer who lets Russes till 1912. Dalcroze was very familiar silent movement and its interpretation in attended said she was amazed. None of with the work of Fokine, Nijinsky, Nijinska and music as part of a training both for plas- them had any really trained movement Massine. Marie Rambert went from Dalcroze to tique and playing for movement and so technique and yet they were completely work with the Ballets Russes on Rite of Spring. it has always interested me that Dalcroze convincing, watchable and moving13. 2. Jean Jacques Rousseau (1712 – 1778) also of himself as Edith Naef12 said “described” Central School of Ballet students al- Geneva. Philosopher, writer and composer Rous- the movement rather than did it himself. so put on their realisations publicly. As seau believed in the goodness of the natural man. When you move yourself you discover a there was no budget there was always He also thought that children’s emotions should lot of things hard to describe in words. a problem with costuming. Some were be educated before their intellects. Movement is its own language, its own very good, some less successful. The Di- 3. Does this search for underpinning laws reflect communication. rector of the School, Christopher Gable, Platonism or a search for scientific explana- As my conservatory students were was always very keen to see them and tion and justification for his work? Or possibly

1909-2009 39 1922-2009 (K.G.)

both? 4. Mathis Lussy(1828-1910) Musical Expression Résumé 1892, Novello; Traite de l’expression musicale (1893-1894), Heugel. Lussy was the first to try Bien que Jaques-Dalcroze ait imagi- méthode n’est qu’une préparation à to base a theory of expressive performance on né qu’un jour existerait un art du mou- l’art, mais n’est pas un art. La réponse a theory of rhythm and was a great influence vement dans le silence, indépendant de fut cinglante : « la plastique a toujours on Dalcroze la musique ou d’un texte, la Plastique une place à Londres ». Contrairement à 5. Berchtold, A. 2000, Emile Jaques-Dalroze et Animée est toujours pensée comme Paris, Londres a incorporé la rythmi- son temps. Lausanne, Editions L’Age d’Homme, une réalisation musicale en mouve- que dans la formation des danseurs Lausanne, Suisse ment. Ayant noté une variété d’appro- avec beaucoup de succès. Les idées de 6. Fyodor Lopukhov (1886-1973), influential Rus- ches de la Plastique dans différentes Dalcroze, grâce à leurs implantations sian choreographer who disparaged Dalcroze’s écoles, certaines l’ignorant complè- profondes dans la danse moderne amé- work although he had much in common with him. tement, d’autres concédant beaucoup ricaine, peuvent être retracées grâce Lopukhov’s choreography of Firebird and also de temps aux chorégraphies, l’auteur à St Denis et Humphrey (dont la cho- the adagio of his Dance Symphony included body compare l’article de 1921 à 2 autres ar- régraphie « Étude d’eau » basée sur la counterpoint legs in 2 time with the arms in 3 ticles plus précoces « La rythmique et la respiration a eu tant d’influence), et 7. Pitch–position and direction of gestures in space; plastique animée » (1919) et « Comment se trouvent également chez des choré- Intensity of sound–muscular dynamics; Timbre– faire revivre la danse » (1912). Dans graphes contemporains, comme Mark Diversity in corporal forms(the sexes); Duration ce dernier, Dalcroze critique dans le Morris, Meredith Monk, et en Europe, – Duration; Time – Time; Rhythm – Rhythm; ballet classique « La virtuosité au dépens Kylian, Bausch, Wheeldon. Rests – Pauses; Melody–continuous succession of de l’expression », une critique émise On constate dans le domaine de la isolated movements; Counterpoint–opposition fréquemment. Tout en admirant les recherche en neuroscience, qu’il existe of movements; Harmonic succession–succes- Ballets Russes et Isidora Duncan, Dal- un lien naturel entre l’écoute musicale sion of associated movements (or of gestures croze sentait qu’ils ne répondaient pas et la réponse du corps. Il s’agit là d’une in groups); Phrasing – Phrasing; Construction d’une manière appropriée à la musique. approche dalcrozienne. (form)–Distribution of movements in space and Il était en cela très influencé par Lussy Enfin dans la section finale de time; Orchestration–Opposition and combina- et d’autres personnes, qui souhaitaient l’article, l’auteur mentionne sa pro- tion of divers corporal forms(the sexes). que des règles codifiées soient établies pre expérience d’enseignement de la 8. Partsch-Bergson, I. 1994. Modern Dance in Ger- pour définir l’expression. Dalcroze était plastique animée avec des danseurs many and the United States, Routledge. aussi un réformateur de la société, un et des musiciens. L’auteur parle de la 9. Delsarte’s (1870 – 1871) Science of Applied Aes- pédagogue au même titre qu’un ar- Plastique comme étant une discipline thetics–voice breath and movement dynamics tiste, et il croyait en la libération et la pour étudier l’expression musicale et for emotional expression. His use of relaxation, coordination des rythmes du corps et l’interprétation, en devenant un créa- poise and control of the breath–influenced Dun- de l’esprit, qui conduiraient les étu- teur, en se découvrant et découvrant can, St Denis, Laban as well as Dalcroze and was diants vers leur liberté personnelle et les autres, et en donnant du sens à la very widely taught by 1890s. artistique. Pour lui, la libération des création. Elle parle de l’utilisation des 10. EJD letter to Gertrude Ingham 23 May 1932, « instincts » n’avait pas de mauvais côtés. percussions corporelles et des bruita- London File, CIDJD quoted in her Doctoral The- Cependant les gens au début du 20e ges pour jouer pour le mouvement et sis “Dalcroze Eurhythmics in England: History of siècle étaient très concernés pas le côté de son utilité comme passerelle vers an innovation in Music and Movement education” sombre et caché de la nature humaine, la plastique silencieuse. En allant plus by Selma Odom Univeristy of Surrey, 1991 et plusieurs de ses meilleurs étudiants profondément vers la réalisation du 11. Ninette de Valois, (1898-2001), born Edris Stan- sentant que son mouvement était trop répertoire, elle soulève différentes nus in County Wicklow, Ireland, dancer in the périphérique, trop concerné par la mé- questions comme par exemple com- Ballets Russes, noted choreographer and founder trique, et pas suffisamment par l’ex- ment montrer la densité, la texture, les of The Royal Ballet Company. Ashton was her pressivité, ont quitté Jaques-Dalcroze relations entre les voix ; que mettre en chief choreographer. She brought in new talent pour Laban, ou ont développé leur pro- évidence, que mettre en arrière-plan and continued to be a strong influence, appear- pre recherche ailleurs, y compris en dans le cas d’une musique très rapide. ing in public until her death at 102. Amérique. Ces anciens étudiants de La plastique en tant que réalisation 12. E.Naef interviewed in the film “The Liberation Hellerau devinrent des personnalités répond à la question « Comment est-ce of the Body”. At a FIER congress in 1999 she importantes dans l’expressionnisme que la musique bouge ? » gave a public class including a demonstration allemand, ainsi que dans d’autres for- Dalcroze considérait que les musi- of how to walk showing the Duncan walk with mes de danse européenne, et dans la ques présentant des accents, des chan- lifted thigh and relaxed lower leg. danse moderne en Amérique. gements de métrique étaient propices 13. The DVD “The Movement of Music” is one such Dalcroze et ses disciples furent sé- aux réalisations. Même ses supporters concert of exam pieces. Distributed by Meerkat vèrement critiqués à Paris. Dans l’ar- ont souvent trouvé qu’il mettait en Films ticle, on constate un déclin progressif avant le rythme métrique, au détriment 14. Ansermet, E. 1965. Les Structures du rythme in de l’enthousiasme et de la confiance, et de la phrase et de la cadence. Deuxième Congrès International du Rythme et le développement d’un conservatisme La plastique résume la méthode de la Rythmique croissant, de telle sorte que l’article Jaques-Dalcroze car c’est là que les étu- de 1921 parle très peu de musique ou diants pratiquent et appliquent tout ce de réalisations du répertoire en mou- qu’ils ont appris en rythmique, solfège vement, mais insiste sur les questions et improvisation, tout en étudiant les d’espace et de contrôle. On est fort loin styles, les moyens et développent une de la « plastique en silence » écoute profonde, ainsi qu’une réflexion Karin Greenhead : GRSM, ARCM, LDS; Une lettre écrite en 1932 à Ger- avant, pendant et après l’action. Ainsi Dip.Sup. Institut Jaques-Dalcroze, Genève; trude Ingham (Ecole de Londres) elle propose une expérience qui en- Director of Studies: Dalcroze Society UK; recommande de ne donner que des richit. Principal lecturer in Dalcroze Eurhythmics, RNCM; démonstrations pédagogiques. La Member of the College of the IJD

40 1909-2009 1922-2009 (J.S.) Illustrations : Greeceindex.com (p.41, haut) Vanity Fair, August 1916 (p.41, bas) Émile Jaques-Dalcroze, Méthode Jaques-Dalcroze : Exercices de Plastique Animée, Volume One, Jobin & Cie, Éditeurs, Lausanne, Copyright by Jobin & Cie, 1917 (pp. 42-43) An article based on “La Technique by John R. Stevenson de la Plastique Vivante”

WELCOMED THE OPPORTUNITY TO REVIEW “tableaux vivante.” This a form of art where the article “La Technique de la individuals would create little “scenes” by Plastique Vivante” The Technique dressing up and striking poses behind a of Living Plastic by Emile Jaques- curtained 7’ x 4’ box depicting famous Dalcroze. The full version of the works of art or characters in famous article was published in the Re- senses. The guests would gather in the view Geneva but I have no date. How- parlor or ballroom where there could be as ever, from reading the work I would say many as seven or eight of these beautifully that this article predates the author’s text decorated “sécrétez la cachette” (secrete “Exercices de Plastique Animée,” which hiding places) complete with drawstrings was published in 1916. to open the curtains. The guests would Plastique Animée has played a major travel en mass from scene to scene reveal- importance in my professional life for ing from behind curtains the live dra- more than thirty-five years. It first began mas fixed in time and space and having when I was a student of Mlle. Hussy in a completely delightful evening. Perhaps Geneva. Mlle. was an 85 year old disciple Jaques-Dalcroze took this idea one step of Jaques-Dalcroze who spoke in a murm- further by infusing music and movement mer, and lived with what probably was a into the “tableaus vignettes,” thereby cre- severe case of osteoporosis. Nevertheless, ating a new art form he called “Plastique she, with her deep blue “ancient eyes,” Vivante” and eventually “Plastique Animée, full of wisdom, knowledge, and a vast “Living Plastic.” Admittedly, it looses its experience possessed an insightful and charm when translated to English as most forward thinking mind in addition to a of French does. very warm heart. She was a woman who My first encounter with this art form knew and appreciated artistic subtility took place watching the PBS Master- both in music and in movement, and piece Theater production of “The Duch- completely understood M. Jaques and ess of Duke Street” in the spring of 1976, the work he did in Plastique Animée. My my first year as an assistant professor at interest then continued as the founder/ and corrupted and eventually led the world to its Ithaca College. The series took place in director of the touring group l’Ensemble second “great” war. the early 1900’s and told the story of Rosa Jaques-Dalcroze through my twelve-year In this article, M. Jaques first establishes an ar- Lewis, the legendary cook who ran the tenure as professor of Jaques-Dalroze gument for the necessity of movement education in Cavendish Hotel; she was the best friend Studies at Ithaca College. general and specifically for fusing movement edu- of Oscar Wild and legendary “mistress” As in all of his writings, which in- cation with music education, thereby generating of Edward VII, and eventually became cludes this article, M. Jaques aspired to a new joy and giving rise to an enlightened spirit. one of the rich and famous in England, take his readers, his students, beyond He offers a scenario where movement education, France, and the United States. When I the straight and narrow of current day not to be confused with sports education, becomes saw the episode where the “Plastique thought and experience and to seek new a means to nourish the human body, to revitalize Vignettes” first appeared and I saw the directions where they would challenge it, shape it, and enhance its natural beauty; render physical positions the human manikins the conventional wisdom, craft healthy it supple, buoyant, and responsive. He continues assumed I immediately drew a connection experimentation, and position the “ex- by insisting that if music were integrated as an to Jaques-Dalcroze. They were almost perience” as the crucial element in all equal partner in the practice of honing the phy- exact replications of the famous Jaques- education. He always spoke of a better sique it would serve to educate and enlighten the Dalcroze “attitudes en groupes” that are humanity, a new world order where the mind, inspire and rouse the soul, and broaden the depicted in the appendix of the same text arts regained their primary importance horizon for a new humanity, a new world order. I sighted above, “Exercices de Plastique in society and reigned supreme over the He called this practice “Plastique Vivante” but he Animée.” These photographs, taken by hearts, minds, and souls of all people, would later christen it “Plastique Animée.” He saw the artist Boissonnas of Geneva (depicted) and in his time, he was not alone in his this marriage of music and movement within the who remains famous for his extraordinary view. Most of the “makers and shakers” educational process as the best great hope for a photographs of ancient Greece, inhabit in the capitals of Western society were return to our human roots, and our shared values many Dalcroze publications and at one espousing many of the same ideals, but as members of society. time decorated the walls of the Dalcroze we later learned that many of those Back in the early 1900’s the gentry and aris- Institute in Geneva. principles, and morals were distorted trocracy becam fascinated with what they called Again, in this article Jaques-Dalcroze

1909-2009 41 1922-2009 (J.S.)

does not simply describe supercilious ideals and teacher, developed, organized, and classi- resistance. There drawings are designed lofty goals but begins to illustrate the types of ex- fied his exercises while M. Thévenaz him- to show one how to move one combination ercises that one would need to develop so that an self an experienced and talented dancer, to another on whole notes with resistance.2 art form such as he described could be developed painter and sculpture who understood They reminde me of Yoga postures. As in and nurtured. In 17 classifications of “études”, M. Jaques the artist, could authentically level one of Kripalu Yoga, postures are he describes what I call the “Eight Eurhythmics realized those exercises on paper with pen learned and studied, in conjunction with Subjects.”1 They include studies in: and ink. the breath. In level two the postures are 1. Time, Space, Energy It is obvious from these now famous held for longer and longer periods of time 2. Social Integration works of art by Paul (Paulet) Thévenaz that allowing the shape to form deep within 3. Body Technique he had “experienced.” Look at the power, the muscle memory. In level three the Yogi 4. Movement Independence the force and the energy depicted so clearly learns to move one posture to another in 5. Concentration / Memory in his drawing. With just a few strokes of a “free flow,” eventually abandoning the 6. Corporal Schema a pen, he was able to capture not only an structure of each pose thereby creating a 7. Breathing – use of the life force accurate and precise depiction of the move- rhythmic flow of movement guided only by 8. Spatial Orientation ment from one position to another but the the imagination, the breath stream and yet However, it is obvious that M. Jaques is de- beauty of the free spirit incarcerate. grounded in the physical technique. Even- scribing exercises and etudes that were perhaps A few years later he moved to the Unit- tually, Plastique Animée does reach a level works in progress. After all, no one had done this ed States where at the age of 30 he died three where the student gains permission before. Codifying exercises that would eventually from peritonitis due to an appendicitis to find his/her own authenticity of motion develop an entirely new art form could not have rupture, but not from suicide as it had been and where the physical response to music been easy, and as all good teachers, he needed rumoured at the time. and the musical response to movement students and colleagues to help him learn. He When examining the specific exercises becomes indistinguishable. began experimenting and reaching out of the box contained in “Exercices de Plastique Animée” M. Jaques developed a method that both proverbially and literally. He taught insis- it becomes apparent that M. Jaques, for connects the abstract concepts of music to tently, took copious notes, and drew up elaborate the first time in history had conceived a the concrete realities of the human body lesson plans. He gathered friends and colleagues technique that would give students a “vo- in motion and in stillness. Speaking from around him to help navigate toward his goal, and cabulary of movement” that related directly my own experience as student, practitioner advise him when and where needed. to rhythm values and musical expression. and educator of Plastique Aminée I know Intelligent and gifted men and women who At first glance this “vocabulary” seems ro- and understand this place of indistinguish- want to learn as they teach always seem to attract botic in character because it divides the able lines uniting in mind, body, and soul. and gather intelligent and gifted colleagues. The space surrounding the body and its parts Once having been there one forms a unique gift in one always recognizes the gift in the other, into 8 or 9 “degrés d’orientation” or “lignes bond with others who have also “experi- and Jaques-Dalcroze was no exception. He had de mouvements” depending upon a given enced.” It is this common understanding friends and colleagues who were all proven artists body part. I use the word “points.” Shapes that ignited a fire of interest and excitement in their own right. They included: Adolph Appia, and forms are created by placing the limbs all over Europe, England and the United (1862-1928) considered the father of modern and their parts on the various “points.” In States. Jaques-Dalcroze with his Plastique lighting technique and modern scenic design, and doing so each pose contains juxtaposed Animée even sparked what we now call Paul Thévenaz, (1891-1921), a famous painter, lines and angles steming from one central the “modern dance” movement through his dancer and self-proclaimed rythmician. Other point of reference as physical resistance students Marie Rambert, Mary Wigman, friends and colleagues included Fred Boissonnas with and against gravity is experienced. Hanya Holm, and many others.3 (18518-1946) as mentioned earlier who took all of Students were taught to arrive at these However, before returning to the the stunning photos of the various exercises and various “points” through space in time with article in question, I want to remind the techniques performed by students, and Suzanne the music by means of a series of quick reader that Plastique Animée in no way Ferriére, an excellent and highly respected stu- reaction exercises. From this comes “les should be confused with or mistaken for dent and colleague of M. Jaques who eventually vingt gestes” (the twenty poses) which are modern dance. The dancers, to their credit, became Diplomée and professor at the Institute learned and memorized and used to create took what they learned from M. Jaques Jaques-Dalcroze in Geneva, Switzerland. movment combinations for both stationery and developed it in another direction, a The two individuals immediately responsible and locomoter movement. direction in their view that best served for assisting M. Jaques in the methodology of Keep in mind that all of these exercises their art form. The “vingt gestes” the “free Plastique Animée were Mlle. Ferriére and Paul were created simply to get people to move flow” the resistance, etc, all live in their Thévenaz. Mlle. Ferriére, herself a gifted Dalcroz- who had little or no opportunity to do any- work today. ian and educator, who understood M. Jaques the thing more than walk. As mentioned above When I toured with the Plastique Ani- it was all done with and “on the music,” mée troup out of Ithaca College for those (a true revolution at the time) which was many years, I continually informed au- 1. Please visit http://bethms.com/DSI/DSI_ usually provided by the teacher’s piano diences about what I was taught by the htms_pages/DSI_eurhythmcis.html for a complete improvisation or by playing the pieces genius of a woman, Mlle. Hussy whom I description of the eurhythmics subjects found in the two volumes of “Esquisses mentioned earlier. It was actually from Rhythmiques,” which were specifically her and through my own experience with composed by Jaques-Dalcroze for these dance that I learned how Plastique Animée “plastique” exercises. (They are delightful differs from modern dance. I list some of piano pieces.) Focus your attention on the two draw- ings by Paul Thévenaz on the previous page. 2. Exercices de Plastique Animée, Pg 56. Jobin and Cie, Lausanne, 1916 Notice how each limb in set at an angle jut- 3. Please visit http://bethms.com/Articles/ ting away from the navel, and how each DSI_Articles/DSI_Art_Dancers_musicians. angle relates to another. The techniques html for more information on the influence creates a counterpoint in space where one Jaques-Dalcroze had on the creation of line opposes the other with weight and modern dance.

42 1909-2009 1922-2009 (J.S.)

the differences here. oughly dissected for its theoritical, 1. Plastique Animée is first and fore- musical, and emotional properities, most an educational process. It is a participants are asked to listen to process that leads its practitioners the score and then to improvise to a keen understanding of a musi- movement that best speakes to cal score and to an artistic image their view of the music. This is done of that score realized through time phrase by phrase, and sectiton by and space. section. 2. Plastique Animée is an art form de- In most programs I would demonstrate voted to the individual’s personal how this skill is developed by improvising movement and how that movement at the piano as the troupe would improvise interacts with others. There is no movement to my music. Often they would attempt to create a specific style, each take a different element in the musicl as its basis the fusion of movement and technique or school of dance as for so that one could see the rhythmic and me- music into a moment-to-moment drama. example that which was created by lodic counterpoint, and phrase structure of M. Jaques’ goal was made clear by his closing Martha Graham. Therefore, the the music in the movement. I would then statement and remains the goal of each Jaques- athletic virtuosity may not match reverse the role and have the group impro- Dalcroze educator. “Once reached to live on its that of a dancer. Remember what vise movement. I would create music that own, in a life regulated by its own laws, Plastique he promulgated. Movement was I believed best depicted their movement. Animee will not simply blend in with music any more, personal and unique to each in- I too would pick up on certain themes in but will combine with it as does the word in lyric dividual. He designed exercises the movement and play them against each drama.” The expression of the musical analysis and techniques to allow the indi- other. It was always a great success. of a piece of music is not in words, diagrams, or vidual to become comfortable and 5. Plastique Animée is an art form charts, but rather in movement through space in at home in his/her own body. The with no single choreographer. All a “plastic expression.” The plastic expression is act of exposing genuine movement the movement is created from the actual visualization of the musical score in married to live music was in itself ideas, impressions, and insights space. It captures every pitch, rhythm, dynamic, an authentic, artistic expression from all participants. No idea is and agogic nuance, phrase and articulation. The worthy of public performance. The left unexplored or discounted. music dictates the movement completely. The question is not how high one can The “director” is the facilitator of performers are plasticians; musicians who draw jump but rater what sentiment is those ideas and guides the par- the music with their bodies in space and time, and communicated in the jump and ticipants toward a final form that remain completely free to join with the music in does the jump sing the music. best depicts the music in its fullness a most intimate and evocative manner. This axiom was well taught and strictly through time and space. This is an followed by Mlle Hussy. However, I found educational process that cannot be a quote by Miss I. S. Wittenoon, a distin- rushed. The final product must ar- John R. Stevenson : Diplôme Superior Jaques- guished Australian Dalcrozian who wrote rive in its own time and only after Dalcroze the following on the inside cover of a pro- everyone involved is convinced of gram for a plastique demonstration she its validity. gave in Australia on Saturday March 5, Often I would split the larger group Abstract (Monica Dale) 1919. into duets, trios, and solos so that we “In plastic expression the music is studied could create an entire program for each Jaques-Dalcroze’s original article de- in detail before being realized. The strict new touring season. This allowed more scribes a means of enhancing the human body technique of the method is abandoned and students to participate and to take on more and its movement through music, calling it freer movements employed. Plastic expres- responsibility for their group or partner. Plastique Vivante (later termed Plastique sions are often very beautiful to the eye, but Solos were always encouraged because Animee). The concept relates to Tableaux it should be remembered that the object in they were so useful as teaching tools. Solo Vivantes, or Plastique Vignettes, a popular view is the musical education of the pupil, work sparked the students to delve deeper form of entertainment around the turn of not the production of a spectacle. Beauty into the score and to search more intensly the century. In bringing music and move- in movement is not the aim of the work but within themselves to find the true artist ment to these visualizations, Jaques-Dalcroze comes in the attempt to express a beautiful within and thereby becoming more and devised 17 classifications of “etudes,” which thought in movement. The faculty of plastic more comfortable with their movement. correlate with eight Eurhythmics subjects. He music expression exists naturally in but a 6. Plastique Animée cannot authen- composed Esquisses for his Plastique exer- few gifted individuals. The Dalcroze Method tically be studied and practiced cises and created 20 poses to develop move- attempts to give to all its pupils the technique away from or apart from eurhyth- ment vocabulary. His students and colleagues necessary for such expressions.” mics, solfege and improvisaiton, helped him to illustrate, develop, and share 3. Plastique Animée is an art form the three principle branches of a his ideas. One in particular, Mlle. Hussy, pro- conceived with and through mu- Jaques-Dalcroze education. Plas- vided the author with direct experience and sic. As stated by Miss Wittenoon, tique Animée is a process through knowledge of Plastique Animee, including students intensely analyze each which one applies all of the Jaques- seven characteristics that distinguish it from score harmonically, melodically, Dalcroze principles, solfege sub- other art forms, including dance: Plastique rhythmically and structurally be- jects, eurhythmics studies, and im- is an educational process, employs personal fore creating any movement. This provisation skills to the analytical movement rather than styles, finds its basis is to ensure that the movement study of music literature. The stu- in music, develops through improvisation, represents the music in all of its dent becomes performer, and the enables participants to create movement, and various parameters. analysis becomes interpretation. grows from the three branches of Jaques- 4. Plastique Animée is an art form The entire Jaques-Dalcroze experi- Dalcroze’s method in both practice and phi- based entirely on improvisation. ence matures into an art form—an losophy. Once the score has been thor- art form unique unto itself having

1909-2009 43 H. B-L. (111923) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Die Rhythmik und der Tänzer von Hélène Brunet-Lecomte

IE KUNST DER CHOREOGRAPHIE HAT ihre hung der Knie und Füße1 beruht, gewisse bewiesen, sich dank einer entsprechen- Tradition und ihre festen Regeln. Grenzen nicht überschreiten. Das grund- den Technik mühelos zu schneller Musik Laufen, Springen, Drehen, in einem legende Element des klassischen Tanzes bewegen zu können. Aber je lyrischer, Wort: sich im Raum orientieren, das ist das Vergnügen sich zu bewegen, aber schwerer und langsamer die Musik wird, sind die Ausdrucksmittel der Tänzer. ach!, diesem Vergnügen geht häufig alle desto eher werden diese Qualitäten mit – Die Musik stellt für sie eine Art Beredtheit ab, wenn der gesamte Körper Hilfe der Pantomime ausgedrückt. Es fehlt klingende Arithmetik dar, die ihnen hilft, ihre Be- mit Ausnahme der Beine, keinen einzigen ihnen (den Tänzern, Anm.) in der Tat die wegungen zeitlich zu regulieren. Aufgrund einer Teil des Ausdrucks übernimmt. Weder die Möglichkeit ihre Muskelaktivitäten allen unzureichenden Ausbildung lässt sie ihr inneres Arme (die nur zum Ausgleich des Gleich- Temponuancen klanglicher Bewegung Taktempfinden aber Fehler machen. gewichts benutzt werden), noch der Kopf anzugleichen. Es reicht, der Mehrzahl der Tänzerinnen eines und der Rumpf tragen dazu bei, die Bewe- Um sich fließend langsam zu bewe- Corps de ballet beim unaufhörlichen Zählen wäh- gungen der Musik nach zu zeichnen oder gen, braucht es eine besondere Technik, rend der Ausführung ihrer Schritte zu zu sehen, um ihre Aussage und Poesie in eine lebendige die eine Aufteilung der motorischen Kräf- davon überzeugt zu sein, dass man die Musik – die und greifbare Form zu fassen. te bereitstellt, so dass das Körpergewicht hier nichts anderes als Unterstützung anstatt Aus- Wir huldigen wohl dem Fortschritt, kontinuierlich und lückenlos übertragen löser der Bewegung darstellt – ohne weiteres durch der durch bestimmte Solisten des klas- werden kann. Ebenso spezielle Übungen, eine andere Musik der selben Geschwindigkeit, aber sischen Tanzes und durch das russische um schnell von einem in ein anderes Tem- mit anderem Charakter, ersetzen könnte, ohne dass Ballett realisiert wurde und von dem wir po zu wechseln, ohne im Übergang zu die Choreographie davon im mindesten beeinflusst einige plastische Interpretationen (tän- beschleunigen oder zu verlangsamen, so wäre. Die Vorbereitungsübungen im klassischen zerische Umsetzungen, Anm.) wie zum dass dieser unbemerkt bleibt. Und schließ- Tanz, die zur Virtuosität führen, basieren auf einer Beispiel in Petruschka, Scheherazade und lich müssen gleichzeitig unterschiedliche intensiven Gymnastik der unteren Gliedmaßen, in den Tänzen des Prinz Igor, in denen die Dauern realisiert werden können, wobei die es den gefangenen Körpern erlaubt, sich mit Tänzer (welchen es weder an beflügelter jede in ihrem eigenen Wert erhalten blei- Würde und Leichtigkeit vom Boden zu erheben. Anmut, spiritueller Fantasie, noch an hei- ben soll. Diesen Übungen hinzugefügt sind solche, die ei- ßer Leidenschaft mangelte) unzweifelhaft Der musikalisch trainierte Körper des ne an Akrobatik grenzende Geschmeidigkeit zu Tänzers muss wie ein Schmelztiegel sein, erlangen trachten. So viele Anstrengungen enden in den die Musik wie geschmolzenes Gold 1. Diese Position ist zur Ausführung häufig mit dem Erreichen einer echten Perfektion. gewisser Sprünge notwendig, aber wenn geschüttet wird: sie kommt als Juwel mit Diese dürfte jedoch aufgrund einer Technik, die sie zur Gewohnheit wird, wird es dem tausend Facetten wieder heraus. Dann auf der Kontraktion der Beine, der Handhabung Tänzer unmöglich, sich im langsamen oder wäre der Tanz (r)eine Musik, der man das des Gleichgewichts auf der Spitze und der Ausdre- mittleren Tempo natürlich zu bewegen. Tönende entziehen könnte. Um die viel-

44 1909-2009 H. B-L. (111923)

fältigen Aspekte von Musik, wie Kontras- Würde man nun einwenden, die Musik te, Gegenüberstellungen, Konsonanzen würde bei einer solchen Illustration ab- und Dissonanzen, Anfänge und Schlüsse, handen kommen, würden wir antworten, Ein- und Mehrstimmigkeit zu erfassen, dass auch die Natur sich selbst genügt, braucht es eine solide musikalische Kultur aber niemand daran denken würde, ei- und, um sie plastisch darstellen zu kön- nem Maler vorzuwerfen, dass er versucht nen, eine nicht weniger solide und ganz seine eigene Vision umzusetzen und ihr spezielle Erziehung des Muskelapparats, damit eine neue Aussage zu verleihen. damit dieser zuverlässig und genau auf Zusammenfassend wiederhole ich, klangliche Impulse reagiert.2 Der Tänzer dass dieser unmittelbare sensible Wider- muss sich andererseits einer gründlichen hall nur durch eine neue Art von Übun- Erziehung des Nervensystems unterwer- gen, die wir nirgendwo anders als bei der fen, um jede feine Gefühlsregung der Dalcroze-Methode finden, zu erreichen Musik übersetzen zu können, wobei er ist. Diese bildet eine unverzichtbare Vor- eine geheimnisvolle Beziehung mit dem bereitung für choreographische Übungen Publikum eingeht, in der beide gemein- und Inszenierungen. Sie befähigt den Ein- sam Gefühle geben und nehmen. zelnen nicht nur dazu, seinen Körper un- Um Gefühle bei anderen auszulö- mittelbar in den Dienst einer Idee und von sen, reicht es nicht aus, selbst bewegt zu Empfindungen zu stellen, sondern seine sein. – Nachdem man durch einen äuße- Bewegungen mit denen anderer menschli- ren Faktor (sagen wir hier: die Musik) cher Gruppen zu vereinen, die vom selben beeindruckt ist, muss dieses Gefühl auf Verlangen nach „gutem“ Rhythmus3 und irgendeine Art durch Stilisierung wieder Stilisierung angetrieben sind. erschaffen werden. Dieses Wiedergeben gelangt durch die plastische, merklich bereicherte Aussage zu wahrer Schönheit. 3. Nach Rücksprache mit Kollegen habe ich mich dazu entschieden, das im französischen Text verwendete eurythmie 2. Die in allen Dauern und Tempi variierte an dieser Stelle im ursprünglichen Übungsabfolge ist nicht Teil der üblichen Wortsinn zu übersetzen, da es mir für das choreographischen Ausbildung. Geschieht Anliegen der Verfasserin am treffendsten aber Tanz nicht auch in Zeit und Raum? erscheint.

