CÉZANNE LA TROISIÈME ÉDITION DE CE VOLUME A ÉTÉ ACHEVÉE EN JUILLET M. CM. XXVIII, LA GRAVURE DES PLANCHES PAR LA SOCIÉTÉ DE GRAVURE ET D'IMPRESSION D'ART, A CACHAN, LE TEXTE PAR F. PAILLART, A ABBEVILLE (SOMME). " MAITRES DE L'ART MODERNE "

C- -4_e Z A N N E PAR

, tr^sj/an-l. KLINGSOR

40 planches hors-texte en héliogravure

13° édition

LES ÉDITIONS RIEDER 7, Place Saint-Sulpice, 7 . M.CM.XXVIII IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE 62 EXEMPLAIRES SUR PAPIER MADA GASCAR DES PA PETE RI ES LA FUMA DONT I2 HORS- COMMERCE

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays Copyright by F. Rieder & Cle, 1923. CEZANNE

RADUIRE les objets au moyen de belles teintes bien accordées entre elles, tel est le but de Paul Cézanne. Il n'en a point d'autre. Il veut être un peintre, c'est- à-dire un homme qui s'exprime au moyen des cou- leurs et rien de plus. Cela explique tout à la fois ses réussites, et aussi, il faut bien le dire, ses insuffisances. Ceux qui exaltent la richesse de ses toiles, la beauté de certaines œuvres compa- rables à des tapis ou à des émaux de Perse, la plénitude des formes, ont raison. Mais l'on comprend que d'autres lui aient reproché l'indécision des contours. Nous sommes si habitués à voir les choses traduites par ces contours, le trait est pour l'homme un élément d'expression si naturel et si précieux que nous admettons difficilement un procédé qui n'en tient pas compte. Telle était pourtant la méthode de Cézanne. S'il indiquait rapidement la mise en place des objets par un trait, ce n'était là pour lui qu'un point d'appui secondaire. Avant tout, il voulait traduire les formes dans leur épaisseur. Il partait du point le plus sombre pour modeler les plans par touches de couleurs juxtaposées. Et quand il arrivait à la limite, celle-ci se trouvait souvent rejetée un peu au delà ou ramenée un peu en deçà de l'indication première. Aussi ne faut-il pas trop s'étonner de trouver dans ses œuvres de nom- breux repentirs à ce point de vue. La dimension même des corps peut varier, tandis que l'harmonie essentielle demeure. En tout cas, on s'explique assez aisément qu'une semblable méthode de travail ne permette pas d'arriver à un contour rigoureusement géométrique comme celui d'un pot ou d'une coupe. Or, cela, qui est vérifiable par tous, a tout de suite fait dire que Cézanne ne dessinait pas. On s'est mal rendu compte que dessiner, c'est traduire les choses non seulement dans leur limite extérieure, mais au moins autant dans leur épaisseur. Je ne veux pas prétendre que ces déformations de Cézanne, si explicables qu'elles soient, constituent un mérite. Mais il y a pourtant dans le cas de cet artiste des circonstances très atténuantes. Il est venu à une époque où les écoles avaient fait faillite, où tout enseignement solide était oublié. On avait perdu de vue cette nécessité, première pour le peintre, de se servir du ton pour exprimer des formes; le dessin lui-même était devenu quasi photographique. Il eût fallu pour Cézanne naître à la fin du xvie siècle dans quelque bourgade de Vénétie. / Il fut entré alors dans l'atelier du Véronèse, ou dans celui du Tintoret, ou dans celui du Bassan. Tous les éléments ordi- naires de son métier, il les eût sans difficulté appris dès son enfance. Et formé à cet exercice, il serait sans doute arrivé sans peine au contour juste qui lui a parfois manqué. Il eût été alors un homme de la taille du Greco, sinon mieux. Car il avait, avec le goût du grand caractère des formes, le don de l'intensité fastueuse du coloris. Arrivé trop tard dans une époque de décadence, il a dû tout retrouver. Ne lui faisons pas trop grief de n'avoir pu d'un seul coup réinventer toute la peinture. « C'est, comme l'a écrit Maurice Denis, parce que des critiques enthousiastes ont préféré Cézanne à Chardin et à Véronèse, qu'il convient de reconnaître en lui des lacunes, et ï " d'avouer avec simplicité qu'il a subi le contre-coup du désordre de notre temps. Telle est d'ailleurs la puissance de son invention, la sincérité de son geste, que ses maladresses gênent peu et qu'elles disparaissent le plus souvent dans l'harmonie générale. Avec des qualités aussi belles, Chardin et Véronèse ont eu la vertu et la science d'aller plus avant