Übersetzung: Dorothea Weise-Laurent

1909-2009 45 111923-2009

Illustration : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Der Tanz und die Rhythmiker: von Dorothea Weise-Laurent Ein Kommentar

EHN JAHRE NACH DER SKANDALUMTOSTEN, aber kantige Dirigierübungen, stampfende ner Aufführung des vom griechischen wegweisenden Uraufführung von Stra- Betonungen und schwierige Koordina- Altertum inspirierten russischen Tän- winskys „Sacre du printemps“ in Paris tionsaufgaben exerzieren?22 zers Alexander Sacharoff am selben Tag äußert Hélène Brunet-Lecomte, Die Art und Weise in der Hèlène ab: „... Auch müssen wir vorläufig darauf Schwester von Emile Jaques-Dalcroze Brunet-Lecomte die Mängel des Balletts halten, in unseren Vorführungen das mu- und Verfasserin seiner Biographie1, ihr bejammert und die Beseitigung dersel- sikalische und das pädagogische Moment Unbehagen beim Betrachten von Aufführungen ben durch die Methode Jaques-Dalcroze in den Vordergrund zu rücken, da an sich des klassische Balletts. Es mangele den perfekt anpreist, mag bei heutigen Lesern Unbe- die Gefahr besteht, die Dalcroze-Methode gedrillten Tänzern an Musikalität. Insbesondere hagen auslösen. Die Gegenüberstellung nur als eine neue Tanzreform gelten zu langsamen musikalischen Passagen würden die beider Disziplinen (noch dazu im haus- lassen, wovon wir m.E. schon übergenug Bewegungen der wenig ausdrucksgeschulten obe- eigenen Journal) ist allzu polemisch, ein haben.“ 44 Die Vorstellungen der Jaques- ren Extremität und des Rumpfes nicht gerecht. Phänomen, das sich häufiger im Zuge der Dalcroze-Schule fanden dann zwei Tage Diese Beobachtung ist aus der Perspektive einer Verbreitung einer neuen Methode oder später statt, als der Solo-Tanzabend von engagierten Rhythmikerin nachvollziehbar. Wür- Systematik findet. Alexander Sacharoff. de sie heutzutage einer Musical-Aufführung bei- Begeisterung, Schwung und tiefe Emile Jaques-Dalcroze war also schon wohnen, müsste sie vermutlich noch mehr aufstöh- Überzeugung mögen gute Beigaben früh nicht nur mit der Verbreitung, son- nen. Und was würde sie wohl zu den absurden sein, um neue Ansätze und Inhalte zu dern auch mit der Abgrenzung seiner Verrenkungen eines Xavier Le Roy sagen, der den vermitteln. Aber wie groß ist die Akzep- Methode, insbesondere gegenüber den „Sacre“ solistisch interpretiert und dabei einen tanz auf der anderen Seite, wenn wich- schwelgenden, empfindungsbetonten Dirigenten mimt? Stehen sich der Tanz und die tige Aspekte der eigenen professionellen Darbietungen des Ausdruckstanzes, be- Rhythmik noch ebenso unversöhnlich gegenüber, Identität bemängelt werden? Das hat die schäftigt. wie Hélène Brunet-Lecomte es in ihrem Beitrag Rhythmik beinahe zeitgleich selbst zu 85 Jahre später würde er sich vermut- schildert? Hier der auf Schnelligkeit und Höchst- spüren bekommen, als Schülerinnen von lich erstaunt die Augen reiben: der Tanz leistung getrimmte Ballettvirtuose, dort der sen- Jaques-Dalcroze sich dem Ausdruckstanz als Kunstform hat inzwischen mehrere sibel wahrnehmende, differenzierte, durch und zuwandten und vor der Übersiedlung Reformen durchlaufen, speist sein Reper- durch musikalisierte Rhythmiker. Während der von Hellerau nach Schloss Laxenburg toire mittlerweile aus allem, was sich be- Tänzer sich zu oder auf Musik bewegt, bewegt sich bei Wien seinen Segen für die stärkere wegt, verschlingt neue Trends und spuckt die Musik durch den rhythmisch geschulten Körper Einbeziehung des Tanzes in seine Metho- sie in Windeseile als hippe Techniken wie- hindurch, sie–weniger interpretierend als präzise de erbaten.33 Und bereits viel früher, im der aus. Der Begriff „Tanz“ lässt sich zu widerspiegelnd–sichtbar machend. März 1911 lehnte Wolf Dohrn ängstlich Beginn des 20. Jahrhunderts noch in zwei Könnte man Tänzern doch nur ein Rezept für die Präsentation der „Bildungsanstalt für Hauptrichtungen, das klassische Ballett „Rhythmische Erziehung“ verschreiben, sie zur Musik und Rhythmus“ im Rahmen eines und den Ausdruckstanz, fassen. Heute Apotheke schicken und die Einnahme des Heilung Veranstaltungsprogramms im Museum präsentiert sich eine facettenreiche und versprechenden Mittels, am besten 3x täglich, ver- Folkwang (damals noch im westfälischen sehr offene Bezeichnung, in der sich ei- ordnen. Aber so einfach ist die Sache leider nicht. Hagen ansässig) in Kombination mit ei- nerseits der Terminus Tanz bereits mit der Die Krankheit wird vom Patienten nicht erkannt, Existenz des Bewusstseins für Bewegung es schmerzt nichts, also warum zum Arzt gehen? 2. 2 Dennoch hat sich der Anteil verbindet und die andererseits für hoch Solange das Publikum Anerkennung für zigfache an Musikfächern mit Theorie, artifizielle, kultivierte und reflektierte Pirouetten und formvollendete Sprünge zollt, gibt Formenlehre und praktischen Fächern Techniken und choreografisches Arbeiten es keine Notwendigkeit, das ohnehin strapaziöse (z.T. auch Rhythmik) an den meisten steht. Zwischen diesen Polen entfaltet Trainingsprogramm durch Übungen zu erweitern, Ausbildungsinstituten für Tanz erhöht. Aber sich eine vielgestaltige Tanzlandschaft. deren Effekt nicht unbedingt auf Anhieb in die die Forderung Emile Jaques-Dalcrozes, Die Tendenz zur spartenübergreifen- tänzerische Praxis eingeht. So wünschenswert der Tänzer müsse die Werke, die er den, interdisziplinären Arbeit, vor 100 interpretiere, selber am Klavier spielen eine ausgiebige Musikalisierung in der klassischen Jahren noch ein Novum, ist heutzutage können, bleibt unerfüllt. Tanzausbildung aus der Perspektive der Rhythmik 3. 3 Vgl. einen auf das Jahr 1925 datierten selbstverständliche Quelle experimen- sein mag, die Sprache des klassischen Bühnentan- Brief von Emile Jaques-Dalcroze an die teller Tanzlaboratorien. Die Analyse und zes hat sich über einen langen Zeitraum ausgeprägt Tänzerin Valerie Kratina, in dem er ihren körperliche Erforschung physikalischer, und etabliert. Sie folgt ihrem eigenen stilistischen emotionsgeladenen Stil bemängelt und arithmetischer, physiologischer, biologi- Codex und vertraut auf die Macht der Suggestion ihr eindringlich zu einer Rückkehr zu scher, soziologischer aber auch architekto- von Schwerelosigkeit und Anmut. Wer wollte da schlichteren, stärker an den formalen nischer und musikalischer Gegebenheiten Aspekten der Musik orientierten Choreographien rät. (In: „Emile Jaques- 1. „Jaques-Dalcroze – sa vie, son oeuvre“, Hélène Dalcroze an Valerie Kratina“, Rhythmik in 4. 4 aus: „Die Sacharoffs“, Frank-Manuel Brunet-Lecomte, Génève 1950 der Erziehung, 3/88, S. 90 ff.) Peter, Rainer Stamm, Wienand Verlag, S. 33

46 1909-2009 111923-2009 ist Grundlage vieler zeitgenössischer Tanzstücke und führt zu immer wieder überraschendem und originellem Bewegungsvokabular. Nehmen wir als Beispiel die Choreographin, Tän- zerin und Pädagogin Anna Teresa de Keersmaeker. Ihr im Januar 2008 in Paris uraufgeführtes Tanz- stück „Zeitung“ besticht durch eine sehr bewusst und differenziert gestaltete Beziehung zwischen Musik und Bewegung. In der Vorbereitungs- und Probenarbeit hat eine ausführliche Analyse und Reflektion der Musikstücke statt gefunden und die beteiligten Tänzer kreieren ihre Bewegungssprache wie „ein Tableau der ‚Verzeitlichung’ und Taktung von Musik und Tanz“55 zu einer klug getroffenen Auswahl von Kompositionen von Bach, Webern und Schönberg. Der Tanzabend enthält choreographierte und improvisierte Teile. Die vollständig internalisierte Musik ermöglicht es den Tänzern, ihre Improvisati- zu bezeichnen. Unabdingbar aber für onen mit nahezu derselben Präzision auszuführen, alle Rhythmiker, die sich in der weiten wie die komponierten Passagen. Domäne der Bewegungskunst verorten, Die, ebenfalls von de Keersmaeker geleitete, in ist die lebendige und intensive Auseinan- Brüssel ansässige Tanzausbildungsstätte P.A.R.T.S. dersetzung mit dem eigenen Fach. Die (Paul Hille) räumt der musikalischen Bildung mit den Fächern Berührung mit verwandten Disziplinen Abstract Musikanalyse, Rhythmus und Singen einen pro- kann dabei nur klärend sein. How relevant nowadays is criti- minenten Platz ein. Beim Betrachten des Videos Eine Gegenüberstellung von Rhyth- cism of musically differentiated auf der Homepage von P.A.R.T.S., wird man mit mik und Tanz aus heutiger Sicht kann movement? Is the distinction de- einer rhythmischen Gestaltung von 20 Tänzern und demnach nicht zu den gleich Ergebnissen scribed by Hélène Brunet-Lecomte Tänzerinnen überrascht, die mit Witz und Präzision kommen, wie Hélène Brunet-Lecomte between dancers who move to the einen wenig spannenden Technosound choreogra- in ihrem Artikel. Denn nicht nur der music and rhythmicians who allow phisch beleben. Tanz hat sich weiter entwickelt. Auch the music to move them still valid? Was einst Spezialität der Rhythmik war, das die Rhythmik wurde durch initiative In 1923 the sister of Emile Jaques- gewissenhafte Sondieren von der Übereinstimmung Fachvertreter und –vertreterinnen in- Dalcroze formulated her criticism of Form gebender Elemente in Musik und Bewegung, haltlich erweitert. Neue Schwerpunkte classical ballet too polemically. Nev- ist heute selbstverständlicher Teil der Arbeit vieler entstanden und heute kann ein regel- ertheless, at that time, musical sub- Tanzschaffender. Allerdings ist ihr Beweggrund der rechter Stammbaum mit Verästelungen jects were not normally integrated eines jeden Künstlers: sich ein Thema zu wählen und in die verschiedenen Richtungen die Aus- into classical dance programs. sich damit in künstlerischer Freiheit zu beschäftigen, dehnung des Faches veranschaulichen. With the passing of time chang- auf welche Art und Weise auch immer. Die Rhythmik In der Rhythmik, wie im Tanz ist eine es have taken place and dance has hingegen wurde als Methode geboren. Ihre Wur- zunehmende Vernetzung und Involvie- seen a lot of reform. In a polymor- zeln liegen in der Idee, die Menschen musikalischer rung von künstlerischen, pädagogischen, phic dance landscape, cultivated zu machen und ihnen ein profundes Rüstzeug zu wissenschaftlichen und therapeutischen techniques and interdisciplinary geben, welches sie dazu befähigt. Bühnengestal- Bereichen zu konstatieren. approaches are used. What was tungen von Rhythmikern gehen aber inzwischen Dadurch ist jeder einzelne, ob Rhyth- once the specialty of Eurhythmics is oftmals weit über eine rein formale, gelegentlich miker oder Tänzer, aufgefordert, seine nowadays a natural part of the work wenig sympathetische Wirkung erzeugende, cho- eigene Linie und seinen Schwerpunkt zu of many dancers and choreographers. reografische Arbeit hinaus. Rhythmiker erkunden definieren. Voraussetzung dafür ist eine A convincing example is the work of angrenzende Gebiete wie Theater, Performance Ausbildung, die über das eigene Fach hin- the dancer, choreographer and peda- und Tanz, wobei die Musik stets eine zentrale Rolle aus theoretische und praktische Zugänge gogue Anna Teresa de Keersmaeker, spielt. Selbst in Gestaltungen „ohne Musik“ sind zu anderen Disziplinen ermöglicht. head of the dance program P.A.R.T.S ihre Gesetze der Zeit- und Spannungsgestaltung Für Rhythmiker ist eine tänzerische in Brussels. und ihre formalen Aspekte in das dramaturgische Bewegungsausbildung, die ihnen tech- However, the opinion of Jaques- Konzept eingegangen. nische Fertigkeiten bei gleichzeitigem Dalcroze, that a dancer should be Die Beziehung Rhythmik – Tanz war und ist Freiraum für die Entwicklung und Re- able to play on the piano works he für Rhythmiker von großer Bedeutung, denn die flexion einer eigenen Bewegungsspra- or she interprets, remains, it seems Einbeziehung einer Tanztechnik in die Studienin- che vermittelt, notwendig. Im Gegenzug unrealistic. halte (z.B. das Chladek-System, Elementarer Tanz, benötigen Tänzer, die heute häufig in The integration into the Eurhyth- New Dance, Contactimprovisation) löst ohne lan- den choreographischen Entstehungs- mics program of special dance tech- ges Nachdenken Fragen nach dem Tanz aus. Darü- prozess mit einbezogen werden, eine niques such as the Chladek-System, ber hinaus interessieren sich bereits während des solide musikalisch-rhythmische Bildung. Elementary Dance, New Dance and Studiums viele angehende Rhythmikerinnen und Insbesondere an Ausbildungsinstituten Contact Improvisation seems to show Rhythmiker für eine intensive Körperschulung, die mit dem Schwerpunkt Zeitgenössischer connections between Eurhythmics ihnen ein virtuoseres Bewegungsrepertoire ermög- Tanz wird dieser Anspruch inzwischen and Dance which have perhaps al- licht. Der heute offenere Tanzbegriff erlaubt es auch erkannt und umgesetzt. Vielleicht wäre ways existed. Bewegungsgeschulten, die nicht die Technik des Hélène Brunet-Lecomte heute doch nicht Lively and intensive debate about Klassischen Balletts beherrschen, sich als Tänzer so unglücklich. our own subject with those from related theoretical and practical 5. 5 zitiert aus der Presseankündigung zur deutschen Dorothea Weise-Laurent est Professeur disciplines can only be helpful the Erstaufführung von „Zeitung“ im Rahmen der de rythmique à l’Université des Arts understanding of our students. Ruhrtriennale im September 2008. (UdK) de Berlin

1909-2009 47 G.P. (121923) Illustration : photographie de Michèle de Bouyalsky © M. de B.

La rythmique et l’acteur par Georges Pitoiëff

sentiment rythmique. J’étais en posses- pensée, le sentiment ne vous le dicteront sion d’un nouveau sens que j’ai mis aus- pas. Fermez les yeux, écoutez le rythme de sitôt au service de l’art scénique. Sans votre âme, et vous trouverez cette durée toucher aux questions que soulève la Ryth- du « temps ». Vous entendrez une mélo- mique de Jaques-Dalcroze, au point de die, c’est le « sentiment », vous sentirez la vue éducation physique, musicale, plas- « forme » intérieure de ce sentiment. Cette tique et autres, je veux préciser le rôle que forme, c’est le rythme. Et votre temps sera le rythme est destiné à jouer dans l’art strictement déterminé comme la pause scénique. J’affirme que le rythme, base musicale. Pour que l’homme sur la scène de toute musique et de tout mouvement puisse découvrir le rythme intérieur de du corps humain dans l’espace, est éga- son âme, il faut avant tout que son corps lement la base de la réalisation scénique soit initié au secret du rythme. Et c’est ici de toute oeuvre destinée à la représenta- que Dalcroze intervient. Il découvre dans tion. le corps l’harmonie du rythme. Dalcroze Le mouvement qui englobe la pièce et transforme l’incohérence du mouvement conduit chaque acte, le mouvement qui corporel en mouvement rythmé. Il trans- distingue et détaille les scènes de l’acte, forme le corps humain en un instrument qui précise le dialogue et les tirades, qui sensible au rythme de la vie corporelle et est à la base même de la logique du texte, le rend capable de refléter le rythme de qui impose et limite le temps et la pause, la vie spirituelle et c’est ici que la rythmi- ce mouvement qui passe de la parole au que devient la base de l’art scénique. Le mouvement proprement dit (déplace- corps qui ignore le rythme qui est en lui ment dans l’espace) et qui s’inspirant de ne pourra jamais diriger son âme. Pour la parole et du déplacement vient dessiner moi, je le répète, le rythme est le point de les lignes du décor et établir la gamme départ et le fondement le plus puissant de des couleurs ; ce mouvement n’est pas toute réalisation scénique. autre chose que le « rythme ». Le rythme Je le sens en moi – dans mon âme et est en nous, il est le sol du sentiment et dans mon corps – comme un « sens pal- celui-ci, comme la méthode, ne fait que pable ». Pour moi, jouer un rôle, établir l’illuminer. Le rythme est une force qui une mise en scène, faire jouer les acteurs, permet d’exprimer l’inexprimable ; force dessiner les décors et les costumes, régler E ME SUIS INITIÉ À la Rythmique de Jaques- qui nous permet de mettre « en ordre », et les lumières, n’est pas autre chose que Dalcroze en 1911. J’étais venu à Hellerau en « rythme » les mouvements secrets de trouver le « lien » qui raccorde tous ces pour assister aux fêtes organisées par notre âme, lesquels privés de ce guide éléments divers. Et ce lien ne se trouve l’Institut Jaques-Dalcroze. Ce fut pour resteraient à l’état de chaos. – L’acteur que dans le mystère du rythme. moi, comme pour bien d’autres, une ré- qui prononce un mot, qui ferme les yeux, Dalcroze révèle le rythme au corps, vélation. J’ai senti que derrière ces for- qui soulève sa main, n’exprimerait rien et seul, le corps qui possède le rythme, mes géométriques, ces corps humains qui se mou- si tout cela n’était dicté par un rythme est capable de servir l’art scénique. On vaient dans l’espace obéissant à une loi inconnue, intérieur. Ce n’est pas de la théorie, je le me dira qu’il y a eu des acteurs de génie se cachait un mystère hallucinant et merveilleux. constate tous les jours dans mon travail qui ne connaissaient même pas le nom Ces corps humains possédaient une force nou- pratique. Que de mauvaises représenta- de Dalcroze. Certes – mais ceux-là, ont velle cachée, et ils étaient enrichis d’un don mys- tions voyons-nous malgré les acteurs de découvert le rythme dans leur corps par térieux, ils connaissaient quelque chose qui m’était premier ordre, mauvaises uniquement la grâce de Dieu. – Il faut s’entendre, Dal- inconnu, ils avaient découvert en eux une possibi- parce que le metteur en scène a négligé croze ne crée pas un élément nouveau lité ignorée qui leur donnait une puissance prodi- de construire la réalisation scénique sur dans le corps. Il le retrouve dans le chaos gieuse. J’ai été émerveillé et je me suis senti dimi- les bases du rythme. Il me faudrait des des mouvements corporels, il le précise, nué, presque abattu ; – ces corps humains démonstrations pratiques pour prouver l’éduque, il le rend présent et obéissant possédaient quelque chose que je n’avais pas, ils ce que je dis. Contentons-nous de pren- à la volonté et la pensée de l’homme. Le m’étaient supérieurs. Je n’ai pas pu faire autrement dre l’exemple du « temps », de la « pause ». rythme est dans le corps de chaque être que de rester chez Dalcroze. Quand quelques mois Le « temps » comme force d’expression humain. C’est un don de la nature. Un don plus tard, j’ai quitté Hellerau, j’étais en possession réclame une durée déterminée. Il ne que nous ignorons souvent. Dalcroze est du secret, j’avais découvert en moi un don qui dor- doit être ni plus ni moins long que cette celui qui l’a vu, a senti son influence et sa mait jusqu’alors, mais que je sentais obscurément durée – autrement il devient « un trou ». vertu et à trouvé le prodige de lui donner sans pouvoir le préciser. Ce don découvert était le – Comment déterminer cette durée ? La une « existence ».

48 1909-2009 121923-2009 (A.H.) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (pp. 49-50) © C.S. Photographie de F.H. Jullien, 1920 (p.51)

von Angelika Hauser Lebendiges Theater

U BEGINN DES 20. JAHRHUNDERTS entstanden Dalcroze und berichtete anschließend, mit Appia und Dalcroze. im Bereich des Theaterspiels, wie in dass er die Grundlagen für ein lebendi- Jacques Copeau erzählt über seine allen anderen Künsten, grundlegende ges Theater erfahren habe und nunmehr erste Begegnung mit Adolphe Appia: Erneuerungen. Man versuchte vor al- beherrsche. „Appia hat uns neue Wege eröffnet. Er lem von dem durch lange Tradition Adolphe Appia, Musiker und Archi- hat uns zur Größe zurückgeführt und zu erstarrten, deklamatorischen Auffüh- tekt, und Emile Jacques Dalcroze, Musiker, den ewigen Prinzipien... Er war Musiker rungsstil und vom Realismus wegzukommen. In Komponist und Urheber der Rhythmik, und Architekt und hat uns gelehrt, dass die der Malerei war die Abstraktion ein großes Thema, beide maßgeblich an den Festspielauf- musikalische Dauer, die die dramatische im Tanz wurden andere, natürlichere Ausdrucks- führungen der Bildungsanstalt Hellerau Handlung einhüllt, bestimmt und regelt, formen als das klassische Ballett gesucht und ent- beteiligt, beeinflussten mit ihren Gedan- gleichzeitig den Raum entstehen läßt, in deckt, in der Musik schuf man parallele Systeme ken und der neuen Methode der Rhythmik dem die Handlung sich abspielt“1 (siehe Quel- zur Diatonik. Einige Künstler wie Johannes Itten bedeutende Künstler aus verschiedenen len). und Wassily Kandinsky versuchten Entsprechungen Sparten. Besonders in Frankreich trafen Jacques Copeau schaut in mehreren zu finden zwischen Malerei, Musik und Tanz. Heu- einige von ihnen zusammen: Sei es Diag- Klassen bei Emile Jacques Dalcroze zu. te wissen wir, dass wir allenfalls von Analogien hilew und Nijinski, die wichtige Impulse Angeregt durch diese Begegnungen ent- sprechen können, die mehrere Möglichkeiten von für den modernen Tanz aus Hellerau nach wirft er gemeinsam mit Susanne Bing das Zuordnungen erlauben. Paris und St.Petersburg mitnahmen, sei es Konzept einer multidisziplinären Schau- Indem man sich von moralischen Zwängen zu Paul Claudel, der Theaterstücke schrieb spielausbildung. Sie beinhaltet Kultur- befreien versuchte, war es unumgänglich, auch und der mit Auguste Renoir befreundet wissen, Musik, Rhythmik, Gymnastik, den Körper zu befreien, weg vom Korsett und von war, während dieser wiederum zeitweise Improvisation, Mimik und Maskenspiel. einstudierten gesellschaftsüblichen Verhaltens- Rainer Maria Rilke als seinen Sekretär um Schon bald wird ihnen aber klar, dass regeln hin zur natürlichen Geste. Wie wäre das sich hatte. Vsevolod Meyerhold, der große sie selbst noch viel dazulernen müssen, besser und radikaler zu verwirklichen gewesen, Theaterrevolutionär in Russland wirkte um das ganze Potential dieser Methoden als nackt und im Freien? Noch heute erscheint uns vor allem in St.Petersburg und stand in auszuschöpfen. Die in dieser Richtung die Haltung, die die Photos aus dieser Zeit vermit- Kontakt und Austausch mit Nijinsky. Er Ausgebildeten betonen nach wie vor die teln, radikal. Gleichzeitig suchte man nach tiefer hielt sich mehrmals in den 1910er Jahren grundlegende Bedeutung des Rhyth- liegenden Gesetzmäßigkeiten, die in der Natur des in Paris auf. Er hatte zu dieser Zeit bereits mus für das Schauspiel, wie z.B. Giorgio Menschen begründet sind und die Künste mitein- seine Biomechanik auf die Tradition von Strehler und Jacques Lecoq. Durch sie ander verbinden. François Delsarte aufgebaut. In späteren und andere breitete sich dieser Einfluß Alle Künste suchten über die Demontage der Jahren griff Jergy Grotowsky, der bis heu- weltweit aus. Was bleibt uns heute von einengenden künstlerischen Traditionen hinaus te tiefen Einfluß auf das internationale den damaligen Erkenntnissen? Sind sie den Ausdruck des Unsichtbaren, Unaussprechli- Theaterleben hat, vieles von den Lehren heute noch relevant? chen, normal nicht Wahrnehmbaren. Sie kehrten Meyerholds auf. Erlebt man Inszenierungen von z.B. in gewisser Weise zum Ursprung der Künste zurück, Über Georges Pitoieff kam schließlich Luc Bondy, Christoph Marthaler, Ariane zur Spiritualität und zum Mysterium. Die tiefgrün- Jacques Copeau, der große Revolutionär Mnouchkine, Simon McBurney, allesamt digste Aufgabe der Kunst war es, eine Brücke zu des französischen Theaters, in Kontakt Schüler / -innen von Lecoq, oder Insze- bilden zwischen der sichtbaren und unsichtbaren Welt. Antonin Artaud z.B. träumte von einem The- ater der Trance und des Rituals. Theater sollte für den Zuschauer nicht Schauspiel sondern Erlebnis sein. Georges Pitoieff war durch die von ihm be- suchte Aufführung in Hellerau zutiefst berührt. Er hatte offensichtlich erlebt, dass Menschen–und nicht Tänzer im herkömmlichen Sinne–mit natür- lichen und in bestimmter Weise rhythmisierten Bewegungen eine besondere Magie ausstrahlten und zwar in der Weise, dass sie von einer Gesetz- mäßigkeit bestimmt waren, die jedem szenischen Geschehen, also auch dem Theaterspiel, zugrunde liegt. Pitoieff spürte gleichzeitig, dass auch er diese Gesetzmäßigkeit lernen könne, ohne Musiker oder Tänzer sein zu müssen. Er blieb einige Monate bei Emile Jacques

1909-2009 49 121923-2009 (A.H.)

nierungen von Jean Louis Barrault und Peter Brook, so weht einem, obwohl die individuellen Stile sehr ausgeprägt sind, der Geist dieses Bühnenschaffens auch heute noch stark entgegen. Allen gemeinsam ist, dass sie beabsichtigen, die Zuschauer / -innen auf belebende Weise durch das Theaterstück mitzunehmen und ihre Wahrnehmung zu erweitern. Das Bühnengeschehen will vom Pu- blikum erlebt werden, andernfalls könnte es das Stück ja gleich zu Hause im Bett lesen. Was erzeugt das Erleben? Wenn ein Bühnengeschehen lebendig ist, ist das Publikum fasziniert, es atmet mit, es ist emotional dabei, es ist offen für neue Eindrücke. Vo- raussetzung dazu ist, dass die Schauspieler / -innen gelernt haben, Bewegung differenziert einzusetzen. Lecoq sagt: „Jeder von uns teilt sich durch seine estik mit, bewußt oder unbewußt, mit oder ohne Wunsch zu kommunizieren“2. Er beschreibt weiter, wie sich diese Gestik als unsere primäre Sprache erweist und unsere tiefere die Schauspieler / -innen, emotional und und sprechen zu können. Natur zeigt. körperlich vollkommen präsent zu sein. Rhythmik wird in manchen Schau- „Das Gesicht, die Hände, der Körper offenbaren Die intellektuelle Ebene läuft gleichsam spielausbildungen als eigenes Fach ge- die Gefühle, die Leidenschaften, den dramatischen im Hintergrund mit, ohne diese Präsenz lehrt, in vielen jedoch nicht. Bezüglich Zustand...“3 zu stören. Dieser Zustand erzeugt die der Musik- und Bewegungsausbildung Er schreibt auch: Intensivierung von Leben und die Leich- gibt es große Unterschiede zwischen den „Eine Bewegung hat keine Form und kein Leben, tigkeit der Darstellung auf der Bühne. Im Schulen. Manche bieten sie in Form von wenn sie keinen Rhythmus hat und hier berühren wir modernen Sprachgebrauch würde man getrennten Fächern bestehend aus Ballett den wesentlichsten Punkt der Bewegung..... Wir wissen auch von einem Gefühl des „Flow“ spre- und Gesangsunterricht an, manche legen über ihn (den Rhythmus, Anm. der Verfasserin), dass chen. Peter Brook umschreibt es so: ein Schwergewicht auf die Bewegungs- er die organische Essenz ist, dass er us Schwüngen und „Die Essenz des Theaters liegt in einem ausbildung und andere wiederum bie- Wiederfallen, aus den Bezügen zwischen betonten Mysterium namens ‚der gegenwärtige Au- ten individuelle Körperarbeit, Akrobatik, und unbetonten Zeiten besteht, aber er entgeht uns in genblick’“6. Tanz, Rhythmik, Stimmbildung, Gesang seinem Wesen, sobald man versucht ihn zu ergründen, Georges Pitoieff weist darauf hin, und Improvisation an. Außerdem ent- so wie uns das Mysterium des Lebens entgleitet....Die dass Dalcroze nicht etwas Neues da- standen inzwischen neue Methoden, sich theatralische Vereinigung zwischen dem Publikum zuerfunden hat, sondern dass er eine dem Rhythmus anzunähern, die nicht und dem Autor mittels der Schauspieler ist eine rhyth- Entdeckung gemacht hat, die er allen über den musikalischen Weg, sondern mische Übereinstimmung....Von der Bewegung zu zugänglich machen kann–die Natur des z.B. über das Spiel mit der Neutralen sprechen, dem Rhythmus, dem Raum und der Zeit heißt Rhythmus und seine Gesetzmäßigkei- Maske führen9. Dennoch fragt man sich, vom Leben und seinem Mysterium zu sprechen“4. ten–und dass man nur über den Körper warum es nicht selbstverständlich ist, Am deutlichsten wird dieses Phänomen, wenn Rhythmus erschließen kann. dass Rhythmik als Fach vertreten ist: Ist man Gelegenheit hat, eine Aufführung in einer In meiner Arbeit mit Schauspielern es die Komplexität von Rhythmik, die fremden Sprache zu erleben. Ist man gepackt und und Schauspielerinnen habe ich erfah- schwer verbal zu vermitteln ist? Ist es fasziniert vom Bühnengeschehen, obwohl man die ren, dass diese oft wenig Bewußtsein die Gefahr der Konditionierung, die bei Worte nicht versteht, zeugt dies von einer lebendigen für zum Teil einfachste rhythmische Zu- einer einseitig verstandenen Rhythmik Inszenierung5. Umgekehrt, wenn es zu langweilig sammenhänge haben. Ob das Spiel am eintreten kann? Ist es das mangelnde wird und die Gedanken abdriften in ein distanziertes Abend „funktioniert“ bleibt dadurch sehr Engagement von Rhythmiklehrenden, Beobachten des Spieles, kann man immer Mängel unsicher. Aus Verlegenheit entstehen Kontakt zu Theaterschaffenden zu su- in den Rhythmen auf verschiedenen Ebenen entde- „Löcher“, wie Pitoieff sie beschreibt oder chen und in einen fachlichen Austausch cken, z.B. dass Bewegungen in einen gleichförmigen rhythmische Eintönigkeit in einer über- zu gelangen? Rhythmus verfallen oder auch die Sprache in immer sprudelnden Aktivität beim Sprechen, Gerade durch die Verbindung von gleichen, eher mechanischen und gleichförmigen die die unsichere Situation überspielen Musik und Bewegung kann Bühnen- Hebungen und Senkungen verläuft oder dass Pausen soll. Das sind sicherlich keine guten Vo- wirksamkeit konzentriert erlernt werden. und Stille fehlen. raussetzungen, lebendiges Theater zu Musikalisierung und Bewegungsbewußt- Raum und Zeit werden von Rhythmus struktu- zeigen. Peter Brook sagt: sein gehen hier Hand in Hand. Folgende riert. Jede Bewegung–im Alltag und auf der Bühne– „...im Theater kann man von einer Themen der Rhythmik erscheinen mir unterliegt rhythmischen Gesetzmäßigkeiten. Wer Sekunde zur anderen das Publikum ver- daher für den Bereich Theater besonders ein Bewußtsein dafür entwickelt hat, verleiht dem lieren, wenn das Tempo nicht stimmt“7, relevant: Spiel auf der Bühne mehr Intensität, mehr Präsenz und auch: – Erfahrung von Pulsation, Fluß und und neue Erlebnisqualitäten, denn auf der Bühne „Im Theater ist „so irgendwie“ der Synchronisation und ihre körperliche zu stehen bedeutet, mit verdichteter Zeit umzu- größte und tückischste Feind“8. Verankerung; gehen. Schauspieler und Schauspielerinnen – Verschiedene Tempi in Bewegung Die menschliche Dimension des Darstellers haben z.B. manchmal kein Maß dafür, und Sprache umsetzen; überträgt sich durch den Stimmklang, durch den was „schnell“ und „langsam“ ist, geschwei- – Deblockierung der Eigenrhythmen Rhythmus der Sprache und den Rhythmus der Bewe- ge denn, was ein doppeltes oder halbes durch Bewegung; gungen. Wechsel der Tempi, crescendo, diminuen- Tempo ist und die daraus resultierende – Miteinander „grooven“ / sich dem do, fortissimo, pianissimo, accelerando, ritardando veränderte Einteilung der Bewegung im Rhythmus überlassen; und Pausen tragen die Vitalität und Sensibilität des Raum. Ich habe aber stets erfahren, dass – Sich voneinander abgrenzen / Spieles. große Bereitschaft besteht, dies zu lernen, Rhythmen formen; Beachtung der Rhythmisierung ist ein Mittel für um wenigstens Grundrhythmen bewegen – Parallel zum Fluß der Pulsation ei-

50 1909-2009 121923-2009 (A.H.)

4. Jacques Lecoq « Un mouvement n’a aucune forme ni aucune vie s’il n’a pas de rythme et, là, nous touchons à l’aspect majeur du mouvement... Nous savons de lui qu’il est d’essence organique, qu’il est fait d’élans et de retombées, de rapports de temps forts et de temps faibles, mais il nous échappe dans son essence lorsqu’on veut le pénétrer, comme nous échappe le mystère de la vie. » (S.103)

Angelika Hauser is a professor and the director of the Department of Music and Movement Training and Music Therapy in the Vienna University of Music and the Performing Arts.

ne zweite Handlungsebene einführen; Dialekt geschrieben und wohl kaum Abstract (Paul Hille) – Spiel mit rhythmischen Gegensät- jemand im Publikum konnte diese zen und ihr körperlicher Ausdruck; Sprache verstehen. Dennoch ist mir At the beginning of the twentieth century, – Erkennen der Gefahr der Mecha- dieser Abend als besonders stim- performing artists in all fields were trying to nisierung und wie sie durchbrochen mungsvoll, bunt, berührend und distance themselves from the declamatory style werden kann; begleitet von z.T. nicht enden wol- which had become fossilized through tradition. – die Bedeutung von Pause und Stille lenden Lachsalven des Publikums The attempt to free oneself from moral restraints und ihr körperliches Äquivalent; in Erinnerung geblieben. required that the body also be freed, and art – Rhythmus im Zusammenhang von 6. Peter Brook: Das offene Geheimnis; again began to form a bridge between the seen innerem Impuls und äußerem Verhalten Fischer Taschenbuchverlag Frank- and the unseen worlds. It somehow made visible und ihre Synchronisierung; furt am Main 2000; S.117 the dimensions of the unseen and unspeakable: – Bewegungs- und Sprachformen 7. a.a.o.; S.22 of spirituality and mystery. innerlich lebendig halten. 8. a.a.O.; S.28 Adolphe Appia (musician and architect) and Diese Themen könnten dazu dienen, 9. Beim Spiel mit der Neutralen Maske Emile Jaques-Dalcroze (musician, composer in einen verstärkten Dialog mit Thea- geht es um die Identifikation mit den and creator of Eurhythmics) were both signifi- terschaffenden zu gelangen und im Ge- Elementen, Tieren, Farben usw. und cantly involved in the festival performances spräch mit ihnen eine Arbeitsbasis für ihrer Darstellung durch Bewegung. of the Hellerau Education Centre. They both Rhythmik in der Theaterausbildung zu Auf diesem Wege erlernt man die influenced important artists in various fields bilden. dynamischen Möglichkeiten von by their initiatives, especially that of the new „Die Kunst ist ein Rad, das sich um ei- verschiedenen, zumeist irrationalen method of Eurhythmics. In Hellerau, Georges nen ruhigen Mittelpunkt dreht, den wir Rhythmen und ihre Auswirkung auf Pitoieff observed that people who were not nec- weder greifen noch definieren können,“ die Bewegung im Raum. Als Schü- essarily dancers in the normal sense of the word meint Peter Brook10. Kann es sein, dass lerin von Lecoq empfand ich diesen were radiating a special kind of magic through sich die Rhythmik in unmittelbarer Nach- Zugang nicht nur als wertvoll, um their natural and rhythmic movements. Pitoi- barschaft dieses Mittelpunkts befindet? die Vielfalt des eigenen Ausdrucks zu eff sensed that he could also learn this system Andernfalls hätte sie wohl nicht das entwickeln, sondern er war auch Ins- without having to be a musician or a dancer. He Potential, auf unterschiedliche Künste piration, die Möglichkeiten der musi- states that Dalcroze did not invent something so starken Einfluss zu nehmen und sie kalischen Improvisation zu erweitern. new, but rather discovered something which untereinander verbinden zu können, vgl auch: Jacques Lecoq: Der poeti- could be made available to all: this something besonders im Bereich des Theaters, wo sche Körper; Alexander Verlag Berlin; is the nature of rhythm which can be learned Bewegung, Musikalität der Sprache, Ar- 2000 only through physical experience. chitektur in Form von Bühnenbild und 10. Peter Brook; a.a.O.; S. 135 Jacques Copeau, the great revolutionary Lichtdesign zusammenwirken, so wie es Französische Originaltexte: of French theatre came into contact with Ap- auch Georges Pitoieff beschreibt. 1. Jacques Copeau pia and Dalcroze in Hellerau through Georges « Avec la vie, les idées de grandeur et Pitoieff. After this meeting he formulated the de style se sont éclairées pour nous, et concept of a multi-disciplinary training method Quellen pour les servir, nous sommes retournés for actors. Successors of this method stress the aux principes éternels [...] Musicien et fundamental importance of rhythm in acting. 1. Jacques Copeau: Appels; Gallimard architecte, Appia nous enseigne que la Every movement, in everyday life as on stage, is Verlag Paris 1974; S.67 durée musicale, qui enveloppe, com- subject to the rules of rhythm. Such conscious- 2. Jacques Lecoq: Le théatre du geste; mande et règle l´action dramatique, ness can lend increased intensity and presence Bordas Verlag Paris 1987, S.19 engendre du même coup l´espace où to stage acting. 3. a.a.O.; S.24 celle-ci se développe. » Since the curriculae of various actors’ train- 4. a.a.O.; S.103 2. und 3. Jacques Lecoq ing programmes contain offerings in the areas 5. Dieses Phänomen durfte ich bei- « Chacun de nous s´exprime – incons- of movement and music, including eurhythmics, spielsweise bei der Aufführung von ciemment ou non, avec ou sans désir de why is eurhythmics not included in these pro- „Baruffe Chiozzotte“ von Goldoni in communiquer –, par des gestes... » (S.19) grammes as a matter of course? Eurhythmics der Inszenierung von Giorgio Streh- « Le visage, les mains et le corps ma- has the potential to influence other artistic fields, ler im Theater an der Wien erleben. nifestant les sentiments, des passions, and to provide a connection between them. Dieses Stück ist in venezianischem des états dramatiques... » (S.24)

1909-2009 51 121923-2009 (McC.)

Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (pp.53-55) © C.S. Photographie de Michèle de Bouyalsky (p.52) © M. de B. Rhythm in Art and Life: Stanislavsky by Dick McCaw and the Art of Acting

ITOEFF’S RHAPSODIC WORDS ON RHYTHM ficult piece looks transparently – and of follow the role that rhythm plays in the and on Hellerau resonate within course, deceptively – simple. There is a cer- pedagogy of Constantin Stanislavski (1863 me (the metaphor of resonance tain transparency when something is rhyth- – 1938), from his writings on actor training, reminds us how ubiquitous is the mical – it is a state when the movement, the and his work with opera singers (which al- theme of rhythm). As he says, playing, the working, become clear, intelli- lows him to compare the rhythmic sense of rhythm is an index of how well gible, pleasurable. Rhythm is also very no- the actor and the musician). Did Stanislav- an organism or a machine is working. A me- ticeable by its absence: a petrol engine whose ski know of Dalcroze? His biographer Jean chanic can listen to the rhythm of a car-en- timing is out produces terrifying explosions. Benedetti states that he did, but that he ‘by gine and declare that it is ‘ticking-over’ beau- We say people are ‘out of synch’ when they no means gave unqualified approval’ to an tifully. It can be an index of how well one aren’t working together or aren’t communi- approach which ‘he often found mechanical’. has mastered working with a tool or a ma- cating. But while we can refer to our heart ‘He insisted on an inner justification for and chine; how well one has harmonised and as a ‘pump’ or a ‘ticker’, our bodily organism an awareness of each movement.’1 While I adapted one’s own movements to its spe- is bewilderingly more complex than any cannot comment on whether Stanislavski’s cific constraints and possibilities. It can dem- clockwork or hydraulic mechanism. I am is a fair account of Dalcroze, this tension onstrate a state of understanding of a par- interested in pursuing this distinction be- between the metrical and outer aspect, and ticular activity or skill. Being able to perform tween mechanical and organic in connection the emotional and inner aspect of rhythm something rhythmically makes that activity with the teaching of rhythm. Can rhythm be maps out the argument of this short essay. intelligible (readable) to others. I watch John understood through counting (the measured Williams or many of his students play the beats of metronome), or is it something al- guitar and marvel at how even the most dif- together more subtle and organic? I shall 1. Bernadetti, 1989:48

52 1909-2009 121923-2009 (McC.)

In Building a Character Stanislavski de- it sounded like ‘beat’ in his thick Russian ac- learned about the musicality of theatre, the votes over 80 pages to the subject of rhythm. cent5. This is often cited as a comic misunder- concepts of rhythm and tempo. The lesson begins with him reading out a standing, but beats are bits within a musical A musical score provides the basic speeds, technical description of rhythm, where he composition. In the following paragraphs I an inner impulse for each part or unit of the defines tempo as ‘the speed or slowness of shall demonstrate how Stanislavski moved action. That impulse is integral to the scene. beat of any agreed-upon units of equal length from working with bits to beats; and, as he Stanislavski carried this notion over into in any fixed measure’, and rhythm as the moved to a more musical approach to perfor- the dramatic theatre and from this period ‘quantitative relationship’ between units of mance, so he envisaged a much wider role onward he was increasingly concerned in re- sound or movement.’2 In order to demon- for rhythm than simply dividing up units of hearsal to find the appropriate tempo-rhythm strate the divisions of a beat he then sets off time. While the actor’s job is interpretative, for each moment in the play.6 a number of metronomes, each successive there is also a compositional aspect – the Interestingly, Stanislavski argues that one counting ever smaller divisions: the re- bits/beats of their role have to be organised the actor’s job is more difficult than the musi- sult is a ‘clatter of dizzying sounds’3. The into rhythmic units or phrases, each with cian’s precisely because they have to ‘carry purpose of the exercise is to assist the actor its own emotional/rhythmic quality. His the composer within’ them; they ‘must create in distinguishing the rhythm of his or her demand that acting be regarded as an ‘art’ [their] own rhythm’7. own role, ‘from the general, organized chaos (remember his was called the Moscow Art Stanislavski has already moved some of speed and slowness going on around you Theatre) rests precisely on this constructive distance beyond a mechanical interpretation on the stage’4. Later exercises are described aspect. While an actor starts by breaking of rhythm, and is discussing matters that go in which all the students clap and count the down a role into its constituent parts, these to the heart of human movement, motivation beats, before moving on to military drill – all have then to be organised into phrases, each and emotion. these exercises remaining within the fixed with its own rhythmic and dynamic mark- Wherever there is life there is action; and rigid compass of mechanical time. At ings. This compositional aspect of rhythm wherever action, movement; where move- the most basic level rhythm helps an actor is at the heart of the actor’s work on their ment, tempo; and where there is tempo break up a play into smaller and therefore performance score: it is about organising there is rhythm. …Every human passion, digestible bits. Sharon Carnicke relates that the performance material into intelligible every state of being, every experience has when Stanislavski pronounced the word ‘bit’ units. Stanislavski set up two Opera Studios, its tempo-rhythms.8 the first in 1918 and the second in 1935, and Benedetti argues that it was here that he 2. Stanislavski, 1979:183 –4 6. Benedetti, 1988: 237 3. Stanislavski, 1979: 185–6 7. Stanislavski, 1967:169 4. Stanislavski, 1979: 187 5. Carnicke, 2001: 57 8. Stanislavski, 1979:198

1909-2009 53 121923-2009 (McC.)

Moreover, rhythm isn’t just about ac- standing in a completely different rhythm tors building up their own rhythmic score than before? Do you feel the difference? To within a piece: it is also about the rhythm of stand and watch for a mouse – that is one the play as a whole. In Building a Character rhythm; to watch a tiger that is creeping ‘Torzov’ (a fictitious version of Stanislavski up on you is quite another.13 the teacher) addresses his young students This is an even more subtle account of on the subject: rhythm since it doesn’t even involve move- Tradition has it that your great prede- ment, simply a certain state of attention – of cessors … always arrive in the wings well muscular tension–whilst standing. ahead of their entrances so that they could Stanislavsky’s approach to finding a have ample time to catch the tempo of the role is still practised today by inheritors of performance under way. That is one reason his tradition: Bella Merlin describes work- why, when they came on they brought with ing on the role of Sonya Marmeladov from them a certain liveliness, truthfulness and Dostoevsky’s Crime and Punishment with struck the right notes for the play and their Director/Teacher Albert Filozov (b.1937). parts in it.9 She states: Stanislavski/Torzov explains the emo- Filozov’s understanding of tempo- tional rhythms of a particular situation rhythm led him to include various actions with a practical example: he beats out ‘the specified in the novel at certain moments tempo rhythm of a traveller setting out on during the dramatisation. He believed that a long journey by train’10. There is plenty if the actors executed those particular ac- of time before the train arrives for the pas- tions at those particular points, the appro- senger to buy the ticket, find the platform, priate emotion would be released.14 get a newspaper, and so on. The rhythm Indeed when she puts it into practice, is leisurely. Torzov then asks his students flinging herself at Raskolnikov’s knees, to imagine arriving at the station, ‘only a she discovers this physical impulse ‘re- short time before the train time’, and then ally did release the appropriate, truly-felt ‘just at train time’11; and, as the train time emotion’: is brought forward, so the rhythm of the The connection between body, mind actor’s movements becomes ever more and emotions was made by simply exe- anxious. These externally given details cuting the specified action at a particular – what he calls the Given Circumstances tempo-rhythm in the determined given of the situation–elicit internally felt emo- circumstances of the scene.15 tions which are manifest in external move- I am tempted to rewrite Merlin’s state- ments. Later, he calls these very specific ment and say that the body and mind are situations ‘images’ and insists that ‘tempo- connected through rhythm. I also want rhythm cannot be clearly recalled and felt to examine how this ‘connection between unless there are inner images present to mind, body and emotions’ is made, in the correspond to it, unless certain circum- hope that this in turn will help us under- stances are suggested to affect the emo- stand how an actor (and indeed any re- tions concerning objectives and actions flective human being) uses rhythm. In to be achieved.’12 Here rhythm is being Descartes’ Error neurophysiologist An- used as an inner prompt to the imagina- tonio Damasio argues that emotions are tion – the given circumstances and the experienced (i.e. known) as feeling-states rhythm are bound together in a solidary of the body. While lower animals may sim- relationship. ply experience fear in terms of stimulus The train improvisation must have and response, humans have a reflective been a favourite with Stanislavski because faculty. We have ‘the feeling of the emotion it is also described by Vasily Torpokov an in connection to the object that excited it, established actor who took part in work- the realisation of the nexus between ob- shops at the old master’s flat between ject and emotional bodily state’16. In other 1936 – 8. Stanislavski barks out that he is words, there is a situation in the outside ‘not standing in the correct rhythm!’ He world (either present or remembered); our replies that he has ‘no idea whatsoever physical reaction to it (a change of body- what rhythm is’. state); and our awareness (and memory) of That is not important. Around that cor- that reaction. We not only have a reaction ner is a mouse. Take a stick and lie in wait but are also capable of making a connec- for it; kill it as soon as it jumps out … No, tion between that reaction and what we that way you will let it escape. Watch more are reacting to. He makes an important attentively–more attentively. As soon as I distinction between feeling and emotion: clap my hands, beat it with the stick … Ah, ‘If an emotion is a collection of changes in see how late you are! Once more. Concen- body state connected to particular men- trate more. Try to make the stroke of the tal images that have activated a specific stick almost simultaneous with the clap. brain system, the essence of feeling an Well, then, do you see that now you are emotion is the experience of such changes

9. Stanislavski, 1979:217 13. Torpokov, 1979:62 10. Stanislavski, 1979:195 14. Merlin, 2001: 219 11. Stanislavski, 1979:196 15. Merlin, 2001:200 12. Stanislavski, 1979:196 16. Damasio, 1994:132

54 1909-2009 121923-2009 (McC.) in juxtaposition to the mental images that Bibliography initiated the cycle.17 It is fundamental that we grasp the subtlety of the relation  Benedetti, Jean, Stanislavski: A Biogra- between ourselves and the world as ex- phy (Methuen, London, 1988) perienced in terms of these feeling states:  Benedetti, Jean, Stanislavski: An Intro- it is precisely because we can conjure up duction (Methuen, London, 1989) an image of a situation (being late for a  Carnicke, Sharon, Stanislavsky in Focus train) and experience again the change (Harwood Academic Publishers, Am- of body-state provoked by it (total panic) sterdam, 1998) that we can identify and learn from our  Damasio, Antonio, Descarte’s Er- emotions. Following Damasio I would ror (Quill, HarperCollins, New York, argue that Rhythm is just such an identifi- 1994) able state of the body: if our reaction takes  Gorchakov, Nikolai, Stanislavsky Di- the form of an overt movement, then this rects Tr. Miriam Goldina, (Funk and will be performed with certain rhythmic Wagnalls, New York, 1954) qualities – and a certain muscular tonus–  Merlin, Bella, Beyond Stanislavsky which we can be and has been associated (Nick Hern Books, London, 2001) with a certain emotion. Rhythm is an  Stanislavsky, C, On the Art of the Stage, essential part of our understanding of Tr. David Magarshack (Faber and Faber, ourselves in the world as embodied and London and Boston, 1967) intelligent beings.  Building a Character, Tr. Hapgood Although we began with Stanislav- (Methuen, London,1979) ski’s very quantitative account of rhythm,  Creating a Role, Tr. Hapgood (Methuen, it is clear that he understood rhythm as London, 1981) something profoundly qualitative. In  Stanislavski on Opera, Tr & Ed Hapgood an address to opera singers he warned (Theatre Arts Books, them against following the rhythm of ‘the  Rumyantsev, P, Routledge, New York measures, the stresses’, ‘I am speaking and London, 1998) here of the inner rhythm which makes  Torpokov, Vasily, Stanislavsky in Re- you act differently, breathe differently’18. hearsal (Routledge, London, 1979) In another address he argues that the art of theatre can only be accepted as ‘intelligible and necessary’ if we ‘realise that the foundation of the whole a man’s life, the rhythm given to him by nature, namely respiration, is also the foundation of the whole of our art’19. The founda- Dick McCaw is a Senior Lecturer in Drama tions of the art of acting lie in the most and Theatre at Royal Holloway, University obvious rhythm of life – breathing. But of London, and a Feldenkrais Practitioner. in the progress from a metronomic to a more organic conception of rhythm Stan- islavski’s role shifted from that of teacher to that of director, offering training exer- cises at the beginning and director’s notes towards the end. Although he criticised Dalcroze for being too rigid in his teach- Résumé ing of rhythm, his own training doesn’t Cet article examine comment le shows no greater flexibility. Of course, grand directeur et acteur Constantin the big question is whether one can cre- Stanislavski approche la question du ate exercises which develop an actor’s rythme dans son système de formation sensitivity to rhythm. Because rhythm de l’acteur. Stanislavski commence par works at a somatic rather than an intel- une approche plutôt métronomique lectual level, any training would have to du rythme, mais par la suite, il se met involve physical activity. I can say from à explorer la notion de rythme d’une personal experience that contemporary manière beaucoup plus subtile, reliant Dalcroze teachers like Fabian Bautz can le rythme à la température émotion- offer such a training – but this is the sub- nelle d’une situation donnée. Ce dépla- ject of another essay! cement d’une conception mécanique du rythme vers une conception plus organique, se retrouve également dans un changement d’attitude envers la relation entre le corps et l’esprit, que n’est plus présentée comme une rela- tion mécanique entre l’opérateur et la machine, mais comme un organisme autorégulateur sans séparation. Ceci alors nous permet de comprendre la vie 17. Damasio, 1994:145 émotionnelle de l’organisme humain 18. Stanislavski and Rumyanstev, 1998:12 en terme de sa vie rythmique. 19. Stanislavski, 1967:93

1909-2009 55 E.A. (0219241) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Qu’est-ce que la « Rythmique » ? par Ernest Ansermet

A GYMNASTIQUE RYTHMIQUE A PRIS naissance dans les cours de solfège que donnait, naguère, M. Jaques-Dalcroze au Conser- vatoire de Genève. Ce solfège n’était pas un code de pure théorie, un ressas- sage de règles routinières. Pédagogue- né et pédagogue-artiste, se donnant tout entier à tout ce qu’il entreprenait, Jaques-Dalcroze avait fait de l’enseignement habituellement le plus mort une chose vivante. Non content d’enregistrer dans le cerveau de ses élèves les notions élémentaires de la musique, il les leur faisait expérimenter et vivre; il en faisait non plus seulement une mémo- risation mais une conscience, une connaissance au sens étymologique du mot : les élèves naissaient à la vie sonore, à la vie rythmique. Ils ne se conten- taient pas de chanter les gammes du bout des lèvres, il fallait avant tout qu’elles se passent dans la tête et que les notes y défilent avec leurs valeurs tonales différentes, comme pourvues de couleurs diverses, la tonique se détachant clairement de la série de sons successifs. Les valeurs de durée aussi n’étaient pas seulement l’objet d’une lecture ou d’une écri- ture; elles étaient réalisées en mouvement par les élèves, et cette dernière expérience surtout devait être concluante : Jaques-Dalcroze s’aperçut que la réalisation d’un rythme par les mouvements du corps était de nature à compléter, à affermir, à approfondir, parfois même à corriger la notion d’un rythme qui se proposait à l’esprit. Il vit dans le mouvement musculaire un régulateur ou un cor- recteur possible de l’entendement : ses élèves aryth- mènes de l’Espace. Ressource ignorée de cilité et l’indépendance désirables, ils de- miques, c’est-à-dire ceux qui semblaient inaptes à notre être, richesse latente dont les Grecs, meurent embarrassés et inhabiles; notre concevoir la régularité ou l’équilibre d’un rythme, sans doute, ont eu conscience et qu’ont gauche n’a pas l’agilité de notre droite; arrivaient à corriger par le concours de leurs mus- développés en eux, sans le savoir, maints nous sommes esclaves de la loi d’inertie : cles leur insuffisance cérébrale. Il vit plus que gé- danseurs, chefs d’orchestre ou virtuoses nos membres mettent autant de temps à néralement dans le mouvement musculaire un d’aujourd’hui. s’arrêter quand ils sont en mouvement moyen de développer, d’enrichir et d’approfondir La gymnastique rythmique n’est autre qu’à se mettre en mouvement quand ils le sens rythmique : ses élèves normaux, je veux qu’une discipline de ce sens rythmique sont au repos; ils savent mal à la fois exé- dire ceux doués de sens rythmique, prenaient de musculaire, une méthode rationnelle et cuter des mouvements contradictoires; ils celui-ci une conscience plus claire et plus ferme, intégrale de son développement et de son se gênent mutuellement et sont antago- en usaient avec plus de maîtrise et de liberté, application. nistes. Il faut détruire ces antagonismes lorsqu’ils s’étaient accoutumés à incarner dans Ainsi définie, on comprend que son de nos muscles; il faut désentraver nos leurs gestes les mouvements rythmiques idéaux premier soin soit de mettre au service du gestes pour qu’ils soient de notre pen- que leur esprit pouvait concevoir. rythme un instrument aussi parfait que sée les serviteurs parfaits. Ils doivent L’expérience avait ainsi conduit Jaques-Dal- possible, un corps maître de lui-même, en être encore les serviteurs spontanés croze à user d’un sens jusqu’alors inconnu, ou du libre et spontané. Le théoricien allemand pour qu’au commandement du cerveau le moins inanalysé et inexploré, qu’il appela le sens Schleich définissait le rythme comme un geste obéisse sans retard. Alors seulement, rythmique musculaire, lequel étend à tout l’orga- compromis entre la force et la résistance. nous atteignons le calme, l’assurance et nisme humain une vertu qu’on limitait communé- Il faut prendre conscience de nos forces et la maîtrise et notre sens rythmique peut ment aux centres cérébraux, et fait de notre corps, de nos résistances. Soit impéritie native, s’abandonner librement à ses impressions l’instrument où se joue le rythme, le transformateur soit laisser-aller et mauvaises habitudes, et à ses velléités créatrices. où les phénomènes du Temps se muent en phéno- nos muscles ne « jouent » pas avec la fa- Ayant dégagé de sa gangue le sens

56 1909-2009 E.A. (0219241)

rythmique musculaire et nous ayant incarnées par la gymnastique rythmique l’émotion rythmique,–de plus, n’en faisant point un donné conscience de cette faculté, la gym- dans leur valeur quantitative seulement, élément statique, mais un élément de mouvement, nastique rythmique cherche ensuite à en mais aussi dans leur valeur qualitative : elle lui rend du même coup et doublement sa beauté organiser l’usage. Elle établit l’économie aux valeurs diversement accentuées cor- et sa chasteté. Elle réinstaure cet art que les Grecs du geste. Comme dans un morceau de respondent des contractions plus ou moins cultivaient sous le nom d’Orchestique et que notre musique bien fait chaque note est néces- fortes, plus ou moins rapides des mus- temps et notre Europe avaient laissé tomber dans saire, il faut que nos gestes ne soient pas cles. La gymnastique rythmique amène les amusettes du ballet classique ou la sensualité indifférents, mais précis, justes dans leur donc l’individu qui a subi sa discipline, à des poses plastiques. nature et dans leur portée. Et c’est ici, pré- être capable de comprendre et de réali- On le comprend maintenant : la gymnastique cisément, que la gymnastique rythmique ser par le geste, spontanément, l’orga- rythmique n’est pas complètement définie lorsqu’on fait appel à la musique, qui lui donne un nisme rythmique d’une musique même dit qu’elle est un mode d’éducation musicale. Elle modèle concret et parfait de l’usage du très complexe. Elle aboutit à une sorte touche par son nom et par l’usage qu’elle fait du rythme. de musique du geste, plus intéressante corps humain, à la gymnastique ordinaire. Mais À l’image de ses divisions, subdivi- encore pour celui qui y éprouve sa pleine alors que celle-ci cultive surtout l’athlétisme, le sions et groupements de valeurs de du- conscience de la musique entendue, que développement en puissance des muscles, elle rée, la gymnastique rythmique crée des pour celui qui en est spectateur et qui y recherche plutôt l’harmonie des centres nerveux, divisions, subdivisions et groupements voit une représentation de cette musique. l’équilibre et l’indépendance des forces musculaires. de valeurs d’espace, que détermine le Représentation est d’ailleurs trop faible, La gymnastique ordinaire, elle-même, peut faire geste. Elle fait une sorte de grammaire ici, c’est incarnation ou personnification appel aussi à la musique, dans ces préliminaires par du geste, réglant la correspondance du qu’il faudrait dire, et l’on saisit tout de lesquels elle introduit l’ordre et la précision de ses mouvement et du rythme. Grammaire suite la nuance, car il ne s’agit plus d’un mouvements. Mais elle reste dans son essence tout arbitraire, sans doute, mais où l’intui- schéma, d’une figure morte, mais d’un autre chose que la gymnastique rythmique. Celle-ci tion a guidé Jaques-Dalcroze avec une organisme sensible et frémissant; la ma- est une nouvelle gymnastique ayant son existence telle sûreté que l’expérience l’a montrée tière représentative n’est pas quelconque, propre et ses propres applications. L’éducation mu- naturelle et presque nécessaire. Ainsi elle est la plus belle matière vivante, le sicale et la chorégraphie sont de ces applications, toutes les formules rythmiques dont use modèle de la beauté plastique : le corps qui ne sont point encore toutes développées. la musique trouvent leur représentation, humain. Et c’est pourquoi la Rythmique Faisant appel à la musique pour sa mise en et non seulement les formules monoryth- n’est pas une science mais un art. Elle oeuvre, la Rythmique, par un juste retour, donne miques, mais les polyrythmiques, celles cesse d’être une science le jour où le corps, à ceux qui la pratiquent une connaissance, une qui font entendre plusieurs rythmes si- ayant conquis sa liberté motrice et ayant conscience de la musique singulièrement vivante multanés et qui peuvent être interprétées appris à s’en servir, se livre à son besoin et profonde. Jaques-Dalcroze n’a pas eu besoin d’y par un même individu faisant plusieurs personnel d’expression. Ne cherchant pas ajouter grand-chose pour constituer un enseigne- mouvements à la fois ou par un groupe dans le corps une fin, mais un moyen – le ment intégral de la musique. Les mille difficultés d’individus. Enfin, les durées ne sont pas moyen expressif de la plus pure émotion, rythmiques que le musicien rencontre dans la pra- tique de son art : exécuter au piano un rythme à la main gauche, et un autre rythme à la main droite, entendre ou conduire à l’orchestre des rythmes simultanés et différents, maintenir l’égalité d’un mouvement, ménager une accélération ou un ra- lentissement réguliers, faire succéder brusque- ment des mouvements qui soient dans des rapports déterminés, concevoir intégralement une oeuvre polyphonique,–ces difficultés que le musicien ordi- naire doit vaincre dans chaque cas particulier, sont résolues une fois pour toutes et d’avance pour celui qui acquiert la culture dalcrozienne. Cette culture donne l’habitude, le besoin de concevoir intérieurement le rythme qu’il traduira par ses gestes; elle en fait l’esclave de la musique alors qu’on en était arrivé à rendre la musique es- clave de la danse. C’est dans un corps où le sens rythmique s’est préalablement organisé, ayant orienté son action du dedans au dehors, que le danseur cultivé par la gymnastique rythmique peut faire fleurir la virtuosité du geste. Appliquée au théâtre, la gymnastique rythmique a montré qu ’elle renouvelait complètement le sens du geste et du mouvement scéniques. Mais, encore une fois, elle ne dépend pas de ses applications. Et l’on peut dire que lorsqu ’elle a réveillé en nous la richesse endormie du sens rythmique musculaire, nous appelant à une vie terrestre plus belle, plus saine et plus harmonieuse, elle a accompli sa mission,–une mission qui suffirait assurément à sa justification et à sa gloire.

1909-2009 57 0219241-2009

Illustration : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Are Ansermet’s remarks by Barbara Dutkiewicz still relevant?