dans l'exécution de l'œuvre d'art. » Il est caractéristique tou- tefois qu'on ait surtout songé devant Cézanne à prononcer les noms de Chardin et de Véronèse. Ces deux-là aussi sont par excellence des peintres. Et je dirais même que Cézanne tient un peu le milieu entre eux deux. Il y a chez lui de la fougue italienne de l'un et de la raison française de l'autre. Aussi bien y avait-il en Paul Cézanne un peu d'hérédité italienne. Sa famille était originaire de Cesena. Elle avait passé les Alpes autrefois pour s'établir en Briançonnais, puis descendre en Provence. Louis-Auguste Cézanne était né dans le Var. Il alla s'établir à Aix comme chapelier et c'est là que Paul Cézanne vint au monde, le 19 janvier 1839. Sa mère Élisabeth Aubert avait de lointaines origines créoles. Elle travaillait alors dans la maison Cézanne. Elle n'épousa le père du peintre qu'un peu plus tard, en 1844. L'entreprise prospérait. Mais la banque parut au provençal plus lucrative que la chapellerie. Il s'associa avec un sieur Cabassol, ancien caissier, et s'installa avec lui rue Boulegon. Et bientôt il fut à même d'acheter en dehors d'Aix, sur la route qui va au châ- teau de Galice, un beau domaine qui comprenait une grande bâtisse du XVIIe siècle et une ferme : c'était le Jas de Bouffan (l'endroit du grand vent). Paul Cézanne, aîné de deux-filles Marie et Rose, avait alors vingt ans. Il venait d'être reçu bachelier ès-lettres, après avoir suivi les cours du collège ! Bourbon. C'est là qu'il avait connu Émile Zola dont le père, ingénieur d'origine gênoise, avait été chargé de construire un barrage près de la ville. Avec leur condisciple Baptistin Baille, les étudiants allaient se promener du côté du Tholonet, des col- lines de la Sainte-Baume et chacun exposait ses rêves d'avenir. Cézanne avait déjà reçu de son père une boîte de couleurs achetée d'occasion et ce fut là peut-être l'origine de son choix. Il avait d'autre part appris un peu de musique et il était deuxième piston dans la musique des Amateurs où Zola fai- sait la partie de clarinette. A vrai dire, il ne resta pas grand' chose au peintre de cette éducation musicale : sa vocation était trop exclusive. Bien entendu, le père de Cézanne ne songeait guère à faire de son fils un artiste. S'il l'avait vu sans déplaisir s'amuser à des coloriages, c'est que cette besogne l'assurait de la tran- quillité passagère d'un enfant passionné; mais il rêvait pour lui de quelque charge d'avoué ou de notaire, et il lui fit prendre ses premières inscriptions de droit. Cela ne faisait guère l'affaire de Paul Cézanne et il s'arrangea si bien qu'il put, grâce à la complicité de sa mère, entrer à l'école du musée d'Aix où il eut comme premier professeur Joseph Gibert. Le musée d'Aix contient quelques belles toiles du maître de Flémalle, de Rubens, de La Tour. Paul Cézanne fut tout de suite attiré par elles. Or, Zola était à Paris; il écrivait à son ancien camarade des lettres enthousiastes et le rêve du jeune aixois était d'aller le rejoindre. Une fois encore, la mère et la sœur de Cézanne obtinrent l'acquiescement du banquier et l'apprenti peintre, qui avait pu se faire décerner un deuxième prix de dessin à l'école du musée, put partir pour Paris. Il s'y logea d'abord rue des Feuillantines et s'en fut travailler à l'Académie libre Suisse, quai des Orfèvres. C'est là qu'il ren- contra Guillaumin et Oller qui lui. fit connaître Pissarro et Guillemet. Mais Cézanne échoua au concours d'entrée à l'École des Beaux-Arts, et pour quelque temps encore il dut retourner à Aix. Maintenant pourtant le mal est incurable. Paul Cézanne revient de Paris enthousiasmé par les Rubens et les Delacroix du Louvre. Et son obstination est trop forte pour s'effacer devant les instances familiales. S'il accepte de travailler à la banque paternelle, c'est en auxiliaire fantaisiste; le plus souvent il s'échappe pour aller au Jas de Bouffan ou pour revoir cette belle campagne aixoise qu'il a parcourue dans sa jeunesse avec ses camarades Zola et Baille, et dont la riche couleur bleue et verte s'étendra à toute son œuvre. « Le pays, qu'eût adoré Poussin, avec ses groupes d'arbres, la ligne intel- ligente de ses collines, ses horizons tout émus d'air marin, est, a écrit Joachim Gasquet, une