RE ERNEST ANSERMET’S REMARKS tion) and their creative individuality1. At the Eurhythmics is also applied in artistic FROM the year 1924 on “what same time, children are introduced to music, schools: in all music schools in classes 1-3, is eurhythmics?” still relevant a very abstract art. During their eurhythmics where all children, regardless of the instru- from the perspective of the classes the children are familiarized with and ment they learn to play, are taught the basic development of the Dalcroze experience, through movement, the elements principles of music (all rhythmical values, method in Poland? of music, its structure and various musical pauses, rhythmical groups, all elements of Emile Jaques-Dalcroze’s method of eu- phenomena, all thanks to their movement ac- a musical work and musical phenomena, rhythmics has been applied in Poland almost tivity correlated with music while engaging including professional nomenclature and from the beginning of its existence, both in the whole body. The development of musical- notation); in ballet schools, where, through general and artistic education. It is common ity in children is accompanied by the develop- eurhythmics, students learn the principles in kindergartens all over the country. It is ment of imagination and creativity2. of music; in theatre academies, where apart assumed that movement activity in children from stage movement and dance it becomes of that age appears to be predominant, and a way of developing the sense of rhythm, ex- because eurhythmics is based on movement it 1. More in: Dutkiewicz, B. 2007. Moliwoci pression and plasticity of the body; in musi- allows them to experience the wealth of mu- rozwoju indywidualnych cech dziecka w cal academies, where it can be chosen as sic, moreover it helps to experience it more ramach realizacji zaj umuzykalniajcych the main field of study (for future teachers metod zaj umuzykalniajcych metod rytmiki. fully since it also stimulates the children’s of eurhythmics); in junior high (13-16 year In Edukacyjny aspekt uczestnictwa w kulturze emotions. It facilitates the child’s psychomo- muzycznej. Ed. Knapik,M., Sacher, W.A., tor and general development (movement co- W.S.A., Bielsko-Biała, 2007. dziecka. In Dziecko w kulturze europejskiej. ordination and development, concentration, 2. More in: Dutkiewicz, B. 2005. Rola Ed. Knapik,M., Sacher, B. l., U; Katowice, divisibility of attention, and spatial orienta- improwizacji ruchowej w rozwijaniu wyobrani 2005.

olds) and secondary (16-19 year olds) music Ernest Ansermet emphasized many times early stage of education, i.e. when they learn schools which educate young people who that “eurhythmics gives those who practice it to understand the notes and basic musical choose this method as their main field of exceptionally live and deep musical knowledge phenomena, but do not have the opportunity education and also vocalists for whom eu- and consciousness”, and that “difficulties of to enrich their musical knowledge later on rhythmics is usually the only subject at school this kind [earlier he mentions the pianist’s or while working on the structure of a musical which involves movement. Unfortunately conductor’s hand co-ordination and the sense work, phrasing and musical and movement there is no eurhythmics included in the edu- of pulse and accentuation in polyrhythms, ac- expression, or oral and movement coordi- cation of instrumentalists, conductors, com- celerando or rallentando] that a musician has nation (which in their case is the key skill) posers and music theoreticians after class to overcome are solved once and for all before because at a further stage of education (more 3 of the primary school. This results in the they appear by those who study the Dalcroze mature) eurhythmics is replaced by theory. fact that the majority of adult musicians do method.” Nowadays there are few musicians By saying that motor activity is indispensable not remember and do not understand what who understand, the same way as Anserment for correct and harmonious psychosomatic they learnt at the beginning of their artistic did, that “the skills one can acquire through development, modern psychology and peda- road thanks to eurhythmics, and they do not eurhythmics are indispensable for a virtuoso, gogy stress the value of education through know that thanks to it they could pursue their conductor or instrumentalist”. The same is individual experience in creative activities. development at further educational stages. true for dancers who study eurhythmics at an All the more so because what is of prime im-

58 1909-2009 0219241-2009

portance for modern art is the skill of creative half of the twentieth century: M.Tchehov given stage situation or the character of the and original interpretation of a piece of work and his pupils L. Strasberg, S. Adler, S. Meis- role created by the actor. As well, these tech- and its qualitative expression, resulting from ner, and others). They all dreamt about the niques use the body’s memory of emotional emotional experience and sound imagina- return of movement that would be natural states arising from emotional memories in tion, and ease of expression through kinetic and expressive. the actor’s life in order to access them easily awareness. These are impossible without un- Thinking about “rhythmical emotion, at the moment of a stage creation. derstanding the form of a composition as an which is not a static element but a kinetic one”, The technique of a contemporary ac- energetic process whose intensity and course we pay attention to the flow of movement, tor, dancer and musician requires them can be easily experienced through exercises its natural organicness and mobility, which to master the co-ordination of movement, in music and movement expression, where the is one of the main principles of modern and kinesthetic awareness and ease of organic movement expression is modeled by differen- even new dance. Another essential element emotional expression – and eurhythmics is tiating muscular tensions dependent on form, of eurhythmics is improvisation understood the method which can help to achieve and phrasing and interpretation. In the case of an as the first stage of working with movement develop them. instrumental performance, dance or stage material. It became the driving force of the de- movement it just involves changing individual velopment of various kinds of modern dance3 body experiences into a form of expression and movement techniques. Also contempo- Barbara Dutkiewicz, PhD, The Karol characteristic for a given profession, where rary acting techniques related to working Szymanowski Academy of Music in the whole sphere of feelings, emotional and with the body would not exist without impro- Katowice, Poland kinetic tension remains the same. In the case visation as a form of skill development, a stage of instrumentalists, singers or conductors it in role building, or a special kind of event like concerns sound representation and the abil- a performance based on a score.4 ity of creative sound shaping and for dancers, However, eurhythmics seems to be the Résumé (trad. Mira Daniel) actors or singers creative movement material and the analysis and synthesis of the form of En Pologne, la méthode d’E. J-Dal- a work of art. 3. In Poland after World War II classical croze est utilisée dans l’éducation gé- However, as Ansermet refers to it, the ballet developed the most (this fossilized and nérale et artistique, presque depuis le choreographed form of art was easier to control début de son existence. Plus souvent, ability acquired thanks to eurhythmics is and censor). In eurhythmics it was safer to not to be the aim in itself. It can be easily concentrate on metrorhythmics, achieving the elle est employée dans la formation noticed that what was said in the first half amazing precision of the body and sticking to musicale de base, car la pédagogie of the twentieth century is reflected by the objective quasi classic aesthetics, unlike other et la psychologie actuelle soulignent development of modern dance and the reform European countries, as in the pre-war Poland, l’importance de l’activité physique of the theatre. The static equilibrium of ballet where eurhythmics as one of the accessible indispensable dans le développement poses at the beginning of the twentieth cen- ways of working with the body and music psychomoteur régulier et harmonieux tury was opposed by all great dance creators in a natural and integral way influenced the de l’individu. L’expérience et le vécu development of dance and theatre. personnel, dans l’acte créateur, accen- (led by Isadora Duncan, through expressive 4. More in: Dutkiewicz, B. 2004. Improwizacja dance, modern to new dance) and the reform- jako metoda twórcza w teatrze II połowy XX tuent la valeur de l’apprentissage et tel ers of the theatre (K. Stanislavsky, then J. wieku, Ph.D. dissertation supervised by prof.dr est le fondement de la méthode J. Dal- Vachtangov, and their followers in the second hab. U.Aszyk-Bangs, U, Katowice, 2004. croze. Malheureusement, on remarque un manque d’utilisation de la méthode après la 3eme classe primaire, puis chez les danseurs et les chanteurs et enfin dans l’enseignement des musiciens instrumentistes, chefs d’orchestres et compositeurs. La majorité des musi- ciens et des danseurs, ne savent pas que grâce à la rythmique ils pourraient plus facilement développer leurs interpré- tations, leurs coordinations du mouve- ment, leurs capacités cinétiques et leurs aisances d’expression. Ernest Ansermet partageait le même avis. Et cela n’est pas possible, sans une compréhension énergétique d’une œuvre musicale, de only way of working with the body and ness of the body, and then look towards ex- sa forme et de sa tension. Cette relation music based on emotions, expression and pression, technique and aesthetics. At this musique et mouvement corporel sont movement technique – all brought together. point we always face the choice of a movement expérimenté dans l’espace et l’énergie. And even if we nowadays want to dance in technique and style, and at the same time a Par l’utilisation de nombreux exercices, silence, without music, or when composing choice on both motor and aesthetic levels. on développe l’expression personnelle, a choreography we do not like movement The most important thing is understanding en corrélation entre la forme, le phrasé and music to be in direct unison, it will still the musical work in a wider stage context and et l’interprétation. Quant aux exercices turn out that eurhythmics is the only method having a feel for the musical matter, which d’improvisations, ils permettent une of work which allows us to teach the skill of seems particularly important for the art of forme d’expression adéquate (faculté de phrasing and making rhythmical movement choreography or musical theatre. Which mu- sentiment, de tension émotive et cinéti- material to show its complete formal richness sical or stage content we wish to communi- que, la représentation du son, la faculté and visualize its dynamics and expression of cate becomes essential. Contemporary acting d’une création) à chaque profession, condensed emotions. To work out the kinetic techniques refer to the consciousness of the que l’on retrouve dans le cas d’inter- accessibility of expression, we must overcome body or “the body’s memory”. This memory prétation instrumentale, de danse ou firstly weaknesses in movement skill related is cultivated (similarly to eurhythmics) by de chorégraphie. to co-ordination of movement and conscious- experiencing various emotional states via a

1909-2009 59 P.B. (0219242) La Rythmique et le Musicien par Paul Boepple

OUS AVEZ, SANS DOUTE, EU souvent l’oc- qui le provoquent, alors la Gymnastique à développer en première ligne le sens et casion de rencontrer des musiciens rythmique ne sera autre chose que l’ex- les facultés agogiques. incapables de maintenir un tempo plication et l’application la plus vivante et Une fois que l’étudiant sait apprécier pendant plusieurs mesures de suite. passionnante des lois fondamentales de tout tempo et tout changement de tempo, Ces musiciens, en supposant natu- la physique, de la géométrie, de la stéréo- (rapports mathématiques entre les tempi, rellement qu’ils soient sans défaut métrie et de la mathématique du temps. accélérando et ritarando mesurés ou pro- corporel ou nerveux, n’avaient-ils pas dans la rue N’est-ce pas par les mouvements de notre gressifs) l’on aborde l’étude du rythme une démarche en apparence parfaitement métri- corps que nous devrions initier l’enfant musical proprement dit, en établissant que ? aux premières notions de la science? partout où c’est possible les corrélations Comment expliquer ce paradoxe évident ? Si c’est l’âme, le grand inconnu en avec les rythmes de notre corps. C’est Cette question contient en germe l’immense nous qui ordonne nos mouvements, n’est- donc l’étude du temps, de la mesure, de problème que Jaques-Dalcroze a soulevé et dont il ce pas alors le rythme qui naît ? Le rythme la période et de la phrase, puis l’étude s’est proposé d’entreprendre la solution. Voici en dans le temps, cette source éternellement détaillée de tous les éléments et de toutes quelques mots les traits essentiels de son oeuvre généreuse de la musique; le rythme dans les formes du rythme, telles l’anacrouse, et les résultats auxquels il est parvenu. l’espace, raison d’être de la sculpture et la métacrouse, les accents, la dynamique, Le rythme, contrairement à ce que l’on a cru force génératrice de l’architecture; et le phrasé, le silence etc. Qui amèneront longtemps, est, au même titre que la mélodie et enfin le rythme dans le temps et dans le musicien à une connaissance appro- l’harmonie un élément constitutif de la musique l’espace, qui ne signifie autre chose que fondie du rythme musical dans toutes ses européenne actuelle. Ses sources se trouvent, com- cet art merveilleux que nous appelons nuances de vitesse, de durée et d’intensité. me les esthéticiens sont maintenant unanimes à « Plastique animée », d’autres « Danse » et Puis ce sera l’étude de ses rapports avec le reconnaître, dans notre corps même, dans les dont nous ne possédons guère aujourd’hui la mélodie et l’harmonie. battements du coeur, dans la démarche, dans la que de pâles esquisses ou des caricatures ? Cet enseignement totalement nouveau respiration, enfin dans les mouvements des bras, Ai-je encore besoin de parler de cette syn- est évidemment non seulement analyti- du torse et des jambes. Le fait que tout le monde a thèse qu’Adolphe Appia nous prédit et dont que et théorique, mais avant tout pratique, une démarche parfaitement régulière au point de il donne en ce moment à l’étranger une et cela autant pour le jeune compositeur vue métrique, et que malgré cela il existe beaucoup nouvelle image, cette vision enivrante du que pour le futur exécutant (chef d’orches- de musiciens dont les facultés métriques même corps humain, source suprême et domina- tre, instrumentiste, accompagnateur). Le élémentaires sont tout à fait insuffisantes, prouve trice de la musique et de l’architecture ? musicien ainsi éduqué sera non seulement que le lien qui devrait exister entre notre corps et le Certes, cette gymnastique rythmique a rompu à toutes les difficultés de la nota- rythme musical est rompu ou du moins défectueux. des prétentions bien hautes, et il est peu tion et de la lecture des rythmes, mais il L’évolution presque exclusivement harmonique et probable que son universalité convienne à aura avant tout acquis un « sens » raffiné mélodique de la musique depuis les deux derniers tout le monde. Aussi faudra-t-il sans doute de la « durée » qui en rien ne le cédera à ce siècles démontre clairement que la source d’où plus que le travail acharné d’une généra- sens particulier qui consiste à apprécier jaillissait jadis le rythme musical s’est tarie. Un tion pour pénétrer dans l’immensité de les diverses hauteurs du son et que l’on coup d’oeil sur la vie et l’éducation actuelle suffit ce monde perdu dont Jaques-Dalcroze exige généralement de tout musicien ac- du reste pour expliquer cet état de chose : D’un et Adolphe Appia nous ont entrouvert compli, sans penser à lui demander son côté, les sciences, les arts, le travail intellectuel, à deux battants la porte. Ce serait, du complémentaire. Il existe évidemment et de l’autre, sans aucun trait d’union, la culture reste, de bien mauvaise augure si tout le des relations très étroites entre les lois physique, les sports, le travail manuel! monde comprenait déjà! Il ne nous reste de la mélodie et des accords et celles de la C’est ce lien, ce trait d’union perdu, que Ja- qu’à contenter le musicien à qui nous nous rythmique. La méthode Jaques-Dalcroze, ques-Dalcroze a entrepris de nous rendre par sa adressons plus spécialement et qui, impa- en rétablissant entre le corps et l’esprit les gymnastique rythmique dont le but est de jeter un tiemment, demande déjà à connaître les liens que la civilisation a rompus peu à peu, large pont sur l’abîme qui sépare l’esprit et le corps avantages pratiques et immédiats de la ramènera donc de nouveau le musicien au de l’homme d’aujourd’hui. gymnastique rythmique. bord de la source précieuse qu’il avait né- Gymnastique rythmique signifie : éducation Nous nous sommes étonnés au dé- gligée et perdue. Une éducation (ou plutôt par le mouvement corporel dans le temps et dans but de ces lignes du fait qu’il existe des rééducation) par le mouvement corporel l’espace. musiciens incapables de maintenir cer- rythmé rendra non seulement au musi- Il est évident qu’une pareille éducation doit tains tempi même pendant une durée cien-créateur les moyens d’expression toucher au fond de notre être. N’est-ce pas le prin- relativement courte, et que ces mêmes puissants et vivants qu’il a failli oublier, cipe de toutes nos activités que de nous mouvoir, musiciens ont dans la rue une démarche mais elle formera en même temps et met- de parcourir et d’embrasser le temps et l’espace ? parfaitement régulière. Jaques-Dalcro- tra à son service des interprètes capables Apprendre à nous servir des dimensions et à nous ze, estimant avec raison que le maintien de comprendre et de suivre fidèlement ses les soumettre n’est-ce pas apprendre à vivre ? Nous ferme d’un tempo est à la base de toute intentions. Elle lui fournira en outre un ne parlerons pas du rôle médical hygiénique que la faculté rythmique, fonde par conséquent public plus sensitif et plus compréhensif à gymnastique rythmique est certainement destinée son système d’éducation sur la marche de partir du jour où elle sera enseignée dans à jouer. Le lecteur trouvera ailleurs des renseigne- l’homme, le métronome naturel et vivant les écoles publiques. ments compétents à ce sujet. Cherchons plutôt à de la musique. Chacun possède en effet Voilà à notre avis, de quoi réjouir les connaître d’abord ce que la pédagogie pure gagne un tempo qui lui est propre et qui reste musiciens sans réserve, en attendant la par ce nouveau système éducatif. constant. C’est celui de sa démarche or- réalisation de rêves plus grandioses et Nous avons parlé de mouvement ordonné dans dinaire. En partant de ce tempo « neutre » plus lointains. les dimensions, sans toutefois préciser l’essence qui n’est pour son propriétaire ne vite, ni et l’origine de cet ordre. Si c’est l’esprit, la raison lent, la gymnastique rythmique cherche

60 1909-2009 0219242-2009 (P.K.) Illustration : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

La Rythmique pour le musicien par Pierre Kolp dans l’art contemporain

UNE DES BASES DE TOUTE éducation mu- dont dispose l’artiste pour répondre aux qu’un métrage régulier et linéaire n’est sicale, et aussi l’un des fondements exigences que le temps insuffle dans le plus capable d’encadrer. Le XXe siècle a de la Rythmique d’Emile Jaques-Dal- champ spatial3. permis l’émergence d’un temps plastique croze, est la justesse de la pulsation, Si du XVIIe au XIXe siècle, les com- lié à l’élasticité spatiale7. A travers trois du tempo et de l’agogique. Pour ac- positeurs développent principalement exemples, nous examinons à quel point quérir cette justesse temporelle, Ja- la construction harmonique accompa- la Rythmique renforce, de manière parti- ques-Dalcroze insuffle dans la pratique musicale gnant la mélodie dans un cadre métrique culièrement singulière, la compréhension l’expérience corporelle et, ce faisant, favorise classique (division binaire ou ternaire des œuvres contemporaines. l’étude entre le temps et l’espace grâce à la spécifi- répétée) qui convient parfaitement à leur Pour aller du cerceau au cerceau cité des relations neuro-motrices. Cette étude liant élaboration discursive, les compositeurs puis au cerceau (etc.) tous distants de 4 temps et espace déborde largement de la discipline du XXe siècle, dans leur immense majo- mètres (figure A), chacun observe par artistique, rejoint la science voire la recherche rité, tant sous l’impulsion du répertoire la pratique, qu’à vitesse élevée (course) scientifique et doit s’envisager comme une compé- populaire (Bartok, Nancarrow, Kurtag trois enjambées suffisent ; à la marche, tence transversale tant pour l’enfant que pour …) que sous l’essor des recherches des cinq ou six foulées sont nécessaires et en l’adulte. Nous nous concentrons dans cet article à nouveaux paramétrages de la musique cas d’extrême lenteur, dix à douze pas approfondir le point de vue exposé par Paul Boep- (rythmes, timbres, intensités, spectres sont requis. ple1, à savoir les apports de la Rythmique au niveau harmoniques, spatialisation, M.A.O., etc.) de la pratique musicale et donc nous nous attachons, élaborent de nouveaux rapports entre le par la suite, à un propos essentiellement destiné son et le temps. Pour ne prendre que deux aux musiciens amateurs ou professionnels. cas significatifs, toute complexe qu’est Aussi absconse que puisse paraître la notion l’oeuvre de Ferneyhough4 et toute dénuée d’espace pour le musicien2, nous avons toujours celle de Kurtag5, le premier cité parlant à l’esprit cette anecdote banale où, une personne, de figures dans ses analyses et le second demandant son chemin, questionne si l’endroit préférant le terme geste, il serait grave que qu’elle cherche est loin d’où elle se trouve. Et la ré- de n’avoir point de rigueur du rythme, et [Figure A : expérimentation de la ponse : « C’est à cinq minutes. » Au lieu de fournir une de ses dimensions les plus généreuses et relation vitesse/linéarité entre jalons mesure de distance (i.e., « C’est à 400 mètres.»), la originales entre et le temps et l’espace qu’il équidistants] réplique établit une durée (sous-entendant que cette nécessite. La Rythmique Jaques-Dalcroze, Selon le tempo pris, l’énergie requise durée sert à couvrir la distance du trajet mais rien par sa volonté d’éduquer le (futur) musi- par l’activité motrice est sensiblement dif- n’est moins certain, une quantité d’événements inat- cien par le mouvement corporel ordonné férente mais reste somme toute constante. tendus pouvant influencer la durée réelle du chemin, dans le temps et l’espace, met précisément L’indication de vitesse s’accommode par- sans en modifier la distance). Cette correspondance en avant que l’œuvre d’art est elle aussi faitement d’une indication de caractère entre espace et temps se retrouve jusque dans des dans un ordre donné, (même si cet ordre (Vivo, Andante ou Largo) dans le cas domaines complexes : l’année-lumière (un temps est aléatoire, l’aléa ayant pour ordre la présenté en début de paragraphe. Dans qui donne une information de distance, environ 10 suite des événements produits6 à l’ins- ce type d’œuvre linéaire, l’espace unidi- mille milliards de kilomètres) est mieux connue que tant où ils se produisent). L’absence ou mensionnel se gère facilement par un mè- le parsec, réelle unité de longueur en astronomie. la complexité d’indications rythmiques tre constant dans une vitesse constante. Ces exemples anodins et bien d’autres attestent que, contribuent à créer des agencements L’énergie corporelle et musicale provient pour l’être humain, l’espace est intrinsèquement essentiellement du dessin rythmique. lié au temps. Dès lors, les musiciens, sans arrêt C’est, grosso modo, le processus d’éla- confrontés au temps, peuvent-ils délaisser voire 3. Le champ est un système composé d’une boration spatio-temporelle que reprend négliger l’espace ? Bien évidemment non. Le cœur série d’éléments qui répondent à un même l’essentiel du répertoire polyphonique de la problématique est d’examiner à quel point type d’opérations ou de processus. jusque 1950 – cette élaboration étant gé- 4. , Unity Capsule, le musicien doit être instruit à l’espace-temps et, London, Edition Peters, 1976. dans ce contexte, quels sont les outils et les moyens 5. György Kurtág, Jatekok, Budapest, 7. Marc O. Jeanrenaud, « Le rythme Editio musica, 1973-1993. musical et le rythme organique », 3e 6. Henri Pousseur, Votre Faust, Vienne, Congrès international du rythme, Genève, 1. Paul Boepple, professeur à l’Institut Jaques- Universal Edition, 1968. Le public Institut Jaques-Dalcroze, 2000, pp. 200- Dalcroze de Genève puis directeur de l’Ecole Dalcroze intervient dans le choix et le tri du matériel 204, expose cinq principes du rythme à New York, « La Rythmique et le Musicien », Le musical lors de l’exécution de la pièce. Voir parmi lesquels l’élasticité ou la flexibilité Rythme, Genève, 1924, pp 9-11. aussi l’article de Henri Pousseur, « Pour du rythme. Notre démarche tente de 2. Il semble convenu que la musique est un art une périodicité retrouvée », Fragments- montrer que cette élasticité dépend moins du temps, la sculpture ou l’architecture, un art de Théorique I, Bruxelles, ULB, Editions de du rythme que de l’espace dans lequel ce l’espace. l’Institut de Sociologie, 1970. rythme s’insère.

1909-2009 61 0219242-2009 (P.K.)

nérée par l’importance de co-ordonner les utilise un chronomètre pour délimiter les des solutions est de diviser la courbe en seg- différentes voix et donc le ralentissement étapes de l’œuvre. L’un des buts artistiques en ments (Figure C). Chaque segment entre de la vitesse favorise le ralentissement des seconde moitié du XXe siècle est d’aboutir à et entretient une liaison d’appartenance à événements (les structures tonales, harmo- noter la construction du champ spatial. Dans l’ensemble (vers) sans nécessairement dé- niques et rythmiques8). le cas d’une écriture traditionnelle, l’élabora- pendre d’une relation d’inclusion des autres Reprenons nos cerceaux, mais cette fois, tion se solde par une complexité de l’écriture, segments (à titre d’exemple, la courbure ou favorisons à la fois une distance constante et dans le cas de partitions graphiques, la les facteurs vectoriels). (4 mètres) et un temps identique pour les partition utilise une lexicologie de signes, rejoindre (9 secondes). La vitesse (le Tempo) de symboles et une variété impressionnante va imposer une prise d’espace, et cette prise d’instructions de réalisation. Notre postulat d’espace ne pourra plus se concevoir de ma- s’affine : comme nous l’avons établi sopra, si nière linéaire, faute de distance suffisante l’énergie requise par l’activité motrice dépend entre les cerceaux (figure B) et favorise ainsi du tempo (Figure A), elle dépend aussi des la courbure du trajet, donc un espace à deux variabilités de courbure spatiale (Figure B). dimensions. En ce point du développement, la courbure [Figure C: courbure spatiale et segmen- reste aléatoire11 : le musicien dispose de lar- tation] ges choix d’action. John Cage12, par exemple, La segmentation, dans des cas précis cherchant à épurer sa musique, a la particu- aboutit à la technique fractale15. Ainsi, la larité d’écrire ses œuvres sans ponctuation finesse de la division augmente la précision musicale, laissant à l’interprète comme seules de la courbure imaginée et calculée. Arrivé indications des descriptions d’atmosphère, à un tel point, il est impensable de se passer même en cas d’inaction. du calcul, fût-il simplifié. Les procédures Notre approche doit examiner comment mathématiques, surtout lorsqu’elles sont le compositeur envisage de préciser la cour- complexes (matrice, filtrage, série, combi- bure spatio-temporelle dans les cas où la natoire) ont tendance à freiner l’approche de pensée créatrice requiert une telle précision, l’œuvre. Trop fréquemment, l’interprète, peu [Figure B: relation vitesse/courbure spa- ce qui doit toujours être le cas lorsque le corps averti voire dépassé par le dédale créatif, se tiale entre jalons équidistants et isochro- est rayonnant (faisceau de vecteurs) ou lors- contente (et c’est hélas trop souvent le maxi- nes] que le champs est diffusant (train d’ondes). mum qu’il fournit), de restituer fidèlement Il faut, à vitesse élevée, même envisa- Ces états évidents dans les cas de spatiali- le texte. Son exécution reflète les nombreux ger de s’éloigner du point visé. Le tempo ne sation des instrumentistes13 se présentent embarras du fouillis d’instructions qu’il reçoit peut plus décrire une activité de caractère aussi dans le répertoire pour soliste14. Une de la partition. Pourtant, les changements de (le caractère va être repris par l’instruction directions et de courbures des trajectoires rythmique). Le tempo stimule la courbure, sont un travail fort courant dans le mouve- d’où, la haute précision des indications de se passe par endroit (temps établi par chronométrage) et dessine une immense ment corporel. Le soin apporté à la facture vitesse, l’importance des concordances des trajectoire. rythmique16 mise en relation avec l’articula- tempi et de leurs fluctuations dans les parti- 11. avec la 3e sonate, London, tion du son trouve naturellement écho dans la tions. Certes, la précision agogique est aussi Universal Edition, 1957, et Karlheinz qualité du mouvement corporel. Indubitable- dépendante de la synchronisation avec les Stockhausen avec le Klavierstücke XI, Wien, ment, le sérialisme promeut l’émergence de 9 bandes ou le traitement du spectre sonore , London, New York, Universal Edition, 1956 nombreux paramètres gérés simultanément R/1988, nous livrent autant de mises en mais la conséquence directe de cette démar- et les techniques de la combinatoire appor- che est que la prise d’espace ne pourra plus se pratique de ce qu’il est convenu d’appeler la concevoir uniquement de manière linéaire. forme ouverte. 10 12. L’une des pièces les plus célèbres de Horatiu Radulescu , extrêmement précis John Cage, 4’33, New York (N.Y.), Kenmar Le compositeur Salvatore Sciarrino, Le figure Press Inc., 1960 est exécutée dans un silence della musica da Beethoven a oggi, Milano, permanent par un interprète pendant laquelle Ricordi, 1998, pp 17-20, estime qu’on ne peut 8. Ernest Ansermet, « Les structures du il ne joue pas. Malgré son titre, cette pièce est parler de figures dans la musique que s’il y a rythme », Deuxième congrès international du d’une durée libre, trois mouvements devant corrélation entre temps et espace, c’est-à-dire Rythme et de la Rythmique, Genève, Institut cependant être indiqués en cours de jeu. au moment où le temps vécu ne peut plus être Jaques-Dalcroze, 1965, pp 156-166. Ansermet 13. François Nicolas, Les enjeux de la unidimensionnel favorisant l’apparition de explique fort bien les adéquations entre spatialisation pour la musique mixte : état des la discontinuité (voir Sciarrino, Cadenziario, rythmes, mètres, structures harmoniques et problématiques, Cycle de conférences à l’Ircam, Milano, Ricordi, 1982). Ces quelques tonales, dans leurs subdivisions binaire ou conférence du 21 mars 2005, publié sur www. références établissent que la notion d’espace en ternaire. Notre chapitre précise le fondement entretemps.asso.fr/Nicolas/spatialisation. relation avec le rythme, est, de nos jours, à la agogique du caractère général dans les œuvres 14. Piotr Uspenski, Tertium organum, Saint- base de sujets d’études et de recherches variées. polyphoniques tonales et aussi atonales d’avant Pétersbourg, Andreïev i Sinovia, 1911, R/1992, 15. Benoît Mandelbrot, Les Objets 1945. p.32 exprime l’idée que le temps est la surface fractals : forme, hasard, et dimension, Paris, 9. La musique spectrale lie la nature du timbre de la sensation d’espace. Vita Groodyte, « Sur Flammarion, 1973 répertorie les cas où, musical à la décomposition spectrale du son des modèles de configurations spatiales » contrairement au paradigme classiquement musical, à l’origine de la perception de ce in Jean-Marc Chourel et Makis Solomos utilisé, les aléas ne s’annulent pas, mais au timbre. Certaines œuvres comme Atmosphères (éd.), L’espace : musique/philosophie, Paris- contraire se cumulent, et où la prédiction de György Ligeti (Wien, Universal Edition, Montréal , L’Harmattan, 2003, p. 204-205, statistique classique ne fonctionne plus. 1961) ou Metastaseis de expose le dilemme de l’espace en musique : si 16. Gino Stefani, « Le sens du rythme musical », (London, Boosey & Hawkes, R/Salabert, le temps impose le mouvement, l’espace est 3e Congrès international du rythme, Genève, 1954/ R1991) sont à l’origine des recherches statique. Or la musique n’ayant pas de staticité Institut Jaques-Dalcroze, 2000, pp 16-19, spectrales par leur ambivalence harmonie- [sic] il convient de niveler le tempo et le rythme fournit une liste quasi exhaustive de tous timbre. par une raréfaction des événements. L’espace les paramètres rythmiques du vocabulaire 10. Horatiu Radulescu, Das Anderen, 1984 se conçoit alors comme une profondeur de musical. Les compositeurs n’étant pas en prolongée par Lux animae, 1996, musiques à l’œuvre. J. Verdeau-Pailles, « Musique, rythme, manque d’imagination, la liste ne pourra la frontière de la partition et du phénomène espace-temps », Revue française de psychiatrie jamais être arrêtée comme l’auteur le souligne. sonore, crée tout un monde en partant de et de psychologie médicale, Paris, éditions Néanmoins, cette longue énumération permet l’extrême aigu, enrichissant le son au cours MF, 2001, p 31-35 explore l’espace intérieur de saisir la subtilité voulue, dès le niveau local d’une descente dans le registre grave. Tout de l’œuvre, du compositeur et de l’interprète. par les créateurs.

62 1909-2009 0219242-2009 (P.K.) tent de nouvelles facettes à l’assemblage des tialisés] événements. L’œuvre écrite pour un instru- Prenant le parti d’envisager la relation ment touche à la limite des possibilités de création – interprétation, nous avons uti- l’instrument. La limite corporelle n’est pas la lisé, dans nos modèles, essentiellement le limite instrumentale, et inversement. Nous répertoire pour instrument solo, parce n’entreprenons pas d’arriver à la vision que que ces pièces sont fortement sujet- l’œuvre musicale est une œuvre corporelle. tes aux variations de tempo et de Toutefois, le musicien, s’il veut aboutir à une rythmes, au nom de la liberté compréhension de la partition (trop souvent du soliste et du fait que l’in- le musicien, surtout s’il manque de technique, terprète ne doit pas jouer arrive seulement à une certaine appréhen- en synchronisation avec sion de la composition), se doit d’envisager un autre instrumentiste. les enchaînements des micro-événements Nous nous sommes donc dans l’optique de leur porter sens17. Dans la retenus d’ouvrir le dé- figure C, une multitude de vecteurs (a, b, c, bat sur la pertinence etc.) sont nécessaires pour s’approcher de des idées et leur fon- l’espace imaginé. Ces vecteurs portent leurs dement dans l’acte propres caractéristiques de temps, vitesse et créateur pour nous espace et pourtant ils participent à la mise au concentrer d’appro- point du tout. Les travaux d’Irène Deliège18 fondir les ressources établissent, dans le domaine de la construc- que l’œuvre requiert tion psychologique cognitive expérimentale lors d’une préparation de l’écoute musicale, l’idée que le support rigoureuse. Ainsi, les créatif permet au cheminement psychologi- principes de l’éduca- que de conduire les mécanismes perceptifs tion musicale élaborée à réagir selon des stratégies analogiques. La par Emile Jaques-Dalcroze capacité d’analogie apparaît donc comme apportent toujours des so- étant une donnée déterminante. Les concor- lutions lorsque l’œuvre mu- dances entre les vecteurs proviennent de ces sicale ne peut plus se concevoir analogies, et le corps, par l’ensemble de son uniquement de manière linéaire système perceptif, permet de retrouver ces au niveau temporel, donc au niveau analogies au niveau de la coordination des rythmique. La multi-dimensionnalité des activités intellectuelles et sensibles qu’il dé- paramètres rythmiques, la courbure spatiale ploie dans l’espace. Ces dernières années, des et la fragmentation du discours imposent compositeurs comme Juan Carlos Tolosa19 ou une conscience non plus seulement tempo- Moritz Eggert, sous-titrant ses pièces, What relle, mais surtout de l’espace que néces- if 1 composer from one country wrote 60 site le champs sonore à travers le temps. La pieces under a second20 ou Hymnen der Welt Rythmique permet d’aborder, de ressentir, (Afghanistan bis Zimbabwe)21 tirent profit de de comprendre et d’exprimer cette relation l’absence courbure spatiale par la juxtaposi- espace-temps, grâce à l’affinement du mou- tion des vecteurs (Figure D), sautant de l’un vement dans l’expérience corporelle. L’œuvre à l’autre, sans lien d’articulation autre que contemporaine rebute par son abstraction, l’espace qu’il sous-entend. Chez Tolosa cet ses procédures conceptuelles (et la partition Pierre Kolp est compositeur, licencié espace est quasi infini, un énorme temps de est d’autant plus hermétique que les program- en musicologie, organiste, directeur de silence prend place entre les séquences alors mes compositionnels sont mathématisés) l’Institut de Rythmique Jaques-Dalcroze de que chez Eggert, l’espace frôle le néant, tout ou par son manque de références directes Belgique et président de l’association des s’enchaîne par collage et par juxtaposition. à des éléments que le musicien, et a fortiori académies de musique francophones de l’auditeur, peuvent suivre (mélodie, forme, Belgique. carrure). A travers nos différents exemples, dont il est possible de concevoir de nombreux exercices pour les enfants, nous témoignons Abstract que l’expérimentation du temps dans l’es- pace par l’activité corporelle met en lumière Integrating Eurhythmics in the ed- l’énergie vitale de l’œuvre d’art, quelles que ucation of (future) musicians has led soient les difficultés de lecture. Selon no- us to be interested in the evolution of [Figure D : événements vectoriels spa- tre point de vue, la Rythmique est sans nul the multiple relationships which exist doute la méthode d’éducation musicale qui between contemporary music the con- rétablit une connaissance et une pratique cepts of time and space. New research in 17. Brian Ferneyhough établit le principe que raffinée des moyens d’expression par-delà present-day music owes many insights le sens circule là où il y a discordance. les difficultés d’approche de l’art contempo- to the contribution of Eurhythmics: 18. Irène Deliège, Naissance et rain. Le musicien éduqué par la Rythmique, the notions of gesture and form, open développement du sens musical, Paris, PUF, sans renier le niveau de capacités à (se) jouer structures (combined or free), the use 1998 et Musical Creativity. Multidisciplinary de son instrument qui doit sans cesse être of technology and the complexity of Research in Theory and Practice, Hove, perfectionné, dispose d’outils adaptés pour compositional procedures. We argue Psychology Press, 2006. donner vie, sens et personnalité à l’ouvrage 19. Juan Carlos Tolosa, El angel se pudre, that Eurhythmics develops knowledge Bruxelles, Black Jackets Editions, 1998. qu’il (re)crée, ce qui, al fine, est le but de toute of and sensitivity to various modes of 20. Moritz Eggert, Hämmerklavier XI, Mainz, œuvre écrite. expression well beyond those uncov- Schott, 1998. ered by the aesthetic research conducted 21. Moritz Eggert, Hämmerklavier XIX, throughout the twentieth century. Hambourg, Sikorski, 2006.

1909-2009 63 0219242-2009 (M.S.)

Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

von Marianne Siegwolf Damals - heute

ON 1924 LADEN MICH NICHT zur tergrundwissen Assoziationen von Massen- als Fach an vielen Musikhochschulen praxi- Analyse, wohl aber dazu ein, veranstaltungen auslösen, wie sie im Dritten sorientiert ihren Platz gefunden, allerdings einen Gedankenfaden zu Reich inszeniert worden sind oder bei sport- teilt sie ihn seit den 70 ziger Jahren mit der spinnen von der „Rhythmi- lichen Wettkämpfen stattfinden. Das aber Elementaren Musikpädagogik. schen Gymnastik“ von Emile entspricht ganz und gar nicht der Intension An unserer Hochschule für Musik in Frei- Jaques-Dalcroze und Paul von Dalcroze! Denn er wollte durch Musik burg ist das Fach Rhythmik frei wählbar für Boepple zu dem, was heute als „Rhythmik“ und Bewegung das Individuum befreien und alle Studiengänge. Es wird aber vor allem von und „Elementare Musikpädagogik“ an der zu sich selbst führen, um mit diesem neuen Studierenden im Studiengang Musiklehrer Hochschule für Musik in Freiburg vermittelt Eindruck einen eigenen Ausdruck zu finden, oder Schulmusik belegt, die als 1. Haupt- wird. der das Gemeinschaftserleben stärkt und fach ein Instrument oder Gesang studieren. Die geistigen Strömungen des ausgehen- bereichert. Rhythmik wird als berufsbezogener Schwer- den 19. Jahrhunderts zeigen die Suche nach Er–und in der Folge seine Schülerinnen punkt angeboten. Wer RhythmiklehrerIn dem neuen Menschenbild in Philosophie, Elfriede Feudel in Deutschland und „Mimi“ werden möchte, entscheidet sich für das 2. Literatur, Bildenden Künsten, in Musik. Ge- Scheiblauer in der Schweiz–wollen mit ihrer Hauptfach Rhythmik. So vermitteln diese meinsam ist den führenden Köpfen jener Zeit „Rhythmischen Erziehung“ eine ganzheitli- Schulmusiker in der Schule, im Gymnasi- das Gefühl des Aufbruchs, der notwendigen che Ausbildung der gestaltenden Kräfte im um nicht nur Musik, sondern MUSIK und Erneuerung. Einen Zugang zu diesem neuen Menschen bewirken. Für den Pädagogen RHYTHMIK. Was in der Kestenberg–Reform Menschen findet Emile Jaques–Dalcroze über gilt ihm und ihnen deshalb, dass er „zugleich unter der Mitwirkung von Elfriede Feudel die von ihm entwickelte Methode der „Rhyth- Physiologe, Psychologe und Künstler (Schaf- ins Leben gerufen wurde, ist also weiterhin mischen Gymnastik“, das heißt, „Erziehung fender)“1 (siehe Quellen) sein muss. lebendig. durch die körperliche Bewegung, die sich in Was zu Beginn des 20. Jahrhunderts Auch heute ist beobachtbar – wie 1924 Zeit und Raum konstituiert“ (Paul Boepple) produktive Utopie war, ist zu Beginn des -, dass manche Musiker „unfähig sind, ein und die den „Einklang von Geist und Körper“ 21. Jahrhunderts bescheidener geworden. Tempo über einige Takte beizubehalten, ob- erfahren läßt. Rhythmik wird nicht mehr in dem Glauben wohl sie keinerlei körperlichen oder nervlichen Die Bezeichnung „Rhythmische Gym- unterrichtet, den „Zukunftsmenschen“ zu Makel haben“(P. Boepple). So schreibt der nastik“, die Emile Jaques–Dalcroze und bilden, und Rhythmik wird auch nicht mehr Freiburger Professor Hans M. Beuerle zur in seiner Nachfolge Paul Boepple wählen, verstanden als „universelles Mittel einer gesell- Problematik von einfachen und elementaren kann bei heutigen Studierenden ohne Hin- schaftlichen Reform“. Seit 1949 aber hat sie Bewegungen in Verbindung mit Musik: „Bei

64 1909-2009 0219242-2009 (M.S.)

den meisten Studenten sind, wenn sie an die Jahrhunderts. Aber auch heute, im Zeitalter selbst, zum Herzschlag, zum Atemrhyth- Musikhochschule kommen, die höchst komple- weitentwickelter Technik, der Computer,– mus, zu den Gangarten, zum Ausdruck der xen instrumentalen Fähigkeiten sehr weit ent- der weltumspannenden Medien – klafft der eigenen Bewegungen. Ich lernte zum ersten wickelt, jene elementaren Fähigkeiten jedoch Abstand zwischen den „Wissenschaften, den Mal, komponierte Musik durch rhythmisch- sehr verkümmert…Ich muß oft beobachten, Künsten, der intellektuellen Arbeit“ auf der metrische Erarbeitung mit „Fuss und Hand, dass gerade die einen Seite und „der physischen Kultur, dem Herz und Verstand“ neu zu fortgeschrittensten Instrumentalisten Sport, der handwerklichen Arbeit“ (P. Boepp- „be – greifen“, zu spielen und zu verste- und intelligentesten Musiker die größten le) weit auseinander. hen. Und neben der komponierten Musik die Schwierigkeiten haben, irgendetwas von Die enthusiastischen Ideen und Entwür- eigenen Klänge zu erzeugen, mit anderen ihren Vorstellungen spontan in Gesten zu fe von Emile Jaques-Dalcroze und Adolphe Menschen in Musik und Bewegung zusam- übertragen, weil ihnen die elementarsten Appia im Zusammenhang mit Hellerau – zu- men zu improvisieren und zu musizieren, Bewegungsreaktionen abhanden gekommen gespitzt in der Formulierung vom „Zukunfts- das hat ein neues spannendes Schaffen in sind. Sie spielen die großen Bachschen Orgel- menschen“ – sind heute historisch. Geblieben meinem Berufsfeld ermöglicht. werke, die „Pathétique“ oder eine Solo-Sonate aber und wirksam ist auch heute das Wissen, von Bartók und bringen es oft kaum fertig, dass der Rhythmus „seine Quellen in unserem einen Ball aufzufangen, eine Milchkanne in Körper“ hat, und dass sinnerfülltes Musizie- Quellen eine Schwungbahn zu lenken oder zu einem ren nur unter der Voraussetzung einer sub- Andante durch den Raum zu schreiten“.2 jektiv erfahrenen Körperlichkeit zustande 1. Hans M. Beuerle, Über den Zeitpunkt, Virtuosität im Umgang mit ihrem jeweili- kommt. Nur durch unseren Körper mit sei- in: Poiesis 5/1989 gen Instrument also bedeutet nicht zwingend nen physischen, geistigen und emotionalen 2. Hans-Jürgen Sarfert, Hellerau, Die Gar- für jeden Musiker verlässliche Vertrautheit Fähigkeiten wird MUSIK UND BEWEGUNG tenstadt und Künstlerkolonie, Dresden mit ihrem Körper als Instrument. Hier sehe empfunden, sichtbar und hörbar gemacht. Herllerau-Verlag 1992 ich als Rhythmikerin meine aktuelle Aufgabe. Was mich in meinem eigenen Musikstu- Von Emile Jaques-Dalcroze wird gesagt, er dium im damaligen Pflichtfach Rhythmik habe „eine große Brücke über den Abgrund, ergriffen hat, war das Erleben, dass ich die Marianne Siegwolf: Seit 1995 Professorin der den Geist und Körper des heutigen Men- Sprache der Musik in „Körpersprache“ emp- für Rhythmik und Elementare schen trennt“ (Paul Boepple), gespannt. Diese finden, verstehen und zum Ausdruck bringen Musikpädagogik an der Hochschule für Aussage bezieht sich auf den Beginn des 20. konnte. Der Rhythmus brachte mich zu mir Musik in Freiburg

1909-2009 65 É. J-D. (1926) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

La grammaire de la Rythmique (préparation corporelle aux exercices de la méthode) par Émile Jaques-Dalcroze

OUR RÉPONDRE À CERTAINS PROFES- moyens généraux pour y parvenir. Mais SEURS de Rythmique me de- il doit, en outre, éveiller leurs pouvoirs mandant quel système de d’imagination de façon à ce qu’ils devien- « Technique Corporelle » il nent capables de se créer eux-mêmes une convient d’employer pour technique personnelle, afin d’affirmer à préparer physiquement les leur manière leur tempérament et leur élèves à l’étude de notre méthode, je tiens caractère. à déclarer que, pourvu que le professeur La Rythmique a trois buts principaux : soit bon – c’est-à-dire autant psychologue développer le sentiment musical (dans le que physiologue – n’importe quel système sens grec du mot) dans l’organisme tout sérieux de gymnastique hygiénique, spor- entier; créer le sentiment de l’ordre et tive ou orthopédique est à recommander de l’équilibre après avoir éveillé tous les aux élèves rythmiciens ne jouissant pas instincts moteurs; développer les facultés d’une santé parfaite, malhabiles à l’exer- imaginatives. Grâce à une série d’exerci- cice physique ou atteints de déformations ces fréquemment et régulièrement répé- corporelles. tés, de contraction, de décontraction et Mais si, d’une part, il est nécessaire d’élasticité musculaires, d’incitation et qu’un élève de Rythmique entreprenne d’inhibition, d’élancements spontanés nos études dans un parfait état musculaire comme d’enchaînements volontaires et nerveux, de l’autre, il importe d’affir- de mouvements associés et dissociés, la mer qu’il n’existe guère, actuellement, Rythmique – de par son pouvoir musical de système de gymnastique qui puisse (la musicalité de ses professeurs est in- constituer une véritable préparation à la dispensable) parvient à donner à l’élève « Rythmique » proprement dite. Si Ling la faculté de ressentir d’une façon vivante avait vécu plus longtemps, c’est lui qui et de traduire corporellement d’une fa- l’aurait conçu sans doute, car, dans plu- çon instinctive les nuances dynamiques sieurs de ses écrits, il prévoit la gymnas- et agogiques musicales, à le délivrer des tique expressive et rythmée. résistances de tous genres qui entravent À vrai dire, notre méthode de Ryth- ses essors naturels, et à discipliner ses mique a certainement sa technique parti- élans primesautiers lorsqu’ils se pro- culière qui n’a pas davantage de rapports duisent d’une façon exagérée propre à avec les études spéciales de virtuosité compromettre l’établissement d’un style nécessaires à l’art chorégraphique, que corporel adéquat au style musical. Il im- notre système de Solfège avec la techni- porte, en effet – et il convient de ne jamais que vocale nécessaire aux chanteurs de l’oublier – que la Rythmique soit considé- profession, et nos études d’improvisation rée comme un monde d’éducation par la « Il existe une avec les études spécialisées de piano. Musique et pour la Musique, provoquant La rythmique n’est pas, au point de d’abord l’émancipation des essors sponta- estroicte coutume de vue corporel, un art de virtuosité : c’est nés et inconscients, puis leur ordination une préparation aux arts spécialisés. Elle rationnelle. Chacun de ses exercices doit fait l’éducation du système nerveux, as- être étudié de deux façons différentes : l’esprit et du corps, souplit les muscles dans toutes les nuan- 1° rythmiquement et 2° métriquement. ces de l’énergie et de la durée et règle les Ce n’est, en effet, qu’en établissant des s’entrecommuniquant mouvements corporels naturels, à la fois rapports étroits entre les mouvements dans l’espace et le temps. Le maître de instinctifs et les mouvements volontaires Rythmique a pour mission d’assurer à que la Rythmique peut parvenir à consti- leurs diverses fortunes » l’élève la libre possession de ses ressour- tuer un mode d’éducation générale de ces physiques, et d’établir une communion l’individu1. (Montaigne) entre les forces corporelles harmonieu- sement stylisées et les forces expressives 1. De nouvelles méthodes de Rythmique, de la musique sonore. Son rôle consiste actuellement en faveur en Allemagne, à prévoir, puis à indiquer aux élèves tous cultivent l’élan pour l’élan, sans souci de les buts à atteindre, et à leur fournir des métrique. Quelle que puisse être leur valeur

66 1909-2009 É. J-D. (1926)

L’erreur de beaucoup de méthodes actuelles l’expression amène des modifications de vacances ou qui se font, par paresse, de culture physique réside, à mon avis, dans le dans la durée et dans l’énergie. dispenser des études de technique corpo- fait qu’elles cherchent uniquement à développer Tout déclenchement d’un rythme pri- relle. Ces exercices complétés par les es- le mouvement pour lui-même; et non pour l’ex- maire crée une série de rythmes secon- sais intéressants de Suzanne Ferrière, de pression du moi intérieur, dans ses conflits avec la daires dont chacun peut avoir une valeur Lilly Braun, de Mme Brunet-Lecomte, etc... vie universelle. L’étude des diverses possibilités de pittoresque et expressive, qu’il convient continuent à être l’objet de mes constantes mouvements susceptibles d’être exécutés par les de respecter. Cependant, au point de vue recherches, et leur ensemble constitue membres isolés, est évidemment nécessaire. Mais esthétique et émotif, la mise au premier ce qu’à l’Ecole de Londres l’on nomme la il ne faut pas oublier que le but de notre éducation plan d’un de ces rythmes secondaires ris- « Grammaire de la Rythmique ». Ce n’est psycho-physique est de permettre aux diverses que de compromettre l’effet général du effectivement pas autre chose qu’un sys- manifestations motrices de s’enchaîner rythmi- courant rythmique originel. C’est ainsi tème de Technique Corporelle à l’usage quement d’une façon harmonieuse pour se mettre qu’un seul mouvement secondaire mal de Rythmiciens. Ces exercices ne seront au service de la pensée et du sentiment. La vie elle- orienté peut faire du tort à l’ensemble d’un probablement pas édités, car j’ai dû mal- même n’est qu’une série d’enchaînements d’actes et enchaînement de gestes harmonisés, et heureusement remarquer souvent qu’à la de pensées rythmiques. Un rythme est toujours le qu’en musique, par exemple, l’unité d’une suite de mes démonstrations ou publica- résultat d’un élan qui a son origine dans le système oeuvre est souvent détruite dès qu’un vir- tions, il se trouve toujours quelqu’un,–peu nerveux, dans le grand sympathique, dans l’esprit tuose commet l’erreur de souligner dans familiarisé avec notre méthode -, pour ou dans l’état affectif de l’être (anima). son interprétation, de façon exagérée, des imiter ces exercices et les enseigner d’une Le mouvement crée par l’élan prend une forme rythmes de second plan, tout en oubliant façon superficielle. Mais il est dans mon dépendante de la collaboration du temps. La volonté de respecter la ligne générale du courant intention de les exposer intégralement a le devoir d’intervenir à ses heures pour modifier rythmique principal. Il en est de même aux participants de mon prochain Cours la forme d’un rythme corporel si celle-ci n’est pas du reste dans tous les arts... Cependant de Vacances à Genève. En attendant, mes appropriée au mode d’expression choisi, de le sup- les oscillations des rythmes secondaires lecteurs trouveront un peu plus loin, le primer ou de le retarder quand il se produit d’une fa- ont une influence sur la forme du courant schéma approximatif et provisoire d’un çon intempestive nuisant au logique enchaînement rythmique général. Il est donc nécessaire plan général de ces études spéciales. En des mouvements. Dans beaucoup de cas, la volonté dans l’instruction élémentaire des mou- le parcourant, ils voudront bien ne pas intervient uniquement pour déclencher, après les vements corporels de réserver une place à oublier que la plupart des mouvements avoir rassemblés, toute une série de mouvements l’étude des rythmes particuliers de chaque indiqués dans ces exercices sont intime- instinctifs longtemps refoulés et qui n’attendent membre isolé. L’éducation s’appliquera ment liés, et pour ainsi dire : cousus à une qu’une occasion pour surgir des profondeurs de ensuite à enchaîner ceux-ci d’une façon musique qui, à la fois, s’en inspire et les notre être. Dans d’autres cas, elle n’est qu’un agent vivante, naturelle et spontanée. anime. Un certain nombre d’entre eux sont de précision et s’emploie à équilibrer les manifes- Dans mon premier volume de « Gym- d’un usage courant, car l’art d’assouplir et tations instinctives de l’individu, et à apaiser les nastique Rythmique », détruit depuis quel- de coordonner les muscles est mis au point conflits entre les forces rythmiques contraires. Le ques années, figuraient un grand nombre depuis longtemps. Mais la façon dont je Rythme dépend des réflexes, la mesure dépend de d’exercices de culture physique propres à cherche à les préparer, à les enchaîner et la volonté. Si certains rythmes corporels naissent et assurer la force et la souplesse des muscles, à les rythmiser, leur confère une vie nou- se déclenchent au moment même où ils sont utiles l’indépendance des membres, l’équilibre velle. C’est à cause de leur union intime à l’ensemble des mouvements, il en est d’autres qui des mouvements et leurs déclenchements avec la musique que ces nouvelles études – intérieurement préparés par une longue série de rapides (les Hop!) dans tous les degrés de de technique corporelle constituent une tressaillements, de velléités d’actions, d’inhibitions la force et de la vitesse. réelle préparation aux exercices de la et de résistances,–se déclenchent sans choisir leur Je faisais en outre au cours de la Rythmique proprement dite. heure, à la façon d’un abcès qui crève. première année d’études toute une série Tout déclenchement d’énergie crée un courant d’exercices rythmiques et métriques, que dont la force est subordonnée à celle de l’impulsion ne connaissent malheureusement pas les première. La nature de ce courant dépend de son trop nombreux Rythmiciens qui sont ad- point de départ, et sa forme, comme son point d’ar- mis à rentrer tout de go dans les cours de rivée, sont déterminés par toutes les modifications 2ème année, qui n’ont suivi que des cours que créent fatalement les résistances occasionnelles, ainsi que les ruptures d’équilibre et les exigences du temps. En plastique animée, tout geste d’un bras par exemple change de forme expressive selon que son développement se produit dans l’épaule dans la hanche ou dans le diaphragme, selon aussi que la ligne qu ’il décrit est dessinée par la main, le coude, l’épaule ou le torse tout entier, et encore selon qu’il est provoqué par tel ou tel autre sentiment, dont

au point de vue « Culture physique », nous n’avons que peu de confiance en leurs vertus éducatives et esthétiques. Il ne suffit pas, en effet, pour mettre l’homme en possession de son rythme individuel, de le guérir de l’arythmie musculaire, d’éduquer son système nerveux et de provoquer et multiplier chez lui des manifestations rythmiques extérieures qui ne présentent souvent que les apparences des formes vivantes. Il faut, en outre, provoquer des échanges continuels entre les facultés localisées dans les deux pôles de son être, entre son système nerveux interne et ses forces nerveuses cérébrales. L’éducation du sens rythmique doit être liée à celle du sentiment de la durée. L’agent de liaison est la volonté.

1909-2009 67 1926-2009

Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (p.69 et 71) © C.S. Photographie de Michèle de Bouyalsky (p.70) © M. de B. Photographie d’Alexandre Quiroz (p.68) Some issues relating to movement technique by Sandra Nash for Dalcroze Eurhythmics

N 1926, JAQUES-DALCROZE WROTE AN ers of today.1 It is indeed within this ar- virtuosic studies required for choreographic art… article for Le Rythme entitled La ticle that the subtitle of Bachmann’s book From a corporal point of view, Eurhythmics is not a Grammaire de la Rythmique in is found. virtuosity art; it is a preparation for the specialised which he outlined his views about In 1926 Dalcroze said that in order arts. It educates the nervous system, makes ones movement technique insofar as it to answer the question of Eurhythmics muscles supple within the whole scale of energy and related to eurhythmics. Translated teachers, which Body Technique should be duration, and regulates natural body movement into English in 1968, both articles were used to prepare students for the study of within both space and time.”2 reproduced in the 1999 commemorative our method, any good teacher of hygienic, Dalcroze’s list of the types of exercises shows issue of Le Rythme compiled by Reinhardt sports or orthopedic gymnastics would be that he recognised the need for the body to be Ring. Unfortunately the list of exercises fine for anyone needing remedial work, supple, to be able to initiate movements in vari- which Jaques-Dalcroze included in his but that for able bodied people there was ous parts of the body, to be able to travel, jump, 1926 article were omitted in the 1999 re- no single system which was adequate at lunge, skip and turn. These are the usual elements issue. Readers should note that in her book that time. of any movement training. For the convenience of Dalcroze Today-an education through He went on to say: the reader, the list, which is slightly modified when and into Music, Marie Laure Bachmann “Our Eurhythmics method has its own compared to the original is given below using the examines this subject in detail giving a technique which is in no way related to the English translation from Bachmann’s book: commentary designed to bring out the 1. Exercises for muscular elasticity sense of the musical notions involved, so 1. Marie-Laure Bachmann, Dalcroze today 2. Exercises in contraction and relaxation I do not intend to explain or describe the – an education through and into music, 3. Breathing material here but rather discuss a number (trans. David Parlett, Oxford Clarendon 4. Study of points of departure and completion of issues which affect eurhythmics teach- Press, 1991), 136-210. of the gesture 5. Study of impulsions and reactions 6. Study of gesture alone and in sequence 7. Study of different positions of the body (Attitudes) 8. Walking and its ‘embellishments’ 9. Study of points of contact and support and their associated resistances 10. Exercises in the use of space 11. Exercises in the expression of actions and feelings. Bachmann points out that these exercises will only become rhythmic exercises to the extent that they incorporate those features, pointed out by Dalcroze, relating to the institution of relationships between instinctive and voluntary movements–in particular, between the spontaneity of rhythm and the discipline of metrics. Dalcroze (1919) explained that metre relates to reflection, and rhythm to intu- ition, and later in 1942: ‘Rhythm is individualistic; metre authoritarian.’ 3 He was critical of other methods of gymnastics at the time, 1926, because he felt they aimed at developing movement for movement’s sake. In doing these exercises he proposed, it was essential that they be done in a musical context, so that, for example, the studies in the use of space would be done in relation to the dynamics of a rhythm and the

2. Le Rhythme 1968, p. 6. English translation. 3. EJD, Souvenirs, notes et critiques, 1942, 114.

68 1909-2009 1926-2009

progressive use of either more or less space accord- ing to crescendo or diminuendo, and that studies in weight be done in slow and quick tempi. The study of walking would include patterns with or without anacrusis thereby requiring different degrees of weight. Musicians today still need these aspects of movement technique and the eurhythmics teacher should be equipped to deliver this.

The movement specialist

In Australia and some other countries, we engage a movement specialist for our Summer Schools and every morning begins with preparation of the body for movement. This involves stretches, swinging, rotations, ways of travelling, turning, movement exploration such as weight and counter- balance. Having a movement specialist is most beneficial but during the rest of the year, Dalcroze teachers may not have access to such a person if working within a Conservatory for a limited amount of time each week. In this case, the Dalcroze teacher has to be able to give some movement exercises which help the student to prepare the body, protect it from injury and which offer physical solutions to the musical subject under study. Because of the lack of time, these exercises need to be accessible and manageable yet relevant to the musical content of the lesson. Some of the early Dalcroze techniques are still suitable for this because they are simple and do not class to respond to rhythm given out by a physical way. The student is then able require an advanced movement technique. I refer the teacher in various ways: for example to realise the rhythm freely, allowing his here to the use of the graded steps, the divisions clap it, or show it with movement of the or her instincts to guide the movement of horizontal and vertical space, and the gestures body, shoulder, arms, hips etc. Then the in a personal way but with the control for bar time or metre. As far as I know, the Twenty class might be asked to realise the rhythm and knowledge of the actual rhythm. The Gestures and the Six Skips recorded by Jaques- formally, this is, step the rhythm and show conducting gestures themselves are also Dalcroze in his book Exercises de Plastique Animée the metre by conducting with arm ges- expressive, as moving from one gesture 4 (1917) have long since fallen from use. Other more tures. This is a ‘neutral’ way of moving to another reveals a range of qualities of creative approaches can be incorporated to increase which requires the ability to dissociate movement, simply because one is dealing the students’ awareness of gestures within the the rhythm (in the feet) from the beat with the combinations of time, space and kinesphere such as mirror work, following a leader, (in the hands). There are some schools energy within a particular framework. and exploring levels of space in group work. Objects of eurhythmics which no longer include Words such as ‘expression’ and ‘natu- can also be used to help develop a sense of body this in the work, but from a personal point ral movement’ could be discussed further line and plasticity, so that eventually the movement of view, it is a most useful means for the on another occasion, because with the can be done without the object but the sensation of student to embody the rhythm and its spread of the Dalcroze work into non- body shape is felt with more awareness. relationship with metre. After all, when western cultures, we need to be aware sight-reading, the musician must quickly of different cultural and aesthetic con- grasp visually and aurally, the whole mea- siderations which affect the meanings or Specific techniques in the sure and each separate beat of the bar. such terms. This can mean for example eurhythmics class The student sometime wrestles with the that the use of weight is quite different dissociations between hands and feet, in movement styles in another culture, In a eurhythmics class today we might ask a especially when there are tied notes or and also the notion of accent which is a syncopations, but when successful, there major feature of Western music, is not as 4. Méthode Jaques-Dalcroze, Exercices de Plastique is a feeling of satisfaction and the rhythm significant in, say, Thai music. Animée, Vol 1. Lausanne: Jobin & Cie, 1917. 24-27, 40. is understood not just intellectually but in

“Some of the early Dalcroze techniques are still suitable for this”

1909-2009 69 1926-2009

A note about exclusivity great building by Heinrich Tessenow with The ideal and the reality: the its specially designed space with stairs and eternal compromise When a person is trying to establish their modern lighting system. Marie Rambert own turf in a new field, sets of rules may be wrote in her autobiography that Dalcroze Dalcroze said in the article under discus- set up and students are expected to adhere engaged her to take the women’s movement sion, that: to the master’s (or mistress’s) word. This was technique classes. These were entered in the “Eurhythmics has three major aims: to de- the case with Dalcroze and unfortunately, timetable as ‘turnen’. However, when asked velop the musical feeling (in the Greek sense of for more than a generation this attitude to by a friend what she did, she said: the word) in the whole organism; to create the exclusivity meant that some teachers were “I gave my classes that name because I feeling of order and balance; and to develop closed to other ideas which could in fact be knew I could not call them ballet, for ballet the imaginative faculties…The Eurhythmics complementary and helpful to the work. For was anathema to Dalcroze. Of course what teacher’s mission is to help the pupil obtain example, in the mid-1950s, a leading Dal- I actually taught my pupils was founded on free possession of his physical resources and croze teacher in Australia reprimanded an- ballet, because it was the only system I knew, establish a communion between harmoniously other teacher for referring to Laban’s move- but done barefoot and in Isadora’s style.”5 stylized corporal strength and the expressive ment technique during a eurhythmics class. So Dalcroze drew on the talents and powers of sonorous music.”6 She wanted to insist on loyalty to M. Jaques abilities of the people around him, such as The language of the 1920s seems odd and his method, but this account reveals a Rambert, Lily Braun and Susanne Perrotet. to our ears now, but Dalcroze was trying to narrow view. There have been so many de- While he himself was not a dancer, he did articulate his ideas in a field where he was velopments in movement and dance since the have some experience of theatrical work and a pioneer. Much has happened since then, 1920s and numerous talented specialists in had studied gesture with Delsarte during his but I would like to return to the situation this field that we should embrace the chance early years in Paris. He was a musician and many of us find ourselves in today, namely to share their expertise especially when they a teacher who wanted to have his students that of eurhythmics in a conservatory. Un- also have an understanding of the primary move in response to music. We should bear in fortunately, eurhythmics is often seen as emphasis in our work which is musical. mind that for us also, it is good to draw on the one of many educational methods and due While Dalcroze expressed his dislike talents and abilities of those around us. to problems of insufficient time and space, for the conventions of classical ballet, it is interesting to note what happened during the Hellerau years (1910-1914), where he 5. Marie Rambert, Quicksilver – an 6. Jaques-Dalcroze, E. The Grammar of produced festivals with his students in the autobiography. (London: MacMillan, 1972), 51. Eurhythmics, Le Rythme. 1968, p.6.

70 1909-2009 1926-2009

ters on balance, breathing, walking and still a useful piece in class when exploring running, and in addition to those already diagonal, vertical and horizontal planes. listed above, also chapters on the spine The Esquisses are short enough for to be and its flexibility. Here is an exercise of memorised within one lesson, and they Jaquet’s you might like to try: highlight a certain aspect of movement “Four people stand in a square, each technique, eg. lengthening anacruses, holding a tambour. A soloist in the centre, showing resistance, phrasing and gesture, with legs wide, taps with big movements augmentation and diminution, running of the torso: the tambour in front, then the towards a leap or torso bends. There is a tambour to the right, then the tambour to good feeling for movement in the music the left and then the tambour behind. In and students still find them appealing. doing this he/ she should alternate the This is of course not the only music I use hands, right, left, right, left, etc.”8 as one needs to offer students a range You will discover that in doing this of musical styles, some of which are re- kind of rhythmic exercise, you get a work- corded, to appeal to their wider interests out for the body and bending the torso! and tastes. Dalcroze wanted the whole body to be In conclusion, whatever, movement involved in the free expression of music, technique is used for the eurhythmics not just clapping and stepping, and this class the main point is that it should equip aspect of the work is at risk because of students with the means to better express the compromises which exist in schools themselves according to the demands of of music as mentioned above. He also the music. wrote short pieces known as Esquisses which accompanied his book Exercises for Plastique animée and one of these is Sandra Nash: BMus; Dalcroze Diplome Superieur (Geneva); Australian delegate corporelle, (Geneva, Institut Jaques- to the FIER; Member of the Collège Dalcroze, 1995). Institut Jaques-Dalcroze; Director of 8. op. cit. p 42. Studies for Dalcroze Australia. students have only a brief experience, and yet are expected to understand the philosophy behind it and Abstract Résumé its defining features. The luxury of a full-time school for the study of eurhythmics exists in few places in In 1926, Dalcroze wrote about En 1926, Dalcroze traita du type the world. Most of us teach eurhythmics in part-time what kind of movement technique was de technique corporelle nécessaire situations and the vision which Dalcroze had of this needed by students of Eurhythmics. aux étudiants de rythmique. Il établit method of artistic expression is often compromised He listed the main elements and said une liste des éléments principaux, et because the conditions are never as one would like. that in such a study, it was essential déclara que dans un tel enseignement Unfortunately full body movement and its technique that the exercises be done in a musi- il était essentiel que les exercices soient can be one of the casualties because you need a good cal context. proposés dans un contexte musical. space, a sprung floor, a piano, and students need to Attention is drawn to the valuable L’attention est portée sur la néces- be dressed appropriately. use of movement specialists in Dal- sité d’avoir des spécialistes du mouve- On the other hand we do have some advantages croze programs. However, due to the ment dans les programmes Dalcroze. because of living at the beginning of the twenty-first specific constraints of current learning Cependant, vu les contraintes actuelles century: a positive aspect of teaching eurhythmics situations, eurhythmics teachers them- de l’enseignement, les professeurs de today is the body- oriented nature of our society. selves need to be equipped to deliver rythmique eux-mêmes doivent être ap- Many of our students pursue a wide range of physi- movement technique as part of their tes à enseigner la technique corporelle cal activities including fitness, sport, ice-skating, lessons. Many aspects of Dalcroze’s dans le cadre de leurs leçons. Beaucoup surfing, yoga, pilates, martial arts, ballet, rhythmic original work are still relevant as ef- d’aspects du travail de Dalcroze sont gymnastics, drama, modern dance, and ballroom ficient ways to communicate music toujours valables pour communiquer dancing. They also often have a three year music through movement. la musique par le mouvement. degree behind them. All this is to the advantage of Some historical aspects are re- Certains aspects historiques sont the eurhythmics teacher, which was not the case in ferred to in order to highlight issues cités pour souligner des enjeux tels Dalcroze’s day. He was also conscious of offering such as loyalty to the Master, and exclu- que la loyauté au Maître et l’exclusivité. not only an aesthetic education but also physical sivity. In the context of today’s learning Dans le contexte actuel de l’enseigne- well-being. environment, different attitudes and ment, différents facteurs montrent opportunities mean that we can also que nous aussi, nous pouvons puiser gather from many sources to enrich our dans différentes sources pour enrichir The use of the whole body teaching, so long as the aim is a musi- notre enseignement, pour peu que le cal one and we use body and group but soit musical et que le corps et les Monica Jaquet, who taught Technique Corporelle movement as a means to express musi- mouvements de groupe expriment des for Dalcroze at the Institut in Geneva with his en- cal ideas. Compromises often have to idées musicales. L’enseignement de la dorsement during his lifetime and long afterwards, made where Eurhythmics is taught in rythmique à l’Université ou en Conser- published after her retirement a small book in col- a university or conservatory situation, vatoire nécessite parfois des compro- laboration with Francoise Jeanneret.7 There are chap- but it should be remembered that the mis mais il faut toujours se souvenir use of the whole body is essential to que tout le corps est essentiel dans la Dalcroze Eurhythmics. rythmique Jaques-Dalcroze. 7. Monica Jaquet, Choix d’exercices de technique

1909-2009 71 F.M. (1928) Illustrations : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (p.72) © C.S. Photographie d’A.A. Gulliland, 1935 (p.73)