terre classique. L'Olympe de Trets le garde La chaîne de l'Étoile, qu'on aperçoit des fenêtres du Jas où travaillait Cézanne, découpe un profil de montagnes antiques. La vallée de l'Arc, toute frissonnante de peupliers et de saules, par mille détours descend noncha- lamment, coupée de routes blanches, à travers l'émeraude des vignes, les grands carrés jaunes de blés, les vergers pous- siéreux d'amandiers, vers les étangs et les salins de Berre, par delà les labours roses et les rampes de Roquefavour. Un cyprès solitaire, un figuier près d'un puits, un brusque et dru laurier, çà et là, l'ennoblissent d'une pensée ou d'un sourire austère. Un ravissement virgilien, une mansuétude bleue partout l'apaisent et le fortifient. Mais au nord de la ville le sol devient sauvage, comme tumultueux; la gorge des Infer- nets ouvre, au-dessus du Tholonet, son chaos de roches géantes, les plateaux de Vauvenargues prolongent la déso- lation de leurs buissonneuses pierrailles, l'horizon se fait âpre, et l'angoisse ne se dissipe que lorsque, au détour d'une sente, tout d'un bloc apparaît et rayonne le mont Victoire comme un autel d'azur. » Certes, cette campagne opulente plaisait infiniment à Cézanne. Il n'avait pas oublié les longues randonnées avec ses amis Zola et Baille. Mais il n'était pas encore en possession des moyens nécessaires à la traduction de ce riche paysage. Un sang jeune bouillonnait en lui. Son exaltation ne connais- sait pas encore de discipline. Il aimait Puget dont le musée d'Aix conserve un portrait. Toute sa vie, il dessinera d'après Puget et d'après l'Écorché de Michel-Ange. Cela marque bien chez lui le goût de volumes un peu excessifs. Au musée d'Aix, d'ailleurs, il trouvait une autre indication dans une petite toile attribuée aux Le Nain, représentant des Joueurs de cartes. Et certainement c'est là qu'il dut prendre l'idée du tableau qu'il peignit lui-même plus tard sur le même sujet. Pourtant l'équilibre entre son exaltation romantique et sa vision natu- raliste était loin d'être fait. Cézanne ne pouvait manquer de sentir la nécessité d'un long apprentissage du métier. A Paris, il retrouverait Villevieille, son camarade de l'école de dessin d'Aix; il retrouverait son aîné, le peintre , un nain porteur d'une tête de chevalier, que Cézanne devait portraiturer, un amoureux des Vénitiens, de Titien et de Tintoret surtout. Il y retrouverait aussi Guillaumin et le sculpteur Philippe Solari; en 1863, il repartit pour Paris. Il arrivait, riche d'une pension mensuelle de cent cinquante francs qui fut un peu plus tard doublée par le banquier. Il s'installa près de la Bastille, dans un atelier de la rue Beau- treillis, et sûr du lendemain, il posa quelque peu au bohême. Comme tous les sensibles, Cézanne se cacha toujours volon- tiers sous un masque. La grossièreté des mots, la liberté des attitudes dissimulaient mieux sa nature véritable. Il portait gilet rouge et aimait à festoyer avec son camarade aixois Philippe Solari. Celui-ci avait une petite pension de sa ville natale et il devait préparer le prix de Rome. Mais il épuisait très vite l'argent officiel, et il lui fallait alors recourir à Cézanne et partager avec lui la cuisine, l'huile d'olive et le tabac. Le jeune peintre n'en avait pas moins continué à travail- ler à l'Académie Suisse. Il allait aussi avec Pissarro faire quelques paysages dans l'ancien parc d'Issy-les-Moulineaux. Il adorait tout ce qui était excessif. Ses maîtres étaient alors Delacroix, Daumier, et surtout Courbet. Et naturellement, il renchérissait encore sur la facture épaisse de ce dernier. Il maçonnait véritablement ses toiles; elles semblaient exé- cutées à coups de truelle, et la couleur mal écrasée était sil- lonnée de mille ravines. On sentait déjà ce goût dans un Jugement de Pâris qui fut exécuté vers 1860, mais il se déve- loppa surtout dans son propre portrait daté de 1864, et dans les œuvres qu'il fit l'année suivante, le portrait de Valabrègue, le portrait de Marion, la nature-morte avec le Pain et les œufs, et le portrait du nègre Scifion. Celui-ci était un modèle qui avait servi à Philippe Solari et qui posait à l'Académie Suisse; c'est d'ailleurs là que Cézanne exécuta cette toile largement balafrée de touches allongées et qui fait