L’évolution de la Rythmique de M. Jaques-Dalcroze par Frank Martin

I JE NE TRAITE PAS, dans ce travail, exacte- ment le sujet proposé, c’est que les don- nées nécessaires me manquaient trop sur l’enseignement de la gymnastique rythmique au cours des années passées et que le temps était trop limité pour que je pusse réunir une documentation suffisante. Je tiens cependant à parler ici de la façon dont, à mon idée, a pu naître et se développer la rythmique dalcrozienne, rythmique qui s’écarte également de la rythmique classique et de la rythmique anti- que, tout en empruntant ses éléments à chacune d’elles. Je m’excuse, en outre, de traiter aussi som- mairement un aussi vaste sujet. Lorsque M. Jaques-Dalcroze inventa la gym- nastique rythmique (j’aimerais mieux dire qu’il la découvrit, tant elle semble une chose naturelle, une discipline de tous les temps qui n’aurait été qu’oubliée), lors donc qu’il fit cette découverte, il ne songeait guère à réformer les principes rythmiques en usage chez les classiques et les romantiques : sa seule pensée était de trouver une méthode péda- gogique mieux adaptée aux conditions actuelles fondement et régissait tous les rythmes ne pouvait guère demander à ses élèves que celles que la routine de plusieurs siècles avait en usage. Ce rythme-type devait être plus d’un rythme à la fois. N’oublions pas accumulées sur nos écoles et nos conservatoires ; d’une simplicité absolue pour permettre aussi que les rythmes corporels qui ne per- son seul but était de développer chez ses élèves le la complexité d’une polyphonie à 4, 6 ou mettent pas la grande rapidité qu’autorise sens rythmique et l’audition, alors que l’habitude 8 parties, mais par sa régularité, par cette la virtuosité instrumentale, interdisaient était de les faire chanter juste à force de répétition sorte de balancement intérieur, par son du même coup les grands écarts de durée, et de les faire jouer en mesure à force de compter isochronisme sous-entendu, il permettait les rapports de 1 à 16 ou 32, qui sont un les temps. une grande liberté dans la marche ryth- des charmes de la musique de Haydn et Je laisserai à part la question d’audition puisqu’il mique des parties. J’en veux pour preuve de Mozart. s’agit ici de rythmique pure. la syncope, qui ne peut se concevoir que Sa première conquête fut la réinstau- Pour développer ce sens rythmique souvent si dans le cadre d’une mesure proprement ration de la mesure a 5 temps, si naturelle peu éveillé chez nos contemporains, il pensa pou- dite, le propre de la syncope étant l’opposi- corporellement et si fréquente dans la voir faire appel à des gestes instinctifs ou familiers tion qui naît entre le rythme fondamental, musique et la danse populaires. La plus et, en première ligne, au mouvement de la marche, cérébral, sous-entendu, et le rythme réel, commune des rondes genevoises, le Pi- et pouvoir partir de ce fait rythmique commun à joué, chanté ou entendu. coulet, est rythmée à 5 temps. tous les hommes pour faire saisir instinctivement À l’origine, M. Jaques-Dalcroze ne son- Et c’est ainsi que l’on / dan-se’ no-tre en même temps que cérébralement à ses élèves les gea guère à sortir du schème classique, du joy-eux Picou-/let principes et la pratique du rythme musical. rythme construit sur une mesure réguliè- Les polyphonistes avaient abandonné Mais, au moment de ces premières recherches, re. Mais au contact des rythmes naturels cette mesure, car elle se prête mal, par sa où en était la rythmique musicale qui dominait alors de notre corps, dès qu’il se servit d’autres division irrégulière en 2+3 ou 3+2, à la toutes les autres, en particulier celle de la danse ? gestes que de celui de la marche régulière, pratique du contrepoint. C’est précisé- (Basée sur la mesure régulière, sur l’isochronisme il s’aperçut bien vite que d’autres combi- ment cette faculté de se subdiviser en deux érigé en dogme, elle n’utilisait que les multiples naisons de durée nous sont naturelles que éléments d’inégale valeur qui en fait tout de 2 et de 3 et n’autorisait aucun changement à celles qui se peuvent grouper dans des le prix aux yeux des monodistes, et c’est l’intérieur d’un même morceau. On pourrait en mesures de 2 et de 3 temps, si diversement pour cela qu’elle reste comme le type le déduire qu’elle était d’une grande pauvreté, mais il qu’on les puisse diviser. plus achevé en même temps que le plus ne faut pas oublier que ces principes rigides étaient En outre, il reconnut vite aussi la pau- simple de la nouvelle rythmique. nés de la pratique de la polyphonie: la nécessité vreté du principe classique dès qu’on se La seconde conquête fut la liberté de conduire conjointement plusieurs rythmes trouve en présence d’un rythme unique, de changer de mesure à volonté, selon superposés avait amené la création d’un rythme- d’une monodie. l’expression du morceau pour permettre type régulier, isochrone, la mesure qui servait de Or, dans les débuts tout au moins, il l’allongement ou le raccourcissement de

72 1909-2009 F.M. (1928)

l’anacrouse, pour serrer ou allonger un motif, un qui soit vraiment faite et parfaite, incorpo- se douter des possibilités nouvelles que thème, une phrase musicale. rée à leur sens rythmique le plus instinctif. leur donne la rythmique nouvelle de Ja- Restant malgré cela toujours dans l’idée de la Il est bien évident, pourtant, qu’il n’y a ques Dalcroze. Bien peu, je pense, sont rythmique classique, de la prédominance de la aucune raison de ne pas chercher plus capables de sentir intérieurement ne fût- mesure, on se mit à étudier les doubles vitesses et avant. Toutes les possibilités des mesures ce qu’une mesure à 5 temps, si un rythme les doubles lenteurs, procédé cher aux contrepoin- à 7, 8, 9 temps et plus sont peu à peu ex- n’est pas collé dessus. Une syncope de ce tistes. Mais, au lieu de limiter cette technique aux périmentées. Par leurs doubles et triples genre serait peu appréciée généralement seules mesures binaires, on l’appliqua également vitesses naissent à leur tour des mesures dans un morceau purement monodique. aux mesures ternaires et quinternaires. Ceci n’al- à temps inégaux où les valeurs relatives Pour terminer, j’indiquerai sommai- lait pas sans difficulté : dans un cahier de 1909, la des temps ne sont plus seulement dans la rement que cette étude si complète des double vitesse d’une blanche, trois noires, super- proportion de 2 à 3, mais de 3 à 4, de 3 à mesures, des temps, que la rythmique dal- posée à la simple vitesse est considérée comme 5, de 4 à 5 etc. Les nouvelles générations crozienne continue à poursuivre, s’exerce trop difficile pour des élèves de troisième année de rythmiciens en feront leur pain quo- également sur les phrases musicales, sur professionnelle. tidien comme nous faisons le nôtre de la les groupements de mesures et, par là, Ces doubles vitesses de 5 temps, trop rapides mesure à 5 temps. détermine des recherches sur la forme pour être battues à 5 temps réels, devenaient tout Il y a là un avenir encore plein de musicale, sur le rythme général d’une naturellement des mesures à 2 temps inégaux. Du nouvelles conquêtes à faire et aussi de œuvre. même coup, la rythmique dalcrozienne rejoignait, nouvelles règles de style à trouver. Et peu à peu, de toutes ces recher- sur ce point, celle des Grecs, mais elle avait suivi un En effet, on peut concevoir une mu- ches jaillira une lumière nouvelle sur chemin tout différent, puisque chez ceux-ci, c’était sique où le rythme, constamment chan- la question des styles musicaux lorsque le rythme prosodique, l’addition de longues et de geant, ne repose sur aucune mesure ; sera clairement compris le rapport entre brèves, de durées simples et doubles, qui avait pro- une autre aussi, où le rythme régulier rythme et mesure, entre accent rythmique duit cette inégalité, ce manque d’isochronisme. lui-même soit collé pour ainsi dire sur la et accent métrique, rapport qui, proba- Il n’eut pas trop de peine à faire exécuter ces mesure même. Dans ces deux cas, on se blement, varie avec chaque époque, avec temps inégaux par les élèves rythmiciens, mais à prive d’une richesse que M. Jaques n’en- chaque auteur. la condition de les décomposer en valeurs courtes tend pas abandonner : la joie esthétique Le but de cette étude était seulement égales, ou en longues et brèves à la manière des de comprendre, c’est-à-dire de saisir sous de montrer la richesse de cette nouvelle Grecs, abandonnant ainsi le rythme classique, la la liberté apparente, sous la souplesse et conception rythmique et comment elle est ligne suivie, jusqu’ici, pour reprendre à l’autre ex- la fantaisie du rythme proposé, l’ordon- née peu à peu de l’union journalière, dans trémité le principe d’addition, addition de syllabes, nance sous-jacente, la mesure. J’en donne la gymnastique rythmique des rythmes addition de gestes. un exemple. corporels et des rythmes de la musique Avec les musiciens, habitués à la persistance du Ce même rythme prend une toute classique, du rythme instinctif par addi- mouvement isochrone, à la mesure régulière, on a autre valeur selon qu’on le pose sur un tion de valeurs courtes et de la grande encore beaucoup de peine à obtenir les rythmes de mètre isochrone ou qu’on le colle, note construction intellectuelle des polypho- cette sorte. En effet, il n’est pas très difficile d’addi- pour note, rythme pour rythme, sur des nistes, la mesure, rythme idéal, isochrone, tionner des gestes longs et brefs les uns aux autres, mesures inégales, à temps inégaux. Ce qui gouverne le rythme réel, bien qu’il ne dans n’importe quel groupement, tandis qu’il est sont deux styles, deux mondes différents, soit pas perçu par l’auditeur, pas joué par très malaisé, par exemple, de diviser en 5 parties deux formes d’expression et de pensée l’exécutant, rythme de la pensée, sous- une longue durée, de poser une note sur la première différentes. entendu, vivant pourtant. et la troisième, puis de se figurer une autre longue Les musiciens commencent à peine à durée dont la valeur soit dans la proportion de 7 à 5 de la première, de la rediviser etc., travail que fait le musicien habitué à la rythmique classique. Mais où M. Jaques est vraiment original, c’est qu’arrivé à ce point par élaboration de la rythmique classique, non point par le procédé d’addition des Grecs, il entend que ses mesures à temps inégaux restent des mesures, et que dans le cadre de ces me- sures inégales, on pratique la même liberté d’allure que dans les mesures classiques à 2 et à 3 temps. Longues et courtes durées, divisions binaires, ternaires, quaternaires, quinternaires etc., des temps, des mesures, syncopes, toutes les possi- bilités mathématiques qui découlent de ces deux fonctions : addition de petites valeurs, division de grandes, on cherche à utiliser tous ces procédés, à les combiner, à se les incorporer à tel point qu’ils deviennent naturels, automatiques. Je me suis arrêté à la mesure à 5 temps parce qu’elle est la plus simple et qu’elle suffit à tout ex- pliquer, aussi peut-être parce que j’ai l’impression que c’est à elle que s’arrêtent, pour le moment, la plupart des rythmiciens, que c’est la seule conquête

1909-2009 73 1928-2009

Illustration : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Zur Entwicklung der Rhythmik Kommentar zu dem Artikel „L’évolution de la rythmique von Reinhard Ring de M. Jaques Dalcroze“

RANK MARTIN (1890-1974) WAR MIT Erfunden oder entdeckt? Verskunst entwickelt wurde. Zum anderen 38 Jahren Dozent für Theorie die Klassik und Romantik mit ihrer sich und Rhythmus am Genfer Insti- „... Jaques-Dalcroze inventa la gymnasti- aus dem Kontrapunktik ergebende Regel- tut geworden. Gleich zu Beginn que rythmique (j’aimerais mieux dire qu’il la mäßigkeit vertikal gedachter Teilungen, seiner neuen Tätigkeit hinter- découvrit, tant elle semble une chose naturelle, Martin nannte sie Isochronie. In der Dal- fragte er die Entwicklung dieser une discipline de tous les temps qui n’aurait croze-Rhythmik wurden binäre und ternäre Disziplin. In den zehn Jahren als Dozent in été qu’oubliée)...“ Gruppierungen und Teilungen sowohl ad- der Rhythmikausbildung, aber auch später „... Jaques-Dalcroze erfand die rhythmische ditiv als auch vertikal ermöglicht. Das war als freischaffender Komponist hat er sich Gymnastik (ich sage lieber, dass er sie entdeckte, das Besondere. Darüber hinaus befasste sie immer wieder mit historischen und syste- denn sie scheint eine natürliche Sache, eine sich auch mit weiteren Unterteilungen und matischen Fragen der Rhythmik auseinan- Disziplin aller Zeiten gewesen zu sein, die nicht Takten. Für die Zukunft sah Frank Martin dergesetzt. Er thematisierte besonders den hätte vergessen werden sollen)...“ hier keine Grenzen. Rhythmus in der Rhythmik. Wie die Kom- Bei dieser Sichtweise schien sie folglich „... n’y a aucune raison de ne pas chercher ponisten Erneste Bloch oder Bernard Reichel, nicht erst mit Dalcroze begonnen zu haben. plus avant. Toutes les possibilités des mesures gehörte Frank Martin zu denjenigen Dalcro- Frank Martin bevorzugte, von «Wiederentde- à 7, 8, 9 temps et plus sont peu à peu expéri- ze-Schülern, die die Musik des 20. Jahrhun- cken» zu sprechen statt von «Erfinden». Dies mentées.“ derts an Werken mit ungleich zusammen- lässt sich heute auf viele große Musikpäda- „... es gibt keinen Grund, nicht weiter zu gesetzten Takten und Taktteilen bereichert gogen des 20. Jahrhuderts übertragen, wie suchen. Alle Möglichkeiten der Takte mit 7, 8, haben. Frank Martin dokumentierte seine auf Orff, Kodaly oder Gordon. Alle schöpften 9 Zeiten und mehr werden allmählich erpro- Gedanken in verschiedenen Artikeln. Die aus Vorhandenem, liebten die Körperlichkeit bet.“ von der Edition Papillon 1995 herausgege- der Volksmusik (Gordon’s Jazz-Orientierung bene Sammlung «Ecrits sur la Rythmique» hier einmal einbezogen) und integrierten sie ist eine Schatzkammer seiner Ideen, wobei in ihre Konzeption. Rhythmische Sinne entwickeln besonders auf «Les Sources du rythme musi- Frank Martin wies darauf hin, dass Dal- cal» zum 100. Geburtstag von EJD 1965 croze sich von dem Genfer Volkstanz «Picou- Mit diesen «wiederentdeckten» und hinzuweisen ist. let» und dessen ungleich zusammengesetzen schöpferisch weiterenwickelten Elementen Den hier kommentierten Artikel schrieb Takten anregen ließ. Die Polyphoniker hatten mussten neue Übungen und pädagogische Frank Martin vor 80 Jahren. Er benutzte den 5er-Takt fallengelassen, da er sich durch Wege gefunden werden, damit der rhyth- darin das Wort Rhythmik in mehrfacher Be- seine unregelmäßige Aufteilung in 2 +3 oder mische Sinn auf einem höheren Niveau trai- deutung. Einmal für das musikalische Phä- 3 +2 schlecht für den Kontrapunkt eignete. niert werden konnte. Hier liegt der Kernbe- nomen und zum anderen für die musikpäda- Die besondere Leistung der Dalcro- reich, auf den Rhythmiker aller Richtungen gogische Disziplin. Dadurch wurde die Nähe ze-Rhythmik war, dass sie die antike und immer wieder zurückkommen. Schon bei der Dalcroze-Rhythmik zur musikalischen klassische Rhythmik auf neue Art zusam- Dalcroze gilt: Rhythmik dokumentiert. Im folgenden sei menbrachte. Zum einen die antike Rhythmik „... sa seule pensée, était de trouver une auf einige Kernsätze eingegangen. mit ihrem additiven Charakter, der aus der méthode pédagogique mieux adaptée aux

74 1909-2009 1928-2009

conditions actuelles...“ und Instrumentalisten. Auch heute zeigen sich immer wieder rhythmische „...sein einziger Gedanken war es, eine Das Bewegungsrepertoire hat sich von Schwächen auch bei sonst begabten Musikern. Die- pädagogische Methode zu finden, die besser Generation zu Generation entwickelt. Es se Schwächen hängen in der Regel mit körperlichen zu den aktuellen Bedingungen passt...“ begann bei Dalcroze mit Gehen, Taktieren oder psychophyschen Konstellationen zusammen. und oder mit Adaptionen des aufgekommenen Sie werden in guter Rhythmik-Tradition am be- „Pour développer ce sens rythmique modernen Tanzes einer Isadora Duncan. sten über körperliche Übungen bearbeitet. Frank souvent si peu éveillé chez nos contempo- Bis heute haben Generationen von Rhyth- Martin sah voraus, wie in Zukunft viele neue Er- rains, il pensa pouvoir faire appel à des miklehrern zu dem Ideenschatz an Bewe- oberungen zu machen seien und wir können ihm gestes instinctifs ou familiers et... faire gungen beigetragen, der eine organische zustimmen - die... saisir instinctivement en même temps que Grundlage für musikalische Phänomene „... nouvelles générations de rythmiciens en feront cérébralement à ses élèves les principes et wie Polyphonie, additive Rhythmik, ver- leur pain quotidien...“ la pratique du rythme musical.“ längerte Auftakte, Phrasierung, Dynamik „... neuen Generationen von Rhythmikern werden Um den rhythmischen Sinn zu entwi- und Artikulation dienen, um nur einige sich täglich darum bemühen...“ ckeln benutzte er vertraute Bewegungen... Inhalte aus dem klassischen Themenstu- und brachte sie in Zusammenhang mit dium zu nennen. Die Entwicklung der Mu- Reinhard Ring: Universitätsprofessor für bewussten musikalischen Rhythmen. sik und der neuen Bewegungsstile brachte Rhythmik - Hochschule für Musik und Theater Das zieht sich als roter Faden durch es mit sich, dass die Rhythmiker heute Hannover; Präsident der FIER 1992-2003 die Entwicklung der Dalcroze-Rhythmik. dem ganzen Reichtum vieler Stile gegen- Sie beginnt nicht damit, künstlerische überstehen. Es ist nicht mehr wie vor 80 Abstract (R. Ring) Bewegungen einzustudieren, sondern Jahren, als Frank Martin schrieb... zunächst mit natürlichen und vertrauten „... la double vitesse d’une blanche, trois Frank Martin looks at the development of Bewegungen, auf die wir uns verlassen noires, superposée à la simple vitesse est Dalcroze-Eurhythmics especially in view of the können. Auf diesen Bewegungen lassen considérée comme trop difficile pour des dealing with rhythm. Its particular achieve- sich musikalische Phänomene aufbauen. élèves de III-E année professionnelle...“ ment is that it connected the antique and the In einem weiterentwickelten Stadium, „... das doppelte Tempo einer Halben, classical-romantic rhythmics in a new way. können die Bewegungen dann selbst drei Viertel, die Geschwindigkeit war da- New exercises and pedagogical ways had to be einen künstlerischen Ausdruck bekom- mals zu schwierig für die Schüler des III. found with these “re-discovered” and creatively men. Jahres in der Berufsausbildung...“ refined elements so that the rhythmical sense Diese Vorgehensweise scheint mir Heute sind die Herausforderungen in could be trained on a higher level. This is the auch der Grund, warum die Rhythmik der Rhythmik anspruchsvoller geworden. core spectrum that eurhythmics teachers of all für so viele unterschiedliche Adressaten Bei Musikstudenten gehören polyrhyth- different schools come back to. If you keep on genutzt werden kann, für Menschen mit mische Übungen zum täglich Brot. Sie Frank Martins way of thinking the result today eingeschränkten Fähigkeiten oder für be- müssen für die Musik des 20. Jahrhun- will be an abundance of new assignments for sonders Begabte. Für Schauspieler ohne derts, bei Strawinsky, Bartok, Messiaen, a modern eurhythmics. musikalische Grundlage oder für Sänger Cage und im Jazz beherrscht werden.

1909-2009 75 É. J-D. (19321) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Musique et Mouvement par Émile Jaques Dalcroze

N IMAGINANT EN 1904, D’ALLIER dans l’édu- elle nous exprime. Les rythmes percutés quelconque, c’est détruire la collaboration cation le rythme corporel au rythme incitent aux élans rapides et souples, mais des deux éléments. C’est la détruire aussi musical et de les amener peu à peu à ce sont l’enchaînement des mouvements que de faire accompagner une musique ex- une imprégnation réciproque, je ne rythmés, leur phrasé, leurs modifications pressive par des mouvements inexpressifs me doutais pas de la transformation lentes ou rapides d’expression, qui assurent ou inadéquats. Lorsque deux arts veulent qu’allait provoquer cette idée dans leur existence triple : la sensorielle, la spi- s’associer, se pénétrer et se compléter, il la vie pédagogique et artistique, à l’école comme rituelle et la sentimentale. La gymnasti- faut que chacun d’eux fasse des sacrifices au théâtre, en attirant l’attention sur les affinités que moderne allemande cultive beaucoup et des éliminations, car deux techniques et complicités des mouvements humains naturels les élans, mais si toute vie comporte des ne peuvent s’affirmer en même temps sans stylisés et des mouvements des sons, des lignes élans, les élans ne constituent pas la vie, à concessions mutuelles. et des couleurs, sous l’influence du grand rythme moins que la raison ne les ordonne ou que L’organisme humain est susceptible de la vie. Divers systèmes de Rythmique ont été l’émotion ne les provoque et les justifie. La d’être efficacement éduqué selon les ordres créés depuis et chaque année il en paraît de nou- musique doit jouer un rôle important dans et les impulsions de la musique, car les veaux. Cela pourrait sans doute être un grand l’éducation générale parce qu’elle répond rythmes musicaux, comme les rythmes bienfait, si dans toutes ces méthodes l’idée géné- aux désirs les plus divers de l’homme, au corporels, sont le résultat de mouvements rale « musique et mouvement » était toujours res- désir de se mouvoir, à celui de se recueillir, successifs ordonnés, nuancés et stylisés de pectée. Mais bien souvent les théoriciens en à celui de s’évader de soi-même, à celui de façon à former une entité. Leurs ordinations quête de nouveau ne le recherchent que dans la rêver, à celui d’agir en toute vaillance, en diverses exercent le sentiment métrique ; spécialisation, ce qui dénature la conception pre- tout élan, en toute joie, à celui d’oublier, leurs accentuations, leurs « crescendo » et mière. Il est indéniable, par exemple, que la gym- de persuader et de consoler. Et il est cer- « diminuendo » d’énergie exercent le sens nastique moderne est fortement influencée par tain que la musique, qui est l’expression dynamique ; les changements de « tempo » les principes de continuité, d’élasticité, de sou- directe du sentiment, purifie les vouloirs, et de longueur de temps développent le plesse de « tempo », d’échange de durées et de supprime les faiblesses, stimule les éner- sentiment de la durée ; enfin les différences dynamismes, de réactions et d’inhibitions, de gie et satisfait les besoins d’idéal. Sa tâ- de points de départ et d’arrivée des mou- variété dans les contractions et décontractions, che est par conséquent sérieuse et nous vements, les luttes contre les résistances – qui caractérisent la Rythmique. Mais la musique ne pouvons parler d’une union entre les réelles ou imaginaires, et les échanges n’est pas à sa base et dès lors il manque un lien rythmes musicaux et corporels sans exiger de nuances d’élasticité, exercent le sens entre les éléments vitaux à associer : le corps et que ces deux éléments soient approfondis musculaire-tactile. Tous les membres et l’esprit, l’imagination et l’acte, la raison et le et étudiés avec une égale sollicitude... Faire sections de membres sont susceptibles de coeur. exécuter de beaux exercices de gymnasti- se mouvoir rythmiquement, de s’associer, Dans certains nouveaux systèmes de Rythmi- que avec accompagnement d’une musique dissocier et superposer synchroniquement que l’on emploie comme collaborateur du mouve- ment corporel que la « musique » des instruments de percussion. Il est évident que les rythmes frap- pés sur la timbale, le tambour et le tambourin sont propres à développer le sens de l’accentuation et le sentiment métrique, comme aussi à inciter le corps aux élans et aux résistances, – mais ils ne constituent qu’un des éléments de la musique intégrale. La continuité, la superposition et les associations et dissociations des mélodies et des harmonies introduisent en effet, dans l’organisme sensitif un élément de vie intime comme d’ani- mation générale, que je trouve nécessaire à une complète éducation psycho-physique. La musique ouvre une lucarne sur l’idéal ; ses résonances s’associent intimement à toutes les vibrations de notre intérieur : elle nous ennoblit, elle nous élève,

76 1909-2009 É. J-D. (19321)

et anti-synchroniquement pendant l’action, derne (Laban p. ex.) s’affirme au contraire compte dès lors que la Rythmique doit essayer de s’opposer et de s’unir, de s’harmoniser délibérément dionysiaque, de même que d’être une « préparation générale » aux arts comme et de se combattre. Leurs mouvements certaines musiques à la mode se laissent à la vie. Elle doit s’efforcer à agir sous toutes les sont idéalisés par la collaboration de l’acte envahir par la frénésie des tamtams et forces actives de l’individu et à établir des rapports vocal, également capable de produire une se grisent de cocktails sonores variés, ne intimes entre le corps et le cerveau. Le résultat musique ordrée, rythmée et nuancée. – parvenant à conserver leur équilibre que est la création d’échanges entre les sensations L’éducation générale par et pour le rythme grâce au soutien rigide du 2/4, – et que et sentiments, et la transformation en actes des s’appliquera donc dès le début des études d’autres encore, sont construites et déve- vouloirs ou des fantaisies de l’imagination. à habituer l’enfant à associer ses mouve- loppées sur des rythmes mathématiques. De nos jours les facultés corporelles de l’hom- ments corporels aux mouvements sonores, Et c’est ainsi que l’homme qui, du temps de me sont dans beaucoup de cas amoindries par la le corps dictant aux sons chantés ses durées Pascal, se contentait d’imiter l’ange ou la collaboration trop fréquente de la machine, – ou et leurs nuances de force et d’élasticité, – bête, se plaît en outre aujourd’hui à imiter encore elles sont cultivées dans un sens nettement et la voix inspirant aux membres le sens la machine. utilitaire, dans la recherche de l’effet immédiat, du phrasé, grâce à l’observation des lois Le programme du système d’éducation de la spécialisation outrée dans le but du succès, naturelles qui règlent les mouvements du que je préconise comprend tous les exerci- de la « standardisation », du record. D’autre part la diaphragme. En outre les nuances d’élé- ces de Rythmique générale ayant pour but préoccupation constante de l’analyse scientifique vation des sons chantés et enchaînés sont de rendre aux mouvements humains leur de la vie et de l’art, le goût de l’enquête minutieuse, traduisibles par des mouvements corpo- liberté entière, c’est-à-dire de supprimer du contrôle persistant, de la préparation lon- rels en lignes droites, courbes et brisées. toutes les interventions musculaires inuti- guement méditée, amoindrissent cher l’homme Si ces sons sont accompagnés de paroles, les et de réduire le nombre des inhibitions les qualités de sensibilité, d’élan, d’expression, les rythmes du langage éveillent, eux et résistances. Ces exercices restituent au d’épanouissement et d’enthousiasme. Cette dis- aussi, une nouvelle source d’inspiration rythmicien des rythmes corporels oubliés, position accentue encore plus fortement le côté pour l’imagination créatrice, musicale et et en crée de nouveaux selon les indications prosaïquement intéressé de la culture corporelle musculaire. précieuses de la musique, art spontané par et nuit à cet équilibre psychique et physique qui Une fois l’harmonie établie entre les excellence. Ils s’appliquent aussi à ordrer fut la grande vertu des Grecs. Elle s’oppose en nos mouvements divers de l’organisme et la leurs mécanismes en instaurant dans l’or- actions à l’établissement d’un style où se trouvent mélodie rythmée, il reste à harmoniser ganisme un état permanent d’équilibre et réunis et fondus l’ordre et la sensibilité, l’élan et la la polyrythmie corporelle et la polyryth- de mesure, dans le temps et dans la durée continuité d’action, la réflexion et l’imagination, mie sonore. L’éducation adjoindra pour comme dans les dynamismes antagonis- le tempérament et le caractère... cela l’instrument à la voix et enseignera tes. Ils activent les réactions nerveuses, L’éducation actuelle manque d’unité, et il à l’enfant les rapports entre les combi- renforcent les vouloirs cérébraux, aug- ne saura en être autrement, tant que les éduca- naisons de sons et celles des gestes et des mentent la gamme des réflexes, créent teurs intellectuels ne chercheront pas à entrer en divers modes de marche, entre les gestes d’utiles automatismes et permettent en contact avec les maîtres de la culture physique et de l’individu isolé et ceux d’une collectivité, même temps à l’élève d’interrompre au vice-versa. Vous voyez par exemple les premiers et enfin, elle cherchera à leur donner un moment voulu les actions automatisées réprouver les principes de l’émulation, tandis but émotif ou esthétique. Car, pour être ou de les faire se succéder d’une façon que les seconds placent cette émulation à la base complet le musicien, comme le danseur, aisée, – comme aussi d’établir l’harmonie du progrès. L’éducateur ne devrait-il pas cher- doit être également inspiré par Dionysos entre les actes automatiques et les actes cher à assurer à l’enfant une sensation constante et par Apollon, et savoir se révéler et se volontaires. La Rythmique constitue ainsi d’équilibre entre ses facultés générales et, pour donner « sans mesure », tout en restant une sorte d’éducation du système nerveux, cela, harmoniser les divers facteurs du progrès, « en mesure ». Or trop souvent le danseur de la volonté et des facultés imaginatives. sachant par exemple reconnaître à l’orgueil de du ballet classique s’avère exagérément Ajoutons qu’une partie de ses exercices sont grandes vertus de stimulation, mais sachant aussi apollinien, dans les manifestations im- destinés à faire une sorte d’orchestration le remettre à sa place lorsqu’il compromet par ses muables d’une harmonie corporelle à ja- des mouvements, dans un sens décoratif excès le naturel et la simplicité d’expression ? mais réglée et fixée ; – tel le virtuose qui ou dans un sens expressif, et que cette or- Et voici nettement indiqué, dès lors, le rôle réfrène constamment toute expansion et chestration comprend à la fois la succes- de cette éducation spéciale qui, sous le nom de tout élan émotionnels non prévus, pour sion, la superposition et l’harmonisation Rythmique, tend à musicaliser et idéaliser le ne pas nuire à la clarté des effets de tech- des mouvements de l’homme isolé et des mouvement corporel et à humaniser la musique. nique. Tel genre de danse artistique mo- groupements humains. Nous nous rendons Ce rôle consiste à contrebalancer dans l’esprit de l’homme l’idée obsédante des résultats exté- rieurs, des exploits en crescendo et des records en vitesse, et d’équilibrer son amour inné du beau, ses qualités émotives, son esprit imaginatif, sa puissance de création, ses vouloirs et ses pouvoirs. Et, de cette façon, l’on instaurera le conscient dans l’inconscient, l’inconscient dans le conscient ; l’imagination dans l’ordre, l’ordre dans l’imagi- nation ; l’esprit dans le mouvement et le repos, le mouvement et le repos dans l’esprit ; l’action dans la santé, la santé dans l’action ; la mesure dans l’imprévu, l’imprévu dans la mesure ; le coeur dans la raison, la raison dans le coeur ; l’âme, l’esprit et le corps dans la musique, et la musique dans le corps, dans l’esprit et dans l’âme.