aujourd'hui partie de la collection . A ce moment-là, l'artiste n'en était pas encore aux recherches de couleur; il s'appliquait seulement à traduire héroïquement les formes par le brun, le blanc et le noir; il n'en était pas encore aux Vénitiens, mais simplement aux Bolonais et aux Espagnols. Cette manière noire durera d'ailleurs assez longtemps, nne dizaine d'années environ. Cézanne aura beau faire la connaissance de Manet, Bazille aura beau le présenter à Renoir, ce n'est que peu à peu que sa palette s'éclaircira, que sa facture s'allègera, que son tempérament violent s'assagira. C'est une fois encore un exemple probant que nous ne voyons pas toujours naturellement les choses, qu'il nous faut ap- prendre a les découvrir et à nous découvrir nous-mêmes. On ne peut contester que dans sa période de maturité Cézanne ait eu la vision la plus personnelle qui soit; elle était donc en puissance chez lui dès sa jeunesse; mais cet acte qui paraît si simple, discerner un ton, en analyser les éléments, n'est pas du tout automatique. Il faut pour arriver à cela une longue éducation de l'œil; et quand un peintre déclare : « Je fais ce que je vois », en donnant à cette phrase le sens de « Je fais ce qui existe », il commet involontairement une lourde erreur. Nous n'avons de ce qui existe que la notion que nous en donnent nos sens, et ceux-ci sont les instruments les plus imparfaits, les plus variables. Ce n'est que peu à peu que nous apprenons à nous en servir et à attacher un sens précis à notre impression. A Cézanne admirablement doué, il a fallu pour ceia dix ans de patiente étude. On peut donc soupçonner qu'il était bien loin d'être lui- même lorsqu il envoyait en 1866 au Salon son A-près-midi a Nafiles et sa Femme à ta puce. Cézanne rêvait, en effet, d'exposer à côté de Bouguereau; il croyait à la nécessité de se manifester dans un ordre établi. Bien entendu ses toiles furent refusées. Un jury ne pouvait comprendre cette exubé- rance de facture, cette brutalité d'exécution qui caracté- risaient alors la peinture de Cézanne. L'auteur protesta auprès du surintendant des Beaux-Arts de l'époque, M. de Nieuwerkerke et il demanda le rétablissement du Salon des Refusés. A quoi le surintendant, beaucoup moins éclectique que l'empereur, ne voulut pas se prêter. Mais Cézanne eut sa petite vengeance. Zola son vieil ami avait été chargé d'écrire pour l'Événement le compte-rendu du Salon. Guillemet d'ailleurs fournissait au littérateur des renseignements tech- niques. Et tandis que le critique louait la Femme au perroQuet et la Remise de chevreuils; de Courbet ou la Camille de Claude Monet, il daubait sur Cabanel, sur Dubufe, ou Signol. Cézanne ne se tenait pas de joie. Son plaisir fut encore accru par la dédicace que lui fit Zola des articles réunis en brochure. Disons au surplus que la même année, le jury avait refusé ce Joueur de fifre, si plein, si large, si classique, qui représente magnifiquement aujourd'hui au Louvre Édouard Manet. Cézanne avait connu Manet au café Guerbois, à l'angle de l'avenue de Clichy, où il était venu avec Guillemet. C'est là que se réunissaient, autour de Manet, le graveur Belot qui devait servir de modèle pour le Bon bock, le peintre graveur Desboutin, les peintres Monet, Renoir, Bazille, Degas, Stevens et aussi des littérateurs : Zola, Cladel, Burty, Duranty. Mais Cézanne était trop exalté, trop violent pour se lier facilement. Manet de son côté avait trop d'esprit et de gentilhommerie. Si les hommes se connurent peu, Cézanne conserva toujours au peintre de l'Olympia la plus fervente admiration. Manet était à peine sorti de sa période espagnole et Cézanne rêvait encore de peindre comme les Espagnols; mais il n'avait pas manqué d'admirer les blancs et les roses de XOlympia au salon de 1865 ; il avait été très sensible au mouvement, au bariolage délicat de la Musique aux Tuileries, à la force du Déieuner sur l'herbe. Et certainement de pareilles œuvres ne turent pas sans avoir peu à peu une certaine influence sur lui et sans l'amener par degrés à une conception plus claire du coloris. L'admiration de Cézanne s'étendait d'ailleurs a Couture; il conserva longtemps dans son atelier une reproduction de l'Orgie romaine; et à la fin de sa vie, lorsqu'il croyait enfin avoir retrouvé la tradition, lorsqu'il regrettait de n'avoir pas eu de maître et de n'avoir pas d'élèves, il répétait volon- tiers : « On ne saura jamais ce que Manet doit à Couture. » Le beau réalisme de la Camille de Claude Monet, avec sa robe rayée de vert et noir, le touchait aussi fortement. Mais ce n'est que par un effort continu que Cézanne se découvrait lui- même; il lui fallut du temps pour arriver à la manière impres- sionniste, et il semble bien qu'il ait suivi ce chemin côte à côte avec son ami Pissarro. De temps à autre, Cézanne retournait à Aix. Il y peignit successivement deux portraits de son père lisant son journal, le premier de profil, encore un peu sombre et rouge, le second de face, le bonnet noir sur la tête, tout à fait heurté dans la facture et dans les contrastes. Le journal que le banquier tient dans les mains est du reste cet Événement auquel avait collaboré Zola de façon si retentissante. A Aix aussi, Cézanne peint sur les murs des fantaisies décoratives; un sang violent bouillonne en lui; il rêve volontiers de grandes compositions qu'il aura toujours peine à réaliser. Et puis, en 1867, Cézanne se marie avec Mlle Marie-Hortense Fiquet. « Mais en réalité il est de plus en plus pris par la peinture et tout s'efface pour lui devant ce démon familier. Rubens et Tmtoret commencent à le passionner autant que Delacroix, et c est à eux qu'il croit devoir se référer sans doute quand il peint, en 1868, le Festin ou la Léda au cygne, de la collection Auguste Pellerin, et deux ans plus tard une Tentation de bamt-Antoine. C'est vers la même époque qu'il entreprend cette composition de Baigneuses, vingt fois reprise en des répliques diverses et dont un état figure dans la collection Pellerm. Toute sa vie, il essaiera d'en poursuivre la réalisation- Mais il manquera toujours de modèles, et Cézanne a beau posséder une imagination ardente, il a besoin pour l'exécution tie s'appuyer sur la nature. Or, il ne dispose que de ses vieilles études de l'Académie Suisse. Il demande donc conseil aux maîtres, à Poussin aussi bien qu'à Rubens, à Signorelli aussi bien qu aux Vénitiens. Chez Poussin, il ne trouve pas seule- ment les belles figures du Triompha de Flore, il trouve une •" ordonnance; la nécessité d'un ordre volontaire commence à s'imposer à son esprit jusque là indiscipliné. Chez Signorelli, il trouve le grand style. non point un style académique et empruntée mais celui aui jaillit de l'observation de la vie. Le magistral dessin du Vivant portant un mort, qui est une des merveilles du Louvre, fut toujours pour Cézanne un exemple incomparable. S'il s enfonçait aind de plus en plus dans la peinture, s'il négligeait Zola et ses camarades de lettres, sentant bien toute la distance qui le séparait d'eux, Cézanne n'en restait pas moins passionné lecteur de livres. Le vieux latiniste au col- lège d'Aix n'était pas tout à fait mort en lui. Parmi les mo- dernes, il faisait ses délices de Baudelaire comme il les fit plus tard de Verlaine; mais surtout il lisait Balzac et plus qu'aucun autre livre, Le chef-d'œuvre inconnu. La figure du peintre Prenhoter le hantait - il trouvait des rapports entre cet être imaginaire et son aîné Emperaire; il sentait que tous deux LES EDITIONS RIEDER — PARIS-VIe MAITRES DE L'ART MODERNE . COLLECTION DE VOLUMES tN-4o POT AVEC QUARANTE PLANCHES EN HÉLIOGRAVURE PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE T. L. KLINGSOR RENOIR par François Fosca GAUGUIN par Robert Rey CÉZANNE par T. L. Klingsor CLAUDE MONET par Camille Mau clair PISSARRO par Adolphe Tabarant MANET par J. E. Blanche BERTHE MORISOT par A. Fourreau COROT par Marc Lafargue VAN GOGH par Paul Colin BARYE par Charles Saunier RODIN par Léonce Bénédite FANTIN-LATOUR par Gustave Kahn I GÉRICAULT par Raymond Régamey GAVARNI par André Warnod CONSTABLE par André Fontainas MERYON par Loys Delteil RAFFAELLI par Georges Lecomte CARPEAUX par Édouard Sarradin TOULOUSE-LAUTREC par Paul de Lapparent WILLIAM BLAKE par Philippe Soupault AVEC SOIXANTE PLANCHES EN HÉLIOGRAVURE � MILLET par Paul Gsell DAUMIER par Arsène Alexandre LOUISE C. BRESLAU 1 par Arsène Alexandre DECAMPS par P. du Colombier

MAITRES DE L'ARt MODERNE

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