1909-2009 77 19321-2009 Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Commentaire par Eri Inoue de « Musique et Mouvement »

suivre la progression de son idée. Dans l’essai « Musique et Mouvement » de 1932 dont nous parlons, il fait part de sa réflexion sur le passé : «En imaginant en 1904 d’allier dans l’éducation, le rythme corporel au rythme de la musique, et de les amener peu à peu à une imprégnation réciproque… « Divers ensembles de rythmique ont été créés de- puis chaque année et il en paraît de nouveaux… » Jaques-Dalcroze continuait à penser ; à recher- cher, à inventer de nouveaux exercices concernant la relation entre la musique et le mouvement. Peu à peu la rythmique s’élabore et se trans- forme : «La gymnastique moderne est fortement influen- cée par les principes de continuité, d’élasticité, de souplesse, de ‘tempo’, d’échange de durées et de dyna- mismes, de réactions et d’inhibitions, de variété dans les contractions et décontractions, qui caractérisent la Rythmique. Mais la musique n’est pas sa base. » Quand il dit « la Musique », il pense au rythme, à la mélodie, à l’harmonie. Et ce n’est pas uniquement le rythme frappé sur des tambours : « Il est évident que les rythmes frappés sur la timbale, le tambour et le tambourin sont propres à développer le sens de l’accentuation et le sentiment métrique, comme aussi à inciter le corps aux élans et aux résistances, mais ils ne constituent qu’un des éléments de la musique intégrale, la continuité, la superposition et les associations et dissociations des ET ESSAI A ÉTÉ ÉCRIT par Jaques- que » édition de 1906. Je l’ai trouvé au mélodies et des harmonies. » Dalcroze alors âgé de 67 ans Marché aux Puces (à la brocante) à Ge- Reprenons maintenant le livre de 1906 : Pou- en 1932. Ce titre « Musique nève, alors que je poursuivais mes études vons-nous y entendre la mélodie et l’harmonie ? et Mouvement » comporte dans cette ville, ver 1990. C’était tout un Jaques-Dalcroze écrit seulement « le Rythme ». déjà en lui-même les deux symbole pour moi, rythmicienne, de trou- Mais en enseignant la rythmique, Jaques-Dalcroze mots-clés permettant de dé- ver un tel livre, qui s’était endormi dans improvisait au piano pour ces rythmes. Voilà, la finir la Rythmique. un coin presque 100 ans. musique est là ! Ainsi la liberté de l’imagination Au début de sa carrière, Jaques-Dal- Dans ce livre, on y trouve des exem- coexiste avec la limitation de l’imagination. croze en tant que professeur d’harmonie ples de rythmes, des exercices de respi- La rythmique a été introduite au Japon en 1907, et de solfège, entreprit des expériences ration, illustrés par des photos d’élèves par un acteur de théâtre traditionnel Kabuchi, du rythmiques avec ses élèves dans le but de cette époque. En lisant ce livre, j’ai nom de ILCHIKAWA Sadanji. Recherchant de nou- de développer l’oreille musicale. mieux compris la pensée profonde de velles expressions corporelles, il suivit des cours de A l’âge de 40 ans, commença sa carriè- Jaques-Dalcroze concernant la relation Jaques-Dalcroze à Londres en 1906. re de professeur de rythmique, et il donna entre rythme et corps. Puis il y eut d’autres personnalités qui assistè- des cours dans de nombreuses villes, dont Après le premier livre, Jaques-Dal- rent à des démonstrations de rythmique à Hellerau, Londres et Genève. Et il écrivit des livres croze écrivit en 1916 : « Méthode Jaques- et s’inspirèrent des idées de Dalcroze : OSANAI sur la Méthode de Rythmique. Dalcroze, la Rythmique ». Ce qui est inté- Kaoru, écrivain, ITO Michio et ISHI Bakou, dan- J’ai en mains un vieux livre « Méthode ressant, c’est que le mot « gymnastique » seurs. Jaques-Dalcroze, Gymnastique Rythmi- n’est plus mentionné. Ceci permet de Ainsi la méthode Jaques-Dalcroze s’est introdui-

78 1909-2009 19321-2009

te au Japon par le biais du théâtre et de la danse. Le premier japonais à introduire la rythmique dans l’éducation est KOBAYASHI Sosaku, qui étudia à Paris en 1924. De retour au Japon, il fonda une école enfantine et primaire où l’on pratiquait la rythmique. Un livre « Totto chan » parle de lui. Une professeure d’éducation physique, AMANO Cho, a également étudié à Paris en 1931. Toutes ces personnalités ont mis l’accent sur l’aspect mouvement plutôt que musique. C’était une éducation pour le mouvement. Et la musique ? KOBAYASHI Sosaku le premier a introduit le chant dans les activités enfantines. Il a musicalisé la vie ! Je pense à une phrase de Jaques-Dalcroze : « La musique ouvre une lucarne sur l’idéal : ses résonances s’associent intimement à toutes les vibra- tions de notre intérieur… » « …Sensorielle, spirituelle, sentimentale, la mu- sique doit jouer un rôle important. » Jaques-Dalcroze a été avant tout compositeur. Malgré une lourde charge entre l’enseignement et l’administration d’une école, il a composé un grand nombre d’œuvres, dont beaucoup de chansons. Ce qui démontre sa grande passion pour la musique. La musique est sa vie ! Il y a un siècle que la rythmique est née. Au fil des ans, elle s’est répandue dans le monde entier. Les pratiques actuelles très diversifiées sont le meilleur reflet de la richesse de l’idée de Jaques- Dalcroze. C’est comme un bouquet de fleurs, toutes variées et épanouies, nourries par la riche terre. Les commentaires sur le texte de Jaques-Dalcro- ze sont pour moi l’occasion de réaffirmer la relation intime entre la musique et le mouvement. Quand je lis le mot « Rythme » dans le vieux livre trouvé au Marché aux Puces, j’entends alors la belle mélodie et la belle harmonie de Jaques- Résumé (Madeleine Duret) Abstract Dalcroze. Nous vivons tous au présent. Le présent est le L’auteur évoque la carrière de Ja- The author evokes the career of pont entre le passé et le futur. Je voudrais trans- ques-Dalcroze, et parle son livre « Mé- Jaques-Dalcroze and speaks of his book mettre au futur la respiration de Jaques-Dalcroze thode Jaques-Dalcroze : gymnastique “Méthode Jaques-Dalcroze : gymnastique à travers ses chansons. rythmique » (1906) dont elle a trouvé rythmique” (1906). This book, which Et je terminerai par cette citation : un exemplaire dans une brocante à Ge- she found by accident in a second hand « L’âme, l’esprit et le corps sont dans la musique ; nève. Ce livre a aidé l’auteur à éclairer book shop in Geneva, helped her clarify la musique est dans le corps, dans l’esprit et dans sa propre pensée. her own thoughts. l’âme. » L’auteur mentionne quelques ré- The author mentions several reflec- flexions trouvées dans l’article de 1932 tions in the 1932 article on the research sur les découvertes et les recherches de and discoveries of Jaques-Dalcroze. She Jaques-Dalcroze. Elle met en évidence emphasizes that the word “Rhythm” que le mot Rythme doit être pris dans must be accepted globally, in its wid- Eri Inoué : B.A de l’Université Nationale des sa globalité musicale, soit incluant la est musical context, including that of Arts et Musique de Tokyo. Licence et diplôme de mélodie et l’harmonie. melody and harmony. l’Institut Jaques-Dalcroze de Genève. Actuellement S’ensuit un historique de la ryth- Follows a summary of the history professeur au Collège de Musique Kunitachi de mique au Japon, qui au départ en 1907 of Eurhythmics in Japan, which mainly Tokyo, ainsi qu’à l’université Tamagawa, à l’école intéressait principalement des acteurs interested actors and dancers in 1907. de formation des enseignants de la petite enfance et danseurs. La rythmique pour la mu- Eurhythmics for music was introduced de Yokohama. Conférencière de rythmique dans sique est introduite vers 1924. in Japan around 1924. le cadre de la Société Japonaise pour l’Education La musique fut la vie de Jaques-Dal- For Jaques-Dalcroze music was his Musicale, et directrice de l’école de musique croze, et son œuvre se retrouve dans le life, and his method has now found its Rizumu-no-mori, de Yokohama. Elle est la vice- monde entier. place throughout the world. présidente de la Société Dalcroze du Japon.

1909-2009 79 F.M. (19322)

Pourquoi la Gymnastique rythmique n’est pas moderne et pourquoi il est heureux qu’elle ne le soit pas par Frank Martin

I CES QUELQUES LIGNES S’ADRESSENT, tout na- la grande technique pianistique n est pas ques, du goût de l’auteur et de celui de son turellement, à ceux qui ne connaissent son fort, sa pratique du solfège n’en fait temps, le cadre de certaines conventions pas la gymnastique rythmique, ou la pas un chanteur réputé et sa tête ne s’orne générales ou individuelles, en un mot le connaissent mal, ce n’est pas une raison pas de la couronne de chêne du gymnaste. cadre du style. La rythmique ne cherche suffisante pour que ses fidèles les laissent Au moins, pense-t-on, dans le domaine nullement à endiguer, à limiter. Son action de côté, car qui peut se vanter d’en avoir purement rythmique va-t-il se trouver est une poussée, un dynamisme. On ne jamais fait le tour ? La chanson, pleine d’humour, sans concurrent : il sera un lecteur et un peut lui demander la création d’un style. de M. Jaques : « Je n’sais pas pourquoi j’fais de la réalisateur de rythmes hors pair. Mais Et ne nous en cachons pas, la poussée de Rythmique, je n’sais pas pourquoi » dépeint encore non, ce n’est pas son métier, c’est celui la Rythmique est dans un sens opposé à et toujours l’état d’âme d’une bonne partie de nos du musicien d’orchestre, et la réalisation tout le mouvement moderne vers la spé- élèves. Espérons que plus tard ils sauront pourquoi des rythmes sur un instrument de musi- cialisation et le record. C’est en affirmant ils l’enseignent! Si je dis en tremblant : « La gym- que suppose une technique approfondie nettement cette volonté que nous lui don- nastique rythmique n’est pas moderne », encore et une pratique constante de cet instru- nerons sa réelle position et sa véritable faut-il que je définisses un tout petit peu ce que ment. Non, décidément, le rythmicien raison d’être. j’entends par ce mot « moderne », qu’on met à toutes n’est pas un spécialiste et s’il veut l’être, P.- S.–Si l’on nous demande alors sauces et qui, pour nos esthéticiens, indique déjà s’il veut avoir un succès personnel en tant pourquoi la Rythmique cherche parfois une période révolue, l’avant-guerre. Ce mot, qui que rythmicien, il sort résolument de son des réalisations esthétiques et donne des dit tant de petites choses, je le prends dans un sens rôle et fausse le sens de la rythmique. Car spectacles, nous répondrons que l’homme très vaste, comme caractérisant l’orientation la la Rythmique cherche une chose, une n’est pas un ange pour vivre dans l’éternité, plus apparente de notre monde actuel. Je crois que seule, qu’on la nomme « unité », « inté- ou seulement dans le futur, et que c’est l’on peut, sans trop se compromettre, avancer que gralité », « harmonisation du corps, de la un besoin, une nécessité même, d’arriver ce monde s’oriente plutôt vers les valeurs matériel- sensibilité et de l’esprit », « équilibre », ou parfois jusqu’à ce contact direct avec un les, que la longue patience n’est pas son fort et qu’il tout ce qu’il vous plaira. Et cette chose, public au travers d’une oeuvre d’art. donne le succès aux réussites les plus immédiates. notre modernité la reconnaît bien comme Et si l’on nous reproche que dans tel Je ne le vois pas bien prenant à son compte la de- une valeur, philosophiquement parlant, spectacle la technique n’égale pas l’inten- vise : « Il n’est pas besoin d’espérer pour entrepren- mais au vrai elle s’en soucie à peu près tion esthétique, nous répondrons qu’en dre ni de réussir pour persévérer ». Le type du succès comme des classiques grecs et ce n’est effet, elle ne l’égale pas, car on ne peut moderne c’est le record et l’on n’est pas actuellement pas beaucoup dire. demander à des jeunes gens de pousser en un grand homme, ni même simplement un homme Alors, pourquoi la Rythmique, trois ans à la perfection l’étude du solfège, connu, si l’on n’est peu ou prou « recordman ». Si puisqu’elle ne concorde pas avec notre de l’improvisation, de l’harmonie, de la l’on tient au succès, si l’on veut être moderne, il faut monde moderne, puisqu’elle n’amène pas technique corporelle, de la physiologie, du donc se spécialiser. à un succès ? Eh bien, précisément, pour rythme musical et musculaire et de leurs La plupart des gens admettent, en théorie, qu’il lutter contre cette obsession du succès, de rapports intimes. Et nous répondrons en- y a là quelque chose de fâcheux, tant notre esprit la réussite immédiate, pour former des core que vu les conditions, le résultat est reste attaché aux idéologies de nos parents. Mais hommes et des femmes qui comprennent extraordinaire et doit faire réfléchir sur en pratique ? Essayez une fois, sur un fait bien le sens de l’équilibre intérieur, de l’unité, la valeur de cette méthode en tant que précis, de faire admettre à qui que ce soit que la de l’harmonisation du corps, de la sen- base d’éducation. défense d’une idée ou d’un principe doit primer sur sibilité et de l’esprit, qui ne se soucient En outre, on ne sait généralement un bénéfice immédiat! Par exemple que la fidélité pas de records et qui préparent, peut-être pas que tel danseur a commencé par la aux règles établies par M. Jaques doit primer sur pour longtemps dans l’ombre, le retour à rythmique, que tel chef d’orchestre l’a la diffusion et le succès de la rythmique dans tel une civilisation qui de nouveau prenne sa patiemment étudiée. De cela encore il faut ou tel pays. Vous verrez comme s’évaporent les base sur la notion de juste milieu, ni trop prendre notre parti, car ce qu’elle leur a idéologies de nos parents. ni trop peu, comme fit celle des anciens donné, ce n’est pas le dernier vernis qui Ainsi, à la recherche du recordman, le public Grecs. fait le succès, mais la base large et sûre considère le rythmicien. Il aimerait tant en donner Ainsi, pour répéter une phrase mille qui fait la valeur, la richesse et l’équilibre une petite définition pratique en lui attribuant une fois dite et redite, la gymnastique rythmi- de leur talent. bonne petite spécialité. Il en trouve une qui est de que n’est pas un art, mi-danse, mi-musi- battre trois temps d’une main, quatre de l’autre, que, mais un principe éducatif. Elle ne vise mais il juge avec bon sens que c’est assez maigre pas à former vite des sujets exceptionnels comme apport et peu efficace, et trop souvent il par la culture intensive et forcée d’une passe son chemin. C’est qu’il est vrai que le rythmi- seule faculté. Un art est une floraison, un cien moyen n’est généralement ni un improvisateur aboutissement, une perfection limitée hors ligne, ni un danseur éblouissant; généralement, par un cadre, le cadre des moyens techni-

80 1909-2009 19322-2009 (R.A.)

Ruth Alperson is Dean of the Hoff-Barthelson Music School, in Scarsdale, New York, and senior faculty of the Dalcroze Program at Diller-Quaile A comment on “Why in New York City. Dr. Alperson has a Ph.D. from New York University, and the Diplome from L’Institut Jaques-Dalcroze. Eurhythmics by Ruth Alperson is not modern” by Frank Martin

RANK MARTIN’S ARTICLE OPENS WITH lines ologies and practices that are timeless Membership in the Dalcroze Society of from a song by M. Jaques. Clearly, the in nature, universal in meaning. Indeed, America is limited to a few hundred; a “singer” is a student of eurhythmics: “Je Martin notes, the central ideas and goals mere handful of Diplomees are currently n’sais pas pourquoi j’fais la Rythmique, of Eurhythmics—unity, inner equilibrium, teaching in the United States. As Mar- je n’sais pas pourquoi” (“I don’t know and the integration of body, mind and tin has written, the journey is long, the why I do Eurhythmics, I don’t know spirit—hearken back to values associated learning never ends, the commitment is why”). Martin observes that the theme of the song, with the ancient Greeks. It is this, in part, that to a lifetime of study. The population intended by Dalcroze as a spoof, is no laughing writes Martin, that alienates young stu- of Dalcroze students and teachers in the matter to Martin, who exclaims, “Let’s hope that dents, who wish to be “modern.” U.S. might be relatively small compared later on they will know why when they teach it!” Martin poses the original question, with those involved in other approaches Martin mentions that a large number of eu- now rhetorical, in his own voice: “Why do in music education. However, because of rhythmics students express dissatisfaction with we learn eurhythmics?” And he answers: the nature of the Dalcroze work, and its their studies. Why is this so? Martin posits that “Eurhythmics is not an art form as such, but demands, its devotees are eager to work the lures of modern times—an increased desire an educational principle.” Unlike an art hard, and to learn; their commitment for material things, and a yearning for greater sta- form, eurhythmics does not aim for the emerges from their excitement about, tus in one’s profession—turn the students away production of a “work,” or the creation and passion for, this course of study. Eu- from eurhythmics, a discipline that is decidedly of a “style.” Embedded in the creation of rhythmics has shaped my life as a teacher not modern. a work of art is the aim for perfection, “a and musician. After decades of work in Martin comes to this conclusion quite perfunc- perfection limited by a frame, the frame Dalcroze Eurhythmics, I find it compelling, torily; in his article, Martin does not guess at any [sometimes] of mediocre techniques, of the challenging, and endlessly interesting. other possible reasons for the students’ attitude. style of the creator....” Eurhythmics, on the And this wonderful, wondrous journey This makes me wonder if there are not, perhaps, other hand, does not aim for a product, continues... other and more complex reasons for the students’ in the form of a work of art, but, rather, malaise. For instance, might the teachers —Martin involves its practitioners in a never-ending among them—have been remiss in some way in journey, a constant and dynamic push their approach? I cannot help asking this ques- forward. This orientation, asserts Martin, Résumé (Madeleine Duret) tion; today, teachers might consider taking some stands in total opposition to the “modern” responsibility for displeasure among the students. wish for quick success, and the opportu- L’auteur mentionne la citation de However, the modern reader must make allowances nity to compete for the highest score in F. Martin « je n’sais pas pourquoi je for differences in culture and generation. one’s profession. The rhythmician’s path fais d’la rythmique », paroles parodi- Martin mentions the “recordman” as one who does not cease when a goal is reached; ques de Jaques-Dalcroze, et se pose competes for the highest score, the most recogni- learning leads to more learning. la question de savoir pour quelles tion, the greatest success, and who epitomizes the Martin adds a Postscript to his arti- raisons les étudiants ne semblent modern-day go-getter. The “recordman” places cle. In the preceding paragraphs, Martin pas satisfaits de leurs études. little value on perseverance or long-term efforts, makes his case by maintaining that eu- La raison invoquée par Martin preferring the reward which is quickly won, the rhythmics does not strive for the creation (la rythmique n’est pas moderne) ne goal handily reached. of works of art, and that includes public la satisfait pas. Elle se demande si Martin compares the “recordman” with the performances. Here, Martin is careful to la cause du malaise vient peut-être rhythmician, who might hope to achieve fame and add that, sometimes, eurhythmics stu- des professeurs eux-mêmes (dont fortune through his work. Perhaps some of those dents do, in fact, prepare works to per- Martin) qui ne savent pas expliquer same students of eurhythmics who are dissatis- form in public. Lest the reader wonder la méthode. fied with its “old-fashioned” values, hope to gain why, Martin explains that, among those Martin affirme que la rythmique special expertise through their studies. Why not? involved in the arts, there is a natural n’est pas moderne, car elle ne cherche After all, the rhythmician develops many faculties need to communicate with others. More- pas la performance et la spécifica- and skills: in movement technique, using conduc- over, Martin praises the students who, in tion. Et pourquoi pas ? Se demande tor’s armbeats, in piano improvisation, solfège, spite of a mere three years of professional l’auteur. Le rythmicien développe and others. Supposedly, the eurhythmics student training in eurhythmics, offer an artful des savoir-faire qui lui permettent could specialize in one of these, and become a great demonstration of their studies in solfège, de se spécialiser soit en mouvement conductor, a renowned pianist, a prima ballerina. improvisation, harmony, movement tech- ou en solfège, en improvisation, en However, writes Martin, eurhythmics is not about nique, and rhythm, and ways in which direction etc. performance, but about education. There is no all these elements combine and interact. La rythmique n’est ancrée dans chance for the rhythmician to gain recognition as The result, writes Martin, is “extraordi- aucune époque. Aux Etats-Unis de that sought by the “recordman,” because the essence nary:” the demonstration makes viewers nos jours, il y a très peu de dalcro- of eurhythmics is personal, and internal. The labors reflect on and appreciate the value of this ziens, mais ils sont toujours mus par of the rhythmician, over time, yield fulfillment training, and its application in general le désir d’approfondir leur travail, through one’s inner evolution as a musician, as a to education. Thus, the performance is ceci en raison de la nature même learner, as a teacher, and as an individual. itself educative. de l’approche dalcrozienne. Et pour The core values of eurhythmics are rooted Although this article was written over l’auteur, ce magnifique voyage de dé- not in modern times, or in any particular time. 70 years ago, the subject matter is relevant couvertes continue inlassablement. The study of eurhythmics promotes age-old ide- to Dalcroze Eurhythmics in America today.

1909-2009 81 19322-2009 (F.B.)

Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S. Warum die Rhythmische Gymnastik nicht ‚modern‘ ist von Fabian Bautz Kommentar zu Frank Martins Artikel von 1932

O HAT FRANK MARTIN, KOMPONIST und Pro- aufgaben werden rhythmisiert und wegung, von Aktion und Reaktion, von fessor am Institut Jaques Dalcroze – vor Groove oder Fungames sind in! Durchsetzung und Anpassung zu initi- 75 Jahren seinen Artikel betitelt. Seine Ein Erfolg der Rhythmik? Vielleicht, ieren, und die Begegnungen zu einem Gedanken sind so aktuell, dass ich der aber nicht für sie selbst! Sicherlich aber lebendigen und lebensnahen Erfahrungs- Frage nachgehen will, was sich für die Ergebnis ihrer Nachhaltigkeit, mit der sie und Lernfeld werden zu lassen, Rhythmik heute gegenüber damals ver- über Jahrzehnte zum Impulsgeber und – Fähigkeit, das Potenzial und die ändert hat? Ideenspender wurde und sich gleichzeitig Ressourcen ihrer Schüler auf vielfältige Einerseits sehr viel, denn in den letzten 30 in den Hintergrund drängen ließ. Viel- Art und Weise immer neu herauszufor- Jahren haben viele alte und neue pädagogische leicht hat aber auch der Zeitgeist diese dern; sie mit der Musik und ihrem Spiel Disziplinen, zu deren Methode die Bewegung Entwicklung gefördert. Und ich vermute, zu überraschen und ihnen zu größerer gehört, Elemente und Inhalte der Rhythmischen dass ihr schwerer Stand heute auch damit Differenzierung ihrer Bewegungen zu Gymnastik ohne Quellenbezug einfach übernom- zu tun hat, was Frank Martin zur Frage verhelfen, men und integriert. Ich denke an das, was heute der Spezialisierung schreibt, und daran – Gestaltungsgabe, mit der sie Wege z.B. im Sportunterricht, in der Psychomotorik, der hat sich bis heute nichts geändert: zur persönlichen Erfahrung, Entfaltung Motopädie, der Bewegungstherapie und anderen „Der gewöhnliche Rhythmiker wird im und Kontaktfähigkeit anbieten und dabei Methoden selbstverständlich geworden ist: Immer Allgemeinen weder ein außerordentlicher zum eigenen persönlichen Bewegungs- öfter wird dort Musik eingesetzt, im Hintergrund, Improvisator oder ein umwerfender Tänzer ausdruck finden lassen – und an Vieles als atmosphärische ‚Aufwertung’, als antreibende sein. Große pianistische Fähigkeiten werden mehr, was sie in einzigartiger Weise er- Begleiterin oder meditative Beigabe. Bewegungs- ihn eher selten auszeichnen und seine gründ- möglichen. lichen Erfahrungen der Gehörbildung ma- So geleiten Rhythmikpädagogen zur chen ihn noch nicht zu einem anerkannten Erfahrung von Vielseitigkeit und Wandel- Sänger. Auch eine Krone zur Auszeichnung barkeit, zu Gestalt- und Phantasiereich- als Gymnast kann er sich nicht aufsetzen.“ tum im Ausdruck und unterstützen einen So beschreibt Frank Martin die Situation, persönlichen, künstlerisch pädagogischen oder das Dilemma? Und wenn Kollegen/ Entwicklungsprozess. Darin sind sie Spe- innen zialisten! Kompetent im kunstvoll, spie- lerischen Vernet- zen

heute hier der Bedin- widersprechen, weil sie gungen und sich in einer der genannten Parameter von Zeit – Raum – Kraft und Disziplinen ausgezeichnet haben, Form in der Musik zu immer neuen Auf- halte ich seine Aussage doch für bedeu- gaben. tend und wesentlich für die Rhythmik: Ihr Ziel dabei ist nicht ein kalkuliertes „Nein! Der Rhythmiker ist ganz bestimmt Ergebnis. Die Leistung ist im besten Fall kein Spezialist! Und wenn er es sein will eine Überraschung, einzigartig und ori- und als solcher auch noch Erfolg haben will, ginell. Der Weg dorthin ist Improvisation verfehlt er mit Sicherheit seinen Auftrag – und dies nicht nur auf dem begleitenden und den der Rhythmik“ (F.Martin). Instrument, sondern auch in der Methode, Eine provokante These, die ich nicht mit der immer wieder neu zu stellenden so schnell widerlegen kann und über die Frage nach dem ‚Wie?’ des Miteinander. nachzudenken lohnt. Denn es gibt doch Mit der Frage nach Genauigkeit und Qua- etwas, das sie auszeichnet, die Rhythmik- lität, nach Variationen und Lösungen, die pädagogen/innen – heute wie damals! vielleicht anders, stimmiger oder auch Ich denke z.B. an ihr Wissen und ihre Er- komplexer sein könnten. Die Antworten fahrungen im praktisch-pädagogischen werden und müssen überraschen. Und Umgang mit den Gesetzmäßigkeiten von genau darin ist die Rhythmik auch heu- Musik und Bewegung, an ihre te nicht modern, weil in ihren Ergebnis- – Gabe den Dialog von Musik und Be- sen nicht vorhersehbar und quantitativ

82 1909-2009 19322-2009 (F.B.)

schwer zu erfassen. Martin in seinem Artikel. Amélie Hoelle- Wenn wir heute sehen, dass in den Musikpäd- ring (München) hat sie ein Bildungsprin- Abstract (Fabian Bautz) agogischen Ausbildungen die oben beschriebenen zip genannt, das den Menschen in den Erfahrungs- und Lernbereiche gekürzt werden, Mittelpunkt stellt und ihm die Möglichkeit Frank Martin, composer and obwohl Schulleitbild und Fächerkanon musischer eröffnet, sich an sich selbst und an die professor at the Jaques-Dalcroze und künstlerischer Studiengänge von Sozial- und Gemeinschaft durch die Musik und in der Institute wrote his article 75 years Beziehungs-kompetenz ebenso sprechen, wie von Musik – durch die Bewegung und in der ago. His considerations and argu- der kreativen Gestaltungsvielfalt, von Ausdrucks- Bewegung wieder anzuschließen. Neuro- ments seem to be appropriate to the reichtum und Individualität, dann zeigt sich, dass physiologen, Erziehungswissenschaftler controversies in pedagogy and edu- diese Fähigkeiten mit ihren Auswirkungen für die und Biologen bestätigen, dass wir uns in cation of our days: Eurhythmics is Persönlichkeitsbildung heute nicht im Zentrum ste- Resonanz mit Musik und Rhythmus wie- still not fulfilling the tendencies of hen. Stattdessen werden ‚Innovationen’ – vielleicht der verbinden können, um entwicklungs- specialisation, of superlatives and sollte ich sagen Modernisierungen – im Erziehungs- und überlebensnotwendige Eigenschaf- sensationalism. It has always main- und Bildungs-wesen verordnet, die oft verschleiern, ten und Fähigkeiten zu üben, zu erhalten tained the holistic principle of music dass bewährte Inhalte unbequem geworden sind, und rückzugewinnen. and movement as one. und das Bemühen um ihren Erhalt nicht mehr zu „Wir können doch nicht verleugnen, dass Frank Martin is provoking us by lohnen scheint – im Sinne des überall verlangten die Ausrichtung der Rhythmik in gewissem saying that the teacher of eurhyth- ‚schnellen Erfolges’: Sinne jeder modernen Bewegung hin zu mics is rarely a specialist at the „Die Rhythmik ist nur um eine einzige Sache Spezialisierungen und Rekorden entgegen- piano, seldom a perfect singer, nor bemüht, ob man sie nun Einheit, Integration oder gesetzt ist. Und erst in der Bestärkung dieses a virtuoso dancer or acrobat. If we Harmonisierung des Körpers, der Sensibilität und Anliegens geben wir ihr den richtigen Platz would attempt to specialize and if des Geistes nennt“ – schreibt Frank Martin. Und und ihre wahrhafte Daseinsberechtigung.“ we would try to become successful diese Begriffe sichern ihr zwar ein gewisses Maß Mit diesen Worten schließt Frank Martins as individual artists, we would miss an Anerkennung, tatsächlich aber ‚nicht viel mehr Artikel. Seinem Plädoyer möchte ich mich our role and “adulterate” the meaning als den griechischen Philosophen’ und das ist wenig. anschließen und bekräftigen, dass wir of eurhythmics. But obviously there Und eigentlich ist die Tatsache, dass Rhythmik von ‚Glück sprechen können’, wenn es is something that makes us ‘special’ auch nach 100 Jahren noch zu den pädagogischen gelingt in der künstlerischen Pädagogik without being or becoming modern. Disziplinen gehört, deren Anliegen im Kern immer Nischen zu bewahren, in denen man sich Take the art of Improvisation–a ba- noch die gleichen sind, ein Kompliment. den drängenden Ansprüchen nach Anpas- sic element of our approach–there Emile Jaques-Dalcroze hat die Rhythmische sung und Modernität widersetzen und is space for creation in all styles pos- Gymnastik vor 100 Jahren in einem geistigen Kli- stattdessen Integration, Integrität und sible: modern, avant-garde, experi- ma und Umfeld des Aufbruchs entwickelt. Seine Kontinuität pflegen kann. mental etc. Methode war und ist revolutionär – aber nicht mo- Frank Martins Artikel ist ein Beispiel Aren’t we specialists with a deep dern! Wenn Errungenschaften modern geworden dafür, dass gesellschaftspolitische, huma- knowledge of the integral rules and sind, geschieht das meist um den Preis ihrer ur- nistische und künstlerisch pädagogische laws in music and movement–with sprünglichen Kraft. Dann sind sie entschärft, leicht Überzeugungen mit Relevanz über histo- our capacity to initiate the dialogue verträglich und meist auch kommerziell nutzbar rische Epochen hinweg Gültigkeit haben between both of them? Facilitating geworden. In diesem Sinne dann erfolgreich, ver- können. Wie sonst könnten seine Worte and creating an artistic and lively lieren sie jedoch oft die Essenz ihres Ursprungs. Mit heute gedruckt kaum verraten, dass sie field of communication and contact der Rhythmik ist das im Großen und Ganzen nicht vor 75 Jahren geschrieben wurden. between movement and music, our passiert. Sie glänzt aber auch nicht mit Sensatio- competences are supporting a pro- nen und muss um ihr Bestehen kämpfen. Deshalb Fabian Bautz–Rhythmiklehrer cess of personal, artistic and peda- können wir ihren Wert am besten realisieren und und Rhythmuspädagoge: HSLU gogic development. We are pointing lebendig erhalten, wenn wir dem improvisatori- Hochschule Luzern Musik, ZHdK towards the experience of polarities schen Gedanken treu bleiben, beim Unterrichten Hochschule der Künste und in music and movement. On a social Spontaneität und Originalität riskieren, und nicht Konservatorium Zürich, Musikschule level our pupils are moving between fragen, ob wir modern genug sind. Malters, Lehrerweiterbildungen in der adaptability and autonomy, solidar- „Die Rhythmik ist keine Kunst – halb Musik, halb Schweiz und anderen europäischen ity and individuality, commitment Tanz, sondern ein Erziehungsprinzip“ schreibt Frank Bildungsstätten. and accomplishment, acting and re- acting. Thus we are practicing and teaching a unique way of creativity and creation – yet, considering ar- tistic “output” there is no calculation possible in advance. This moment of the unexpected is contrary to all controlling tendencies in our days and therefore not modern: “We can not deny that eurhythmics is working in opposition to all specialisation and competition. And only in strengthen- ing this commitment we give it the right place and the right to be” (F.Martin). We can call ourselves fortunate if we can prevent eurhythmics from adaptation to the principle of maxi- mum and quickest exploitation and preserve it as a refuge for integration, integrity and continuity today.

1909-2009 83 R.B.P. (1934) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Reflections on Dance by R.B.P.

MULTITUDE OF DIFFICULT PROB- artistic instrument it must constantly disregard if limited to automatically repeating the LEMS BESET the critic who those attitudes imposed on it by the necessities of same formula, no matter how perfect it ventures into the domain daily life. Gesture will lose its explanatory, imita- may be. of Dance. Such a variety tive, that is its utilitarian value, to become sign and Classical dancers today employ pro- of performances, each in symbol. Whatever feeling, whatever aspect of our cedures identical to those of their prede- turn, demand and hold being dance might wish to arouse, the movements cessors a century ago. However, there ones attention, making it difficult to im- it will adopt will never be those to which we have is no art that doesn’t change technically partially resolve the problems they raise. recourse in daily life and will have artistic value as it develops: it’s even a condition of its The choreographic art seems to change only as much as it distances itself from them. Here, evolution. How then has classical dance definition according to who is in charge, more than elsewhere, an absolute stylization must been made an exception to this rule? The each school working from a different base record its artistic limits. immutability of its language is its surest toward a different goal. What manages Among all the species of dance which today condemnation. Moreover, does it lose all to sustain confusion in the hearts and fight for existence, there is one that without doubt meaning outside the framework of ‘ro- minds of the onlooker is that this art has deserves to hold our attention since it undeniably mantic opera’ where it knows its place not yet managed to disentangle itself from fulfills one of the terms of our definition; classical and how to charm us? the hazardous support offered it by music, dance. Is it not characteristic that French bal- theatre and drama. A musical score and From the chaos of human movement, it has let shows itself incapable of rediscovering a dramatic situation have always served ‘chosen’ a vocabulary, a fixed language with its own a tradition that even among all others as support for the master-creators of bal- logic and necessities, a language unto itself that must be the most familiar: the court danc- let. There is no choreographic work inde- does not imitate ours. It’s a question of knowing es? Is there anything more distressing pendent of the interpreters performing it however, if the means of expression it has adopted than the absence of taste, nobility and or in which immutable characteristics once and for all retain their freshness, are indeed musical understanding demonstrated in may not be altered. If, however, dance is still meaningful? The symbols of artistic language their interpretation of Lully or Rameau? an art on the level of music and poetry, it are of value only if they reveal to us, in their own The grace, charm and sparkling virtuosity must find in itself a reason for its existence specific way, a reality of which we would not be of the ballerinas can ravish us in “Taglioni and its justification. aware without their help. They become useless chez Musette”, but leave us cold in “Hyp- All forms of art interpret reality by polyte et Aricie”. totally different sets of symbols and signs. There is, in truth, nothing less clas- The painter with the help of colour, the sical than traditional ballet. In classical writer with words and the musician, times, the artist did not embody his pas- sounds, evoke nature, humanity and sions, desires and emotions, but rather emotions by means specific to painting, subordinate them to a preconceived ideal literature and music. The materials used of beauty developed by a society which are set once and for all even though the was, in it’s time, of the highest perfection. combinations are infinite; the writer is It’s that subordination of emotional sen- limited to the words of the language in sitivity to the imperious demands of an which he is writing, the musicians to the exclusive style dictated by the taste, pref- tones of the scale. These are the tools erences and aspirations of an elite at the that, passed from hand to hand, remain height of its development that conferred never less than what they are. Of all the on classical art its sovereign dimension arts, only dance uses an instrument that and its independence. One must be careful is infinitely variable, unpredictable and not to confuse that distinctive objectivity subjective; the human body, with all its with an exaggerated virtuosity that, los- movements and attitudes. How to reduce ing the reason for its existence, becomes this living entity to the objectivity of a an end in itself. In a verse of Racine or a word, a sound or a colour before being Mozart minuet, technical perfection is to- transformed by the artist? The refine- tally suitable to its expressive goal, never ment, the nobility of an art is in direct exceeding its purpose. Nothing similar in proportion to the symbolism revealing the choreography of a Vestris! The great the elements it uses to reconstruct the ballet masters who, from the end of the real world. However, dance comes dan- 18th century established the traditions gerously close to nature. In order for the of classical ballet which have remained human body to transform itself into an much as they were to the present day,

84 1909-2009 R.B.P. (1934)

quickly allowed themselves to be dominated by the technical instrument they themselves had helped to forge They produced a magnificent development in choreographic virtuosity, but as it was entirely committed to their personal tastes, soon lost the simplicity, nobility and cohesion that distinguished works of the truly classical period. Let us recognize however that they will not have been without value if they have taught us what could and must be a choreographic discipline. Here, one will not fail to raise the objection of the Ballet Russe and to cite “Le Sacre du Printemps”, the “Danses du Prince Igor”, etc. All these ballets are, in effect, classically based, but it’s that a new element comes into play to enliven and renew them; Russian popular dances. Old and fertile national traditions lend to the magnificent inventions of Fokine and Massine a special flavour, a real significance. It is mostly those ballets where everything, the legends and the costumes, is Russian, which have earned for these directors their unquestionable triumphs. Classicism only gave them the resource of bodies trained to overcome all technical difficulties. refined eclecticism allows them to revive, is the transposition of musical rhythm Let us not forget that these national dances, miraculously, the most diverse styles, and into bodily movement. By affecting our for the most part several centuries old, are equally their delightful choreographic poems bear whole physical being by the rhythm which coordinated and logical choreographic systems. witness to an exceptional musicality and first strikes our ears, this method obliges Whether Spanish, Russian or Cambodian, each pos- a technique both refined and meticulous. us to make a more direct, a more alive sess movement choices and a technique appropriate But remove the Sakharoffs themselves contact with the music. Furthermore, the to their purpose. They have a style and reveal the and there remains no school, no method transformation of sound into movement character, instincts and passions of the peoples independent of themselves. and musical duration into spatial energy who gave them birth. The Russian dancers have left Is that to say that one must agree with gains for us a more experiential, precise us with an unforgettable example of what can be the lazy critics who eternally return to the understanding of ourselves in space and gleaned from them. In spite of their brilliant suc- classics and discourage all efforts, indi- time. Jaques- Dalcroze doesn’t seem to cesses and the enormous artistic pleasure we owe vidual or collective? Must one renounce consider bodily movement as artistic them, it’s unsure that they show us the path to the the desire to create a healthy, viable tra- material comparable to that of sound for future and that a more or less happy combination of dition, an environment favorable to the the musician or colour for the painter. classic and national or other dances is a satisfactory birth of new choreographic methods, a He imposes the study of it on us only to solution to the problem we’re addressing. less artificial atmosphere than that of our allow us to attain a true understanding Observed closely, one is struck by the contrast theatres whose special demands adapt of our body, and a happy balance of our that exists among the profusion of productions, badly to patient research? Those times strengths and faculties. the multitude of dancers both male and female that saw the birth of such pure forms as Therein lies the difference between la that fill our stages, and the rarity of actual schools the sarabande and the minuet are no more. Rythmique Jaques-Dalcroze and dance: of dance. Is classicism the only coherent, organic Classical dance represents neither our for the latter, movement is a symbol, a system created in Europe in the past century? thinking nor our present-day yearnings in gesture, for the former, a personal expe- The art of choreography, contrary to misleading the way a 17th century minuet explained rience, a means to physical and mental appearances, could well be an anachronism in the spirit and the tastes of a society, a cul- development. our time. To be convinced, just remember what it ture. The most successful manifestations This separation is not, however, ab- was in those periods when it expressed the soul of of seductive virtuosity adorned with all solute, and connections linking one with peoples and civilizations still young, where it ac- the prestige our best designers can pro- the other have not been slow in forming. companied religious cults, festivities and warlike vide cannot blind us on this point. Only Rhythmic gymnastics began as bodily parades. Undoubtedly it found its enchantment at the cost of multifaceted efforts will we solfège. As such, it had to find movement and perfection in the eras where it enlivened the succeed in discovering the psychological equivalents to musical sounds. Precise grand architectural conceptions of its day: Egyptian, base necessary to the working out of a movements were adopted to translate Hindu or Greek temples, the palaces and gardens living style and the technique it entails. measures, note-lengths, metrical or rhyth- from the Renaissance to the 18th century. If one The first steps down this road have al- mic accents, syncopations etc. All dynam- reflects that then, each people, sometimes each ready begun and original attempts have ic nuances as well as those of phrasing, social group had for its use a body of steps and not, in our time, been lacking. Arbitrary and even of touch–legato, staccato–were movements in a specific style, then compares that choices, dominating as they do the world conveyed by the body. And so indirectly, richness of creative imagination with the poverty of choreography, favour all tests and ini- thanks to the music, movement became of imagination – as opposed to execution – that tiatives. Among these, Eurhythmics of enriched with new qualities and nuances characterizes the 19th century and our own, one Jaques-Dalcroze seems to promise happy and the body acquired, if I can put it thus, strongly risks being discouraged…. results. In the mind of its creator Eurhyth- the sense, the meaning of weight. The We must not be deluded by such exceptional art- mics is more than a system of dance. It is poet in classical dance is uniformly light; ists such as the Sakharoffs. Their subtle taste, their above all, a pedagogical method. Its aim he supposes no obstacle insurmountable,

1909-2009 85 R.B.P. (1934)

no resistance that cannot be vanquished. With Eu- breath, carried by the music to their es- dance, one must not conclude that it may rhythmics he is capable of power and energy as well sential truth, shorn of all the allure that dispense with a discipline, a symbolism as lightness and grace. researched costuming and erudite décor exclusively its own. Laws of harmony, po- A special technique took shape whose aim was might add, moving in their very simplicity. lyphony, form, instrumentation, have to make the body supple, capable of expressing ev- These huge ensemble performances are conspired to make music the least imita- erything the music demanded of it. In order not to comparable to those of large choral works tive, the most severely symbolic art there become as specialized as ballet, considerable train- where the lack of individual virtuosity is. Dance in turn can become a complete ing was required but technical attainments were not has no harmful effect on the collective art only on the condition it gives in to a placed at the service of any particular form of dance. perfection. But just as choral music does dangerous freedom, not by ridding itself What emerged, little by little, from Eurhythmics was not embody the whole of the art of music, of outdated conventions only in order to not what one can properly call dance, but plastique neither can plastique animée claim to impose new constraints. animée, something physically malleable, always exhaust all the possibilities of the art of A deeper, more complex technique animated by music. Jaques-Dalcroze never tried to choreography. proves indispensable. The technical create from this an independent art form. He never Classical ballet, in systemizing a cer- resources of Jaques-Dalcroze adapt judged it useful to free it from the musical restraints tain number of movements, steps and po- themselves marvelously to slowness, to he had placed on it. On the other hand he saved it sitions, provided in its way an ensemble of legato, to continuous movement but as yet from the ‘story telling’ of pantomime from which expressive means. Eurhythmics wanted don’t allow the lightness and virtuosity even ballet had not escaped. In plastique animée ges- to give it a goal, a soul, a reason to exist. without which no art can beguile us with ture was never assigned the task of replacing words, We remarked earlier that all art inter- refinement and subtlety. Let’s hope that of miming an action. The titles that embellished preted reality with the help of symbols eurhythmicians will unite in creating productions such as “Echo et Narcisse” or “l’Eveil and signs that were its own. Classicism a choreographic discipline from those au Jour, were merely general poetic introductions, created symbols that today no longer exercises as logical, orderly and as uni- stimulants to the imagination but neither programs evoke anything living: Eurhythmics is a versal as those of ballet. Let’s encourage nor librettos. Here, music alone dictated the subject, fertile domain that lacking signs, doesn’t them to discover a system of dance that mysterious and nameless, without a story line. All attempt to exteriorize. has the coherence of classicism without those who have, in Geneva, admired the magnificent Eurhythmicians have tried to achieve its rigidity and that can illustrate with group movement of the on-stage masses in “Centenaire” a synthesis and attempted, according to nobility all the new possibilities that their or “Souvenirs” were truly transported by the vision their means, the delicate experience of master, with the help of music, was able of those human bodies all animated by the same moving from plastique animée to dance. to discover in the human body. It was inevitable that their first attempts It’s long been expected that, as move- would run into major difficulties. Too ment has never done without the accom- often, the students of Jaques-Dalcroze paniment of sound, it could ever do so. retained from their studies a tendency to Two arts cannot collaborate without give, from the music, movement equiva- making reciprocal sacrifices. Any mu- lents which were too material, too math- sic too rich, complete and evolved will ematical. Even though it had only been not endure useless commentaries. As temporary, the act of reducing gesture in long as dance doesn’t draw it’s inspira- order to be the ‘interpreter’ of the musical tion entirely from itself, it’s preferable thought was not without danger. to request works written specially with Musical masterpieces can only lose a view to movement interpretation. It’s in submitting to even the most perfect time at last to increase the really limited movement interpretations because from number of composers having collabo- subject, they become object, and are con- rated with dancers, whom, in view of for strained to be at the service of themes and whom they’re composing, have studied pretexts to inspire another art. Dance the human body as the study their musi- and music describe, each according to cal instrument. It’s only then that music their own fashion and their particular will be able to agree to certain sacrifices language, those architectures of the soul, without the danger of self-mutilation. the abstruse world of feelings, decisions If dance knew how to usefully ask that only they can explain. They have advice from music, music in turn will unquestionably in our thinking a com- gain in truth and power in the service of mon origin and have, little by little, sepa- the human body. rated one from the other as they became At a time when sport stifles gym- more specialized, enriching themselves nastics, where the spirit of competition through new experiences. To wish to en- supplants the spirit of collaboration and slave them once again would only tend when the taste for endless patience has to impoverish them both. Dance had, at been lost, can one hope for the birth of a a given moment, been able with the help new tradition, an art of dance in the full of music to renew and put itself in order, meaning of the word? That is what the which was legitimate. It was a transitory future will show us. Whatever it will be, phase in its evolution rather than its goal the experience will be worth the attempt. or final state. If music has today been able Whether it fails or succeeds, it is ourselves to replace the life and style which a people who will be enlightened. once knew how to communicate through Translation: Donald Himes, 2008

86 1909-2009 1934-2009 (D.F.) Illustrations : photographies de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles © C.S.

Plastique Animée: A Dance Genre by David Frego and a Means to Artistry

HEN DISCUSSING A COGENT PHILOSO- PHY of the various art forms, dance arrives at the table with the freshest face. Prior to 1950 scant attention had been paid to dance philosophy compared with music and theatre. One reason for this lim- ited attention to dance may be that, until recently, dance had no clear notation system. It is possible that writing about an art form without the support of notation made the experience more ephemeral than concrete. Consequently, a well-composed article written for Le Rhythme in August of 1934 that examined the role of classical dance and its relation to plastique animée appears ahead of its time and must have made readers sit up and take note. The author of this article is listed as R.B.P. Some historical background on the author would have been helpful in placing the writer in the world of dance. Unfortunately, a query among Dalcroze historians on the full name of the author has not sic is abstract—we can hear music moving students were improvising movement. For been successful. When referring to the original through time. Movement is concrete—we the observer, plastique animée is also an article, I shall use the author’s initials. can see movement occurring through time. ends or a goal at that moment. The thrust of the original article is centered on By embodying music in purposeful move- Since the publication of the original capturing the expression of dance in Europe at a ment, we are able to express and visualize article in 1934, writers have attempted particular moment in time. The author is critical music in an artistic and meaningful way. to capture the essence of a definition of of classical ballet choreographers mainly because Yet, are we not also describing choreog- dance. A complete discussion would be of their perceived goal to achieve more beauty in raphy with this definition? At this point too lengthy and beyond the scope of this dance than meaning. Conversely, the author praises it may be important to separate plastique article, yet I encourage readers to look the Russian choreographers for incorporating tra- animée from choreography. Choreogra- at the writings of Beardsley (1982); Co- ditional dance elements with folkloric movements phy is defined as “the art of symbolically hen (1962); Copeland and Cohen (1983); of the region. In a brief transition, we arrive at representing dancing” (Merriam-Webster Khatchadourian (1978); and Sparshott plastique animée and how this genre is similar and on-line). This definition indicates that (1995). I also encourage readers to reflect yet unique from dance. It is with this part of the choreography is the means and that danc- on the following definitions of dance with article that I will address and attempt to put into a ing is the ends or the goal. While this is their own personal concept of plastique context for our time. The question that R.B.P. and not a rule, choreography is most often animée that is internalized as part of their I are attempting to answer is if plastique animée structured and can be recreated. Plastique personal Dalcroze experiences. is a genre in the world of dance—in other words a animée, conversely, is less structured. The R.B.P. takes a tentative step towards goal or a product, or if it is a means to developing responsibility is on the person moving to defining the function of dance by say- artistic skills. improvise physical intent based on the ing “Any art interprets reality by a whole It may be helpful to make an attempt to define structure and elements of the music, the of symbols and signs...Dance alone uses plastique animée for readers not immersed in the group dynamic, or the directions of the in- an instrument that is infinitely variable, world of movement-based music education. I realize structor. Is there a difference to someone changing, and subjective: the human body, that by creating a definition, I am also opening the observing a dance or a plastique animée? its movements, and its attitudes.” While door for a world of discussion on the interpreta- I often tell my young students that if a this is true of dance, the same may also tion of this unique facet of rhythmic training. I lay person walked in the room during a be said of singers or actors who use their welcome this discussion and hope that over time, plastique animée experience, that person bodies to communicate symbols and signs we may all come to a fuller understanding of how would think that we were engaged in a re- of reality. Beiswanger (1962) uses the plastique animée functions within the Dalcroze hearsed dance. All their limbs are moving word “metaphor” rather than “symbol” in experience and how it has developed and trans- similarly to the music and they are making describing the function of dance. “[Dance formed over time. similar use of space. Something is going is] a metaphor by which a moving in the Plastique animée is an artistic embodiment of on that is tied to the music they hear, yet, muscular sense takes on the character of music through individual or group movement. Mu- I doubt if a lay person could tell that the a doing or goings-on…Strictly speaking,

1909-2009 87 1934-2009 (D.F.)

then, dances are not made out of movement, but upon movement.” Doing a dance refers to an action, but I particularly like Beiswanger’s use of word “goings- on.” When watching dance, we know that there is something happening. We know that there is expres- siveness, nuance, and a sequence to the movements. The metaphor of movement to other life experiences exists because we, as humans, all move. We under- stand gestures that cross cultural barriers. When we observe movement in dance, we can relate it to either an observed or a personal experience. To be clear, metaphor does not necessarily mean story. Some dances unfold a story, yet some can just be a is the goal. Yet, does that make the prod- with stimulating explanatory information” series of movements. Mark Morris’ Gloria, based on uct artistic or merely an exercise? More- (Merriam-Webster on-line). If we apply the music of Vivaldi, is choreographed on a series of over, who decides if the activity is artistic? the scientific definition of interpretation, ten movement phrases (Acocella, 1993). Each phrase R.B.P. stated that “Jaques-Dalcroze tried to perhaps we may arrive closer to under- can be a metaphor, but they do not necessarily follow transform this genre of movement into an standing the intent and meaning behind a prescribed sequence or story. Still, the dance move- independent art and did not consider that plastique animée. ments are actions that are built upon, or perhaps the movement could be released from the There is a danger inherent in trans- grow upon, the previous action in definable ways. musical yoke imposed upon it.” I interpret lating every event in music into a move- Each phrase would have its mini-form that would this as a goal and that plastique animée ment event. The largest risk is turning the create a definable order to the movement. exists as an artistic ends. This may have movement into a parody of the music. In- In reviewing this brief description of dance, we been the intent of the time because we terpretation, conversely, implies that the find many parallels to the experience of plastique have an historical account to provide person moving is interpreting the basic animée. Movements are defined in phrases and ges- reliability. elements of the music, but also providing tures. Both exhibit expressiveness and communicate Ruth St. Denis, a noted dancer and the expressiveness of the music that may through metaphor. The strongest difference may choreographer, and a student of Dalcroze not exist in direct translation. A parallel be in the special connection that plastique animée Eurhythmics, began a dance genre in the exists in sign language interpreters. A shares with music. While dance can acknowledge 1920s called music visualization. Al- person may sign accurately with no ex- the music, or even thrive without it, plastique ani- though St. Denis denied that music visu- pression, which appears as a translation. mée can only exist with music. It is the music that alization had its parallel in plastique ani- On the other hand, a person may sign breathes life into the movement. A secondary dif- mée, the similarities are evident (Kraus, with appropriate nuances of expression, ference appears in the choreography versus the 1969, p. 148). In music visualization, each attempting to project the speakers intent. improvisatory nature of the presentation. In a dance, dancer directly embodied the rhythm This may be closer to an interpretation the choreographer is in charge. However, in a plas- and tempo of an instrument in the mu- because a signer is changing words into tique animée, the person dancing takes ownership sical score. Even the melodic line had movement. With a plastique animée, the of the structure and interprets the music based on its parallel in spatial dynamics reflected mover is changing music into motion, and individual movement technique, knowledge of music by the dancers (Cohen, 1962). The goal effectively interpreting the music. structure, and artistic sensitivity. was to make music and dance one entity. If we are the ones moving, then the What I was looking for in R.B.P.’s article was a Because the dance world agrees that mu- skill set is more enhanced. R.B.P. refers description of the purpose of dance and how that sic visualization was a dance genre, we to this as a “personal experience and a me- purpose may be reflected in plastique animée. To must agree that the parallel experience dium of psychic and physical development.” address purpose, we need to ask ourselves, “Who is of plastique animée was considered to We are the ones experiencing the kines- our audience?” and “What is our goal?” These two be a dance genre in the 1920s. thetic connections of brain to body. We questions need to be bundled together in order to Music visualization did not last. are the ones creating the artistic phrases. achieve a clearer response. Dance critics felt that this genre was We are the ones who are connected to A simple response to the first question is that not interesting and effectively felt that the music and demonstrating that con- the audience can be passive observers, or the audi- dance said the same thing as music. In nectedness through movement. We, as ence can be ourselves as the ones moving. Sparshott essence, critics felt that “dance should not the movers, become the goal because the (1995, p. 29) separates dances that are to be watched be a translation of the music, but rather an purpose is now to connect ourselves to with movement that is to be experienced. If we are interpretation of it” (Copeland & Cohen, the music. Still, if we are the dancers and observing dance, we are having multiple sensory 1983, p. 188). If we listen to the critics, we are dancing with no audience in mind, experiences: the temporal art of movement through then music visualization and plastique are we dancing for personal pleasure? time; the metaphor of the goings-on; and the aural animée are not artistic. Perhaps a closer Many folk dances and dance collabora- and visual connection of movement to the music. examination of the words translation and tions can exist to symbolize civic unity The audience, therefore, is the goal and the purpose interpretation is warranted. with “no need of an audience in order to is to connect the dance with the observers. The Merriam-Webster Dictionary re- complete the experience” (Sparshott, 1995, While we may observe a modern dance perfor- fers to translation as “a rendering from p. 55). Here is a subtle difference. If we mance as an aesthetic endeavor, we might look at one language into another” (Merriam- are promoting civic concord, then dance a plastique animée demonstration with different Webster on-line). In this version, music is the means to the goal of creating unity. eyes. Is the body in motion with the music? Does is translated into movement. Interpreta- In transferring this concept to our own the body reflect the dynamic nature and nuance of tion, on the other hand, is defined as “a experience in movement, is there a mo- the music? Or, conversely, does the music reflect particular adaptation or version of a work, ment in a folk dance or a group plastique the visual nature of the body moving through time? method, or style” (Merriam-Webster on- animée when you feel that you are part R.B.P. wrote that “the object of plastique animée is line). Within the natural sciences, the of the whole group experiencing an aes- the transposition of the musical rhythm to the moving term interpretation is also used as “a thetic moment? I suggest that this may body.” This statement implies that plastique animée teaching technique that combines factual be one reason why we receive so much

88 1909-2009 1934-2009 (D.F.)

joy from collaborative movement. If this is so, we making movement the means to educa- References shift the emphasis to allow plastique animée to be tion. The answer may be in discovering the means to the goal of joy. a healthy blend between an aesthetic  Acocella, J. R. (1993). Mark Morris. In an effort to connect the joyous and rhythmic goal and an educational transfer to other New York: Farrar Straus Giroux. aspects of movement to dance and plastique animée, learning. Here are two examples.  Beardsley, M. (1982). What is going I chanced upon a quote by St. Augustine in an article In August, 2008, at the International on in a dance? Dance Research Jour- written by Beardsley (1982). Dalcroze Conference in Tokyo, partici- nal, 15(1), pp. 31-36. “Suppose there is no actual work in hand and no pants were treated to an evening of plas-  Beiswanger, G. (1962). Chance and intention to make anything, but the motions of the tique animée presentations by various Design in Choreography. The Journal limbs are done for pleasure, that will be dancing. As ensembles from Japan, Taiwan and Korea. of Aesthetics and Art Criticism, 21(1), what delights you in dancing and number will reply, Most of the audience had experience in pp. 13-17. ‘Lo, here am I.’ Examine the beauty of bodily form, and Dalcroze Eurhythmics and knew what to  Cohen, S. J. (1962). A prolegomenon you will find that everything is in its place by number. look for in the performances. All of the to an aesthetics of dance. The Journal Examine the beauty of bodily motion, and you will presentations were clear representations of Aesthetics and Art Criticism, 21(1), find everything in its due time by number.” of the music, and based on the enthusi- pp. 19-26. It appears to me that St. Augustine’s use of the asm of the audience, this was greeted  Copeland, R. & Cohen, M. (1983). word “number” refers to rhythm and that sequen- as an artistic event. The audience was What is Dance? Readings in Criti- tially ordered movement relates to the beat, meter both educated and enlightened. For the cism and Theory. New York: Oxford and flow of movement and music that is so central to dancers, their presentations were clearly University Press. plastique animée. He also speaks of pleasure either rehearsed and created for the goal of per-  Frego, R. J. D. (2001). Keeping the as an outcome of motion or as an intentional activity formance. What may have begun as a spirit in mind: The experience of to achieve pleasure. This concept is similar to that of movement education experience, gradu- Flow in Orff Schulwerk. The Orff the psychologist, Czikczentmihaly, who describes ally transformed into the product of a Echo, 33(2), 12-17. the flow experience as an engagement in an activity dance performance.  Khatchadourian, H. (1978). Move- that consumes your brain and body so that your focus In contrast, when leading a class of ment and action in the performing is complete. As you emerge from the experience a participants through a eurhythmics les- arts. Journal of Aesthetics and Art sense of exhilaration exists. This pleasure comes son, my goal to assess understanding and Criticism, 37(1), pp. 25-36. most often from doing rather than observing. As encapsulate knowledge in an aesthetic  Kraus, R. (1969). History of the Dance musicians and dancers, we feel that exhilaration experience is a plastique animée as a final in Art and Education. Englewood after a performance when we are emerging from activity of interpreting a musical work. Cliffs NJ: Prentice-Hall. that total concentration. While an audience—if one When we arrive at this point I create an  Merriam-Webster [on-line]. http:// is present—may applaud, our joy or purpose comes environment where those involved can www.merriam-webster.com/diction- from the feeling of being immersed in our art (Frego, apply their new skill set and personal cre- ary/. Accessed: September 22, 2007. 2001). We were challenged to connect to the music ativity to the movement. In order to make  Sparshott, F. (1995). A Measured physically, mentally, and spiritually. the response artistic, spontaneous, and Pace: Toward a Philosophical Under- One other facet of purpose in dance is deciding unique, a personal investment is required standing of the Arts of Dance. Toron- if the movement is strictly for aesthetic purposes by the participants. This investment is to: University of Toronto Press. or a goal unto itself, or if there is an educational often demonstrated with creativity, nu- component for either the performer or the audience, ance, metaphor, and group interactions. This final activity is often created out of R. J. David Frego; Chair, Department the knowledge that has been internalized. of Music; [email protected]; The result is unrehearsed, spontaneous 210.458.4354 and improvised. The goal in the studio is educational, but a secondary aesthetic Résumé goal exists that allows the participants to experience the feelingfulness of the Cet article passe en revue, exa- music. mine et met à jour le rôle de la « plas- In summary, in order to analyze the tique animée » dans la rythmique role of plastique animée in Dalcroze Eu- Jaques-Dalcroze, en comparant rhythmics and the world of dance, we sa fonction, telle que décrite dans need to look through three possible lens- l’article de 1934, avec son actualité es. If we seek to make plastique animée en 2009. L’enquête porte principale- an ends unto itself, then plastique animée ment sur l’analyse et la comparaison fulfills the role of a dance genre—one to du rôle de la « plastique animée » avec be appreciated for its artistic role in the les mouvements structurés du mon- temporal arts. Secondly, if plastique ani- de de la danse, et se pose la question mée is viewed as a means to an end, then de savoir si la Plastique Animée est we must take the experience enveloped un procédé ou un produit, et enfin in this genre and transfer that experience quels sont les enjeux lorsqu’il y a fu- to musicianship, dance interpretation, or sion de la danse et de la plastique acting skills. Thirdly, if we blend the two dans un spectacle. Par ailleurs, il approaches, we arrive at a dance genre est aussi question de se pencher sur that is created to inspire learning from la subtile différence entre la traduc- both the audience and the participant. tion de la musique en mouvement, et Ultimately, this makes the experience l’interprétation de la musique dans cyclic—doing to learn and learning to une réalisation corporelle. do.

1909-2009 89 1934-2009 (D.H.)

Illustrations : photographie de Charlotte Sampermans pour la FIER et l’IJD Bruxelles (p.91) © C.S. Photographie de F.H. Jullien, 1920 (p.90) Glancing at by Donald Himes Reflections

F R.B.P WAS OVERWHELMED BY the “collective feeling”, clearly Jooss managed number and variety of dance pre- to ruffle more than just feathers. sentations in 1934, imagine his Even more puzzling is R.B.P.’s fail- bewilderment today; from bal- ure to evaluate, or even acknowledge letic resuscitations to the latest the enormous influence of Isadora Dun- sub-strata of hip-hop, dance is ev- can, of whom he could scarcely have erywhere! Understandably, the author been unaware. She had toured widely doesn’t attempt to define dance, and nei- in Europe and died tragically only seven ther will I; it’s as frustrating a task as try- years before his article was published., In ing to define rhythm. Certainly dance L’Homme et la Danse, Elie Faure wrote– implies movement, but by what alchemy also in 1934 – “Never have I experienced is movement transformed into dance…..? such vivid emotions as the first time I saw Let’s just all agree that we know it when Isadora dance” Where was R.B.P? Duncan we see it. was the artist who had, after all, inspired Doubtless, R.B.P.’s considerable area Michel Fokine in his attempt to reshape of expertise had been shaped by what the Russian ballet and to free it from the was available at the time in the major stultifying academism which, as the au- European centres; Monte Carlo, Paris thor rightly points out, is the danger of certainly, probably London and perhaps any art-form that refuses to evolve. Amus- even St. Petersburg or Moscow. But in ingly, and quite bravely, considering the light of the new ideas fermenting in the milieu in which he was working, Fokine dance world at that time, it seems odd had announced,“One only has to doubt that he fails to mention for example, Bal- once in order to lose the fetishistic faith in let Russe’s Le Train Bleu. An innovative the absolute value of the ‘five positions’; they “danced operetta” involving acrobatics, sat- have exhausted neither the entire gamut ire and pantomime, it boasted not only nor all the beauty of the movements of the the dazzling creative team of Cocteau, human body and furthermore, the famous Diaghilev, Milhaud, Nijinska and Pica- rule of the arched back, the arms haloed sso, but beach-wear designed by a former around the head and the face to the specta- discipline from those exercises as logical, orderly and student of eurhythmics–Coco Chanel! tor is singularly narrow.” as universal as those of ballet.” Faint hope I would And then there was Kurt Jooss whose R.B.P.’s primary concern was the less suggest, considering the invigorating anarchy “The Green Table”, presented in Paris in than promising direction he perceived reigning in the international Dalcroze community! 1932, divided both critics and audience dance to be taking. Seeking any worth- And in any case would not any set ‘code’ of move- with its potent political message, one that while approach that might save it from ment tend to lead to the same kind of result that would not seem out of place today. Jooss itself, he familiarised himself with the prompted the dance critic of the New York Times managed to transcend the limitations of work of Jaques-Dalcroze, losing no time in to ponder, after witnessing the 2008 season of the his dancers’ ‘classical’ ballet training to identifying the dilemma that still plagues Kirov Ballet, “Do I really like ballet at all? tell his story through violently inflected, those attempting to bridge the delicate An entertaining example of one of the many semi-naturalistic gesture. It so unnerved gap between eurhythmics as pedagogy theatrical possibilities of the sound/movement André Levinson, an otherwise enlight- and plastique animée as performance. duality springs to mind. As the curtains parted, the ened dance critic, that he pronounced Bemoaning the lack of some sort of de- eminent modern dancer Paul Taylor was revealed, it, “a form of barbarity”, which prompted pendable movement technique among motionless. There he remained perfectly still, in Emile Vuillermoz to respond, “Why cannot Dalcroze teachers and their students who dead silence, until the curtains closed several min- a ballet explain a social or philosophical were, for the most part, musicians rather utes later. Who could fault what was arguably the idea, an individual or collective feeling?” than trained dancers, he expresses the ideal movement response to non-existent sound! Even if it could be argued that the corps wish that eventually, eurhythmicians will An equally witty newspaper review followed the de ballet in “Swan Lake” also expresses a somehow unite to “create a choreographic next day giving the location and time of the event

90 1909-2009 1934-2009 (D.H.)

most important qualities of piano playing.” sadness and ecstasy. She somehow found And the young woman in question...none the means to make human emotion visible other than Isadora Duncan! then flung her creations at an unsuspect- If accounts from that era are to be ing public which, until then, had only to believed, Isadora was a force of nature, contend with the comfortable, stylised a much larger than life dance artist as well madness of Giselle. No wonder there as an inspired movement improviser. She were riots! was drawn, painted and photographed by Is there hope or better still, a lesson, everyone; her unique approach to her art for the rest of us? I think we need to keep led directly to Stanislavsky’s method of in mind that when responding to music training actors.. Auguste Rodin said, “She à la plastique animée, just covering the has borrowed from nature that force which basics i.e. does the music goes up or down cannot be called Talent but which is Genius. or how long are the phrases, will never She has properly unified Life and Dance.” suffice. We as performers will be seen How did she do it? Might we–or in- not as perambulating quarter notes, but deed any artist–not profit by investigating, as functioning, sensing, and above all even from a distance, the source of her creative, human beings. Therefore we creative impulses? must respond not only to the musical John Martin, the distinguished Ameri- content, but to whatever emotions we can writer on dance observed, “…she knew, discover aroused in ourselves. The search as no other dancer on record had known, for ways to transform feeling into action that spontaneous movement of the body will invariably lead to solutions that are is the first reaction of all men to sensory surprising, unique but above all, satisfy- or emotional stimuli.” For Isadora then, ing. It will be a journey worth taking! dance was not primarily an art, not even Long live Isadora! a profession, but sprang from a biological necessity! In order to “start the motor in the soul”, as she put it, she surrounded Donald Himes: Coordinator, Dalcroze and three inches of blank space. herself with great sculpture, painting and Teacher-Training at the Royal Sound-into-movement certainly presents music; an environment calculated to pro- Conservatory of Music, Toronto, Canada challenges but the interchange can also provoke vide a benchmark of beauty. From the discoveries. Consider this fascinating example of great composers she chose not only music Résumé what might be called plastique animée renver- that provided her with the impulsion to sée. The eminent American, English-born pianist move, but invariably music that stirred Dans « réflexions sur la danse », Harold Bauer, living in Paris in the first quarter of memories of her own experiences and l’auteur R.B.P. considère avec beau- the 20th century, explained how he transformed emotions. To train herself for the rigours coup de perspicacité, l’état de l’art what he felt was his then unsatisfactory approach of performance, Isadora rejected ‘clas- en 1934, comme il l’a expérimenté et to the keyboard. Not keen to submit to the years sical’, or indeed any too specific dance comment il voit son développement of mindless finger exercises that were then con- technique. She realized that no matter ultérieur, avec une allusion en direc- sidered de rigueur, he recalled, “…I went one day how aesthetically pleasing any ‘style’ that tion du travail de Jaques-Dalcroze et to a private house to see a young woman dance…I depends on the positioning of head, arms sa « plastique animée ». Donald Himes noticed that she was using gestures that seemed to and legs might be, it could never ensure considère ce qui pourrait manquer illustrate all the dynamics of the musical phrase….I her goal of uncompromising emotional dans les allégations de R.B.P, soit l’in- imagined that if I could get my hands to make on a honesty. Her genius forced her beyond fluence de Dalcroze dans son temps, reduced scale certain motions she was making with what were then considered the acceptable et aussi ce qui aurait pu être glané her whole body, I might perhaps acquire some of the boundaries of dance into the dangerous chez Isadora Duncan. fine gradations of tone which, to me, represented the realms of fear, pain, anger, exultation,

1909-2009 91